Me revoici dans le fandom Tsubasa, avec un ptit cadeau d'anniversaire pour ChibiKitsu^^ C'est du KuroFye (je m'entraîne pour Stairway... nan je rigole, j'oserais pas t'offrir un brouillon^^), avec plein (?) d'autres personnages Clampesques...

C'était un peu long (j'ai pas fini TT), et donc je me suis dit que j'allais fragmenter en 4 (voire 5) chapitres (parce que le 2 est quand même très très long je trouve...). Le 3 est en cours de recopiage et le 4 marine doucement dans ma tête... c'est un lemon, et je dois me sentir prête... enfin je veux dire... beuh, j'ai pas l'habituuuudeuh moi TT Surtout pour le KuroFye, je sais pas trop comment je dois goupiller tout ça, vu que Kurogané n'est pas... très... démonstratif? Enfin voilà -_-"""

L'idée générale me semblait, à la base, vachement originale. Je me disais que c'était pas trop mal trouvé et pas trop pas-crédible... mais finalement, je me suis dit que ça pouvait être... plutôt perturbant (vous comprendrez mieux au deuxième chapitre ce que j'entends par là). Mais dès la première page, je me suis rendue compte que je n'avais pas pensé à la raison pour laquelle Fye décide de s'enfuir... (je sais, je suis débile) j'ai greffé un petit truc qui est censé être sans importance, un simple accrochage entre Fye et KuroKuro et qui expliquerait qu'il ait pété un câble... mais comment dire... le marché de l'accrochage fructifie très vite, et le petit truc qui est censé être sans importance est devenu un condensé de mes propres inquiétudes sur le sujet (le sujet du truc a priori sans importance, je veux dire. C'est peut-être dur à suivre, mais si je vous le dis dès le départ, je bousille tout l'effet suspense des premiers paragraphes). Euuh... j'avais pas autre chose à dire, moi? Enfin bref, ma fic censée être un one-shot avec un scénario hyper-basique de "Fye quitte Kuro, Kuro lui court après, ils se retrouvent, lemon au dernier paragraphe" plus un petit truc en plus sur un point précis de la personnalité de Fye (que vous comprendrez au chapitre 2), eh ben cette fic est devenue une fic à chapitres avec des tonnes de personnages et une grosse déprime Fye-enne. En plus elle est écrite bizarrement TT

J'imagine que personne n'a rien compris à mon paragraphe précédent XDD

Enfin bref: bonne lecture à toutes, et surtout à Chibi! Bon anniversaire!

Chapitre 1

Fye aimait être allongé dans le lit de Kurogané.

Il aimait la texture douce de ses draps. La façon qu'ils avaient de se plisser délicatement au moindre mouvement. Le léger bruissement qu'ils faisaient quand il glissait sa main dessus. Leur incroyable fraîcheur sur sa peau parfois si brûlante.

Il aimait ce nouvel aspect de sa vie, chaque soir ou presque, quand il sentait la douceur des draps dans son dos, et la chaleur de Kurogané dans son ventre.

Il aimait cet instant de sérénité ultime, quand il laissait sa tête rouler dans les oreillers moelleux, et que le corps immense de Kurogané retombait presque délicatement sur lui. Avec une douceur mesurée.

Il ne connaissait rien de tel. Rien dans sa vie n'aurait pu lui laisser prédire qu'il aurait droit à tant de luxe. Tant de luxure.

Fye aimait ces moments, tout simplement. Il n'y avait rien de plus à dire. Il n'y avait jamais de mots entre eux. Rien qui eût pu traduire ces instants de pur… « bonheur ».

Fye n'aimait pas le mot « bonheur ». C'était un terme trop surfait, selon lui. Le « bonheur », ça implique de l'amour, de la tendresse, de la passion, des rêves d'avenir, de la maturité, et tout le reste. Ça implique des engagements. Des sacrifices.

Ce qu'il partageait avec Kurogané n'était pas du « bonheur ». Des moments agréables, tout au plus.

Mais Fye aimait quand Kurogané caressait doucement sa mâchoire, frôlait sa lèvre du bout du pouce et lui disait de s'allonger dans le lit. Quand il passait ses larges mains sur son corps si frêle. Quand il posait ses lèvres dans son cou. Quand il entrait doucement en lui, sans lui demander son avis, parce que son avis serait toujours positif. Quand sa peau effleurait la sienne. Quand il serrait ses mains autour de ses hanches pour prendre un meilleur angle. Et quand ses mains se desserraient légèrement et qu'il retombait sur lui, lourd, tellement lourd, et large, et brûlant. Quand il se laissait glisser sur le côté, un bras toujours enroulé autour de ses hanches. Et quand il s'endormait enfin, sans un bruit, sans un mot, les sourcils légèrement défroncés. Comme s'il avait déversé une partie de son anxiété en lui.

Fye s'endormait rarement. Ou très tard. Il détachait son bras de son corps, puis remontait les draps sur Kurogané, et enfin s'asseyait le dos contre le mur et le regardait dormir.

Il était très attaché à tous ces détails. Tous ces petits riens qui régulaient sa vie, toujours pareils, toujours immuables, tellement rassurants de monotonie. C'est pourquoi, ce soir-là, alors que les étoiles s'allumaient dans le ciel bleu outremer, alors que la chaleur de Kurogané avait quitté son corps, alors qu'il s'apprêtait à une nouvelle nuit de contemplation silencieuse, il resta interdit en l'entendant lui murmurer quelques mots, la main brune caressant le ventre blanc.

Kurogané plongea ses yeux rouge sang dans les siens, bleu céruléen.

-T'en penses quoi ?

Fye sourit, et détourna la tête.

-Tu… tu as raison.

Il fixa le ciel, par la fenêtre. Si profond. Si sombre. Si proche. Si lointain. Il songea confusément qu'au loin, certaines étoiles continuent de briller alors qu'elles sont déjà mortes. Il trouvait cela si triste.

Kurogané soupira, puis s'allongea et ferma les yeux.

Fye remonta les draps sur son corps magnifique, puis s'assit le dos contre le mur, repensant aux étoiles mortes. Quand il fut sûr que Kurogané dormait, il sortit sans bruit du grand lit.

-Tu es sûr de ce que tu fais ? murmura Yui en jetant un regard par-dessus l'épaule de Fye.

-Je n'ai jamais été sûr de rien, répondit Fye en fermant son sac.

-Tu devrais peut-être lui parler, conseilla Yui en se penchant légèrement en avant, ses fins cheveux blond pâle glissant sur sa joue d'ivoire, scintillants dans la lumière argentée, irréelle.

-J'ai laissé une lettre.

-Un post-it.

-Il comprendra.

-Tu crois ?

-C'est pas important.

Fye ouvrit la porte de l'appartement, un sac de sport passé à l'épaule.

-Va appeler l'ascenseur, dit-il en fermant la porte sans bruit.

-Fye.

-Pardon, c'est vrai.

Fye le dépassa et appuya sur le bouton d'appel de l'ascenseur.

-Je crois que tu devrais te calmer, conseilla Yui quand la cabine arriva.

-Je suis calme, répondit Fye avec un nouveau sourire, en entrant dans la cabine exiguë.

-Fye…

-Yui. Je suis calme. Je sais ce que je fais. C'est lui qui m'a dit de partir.

Yui soupira, dépité.

Fye n'était pas calme. Il tirait sur les manches trop longues de son pull bleu ciel, fronçant imperceptiblement les sourcils. Il était un peu penché en avant, ses cheveux d'or formant un rideau devant son visage fermé.

-Il n'a jamais dit ça.

-C'est ce que ça voulait dire. De toute façon, c'est horrible de dire ça.

Yui se tut quelques secondes, tandis que Fye appuyait sur le bouton « rez-de-chaussée ».

-C'est vrai. Il n'aurait pas dû te dire ça, admit-il. Ou pas comme il l'a fait.

-Tu vois ! J'ai raison.

-Il va s'inquiéter, objecta Yui.

-Mais non. J'ai laissé une lettre.

-Un post-it.

-C'est pareil. Je lui ai bien expliqué ce qu'il devait dire à Tomoyo. Tu l'as vu.

-Si je lisais ça, je serais très inquiet, moi.

-Tu es toujours inquiet.

-« Je vais partir là où je ne dérangerai plus personne. Ne t'inquiète pas pour moi, il paraît que c'est le fun là-bas. Tu diras à Tomoyo que je me suis fait enlever, violer et tuer. C'est crédible, et tu n'auras aucun problème. Je ne reviendrai plus, promis. » Même pas signé. Ça ressemble vachement à un dernier mot avant un suicide, ça.

Fye haussa les épaules, ses doigts fins jouant avec un fil pendant au bas de son pull.

-Et alors ? Il s'inquiétera encore moins.

La cabine s'ouvrit et Fye fit signe à Yui de sortir le premier.

-Tes mensonges te perdront.

-Je suis déjà perdu. Depuis toujours, murmura Fye avec un sourire indifférent.

-On va où ? demanda Yui lorsqu'il furent sur le trottoir.

-Euuh… Je sais pas.

-T'as rien préparé.

-Non. Je croyais que tu m'aiderais.

-Fye…

-On n'a qu'à aller au parc, dans un premier temps. On avisera après…

Fye marcha à grands pas sur les trottoirs humides de la ville, suivi par Yui. Les réverbères éclairaient la rue sombre d'une lumière étrange, brumeuse, mouillée. Comme le soleil vu derrière un rideau de larmes. L'atmosphère était glauque, triste. Mais cela ne semblait pas les déranger, tandis qu'ils s'éloignaient de l'immeuble, sans un regard vers la vie paisible que Fye quittait.

-T'as tout pris ? Je veux dire, dans ton sac.

-Ouais. J'ai rien laissé du tout. Pas une chaussette. Avec un peu de chance, il m'aura oublié en se réveillant, dit Fye avec un grand sourire, ses dents brillant dans la lumière verdâtre.

-Pas facile de t'oublier, tu sais. J'ai déjà essayé plein de fois, murmura Yui, les yeux courant sur les murs gris maculés de graffitis.

-T'es mon frère. Tu peux pas m'oublier, répondit Fye d'une voix impassible en fixant les taches de lumière glauque sur les trottoirs mouillés.

-Toi, tu m'as bien oublié. On se voyait de moins en moins souvent.

-C'est Kuro-pii qui voulait plus que je te voie.

-L'enfoiré.

-T'es d'accord avec moi, maintenant ?

-Il avait sûrement ses raisons, nuança Yui.

Ils marchèrent en silence pendant quelques minutes, puis entrèrent dans le parc. L'herbe était vert sombre, presque noire. Les bancs scintillaient d'humidité. Les fleurs semblaient monstrueuses. Les sentiers de graviers clairs faisaient comme une toile d'araignée dans la nuit. Le vent secouait les arbres nus et noirs. Les chats errant çà et là perçaient l'obscurité de leurs prunelles jaune d'or.

Fye se laissa tomber sur un banc.

-C'est beau, un parc pendant la nuit.

-Ouais… murmura Yui en s'asseyant à ses côtés.

Un miaulement déchira le silence relatif et un chat jaillit de l'ombre pour bondir sur un rat noir luisant. Il bouscula une poubelle de métal qui tomba au sol avec un vacarme effroyable, vite remplacé par le lourd silence de la nuit.

-Et voilà, je suis parti. Kuro-sama ne devra plus s'emmerder à s'occuper de moi. Il pourra coucher avec qui il veut. Si il ne le faisait pas déjà…

-Il le faisait déjà ? s'informa Yui avec une grimace de haine.

-Sans doute, admit Fye avec un sourire.

-Le salaud.

-Mais nan, relativisa Fye en haussant les épaules.

-C'est cruel d'aller voir ailleurs quand on sort avec quelqu'un. Surtout avec quelqu'un comme toi.

-Ce qui est cruel, c'est de s'imposer. Je me suis imposé. Il m'a fait comprendre qu'il en avait marre. Je me suis tiré. J'aurais dû le faire depuis longtemps, en fait.

-Tu es… triste ? demanda Yui, à mi-voix.

-Non ! C'est normal qu'il ne veuille pas que je l'encombre. Je suis peut-être… un peu vexé. Mais vu que je n'en ai pas le droit, on peut dire que… que ça me laisse indifférent. Non ?

-Hm, lâcha Yui, dubitatif.

Il leva les yeux vers le ciel. Les étoiles étaient si belles. Si scintillantes. Il adorait les étoiles. On aurait dit des poussières de magie. Il lui sembla en voir une s'éteindre. Il se demanda depuis combien de temps elle était morte. Puis il la vit se rallumer.

Un avion.

Un avion rempli de gens. Des gens qui partaient en vacances, en voyage d'affaire, qui allaient rejoindre un parent mourant à l'hôpital… et des gens qui fuyaient quelque chose.

-Il paraît que les voyages permettent de guérir les chagrins d'amour, indiqua Yui, ayant compris les pensées de Fye.

Ce dernier tourna la tête vers lui, tout sourire.

-Quel chagrin d'amour ? Je vais très bien. Je ne l'aime pas. Je ne l'ai jamais aimé. J'aimais beaucoup son lit et ses draps. Lui… très moyennement.

-Pourquoi tu es « un peu vexé », alors ?

-Si c'était toi qu'il avait comparé à une femme, tu serais tout aussi vexé.

-Il ne t'a pas comparé à une femme.

-Il a dit qu'il aurait préféré que je sois une femme. C'est vexant.

Il réfléchit quelques instants.

-Il n'a pas été très délicat. Presque un enfoiré, en fait. Mais je n'ai rien à dire. C'est moi le squatteur. C'est moi l'enfoiré.

Yui soupira. Quelque chose clochait. Il y avait toujours quelque chose qui clochait avec Fye. Et il ne pouvait rien faire. Jamais. Il n'avait aucune emprise sur le monde. Sur son monde. Sur rien.

-Tu dis que tu ne veux pas l'encombrer, mais ce qu'il t'a dit te blesse. C'est qu'il y a quelque chose d'autre. De quoi est-ce que tu essaies de te convaincre ?

-Si on prenait le train ? On sort de la ville, on va le plus loin possible, ainsi on ne risque pas de le croiser.

-Pourquoi tu ne m'écoutes pas ? Avant, tu m'écoutais tout le temps.

-C'est parce que je t'ai écouté que j'ai rencontré Kurogané.

-C'est plus Kuro-wanwan ?

-Ça n'aurait jamais dû être Kuro-wanwan. C'est « Kurogané ». Le méchant Kurogané. Le Kurogané qui n'aime personne. Le Kurogané qu'il ne faut pas embêter parce qu'il est très, très important. Le Kurogané qu'il faut quitter parce qu'il préfère les femmes, murmura-t-il, amer. On est tous les deux des enfoirés.

-Il a été salaud de te dire ce qu'il t'a dit. Mais il faut le comprendre. Peut-être qu'il faut prendre ça de façon… positive. Tu ne prends pas assez de recul. Il est taciturne, il n'a aucune délicatesse, mais…il n'est pas méchant. Il est plutôt… gentil.

-Je croyais que tu ne l'aimais pas, ricana Fye.

-Tu étais heureux avec lui. C'était sans doute une bonne chose qu'il nous sépare.

-NON ! Je n'étais pas heureux. Je n'étais pas heureux sans toi. Et il n'est pas gentil ! Il l'a dit, la première fois qu'on s'est vu. « Je m'appelle Kurogané, j'ai un prénom mais je ne te donne pas le droit de l'utiliser, tu me vouvoies, je suis quelqu'un d'important, j'ai pas que ça à foutre de m'occuper de toi, et… ah, oui. Je ne suis pas gentil. » Je le hais.

-Il ne l'a pas dit comme ça.

-Tu n'étais pas là.

-Je suis toujours là.

-Arrête.

Yui se tut, dos voûté. Il se tordit les mains, anxieux.

-Tu mens. Tu étais heureux avec lui. C'est moi qui te rends malheureux. C'est moi qui t'ai envoyé… là-bas. C'est grâce à lui si tu vas mieux. Il était gentil avec toi. Tu as tout détruit en partant comme tu l'as fait.

-J'ai pas tout détruit. J'ai… privilégié son bien-être. Je n'ai pas le moindre intérêt, ni la moindre importance. Il n'avait pas à s'occuper de moi. Je lui rends sa liberté.

-Tu sais pourquoi tu n'es pas crédible ? Tu dis que tu le hais, mais tu veux qu'il soit heureux. Tu nies être heureux, alors que tu sais qu'il est la meilleure chose qu'il te soit arrivé. Et tu sais pourquoi j'ai raison ?... parce que tu pleures, Fye.

Ce dernier se recroquevilla en étouffant ses sanglots.

-Je… pleure pas…

-Fye.

Ce dernier se leva d'un bond, prit son sac et sortit du parc.

Yui le suivit en courant, à travers les rues étroites et sombres. Il ne savait pas où il le menait. Il n'était même pas sûr que Fye le sache. Ils s'enfonçaient dans les quartiers douteux, les immeubles décrépits s'écroulant un peu plus chaque jour, les dealers se tenant dissimulés dans l'ombre, les égouts débordant sur les trottoirs, les prostituées défraîchies tenant compagnie aux réverbères tordus, les néons clignotant faiblement, les vitres gisant brisées, les cartons s'imbibant d'eau bleu-noir, les clochards dormant sur les perrons glissants.

Mais le ciel scintillait toujours, irréellement beau au-dessus de ce monde si écoeurant.

Yui frissonna de dégoût, regardant Fye traverser ce décor hideux d'un air totalement indifférent.

Un homme drapé d'un grand manteau noir, la Faucheuse personnifiée, s'approcha de Fye, lui tendant un petit sachet transparent.

Yui accourut, horrifié. Fye se tourna vers lui, lui montrant le sachet.

-Regarde ! Ils ressemblent à ceux qu'on me donnait là-bas.

Les petits cachets roses et bleus, ornés de petits smileys, narguaient le jeune blond.

-Fye ! Touche pas à ça, s'alarma Yui.

-Je me sentais mieux quand j'en prenais, continua Fye avec un sourire soulagé. Enfin, quand je n'en prenais pas trop. Juste un tout petit peu pour ne plus avoir mal au ventre. Je devrais les prendre, non ? T'en penses quoi, Yui ?

-Je pense que t'es con. C'est de la drogue, pauvre crétin.

-Ah ? C'est de la drogue ? demanda-t-il à l'homme en noir.

Ce dernier semblait perplexe, presque effrayé. Il récupéra sa came et s'éloigna.

-Qu'est-ce qu'il a ? s'étonna Fye.

-Je lui fais peur, répondit Yui avec un sourire amer. Viens, on se tire.

Fye jeta un dernier regard vers l'homme en noir puis suivit Yui.

-Tu devrais faire attention. Au moins, Kurogané veillait sur toi, lui reprocha ce dernier.

-On peut parler d'autre chose ?

-De quoi ? souffla Yui.

Ils s'arrêtèrent au fond d'une ruelle lugubre, déserte. Fye s'appuya contre le mur gris et sale et laissa tomber son sac par terre, au pied d'un réverbère rouillé.

-Il… il avait pas le droit de me dire ça ! Il savait que ça me ferait mal.

Fye se laissa glisser contre le mur, serrant ses bras frêles autour de son corps.

-Il savait que ça me ferait mal…

-Fye… souffla Yui, cherchant du secours autour de lui.

-Je sais que… j'ai pas le droit d'exiger quoi que ce soit… surtout pas de la part de quelqu'un… comme lui… mais… il savait que ça me ferait mal ! murmura Fye en frottant ses bras comme pour se réchauffer, se recroquevillant de plus en plus.

Yui le regarda sans bouger, il vit les larmes s'écraser au sol, il vit les doigts de son frère se crisper sur ses vêtements, il vit ses jointures blanchir sous la pression, il vit les tremblements de son dos si fragile, il vit tout… mais il ne pouvait rien faire.

-Il… il… il avait pas le droit ! hurla Fye, le visage ruisselant de larmes.

Yui se raidit, horrifié, silencieux. Fye fut secoué de convulsions et se cogna violemment la tête contre le béton du mur.

-Fye ! Reste avec moi… Fye… Ecoute-moi… tu sais bien que je… je ne sais pas… t'aider… s'épouvanta Yui, les larmes aux yeux, tendant les mains vers lui sans pour autant le toucher.

Après de longues secondes de latence, Fye réussit à se calmer. Il se redressa en respirant profondément, les yeux fuyant le regard de Yui. Il essuya le sang sur son crâne, les mains tremblant encore un peu.

-Fye… il ne faut pas que tu t'énerves… si tu convulses, je ne saurai rien faire pour t'aider…

-Je sais…

-Reste calme, reste toujours avec moi. Moi, je ne te décevrai jamais. Je suis comme tu veux que je sois. Je suis une part de toi. Reste calme et parle-moi… ça marchait, avant, pour éviter les crises.

-Je… sais…

-Fye… chuchota Yui, un sourire tendre sur les lèvres.

-C'est toi, la meilleure chose qui me soit arrivée. Lui… il est trop bien. Trop loin de moi. Il ne pouvait pas comprendre. Il ne te voyait pas comme je te vois.

-Il ne me voyait pas du tout, tu veux dire, murmura Yui, avec un sourire ironique.

Fye reprit une respiration plus normale.

-Tu… saignes vraiment beaucoup… tu ne veux pas aller à l'hôpital ?

-Non. Je… je suis censé être mort, après avoir été enlevé et violé, tu l'aurais oublié ?

-Essuie ce sang. C'est… horrible.

Fye ouvrit son sac et sortit un essuie blanc. Il le plaqua contre son front, épongeant les flots de sang.

-Ce n'est pas grand-chose. Une petite coupure…

-Je sais…

Fye baissa les yeux, scrutant un insecte qui essayait d'escalader son sac.

-Merci d'être là. Avec moi. Alors que je t'ai laissé pendant si longtemps.

-Tant que tu en as besoin, je suis là. Tu as le droit de me laisser. Ce n'est pas grave.

-Merci, murmura Fye avec un soupir soulagé.

Yui lui sourit. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Il l'adorait. Il ne rêvait que de le voir heureux, quelles qu'en soient les conséquences pour lui.

-Bon. On va prendre le métro, lança Fye en se levant.

Il prit son essuie ensanglanté et le jeta dans une poubelle.

-Tu as de l'argent, au moins ? demanda Yui à mi-voix.

Fye écarquilla les yeux.

-Argent… non. Je… je n'ai pas d'argent. Je ne peux pas en avoir.

-Et tu n'en as pas pris chez Kurogané.

-Je ne suis pas un voleur.

Yui haussa les épaules en le suivant.

-On aura qu'à passer les barrières comme si de rien n'était, dit Fye.

-Si il y a un contrôle ?

-Il n'y en a jamais.

Yui le suivit sans un mot. Il ne savait pas trop quoi dire.

Arrivés à la station de métro, Fye fit comme il avait dit. Il sauta par-dessus les barrières, sous le regard horrifié de petites grand-mères aux cheveux mauves rentrant du théâtre. Il prit des couloirs au hasard, puis se laissa tomber sur une chaise en plastique.

-On part d'ici. Je trouve un… hm… un café où je pourrais travailler. Je gagne de l'argent. Je loue un appartement. Avec toi, bien sûr.

-Oui.

-Tu crois qu'il va me chercher ?

-Je ne sais pas. Sans doute. Il était responsable de toi.

Fye se leva. Le métro était là. Ils montèrent et s'assirent sur les sièges défoncés. Fye posa sa tête contre la vitre noircie de tags, pensif.

Yui s'éclaircit la gorge.

-Parle-moi, Fye. Raconte-moi. Tu sais que c'est la seule chose que je peux faire. T'écouter et te parler. Parle-moi avant de devenir cinglé. Après, on verra ce qu'on fera.

Fye essuya les larmes avant qu'elles jaillissent de ses yeux délavés.

-Je le dérangeais pas trop, tu sais, je prenais pas beaucoup d'espace. Un petit quart de sa garde-robe. Un minuscule tiroir pour mes sous-vêtements. Une brosse à dents et deux essuies. Je le dérangeais pas. J'aidais pour les repas, pour le ménage, pour les lessives. J'étais vraiment pas… encombrant. Je voulais rester toujours avec lui. On prenait le petit-déjeuner ensemble. On allait à l'hôpital. On rentrait au soir. On mangeait ensemble. On couchait ensemble. C'était tout. Ça aurait dû rester comme ça pour toujours. Je ne comprends pas ce que j'ai fait pour qu'il me haïsse à ce point. Qu'il s'en fiche de moi… je comprendrais. C'est toujours pareil. Mais je ne sais pas ce que je lui ai fait pour qu'il finisse par me dire ça.

Yui se mordit la lèvre.

-Je pense que… tu as mal compris.

-Je pense que non, répondit Fye, la voix claquante. Quand un homme te caresse le ventre en disant que si tu étais une femme, tu pourrais lui faire un enfant, tu ne peux pas comprendre ça autrement.

Yui tendit la main, comme pour lui serrer l'épaule, puis abandonna l'idée et reposa la main sur le textile hideux du siège.

-On ne dit pas ça. Même à quelqu'un comme moi… c'est pas bien de dire ça, conclut Fye.

-Tu sais… c'était peut-être… juste un signe. Il voulait peut-être juste te faire comprendre… qu'il veut plus avec toi. Plus que simplement vivre ensemble et coucher ensemble.

-N'importe quoi. Qu'est-ce qu'il pourrait bien vouloir avec moi ? Un enfant ? Waouh, ironisa-t-il.

-C'est bien, un enfant.

-Non. C'est pas bien. C'est des responsabilités. C'est un engagement. J'ai pas… à avoir d'engagement… avec quelqu'un comme lui. Il ne connaît pas les conséquences que ça aura.

-Tu ne les connais pas non plus.

-Yui. Tu es de quel côté ? Du mien, ou du sien ?

-Du tien ! protesta Yui. Je serai toujours de ton côté ! Je veux juste t'aider.

-Ouais ben ça m'aide pas du tout, rétorqua Fye en fixant une tache brune sur le tissu de son siège.

Une voix féminine grésilla dans les haut-parleurs, annonçant le terminus.

-Viens, Fye. On descend.

Fye se leva et prit son sac. Il s'approcha des portes et attendit que le métro s'immobilise, raide à côté de son frère.

Ils descendirent sans un mot de plus, et remontèrent à la surface.

-On va où ? murmura Yui.

Fye ne répondit pas, encore perturbé par les paroles de Kurogané. Ils marchèrent au hasard et s'arrêtèrent dans un parc où quelques clochards dormaient, allongés sur les bancs.

-On n'a qu'à passer la nuit ici. Demain je trouverai du travail…souffla Fye.

Il s'assit sur une balançoire et enroula ses doigts fins autour des chaînes. Il se balança doucement, regardant le soleil se lever au loin.

-Un enfant ? répéta-t-il, amer.

Yui s'assit sur la balançoire voisine.

-Je crois que tu es en train de faire une bêtise. Tu aurais dû réfléchir avant de tout quitter.

-Réfléchir fait perdre du temps. Et si je perds du temps, je risque de rester trop longtemps chez lui. Si je reste trop longtemps, je le gênerais encore plus. Je suis parti pour ne plus faire de dégâts. Tu comprends ?

-Tu te donnes trop de défauts. Je suis sûr que Kurogané ne te trouvait pas encombrant. Tu mélanges tout.

Fye haussa les épaules.

-Je dois être fatigué… marmonna-t-il.

-Tu aurais dû attendre au moins le matin avant de partir. Ou discuter avec lui.

-Ouais. Pour l'entendre dire qu'il veut absolument que je parte et que je lui fiche la paix ? J'ai pas besoin de me sentir encore plus minable.

Kurogané ouvrit les yeux à contrecoeur et balança le bras vers son réveil.

-Fait chier… grommela-t-il en faisant taire l'appareil.

Il se redressa en grognant et en se grattant l'arrière du crâne. Il jeta un regard à la place vide à côté de lui.

-Il est où, lui ?

Il se leva et enfila un boxer, puis traîna les pieds jusqu'à la cuisine en faisant craquer les articulations fatiguées de son cou.

-Crétin blond ? T'es où ? appela-t-il en allumant le percolateur.

Il soupira et alla jeter un œil à la salle de bain, dans le salon et dans son bureau.

Personne.

-Bordel, il est où ce con ? marmonna-t-il en allant sur le balcon.

Quand il était triste, il allait toujours s'y cacher, entre les chaises en plastique blanc et le yucca en pot.

-Putain je savais qu'il réagirait n'importe comment. Pourquoi je la ferme jamais, moi ?

Il vérifia dans les placards du couloir. Il arrivait que Fye s'y enferme pour calmer ses crises naissantes.

Mais il ne l'y trouva pas.

-Merde, merde, merde… répéta Kurogané, inquiet.

Il retourna dans la cuisine et trouva un post-it bleu clair collé sur le frigo.


A suivre...

Hum... c'est pas trop... bizarre?

Si oui, no problem, j'ai un OzGil qui traîne dans un coin d'un de mes cahiers, je peux toujours t'offrir ça, Chibi^^

Ah, oui! Au fait! Pour avoir le prochain chapitre, il faut que j'aie au moins une review: la tienne, ma Chibi!