Synopsis : Angelina avait toujours envié sa sœur Rachel…

Disclaimer : Kuroshitsuji ne m'appartient pas et cette fic ne m'apporte pas un sou.

Rivalité

Avant de passer au salon avec les autres, Angelina jeta un bref coup d'œil au miroir. Même après toutes ces années, elle avait du mal à se trouver jolie. La faute à son père, qui avait toujours vanté la beauté de Rachel, sa chère sœur, et jamais la sienne. On a du mal à se trouver attirante quand on a été élevée avec une très jolie sœur aînée.

Pour compenser, leur mère avait décrété qu'Ann surpassait sa sœur par l'intelligence et Rachel, cet ange, avait toujours renchéri sur la vivacité d'esprit de sa petite sœur : comment elle avait su lire la première à âge égal, comment elle suscitait l'admiration de tous leurs professeurs… Ce n'était aucunement de la pitié : Rachel admirait réellement l'intelligence d'Angelina. Et celle-ci avait commencé par trouver cela agréable avant de réaliser qu'elles vivaient dans un monde où on demande aux femmes d'être jolies, gentilles, dévouées et rien d'autre. Une femme qui savait résoudre une équation au deuxième degré n'intéressait absolument personne.

Même si Ann se sentait incapable de détester sa grande sœur, elle se rendait parfaitement compte qu'elle l'enviait de plus en plus. Tout en Rachel attirait les hommes en général : sa douceur, son côté maternel, ses beaux cheveux blond vénitien qu'elle tenait de leur gentille maman… Angelina ne supportait plus ses affreux cheveux, aussi rouges que ceux de son père, et elle ne supportait plus de voir les garçons de son âge ouvrir des yeux ronds au beau milieu d'une conversation et de deviner ce qu'ils pensaient. Quelle horreur, cette fille est plus futée que moi. Pour rien au monde je ne voudrais l'épouser…

Et puis, un jour, on leur avait présenté un certain Vincent Phantomhive, un comte qui possédait des usines de jouets. Il y avait quelque chose de différent chez lui. Le jour de leur rencontre, il l'avait surprise après le déjeuner en train de lire un livre de médecine qu'elle avait acheté en cachette, et il n'avait manifesté aucune répulsion. Il lui avait parlé de l'école de médecine qui venait d'ouvrir ses portes et lui avait demandé si elle aimerait la fréquenter. Ann se souvenait encore de sa réaction.

« Oui… Je veux dire, ça a l'air tellement intéressant. Et puis, Rachel a de l'asthme depuis qu'elle est petite. J'aimerais étudier les nouveaux traitements pour la guérir et… »

Anne s'était souvenue juste à temps que les hommes détestaient l'ambition et l'intelligence chez les femmes. Vite, il lui fallait dire une bêtise !

« Mais… quand on est médecin, on voit beaucoup de sang, et ça doit être pénible, non ? Le rouge, c'est tellement laid ! »

Elle avait dit cela en tortillant une mèche de ses cheveux, et le comte avait immédiatement deviné ses pensées. Cette fillette si adorable se trouvait laide, tout ça parce qu'elle avait les cheveux roux ! Il s'était empressé de lui adresser un compliment sur ses cheveux, comparant leur couleur à celle des liquorices en pleine floraison. Or, Angelina ne s'était jamais entendu dire qu'elle était jolie, sauf par sa sœur, bien entendu. C'était toujours à Rachel que s'adressaient tous les compliments et la gentillesse de Vincent la bouleversait. A partir de ce jour, elle s'était mise à aimer le rouge, et à l'aimer, lui.

Elle s'était mise à travailler d'arrache-pied pour entrer dans cette école de médecine. Son père s'y était opposé mais sa sœur l'avait toujours soutenue. Sans Rachel, Angelina n'aurait jamais trouvé le courage d'étudier tous ces livres si difficiles et tous les soirs, quand l'aînée venait dire bonsoir à sa cadette dans sa chambre et la trouvait plongée dans un gros livre, elle souriait et disait : « j'ai la sœur la plus extraordinaire de toute la terre. »

Et puis un jour, il y eut le drame. Ann devait se souvenir toute sa vie du moment où Rachel lui avait annoncé ses fiançailles avec Vincent. Pourquoi, pourquoi était-ce toujours l'aînée qui devait tout avoir ? Angelina avait tâché de faire bonne figure. Elle les avait félicités et s'était efforcée de se réjouir du bonheur de ces deux êtres qu'elle aimait plus que tout au monde. Mais cette nuit-là, elle n'avait pas cessé de sangloter, la tête pressée contre son oreiller.

C'était quelques années plus tôt. Aujourd'hui, Angelina Durless était devenu l'une des femmes les plus admirées de Londres. Elle avait décroché son diplôme de médecine avec mention, travaillait dans le plus grand hôpital de la ville et fréquentait les cercles de la haute société. Les hommes avaient toujours aussi peur d'elle mais à présent, elle jouait de cette image de prédatrice, jetant son intelligence à la tête de tous les males qu'elle rencontrait pour leur montrer qu'elle n'avait pas peur d'eux, qu'elle pouvait se passer d'eux, qu'elle était aussi forte que le rouge qu'elle portait et dont elle tachait régulièrement ses mains à l'hôpital.

Mais peut-être se mentait-elle à elle-même. Rachel avait maintenant mit au monde un petit garçon adorable et Ann ne pouvait s'empêcher d'imaginer ce que cela faisait d'être mère. Souvent, elle allait leur rendre visite et jouait avec Ciel et sa cousine Elizabeth, la fille de la sœur de Vincent, née la même année. Un jour, elle s'était amusée à habiller la petite Lizzie d'une robe rose pâle et d'un joli chapeau, et s'était émerveillée de la grâce enfantine de la fillette, de cette innocence dont elle était maintenant dépourvue. Son cœur s'était serré quand elle avait dû rendre Lizzie à sa mère. Elle aurait tellement aimé avoir une fille à elle, lui mettre de jolies robes et retrouver un peu de son innocence perdue !

Angelina réalisa soudain qu'on était passés au salon. Chassant ses tristes pensées, elle alla saluer un des invités, un homme qu'elle avait rencontré quelques mois auparavant. Selon Rachel, il était fou amoureux d'elle, ce qui la laissait rêveuse. Comment un homme d'apparence aussi discrète pouvait-il être attiré par la prédatrice qu'elle était ? D'ailleurs, comment n'importe quel homme pourrait-il l'aimer ?

Il semblait cependant pendu à ses lèvres. Ann ne détestait pas voir à quel point ce qu'elle disait l'intéressait. Elle le trouvait un tout petit peu ennuyeux mais selon ses parents, il s'agissait d'un gentleman parfaitement honnête, intègre et de haute naissance. Un beau parti, en somme. Angelina avait parfaitement compris que ses parents souhaitaient qu'elle se marie enfin pour leur épargner la honte d'avoir une vieille fille en guise de fille. Ah, vieille fille, la vilaine expression ! Toutes les femmes qui n'avaient pas trouvé de mari après vingt-cinq ans étaient traitées avec pitié, voire même avec mépris. Ann détestait l'idée qu'on puisse la mettre dans le même sac que tous les laiderons dont personne ne voulait, mais en même temps, elle ne parvenait pas à oublier Vincent, et elle n'aimait pas l'idée de tricher sur ses sentiments pour épouser quelqu'un…

« Mademoiselle Angelina », lui dit-il en prenant congé, « j'aimerais vous demander quelque chose. »

Elle devina immédiatement de quoi il voulait parler mais le laissa faire sa demande. Ensuite, elle s'efforça de trouver une réponse polie.

« Ce serait pour moi un immense honneur, Monsieur, seulement… »

« Vous aimez quelqu'un d'autre, c'est cela ? »

Le silence d'Angelina était éloquent. Son interlocuteur hocha la tête.

« Très bien », dit-il d'une voix qui tremblait un peu. « Je vous souhaite d'être très heureux tous les deux. »

« Je ne le serai jamais ! »

Elle avait parlé sans réfléchir. Fin psychologue, son prétendant comprit immédiatement à quoi elle pensait. Il s'inclina, lui baisa la main et quitta le manoir.

Le lendemain, Angelina reçut de sa part une longue lettre dans laquelle il lui expliquait que même si elle n'était pas amoureuse de lui, il réitérait sa proposition. Selon lui, Ann était une femme bien trop extraordinaire pour finir au ban de la société comme toutes les femmes célibataires de haute naissance. Elle méritait de continuer à fréquenter ces soirées mondaines qu'elle aimait tant. Lui ne demandait rien en retour.

Angelina devina qu'il espérait qu'elle-même finisse par l'aimer au fil des années. Evidemment, elle ne pouvait pas le lui reprocher. Cette situation semblait bien étrange mais… Oh, il s'agissait du joli mariage conventionnel que ses parents avaient prévu, ce monsieur était parfaitement digne d'estime et elle garderait ainsi sa place dans la société. Et peut-être qu'ils auraient des enfants. Peut-être qu'elle finirait par bercer sa petite fille dans ses bras, par lui mettre de jolies robes…

Elle eut un pincement au cœur en pensant qu'elle n'aimerait probablement jamais du fond du cœur cet agréable monsieur. Ce n'était pas la vie qu'elle avait espéré. Mais c'était mieux que le célibat. Et elle allait enfin connaître le bonheur…

La fin…