Chapitre 9 : Panique au Ministère


C'est avec un air tout à fait décontracté que l'adolescent émergea des flammes vertes d'une des cheminées du Ministère, époussetant simplement ses vêtements avant d'embrasser les lieux du regard.

L'Atrium était un grand hall dont le sol se résumait à un parquet de bois foncé parfaitement ciré. Des rangées de cheminées, similaires à celle par laquelle il venait d'arriver, étaient disposées le long de chaque mur. Levant la tête, il put apercevoir que le plafond était d'une couleur azurée, et incrusté par endroits de symboles dorés ne cessant de bouger.

Se fondant tranquillement dans les files de sorcières et sorciers qui cheminaient en direction de la grande fontaine située en plein milieu de l'Atrium, il s'arrêta près de celle-ci et prit le temps de la contempler. La Fontaine de la Fraternité Magique était constituée de cinq statues d'or, représentant une sorcière, un centaure, un gobelin et un elfe de maison visiblement en admiration devant un sorcier pointant sa baguette vers le ciel.

- M. Black ? Demanda une voix derrière lui.

Se retournant lentement, l'adolescent se retrouva face à une jolie jeune femme d'environ vingt-deux ans, aux yeux malicieux et dont les cheveux assez courts lui apparurent d'abord de couleur mauve avant de prendre une teinte Fuchsia.

Matt inclina respectueusement la tête avant de prendre la parole à son tour.

- C'est un plaisir de faire votre connaissance, Auror Tonks. Nous n'avions malheureusement pas eu le temps de discuter lors de ce regrettable incident à Poudlard mais je tiens à vous exprimer personnellement ma gratitude pour être intervenue à l'école. Je sais que Mme Bones n'avait recruté que des volontaires pour cette mission.

Les joues de la métamorphomage ne tardèrent pas à rosir, de même que ses cheveux prirent une teinte cramoisie. Elle ne tarda toutefois pas à se ressaisir et lui adressa un sourire éclatant avant de reprendre la parole.

- C'est bien normal. Je n'aimais pas Ombrage de toute façon, elle passait son temps à me faire des remarques parce que mon père est un né-moldu…

- Elle avait l'air d'avoir un esprit particulièrement étriqué si l'on en croit ses nombreuses invectives contre les centaures, les gobelins et les moldus dans la presse.

- C'est vrai... ah, il faudrait mieux qu'on se mette en route. Le Ministre voudrait vous parler dans son bureau avant votre introduction, M. Black.

- Aucun problème. Au fait, mlle Tonks, vous pouvez me tutoyer si vous le désirez. Je ne me fais appeler M. Black ou Lord Black que par les gens qui ne me témoignent pas de respect en raison de mon âge mais je reste un adolescent… alors pour la forme, moi c'est Matt. Déclara-t-il avant de lui tendre sa main.

L'Auror parût surprise par la franchise du jeune Black et observa un instant sa main tendue avant d'esquisser à son tour un large sourire et de lui serrer la main.

- Ça marche, Matt ! Tu peux m'appeler Tonks. C'est mon nom de famille mais je n'aime pas beaucoup mon prénom… S'exclama-t-elle d'un air gêné.

- C'est dommage, je trouve que c'est un joli prénom et qu'il vous correspond très bien puisqu'il symbolise de magnifiques divinités grecques associées à la nature.

Tonks sentit ses joues s'empourprer à nouveau et s'était arrêtée net tandis qu'elle se demandait si l'adolescent l'avait complimentée en parfaite connaissance de cause ou s'il s'était contenté d'énoncer un fait. Le ton de sa voix avait été si neutre qu'elle aurait difficilement pu faire la différence…

Malheureusement pour elle, le sourire qui avait fleuri sur les lèvres du jeune Black s'était déjà évanoui au moment où elle l'avait rattrapé, à proximité des portes d'or. Passant le bureau de sécurité sans encombre, ils bifurquèrent dans un hall plus petit avant de s'engouffrer dans l'un des ascenseurs.

L'air toujours aussi détendu, Matthew consulta tranquillement sa montre avant de reporter son attention sur les numéros d'étages défilants sous ses yeux.

Quoiqu'il se passe, cette journée promettait d'être intéressante.


Cornelius Oswald Fudge était assis à son bureau, l'air plus détendu qu'il ne l'avait été ces deux dernières années.

En effet, tandis qu'il se levait lentement de son fauteuil, le petit homme corpulent rajusta son costume rayé et sa cravate rouge tout en songeant aux événements des derniers jours.

Le Ministre avait été tenté de penser au premier abord que la perte de Dolorès Ombrage entacherait sa réputation et surtout réduirait le contrôle qu'il entendait exercer sur Poudlard à travers elle cette année. Toutefois, l'intervention d'Amélia Bones s'était avérée nécessaire pour maîtriser la sous-secrétaire et elle leur avait permis de découvrir des choses horribles sur Ombrage, et notamment le fait qu'elle possédait des artefacts fortement prohibés par le Ministère.

Fudge avait pu sauver la face grâce au jeune Matthew Black, récemment inscrit à l'école de Sorcellerie mais aussi nouveau Chef de la Noble et Très Ancienne Maison des Black. Le Gryffondor l'avait défendu face à Ombrage, si bien qu'on avait l'impression que le Ministre avait eu autant sa part à jouer dans son arrestation qu'Amelia et ses Aurors.

Si le regain de popularité n'avait pas suffi au bonheur de Fudge, la découverte de la dépouille du dangereux fugitif Peter Pettigrow la veille avait largement apaisé l'opinion publique. Pour le moment, tout laissait à penser que le Mangemort s'était suicidé sous le coup de la culpabilité mais cela importait peu. L'unique menace pesant sur le Monde Sorcier avait disparu et les choses allaient enfin pouvoir rentrer dans l'ordre.

Hélas, aux bonnes nouvelles s'ajoutaient aussi quelques mauvaises. En effet, son vieil ami Lucius Malefoy faisait depuis peu l'objet d'enquêtes financières et judiciaires approfondies de la part de Gringotts et du Département de la Justice Magique. Le sang-pur avait déjà perdu plus de deux millions de gallions, soit près d'un quart de sa fortune personnelle mais au rythme où allaient les choses, il se retrouverait très bientôt sans un sou…

… et ne serait donc plus d'aucune utilité à Fudge.

Voilà l'une des raisons officieuses pour lesquelles il voulait rencontrer personnellement le jeune Lord Black avant son introduction au Magenmagot. Certes, il allait devoir prendre son temps pour gagner la confiance de l'adolescent et si possible finir par nouer une amitié aussi… profitable que celle qui le liait autrefois à Lucius mais jusqu'ici, tout portait à croire que le Gryffondor était de son côté. Cette tâche ne devrait donc pas se révéler trop ardue.

Le Ministre n'eut toutefois pas le temps de poursuivre le fil de ses pensées puisque sa secrétaire lui annonça l'arrivée de son invité. L'Auror qu'il avait envoyée pour le chercher, Tonks ou quelque chose comme ça, le fit entrer dans la pièce avant de les laisser seuls.

- Entrez donc, M. Black. C'est un grand plaisir pour moi de faire enfin votre connaissance. S'exclama Fudge en lui présentant sa main.

- Tout le plaisir est pour moi, M. le Ministre. Répondit l'adolescent d'une voix mélodieuse en la lui serrant.

Le Ministre se réinstalla dans son fauteuil avant de faire signe à Matthew de prendre place dans le siège qui lui faisait face. Lorsqu'il claqua des doigts, un elfe de maison vint leur apporter un plat rempli de petits gâteaux et deux tasses de thé brûlantes.

- Alors mon cher Lord, comment avez-vous trouvé vos nouveaux professeurs de Défense Contre les Forces du Mal ? Demanda Fudge, de ce ton bienveillant qu'il utilisait souvent pour amadouer ses interlocuteurs.

- Ils sont compétents, Monsieur. Bien sûr, j'aurais peut-être trouvé préférable d'employer une différente combinaison d'Aurors mais… non, oubliez ça. Termina Black, faisant un signe de la main comme pour écarter son idée.

- Non, non, je vous écoute, mon jeune ami. Dites-moi ce que vous avez à l'esprit. Rétorqua Fudge, visiblement intéressé.

Après tout, si ce garçon avait eu un jugement assez perçant pour déterminer l'inaptitude de Dolorès à enseigner en l'espace d'un seul cours, peut-être serait-il en mesure de trouver encore de meilleurs enseignants que Potter et Black, lui permettant du même coup de renvoyer deux de ses meilleurs éléments sur le terrain.

- Et bien, plutôt que d'employer deux de vos meilleurs Aurors, vous faisant ainsi perdre de précieuses ressources, je pensais leur substituer deux autres personnes, moins importantes mais tout aussi intéressantes dans le cadre pédagogique.

- Je suppose que vous avez déjà des noms à l'esprit, je me trompe ? L'interrogea Cornelius d'un air entendu.

- En fait, je pensais à l'ancien Auror Alastor Maugrey, qui a accumulé énormément d'expérience lors de missions passées mais n'est vraisemblablement plus apte à exercer ses fonctions sur le terrain. Il aurait dû enseigner l'année dernière mais s'était fait kidnapper par un mangemort, je crois.

- Oui, Bartemius Croupton Jr. Je dois avouer que je ne suis pas sûr que laisser Fol'œil seul dans une salle de classe…

- Ce ne serait effectivement pas judicieux. Toutefois, s'il enseignait en présence d'un autre Auror, quelqu'un de sensiblement plus jeune et plus inexpérimenté mais qui ait toute autorité pour réprimer ses actions les plus… extrêmes, je pense que cela permettrait à la fois de le tempérer lui et de faire gagner de l'expérience au novice.

- C'est une idée intéressante. Avez-vous aussi une proposition quant à ce second Auror ?

- Pour être honnête, je songeais à mlle Nymphadora Tonks, qui m'a escorté jusqu'ici à mon arrivée. J'ai pu juger de son efficacité lors de l'arrestation de Mme Ombrage mais aussi de son impartialité. Bien sûr, le choix vous appartient, Monsieur.

Fudge réfléchit quelques instants à cette proposition et constata qu'elle n'avait en effet que des avantages. Fol'œil n'était techniquement plus employé par le Ministère et ses éventuelles erreurs ne pourraient donc pas lui être reprochées. D'un autre côté, Tonks était une jeune recrue, c'est-à-dire probablement influençable et donc grâce à qui il pourrait se tenir informé des manigances de Dumbledore de manière plus subtile qu'avec Ombrage.

Ses lèvres s'étirant en un large sourire, le Ministre finit par acquiescer de la tête tout en s'exclamant :

- Cela me semble être une excellente idée, M. Black. Je m'emploierai à la mettre en place dans les prochains jours, après m'être concerté avec les deux intéressés. Je pense que nous devrions nous rendre à la séance maintenant, il serait très dommage d'être en retard lors de votre premier jour.

- Je suis d'accord. Après vous, Monsieur.


C'était une journée comme les autres pour Neville Londubat. Assis dans le parc sur l'un des bancs en pierre, il ne pouvait s'empêcher de repenser à ce que Matt lui avait confié quelques jours plus tôt. Cela lui paraissait tellement… surréaliste et pourtant, son instinct lui soufflait que c'était la vérité.

A l'aube des temps, des créatures aussi puissantes que démoniaques auraient régné en maîtres sur toute la surface de la Terre, assujettissant les humains et éliminant tous ceux qui leur résistaient. A un rythme régulier mais effroyablement lent, ils avaient pollué la planète au point que le ciel avait été en permanence obscurci par de lourds nuages sombres et que les pluies qui se déversaient depuis les cieux étaient assez acides pour ronger la peau nue de n'importe quel être vivant…

Ces créatures indescriptibles avaient été appelées les Anciens, puisqu'ils paraissaient avoir précédé toute autre forme de vie intelligente.

A cette époque, une partie de l'Humanité s'était dressée contre ces créatures maléfiques, menés au combat par cinq personnes.

Cinq adolescents.

C'était eux qui avaient visiblement mis un terme à la guerre la plus sanglante et la plus destructrice de toute l'Histoire de l'Humanité. Ils avaient réussi à vaincre les Anciens par la simple force de leur union. Chacun d'entre eux avait un don, un pouvoir qui lui était propre, mais c'était véritablement ensemble qu'ils devenaient plus forts… ou plus exactement, une fois réunis tous les cinq, ils étaient invincibles.

Malheureusement, un problème s'était posé jadis, un problème qui n'avait d'ailleurs toujours pas été résolu… et que personne n'avait voulu tenter de résoudre.

Les Anciens étaient des créatures si âgées, si puissantes, qu'elles n'avaient pas pu être détruites. A la place, les Cinq avaient dû les bannir, par-delà ce monde, dans une prison où le temps et l'espace ne suivaient pas véritablement le même cours… et avec plusieurs centaines de dimensions pour les séparer. Ces dimensions servaient en quelque sorte de… remparts entre leur prison et la Terre, et leur destruction entraînerait inévitablement un accroissement de l'influence des Anciens sur le monde.

Après la victoire des Cinq, les choses avaient bien changé. Les croyances des différents peuples avaient évolué, oubliant certaines parties trop douloureuses de leur passé et contorsionnant d'autres vérités sous une lumière plus avantageuse… et c'était vrai aussi bien pour les moldus que pour les sorciers.

C'est ainsi qu'étaient apparues les notions d'anges et de démons, d'un dieu bienveillant et protecteur face à un diable mal intentionné et avide de sang.

Toutefois, Matthew lui avait expliqué que ce que les Hommes considéraient comme des « démons » ou des « créatures de l'enfer » n'étaient que des réminiscences de l'époque où ils vivaient sous le joug des Anciens… Une période si sombre de l'histoire qu'aucune culture humaine n'avait souhaité s'en souvenir, enfouissant jusqu'à la moindre trace de ces êtres hideux dans les sables du temps.

Au contraire, leurs sauveurs s'étaient vus tellement adulés que nombre de populations s'étaient mises à les adorer comme des divinités bienveillantes. La diversité des langages et des religions leur avait donné bien des noms mais ils désignaient tous plus ou moins les mêmes personnes.

Le problème qui se posait aujourd'hui était le même qu'il y a plusieurs millénaires : l'emprisonnement des Anciens ne pouvait être temporaire et pendant tous ces siècles écoulés, ils avaient lentement mais sûrement anéanti une à une les dimensions qui les séparaient de leur monde originel…

Ils étaient aujourd'hui plus proches du but qu'ils ne l'avaient jamais été puisqu'ils avaient enfin atteint la dernière dimension qui les séparait encore de la Terre.

L'ultime rempart s'opposant à leur retour résidait dans l'exact emplacement de la bataille finale qui s'était déroulée près de dix mille ans plus tôt et plus précisément, où s'était produit le bannissement des Anciens. Cet endroit, et l'édifice qui était censé s'y trouver s'appelaient…

… la Porte des Ténèbres.

Toutefois, même la Porte ne tiendrait pas éternellement et par une intervention providentielle ou peut-être un caprice du Destin, un événement s'était produit plus de quinze ans auparavant.

Les Cinq étaient revenus.

Réincarnés en tant qu'êtres humains tels qu'ils l'étaient déjà à l'époque, ces cinq adolescents, qu'on appelait aussi parfois les Gardiens de la Porte, étaient de retour pour lutter de nouveau contre les Anciens.

Matt était l'un d'entre eux, ou plus exactement, il était le Premier d'entre eux…

… et Neville en était un aussi.

Neville Londubat, le garçon quelque peu maladroit et rondouillard qui était entré à Poudlard cinq ans plus tôt, ce Gryffondor timide et discret qui s'attirait au mieux la pitié et au pire le mépris de ses camarades de classe, venait de se voir désigné comme l'une des seules personnes capables de sauver l'Humanité.

Neville devait avouer qu'il avait perdu connaissance lorsque le jeune Black le lui avait révélé.

Ce n'est qu'après que son ami ait commencé à retirer les suppresseurs qui entravaient aussi bien sa magie que certaines de ses autres capacités que le rouge et or avait pris conscience de son véritable potentiel… enfin, d'une partie de celui-ci en tout cas.

Désormais, il devait faire attention à la puissance de ses sorts mais aussi à ne pas agir trop… bizarrement en face de ses condisciples. Pourtant, il ne regrettait pas. Il avait enfin le sentiment d'être quelqu'un de spécial, de ne pas être simplement la déception que sa grand-mère voyait sûrement en lui, le fils incapable des grands Aurors Frank et Alice Londubat.

Il était lui-même, juste lui-même et il était… l'un des Cinq.

Baissant le regard, le jeune homme aperçut une fleur apparemment presque fanée. Il posa un genou à terre et passa très délicatement son index le long de la tige puis des pétales… sans que rien ne se passe.

Toutefois, lorsqu'il finit par se lever avant d'entrer en cours quelques instants plus tard, la fleur avait retrouvé toute sa fraicheur.


Ils avaient mis un certain temps pour arriver au Niveau dix, puisque ce dernier n'était apparemment pas accessible par l'ascenseur. A la place, ils avaient dû prendre des escaliers qui les avaient menés dans un couloir aux murs de pierre brute et uniquement pourvus de torches pour l'éclairer.

Matthew avait suivi Fudge tout en prenant grand soin de mémoriser le chemin qu'ils avaient pris pour arriver jusqu'ici.

L'un des couloirs les fit pénétrer dans une salle d'audience dont les murs étaient faits d'une pierre si noire qu'elle ne reflétait quasiment pas la lumière des torches. Au centre de la salle, se trouvait une chaise couverte de chaînes, elle-même surplombée par de grands gradins dans lesquels siégeaient environ une cinquantaine de personnes, vêtus pour la plupart de robes de couleur prune ou noire.

Le Ministre lui fit signe de rester debout non loin de la chaise et s'en alla rejoindre les gradins.

Embrassant l'assemblée du regard, il n'eut aucune peine à repérer Mme Bones. Pour son plus grand plaisir, Albus Dumbledore n'en faisait pas partie, ce qui signifiait qu'il était bel et bien suspendu de son rôle de Président-Sorcier du Magenmagot, raison pour laquelle Amelia présidait temporairement.

- Mes chers confrères et estimés collègues du Magenmagot, nous sommes réunis aujourd'hui pour accueillir un nouveau membre de cette noble assemblée, comme le veut la charte des droits sorciers…

Matthew ne prêta pas vraiment attention au discours d'introduction que le Ministre était en train de faire. Ne l'écoutant que d'une oreille distraite, il conserva une attitude digne et solennelle mais en profita pour observer attentivement les visages de toutes les personnes présentes, en vue d'une inspection future pour déterminer leurs identités et leurs possibles implications avec les mangemorts ou pire, les Anciens.

-… et c'est ainsi que je donne la parole à Lord Black, Chef de la Noble et Très Ancienne Maison des Black.

Le Gryffondor adressa un signe de tête respectueux au Ministre avant d'ôter la cape noire qu'il portait…

… révélant une somptueuse robe de sorcier anthracite, sur laquelle étaient brodées les armoiries des Black. Laissant simplement la cape sur la chaise, il s'avança d'un pas avant de prendre la parole d'une voix suffisamment forte pour être entendue de tous sans avoir à recourir à un Sonorus.

- Augustes membres du Magenmagot, c'est un honneur pour moi de rejoindre cette assemblée qui a pendant des siècles, et continue encore aujourd'hui d'apporter la justice et de faire respecter la Loi dans le monde sorcier. J'espère, avec le temps et l'expérience, obtenir un jour une sagesse comparable à la vôtre.

Son discours, direct, précis et concis, fut suivi d'un tonnerre d'applaudissements de la part d'une majorité des personnes présentes. En effet, certains le voyaient comme l'héritier d'une des plus vieilles familles de sang pur tandis que d'autres le jugeaient de part ce qu'ils savaient de sa jeunesse auprès de sa mère de sang-mêlé. Bref, en attendant qu'il affirme réellement ses positions, tous le considéreraient comme un allié potentiel… et c'était ce qu'il désirait, pour le moment.

Amelia Bones ne tarda pas à prendre la parole, enchaînant sur les affaires courantes.

- Comme vous le savez, la dépouille de Peter Pettigrow a été retrouvée dans la Cabane Hurlante, non loin de Pré-au-Lard hier, en début de journée. Les officiers de la police magique déployés sur place n'ont trouvé aucun signe apparent de lutte. Des résidus magiques étaient présents, et proviendraient des sorts dont Pettigrow se serait servi pour faire apparaître la corde et l'escabeau qui lui ont permis de se pendre.

- Et l'autopsie ? L'interrogea un sorcier d'âge mûr, tout en passant ses doigts dans sa longue barbe grise.

- Les médicomages n'ont pas trouvé la trace d'un poison ou d'une quelconque potion ayant pu altérer son jugement. Il aurait par contre été régulièrement soumis au sortilège Doloris si l'on en croit l'état de son corps mais c'est peu étonnant puisqu'il s'agissait d'un Mangemort…

- Les traces de torture étaient-elles récentes, Mme Bones ?

Tous se retournèrent en direction du nouvel intervenant, qui n'était autre que le jeune Black. Ce dernier conserva une expression sereine tout en gardant son regard fixé en direction de la chef du Département de la Justice Magique. Celle-ci consentit finalement à répondre, après avoir réajusté son monocle.

- En effet, les traces les plus récentes remonteraient au maximum à quelques jours.

- En quoi cette information importe-t-elle ? Intervint Fudge, visiblement agacé que ce simple rapport sur la mort de Pettigrow prenne des allures de débat.

- Et bien… je ne suis pas très informé sur le sujet mais il ne me semble pas possible qu'une personne puisse s'infliger à elle-même ce sortilège impardonnable. Ce qui signifie…

-… qu'une autre personne s'en est chargée. C'est une remarque très pertinente, M. Black. S'exclama un homme non loin de lui, qui s'avérait aussi être le vieux sorcier qui avait pris la parole quelques instants plus tôt.

- Merci, monsieur…

- Ogden. Tiberius Ogden. Enchanté de faire votre connaissance. S'exclama-t-il d'un air enjoué avant de tendre sa main à l'adolescent.

Ce dernier parût quelque peu surpris de ce geste avant d'esquisser un sourire à son tour, puis de lui serrer chaleureusement la main. Ils ne purent toutefois poursuivre leur discussion puisque Fudge avait repris la parole d'un air irrité.

- Et alors ? En quoi est-ce important ?

- Réfléchissez, Cornelius. Si quelqu'un a pu infliger le Doloris à Pettigrow en de nombreuses occasions, c'était très probablement un Mangemort ou au moins un pratiquant de la magie noire, auquel Pettigrow devait louer ses services. Répliqua Bones d'un air sévère.

Le visage du Ministre pâlit considérablement à cette perspective. Si un autre mangemort était dans la nature, un mangemort dont ils ne savaient rien, cela ne ferait que renforcer le climat de tension dans le monde sorcier alors que ce dernier venait tout juste de s'apaiser.

- J'ai entendu dire que Lucius Malefoy avait été accusé d'être un Mangemort dans les années 80 et qu'il avait été acquitté… mais puisqu'il fait aujourd'hui l'objet d'une enquête à la fois par nos services et ceux des gobelins, peut-être serait-il judicieux de l'interroger ? Proposa Matthew d'un air tout à fait détaché.

Fudge se mordit la lèvre. Techniquement, Malefoy ne lui servait plus à rien mais le sang-pur disposait malheureusement d'informations des plus… compromettantes à son sujet. Si Lucius venait à parler, Cornelius pourrait dire adieu à sa carrière et n'aurait d'autre choix que de finir sa vie dans la honte et le déshonneur…

- C'est effectivement possible mais il nous faudrait trouver un lien entre ses problèmes financiers actuels et son statut supposé de Mangemort. Or, nos perquisitions n'ont jamais rien donné… Répondit Bones.

- Probablement parce qu'il était averti à l'avance. Si chacune des personnes se trouvant dans cette salle jure sur sa magie et sa vie de ne pas révéler nos intentions, il nous suffira de profiter des occasions où l'huissier récupérera ses biens pour perquisitionner légalement. Ainsi, il n'aura pas la possibilité d'être prévenu et de dissimuler ce qu'il cache. Si nous trouvons des artefacts prohibés, cela nous donnera un motif d'inculpation suffisant pour l'amener devant nous et le soumettre au Veritaserum.

Tandis que la plupart des personnes présentes exprimaient leur accord avec l'idée du jeune Black, induisant un vote qui fut majoritairement positif pour la motion proposée, le teint de Fudge était passé de pâle à cadavérique…

Il n'eut toutefois pas le temps de se reprendre qu'un Auror débarquait dans la salle avant de s'exclamer d'une voix tendue :

- M. le Ministre, Mme Bones ! On a rapporté une nouvelle effroyable…

- Allez droit au but, Williamson. Rétorqua Amelia d'un ton intransigeant.

- Oui, madame ! Une attaque a eu lieu à Azkaban ! Les Détraqueurs sont partis et… dix mangemorts se sont évadés !

Fudge, qui s'était levé à l'entrée de l'Auror dans la pièce, se laissa retomber sur sa chaise, son visage absolument décomposé et tremblant de toutes parts tandis qu'une question s'insinuait lentement dans son esprit.

Et si Dumbledore avait eu raison ?


Après la déclaration de l'Auror, la séance du Magenmagot avait été levée et les membres étaient sortis dans le plus grand désordre. Seules quelques personnes parvinrent à garder leur calme, et c'était notamment le cas de Matthew, qui descendait les escaliers menant au Niveau neuf aux côtés d'Amélia Bones.

- Vous saviez, n'est-ce pas ? Demanda simplement la chef de département d'un ton neutre.

- Pour l'évasion ? Oui, mais il était inutile de vous prévenir puisque vous n'auriez rien pu y faire. Voldemort ou les Détraqueurs auraient décimé vos troupes et vous en aurez grand besoin ultérieurement donc autant éviter de les sacrifier pour rien. Répondit simplement l'adolescent en haussant les épaules.

- Et Pettigrow ?

Le Gryffondor ne répondit pas mais la flamme qui brillait dans ses iris azurés constituait en elle-même une réponse plus que claire aux yeux de la tante de Susan.

Ils entrèrent dans l'ascenseur sans autre préambule, mais Bones n'en avait pas fini avec lui.

- Vous savez que je prends un énorme risque en vous emmenant là-bas…

- Techniquement, j'y suis désormais autorisé en tant que membre permanent du Magenmagot. Remarqua Black d'une voix amusée.

- A accéder au bloc de détention certes mais pas à interroger des prisonniers !

Matt demeura silencieux et se contenta de quitter l'ascenseur et de se diriger vers les cellules d'un pas rapide. Celles-ci n'étaient pour une fois pas gardées puisqu'Ombrage était la seule détenue à s'y trouver et qu'on lui avait confisqué sa baguette. Laissant Bones ouvrir la cellule, il s'y engouffra sans un mot et fit face à celle à qui il lui avait suffi de seulement quelques paroles pour briser entièrement sa carrière et sa vie.

Ses vêtements rose rendus poussiéreux par la cellule dans laquelle elle séjournait depuis plusieurs jours, Dolores Ombrage n'avait pas l'air particulièrement mal nourrie. En revanche, les cernes violacés sous ses yeux indiquaient un manque de sommeil prononcé…

… ce qui ne l'empêcha pas de lui adresser un regard meurtrier lorsqu'elle posa les yeux sur lui.

- TOI ! MISERABLE PETIT…

- Petrificus Totalus. Se contenta de répondre l'adolescent, sa baguette pointée sur elle.

L'avantage du Maléfice du Saucisson, c'était que bien que la victime se retrouvait totalement immobilisée, à l'exception de ses yeux, elle demeurait aussi parfaitement consciente. Cela en faisait un sortilège de choix pour quiconque voulait torturer un prisonnier sans se heurter à la moindre résistance…

- Kreattur. Appela doucement le jeune Black, ses yeux toujours fixés sur l'ex-professeur de DCFM.

Un « pop » sonore se fit entendre tandis que l'elfe de maison venait d'apparaître à ses côtés, à la grande stupéfaction d'Amelia Bones.

- Oui, Maître Matthew ?

- As-tu réussi à te procurer ce que je t'avais demandé ?

- Bien sûr, jeune maître. La voici.

Et sur ces mots, l'elfe des Black lui tendit une petite fiole remplie de potion que l'adolescent s'empressa de déboucher avant d'en verser trois gouttes dans la bouche d'Ombrage, demeurée ouverte tandis qu'elle lui hurlait dessus quelques secondes plus tôt.

- Merci beaucoup, mon ami. Tu peux disposer.

- Bien, Maître Matthew. Répondit respectueusement Kreattur avant de disparaître comme il était venu.

Amelia était quant-à-elle restée prostrée sur place et commençait tout juste à reprendre le contrôle d'elle-même.

- Est-ce que c'est bien ce que je crois ? S'enquit-elle d'une voix blanche.

- Tout à fait. Répondit Matt alors qu'il s'employait à désensorceler la tête, et seulement la tête, d'Ombrage.

- Mais… c'est parfaitement illégal ! Si cela se savait…

- Cela ne se saura pas. Maintenant, taisez-vous, s'il vous plaît.

La chef de département aurait voulu protester mais elle n'était elle aussi que trop consciente des enjeux, et c'est donc avec regret qu'elle se tût.

Prenant une profonde inspiration, le jeune Black reprit la parole d'un air résolument calme, ses yeux fixés sur le regard brouillé d'Ombrage.

- Comment vous appelez-vous ?

- Dolores Jane Ombrage. Répondit-elle d'une voix monocorde.

- Servez-vous les Anciens ?

Ombrage prit une profonde inspiration, son corps parcouru d'un frémissement avant qu'elle ne réponde à nouveau du même ton monotone.

- Oui.

- Quel est votre contact direct avec eux ?

- Christopher Bowman.

- Qui est-ce ?

- C'est un cadre haut placé dans la Nightrise Corporation.

- Est-ce qu'il opère seul ou est-ce que Nightrise est sous le contrôle des Anciens ?

Là encore, elle parût frissonner mais n'en finit pas moins par répondre d'une voix désincarnée.

- L'entreprise est aux mains des serviteurs des Anciens.

- Qui d'autre connaissez-vous qui serve les Anciens ?

- Seulement Bowman.

- Quelles missions vous-a-t-il confiées ?

- Discréditer Potter et Dumbledore, m'assurer que les mesures de Cornelius se conformaient à ses instructions, prendre graduellement le contrôle de Poudlard…

- Vous a-t-il demandé de laisser des personnes tranquilles dans l'école ?

- Juste les Serpentard et Severus Rogue.

- Avez-vous des informations sur les Gardiens ?

- Non.

- Bien… merci pour votre coopération, Dolores. Enervatum…

Ombrage retrouva alors toute sa mobilité et elle commençait tout juste à retrouver ses facultés mentales quand le sort s'abattit sur elle.

- Animus Excidium !

Le jet de lumière mauve la percuta en plein front et ses yeux s'écarquillèrent alors que sa bouche s'ouvrait comme pour hurler mais… aucun son ne sortit et en l'espace d'un instant, son regard se vida de toute lueur de vie.

- Vous… vous l'avez tuée ? L'interrogea Bones d'une voix rauque, ses yeux rivés sur Ombrage avec une expression d'horreur.

- Pas tout à fait. Elle respire et ses fonctions vitales sont normales… mais son esprit est détruit. Les médecins légistes moldus concluraient à un accident vasculaire cérébral et ce sera sans doute également le cas des médicomages.

Peinant à détourner son regard de la femme que le jeune Black venait quasiment d'anéantir, Amélia finit par quitter la pièce, refermant la porte derrière elle et rattrapa l'adolescent qui avait presque atteint l'ascenseur, posant violemment une main sur son épaule pour qu'il se retourne vers elle.

- Pourquoi avez-vous fait ça ? Elle… elle ne…

- Elle ne le méritait pas ? Oh par tous les mages, êtes-vous à ce point naïve ? Cette femme avait plusieurs plumes sanglantes dans ses affaires ! Elle n'aurait sans doute eu aucun remord à les utiliser sur des élèves, et pourquoi pas votre propre nièce ! Et si cela ne vous suffisait pas, elle s'est mise au service des Anciens ! Est-ce que je dois vous rappeler ce qu'ils sont et quel est leur but ?

Le regard de l'adolescent était absolument glacial mais par delà toute cette colère, toute cette haine… elle parvenait à voir autre chose : de la souffrance, une souffrance profondément enracinée qui ne pouvait s'expliquer que par des pertes, de très lourdes pertes, auprès de personnes qui lui étaient chères.

C'est peut-être là qu'elle réalisa pleinement que celui qu'elle avait en face d'elle n'était pas un simple adolescent. C'était un homme qui s'était battu à de nombreuses reprises et qui avait déjà payé un lourd tribut à la guerre… au point que son cœur s'était fermé à toute notion d'hésitation ou de pitié envers ses ennemis.

Voilà qui était le Premier des Cinq.