Bonjour vous :)

Me revoici, certes plus tard que je ne l'avais prévu mais je suis là quand même.

J'avais prévu de poster mardi, ce qui s'est révélé délicat au vu de mes horaires de travail, et comme un virus ma mise HS à partir de mercredi, l'histoire a été vite réglée avec Baddy collée au fond de son lit à grelotter et à maudire la terre entière :p

Bref, toutes mes excuses, donc.

Sinon, pour ce chapitre final, je garde les mêmes avertissements que précédemment, à savoir : rhétorique douteuse, câlins entre messieurs et autres joyeusetés. J'ajoute que l'exemple de Draco vis à vis de la boisson n'est pas à suivre, pensez aux risques que vous courez et faites courir aux autres :)

L'histoire est toujours dédiée à la fée Artoung, je pense qu'après ce chapitre elle devrait se calmer et que sa schizophrénie devrait disparaître (elle se prend pour Gollum et appelle cette fiction son « précieux » o_Ô).

Merci à tous ceux qui ont pris le temps de me laisser des reviews, j'ai été vraiment touchée de les lire, normalement j'ai répondu à tout le monde.

Sur ce, bonne lecture :)


Moi qui ne supporte pas le bonheur…

(Part. 3)


Lundi 29 Juillet 2002 :

Ce bureau est moche, je suis entré depuis moins d'une minute et j'ai déjà la nausée.

Mais comme c'est une convocation, je me contenterai de vomir intérieurement.

Ce matin, j'ai reçu des mains d'un sous fifre du bureau des Aurors une invitation à papoter avec le grand manitou. Je me suis demandé l'espace de quelques secondes si c'était une plaisanterie, ça n'en est pas une, je suis là, planté comme un con à attendre qu'on me dise quoi faire.

Je me doute bien que ça a quelque chose à voir avec la mission de l'autre fois, mais s'ils veulent me foutre à la porte je ne vois pas pourquoi c'est le patron de Potter qui me convoque.

Honnêtement, je suis largué.

Ben Middleton est un connard arriviste, il a seulement trente deux ans et est déjà à la tête du département des Aurors. On chuchote dans les couloirs qu'il lèche si bien et si fort le cul de Diggory qu'il est en bonne place pour grimper jusqu'au sommet du Ministère dans les dix ans à venir. J'y crois à moitié, parce que Diggory de son côté lèche bien et fort le cul de Potter, alors bon…

Je crois que Middleton et son sourire de pub pour dentifrice vont plutôt se retrouver à faire de la figuration, il a ses chances dans le cinéma porno sinon, si j'en crois ce que racontent les nanas.

Ouais… belle gueule, apparemment il soutient ce qu'il avance, mais pas trop longtemps.

Ah… les bruits de couloirs.

Ça a au moins le mérite de me faire délirer cinq minutes quand je prends ma pause café, entre deux rapports et un briefing avec mon équipe.

– Asseyez vous, Monsieur Malfoy, dit l'arriviste en souriant.

Là, je me dis que ça pue, mais quelque chose de bien. Déjà parce qu'il m'a appelé « monsieur », et ensuite parce qu'il m'a souri.

En temps normal, ce type a toujours l'air d'avoir envie de gerber quand il me croise, et ne s'adresse a moi que par mon nom de famille, et encore, seulement quand il est obligé de me parler.

Comme je suis curieux, et que ça a l'air de le faire un minimum chier de devoir me parler poliment, je m'assois. Et j'attends qu'il veuille bien cracher le morceau.

C'est pas le tout, mais j'ai une descente à programmer pour demain soir, et des potes à voir, et de l'alcool à boire.

– Comme vous devez le savoir, il y a eu une enquête suite à la mort de Bradley Fraiklin, commence-t-il. Nous avons réuni les différents acteurs de ce drame et selon les témoignages enregistrés par nos services, il ressort que votre acte était justifié.

Merde alors… j'aurais juré ce type incapable de m'étonner.

– En conséquence, il n'y aura aucune poursuite, vous pouvez donc être tranquille.

– Merci, je réponds. Cependant, je doute que vous m'ayez fait venir jusqu'ici simplement pour m'annoncer cela.

– Il est vrai que ce n'était pas la seule raison à cette convocation, vous êtes très intuitif, Monsieur Malfoy.

Et visiblement il a quelque chose à me demander. Je rêve où il est en train de me cirer les godasses, là ?

Je hausse un sourcil (mon expression favorite destinée aux cons), il rougit un peu. Bien, on se comprend.

– Voyez-vous, nous avons pour projet de créer une unité d'élite qui interviendrait sur les cas les plus délicats, et pour ce faire nous avons besoin de certains éléments. Vos résultats sont exceptionnels, c'est un fait, aussi votre nom a-t-il été cité pour le lancement de ce projet.

– J'ai du mal à vous suivre.

– Les membres de cette unité d'élite devrons maitriser les sortilèges de défense élémentaires, ce que la plupart des Aurors est tout a fait capable de faire, mais certaines personnes auront pour rôle spécifique la défense, chose pour laquelle vous êtes incontestablement doué.

Sous les kilos de pommade, j'ai franchement du mal à comprendre ce qu'il veut, et une migraine tout ce qu'il y a de plus sympathique commence à me chatouiller gentiment la tempe droite.

– Vous me proposez de faire ce que je fais déjà, en fait, je dis pour accélérer les choses.

– Non, en réalité nous avions à l'idée un autre rôle pour vous. À l'heure actuelle, vous êtes le seul à être au contact des équipes d'Aurors, personne n'a rien trouvé à redire parce que vous avez été remarquable. Non, ce dont nous avons besoin, c'est d'un formateur.

– Un formateur ?

– Oui. Vos méthodes sont très imaginatives, et l'idée serait de les appliquer de façon plus étendue.

– Vous voulez que je forme des Aurors d'élite ?

– C'est l'idée, en effet.

Merde, il a même réussi à me rendre perplexe.

Ce type n'est peut être pas perdu pour la cause après tout, quand il arrête de lécher des culs, il est surprenant.

Cette proposition est intéressante, je dois l'avouer, cela dit quelque chose me dérange.

– Ce serait un poste à plein temps ? je demande.

– Bien entendu, il y a énormément à faire.

Voilà, j'ai mis le doigt dessus.

Finalement, ce mec est un pantin ridicule. L'idée est tellement brillante qu'elle ne peut pas sortir de cette tête de premier de la classe avec brushing assorti, raie sur le côté comprise.

– J'ai besoin de temps pour réfléchir, pourriez vous me faire parvenir les terme du contrat par courrier ?

Cette fois, c'est lui qui est étonné. Stupéfait, même, que je ne saute pas sur sa promotion trop belle pour être vraie.

Mais il hoche la tête.

– Bien sûr, Monsieur Malfoy, ma secrétaire vous enverra un hibou dans l'après midi.

– Parfait, si vous voulez bien m'excuser, j'ai un rendez-vous urgent.

Je n'attends même pas sa formule de politesse, je me lève et je sors.

Car j'ai bien quelqu'un à voir. Une personne qui ignore avoir rendez-vous avec moi, quelqu'un qui m'a pris pour un con.

Son bureau n'est qu'à un couloir de là, même pas besoin de sortir du département des Aurors, parce que Potter est Auror. Très bien.

Ça fait près de deux semaines que je m'arrange pour ne pas le croiser, mais je vais tout foutre en l'air parce que Potter et ses suggestions dans l'oreille paternaliste du Ministre, ça commence à bien faire.

Car oui, cette idée d'unité d'élite est excellente, et qu'on en avait parlé quand on était encore jeunes et idéalistes, quand on se disait que les associations aléatoires entre Oubliators et Aurors ne donnaient pas toujours une super mayonnaise. Et là, ça ne peut venir que de lui.

Je ne prends même pas la peine de taper à la porte, si je frappe quelque chose, ce sera sa figure, rien d'autre.

Il est assis à son bureau, le sourire au lèvres, les yeux fixé sur un obscur sous fifre, le tapoteur d'épaule, je le reconnais tout de suite.

Le sourire de Potter se fige dès qu'il me voit, son pote fronce les sourcils et pousse un soupir agacé.

– On parle, maintenant, je dis sèchement.

Une sorte de lueur résignée apparaît dans les yeux de Potter, il sait qu'il ne va pas y échapper de tout façon.

– Chris, tu peux nous laisser ? demande-t-il au tapoteur.

L'autre soupire à nouveau, je me demande si je ne devrais pas lui proposer de prendre la place du climatiseur défectueux de mon appartement, il crache plus d'air que cette chose antédiluvienne.

– Je t'attend dans mon bureau, dit-il finalement avant de sortir d'un pas raide sans oublier de me lancer un regard qui se veut menaçant.

Ouh, j'ai peur. Ou pas, en fait.

– Tu as fini de m'éviter, on dirait.

Potter attaque, Potter fait chier.

C'est pas franchement le moment de me rappeler ce qu'on a fait la dernière fois qu'on s'est vus.

C'était une erreur.

– Je ne suis pas là pour parler de ça.

– Ah ?

Il se cale plus confortablement dans son fauteuil, j'essaie d'empêcher mon regard de descendre vers ses lèvres.

– Je viens de voir ton patron, j'annonce.

Il se tend imperceptiblement, il comprend pourquoi je suis là.

– J'avais entendu parler de cette idée de formation, il te l'a finalement proposée, félicitations Draco.

– Tes félicitations, tu peux te les fourrer, Potter, si tu crois que je suis assez con pour ne pas comprendre d'où vient l'illumination de Middleton.

– Bon sang… soupire-t-il. Tu es vraiment du genre borné. On te propose un poste en or et la première chose que tu te demandes c'est ça. Je n'y suis pour rien.

– Et tu crois que je vais avaler ça ? Sois honnête pour une fois, tu n'as pas apprécié mes méthodes sur le terrain et tu veux faire de moi un putain de planqué.

Son regard se durcit, moi aussi. Il fait chier.

– Bien sûr que tes méthodes me déplaisent, je n'ai jamais eu aussi peur que ce soir là. Je pense que tu as assez risqué ta vie et qu'il est temps pour toi de donner leur chance à ceux qui veulent le faire. Ceci dit, je n'ai rien à voir dans cette histoire.

– Va te faire foutre, je lance.

Je suis à bout d'arguments, je sais qu'il est à l'origine de tout, il sait que je le sais mais il va continuer à jouer au con et je ne suis pas armé pour lui faire face dans cette guerre des nerfs.

Et s'il continue à me fixer comme ça, je sens que ça va mal finir.

Mal comme Potter à genoux affairé à me soulager de cette extrême tension que je sens monter.

Mal, comme la dernière fois.

Mal, parce que c'était trop bon pour être plus qu'un coup d'adieu.

– Je n'ai jamais compris pourquoi tu étais aussi méfiant, Draco. C'est bien simple, on dirait que tu te méfies de tout ce qui est positif pour toi, au point de tout faire pour que ça devienne négatif.

– Tu donnes dans la psychologie maintenant ?

– Non, j'ai juste passé deux ans à tenter de te cerner… à essayer de te rendre heureux. Et ça me tue de m'être planté à ce point.

Merde, le sentimentalisme maintenant.

Je n'ai jamais pu lui dire à quel point je me sentais bien avec lui, à quel point le simple fait de me réveiller dans ses bras était quelque chose de fabuleux. Je ne vais pas commencer maintenant.

Il n'a jamais été à moi, m'ouvrir à lui de cette façon n'aurait mené qu'à un massacre plus sanglant, plus cruel. Parce qu'il aurait fini par me quitter, peu importe le nombre de « je t'aime ».

– Et à présent tu as compris que je n'en valais pas la peine. Si tu m'avais demandé dès le départ je te l'aurais dit, désolé de t'avoir fait perdre ton temps Potter.

– Je n'ai jamais eu l'impression de perdre mon temps, car vois-tu, je t'aimais.

Il se lève lentement, sans me quitter des yeux. Je recule, mon dos rencontre la porte.

– Je t'aimais tellement, Draco… murmure-t-il. Tellement que parfois, j'avais l'impression que c'était réciproque.

Il n'est plus qu'à un souffle de moi, j'ai chaud, je n'aurais jamais dû venir.

Je me force à réagir, parce qu'il le faut, parce que ce n'est pas maintenant que je vais tout déballer.

Parce que ça ne nous mènerait nulle part que je lui dise que je l'aime plus que ma propre vie, qu'il est la seule chose qui me sois essentielle dans ce monde… et tout un tas de trucs plus mièvres qu'utiles, même si vrais.

– Et ce n'est plus le cas, je te remercie d'avoir employé le passé afin de recentrer le débat, dis-je d'un ton aussi froid que possible. Maintenant que tout est clair, je te prierai de ne plus interférer dans ma vie, tu as amplement de quoi t'occuper avec ton nouveau petit ami.

C'était sensé l'agacer, ça le trouble.

Apparemment j'ai tapé juste quelque part.

– Chris n'est pas mon petit ami, se défend-t-il.

C'était donc ça.

Le tapoteur d'épaule tapote d'autres choses, alors. Ça explique le regard de pseudo tueur qu'il m'a lancé. Le monsieur est en pleine entreprise de séduction et ça lui casse son coup de voir l'ex débarquer pour prendre le thé.

– Ça ne tardera pas, et tu as tout à fait raison de passer à autre chose. Essaie juste de ne pas sélectionner quelqu'un qui bosse dans ton équipe.

Potter fronce les sourcils, recule d'un pas. Je respire un peu mieux.

– Tu t'en fous, dit-il.

– Tu pourrais t'envoyer l'équipe des Canons de Chudley que ça ne me perturberait pas, je trouverais juste à redire sur le choix de l'équipe. C'est ta vie, ton cul, tu en fais ce que tu veux.

Il recule encore, il a même un peu pâli.

– Tu as rencontré quelqu'un, toi ?

– Oh, Potty… tu crois sincèrement que je suis capable de rester sans baiser plus de deux jours ?

Si je pouvais, je me décernerais un Oscar, je crois.

– C'est vrai, j'avais oublié, répond-t-il sourdement.

Il retourne s'asseoir à son bureau, sa démarche est un peu raide. Mais quand il me regarde à nouveau, son expression est plus déterminée que jamais.

C'est à ce moment là que je commence à avoir mal.

Pas ce genre de douleur douce-amère qui se place dans la poitrine quand on réalise que l'autre a définitivement tiré un trait.

Non… là c'est ce mal intense, obsédant, cette envie de se jeter par la première fenêtre venue tellement on a envie de mettre fin à ce calvaire. Cette souffrance de voir que cette personne qui nous est si essentielle sortir de notre vie.

Je crois que je dis encore quelque chose, mais je ne sais pas trop quoi, mon cerveau s'est déconnecté.

Je sors de son bureau, je croise le tapoteur et je n'ai même pas envie de lui coller mon poing dans la gueule.

Je vais plutôt m'enfermer dans les chiottes, parce qu'au Ministère c'est le seul endroit qui soit bien insonorisé.

Je verrouille la cabine, et je m'effondre au sol, comme une merde qui aurait loupé le trou, c'est gore comme image mais c'est bien ce que je suis.

Voilà, c'est terminé, j'ai fini par le convaincre qu'il serait plus heureux sans moi.

Oh, je serai malheureux, surement, mais tant que lui vit, sourit et continue d'avancer, c'est l'essentiel.

Le bonheur lui va tellement mieux qu'à moi…

oOo

Un an plus tôt – Dimanche 29 Juillet 2001 :

Parmi les dizaines d'évènements importants auxquels on peut assister dans une vie, les mariages étaient sans contestation possible ceux qui partageaient le plus l'opinion. La plupart des gens étaient heureux d'être invités, voire honorés s'il s'agissait d'un couple en vue. Les autres voyaient en ces occasions l'obligation mortelle de paraître, au risque de froisser l'heureux couple.

Draco Malfoy ne craignait pas de froisser les mariés, il ne pouvait pas les encadrer, et c'était un fait établi. Par contre, s'il était présent pour leur union, c'était uniquement pour faire plaisir à Harry Potter, son compagnon.

Oui, « compagnon ». On pouvait dire cela ainsi. Ils vivaient quasiment ensemble, passaient le plus clair de leur temps libre l'un avec l'autre et procédaient très régulièrement à des échanges passionnés de fluides corporels. Or, « amants » avait une connotation trop clandestine, et ils n'étaient plus des clandestins depuis quelques semaines.

Hélas, se disait souvent Draco.

Il se reprochait souvent de ne pas s'être senti suivi, ce soir là. Mais ce qui était fait…

La photo de Harry et lui enlacés avait provoqué un scandale. Le Sauveur était homo et se tapait allègrement un ancien Mangemort, il y avait de quoi faire hausser quelques sourcils.

Heureusement, cette affaire n'avait pas remis en cause le contrat que Draco avait signé quelques heures à peine avant que la photographie ne fut prise, il ne s'était donc pas retrouvé au chômage avant même de commencer à travailler.

Par contre – et c'était sans doute ce qui l'agaçait le plus – il ne pouvait plus faire un pas hors de chez lui sans qu'un journaliste ne lui saute dessus pour tenter de lui extorquer des informations sur son couple.

Mais Draco n'avait rien à dire.

En dehors de cette image, personne n'avait pu les surprendre main dans la main, ou en train de s'embrasser.

Ils n'étaient probablement pas « ce genre » de couple.

Oh, bien entendu, Harry essayait d'obtenir plus de démonstrations, mais Draco n'aimait pas ce genre de gestes qui disaient au monde « cette personne m'appartient ». Harry ne lui appartenait pas, Harry était libre, Harry ne tarderait pas à reprendre ses esprits et à se retirer de sa vie.

Lui ne faisait qu'attendre, et prendre un peu de ce bonheur qui lui était donné.

En attendant, Draco se retrouvait obligé de se morfondre au mariage de Ronald Weasley. Il s'ennuyait comme il s'était rarement ennuyé dans sa vie mais il devait admettre que la mariée était devenue une très belle jeune femme, on ne faisait même plus attention à ses dents tant ce qui se trouvait autour était charmant.

Par contre il se serait passé de cette profusion de cheveux d'un roux vomitif. Il y en avait partout, et sans sa copine Vodka, Draco aurait déjà fui à toutes jambes.

Les plus pénibles étaient les enfants, il avait beau augmenter régulièrement la quantité d'alcool dans son sang, il ne parvenait pas à se montrer plus tolérant envers cette population braillarde qui – semblait-il – gravitait autour de lui plus qu'ailleurs. Pourtant il avait essayé de les faire fuir, mais à moins de sortir sa baguette, il ne voyait pas quoi faire d'autre, et ça ferait désordre.

Alors il subissait en silence, Vodka lui tenait compagnie pendant que Harry dansait avec chacune des femmes présentes. Oh, il lui avait bien sûr demandé de l'accompagner sur la piste mais Draco avait répondu par la négative, ajoutant que s'il faisait cela, ça équivaudrait à se balader devant tout le monde avec une plume dans le cul. Non, Draco n'avait pas renoncé à ses répliques douteuses. Et puis ils étaient deux hommes, et Draco n'aimait pas les démonstrations publiques.

– Tu comptes monopoliser la bouteille toute la soirée ?

– Oui, Vodka est ma cavalière ce soir, et je ne partage pas.

Georges Weasley venait de s'asseoir à côté de lui en soupirant, apparemment il s'amusait bien, lui aussi.

– Je m'en fous, Téquila fera l'affaire, dit-il en levant sa propre bouteille.

– Pourquoi tu viens me faire chier dans ce cas ?

– Parce que tu es la seule personne qui ait l'air d'en avoir besoin, Malfoy. Et parce que tu m'amuses.

Draco grogna pour la forme, il s'était habitué à cet énergumène au fil du temps. C'était un mec sympa, taciturne, lunatique mais touchant dans un sens. Il passait très souvent chez Harry pour se reposer des attentions trop pressantes de son immense famille et finissait immanquablement par s'écrouler dans le canapé du salon. C'était comme s'ils avaient un chat, en fait, il ne partait jamais bien loin ni bien longtemps.

– Tu as dit à Harry que tu détestais les mariages ? demanda l'animal de compagnie au bout d'un moment.

– Non, je n'avais pas spécialement envie d'évoquer ma haine de la race humaine en général, et puis c'est son meilleur pote.

– Putain… dire que t'avais une excuse pour rester planqué et que tu t'es assis dessus. Tu me déçois.

– Je ne suis peut être pas un enfoiré, dans ce cas.

– Moi si, mais Ron est mon petit frère, si je disparais de ses noces, tout va capoter.

– Vrai. C'est quand même curieux cette propension à te croire au bord du suicide toutes les deux minutes, ça touche toute la famille ?

– Ouais.

– Dur.

– Tu l'as dit.

– C'est vrai que ce serait moche de faire cesser les festivités pour partir à la recherche de ton cadavre virtuel, Weasley. Finalement tu as bien fait de venir me faire chier, je me sens moins coincé que toi dans ce merdier, dit Draco avec un petit sourire amusé.

– Question de karma, Malfoy. Si j'étais toi, j'effacerais rapidement ce petit sourire satisfait de mon visage, ton cher et tendre s'amène et m'est avis qu'il n'a pas oublié ta réflexion philosophique sur les plumes et les anus.

Draco se raidit immédiatement. Sa vision périphérique capta un Potter en approche, un Potter qui avait l'air un peu contrarié.

– Et merde, grogna-t-il.

– Chacun pour soi, Téquila et moi devons te laisser, fit Georges dont le ton habituellement neutre laissait paraître son amusement.

De son côté, Draco opta pour la retraite stratégique, il se leva rapidement et s'éloigna avec Vodka. Bien entendu, Harry le suivrait mais dans un coin un peu à l'écart, il n'aurait aucun mal à le convaincre du bien fondé de ses arguments.

Il contourna la maison sans parvenir à ne pas grimacer – décidément il ne se ferait jamais à ce côté moche du prolétariat de la famille belettes – et trouva un banc à peine pourri sur lequel il put s'asseoir. Il retrouva aisément son pote des moments pénibles, Malboro, et eut même le temps de s'allumer une cigarette avant que Harry ne le rejoigne.

Il prit quelques secondes pour l'admirer. Il avait beau le connaître sur le bout des doigts, il avait encore du mal à croire qu'un tel homme puisse ne serait-ce que le regarder. Il se sentait comme un gamin maladroit dès qu'il se trouvait près de lui, tant d'assurance, tant de bonté, tant de… tout. Harry Potter était loin d'être parfait, mais Draco ne parvenait plus à trouver ses défauts.

Et là, il s'approchait d'un pas souple, son regard vert déjà rivé au sien, chercheur d'âme (-1-), Draco haleta doucement.

– Tu as paumé ta cavalière ? demanda-t-il, cynique.

Il n'avait que cette arme, il s'en servait trop mais ce piètre bouclier lui donnait l'illusion de contrôler un minimum les choses.

– Laquelle ?

– Aux dernières nouvelles, tu te frottais contre ton ex, la rouquine demoiselle d'honneur.

– Je ne me frottais pas contre Ginny, en tout cas moins que toi contre ta bouteille.

Coup bas, Harry avait appris vite et bien à son contact, Draco eut un sourire, le plus sincère de la journée.

– Vodka a tout de même plus de charme que la rouquemoute.

– Ginny a meilleur goût que cette chose.

– C'est pour ça que tu l'as plaquée, d'ailleurs.

– Draco… soupira Harry. Je veux bien jouer au plus con avec toi mais évite les sujets qui fâchent, s'il te plait.

Draco inhala un peu de fumée.

Il avait fait exprès de parler des fiançailles rompues, il savait que c'était un sujet sensible, et Harry était très chatouilleux. Cette relation avec Ginny ne les aurait menés nulle part, avait-il dit un soir quand Draco l'avait interrogé, elle l'aimait trop et lui pas assez, pas comme il aurait dû en tout cas. Pas comme il l'aimait, lui.

Draco s'était senti bêtement heureux d'apprendre ça. Il se sentait toujours comme un type qui aurait gagné à la loterie quand Potter lui disait ce genre de chose.

Ginny Weasley, rouquine de son Etat, avait mal supporté la rupture. Elle avait réussi à se convaincre que Harry traversait une mauvaise passe en se plongeant dans des manuels de psychologie. Les choses avaient dérapé lorsqu'elle s'était introduite chez lui au milieu de la nuit et qu'elle l'avait trouvé endormi dans les bras de Draco Malfoy. Bien entendu, après la crise d'hystérie règlementaire, il n'avait plus été question de syndrome post traumatique mais d'une erreur.

À ce jour, Draco ne savait pas encore si elle avait compris que son ex était définitivement perdu pour les femmes. Il l'espérait pour elle.

Mais la tourner en ridicule était bien la seule chose qu'il pouvait faire pour éviter de penser qu'un jour prochain, ce serait son tour de souffrir.

– Tu as l'air fatigué, dit doucement Harry après quelques minutes de silence.

– Je le suis, souffla Draco en écrasant sa cigarette sous son talon. Qui ne le serait pas après avoir passé plusieurs heures au milieu d'une forêt de gnomes braillards ?

– Les enfants ont été calmes, je trouve.

– De ton point de vue, surement.

– Je t'ai vu jouer avec eux, Draco, alors évite de me la faire.

– Je les menaçais de mort, je ne te la fais plus depuis un bail, tu le sais bien.

Harry eut un petit rire.

– Danse avec moi, Draco.

– Je ne répondrai même pas, tu as très bien compris la première fois, Potter.

– Danse avec moi ici, il n'y a personne.

Draco lança un regard perplexe à son petit ami, ce dernier lui tendait la main et grâce à la lueur de la pleine lune il put le voir sourire.

– T'es pas net, toi. On n'entend même pas la musique.

– Je n'ai jamais eu besoin de musique pour danser avec toi.

Sa voix s'était faite lascive, et Draco ne lutta plus. Il ne pouvait pas résister à ce ton plein de promesses et rempli des échos de leurs soupirs.

Harry l'enlaça doucement, ils se mirent à se mouvoir en silence. Un silence rempli du parfum de sa peau qui montait à la tête de Draco, de son souffle perdu dans des cheveux blonds un peu trop longs, de ses mains qui se faisaient exploratrices dans un dos à peine recouvert d'une chemise blanche.

C'était encore l'un des aspects de leur relation, car si Harry Potter ne faisait aucun mystère de ses sentiments, physiquement il était l'homme aux mille et un visages. Il pouvait se montrer passionné, à tourner la tête de Draco, il pouvait être tendre, à faire battre son cœur, il pouvait se faire envoûtant, à griser son esprit… ce soir, il était un mélange des trois, avec la passion dans son regard, la tendresse dans ses gestes et le côté envoûtant de ses intentions.

Draco s'était fait avoir exactement dans cet ordre, un an plus tôt… et ça lui avait plu, infiniment.

Il soupira de bien être, peut être que son ennui mortel touchait à sa fin.

– Tu as l'air épuisé depuis quelques temps, murmura Harry.

– Je vais bien, j'ai juste beaucoup de travail.

– Je sais, et cette pression ne te fait aucun bien.

Draco soupira à nouveau, mais d'agacement cette fois. Il savait pertinemment qu'il se mettait lui même sur le grill à vouloir la perfection dans son travail, il passait d'ailleurs des heures à s'entraîner avec son équipe. Harry et lui avaient eu déjà plusieurs discussions houleuses à ce sujet, mais en général ça se terminait par un plaquage en règle sur n'importe quelle surface, qu'elle fut verticale ou horizontale, cette fois il était plus ou moins coincé avec cette foule d'invités à une vingtaine de mètres d'eux.

– Cette pression, comme tu dis, me pousse à devenir meilleur. C'est important pour moi.

– Tu n'as toujours pas confiance en tes capacités, on dirait.

– Je ne suis pas Super Potter, le héros sans peur et sans reproche, alors comme le commun des mortels je fais ce que je peux pour tenir le coup.

Cette fois, ce fut au tour de Harry de soupirer. Encore un contentieux entre eux, qui lui pesait, qui pesait lourd dans la balance en faveur du sentiment d'infériorité de Draco.

– Arrête avec ça, s'il te plait.

– Alors cesse de parler de mon travail.

– D'accord, on fait une trêve pour ce soir.

Ils continuèrent à danser en silence, quelques instants.

– Essaie juste de ne pas tomber malade.

Draco ferma les yeux, douloureusement conscient de l'émotion qui l'étreignait. Ça l'arrangeait de faire semblant de croire que Harry se foutait de ce qu'il faisait de son temps du moment qu'ils se retrouvaient régulièrement pour baiser comme des fous furieux, mais de temps en temps, il disait ce genre de phrase qui montrait plus que n'importe quelle autre combien il se souciait de lui. Dans ces moments là, Draco avait un mal fou à se retenir de le serrer dans ses bras en lui disant encore et encore qu'il l'aimait.

Oh oui, il l'aimait à en mourir.

Au lieu de ça, il prenait le chemin de l'ironie, si rassurant.

– Je suis peut être malade, tu n'en sais rien. Tu devrais prendre ma température, juste pour vérifier, glissa-t-il lascivement.

La main dans son dos se fit plus chaude encore, glissa sous sa chemise pour caresser sa peau nue.

– C'est une idée… hum… séduisante.

Et Draco n'eut plus à répondre, la bouche de Harry venait de se poser sur la sienne pour un baiser profond, humide et si brûlant que la combustion spontanée lui sembla être une réalité.

Parfois, il s'étonnait de cette envie qu'il ressentait en permanence pour Harry. Il avait beau connaître son corps par cœur, il ne cessait pourtant pas de vouloir l'explorer encore et encore. Personne ne lui avait jamais fait cet effet là avant. Et plus le temps passait, plus il se résignait à l'idée que cet homme serait sans doute la dernière personne qu'il toucherait de cette façon.

Rien n'avait été plus facile pour lui que de laisser Harry le toucher, même si au début il s'était posé l'élémentaire question de la domination. Finalement, il avait réalisé que peut importait qui faisait quoi, le plaisir était là, et il était intense.

Cela faisait-il de lui un homosexuel ? Il s'en fichait, à vrai dire.

Tant que ces mains parcouraient son corps, que cette bouche volait son oxygène et que ce sexe dur s'enfouissait en lui, il refusait de se poser des questions sur l'étiquette à coller sur sa sexualité.

Il vivait l'instant présent, et c'était bon.

Il aimait sentir ce cœur accélérer sa course contre sa poitrine, ce souffle devenir erratique, entendre ces mots qui dévoilaient un besoin immédiat, brut.

– J'ai envie de toi, Draco.

Draco allait répondre que lui aussi, peut être lui dire de le prendre là tout de suite, de lui faire oublier que ce soir on fêtait un couple qui allait durer toute une vie quand lui comptait les jours qui le séparaient du vide.

Mais un léger toussotement les interrompit, Draco se raidit en entendant cette voix qui éveillait dans ses entrailles le spectre hideux de la jalousie.

– Excusez moi de vous déranger, minauda Ginny Weasley, mais c'est l'heure du dessert.

– Oh… c'est rien Ginny, nous venons tout de suite.

– D'accord, je vais le dire à Ron.

Elle s'éloigna dans un bruit doux de tissus et de talons à peine claqués. Elle était arrivée en traître, Draco comprit qu'elle avait espéré trouver Harry seul.

Qu'elle était sans doute dégoûtée, triste et misérable.

Serait-il ainsi ?

Il n'eut pas le temps d'y songer, déjà Harry se détachait de lui.

– Nous devons y aller, dit-il avec cette voix encore si rauque qui montrait qu'il avait plus envie de rester dans ce coin d'ombre que d'aller déguster un gâteau.

– On dirait, répondit Draco d'une voix aussi trainante que possible. Décidément c'est une manie estampillée Weasley d'arriver quand on s'apprête à baiser.

Il vit distinctement le corps de Harry se tendre. Harry était si prévisible.

– J'aimerais que tu cesses d'employer ce mot, Draco.

– Désolé, j'appelle un chat un chat, je n'y peux rien si tu t'offusques de pas grand chose.

– Tu ne comprends toujours pas, hein ?

– Qu'y a-t-il à comprendre ?

– Juste que quand toi, tu baises, moi je fais l'amour…

Sur ces mots, Harry s'éloigna, le laissant seul dans l'ombre.

Soudain, et malgré la tiédeur de la nuit, Draco eut froid.

Il resta là, seul, et prit le temps d'allumer une autre cigarette. Il irait manger un morceau de gâteau plus tard, peut être.

Ce ne fut que lorsque la braise rougeoyante disparut sous le talon de sa chaussure qu'il réalisa combien sa poitrine était douloureuse.

– Moi, c'est à chaque instant que je te fais l'amour, Harry, souffla-t-il.

La nuit ne lui répondit pas.

oOo

Vendredi 16 Aout 2002 :

Il était une fois le reste de ma vie…

Ça, c'est un début accrocheur, vous ne trouvez pas ?

Parce que oui, le reste de ma vie, et je n'ai pas encore décidé de ce que j'allais en faire.

Pour l'instant, je continue en apparence à faire mon chemin, je vais au travail, je sors boire un verre avec mes amis de temps en temps, je respire, parle et mange comme avant sauf que plus rien n'a réellement d'importance.

C'est assez stupide, en réalité, parce qu'avant, je passais mes journées à me préparer à ce vide, mais finalement je constate que chaque minute que j'ai perdue à y penser aurait pu être consacrée à tellement mieux.

Le bonheur est un concept fumeux destiné à la vente, selon moi. On vous fait miroiter des tas de choses qui n'existent que dans les bouquins pour que vous passiez du temps à travailler, à gagner un argent que vous dépenserez aussitôt en vêtements, parfums et autres artifices qui paraitront attirant, ensuite vous sortirez dépenser ce qui vous reste dans des bars, des restaurants et d'autres endroits afin de rencontrer et de séduire. Tout ça pour au final former un couple dont la seule perfection demeurera sur papier glacé. Ce qui se trouve derrière les sourires, vous le saurez, et vous réaliserez combien vous vous êtes faits avoir.

J'ai de la chance, j'ai toujours su cela.

Je n'ai jamais eu le moindre espoir de perfection, ni la moindre envie de cette image idyllique. Heureusement, d'ailleurs.

Pourtant, j'étais heureux avec Harry, si tant est que le bonheur existe, je m'en suis approché jusqu'à le toucher.

Et comme prévu, ça a foiré, fin de l'histoire.

Je suis un être cynique, sans aucun doute froid et cruel, mais ne dit-on pas de la vérité qu'elle est froide et cruelle ?

Je suis donc le seul homme réaliste sur cette planète.

Et je me sens seul, c'est vrai aussi.

Je crois que je devrais me biturer la gueule, ça m'empêchera de penser ce genre de conneries.

La prochaine fois que je dois rejoindre Blaise quelque part, je m'assurerai d'éviter d'y aller à pieds, ça favorise un peu trop la réflexion.

Ou alors, je choisirai de marcher avec une personne qui a un minimum de conversation.

Aujourd'hui, nous sommes vendredi, fin de semaine classique pour métier classique. J'ai décidé d'accepter le poste proposé par Middleton, mais à mes conditions. Résultat : mon équipe a aussi eu droit à sa promotion, et le Ministère a gagné quatre formateurs ultra qualifiés.

Pour le moment, on n'en est pas encore à la formation proprement dite, pas parce qu'il n'y a pas de programme mais il y a des sélections à faire. C'est quand même fou le nombre de mecs qui veulent péter plus haut que leur cul, au Ministère. Ils pensent tous être les meilleurs des meilleurs, et moi je me demande juste comment ils ont fait pour éviter l'euthanasie, il m'en feraient presque regretter ce bon vieux Voldemort et ses idéaux tranchés.

Du coup, il faut faire du tri, c'est long et fastidieux mais nécessaire. Et vu qu'on ne peut pas transformer le plomb en or, il faut expliquer à ces braves gens en des termes vaguement corrects (je ne vais pas me fatiguer non plus) d'aller jouer ailleurs, chose qui n'est pas toujours bien reçue. Mais comme je gère le centre de formation, je les envoie gueuler ailleurs.

Le bonus de l'histoire, c'est que j'ai dit adieu aux couloirs du Ministère. On nous a envoyés dans un bâtiment aux installations flambant neuves en plein cœur de Londres. En apparences, c'est un immeuble de bureaux sur quatre étages avec entrée sécurisée et tout le reste mais les seules personnes à pouvoir entrer sont ceux autorisés par moi, et seulement sur présentation de leur signature magique.

Donc, pour en revenir à ce que je disais, nous sommes vendredi, et j'ai rendez-vous avec Blaise. Il a choisi un pub à quelques rues de mon nouveau lieu de travail, ce qui est très délicat de sa part, et pour l'occasion j'ai invité Lucy à se joindre à nous. Elle a vaguement hoché la tête et m'a suivi quand je suis parti du centre, donc j'en conclu qu'elle vient.

Depuis que nous travaillons à autre chose que notre propre organisation, nous avons plus ou moins sympathisé, elle est assez intéressante en plus d'être douée dans le domaine professionnel. Et puis c'est pas une nana emmerdante, elle parle très peu d'elle-même et sait exactement quand se taire. Je pense que je vais la présenter à Georges, ça tombe bien, il devrait accompagner Blaise… enfin, normalement, parce qu'en ce moment Georges me fait un peu penser à ces enfants de couples divorcés : il passe une semaine sur deux chez moi, l'autre chez Potter. J'ai fini par le laisser faire et à m'habituer à sa présence, je crois même qu'il manquerait s'il arrêtait de squatter mon canapé, ceci dit je crois qu'il a besoin d'une personne à aimer.

– Nous sommes arrivés, j'annonce en poussant la porte d'un pub du doux nom de « La Baguette et le Demi », charmant, mais je n'ai pas l'intention de passer la soirée à la bière.

Lucy me suit sans rien dire, c'est fou ce qu'elle est reposante cette fille, Pansy m'aurait déjà abruti de paroles inutiles, j'espère que Blaise n'aura pas eu l'idée de l'inviter à se joindre à nous. Depuis qu'ils vivent ensemble, je vis un cauchemar, je n'aurais jamais dû les enfermer dans un placard juste pour voir ce qu'ils feraient.

Mais finalement, je dois être un brin mauvaise langue sur les bords, vu que nous trouvons Blaise attablé avec Georges, et seulement Georges.

Je les salue d'un signe de tête avant de m'asseoir, invitant Lucy à faire de même. Je ne m'embarrasse pas des présentations, Blaise s'en sort toujours mieux que moi dans ce domaine.

– Lucy, c'est un plaisir de te revoir, voici Georges, qui est en quelque sorte l'animal de compagnie de Draco, dit-il.

Au temps pour moi, il est à chier.

– Enchantée, dit Lucy aimablement à Georges qui pour la peine se fend d'un presque sourire.

L'ambiance est délirante, vite, de l'alcool.

C'est avec joie que je renoue avec ma copine des soirs merdiques : Vodka. Ah… si seulement je pouvais l'épouser…

Mais non, alors je me contente de flirter avec elle, et comme j'aime partager mon affection, j'oscille gentiment entre Vodka et Malboro.

Blaise ne me dit jamais que mes habitudes auront ma peau, ça c'est le boulot de Pansy, et c'était celui de Potter avant sa défection. Maintenant, Potter doit se faire tapoter quelque part, et j'ai envie de gerber rien qu'en y pensant.

La conversation s'anime au fur et à mesure que le degré d'alcool augmente dans le sang des convives, j'entends vaguement Lucy discuter de certains équipements de transmission avec Georges, il a l'air intéressé par ses idées, je me dis que je pourrais les enfermer dans un placard, eux aussi, histoire de voir s'ils finiront par se marier et faire des bébés belettes aux cheveux oranges et aux yeux bridés.

– Dis donc, Cupidon, tu as une sacrée descente ce soir, me dit Blaise alors que Vodka accuse un demi litre en moins.

– J'ai toujours eu une bonne descente, et arrête avec ce surnom débile.

Ouais, Blaise aime bien m'appeler Cupidon depuis que je lui ai fait découvrir que Pansy pouvait être agréable quand elle la fermait, mais c'est surtout parce qu'il est trop con pour admettre qu'ils se bouffaient des yeux depuis longtemps avant l'épisode du placard, en plus ce soir là j'étais complètement pété, un soir parmi tant d'autres où Vodka m'avait tenu serré dans ses bras après une dispute avec Potter.

– Okay, mais seulement si tu m'expliques pourquoi Harry Potter vient d'entrer dans ce bar au bras de Christopher Saint Clair.

Oups… mauvaise idée de tourner la tête aussi vite, surtout quand Blaise a raison et que je manque perdre un œil dans le processus.

Car effectivement, Potter est là, et oui, sa main enlace celle du tapoteur.

J'avais raison, depuis le début.

Je détourne le regard quand celui de Potter balaie la salle, et je me dis que l'idée de Blaise n'était pas franchement bonne finalement.

Mais je n'aurais pas pensé que ce sale con de Saint Clair aurait la même.

– Je suppose que leur présence est due au hasard, mon cher Blaise, quant à cette histoire de bras, je te suggère d'aller leur demander, je réponds finalement.

– Pas la peine, intervient Georges, ils sortent ensemble depuis une dizaine de jours, ça explique la position de leurs bras.

– Merci, Weasley, je dis plus sèchement que je ne l'aurais voulu en me levant.

Je vais m'asseoir au bar, accompagné de Vodka, Blaise me rejoint.

– Ça ne me regarde probablement pas, Draco, mais je ne comprends pas pourquoi tu t'énerves alors que tu as créé cette situation.

– Tu as raison, ça ne te regarde pas.

Le pire dans tout ça, c'est qu'ils vont bien ensemble. Saint Clair est le genre de gars à filer des complexes à n'importe qui : grand, mince, ce qu'il faut exactement là où il faut, des cheveux châtains qui ont l'air doux comme une caresse encadrant un visage viril et souriant, une paire d'yeux noisette pétillants de bonne humeur et d'intelligence… bref, un cauchemar de beau parti, parce que de bonne famille comme l'indique son nom en deux mots. Sa famille pète dans la soie et bien que ça me fasse chier de l'avouer, il est loin de péter plus haut que son cul.

Je le sais parce qu'il a passé les épreuves de sélection pour les unités d'élite aujourd'hui, et qu'il est bon. Il ne fait pas partie de ceux auxquels j'aurai à enseigner personnellement mais il va s'en tirer comme un chef dans le rôle d'avant poste dans les missions dangereuses. Ça m'aurait procuré un frisson orgasmique de l'envoyer chier mais je n'ai même pas pu. La vie est nulle, et encore plus nulle vu que je réalise qu'il est surement là pour fêter son succès avec son nouveau petit ami.

Tiens, Weasley dernier du nom est là aussi, avec d'autres Aurors. Génial.

J'allume une Malboro pour fêter ça aussi, du coup.

Et accessoirement, je vide mon verre cul sec histoire d'effacer de mon champ de vision le sourire benêt qu'affiche Saint Clair. Il a la tête du gars qui vient de gagner au loto et le sourire de celui qui espère bien y avoir droit ce soir. C'est gerbant.

– Tu te rends compte que tu as tout du type désespéré ? demande Blaise d'un ton neutre.

– Tu te rends compte que tu me fais chier avec tes questions ?

– Écoute… tu es mon ami, et j'essaie juste de te comprendre. Je t'ai vu heureux pendant deux ans avec Potter, je t'ai regardé foutre tout ça par terre en me disant que peut-être ça ne te convenait pas, et maintenant que tu te mets minable juste sous mon nez, je ne peux pas rester sans rien dire. Tu es malheureux, alors pourquoi laisses-tu Potter caresser la main de cet individu ?

– Pour une raison simple, Blaise : je serais incapable de m'afficher avec autant de simplicité, incapable de sortir un seul mot gentil, incapable de le rendre heureux. J'ai toujours su que je n'étais pas fait pour lui.

Blaise reste silencieux, il me regarde avec une sorte de pitié encore plus vomitive que tout le reste.

– Regarde les, je continue en les désignant du menton. Ils sont parfaits ensemble. Moi je ne crois pas au bonheur ultime et je suis trop fatigué pour partir à la recherche d'une chimère. Potter appartient à la race des idéalistes, de ceux qui espèrent et travaillent pour rendre le monde meilleur, il mérite quelqu'un qui y croira autant que lui.

– Tu l'aimes, n'est-ce pas ?

– Plus que ma propre vie.

Blaise soupire, il me taxe une cigarette et l'allume en regardant le couple de la soirée. De mon côté je décide d'en finir avec Vodka, que j'attaque au goulot.

Je commence à flotter dans une sorte de brouillard apaisant, je réussis même à sourire quand Blaise commande une seconde bouteille en râlant parce qu'il n'avait pas eu le temps de se servir un deuxième verre.

De loin, je peux voir Georges et Lucy discuter paisiblement autour de Téquila, qui a survécu à la première demi heure et survivra probablement à la soirée, vu que ni l'un ni l'autre ne semblent lui prêter attention. Si j'étais pour les mélanges je serais bien allé la leur kidnapper.

De l'autre côté de la salle, Potter et son tapoteur (oh ça rime… ça me paraître surement moins drôle demain mais pour l'heure je suis mort de rire tout seul) se tripotent sous la table en plaisantant avec le troupeau d'Aurors qui les accompagne.

Et moi je continue à boire en fumant clope sur clope, accompagné par le meilleur ami que la terre ait porté, parce qu'il sait qu'il va dormir sur le canapé pendant une semaine s'il rentre amoché mais il lève quand même le coude avec courage.

Puis vient le moment fatal où j'ai envie de pisser… un litre et quelque de vodka dans le sang, ça finit par descendre, forcément. Alors avec autant de dignité que possible, je me dirige vers les toilettes, il sera bien temps demain de regretter l'allure de pochetron que je me paie avec un brin d'herbe de bison coincé entre les dents, là je dois juste écluser.

Le moment critique passé, je me lave les mains en me regardant dans le miroir. Ça m'arrive rarement de boire pour être saoul mais quand je le fais, je suis toujours étonné de voir combien j'ai l'air sobre. C'est vrai, je n'ai pas les yeux rouges, juste un peu brillants, ni le teint rougeaud, simplement un peu de rose aux joues… en fait, j'ai l'air de sortir d'une fabuleuse partie de baise.

– Tiens salut Malfoy.

Je me vois hausser un sourcil dans le miroir. Quelqu'un s'adresse à moi et la voix, bien que connue, n'est pas non plus habituelle.

Je me retourne pour me trouver face à Christopher Saint Clair, il sourit, il est heureux de vivre. J'ai envie de le frapper.

– Tiens, Saint Clair.

– Je n'avais pas remarqué que tu étais là ce soir, tu viens d'arriver ?

Il essaie de faire la conversation, et accessoirement de savoir si je vais lui casser son coup. Ce qui ne risque pas d'arriver vu que Potter et moi, on ne s'adresse plus la parole.

– J'étais pourtant bien là quand tu es arrivé. Mes félicitations pour Potter et toi, au fait.

– Merci, répond-t-il en rougissant.

– Non, je suis sincère, vous allez vraiment bien ensemble.

– Je.. euh…

Il bégaie, pauvre petite chose. Moi je suis peut-être rond comme une queue de pelle mais je sais encore ce que je dis, et ce que je vais lui dire, il a intérêt à le comprendre.

Parce que je viens de réaliser ce que sera le reste de ma vie.

Je m'approche de lui, il recule jusqu'à être bloqué par le mur.

– Vous ne l'avez pas encore fait, pas vrai ? je demande d'un ton sensuel qui le fait rougir encore plus.

– Pardon ?

– Non, ne réponds pas, ça se voit. C'est pour ce soir, non ?

– Non mais pour qui tu te prends ?

Il se la joue pucelle outragée, c'est vraiment amusant.

– Je suis l'ex de Potter, tu le sais. Tu vas voir, j'ai vraiment pris soin de lui, ça va rentrer comme dans du beurre.

– De quoi ?

– Je te parle de cul, Saint Clair, pas de cuisine. Je sais que tu vas te régaler, il sait tout faire, il aime tout faire. Rien que le fait de m'en rappeler… humm… ça me fout une trique d'enfer.

Il est énervé maintenant, il essaie de me pousser mais je le plaque contre le mur d'une propreté douteuse, mon avant bras appuyé contre sa gorge pour l'empêcher de parler.

– Bon, fini de papoter, je dis et cette fois ma voix est coupante. Je me fiche de ce que tu vas faire avec Potter, par contre je vais te promettre une chose, et tu vas m'écouter attentivement.

Il hoche la tête, l'air soudain un peu effrayé. Je n'ai plus l'habitude de susciter ce genre de réaction, ça fait un bail que j'ai pas joué au Malfoy.

– Vois-tu, je reprends, Potter est la personne qui compte le plus pour moi. Et j'ai envie que cette personne soit heureuse. Alors si tu lui fais du mal, de quelque manière que ce soit, je m'assurerai que tu reçoives le juste châtiment qui te sera dû. Tu as compris ?

Il pâlit mais acquiesce, bon garçon.

Je le lâche et recule d'un pas.

– Nous sommes d'accord, dans ce cas, je dis avec un sourire cruel.

Et sur ces mots je me dirige vers la porte.

– T'es complètement malade, Malfoy.

Je ne m'arrête même pas pour lui répondre, après tout il n'a dit que la vérité.

Oui, je suis malade, fou à lier même.

J'ai saboté la plus belle chose qui me soit arrivée, j'ai poussé l'homme qui m'aimait à fuir loin de moi juste parce que je ne supporte pas d'être simplement heureux.

Alors la seule chose qui me reste à faire, c'est de veiller sur lui, de loin.

Oui, le premier jour du reste de ma vie.

Le reste de ma vie à faire en sorte que son bonheur soit parfait.

C'est la seule chose en laquelle je puisse croire.

oOo

Quelques semaines plus tôt – Dimanche 19 Mai 2002 :

L'été se rapprochait à grands pas, mais sans être vraiment là comme en attestaient les vagues de chaleur entrecoupées de périodes glacées et pluvieuses.

Ce jour là, Londres peinait sous une canicule digne des pires journées de juillet, et Draco Malfoy se disait que l'asphyxie le guettait doucement.

Il avait fait son possible pour que sa mère soit dorlotée comme la plus précieuse des princesses, et une fois assuré de son confort – elle n'était pas au mieux de sa forme ces temps-ci, il espérait cependant que ce n'était qu'une mauvaise passe comme elle en avait déjà traversées – il s'était penché sur la question essentielle de sa propre survie.

Bien entendu, l'état de ses finances n'étant pas à la hauteur de ses ambitions, il avait du se résoudre à ouvrir grand ses fenêtres en laissant les volets mi clos. Il n'y voyait plus grand chose mais avait réussi à conserver une fraicheur toute relative dans son salon. Il s'occuperait de la chambre plus tard, de toute façon il envisageait sérieusement de dormir dans le réfrigérateur jusqu'à ce que cette chaleur étouffante soit annihilée par la pluie annoncée par la météo… quatre jours plus tard.

– Putain, je vais crever… gémit-il.

Dans ces moments là, il avait fortement envie de déménager pour le Groenland, les Îles Kerguelen, la Laponie ou carrément le Pôle Sud… enfin ce genre d'endroit qui ne fait fantasmer personne en général, sauf quand la chaleur est telle qu'on ne peut même plus penser sans suer à grosses gouttes.

Bien entendu, les choses auraient été infiniment moins amusantes si les criminels avaient cessé toute activité pour cause météorologique, mais visiblement la chaleur leur avait donné des ailes, et Draco avait passé la nuit à empêcher des Aurors aussi frais que des salades passées au micro ondes de mourir.

Alors il était fatigué, et comme la chaleur ne favorisait pas son sommeil, il se contentait de comater dans son canapé en attendant une délivrance quelconque.

La veille, il aurait dû passer la soirée avec Harry, mais le boulot l'avait rappelé à l'ordre, il espérait que son Potter personnel penserait à lui ramener de la glace s'il venait.

Un léger sourire fatigué étira les lèvres de Draco lorsque la porte d'entrée de son appartement s'ouvrit, parfois il suffisait de penser fort à une chose pour qu'elle se produise.

– Draco ? appela Harry.

– Salon !

Il était même trop fatigué pour formuler des phrases, c'était bien triste.

Heureusement pour lui, Harry Potter était la récréation dont il avait besoin. Cet homme était juste ce qu'il fallait pour lui faire oublier en un clin d'œil son envie de mourir et la lassitude due à une nuit passée à utiliser sa magie sans discontinuer.

Draco ressentit un petit pincement de jalousie – tout de même – en constatant que le Survivant n'avait pas l'air de souffrir de la chaleur : il était resplendissant de fraicheur, même vêtu d'un jean noir ainsi que d'un tee-shirt de même couleur à l'effigie d'un obscur groupe de musique qui – si le blond s'en référait aux goût musicaux habituels de son petit ami – devait faire saigner les oreilles.

Lui, à côté, avait triste mine : pâle, en sueur, décoiffé, l'œil terne et vêtu seulement d'un bermuda blanc.

D'ailleurs, l'impression se confirma lorsque Harry posa sur lui un regard inquiet.

– Ça n'a pas l'air d'aller, tu as de la fièvre ? demanda-t-il en posant une main délicieusement fraiche sur son front moite.

– Hum… non, je suis juste en train de crever de chaud, c'est rien, répondit Draco en fermant les yeux.

– Ah… c'est vrai que tu ne supportes pas la chaleur. Tu veux que je te fasse couler un bain tiède ?

– Non, j'ai déjà pris quatre douches, c'est comme si j'avais rien fait.

– Tu veux que j'allume le climatiseur ?

– Il est cassé… Mais si tu as des notions en mécanique, tu peux essayer de le réparer, le proprio veut pas y toucher.

Le brun eut un petit rire amusé.

– Il n'a surement pas aimé ta façon de demander les choses.

– On va dire que ce mec est un trou du cul, pour être gentils, s'il s'affole à la moindre menace de mort, on ira pas bien loin.

Le canapé grinça sous le poids de Harry dont les bras se refermèrent autour du corps brûlant de Draco.

C'était frais, agréable. Ils allaient bien ensemble finalement : Harry détestait avoir froid, Draco haïssait la chaleur, ils s'équilibraient été comme hiver.

La bouche de Draco trouva celle de Harry, sa langue alla goûter la saveur des lèvres, puis plus loin, celle de la langue de Harry. Ils gémirent doucement, lascivement.

Chaque baiser avait quelque chose de nouveau, Draco s'en étonnait toujours. C'était tantôt doux, tantôt exigeant, mais jamais pareil. La chaleur l'alanguissait, rendait son corps plus réceptif aux caresses tandis que ses lèvres s'abreuvaient du souffle de Harry.

Comme cela arrivait très souvent, leur baiser se transforma en étreinte, Draco avait chaud mais cette fois, ça n'avait rien de désagréable.

– Hum… C'est bon… Continue… gémit-il alors que la main brune s'activait déjà dans son short.

Oui, c'était exactement ce dont il avait besoin : décompresser.

Mais pour l'heure, cette main le compressait, le taquinait à lui faire mal tant elle lui faisait du bien.

– Tu sais, Draco, tu devrais déménager… Les logements sorciers sont très bien équipés en sortilèges de rafraichissement.

– Je… hummmm… peux pas. Trop… cher.

À moitié perdu dans les limbes du plaisir, Draco sentait bien que son amant tentait de lui faire passer un message, mais vu que son cerveau n'était plus irrigué correctement, il peinait à comprendre… Et puis il s'en foutait un peu, tant que cette main merveilleuse restait autour de son sexe, tout lui allait.

– Eh bien… pas forcément. Si tu viens vivre chez moi ça ne te coûtera rien.

Une sorte de signal d'avertissement résonna dans la tête de Draco, signal que la main merveilleuse fit taire en accélérant le mouvement.

– Hummm, oui, comme ça… Arrête de dire des conneries, Potter, et utilise ta langue pour un meilleur usage.

La brusque perte de contact fit ouvrir les yeux à Draco. Harry avait retiré sa main de son vêtement et son corps du canapé. Il se tenait debout et le fusillait du regard.

– On peut savoir ce qui te prend ? s'offusqua le blond en réalisant ce qui venait de se passer.

– Il me prend que… rien, en fait. Draco, c'est toi qui me prends pour un con.

Ça y était… la dispute du moment. Ça leur arrivait de plus en plus souvent ces temps-ci. Draco refusait une chose, Harry s'énervait, ils se disputaient et Harry partait généralement en claquant la porte. Habituellement, il ne lui fallait pas plus de deux heures pour revenir et faire sa fête à Draco d'une façon bien plus agréable.

Draco aimait bien leurs disputes. Ils s'étaient connus ainsi, il était normal qu'ils continuent à se battre pour tout et n'importe quoi.

Il se demandait juste à quand surviendrait une querelle si grave que Harry n'en reviendrait plus.

– Je te prends pour un con. Bien entendu, je pensais que tu le savais déjà.

– Arrête, j'en peux plus de tes petits jeux, Draco. Tu réalises que je viens de te proposer d'emménager avec moi, là ?

Draco se leva, il détestait être en position d'infériorité lors d'une joute verbale, surtout quand celle-ci s'annonçait pénible. Il croisa les bras sur son torse, geste purement défensif mais inutile, le Potter s'attaquait au cœur et visait juste, le salaud.

– Je réalise, oui. Mais tu n'es pas sérieux.

– Et si je l'étais ?

– Je te dirais non, il n'a jamais été question de ça entre nous, Potter.

– Maintenant il en est question, Malfoy.

Les yeux verts lançaient des éclairs, la menace était sérieuse. La question aussi, Draco ne l'avait pas prévue. Il avait toujours pensé que la situation leur convenait à tous les deux : chacun chez soi, même s'ils dormaient quasiment toutes les nuits ensemble.

La vie à deux… comme un vrai couple…

Draco n'avait même jamais osé y penser.

– Et la réponse est la même, je ne vois aucune raison valable pour accepter.

Et maintenant, la douleur. Celle dans le regard de Harry, celle dans le cœur de Draco.

– Ça va faire deux ans qu'on est ensemble, et tu ne vois pas de raison pour qu'on vive sous le même toit ? demanda le brun, visiblement atterré.

– Aucune.

– C'est donc comme ça que tu vois notre avenir ? Chacun chez soi ?

– Qui a parlé d'un avenir, Potter ?

Cette fois ça y était, Draco le sentait.

Il avait fini par trouver les mots et à les prononcer. Il avait réussi à le blesser si fort qu'une larme avait roulé sur sa joue.

Une seule.

Mais une larme qui fit comprendre à Draco que c'était fini.

Dans un duel, on arrête au premier sang versé, dans un couple, c'est à la première larme. Et même si Draco avait toujours été un connard fini, il n'avait jamais fait pleurer Harry.

Jamais, avant ce jour.

– C'est fini, dit Harry froidement. J'abandonne, Draco, je me casse.

– Bien, n'oublie pas de fermer la porte en sortant, répondit Draco d'une voix qu'il espérait tranchante.

Et claque-la, même… s'il te plait. Résiste encore un peu.

– Sale con, jeta le brun avant de tourner les talons.

Draco ferma les yeux, guettant le bruit qui allait suivre… qui devait suivre.

Mais quand il les rouvrit, Harry était parti, et la porte n'avait pas claqué.

C'était fini.

oOo

Samedi 17 Aout 2002 :

Il y a des matins comme ça… où c'est juste douloureux de vivre.

Je me suis payé des tas de gueules de bois dans ma vie, des grandes, des petites… enfin plus de grandes que de petites, la demi mesure c'est franchement pas mon style. Mais celle-là…

Elle est colossale.

Je crois bien que j'ai siphonné la seconde bouteille de vodka avant que Blaise, Georges et Lucy ne me fassent rouler jusqu'à mon lit.

Moche…

Mais j'en ai rien à carrer, sincèrement.

J'ai juste envie que ce putain de soleil arrête d'agresser mes yeux à travers mes paupières.

Et j'ai envie de pisser.

Merde.

Je me redresse péniblement, je me lève et me dirige lentement vers la salle de bains.

Et puis qui dit salle de bains dit réserve de potions, je garde toujours deux ou trois fioles pour les matins difficiles, grâce à Blaise, Dieu le bénisse.

C'est donc après une bonne rasade, un éclusage en règle et une toilette sommaire – incluant un brossage de dents intensif – que je me dirige vers la cuisine.

Mais je crois bien que je n'irai pas dans la cuisine.

Re-merde.

– Bonjour Draco, pas trop mal à la tête ?

– Potter…

Confortablement installé dans mon canapé se trouve un sauveur du monde, il me fixe comme si j'étais un genre de bombe nucléaire ou un autre truc dangereux que les moldus auraient inventé pour s'atomiser joyeusement les uns les autres.

Vieux réflexe : je note qu'il est magnifique, même dans des fringues basiques comme un jean et un tee shirt noirs. Moi j'ai l'air d'une balayette à chiottes, là tout de suite. A journée commence vraiment bien…

J'ouvre la bouche pour lui dire de se barrer, il me coupe :

– J'avais gardé mes clés, j'espère que tu ne m'en veux pas de ne pas t'avoir réveillé en arrivant.

– Je ne t'en veux pas, maintenant tire-toi.

Il sourit, comme s'il s'y attendait.

Ce mec me connaît un peu trop. Normal, me direz-vous.

– Tu ne veux pas savoir pourquoi je suis là ?

– Non, casse-toi.

Je sais, je me comporte comme un môme capricieux mais j'ai toutes les raisons de le faire. J'ai décidé de veiller sur lui de loin, comment je fais s'il s'incruste dans mon canapé tous les quatre matins ?

Mais visiblement il tient à causer, et moi je suis coincé. Je suis chez moi, à moitié à poil, impossible de m'en aller.

On dirait bien que je vais devoir écouter.

Il se lève, approche lentement, ça me rappelle les négociateurs dans les prises d'otages (enfin, en tout cas dans les navets que j'ai vus à la télé).

– Figure toi qu'hier soir, j'étais aux toilettes dans un bar…

– Tu fais ce que tu veux où tu veux, c'est pas mon problème.

– … et il se trouve que j'ai entendu une conversation très intéressante, continue-t-il sans tenir compte de mon interruption.

J'ouvre la bouche pour lui balancer une réplique bien sentie mais l'information qu'il vient de lâcher parvient jusqu'à mon cerveau avant que ça sorte.

– Je vois que tu me suis.

– Tu étais là.

– Oui.

Il n'est plus qu'à deux pas de moi, son regard rivé au mien, et c'est déjà insupportable.

– Tu sais, reprend-t-il, je me suis demandé pendant deux ans si j'étais le seul à faire en sorte que ça fonctionne entre nous, mais à chaque fois que j'avais des doutes, tu les apaisais sans même le savoir. J'ai toujours su que tu tenais à moi, Draco.

Il fait un pas.

– Tu croyais que je ne remarquais pas les choses, mais les détails sont souvent plus visibles et touchants que les attentions ostensibles. Par exemple : tu retirais toujours une couverture avant que j'arrive quand il faisait froid, juste parce que tu savais que j'allais passer toute la nuit dans tes bras si tu le faisais.

Je voudrais parler, mais je suis incapable de prononcer un mot.

Des milliers de mots se pressent dans ma gorge, du « fous moi la paix » au « mais comment tu as su ça ? ».

Potter a de bons yeux, pour un bigleux.

– Alors voilà, je voulais que les choses soient claires : je ne suis pas aveugle. Maintenant il faut que je t'avoue que j'étais fatigué d'être celui qui revenait après chaque dispute, alors je me suis demandé ce qui se passerait si je ne revenais pas. Je t'ai attendu, ce jour là, tu sais ?

Sa main se pose sur ma joue, douce et fraiche. Mon souffle s'accélère.

– Mais tu n'es jamais venu, et je me suis dit que peut-être j'avais rêvé, que peut-être l'amour m'avait fait halluciner. Mais pour en être sûr, j'ai voulu vérifier. Christopher a été un piège magnifique, n'est-ce pas ?

Le connard !

– Je vois que tu as compris. En réalité, Chris est un excellent ami, et c'est un hétérosexuel doublé d'un petit ami fidèle pour Ginny Weasley. C'est bien que tu aies évité les réunions de famille ces derniers temps, j'aurais dû trouver quelqu'un d'autre sinon.

Le quoi de qui ?

Il sourit doucement, j'imagine que ma tronche doit valoir son pesant d'or, là tout de suite.

– Et comme tu le sais aussi maintenant, j'ai assisté à votre… « conversation », hier soir. Tout ça pour dire que je sais, Draco. Je l'ai toujours su.

Sa main est toujours sur ma joue qui elle est devenue brûlante. De honte ? De gêne ?

Ai-je toujours été aussi transparent ?

Je parviens, avec un énorme effort, à saisir son poignet.

– Pourquoi es-tu venu, au juste ? je demande dans un souffle.

Son sourire se fane, son regard se fait perçant comme quand il va m'embrasser, ma respiration se fait laborieuse.

Je sais que je devrais l'en empêcher, je suis le maître de ce jeu après tout, je suis celui qui décide, celui qui…

Celui qui quoi ?

Celui qui merde tout ce qu'il fait, voilà ce que je suis.

– Je suis venu t'offrir un choix, dit-il.

Je hausse un sourcil pour l'inciter à en dire plus, repoussant au fond de mon esprit ma frustration de ne pas avoir reçu ce à quoi je m'étais attendu.

– Un choix simple. Je t'aime, et j'ai envie de passer le reste de ma vie à jouer au con avec toi, Draco. Mais je n'aurai pas la patience d'attendre que tu sois prêt à arrêter de fuir ce qui se rapproche de près ou de loin au bonheur. Alors je vais marcher jusqu'à la porte, si tu ne me retiens pas avant que je l'aie franchie, je considèrerai que tout est fini, et cette fois ça ne sera plus un jeu. Je ne reviendrai pas. Jamais.

Je déglutis, sa main glisse de ma joue pour retomber le long de son corps, me faisant lâcher son poignet.

Il recule d'un pas, de deux pas.

Son regard est sérieux, et au fond de moi je sais qu'il l'est.

Puis il m'enlève ses yeux, se retourne pour marcher vers l'entrée, mon esprit me dit qu'il lui reste quinze pas à faire avant de sortir de ma vie.

Si j'étais cynique, ça me ferait marrer.

Je le suis, mais je n'ai plus envie de rire.

C'est pour de vrai cette fois.

Alors c'est ça un « choix crucial » ?

La vie avec lui ou pas de vie du tout ?

Une foule de sentiments envahissent ma tête, ma poitrine, me coupant le souffle.

Le soulagement, parce qu'il ne se fait pas cet abruti d'Auror, la colère, parce qu'il m'a enflé bien comme il faut… La peur, parce qu'il ne lui reste plus que sept pas.

Sept putain de pas et mes pieds sont rivés au sol pendant que ma tête jongle avec les solutions et engage des pourparlers avec mon cœur.

C'est long, sept pas…

Non, en fait c'est trop court, beaucoup trop court, et je n'ai pas décidé.

C'est quoi la question déjà ?

Trop tard, sa main est sur la poignée, plus qu'un pas et il sera dehors.

J'ai envie de hurler, de le traiter d'enfoiré, de le frapper pour m'imposer ça.

Qui est-il pour me demander de choisir ?

Qui est-il pour me donner envie d'y croire ?

Merde !

Il se retourne, et je m'aperçois que c'est parce qu'il na pas pu ouvrir la porte, et s'il n'a pas pu, c'est parce que je pèse dessus de tout mon poids.

Finalement, je n'ai toujours pas décidé.

Je sais juste que je ne dois pas le laisser sortir.

Sortir de mon appartement… de ma vie.

Reste Harry… Juste le temps que j'y voie plus clair.

Ses bras se glissent autour de ma taille, il m'attire délicatement contre lui.

Plus tard, je parlerai, peut-être.

Plus tard, j'admettrai que si son tee-shirt est humide, c'est à cause de mes larmes à moi… peut-être.

Plus tard… je lui laisserai voir une foule de petits détails pour lui montrer que je l'aime… probablement.

Mais là… je le laisse juste me montrer qu'il est là.

Parce que quand il est là, même si je ne crois pas au bonheur, je me prends à penser que peut-être, il existe quelque chose qui le surpasse, et que je suis en plein dedans.

Fin.


(-1-) : ne vous étonnez pas si vous pensez connaître cette expression, je l'ai tellement lue chez Calamithy que je n'ai pu m'empêcher de la réutiliser, et même en cherchant très fort je n'ai pas pu trouver quoi que ce soit qui aille mieux à ce moment.

oOo

Et voilà, fin de l'histoire :)

Jusqu'au dernier moment, je n'ai pas su moi-même comment les choses allaient se terminer, aussi cette fin me laisse-t-elle perplexe. Il aurait été trop facile de laisser Draco seul face à ses erreurs, mais je ne voyais pas Harry lâcher l'affaire comme ça. Alors l'épreuve du choix final a semblé s'imposer d'elle-même.

Pour ma part, je ne pourrai pas donner d'avis sur cette fin, autant le reste de l'histoire m'a semblé pas mal, autant je suis incapable de juger ceci.

Je vous laisse donc me dire ce que vous en pensez.

Merci à vous d'avoir lu jusqu'ici, merci de me supporter, moi et mes questions existentielles sans fin.

Vous n'imaginez pas à quel point ça compte.

Je vous dis donc à bientôt, je continuerai ce que j'ai en cours dès que cette histoire me sera sortie de l'esprit.

Baddy (encore in ze choux)