EPILOGUE

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Je frissonnai dans la nuit encore sombre, et fraîche, malgré la douceur exceptionnelle de ces premiers jours de septembre. Telle que nous n'avions pas connue depuis des années. Peut-être même jamais. La main de ma mère serrait nerveusement mon bras, protégé par l'épais tissu de ma veste. Je relevai la tête de la stèle de marbre blanc.

Au loin, Londres s'éveillait. S'illuminant progressivement de mille feux. Vivante. Gigantesque. La clarté du jour pointait à l'horizon, et soudain, les rayons du soleil percèrent la barrière des nuages nocturnes. Irisant le ciel pâle de couleurs chaudes. Réchauffant immédiatement nos corps glacés. Pas seulement par le froid. Pourtant, nous continuons à venir ici. Toujours. Régulièrement. Sûrement attirés par les souvenirs qui renaissaient ici. Incandescents. Douloureux. Mais qui faisaient partie de nous. De notre histoire. Acceptés désormais. Finalement.

Je soupirai longuement en sentant ma mère trembler contre moi. Pas de froid. Je me contentai de passer une main réconfortante dans sur son dos frêle. Sans rien dire. Je n'étais pas doué pour les mots. Je ne l'avais jamais été. Et je me révélai incapable de chasser les fantômes que ce lieu faisaient renaître pour elle, quand j'avais eu tant de mal à me débarrasser des miens. Presque.

Sa main serra la mienne et je caressai du pouce la peau devenue fine, fragile. Amusé. J'avais toujours cru ma mère éternelle. Figée pour toujours dans sa beauté froide et indestructible. Elle n'était pas figée. Mais elle était toujours aussi belle. Différemment. Un petit sourire étira mes lèvres alors que je suivais du regard les fines ridules qui encadraient ses yeux d'orage, prolongées par les mèches immaculées qui prenaient désormais le pas sur sa blondeur.

Son regard capta le mien et elle soupira.

« Vas-y, Drago. Tu vas être en retard. », murmura-t-elle.

J'hésitai un instant. Je n'aimais pas la laisser seule ici. Même si ça n'aurait pas été la première fois.

« Scorpius t'attends. », ajouta-t-elle. Argument irréfutable.

J'hochai la tête et me penchai pour embrasser sa joue toujours aussi douce, avant de transplaner.

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Poignée de valise dans une main et la menotte de mon fils dans l'autre, je me frayai un chemin chaotique parmi les moldus stressés et pressés, jaillissant de toutes parts. Finalement, nous parvînmes somme toute rapidement à destination.

Je m'arrêtai devant l'arche de briquettes rouges entre les quais 9 et 10. Et soupirai. Nostalgique. Ce n'était pas la première fois que je revenais ici. Mais la sensation était toujours la même. Je jetai un coup d'œil à Scorpius, sa petite main serrant nerveusement la mienne. Les lèvres pincées, il fixait le mur devant nous avec la plus grande anxiété. Concentré.

« On y va ? », demandai-je en serrant encore un peu plus sa main.

Il acquiesça et fit un pas en avant. Je calai mon pas sur le sien et retint ma respiration en même temps que lui lorsque nous franchîmes le mur magique pour accéder au quai 9 3/4. Grouillant de monde. De vie. De cris et de rires d'enfants.

J'échangeai un sourire avec mon fils. Attendri. Emu. Fier. Je m'avançai sur le quai bondé, nous frayant à nouveau un passage à travers la foule. Nous trouvâmes finalement un wagon presque vide où je l'aidais à installer son énorme valise. Puis, je redescendis sur le quai avec lui, attendant que le chef de gare ne donne le signal du départ. Le voyant se mordiller la lèvre, je m'accroupis près de Scorpius.

« Hey…Ca va aller ? », demandai-je doucement. Me remémorant mon propre état d'angoisse lors de ma première rentrée à Poudlard. Il y avait si longtemps.

Je le connaissais par cœur. Quelque chose le travaillait. Sa mère aurait déjà trouvé de quoi il retournait. Mais elle n'était pas encore arrivée.

« Et si… », commença-t-il d'une petite voix.

Je haussai les sourcils, l'incitant à poursuivre.

« Et si je vais à Gryffondor ? », finit-il par lâcher, avec anxiété.

Je me retins d'éclater de rire devant son regard inquiet. De ma réaction.

« Scorpius…C'est donc ça qui te travaille ? Tu sais bien que nous serons fiers de toi quoi qu'il advienne… »

« Mais grand-mère dit que tous les vrais Malefoy ont été à Serpentard ! »

Cette fois, je ne retins pas mon ricanement.

« Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse là d'un compliment, Scorp'… Et puis…ta grand-mère a toujours dit aussi que ta mère aurait fait une Gryffondor fabuleuse ! »

Il écarquilla les yeux.

« Vrai ? », demanda-t-il, instantanément rassuré.

Je souris aussitôt.

« Vrai ! Et je suis bien de cet avis aussi ! Si tu vas à Gryffondor, c'est que tu tiendras d'elle plus que de moi…Ce que j'espère de tout cœur ! »

Il ne nota pas l'ironie de mes derniers mots, mais m'offrit un sourire éclatant. Du bout des doigts, je ne pus m'empêcher d'effleurer ses fossettes rieuses. Adorables. Avant de me redresser à l'entente d'une voix aux intonations familières.

« Alors, Minus, on est prêt ? »

« Luka ! », s'exclama Scorpius en bondissant vers ce dernier. « Tu es venu ! »

Luka éclata de rire en le soulevant dans ses bras. Je lui serrai la main, admirant ses cheveux sombres et ses yeux étincelants, son torse bombé portant fièrement l'écusson des Guêpes de Londres du haut de ses dix-huit ans. Je songeai qu'il avait dû louper un entraînement pour être ici à cette heure.

« Bien sûr que je suis venu ! Je n'aurais raté ça pour rien au monde ! Tu as de quoi t'acheter des chocogrenouilles dans le train ? », demanda-t-il.

Scorpius acquiesça.

« Et n'écoutes pas ce que les autres vont te raconter sur le calamar géant ou sur Hagrid ! Ce dernier n'est pas un mangeur d'enfants ! Et n'oublie pas de… »

Je perdis le fil des mille recommandations de Luka, égrenant les visages à mes côtés sur le quai, à la recherche de traits familiers. Soudain, deux chevelures rousses accrochèrent mon regard. Désagréables. J'allais détourner la tête mais le regard inquisiteur de Potter me vrilla sur place, tandis que Weasmoche, sa sœur et Granger se retournaient vers moi. Je serrai les dents, détaillé de la tête aux pieds par le clan Potter au quasi-complet. Mais je me tendis encore plus lorsque leurs regards se portèrent sur Luka et Scorpius derrière moi. Curieux. Intrigués. Je reniflai, méprisant. Et puis, je vis Weasley se pencher vers sa fille, et lui dire quelque chose en désignant Scorpius du doigt. Je grognai. Avant de hocher sèchement la tête, salut bref qu'ils attendaient, et de me détourner, plein d'une rage contenue. Impossible à éteindre complètement. Même après toutes ces années.

Soudain, mon regard accrocha des yeux clairs. Parfaits. Et ma rage retomba immédiatement. Comme toujours.

« Papa ! »

Je souris à cet appel. Inlassable. Décidément l'un des plus beaux sons au monde. Je regardai ma fille courir vers moi. Si belle. Si belle. J'écartai les bras, et elle se jeta dedans. Confiante. Totalement. Ses boucles blondes vinrent chatouiller mon cou. Délicieusement. Et je passai ma main dans leur douceur.

« Hey ! Comment va ma princesse aujourd'hui ? Tu dormais encore quand nous sommes partis ! »

« 'Meda était fatiguée ! Maman a dû réveiller 'Meda pour ne pas qu'elle rate le départ du train de Scorpius ! Elle a dit que 'Meda était pire qu'un petit loir et qu'elle les mettait toujours en retard, d'une manière ou d'une autre ! », pépia-t-elle.

Je souris à ces mots, et à cette manie qu'elle avait de parler d'elle à la troisième personne. Du bout du doigt, je suivis la courbe de son petit nez retroussé, la faisant éclater de rire. La première fille Malefoy depuis des siècles ! Elle était éblouissante. Irrésistible.

Ma femme nous rejoint finalement, souriante. Rayonnante. De beauté. De sérénité. Je plongeai dans ses prunelles d'azur avant de capturer ses lèvres délicates.

« Errrk ! », s'exclama Andromeda, toujours dans mes bras.

Je me redressai tandis qu'elle se tortillait pour s'échapper de mon étreinte, un air de profond dégoût sur le visage. Je la déposai sur le sol et elle courut vers Luka et Scorpius. Je souris et repris mon baiser. Délicieux. Un léger goût de caramel envahit mon palais et je ris doucement contre ses lèvres avant de me redresser.

« Peut-être que 'Meda n'est pas la seule fautive dans votre retard ! », lançai-je, moqueur.

Elle rougit doucement, se mordillant la lèvre.

« Café caramel de Fortarome, hein ? », fis-je, la perçant à jour.

« J'en avais follement envie ! », se défendit-elle.

J'éclatai de rire.

« J'avais aussi follement envie de toi ! Mais tu n'étais pas là ! », siffla-t-elle d'une voix basse.

Mon rire redoubla et je me plaçai derrière elle, l'enlaçant étroitement tandis que mes mains trouvaient leur place sur son ventre à nouveau arrondi. Je ne m'en lassai pas. Jamais. Sans doute ma punition pour avoir de si nombreuse fois railler la fratrie Weasley.

« Je serais là tous les autres matins de l'année, Maylen… », soufflai-je à son oreille. Pacte. Promesse.

Mes lèvres se posèrent contre la peau fine de son cou et j'humai son odeur de framboise. Envoutante. Elle se tendit contre moi, aussitôt haletante.

« Dray…Arrête ça… », supplia-t-elle.

A regrets, je quittai sa peau et la libérai, me contentant d'entrelacer sa main à la mienne.

Finalement, le sifflet tant attendu retentit dans le hall, strident. Les enfants grimpèrent rapidement dans les wagons. J'embrassai Scorpius une dernière fois et le regardai grimper dans le train, enjambant les marches trop hautes pour lui. A nouveau, une bouffée de nostalgie m'envahit. Je serrai plus fort la main de Maylen, regardant le train s'éloigner rapidement.

« Je t'aime. », murmurai-je avant de me retourner vers elle.

Elle tressaillit, comme à chaque fois. Avant de me sourire. Sublime. Je ne prononçai pas souvent ces deux mots, me souvenant encore avec une précision aiguë la première où mes lèvres les avait formés. Cette fois-là, Maylen ne m'avait pas souri. Mais je savais pourtant qu'elle les avait entendus. Parce qu'elle avait survécu. M'avait sauvé.

Rédemption.

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Et bien voilà…C'est fini.

Finalement, je ne risque pas de meurtre par écran interposé, puisqu'il s'agit d'une happy end. Je n'ai pas pu me résoudre à la sad end…qui m'apparaissait pourtant évidente. Au passage, merci à Victoria Boubouille qui m'a inspiré sans le vouloir la première scène de cet épilogue… )

J'avoue que ça me fait tout drôle d'avoir fini cette fic. Ma toute première. Ce fut un travail haletant et difficile. Désespérant, parfois. Mais tellement enrichissant.

Merci à tous ceux qui ont suivi cette fic, depuis le début ou non.

Une seule petite review sur le dernier chapitre, j'imagine que c'est parce que vous attendiez tous l'épilogue (ou alors qu'il était franchement mauvais…). Lâchez-vous sur cet épilogue, histoire de finir en beauté ! )

Encore merci à tous, et à bientôt sur ff !