Auteur : Lonely Seira
Titre : J'ai les crocs
Genre : Humour/supernatural/Angst/drama/shonen-ai/UA/léger OOC
Rating : M
Pairing : Sasu/Naru entre autres
Disclaimer : Sasuke ? Naruto ? Bah ... pas à moi ! Et vu ce que je leur fais subir, ils sont définitivement plus heureux avec Masashi Kishimoto.
Comme toujours, un grand merci à ma formidable bêta-lectrice Lenne26 pour son travail !
Chapitre 1 : L'inconnu
- Pas question ! Murmura avec colère un jeune homme blond.
- Putain fais pas chier Uzumaki ! C'est ton tour maintenant ! Répondit avec autant d'agacement son vis-à-vis aux cheveux châtains.
- Et en quel honneur ? L'hippopotame c'est moi qui m'le suis fadé y'a deux jours.
- Sauf que moi j'ai eu droit à la vieille guenon la semaine dernière alors ça ne compte pas !
- Normal puisque j'avais dû me farcir le gros babouin la veille. Me la fais pas Inuzuka !
- Si tu l'prends comme ça ! J'te rappelle que t'as aussi eu la jolie gazelle, va pas dire que c'était désagréable de prendre soin d'elle pour le coup ! Rétorqua le dénommé Inuzuka en souriant sournoisement.
- Ah tu veux jouer sur ce terrain ? Répondit l'Uzumaki en croisant les bras d'un air satisfait. Rappelle-moi donc qui s'est penché sur le cas de la sublime panthère hier ?
- On se départage par un combat singulier ! Répliqua le jeune homme.
- D'accord ! Dit le blond en affichant une mine furieuse et déterminée.
Et tous deux se placèrent l'un face à l'autre en posture de combat, le regard profondément vissé dans celui de l'adversaire. Ils se toisaient avec férocité, tous les muscles tendus et prêts à en découdre. La tension monta d'un cran lorsqu'ils brandirent chacun leur main droite devant eux tandis que la gauche se plaçait dans leur dos.
- T'avise même pas de tricher Naruto, dit le châtain en fronçant les sourcils.
- J'suis pas une mauviette comme toi, Kiba ! Répondit Naruto avec hargne.
- On se lance à trois, ok ?
- Ok.
Ils raffermirent leur position en commençant à se tourner lentement autour tels deux fauves sur le point de bondir. L'espace exigu dans lequel ils étaient confinés sembla disparaître autour d'eux tandis que le regard azur de l'un et les yeux noisettes de l'autre s'assombrissaient d'une ténébreuse couleur, signe que leur colère avait atteint son paroxysme.
- Un, commença le châtain
- Deux, continua le blond.
- Trois ! S'exclamèrent-ils en même temps.
- Merde ! Vociféra alors Naruto.
- Ma feuille gagne contre ta pierre ! T'as perdu Uzumaki ! Dit Kiba en affichant un rayonnant sourire.
Et alors que Naruto se renfrognait et que Kiba jubilait en sautant presque sur place, une tête passa par l'entrebâillement de la porte et chuchota avec colère :
- Qu'est-ce que vous foutez dans la réserve tous les deux ! La cliente attend d'être servie depuis bien cinq minutes ! Au boulot et vite !
- Tout de suite Anko-san, dirent précipitamment les deux jeunes gens en remettant leur veste de travail.
Naruto remplaça derechef sa mine boudeuse par un radieux sourire tandis que Kiba – qui n'avait pas cessé de sourire depuis sa victoire – redevint sérieux comme un pape et réafficha son air charmeur spécial taf (dédié à l'obtention éventuelle d'un bonus en fin de mois pour service agréable rendu). Alors qu'ils revenaient à la lumière dans la grande salle, Naruto siffla entre ses dents serrées :
- Tu perds rien pour attendre clébard, la prochaine truie c'est toi qui la prends !
- On règlera ça le moment venu mon minet, répliqua Kiba avec un sourire satisfait en se dirigeant vers la caisse.
Le blond ne releva pas et se contenta de progresser avec rapidité, fluidité et assurance entre les rayons (ce qui se résumait à éviter les boîtes mal rangées au sol) pour rejoindre ... son bourreau. Car contrairement à ce qu'on pouvait supposer, les deux hommes ne travaillaient pas dans un zoo (ce qu'ils auraient sûrement préféré) mais pour la (très flippante) propriétaire d'un magasin de chaussures situé dans le centre ville de Konoha, magnifique cité qui s'élevait au milieu d'une myriade de champs, de bois et de collines. Naruto s'approcha avec un dégoût prodigieusement dissimulé, de la dame qui le toisa avec une moue dédaigneuse.
- Que puis-je pour votre service très chère cliente ? Demanda-t-il en offrant the business-smile à la grosse femme suante qui lorgnait sur une paire d'escarpins (... que ses 70 kilos de trop ne lui permettraient jamais de porter, pensa immédiatement le blond sans rien en dire).
Alors que l'imposante cliente demandait (ou plutôt exigeait) tel ou tel modèle au pauvre vendeur qui lui assurait que tout lui convenait à merveille (c'est pas beau de mentir mais il faut parfois faire des exceptions ... surtout quand la vipère qui vous sert de patron vous scrute d'un œil peu amène) celui-ci soupira intérieurement en se disant qu'il ne travaillait ici que depuis un mois ... et qu'un autre était encore à venir. Non loin de là, et bien qu'il ne fût pas dans une situation aussi périlleuse, Kiba se fit la même réflexion en poussant un soupir mental tout identique.
Car le problème majeur que posait ce type de jobs d'été ... c'était justement qu'on les prenait pendant l'été. Autrement dit, durant l'époque des petites sandales, des pieds découverts et des grosses chaleurs, ce qui rimait bien évidemment avec ''charmantes odeurs''. Point n'est utile de vous détailler cela plus avant n'est-ce pas ? Bien entendu, faire essayer de jolis petits modèles à une plantureuse brunette dotée de jambes interminables (dévoilées par une mini-jupe inversement proportionnelle en interminabilité) et de pieds ravissants pédicurés à la perfection, ne posait pas le moindre souci à nos deux vendeurs occasionnels (et occasionnellement baveurs featuring yeux de merlan). Mais il suffisait de muer cette splendide apparition en un vieux aux pieds difformes courant après une paire de tennis pour ses appendices endoloris et bouffis par la canicule ou bien par une Mama du genre ''maxi-format'' voulant à tout prix faire entrer ses pieds potelés dans des petites ballerines ... pour que le rêve devînt rapidement un affreux cauchemar.
Ce fut donc avec une joie non feinte (mais non ouvertement exprimée par crainte de représailles) que Kiba et Naruto accueillirent la fin de la journée. Affalés sur le seul banc disponible dans le micro-vestiaire, ils se prenaient une minute d'un repos bien mérité après avoir dû supporter les clients, la patronne (Dieu les gardait bien de la contrarier un jour) et le rangement post-apocalyptique (laissé par des clients très soigneux avec ce qui ne leur appartenait pas ... le client est roi dira-t-on. Plutôt royalement con, si l'on en jugeait par les moult jurons silencieusement poussés par le tandem Uzumaki-Inuzuka au cours du nettoyage). Reprenant un peu du poil de la bête (et ils ne travaillent toujours pas dans un zoo) les deux hommes entreprirent de se changer pour quitter la boutique. Naruto risqua un œil sur sa montre, sachant déjà ce qu'il y verrait.
- Et chier ... j'suis à la bourre, marmonna-t-il avec lassitude (sans se presser plus pour autant).
- Tu bosses encore ce soir ? S'étonna Kiba. J'ai l'impression que tu ne fais que ça en ce moment.
- Ouais, soupira l'Uzumaki. Faut que j'mette des tunes de côté pour la rentrée. Comme ça j'bosserai moins et j'pourrai mieux suivre les cours. J'suis passé juste cette année et si j'remonte pas mes notes, j'vais m'faire défoncer par la vieille.
- La doyenne de la fac t'a vraiment à l'œil on dirait.
- Putain elle m'a pas lâché d'une semelle cette année. Et la grand-mère Chiyô elle est bien gentille, mais j'aimerais autant éviter ses sermons le prochain coup.
- J'arrive toujours pas à piger pourquoi la doyenne de l'université en personne s'est autant penchée sur ton cas ... t'es qu'un étudiant noyé au milieu d'un millier d'autres.
- C'est à cause d'Iruka, répondit le blond.
- Qu'est-ce que ton vieux a à voir avec cette histoire ?
- Momie (ne pas lire ''mamie'') Chiyô a été une de ses profs du temps où il était étudiant en psycho et elle en a gardé un souvenir ... assez marquant.
- Il n'est pourtant pas du genre à se faire remarquer.
- Lui non c'est clair, mais son meilleur ami était plutôt difficile à ignorer.
- Ah ouais ?
- Mmh. Iruka c'était le rat de bibliothèque classique. Toujours le nez fourré dans ses bouquins, hyper discret et premier dans toutes les matières. Me demande pas comment c'est arrivé, mais il s'est lié d'amitié avec un étudiant en littérature de troisième année quelques mois après son entrée à la fac. Ce mec-là était un peu la super-star du campus. Populaire avec les filles, militant pour tout et n'importe quoi, mais aussi intelligent et avec un esprit rebelle prononcé. D'après ce que m'en a dit Iruka, Kakashi était un vrai phénomène, expliqua Naruto.
- Kakashi ? Tu veux dire comme dans Hatake Kakashi ? Le critique ? L'interrogea Kiba avec étonnement.
- Tu l'connais ?
- Moi non, mais Kurenai l'adore. C'est un critique littéraire très réputé. Déjà pour ses analyses brillantes sur de nombreuses œuvres mais surtout pour ses paroles très ... euh ... controversées.
- Iruka m'a dit que ce gars était un pervers estampillé ''pro'', indiqua le blond.
- Tu m'étonnes ! Kurenai m'a fait lire une de ses critiques et franchement, pigeonnant le mec. Sa façon de décortiquer un roman c'est quelque chose, mais alors les remarques pimentées qu'il balance à la fin ! Dit Kiba en se retenant de rire autant que de siffler avec admiration.
- Tu cernes un peu le personnage maintenant. Donc imagine le tandem de l'étudiant modèle et du parfait révolutionnaire libertin maintenant.
- Ils n'ont pas dû passer inaperçus, conclut Kiba.
- C'est encore peu dire ! Iruka s'est fait embarquer dans toutes les manifs et autres de l'époque et tous les deux étaient plutôt connus parmi les élèves et le corps professoral. Ils se sont souvent retrouvés devant le conseil de discipline et trucs du genre. Iruka s'en sortait toujours grâce à ses résultats épatants et à Kakashi qui voulait s'attribuer le ''mérite'' de leurs coups d'éclat pour faire parler de lui. À force de se confronter à la vieille bique, ils ont appris à se connaître et elle a fini par se prendre d'une réelle affection pour eux deux. Du coup, quand elle a su que j'étais le petit protégé d'Umino Iruka, elle s'est donné comme sacro-sainte mission de prendre soin de moi, soupira Naruto d'un air blasé.
- Ceci explique cela ...
- V'là comment j'me suis retrouvé avec cette chouette décatie sur le dos en permanence, bougonna l'Uzumaki sous les pouffements moqueurs du châtain.
- Dire aussi, tu bossais tellement que tu finissais par pioncer pendant les cours, lui fit alors remarquer Kiba.
- Comme si j'avais l'choix, marmonna Naruto avec énervement.
- Bah et ton beau-père alors ? Il te file plus rien ?
- Il voulait mais j'lui ai dit que c'était plus la peine. Ça fait plus de 18 ans qu'il s'occupe de moi. Il a le droit de vivre sa vie un peu. C'est déjà un exploit de sa part qu'entre moi et son taf il ait pu se fiancer avec Shizune alors ...
- Ils sont en voyage de noces là non ? Ils sont partis direct après le mariage c'est ça ?
- Exact ... et franchement, je sais que Shizune m'adore, mais je sens qu'elle aimerait aussi avoir son intimité avec Iruka. Et pour ça, avoir un parasite de 22 piges qui hante ses placards ça n'aide pas.
- T'es obligé de trimer comme un dingue du coup ... si Iruka apprend que tu fais ça au détriment de tes études, il va te passer un de ces savons !
- Bof, je gère t'inquiète. J'veux pas l'emmerder avec ça.
- Tu lui as parlé de ton projet de déménagement ? L'interrogea ensuite Kiba.
- T'es dingue ! Tu sais très bien comment il réagirait. Encore étudiant, avec peu d'économies et avec que des jobs à temps partiel ... même pas en rêve il me laisserait faire, répondit Naruto en tremblant presque de frayeur.
- Et tu penses vraiment que le mettre devant le fait accompli à la rentrée prochaine va lui faire plaisir ?
- Pas franchement, mais au moins il ne pourra plus me faire reculer. J'ai vraiment besoin de mon indépendance maintenant ... et eux deux aussi vont avoir besoin d'espace. Je sais très bien quels sont les désirs de Shizune, et même si Iruka n'en montre rien, lui aussi partage ses envies.
- Ça va être super chaud les premiers temps, prévint le châtain en froissant légèrement les sourcils avec inquiétude.
- Plutôt oui. Mais je ne veux plus me poser de questions maintenant. Encore un mois, et ma vie prendra enfin un nouveau tournant ... pour le meilleur ou pour le pire.
- On dirait que t'es sur le point de te faire passer la corde au cou, plaisanta Kiba sans grande conviction.
- Bah c'est un sacré engagement ... pas autant que le mariage mais quand même. Et je veux vraiment le faire. Reculer l'échéance ne servirait à rien.
- C'est comme tu l'sens mon vieux. Au cas où ça coince, tu sais où me trouver, dit l'Inuzuka en finissant de boutonner sa chemise.
- Ouais merci ... et bah, t'es sapé comme un con d'pingouin ma parole (toujours pas dans un zoo j'vous assure !), s'esclaffa subitement Naruto en découvrant la belle tenue de son comparse après avoir fini de se changer.
- J'ai rencard avec Hinata, soupira le châtain. Et vaut mieux pas que j'me rate !
- C'est encore la merde entre vous ? Demanda Naruto en affichant une moue compatissante.
- Plutôt ouais ... depuis deux semaines je ne sais pas ce qu'elle a, mais j'ai l'impression de tout faire de travers. Elle est grave sur les nerfs.
- Peut-être bien que ça n'a rien à voir avec toi. À ce que j'en sais, sa vie de famille c'est pas d'la tarte ... t'as essayé d'en discuter avec elle ?
- Elle a piqué une crise du Diable la dernière fois que j'ai tenté d'aborder le sujet. Vache, pour un p'tit bout d'femme comme ça, qu'est-ce qu'elle est flippante !
- Elle est pourtant super calme d'habitude, s'étonna le blond.
- Mmh ... bon j'file ! Si tu peux te permettre de faire attendre tes patrons, moi vaut mieux pas que je prenne le risque avec ma copine, dit Kiba en enfilant son élégante veste sur laquelle aucun pli n'était visible.
- Oh la merde ! S'exclama Naruto en jetant un autre coup d'œil à sa montre. On s'voit demain. Bonne chance ! Lança-t-il avant de se mettre à courir comme un dératé.
Il déboula par la porte de service à l'arrière du magasin (manquant de s'emmêler les crayons dans un carton qui traînait et d'aller embrasser la poubelle située en face de la porte) et enfourcha son vélo la seconde suivante. Pédalant comme un Armstrong au meilleur de sa forme (et dans une descente avec le vent dans l'dos), il atteignit le bar où il avait son deuxième job à mi-temps, après seulement dix minutes de contre la montre. Il se rechangea dans un vestiaire pour troquer son vieux jean et son T-shirt contre un pantalon droit et une chemise bordeau qu'il glissa dans sa ceinture. Il pénétra ensuite dans la salle du bar par une porte dérobée derrière le comptoir.
- T'es en retard Naruto, entendit-il avant même qu'il n'ait attrapé son plateau.
- Désolé Saku-chan, Anko nous a lâchés super tard (et j'ai surtout passé dix plombes à parler chiffons avec Kiba, pensa le blond en s'abstenant de le mentionner).
- T'as de la chance, Ibiki-san est absent ce soir. Sinon il t'aurait remonté les bretelles ... c'est la troisième fois en deux semaines, continua la jeune barmaid en versant divers breuvages dans un mélangeur avec des gestes agiles et élégants sans même regarder ce qu'elle faisait.
- Entre Anko et Ibiki j'suis garni niveau patrons, marmonna Naruto.
- C'est clair, répondit sa collègue et camarade de classe en esquissant un large sourire.
- Si le boss n'est pas là ce soir, tu gères le bar toute seule alors ?
- Oui, il m'a passé les rênes. Je maîtrise suffisamment tu penses. Ça fait plus d'un an qu'il me forme après tout.
- C'est juste ... mais dis donc, t'es super mignonne ! Remarqua subitement le blond en la regardant d'un œil appréciateur. C'est nouveau cette robe ?
- Tout à fait, répondit-elle en rougissant légèrement. Cadeau d'Ino pour mon anniversaire, ajouta-t-elle en faisant un tour sur elle-même pour se montrer entièrement à son ami.
Celui-ci siffla faiblement pour lui signifier qu'il aimait beaucoup les goûts de la fille Yamanaka en matière de fringues tant les courbes voluptueuses de la rosée étaient mises en valeur dans cette ensemble violet foncé. Ajoutez à cela le très élégant chignon qui relevait ses longs cheveux roses en laissant une mèche bouclée cascader le long de son visage délicat, et vous pouviez faire tourner toutes les têtes des mâles présents jusqu'au torticolis. Mais Naruto restait probablement le seul homme sur Terre à pouvoir se permettre ce genre de familiarités avec Sakura (à savoir siffler la jeune femme ... en toute discrétion cela dit) et il ne s'en privait pas. Elle avait été son amoureuse en primaire après tout, ce genre de choses crée des liens privilégiés (échanger des Malabar® et des billes à la récré, c'est sûr que c'est encore mieux qu'un pacte du sang ...).
Laissant ensuite la jeune femme à la préparation de ses cocktails (sous le regard libidineux de certains mous du bulbe qui risquaient leur vie sans le savoir) l'Uzumaki commença à serpenter entre les tables pour prendre les commandes. Au bout d'une heure à courir dans tous les sens - en évitant les mains baladeuses de certaines gazelles (pas gênantes en soit, simplement du point de vue de l'imprégnation alcoolique desdites gazelles), en esquivant avec autant de grâce les pochtrons gras du bide qui chantaient à tue-tête (on dépassait le stade de l'imprégnation là ...) et en raflant quelques pourboires au milieu de l'atmosphère suffocante de la salle - il finit par ressentir de plus en plus fortement la pression d'un lourd regard posé sur lui. Cherchant au hasard d'où pouvait provenir cette sensation quelque peu dérangeante, il échoua dans deux yeux d'un noir si profond qu'il eut l'impression de tomber dedans sans rien avoir sous la main pour se rattraper. Un frisson glacé lui remonta la colonne vertébrale.
L'inconnu était sans conteste très beau. N'importe qui doté d'une paire d'yeux était à même de faire cette constatation, même à travers la faible luminosité qu'offraient les lampes éparses de la salle. Mais ce qui désarçonna surtout le jeune homme, c'était le regard fixe qui le scrutait sans hésitation, ne feignant même pas l'accident de contact visuel, ou la gêne d'avoir été repéré. Au-delà de ses yeux perturbants, l'homme arborait un visage à la peau diaphane et aux traits fins d'une perfection telle qu'on pourrait le prendre pour un mannequin. Sa carrure athlétique mais toute en finesse était partiellement dissimulée sous une veste longue et un ensemble noirs très seyants, si ce n'était qu'ils semblaient dater d'une bonne cinquantaine d'année, non par l'usure mais surtout par la coupe bien trop formelle et huppée (ce qui ne présentait pas le moindre intérêt quand on voyait celui qui les portait). Ses cheveux d'un noir d'encre se dressaient en pics à l'arrière de son crâne tandis que deux lourdes mèches encadraient son visage, tranchant abruptement avec la pâleur de son épiderme.
Après avoir fini son observation, Naruto se reprit immédiatement, surpris de s'être ainsi laissé bloqué durant ... rien qu'une minute ? Cela lui avait semblé durer plus pourtant. Ce qui l'ennuyait cependant, était le fait qu'il se fût ainsi figé, absorbé d'abord par l'intensité de son regard puis par la splendeur de sa silhouette, qui semblait en total décalage avec les clients habituels du bar. Et puis qu'un tel homme fût seul à sa table alors que tout autour de lui, des jeunes femmes lorgnaient sans aucune retenue sur lui, était encore plus bizarre que le reste. Un peu mal à l'aise sous ce regard qui ne le lâchait toujours pas, il se détourna, pensant sûrement qu'il se trompait et que ce type devait regarder quelqu'un qui s'était tenu derrière lui ... ça ne pouvait être que ça !
Il revint vers le bar et y posa son plateau, perdant son regard un peu contrit sur la surface luisante du comptoir.
- Ça ne va pas Naruto ? T'as l'air contrarié, s'enquit subitement la jeune barmaid.
- Bah ... en fait, je crois ... qu'il y a un type là-bas qu'arrête pas de me reluquer depuis tout à l'heure, répondit-il sur un ton incertain en lançant un très bref regard par-dessus son épaule.
Suivant le mouvement, Sakura regarda furtivement dans la même direction et découvrit le bel homme aux cheveux ébène.
- En effet, il te dévore des yeux, confirma-t-elle nonchalamment en rangeant un verre sur l'étagère au-dessus du bar.
Naruto lui lança un regard piteux, limite dévasté. Voyant cela, Sakura arqua un sourcil.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Ça devrait te faire plaisir.
- Où t'as vu jouer qu'un mec serait content de se faire zieuter par un autre ? Lui demanda-t-il en écarquillant les yeux.
- J'en sais rien. Voir que tu plais à quelqu'un est sensé être flatteur non ? Répondit-elle en haussant les épaules.
- Tu trouverais ça flatteur toi ? Enchaîna Naruto en connaissant parfaitement la réponse.
- Bien sûr que non ! Ça me donnerait trop l'impression d'être un morceau de barbaque sur une étale, marmonna la jeune fille avec agacement.
- Et bah alors ? Conclut le blond sur un ton d'évidence en souriant d'un air narquois.
- J'disais ça pour t'aider tu sais ! Il est ... j'sais pas. Il est sexy après tout.
Naruto ouvrit grand la bouche en fixant son amie avec une hébétude proche de la stupidité, sans piper mot. Découvrant son air ahuri, Sakura s'emporta avec impatience :
- Quoi encore ? C'est pas parce qu'on chasse le même gibier que je ne peux pas donner mon avis sur ceux de votre espèce !
- ''Votre espèce'' ? Sympa ... j'ai pas du tout l'impression d'être un animal là, rétorqua l'Uzumaki en faisant la moue.
- Les hommes ne sont que des bêtes, ajouta la rosée en prenant un autre verre pour l'essuyer.
- On n'est pas les seuls apparemment, dit-il en lâchant un soupir las.
- Je te demande pardon ?! Tiqua immédiatement son interlocutrice en balançant du 100 000 Volt par son regard foudroyant.
- Eh ! Tout doux Calamity Jane ! C'est pas moi qu'ai traité ta p'tite copine de gibier y'a pas une minute, se justifia Naruto en levant les deux mains en signe d'apaisement.
- Oh ... tu faisais allusion à ça ? Dit la barmaid en reprenant de suite son calme.
- Oui ... et j'suis pas sûr que ce genre de discours plaise à Ino, poursuivit-il en se détendant à son tour.
- Dis-le lui et t'es un homme mort Uzumaki ! Le menaça Sakura en brandissant son chiffon dans un geste meurtrier (Je vous jure qu'entre ses mains, même un simple chiffon peut devenir l'instrument de l'Armageddon !).
- C'est bon te fais pas d'bile ! Je serais mort avant même que tu me touches de toute façon, tempéra le blond en se ratatinant un peu sous le killer-eye (marque déposée) de sa meilleure amie.
La barmaid mua son regard assassin en une expression mi-surprise mi-interrogatrice, doutant fortement que son pouvoir fût terrifiant au point de massacrer un homme à distance.
- Le messager se fait toujours descendre, expliqua le blond. Dans tous les films ils le disent. Si j'vais lui balancer ce que tu viens de dire, elle va s'enflammer en me hurlant dessus des trucs du style ''Ah parce que maintenant je suis un putain d'caribou ou un autre machin plein de poils ?! Je m'épile j'te ferais remarquer !'', continua l'Uzumaki en faisant monter sa voix dans les aigus pour une bien piètre imitation de la belle blonde.
- Pourquoi un caribou ? S'étonna Sakura.
- Parce que ça l'faisait moins bien avec ''biche'' répondit le blond (c'est sûr ... un caribou c'est plus classe qu'une biche -_-').
La rosée lâcha un bref pouffement avant de déposer plusieurs cocktails savamment préparés sur un plateau.
- Va donc bosser au lieu de raconter des âneries, les clients attendent ! Enfin ... le client attend, finit-elle en souriant d'un air sournois.
Naruto lâcha une exclamation de dédain avant de lui offrir un rapide sourire et de prendre son plateau pour retourner virevolter entre les tables. Puis il se dirigea (non sans une certaine réticence) vers la table du bel éphèbe qui n'avait pas bougé d'un iota. Seul son regard semblait doué de vie et le suivre millimètre par millimètre (il était fan de la Joconde à coup sûr). Naruto fit semblant de ne pas être gêné tout au long de sa progression et arriva devant le brun, arborant un masque poli et indifférent (kit de série fourni avec la tenue de travail).
- Naruto à votre service. Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? Demanda le blond dans sa litanie habituelle en sortant son carnet.
Il leva de nouveau ses yeux vers le brun et afficha aussitôt une mine déconfite en découvrant le discret sourire (très légèrement carnassier lui semblait-il) qui étirait ses lèvres. Il lui fallu bien trente secondes pour remettre ses idées au clair, repasser le petit film de la dernière minute écoulée dans sa tête et faire fonctionner ses neurones embrumés à plein régime pour enfin comprendre ce qu'il avait sous-entendu dans ses propos sans même le réaliser ... Pauvre de lui, ce beau mec avait l'air d'être un pervers.
- Un whisky pur malt 24 ans d'âge, si vous avez, commanda le jeune homme d'une voix grave et douce à la fois.
- Vous avez plus de 21 ans ? Demanda Naruto (encore une fois par habitude lorsqu'il prenait les commandes des clients parmi les plus jeunes qui fréquentaient le bar).
Le brun laissa échapper une petite toux pouvant s'apparenter à un rire très bref, sans se départir de son ténébreux sourire.
- N'en ai-je pas l'air ? Interrogea-t-il le blond avec un regard noir intense (comme le café Grand-mère®).
- Euh ... si ... bien sûr, répondit Naruto dans un balbutiement un peu gêné. Je vais vous chercher ça de suite, continua-t-il avant de s'éclipser d'un pas rigide à tendance robotique (visualisez C6-PO et vous aurez une idée du rendu).
Il revint vers le bar et transmit la commande dans un marmonnement précipité, que les oreilles accoutumées de Sakura lui permirent tout de même de comprendre.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Il t'a fait du plat ? Demanda-t-elle immédiatement en voyant la tronche de six pieds de long que tirait son collègue.
- Pas tout à fait ... mais c'était tout comme, répondit-il en se tortillant avec nervosité. Il a quelque chose de pas clair ce gars.
- Tu dis ça parce qu'il te drague ?
- Non ! Enfin ... si, y'a peut-être un peu de ça, mais ... j'sais pas. Son regard me flanque la frousse. J'veux dire ... je crois qu'on est sensiblement du même âge, et pourtant y'a quelque chose dans ses yeux qu'on devrait pas trouver. J'sais pas quoi mais y'a un truc ... tu vois ?
- Bah ... j'imagine que ça dépend du vécu de chacun non ? Il a un super regard et alors ? Il a dû le parfaire sur tous les mecs qu'il a croisé c'est tout.
- Quelle horreur ! Cette façon de me fixer, ça me file des frissons.
- Va le servir, reste froid et pro, fais-lui comprendre que t'es pas intéressé et attend qu'il se casse. Comment je fais moi à ton avis ? Le conseilla Sakura avec calme.
- T'as raison, t'façon on ferme dans pas longtemps. Heureusement qu'on reste ouverts moins tard en semaine, soupira-t-il en retenant un bâillement.
''Rester ouvert'' ... sûrement le genre de trucs à éviter dans une conversation avec ce mec, pensa l'Uzumaki en réprimant une nouvelle sueur froide. Chassant ces idées farfelues de ses pensées, Naruto alla directement jusqu'à sa table puis déposa le verre devant lui.
- Vous faudra-t-il autre chose ? Demanda-t-il pour le principe en priant tous les dieux possibles pour que ce ne fût pas le cas (Faire du chiffre, pousser à la consommation ... le credo d'Ibiki. Et quand le patron dit, l'employé fait).
- Rien de plus que ce que pourrait m'offrir cet établissement je pense, répondit le brun d'une voix suave (à moins que ce ne fût son timbre habituel ?).
Naruto arqua subrepticement un sourcil agacé.
- Très bien. Je reste ... à votre service, dit-il après un infime temps d'hésitation comme si ces mots allaient lui écorcher la bouche (et ils avaient effectivement un arrière-goût acide cela dit en passant).
L'éphèbe lui répondit par un furtif sourire avant de commencer à savourer son verre avec ... élégance ? Mais ce terme ne s'imposa pas vraiment dans l'esprit de Naruto. ''Arrogance'' était bien plus indiqué pour décrire son attitude tant ce brun semblait hautain et dédaigneux envers tout ce qui l'entourait. Son visage ne faisait montre d'aucune expression pas plus que de sentiment, mais le blond avait la nette impression qu'il jetait alentour un regard teinté d'une once de dégoût ... c'était à se demander ce qu'il était venu foutre dans ce bar tellement sa présence paraissait de plus en plus anormale à chaque minute qui passait.
Naruto savait très bien qu'en venant travailler dans un bar, il devrait s'habituer à être confronté à un impressionnant pot pourri de ce qu'on peut faire de plus lamentable dans l'espèce humaine. Bien sûr, cela n'incluait que quelques clients du bar, la plupart étant tout à fait corrects. Mais parmi ces spécimens, il y avait vraiment du choix en matière de déchets ... les risques du métier, vous dirait Sakura. Pourtant, jamais il n'avait eu à côtoyer une personne si singulière. Tout en lui semblait décalé, inadapté, étranger ... et cela alerta légèrement l'Uzumaki qui se demanda pendant un long moment pourquoi il ressentait un tel malaise en sa présence. Juste parce qu'il l'avait fixé sans vergogne ? La fierté d'un homme c'est quelque chose, mais là ça tenait au ridicule. Pourtant, ses yeux ...
Un regard ne peut pas vous en dire tant sur quelqu'un, mais son regard avait l'air de lui transmettre des millions de choses ... manque de bol, il devait avoir paumé le décodeur. Et puis à quoi bon s'en faire de toute façon ? Pourquoi se préoccuper d'un type de passage qui (fort heureusement) ne remettrait sûrement plus jamais les pieds sur son lieu de travail ? Rasséréné par cette pensée, Naruto se ressaisit et recommença à arpenter la salle avec entrain, ne s'attardant plus une seule fois sur ce noir regard qui continuait à le suivre par moment, puis de moins en moins à mesure que le temps passait (ou peut-être n'y prêtait-il simplement plus attention ?).
La soirée fila ensuite assez vite. Peu après 1h, les derniers clients quittèrent le bar tandis que Naruto les saluait. Une fois la porte fermée, il retourna s'affaler comme une loque sur un tabouret du comptoir.
- Bordel j'suis mort ! Grogna-t-il dans un souffle agonisant en rejetant la tête en arrière.
- C'est vrai que ç'a été animé ce soir, dit Sakura en ramassant des verres sales pour passer un coup de chiffon sur les tables.
- Merde vivement le week-end ! Au moins dimanche j'pourrai pioncer pénard.
- Ton ami a eu l'air déçu de ne plus te voir après que tu l'as servi, lâcha brusquement la jeune femme en souriant en coin.
- Gné ?
- Le beau mec à qui tu as tapé dans l'œil, précisa-t-elle suite à l'interrogation (hautement distinguée) de son vis-à-vis (en train de crever d'épuisement sur son tabouret).
- Ah ... grand bien lui fasse ! Répondit Naruto en lâchant un bâillement épouvantable. Me faire bouffer des yeux par des filles j'veux bien, mais alors là ... bouark !
- J'te comprends ! Sauf que moi je dois vivre ça au quotidien !
- Bah misère ... j'sais pas comment tu supportes.
- Je me focalise sur le fait qu'une belle plante m'attende chez moi à la fin de la journée, dit la jeune femme en lui décochant un clin d'œil.
- T'as d'la veine, marmonna le blond. Bon j'décolle moi ... tu passeras le bonjour à Ino pour moi ! Poursuivit-il avant de traîner ses guêtres jusqu'au vestiaire.
- Je n'y manquerai pas. À demain !
Cinq minutes plus tard, Naruto sortit dans la petite ruelle de derrière et ferma les yeux pour inspirer profondément plusieurs fois afin de se gorger de la fraîcheur de la nuit, vivifiante comparée à l'atmosphère dense de la salle surchauffée qu'il venait de quitter (puis les vapeurs d'alcool ça grimpe vite au cerveau !). Il se dirigea d'un pas lourd vers son vélo, maugréant contre le fait qu'il lui faille pédaler pour rentrer chez lui et retrouver son cher petit lit adoré. Il défit l'anti-vol et l'accrocha au guidon, avant de se redresser lorsqu'un bruit ténu se fit entendre derrière lui. Il scruta la pénombre et aperçut les contours incertains d'une silhouette, nonchalamment adossée contre le mur.
- Qui êtes-vous ? Demanda-t-il d'une voix assurée (et assurément agacée ... merde mais quand allait-on enfin lui foutre la paix ?).
- Bonsoir, lui répondit une voix grave qui le fit tressaillir (quand une journée est merdique, elle l'est décidément jusqu'au bout).
Puis sortant à la faible lumière que diffusait le lampadaire, le jeune homme qu'il avait vu dans le bar un peu plus tôt dans la soirée se présenta devant lui. Il se tenait droit et avec une désinvolture vraiment très classe (et très BCBG aussi, pensa le blond en se renfrognant ... il ne le connaissait pas, mais il savait qu'il haïssait ce genre de petits bourgeois trop sûrs d'eux). Naruto lâcha un discret soupir avant de choper le guidon de son vélo et de commencer à avancer. Il passa devant le brun qui le regardait d'un air stoïque.
- Auriez-vous du feu ? Demanda-t-il alors en portant avec lenteur une cigarette à ses lèvres.
Naruto stoppa et tourna la tête vers lui (au moins, ils faisaient la même taille ... qu'il le regarde de haut au sens figuré lui suffisait bien largement).
- Vous ne devriez pas fumer, c'est mauvais pour la santé, rétorqua-t-il en fronçant les sourcils.
Le brun laissa échapper un rire contenu avant de baisser la main tenant la cigarette, pour la laisser ballante le long de son corps.
- Que je fume ou pas ne changera rien, dit-il en souriant comme s'il venait de dire une chose que son interlocuteur ne pourrait jamais saisir (ce qu'il saisit en revanche c'était que ce mec avait vraiment l'air de le prendre pour une merde ... ou une pute, à voir).
- Puis c'est quoi ce plan naze de demander du feu ? Quand t'es fumeur tu prévois et t'en prends sur toi. Sinon tu fais pas chier et tu lâches cette habitude répugnante, continua Naruto avec agacement en s'affranchissant du vouvoiement.
- Tu as une bonne répartie, remarqua le brun en le fixant de plus en plus intensément. Je m'appelle Raven.
''Oui, et alors ?'' Pensa le blond en se gardant bien d'exprimer cela à voix haute ... il avait mieux à dire.
- Tes parents avaient un humour particulier ou c'est juste que ton vrai nom est encore plus tordu ? Demanda-t-il sans vraiment attendre de réponse.
La question provoqua un très furtif froissement de sourcil (mais alors supra-furtif hein ? Mieux que les avions de l'armée américaine !) chez le jeune homme dont le sourire fondit très légèrement pour donner à son visage une expression plus sérieuse et sombre.
- C'est comme tu veux.
Puis il sourit de nouveau, appuya son regard ... et tourna les talons pour s'éloigner d'une démarche presque aérienne. Une minute plus tard, il s'était évaporé dans la nuit. Naruto resta comme deux ronds d'flan pendant une minute.
- Putain mais c'était quoi ce mec ? Marmonna-t-il avant d'enfourcher son spad et de filer à son tour.
Il pédala à une allure raisonnable ... la seule que lui permettaient ses jambes ankylosées du moins. Sur le chemin du retour, il ne croisa que quelques phares de voitures et de rares piétons de-ci de-là, mais n'y prêta guère plus d'attention, se contentant de suivre sa route machinalement, se laissant plus conduire par son habitude que par sa conscience. Il entendait d'ici tempêter Iruka. Sa voix s'élevait dans sa tête, comme s'il était vraiment en face de son père adoptif. Il le connaissait si bien que même en son absence, il était capable de deviner sa façon de le sermonner. Car il doutait fortement que celui-ci fût transporté d'aise à l'idée de le savoir si flâneur à cette heure de la nuit alors qu'il laissait presque son vélo le rapatrier seul dans ses pénates. Il se permit un sourire en se repassant certaines des nombreuses scènes qu'il avait eu à subir. Il ne s'en plaignait pas le moins du monde cependant, car ça ne pouvait que lui rappeler combien cet homme tenait à lui. Et cela comptait plus que tout à ses yeux parce qu'il avait été le premier à voir qu'il existait. Avant lui ... il n'y avait que les ténèbres.
Voyant qu'il se perdait dans son spleen tant que dans sa fatigue, Naruto se remit l'esprit en place au moment où il atteignait le bas de son immeuble. La bâtisse était modeste mais fort bien située, dans un quartier où la vie était, somme toute, plutôt agréable. Il laissa son vélo en bas de la cage d'escaliers et grimpa les marches avec la légèreté et la souplesse d'un éléphanteau tout juste né ... il manqua donc de se ramasser lourdement à plusieurs reprises en s'emmêlant les pieds dans les marches (qui était le petit con qui avait eu l'idée de les faire plus hautes que d'habitude ?!).
Il déverrouilla la serrure après moult tentatives (et autant de jurons) pour réussir à viser correctement le trou ... la fatigue semblait avoir sur lui le même effet que l'alcool sur bien d'autres personnes (raison pour laquelle il n'avait jamais tenté les boissons alcoolisées plus que ça, redoutant le résultat). Pénétrant dans l'appartement silencieux, il ne prit pas la peine de se montrer discret, sachant que personne n'allait surgir, en l'enguirlandant encore mieux qu'un sapin de Noël, pour avoir réveillé tout le voisinage. Il se débarrassa avec agilité de ses chaussures (en se cognant dans la commode à l'entrée et en se rattrapant in extrémis sur le mur, évitant ainsi de pulvériser le ficus de Shizune qui rétracta ses feuilles en poussant presque un soupir de soulagement) et se dirigea sans un regard en arrière vers sa chambre. Il laissa ses godasses en plan sur le tapis de l'entrée, content de ne pas avoir à perdre son temps à les ranger à cette heure de la nuit. Pour une fois il allait donc éviter la prise de tête avec Iruka sur son bordélisme compulsif.
Et puis quoi de toute façon ? Un mec ordonné c'est pas un mec ! Lui il aimait son petit foutoir qui lui donnait vraiment le sentiment d'avoir son terrier ... ça en avait même l'odeur selon Shizune. Une fois seulement elle avait tenté de pénétrer l'antre de la bête avec pour objectif de faire un brin de ménage. Elle s'était sauvée à peine une minute plus tard après avoir découvert quelque chose de fort peu ragoûtant sous une pile de vêtements. Non, il n'y avait pas de rat dans sa chambre, juste des fringues plus ou moins mal-odorantes, des tas de feuilles et de classeurs de cours, des restes d'encas et de Ramen instantanés ... et puis d'autres trucs plus ou moins bien identifiés (plutôt moins que plus d'ailleurs). Au fond à gauche, son bureau croulait sous d'innombrables objets (magazines, photos, CD, BD et mangas), à côté la bibliothèque reconvertie ployait sous le poids d'une vieille chaîne hifi, d'une minuscule télé, d'une console et des nombreux jeux l'accompagnant (aucun livre bien sûr, c'est pas fait pour ça !). Son lit simple était le long du mur d'en face, difficilement discernable sous les couvertures jetées pelle-mêle avec des sous-vêtements, pantalons et chemises. À droite de la porte, sa grande armoire contenait le peu de vêtements encore potables qui lui restait, ainsi que de nombreux souvenirs ou jouets particuliers gardés de son passé ... le seul endroit de la pièce qui demeurait rangé alors que le reste donnait l'impression d'avoir été le théâtre de la troisième guerre mondiale.
La maître des lieux pénétra enfin dans son royaume après avoir lutté contre le sommeil, tanguant d'un mur à l'autre dans le couloir. Alors que son trajet jusqu'à son nid avait été un vrai parcours du combattant, trouvant à trébucher sur tout ce qui était possible et imaginable (plutôt imaginaire car absolument rien ne traînait dans ce petit univers carré), son instinct lui fit traverser avec une surprenante dextérité les obstacles (pourtant nombreux et bien réels) qui parsemaient le sol de sa chambre. Enfin, la terre promise fut à portée, et il s'écroula dessus dans un gémissement soulagé ressemblant au râle agonisant d'un mammouth. Il ne se changea pas, pas plus qu'il ne déblaya la place pour s'installer plus confortablement. Il se tortilla juste une minute histoire de creuser son trou, puis tâtonna un instant pour mettre la main sur un bout de couverture. Tirant dessus (et faisant dégringoler dans un bruit sourd sur la moquette la moitié du bordel qui la recouvrait), il s'emmitoufla dedans autant que faire se pouvait et partit la seconde suivante au pays merveilleux des Ramen éternels (Iruka avait su bien vite adapter les grands classiques des contes de fées afin de satisfaire le petit bout de chou blond qu'il avait pris sous son aile).
2h ... Morphée l'accueillit parmi les siens pour son plus grand bonheur.
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La sonnerie intempestive d'un téléphone portable le réveilla en sursaut pile au moment où il allait venir à bout du méchant chevalier Ramen poulet-curry, ce qui lui aurait permis de demander la main de la princesse Ramen légumes au roi Ramen impérial ... au Diable cet importun ! Et mieux valait-il pour lui que ce fût important.
Sa main sortit avec la vitesse d'une tortue tétraplégique de sous sa couverture, avançant au radar jusqu'à la table de nuit. Un bouteille tomba (eau minérale bien sûr ! ... un peu croupie d'ailleurs), un cadre photo enchaîna sur le saut de l'ange (Adieu monde cruel !), un sac de bonbons un peu fondus et poisseux suivi (les Tagada® et les Schtroumpfs® d'abord !) ... putain de réveil ! Il le choppa enfin et fit émerger un œil pour regarder les chiffres lumineux qui agressèrent ses pauvres mirettes encroûtées de sommeil.
- Bordel ... 8h ... j'crois que j'vais être à la bourre.
Un grommellement suivit cette découverte en même temps que la main retournait avec le début de la tête blonde sous les draps. Le réveil retomba sur la table de nuit, en équilibre précaire à son bord, alors que le téléphone sonnait toujours.
- Chier ...
Grommellement bis alors que la main amorça une deuxième sortie. Nouvelle avancée au radar ... la première avait déjà fait table rase de la plupart des indésirables. Mais aucun téléphone détecté. Cette saloperie de sonnerie allait le rendre dingue. Naruto tenta alors de se guider au son et décela la provenance de l'assassine petite chose : sa veste abandonnée quelques heures plus tôt au beau milieu du no man's land. Il se laissa tomber au sol, toujours saucissonné dans sa couette et rampa avec autant d'élégance qu'une limace vers sa cible. Et puis enfin :
- Allo ? Marmotta-t-il d'une voix pâteuse.
- J'te réveille j'en étais sûr ! L'engueula une voix courroucée à l'autre bout du fil.
- Kiba ?
- Non le pape du gland ! S'énerva le châtain dont Naruto pouvait imaginer les yeux s'assombrir de fureur.
- Qu'est-ce tu veux ? Marmonna le blond.
- T'empêcher de te faire virer pauvre imbécile ! Mais putain comment j'ai fait pour rester ami avec un mec pareil ! Bouge ton cul maintenant ! J'suis sûr que t'as vu l'heure pendant que je poireautais à laisser sonner dans l'vide.
- Mais j'commence qu'à 8h30 ...
- Et il est déjà presque 8h10 ! S'énerva immédiatement son interlocuteur.
- Oh toi ... t'as pas tiré ton coup hier hein ?
- DE QUOI J'ME.... Tut tut tut ...
- Tiens ... ça a coupé.
Naruto laissa mollement retomber la main tenant le mobile et roula sur le dos pour scruter le plafond. Il poussa un soupir las en réalisant qu'il allait devoir discuter avec Kiba à propos de la soirée de la veille qui (selon toute vraisemblance) ne s'était pas déroulée comme espérée.
- Galère ... c'est pas une vie ça, se plaignit-il en essayant de rassembler ses quelques miettes de courage pour se désincruster de la moquette.
Après avoir miraculeusement sorti sa tête de son cul (ça doit faire mal !), Naruto fit une première halte à la salle de bain. Il se regarda dans le miroir et manqua de lâcher un hurlement épouvanté.
- Bah mon pauvre ... c'est pas comme ça qu'tu vas chopper les meufs, se lamenta-t-il en se passant une main dans les cheveux.
Il se dessapa rapidement et se détailla avec attention, essayant de voir au-delà des deux cernes gigantesques qui alourdissaient son regard bleu azur et des plis des draps qui s'étaient incrustés sur ses joues légèrement creusées et pâlichonnes, dont la barbe naissante lui donnait un air miteux. Première étape : le rasoir. Sous la surface froissée du blond (enfin ratiboisée de tous poils maintenant), on pouvait voir un beau jeune homme de 22 ans, 1m81 (et il y tenait à ce dernier centimètre !), assez carré d'épaules et fier d'arborer ses pectoraux, biceps et tablettes de chocolat, acquis au terme de nombreuses séances de musculation et d'abdominaux (y'a pas que les filles qui doivent souffrir pour être belles !). Il avait gardé ses cheveux dorés courts et ébouriffés (c'était pourtant pas faute d'avoir essayé de les apprivoiser), tandis que son visage enjôleur tant qu'enjoué se parait d'un sourire resplendissant et de trois fines cicatrices parallèles sur chacune de ses joues. Tous les matins par habitude, il les redessinait du bout des doigts, n'ayant jamais pu se remémorer du moment où il les avait reçues. Aussi loin qu'il s'en souvenait, il les avait toujours eues ... et ce « loin » ne remontait qu'à ses trois ans. Probablement les avait-il eu pendant une mauvaise chute alors qu'il était encore bébé.
Après une toilette rapide, il se vêtit d'un jean noir et d'un T-shirt sans manche blanc sur lequel il passa une chemise orange à manches courtes. Il fit un rapide crochet par la cuisine pour se dégoter quelque chose de mangeable (donc avec une odeur acceptable) dans le frigo et une minute plus tard, il dévalait les escaliers pour récupérer son vélo. Dehors, le ciel était libre de tous nuages et la chaleur était agréable, car atténuée par un léger vent frais, ce qui fit pétiller son regard. Quel que soit son degré d'encroûtement au réveil, il ne pouvait pas résister à sa vague de bonne humeur lorsqu'il savait commencer une nouvelle journée. Naruto faisait en effet partie de ces gens qui prenaient chaque jour comme un cadeau et comme une chance de faire plus ou mieux que le jour précédent. Aller de l'avant, il ne vivait qu'avec cela en tête. Car après tout, n'appelait-on pas aujourd'hui « le présent » ? Ce n'était pas pour rien selon lui.
Dix minutes plus tard, il arriva un peu essoufflé dans le vestiaire du magasin d'Anko, y retrouvant Kiba, déjà en tenue. Il y pénétra silencieusement, voyant que l'Inuzuka paraissait d'une humeur de chien, et commença à ranger sa chemise dans son casier pour prendre une veste propre. Une mouche aurait dansé la gigue au milieu de la pièce qu'on aurait pu profiter de toute la représentation tant le silence était pesant. Sachant pertinemment que Kiba n'amorcerait pas la conversation, Naruto ne put se retenir plus longtemps :
- C'était si moche que ça ?
Le châtain frémit légèrement, et Naruto se dit qu'il aurait peut-être dû commencer en disant autre chose. Du genre « Salut Kiba ! Comment va ? T'as vu, il est 8h35. J'ai que cinq minutes de retard pour une fois ! Super non ? ». Mais évidemment, comme un abruti il avait fallu qu'il s'aventure direct dans le champ de mines. Maudite soit cette irrefrénée franchise ! Alors qu'il se fustigeait intérieurement, il entendit le bruit métallique d'une porte trop brutalement refermée, suivi d'un soupir à vous fendre l'âme, le cœur et tout ce qui va avec. Il n'ajouta rien, laissant son ami continuer cette conversation selon ses envies. Une minute s'écoula paresseusement.
- La soirée aurait pu être sympa, entendit-il soudain. Je suis passé la prendre à son appartement. Elle était absolument divine dans son kimono bleu nuit. Et ses magnifiques cheveux étaient remontés en un chignon de style chinois avec les baguettes et tout. Elle a même rougi de cette façon qui me fait totalement craquer quand je l'ai complimentée. On n'a pas parlé dans la voiture ... moi perso j'savais pas trop quoi dire et elle non plus apparemment. Les fois d'avant on n'avait pas arrêté de se bouffer le nez pour des prunes alors je crois qu'on avait peur que ça reparte comme ça.
Le jeune homme soupira une nouvelle fois, puis se retourna pour faire face à Naruto. Il s'adossa contre son casier, collant ses yeux vers la petite lampe du plafond et poursuivit :
- Au restaurant c'était tranquille ... un peu guindé, mais je sais qu'elle aime bien ce genre de choses de temps en temps. Elle a grandi dans cet univers après tout. Moi j'avais prévu l'coup et je m'étais serré la ceinture pour avoir assez d'économies et lui payer un bon repas. Mais je voyais qu'elle commandait quasi quedal alors ça m'a un peu vexé. Je voulais qu'elle se lâche et qu'elle profite, malgré tout j'avais encore l'impression qu'elle prenait sur elle pour m'épargner ... moi le pauvre petit étudiant normal avec mes moyens limités.
- Je vois v'nir le truc, marmonna le blond.
- On a commencé à arguer là-dessus, mais l'endroit n'était pas vraiment approprié. Alors elle a fini par prétexter qu'elle avait perdu l'appétit et on est partis. Dans la voiture le ton est monté assez vite. De mon côté je gueulais parce que j'avais sans cesse le sentiment qu'elle essayait de me cacher la classe de sa famille et leurs habitudes de la haute. Et elle me reprochait de ne pas comprendre que même si elle en aimait certains aspects elle préférait vivre avec moi et pour moi plutôt que j'essaie de me transformer. J'ai enchaîné en disant que de toute façon quoi que je fasse, aux yeux des siens je ne serais jamais accepté. Au final, elle a quitté la voiture en pleurs en me disant qu'elle n'avait pas choisi de naître Hyuuga et que j'étais un imbécile qui ne comprenait rien de ce que tout ça impliquait.
- ... Dans un sens, ça aurait pu être pire, dit l'Uzumaki après que son vis-à-vis se tut.
- De quoi ?
- Bah c'est pas vraiment vous deux le problème ... c'est sa famille. C'est bien ce que je t'ai dit hier non ? Expliqua immédiatement le blond face au visage alarmé de l'autre.
- Oh oui ... c'est vrai. Mais j'en ai marre de me disputer continuellement avec elle sans même savoir pourquoi. J'aimerais qu'elle m'explique ce qui se passe. Ça allait niquel avant. Et là, ça part vraiment en free-style.
- Laisse lui du temps. Si c'est une crise familiale, attends que les choses s'arrangent. Puis si elle supporte pas, crois-moi, elle viendra te voir pour t'en parler. Et à ce moment, t'auras juste à être là pour l'écouter.
- Et vivement que ça arrive ... putain je hais les vacances d'été ! Râla le châtain.
- À qui l'dis-tu ? Maugréa à son tour le blond.
Et comme toujours, l'arrivée en fanfare de la patronne mit fin à leur lente agonie pour enquiller sur ... une autre lente agonie : une matinée de travail en enfer ! Car (Halleluia !) ils étaient de congés l'après-midi pour cause d'exposition sur les reptiles du monde qu'Anko ne voulait absolument pas manquer (c'est ça qui est cool quand t'es le boss, c'est que c'est toi qui décides !).
Arriva donc le moment de la libération. Vers midi et demi, Naruto appela Sakura et Ino pour les inviter à déjeuner, sachant qu'elles n'habitaient pas loin du centre ville. Ils se retrouvèrent dans un petit établissement très sympathique (et économique), après que la suggestion de Ramen du blond avait été tuée dans l'œuf avant même qu'il n'eût eu le temps de la sortir.
- Toi, tu peux tout de suite faire une croix sur Ichiraku ! Avait dit la rosée sans qu'un quelconque ''bonjour'' n'ait été formulé.
Naruto se garda bien de se défendre en essayant de faire croire que ça ne lui avait même pas traversé l'esprit ... il y avait des mensonges qui étaient définitivement bien trop gros pour passer, quel que fût le talent de joueur de poker du blond. Au restaurant, les discussions se firent décontractées. Faisant temporairement s'effacer le cafard du châtain, pour le plus grand bonheur de Naruto. Car Sakura et Ino n'avaient pas leur pareil pour animer une conversation.
Ces deux jeunes femmes étaient vraiment nées pour être ensemble. Deux amies d'enfance qui avaient grandi dans le même quartier et qui étaient passées par tous les stades que peut avoir une relation : l'amitié, la haine, la vengeance, la réconciliation, la fraternité ... l'amour fusionnel. Elles avaient évolué ensemble et c'était également ensemble qu'elles s'étaient découvertes, quittant ensuite leur foyer, après que leur couple avait été dévoilé puis rejeté par leurs familles. Le chemin avait été long et douloureux, et même encore à ce jour, il n'était pas certain que tous les obstacles aient été franchis. Enfin, elles étaient toutes les deux et c'était tout ce qui comptait depuis maintenant cinq ans.
Ino travaillait comme fleuriste dans une petite boutique tenue par une vieille femme s'étant prise d'affection pour elle. Sa beauté et sa grâce, ajoutée à son talent indéniable pour l'art des plantes et à sa main verte, lui avaient valu de se voir échoir la boutique alors que la patronne avait annoncé vouloir prendre sa retraite dans un avenir proche. N'ayant aucun enfant, elle avait jugé Ino digne de lui succéder et l'avait formée dans ce sens. Outre son travail au bar d'Ibiki, Sakura prenait des cours par correspondance pendant les vacances pour obtenir son diplôme plus vite et commencer à officier en tant que médecin aussi rapidement que le lui permettrait la législation. En attendant, elle jonglait entre sa tenue de barmaid et celle d'aide soignante à l'hôpital.
Kiba quant à lui, prenait des cours à la même fac que Naruto et Sakura, où ils avaient en commun quelques cours de science. À côté, il étudiait aussi pour devenir maître-chien et avoir son propre élevage. Il avait toujours eu un feeling impressionnant avec la race canine et espérait depuis toujours faire de sa passion son gagne pain. Lui et Naruto s'étaient rencontrés à l'école maternelle, à peu près à la même période où ils firent la connaissance des deux fillettes qu'étaient Sakura et Ino à cette époque. Deux petits garçons un peu tristes et en marge de tous, auxquels la vie n'avait vraiment pas fait de cadeau. En effet, tous deux s'étaient retrouvés orphelins dès leur plus jeune âge dans des circonstances tragiques et leur seule chance avait été de quitter rapidement l'orphelinat où on les avait placés pour trouver une famille d'adoption. Alors que Naruto avait été recueilli par Iruka, Kiba vivait sous la protection d'une femme nommée Kurenai. Après que Kiba avait atteint ses 18 ans, Kurenai (qui était une artiste de grand talent) en profita pour voyager assez souvent et exposer ses peintures à travers le pays. Le jeune homme l'avait toujours encouragée en ce sens, sachant pertinemment combien il était dur de mettre sa passion entre parenthèses, et elle l'avait suffisamment fait pour prendre soin de lui pendant des années.
On pouvait donc dire que les quatre jeunes gens qui passaient tranquillement commande à cette table n'avaient pas franchement été gâtés par la vie. Pourtant, chacun d'eux la mordait à pleines dents et se contentait sans trop de mal de ce dont il disposait. Ce n'était pas parce qu'ils avaient eu un début pourri qu'ils ne pouvaient pas continuer en apothéose. Et ils avaient bien l'intention de ne pas se laisser abattre. Puis si un venait à craquer, les autres seraient là pour le rattraper. L'homme le plus riche du monde n'est pas celui qui possède le plus de choses, mais celui qui peut dire avoir au moins un ami vraiment sincère. Alors avec trois, ils étaient plus fortunés que Bill Gates lui-même !
Installés confortablement près de la baie vitrée, ils virent arriver leurs plats avec soulagement (surtout pour l'un d'entre eux) et piochèrent allègrement dans leurs assiettes pour se remplir la panse.
- Mange moins vite espèce de goinfre, sinon t'auras encore la dalle dans une heure, lança Kiba à l'adresse de Naruto qui dévorait sa salade comme s'il avait jeûné pendant un mois.
- À table, c'est pas moi qui dirige tu devrais le savoir, répondit le blond en reprenant une bouchée énorme qu'il peina à enfourner entièrement.
- T'es vraiment qu'un estomac avec des jambes, se lamenta Kiba.
- Occupe-toi donc de ta gamelle clébard !
- Et arrête de te jeter comme ça sur la tienne, elle va pas se barrer en courant !
- J'fais c'que j'veux crâne de piaf !
- Venant de toi c'est un peu fort cervelle de moineau ! Même pas foutu d'arriver à l'heure où que ce soit !
Les deux hommes se regardèrent en fronçant les sourcils, figés au-dessus de leur plat. Cela n'allait pas sans leur rappeler leur joute épique du matin précédent. Puis un sourire mauvais étira leur face.
- Misère, c'est reparti ! Soupira la rosée en levant les yeux au ciel.
Ino lui lança un regard curieux avant que des voix ne s'élèvent brusquement à côté d'elles, la faisant sursauter :
- Espèce de porte-manteau hypocondriaque violeur de pain de campagne ! Commença le blond.
- Ta mère le Bisounours rôti à la testostérone d'écureuil ! Renchérit le châtain.
- Va t'faire poinçonner les amygdales misérable fouine mutée à l'ADN de petits pois !
- Que la torpille du gruyère nain vienne te tamponner le pancréas avec une pelle à tarte !
Et cinq minutes plus tard ...
- Meurs dans les déjections du régiment de puces du colonel moutarde !
- Pauvre bigornos borgne en bikini bosniaque !
- Cornichon nucléaire sub-atomisé par la taupinière du voisin !
Bon, encore cinq minutes plus tard ... nous retrouvons enfin nos deux duellistes qui se toisent avec hargne en ne lâchant plus (Dieu merci !) le moindre mot. Et puis enfin, un sourire (plus jovial celui-ci) vint illuminer leur face.
- Très belle partie Uzumaki ! S'exclama Kiba en piochant dans ses frites avec entrain.
- J'te retourne le compliment Inuzuka ! Répondit le blond avec autant d'enthousiasme.
- C'est bon, vous avez enfin fini ? Demanda Sakura en tentant de contrôler son énervement qui, de toute évidence, atteignait des sommets à en juger par la taille impressionnante d'une grosse veine battant sur sa tempe (indicateur de catastrophes imminentes à surveiller en permanence).
Autour de leur table, nombreux étaient les regards interloqués qui les dévisageaient, de même qu'Ino qui en était restée muette sous le choc.
- Je peux savoir ce que c'était que ... ça ? Demanda-t-elle alors avec répugnance en arquant les sourcils.
- Une Nawac-insulte Party, notre dernière invention, indiqua le blond en sirotant une gorgée de son soda. On fait ça avec Kiba pour se détendre par moment.
- Ouais, tu prends tous les mots qui te viennent en tête et tu les associes pour faire une insulte ... c'est poilant et c'est un bon anti-dépresseur, ajouta le châtain.
- Ah les mecs ! Soupira la blonde en échangeant un regard entendu avec sa belle assise en face.
Celle-ci haussa les épaules, signifiant par la même qu'il valait mieux s'habituer et vivre avec que d'essayer de comprendre (que l'on vienne dire après que ce sont les filles qui ont la psychologie la plus tordue !).
Le déjeuner se finit tranquillement et tous les quatre se retrouvèrent dehors sous la chaleur de cette journée d'été. Kiba fut le premier à les quitter, prétextant une course à faire.
- Il va se coller devant un jeu vidéo et renifler comme une âme en peine sur les photos d'Hinata, dit Ino sur un ton découragé en regardant le jeune homme s'éloigner.
- C'est clair, soupirèrent en chœur Naruto et Sakura.
Petit silence pendant lequel trois regards suivaient la progression du quatrième.
- Bon, on file aussi ! se reprit Sakura. On avait prévu un peu de shopping toutes les deux.
- Alors j'vous laisse en tête à tête, se déroba immédiatement Naruto. Moi j'vais sûrement faire un crochet par le magasin de mangas avant de rentrer.
- N'oublie pas pour ce soir hein ? Lui rappela Sakura.
- J'suis au taquet t'inquiète ! Lui assura le blond.
Puis il se firent la bise et se séparèrent également. Deux heures plus tard, Naruto déambulait dans les rues piétonnes pour profiter du soleil. L'après-midi aurait pu être vraiment très agréable si seulement il n'avait pas eu la constante sensation de sentir un regard peser sur lui. Mais il avait eu beau regarder à maintes reprises par-dessus son épaule ou à droite et à gauche, il n'avait jamais pu vraiment s'assurer de ce qu'il ressentait. Pourtant, ce picotement dans la nuque, ces frissons qui lui remontaient la colonne vertébrale, cet horrible pic qui s'enfonçait dans son dos ... soit celui qui le suivait était un fantôme, soit il devenait totalement paranoïaque. Il tenta une nouvelle fois de chasser cette peur irrationnelle lorsque soudain, une silhouette tout de noir vêtue attira son attention dans un recoin. Ces habits, ces cheveux, ce regard ... ils les auraient reconnus entre mille. Il soupira avec agacement et fronça les sourcils quand il vit que l'autre le scrutait avec insistance. Voulant mettre les points sur les i une bonne fois pour toutes, Naruto se dirigea vers lui sans hésitation et s'arrêta à un mètre du dénommé ''Raven'' (quel nom tordu décidément) pour le toiser avec hargne.
- Tu fais dans le harcèlement maintenant ? L'attaqua-t-il d'entrée.
- Je te demande pardon ? Sembla s'étonner Raven qui le fixait toujours avec un très discret sourire (Et à part dans sa question, nulle autre trace d'étonnement ...).
- Alors ça t'a pas suffit de venir me zieuter sur mon lieu de travail, maintenant tu viens chasser en pleine journée ?
- Chasser hein ? Reprit le brun en semblant s'amuser de l'utilisation de ce terme.
- Désolé pour toi mec mais faudra te trouver une autre cible, j'marche pas dans ce trip moi.
- J'ai l'impression que tu ne m'apprécies guère, remarqua le brun sur un ton d'indifférence pure.
- Navré, mais les nantis qui vont piocher dans la classe ouvrière pour se dégoter un coup, c'est pas ma tasse de thé.
- Il devient de plus en plus clair à mes yeux que tu t'es mépris sur mes intentions.
- Ah ouais ? Bah pour quelle autre raison un p'tit bourge comme toi serait venu se paumer seul dans un bar pour reluquer un serveur alors ?
- Comment en es-tu venu à croire que j'étais un ''petit bourge'' ? Demanda-t-il en pinçant très légèrement les lèvres sur les derniers mots (comme s'il se retenait de se moquer ouvertement de son interlocuteur).
- C'est pas bien compliqué, tout le crie en toi. Ton attitude, tes fringues, ta façon de parler ... et j'remarque que t'as pas démenti la partie du reluquage.
- C'est pourtant la plus fausse de tes subtiles déductions, contra Raven en sortant lentement un petit étui métallique à cigarettes de la poche intérieure de son manteau.
Lorsqu'il ouvrit l'étui de sa main droite pour attraper une cigarette de ses longs doigts fins, Naruto fut attiré par un éclat brillant sur son index, alors que le soleil s'était reflété dessus. Le brun portait à cet endroit une chevalière en argent finement travaillée, arborant un signe ressemblant à une sorte d'éventail rouge et blanc. L'Uzumaki ne sut pourquoi il ne l'avait pas vue avant, ni pourquoi cela retenait tant son attention à présent, mais il se reprit bien vite pour continuer à regarder ce personnage qui porta un fin tube blanc à sa bouche avec des gestes d'une précision et d'une sensualité presque hypnotiques ... ce qui ne manqua pas d'exaspérer Naruto.
- T'as pas bientôt fini ton cirque espèce de poseur ! Maugréa-t-il à l'encontre du brun.
- Comment ? Demanda son interlocuteur en soufflant une volute de fumée blanchâtre tirée de sa cigarette.
- C'est bon, c'est pas la peine de faire ce numéro, personne te regarde (mis à part tous les passants de sexe féminin marchant à moins de dix mètres devant eux), répondit-il en fronçant les sourcils. Cette façon que tu as de bouger et de tout faire avec des gestes calculés au millimètre ça m'énerve.
Raven esquissa un sourire faiblement moqueur avant d'aspirer une autre bouffée de tabac.
- Je ne calcule rien, dit-il enfin. C'est ma façon naturelle de bouger.
- Bah voyons ! Quel humain normal bougerait comme ça naturellement ? Lâcha Naruto sur un ton sarcastique.
- Mais je n'ai jamais dit que je l'étais.
- Quoi ? Normal ? Reprit le blond d'un air narquois (il le reconnaissait au moins, c'était toujours ça de pris).
- Non ... Humain, corrigea Raven d'une voix calme qui tomba pourtant comme un couperet, laissant un gros blanc dans la conversation (et dans notre jolie tête blonde par la même occasion).
Naruto le regarda avec une incrédulité si évidente qu'elle en devenait presque grotesque. Ses yeux étaient ronds comme des billes et ...
- BWAHAHAHAHA ! Lâcha-t-il sans crier gare en posant sa main sur son ventre alors qu'il se courbait sous l'intensité de son fou rire.
Le brun ne réagit qu'en haussant très subtilement un sourcil, continuant de fumer avec calme et retenu. Le blond mit un moment pour reprendre contenance, mais il hoquetait toujours légèrement sous les pouffements qu'il peinait à retenir.
- Dé...solé ... pas pu... m'en empêcher. T'sais que t'es un marrant dans ton genre ? Reprit-il avec difficulté.
- Il semblerait, répondit machinalement Raven sans rien perdre de sa superbe.
Il tira de nouveau sur sa cigarette cependant que Naruto séchait ses larmes. Ce dernier dit ensuite :
- Bon ok alors. Vu que j'me suis bien marré grâce à toi, j'veux bien écouter ce que t'as à m'dire. Si tu m'reluquais pas hier, qu'est-ce tu glandais alors ?
L'autre jeune homme le fixa, un peu surpris de passer de la suspicion au rire incontrôlable pour revenir au sujet principal la seconde suivante.
- Tu n'es vraiment pas quelqu'un d'ordinaire, se contenta-t-il donc de répondre.
- Hé ?
Le brun soupira, passant délicatement une main dans ses cheveux ébène, qui revinrent dans leur exacte position initiale lorsqu'il retira ses doigts (''J'adorerais savoir la marque de son gel pour dompter ma tignasse comme lui'', songea alors l'Uzumaki en gardant cette réflexion bien niaise par devers lui).
- Je suis arrivé en ville il y peu en fait, commença alors le jeune homme. Je suis venu dans ce bar par pur hasard et c'est à ce moment que je t'ai vu.
- Et là tu t'es dit qu'à défaut d'un mec un peu mieux, pour un premier soir je serais suffisant pour tirer un coup, compléta Naruto.
- Il me semblait pourtant t'avoir dit que tu avais mal interprété mes intentions, lui rappela Raven. Je ne sais pour quelle raison une idée si saugrenue s'est imposée dans ton esprit fort imaginatif apparemment, mais tout ce qui m'a interpelé chez toi c'est cette ... comment dire ? Oui, disons cette vitalité qui émanait de tout ton être.
- Vitalité ? Répéta-t-il.
- Tout à fait. En réalité, je suis bien peu accoutumé à côtoyer des personnes si ... vivantes. Tu m'as paru intéressant donc, et c'est pourquoi j'ai voulu te connaître mieux pour savoir d'où te venait un tempérament à ce point enjoué que cela transparaisse d'une façon si manifeste sur toi.
- ...
- Il me semble qu'il n'y a aucun mal à vouloir se lier d'amitié avec bien des gens ayant des vies totalement différentes. C'est par les connaissances variées que l'on est susceptible de correctement évoluer soi-même ne crois-tu pas ? Demanda-t-il finalement en plantant ses onyx dans les yeux un peu perdus de son vis-à-vis.
- ... Ah bah merde alors, marmonna celui-ci après un temps d'hésitation sans que son visage ne muât son expression stupéfaite.
-Qu'y a-t-il ? S'enquit Raven.
- Rien rien ! J'me disais juste que t'avais l'air vachement sérieux en disant ça, répondit Naruto en regardant son interlocuteur d'un air curieux.
- Probablement parce que je le suis effectivement, dit Raven en gardant le même visage impassible.
- Oh ... d'accord ... bah dans ce cas ramène-toi, ça coûte rien d'essayer, dit le blond en haussant les épaules.
- Sais-tu que tu es une personne extrêmement étrange ? Demanda le brun, étonné une fois de plus par ce brusque revirement.
- C'est toi qui parles ? S'te plaît ! C'est l'hôpital qui se fout de la charité, se moqua Naruto.
Puis il se mit à marcher d'un pas léger tandis que le brun était resté figé dans le coin d'ombre. Voyant alors qu'il ne le suivait pas, Naruto stoppa et se tourna vers lui.
- Bon tu viens ou faut que j'vienne te tenir la main ? S'impatienta-t-il.
Raven écrasa son mégot et le rejoignit lentement. Ils marchèrent ensuite côte à côte, le brun ne pouvant s'empêcher de regarder d'un œil un peu étonné, le curieux personnage qui souriait à sa droite. Autour d'eux, bien des gens tournaient la tête pour observer ce duo un peu improbable. D'un côté, un très grand jeune homme blond au regard bleu profond arborant une carrure impressionnante sous une chemise colorée, parfaitement assortie à la couleur chaude de ses cheveux et avec une expression dynamique lui donnant un air un peu sauvage. De l'autre, un brun tout aussi séduisant dont le charme était pourtant en contradiction totale avec l'image de son vis-à-vis. Aussi grand mais plus fin, la tenue stricte et classe mettant en valeur toute la hauteur et le droiture de sa silhouette, les yeux d'un noir charbon aussi intense que ses cheveux alors que son visage semblait taillé dans le marbre, tant par la finesse de ses traits que par la blancheur irréelle de sa peau. Même leur démarche n'avait rien de comparable. Un pas vif et décontracté contre une démarche fluide et élégante. Vraiment ... un tandem hors du commun.
- Au fait, je ne t'ai même pas dit mon nom ! Se rappela subitement le blond. Je m'appelle Naruto. Uzumaki Naruto, ajouta-t-il en décochant un sourire encore plus lumineux (si cela était possible) à son interlocuteur.
Les yeux de Raven s'arrondirent très furtivement face à la vision étonnante qu'offrait le jeune homme. Voyant qu'il semblait être un peu ailleurs, Naruto recommença à parler :
- Un souci ? L'interrogea-t-il en radiant presque comme un mini soleil.
- Aucun si ce n'est que tu ne cesses point de me surprendre depuis le premier instant où je t'ai vu.
- Tant que ça ? De nous deux j'pense pourtant pas être le plus bizarre.
- Pourtant, il y a cinq minutes tout juste, tu avais une bien piètre opinion de ma personne, me prenant pour un pervers gay et harceleur et présentement cependant, tu m'acceptes à ton côté après que j'ai émis le souhait de mieux te connaître en tant qu'ami.
- Bah tu m'as dit que tu voulais pas me harceler ou me draguer alors moi ça m'va. Si tu veux rencontrer du monde et visiter la ville, j'vois pas pourquoi je t'enverrais bouler. Si Dieu nous a donné la parole, c'est pour qu'on communique non ? Et puis moi j'aime bien discuter avec des nouvelles personnes.
- Est-ce pour cela que tu occupes cet emploi de garçon de café ?
- Serveur, ça fait moins cloche, le corrigea le blond. Et non, pas spécialement, ça c'est juste l'occasion qu'a fait le larron.
- Je vois.
- Et toi alors ? Tu fais quoi dans la vie ?
- Je m'occupe des affaires de ma famille.
- Ah bah oui quel idiot ... j'aurais dû me douter que t'étais le genre à reprendre le business familial. Vous faites dans quel secteur ?
- Nous avons des ouvertures dans bien des domaines, répondit évasivement le brun.
- Ok. Bon, j'sais pas trop quoi te montrer, mais y'a un parc qu'est vachement sympa là-bas. L'été y'a des gens qui y jouent de la musique sur les grandes pelouses vers la fin de l'après-midi si tu veux voir, proposa le blond pour couper court à cette conversation qui indisposait manifestement son interlocuteur.
- Je ne préfère pas. Je n'apprécie guère les journées si ensoleillées et ce parc risque bien d'offrir fort peu d'endroits ombragés, bien que la luminosité décroisse avec la fin du jour.
- À ta guise, si tu préfères garder ton teint cadavérique c'est toi qui vois.
- Me trouves-tu donc si pâle ?
- Limite livide. Faut prendre le soleil mon vieux ! Les hommes c'est comme les plantes, sans soleil ça se fane.
- La nuit est plus salvatrice en ce qui me concerne, dit Raven en souriant faiblement.
- Viens dire que c'est moi le bizarre après, soupira Naruto.
Alors qu'ils marchaient toujours sans but précis, Naruto aperçut une horloge à la devanture d'un restaurant. Fronçant les sourcils, il regarda sa montre pour s'assurer que ...
- Et chier j'vais être en retard ! Lâcha-t-il soudain.
- Travailles-tu ce soir ? Demanda Raven.
- Ouais ... et plus tôt que d'habitude parce que Saku-chan voulait qu'on fasse un inventaire avant notre service.
- Saku-chan ?
- Haruno Sakura, une amie d'enfance. On bosse ensemble dans le bar d'Ibiki.
- S'agirait-il de cette jeune personne à la curieuse couleur de cheveux qui tenait le comptoir ?
- Ouaip ! Et c'est pas curieux c'est juste rose. Franchement, faut que t'arrêtes de parler comme au siècle dernier.
- Je me suis toujours exprimé ainsi.
- Bah ça devait pas te rendre super populaire dans la cours de l'école ... mais j'suis con ! Devait y'avoir que des gosses de riches avec toi alors tu devais pas faire tache.
- Il serait bon que tu exposes tes pensées avec un peu plus de tact et de délicatesse, remarqua Raven.
- Oh ça va fais pas ton coincé ! Tu ressembles à une Lady mijaurée là !
Le brun haussa un sourcil.
- Laisse tomber. On s'revoit après mon service si tu veux mais là je taille la route. Et te pointe pas ce soir sinon j'vais devoir tout raconter à Sakura et elle va se foutre de ma gueule.
- Si tu insistes.
- Bon, t'auras qu'à m'attendre à la porte de derrière vers les minuit moins vingt.
- Ne fermez-vous pas à 1h en semaine ? S'enquit le brun.
- Oui mais j'ai fait des heures supp' la semaine dernière alors je rattrape. J'bosse pas non plus demain soir d'ailleurs. Alors minuit moins vingt ! Après je te montrerai la boîte de nuit la plus sympa de la ville ! Faut qu'on aille se chercher des filles !
Sur ces paroles pleines de promesses, il s'en retourna en trottinant pour rejoindre son vélo laissé plus tôt et fila au bar après l'avoir récupéré. La soirée passa ensuite assez rapidement à cause des commandes et des clients qui se succédaient à une allure proprement hallucinante. Sakura secondait Ibiki au bar et Naruto évita toute discussion avec la jeune femme risquant de le distraire tant il craignait le regard de tueur du patron. Lui-même faisant 1m81, il rencontrait assez peu souvent des personnes le regardant de haut (physiquement parlant), mais la carrure du boss qui avoisinait les 1m97 était si écrasante que la différence entre eux ne semblait plus se réduire à 16cm mais bien à 30 ! Ajoutez à cela son crâne rasé et ses nombreuses cicatrices et tout ce que vous pouviez encore être capable de faire c'était baisser la tête et faire votre job. Pourtant, derrière ses airs de gangsters, cet homme était d'un naturel très bon ... tant qu'on ne le mettait pas en rogne.
À 23h45, Naruto quitta son poste et se changea, remettant de l'ordre dans ses cheveux en vue du ''plan drague en boîte''. Il aurait aussi bien pu inviter Kiba pour l'empêcher de broyer du noir, mais il savait qu'il n'aurait jamais accepté (il avait horreur de l'atmosphère puante de ces endroits qui ''agressait'' son subtil odorat ... un vrai clébard !), aussi se contenterait-il de cet étrange Raven qui ne cessait de l'intriguer depuis la veille.
Sortant dans la ruelle, il l'y retrouva d'ailleurs, adossé au même endroit et fumant comme à son habitude.
- T'as pas attendu trop longtemps ?
- Du tout. Et je suis quelqu'un de très patient de toute façon.
- Me dis pas ça sinon j'vais pas pouvoir empêcher l'aggravation de ma retardite aiguë, plaisanta Naruto.
- Serais-tu souffrant ? Lui demanda le brun sur un ton neutre en écrasant son mégot sous sa chaussure.
- Euh ... non, s'estomaqua le blond dont la blague venait de faire un flop tout à fait impressionnant.
- Bien. Pour ce qui est de ta proposition de boîte de nuit, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
- Quel rabat-joie j'le crois pas ! Faut te retirer ce manche à balais du cul mon pote ! S'emporta Naruto.
Haussement de sourcil du brun (était-ce donc la seule expression faciale qu'il était capable d'arborer ?).
- Bon ok, qu'est-ce que t'aimes faire alors ? Demanda Naruto.
- Me promener la nuit, lire, écouter de la musique...
- Et bah ! Y'a de la musique en boîte !
- Mais je doute qu'elle corresponde à mes goûts, contra l'autre immédiatement.
- Ok ... quoi d'autre ?
- J'aime le noir (non sans blague ?), et j'aime aussi ... les personnes pleines de vie dont le cœur fait pulser le sang si fort dans leurs veines qu'on pourrait presque l'entendre murmurer, continua-t-il en faisant descendre le ton de sa voix dans un timbre grave et presque chuchoté. Le rouge sombre est fascinant, ajouta-t-il encore en se perdant presque dans ses pensées tandis que son regard s'égarait.
Le silence tomba dans la ruelle alors que Naruto se tenait toujours debout devant son interlocuteur, resté adossé depuis le début de la conversation.
- En repensant à ce que tu m'as dit cette après-m', tu sais ce que j'me dis ? Dit subitement Naruto avec un air très sérieux.
- Quoi donc ?
- Plus j'en apprends sur toi et plus j'ai l'impression de tailler le bout d'gras avec un vampire ! S'exclama-t-il derechef en affichant un sourire éclatant avant de se mettre à rire.
- Et si c'était le cas ? Demanda abruptement Raven.
- Quoi ? S'interloqua le blond en essayant d'empêcher son rire de virer encore au fou rire face à l'air si sérieux du brun.
- Si tu étais réellement en train de converser avec un vampire, que ferais-tu ? Reprit l'autre en ne souriant plus du tout.
Naruto sécha rapidement une larme qui avait échappé à son contrôle et le dévisagea, découvrant dans sa sombre expression une intensité presque effrayante, ressemblant fortement à celle qui l'avait alarmé dans le bar la veille.
- Attends, t'es sérieux quand tu m'demandes ça ?
- Me crois-tu du genre à plaisanter si aisément ?
- ...
- Que réponds-tu alors ?
- Qu'est-ce que je ferais si je discutais avec un vampire ? C'est ce que tu veux savoir ?
Le brun appuya son regard, répondant à l'affirmative par son silence.
- On parle de ces mecs qui se changent en chauve-souris et sucent le sang de jeunes vierges c'est bien ça ? Voulut s'assurer l'Uzumaki.
- Si l'on s'en tient au folklore populaire, disons que oui.
- Bah si t'en étais un, j'te demanderais pourquoi tu perds ton temps avec moi alors qu'il y a plein de belles filles à croquer dans les rues ce soir.
- N'éprouverais-tu donc pas la moindre crainte face à un tel prédateur ?
- Et quoi ? C'est pas comme si t'allais me bouffer pour de vrai de toute façon, dit le blond sur un ton léger en se remettant à rire légèrement pour décrisper la situation.
Face à lui, Raven était toujours aussi sérieux et cela ne l'en rendait que plus mal à l'aise.
- Bon ça va, arrête tes conneries maintenant. Il est tard et puisque tu veux pas aller t'amuser, j'vais m'rentrer, continua Naruto en se détournant de Raven.
S'il ne l'avait pas fait, peut-être aurait-il eu le temps d'apercevoir ce sourire glaçant qui étirait les lèvres du jeune homme derrière lui. Ce sourire n'avait plus rien de la douceur et du charme qu'il exprimait plus tôt, et ne semblait imprégné que du sadisme sournois du chasseur face à une proie sans défense. À peine Naruto avait-il fait trois pas qu'il fut puissamment retenu par un bras se serrant comme un étau autour de lui, coinçant ses propres membres le long de ses flancs tandis qu'une main se plaqua sur sa bouche. Il se pétrifia sur place lorsqu'il sentit ensuite un souffle glacial dans son cou. Il voulut se libérer mais ne put esquisser le moindre geste, s'étonnant de la force incroyable de cet homme qui pourtant, avait une carrure toute identique à la sienne et même plus frêle. Son appel au secours mourut également dans sa gorge au moment où le contact à la fois givrant et brûlant d'une langue le long de son cou puis de sa mâchoire le fit se figer totalement. C'était exactement comme si d'un simple geste, il avait perdu tout contrôle sur son corps. Quoi que lui dictât sa tête, plus rien ne répondait. Enfin, une voix grave et profonde s'éleva dans un murmure :
- Que ferais-tu Naruto, si tu te trouvais face à un véritable vampire ?
Puis sa tête se fit basculer sur la droite, laissant le champ libre au brun qui plongea dans le cou offert. Au début, Naruto ne sentit qu'un baiser délicatement déposé sur sa jugulaire ... puis un souffle ... puis la caresse d'une langue légèrement râpeuse ... puis une violente douleur, comme si un couteau lui avait été plongé dans la chair. La main sur sa bouche se retira pour glisser le long de sa joue, mais il fut toujours incapable de laisser échapper un quelconque son. Il sentait cette atroce douleur se répercuter dans tout son être, obscurcissant sa raison et ses sens alors qu'un voile assombrissait son regard.
Il avait chaud et froid en même temps. Il se sentait atrocement lourd et tellement léger. Il se sentait piégé par la souffrance et libre de tout. Il était ici et ailleurs. Lui n'était plus là ... il y avait juste cet homme pressé contre lui, ses mains sur sa mâchoire et son ventre, sa bouche assassine dans son cou. Plus tôt son corps l'avait abandonné, à présent c'était son esprit qui s'enfuyait. Il se sentait faiblir lentement lorsqu'un dernier son atteignit ses oreilles. Un nouveau murmure qui résonna en lui comme un grondement sourd semblant tout détruire sur son passage :
- Tu viendras à moi j'en suis certain, car cela a été décidé il y a longtemps. Cherche-moi. Mon véritable nom ... est Sasuke.
Et puis plus rien d'autre que les profondeurs abyssales dans lesquelles il plongea à corps et âme perdus.
Note de l'auteur : On est partis pour de nouvelles aventures ! Cinq chapitres de prévus pour cette petite fiction et le deuxième "Le chasseur et la proie" sera en ligne dimanche 21 Juin ... pour fêter l'arrivée de l'été !
Je voulais aussi dédier la Nawac-insulte Party à mes deux Teu-teu adorés Fab et Dart, que je remercie de m'avoir initiée à ce sport ! XD
Bonne semaine et soyez pas radins sur les reviews !