Cerf, cerf, ouvre-moi!

Bonne lecture à tou(te)s, j'espère que vous ne serez pas déçu(e)s. Et puis, peut-être à une prochaine fois!

Disclaimer: Je me contente d'emprunter ses persos et quelques situations à JKRowling -vous pensez bien, jamais je n'aurais zigouillé Snape. Ou Remus. Ou Sirius... Ou Dumbledore... La comptine est une chanson populaire, pas de moi non plus. Si vous tapez "Cerf, cerf, ouvre-moi" sur Google, vous aurez même le droit à la mélodie! Cool, non? Et bien sûr, je ne gagne pas d'argent en publiant ce texte!

oOo

10 Novembre 1980

« Que s'est-il passé ? »

James grogna quelque chose d'incompréhensible, se détourna, enfouit sa tête sous les couvertures. Il sentit le matelas s'enfoncer à côté de lui.

« Non ! J'ai dit que je resterais au lit jusqu'au retour de Lily. »

Il frissonna quand des mains fraîches vinrent chatouiller son cou, ses épaules, et le tirèrent de la chaleur réconfortante et du bien-être brumeux.

« Réveille-toi, James. Je suis là. Et je veux savoir ce qu'il s'est passé hier soir. »

Hier ?

Les paroles firent lentement leur chemin jusqu'à sa conscience. Il cligna des yeux, pour rencontrer deux iris émeraude étincelants. Il se releva précipitamment, envoyant valser l'oreiller au pied du lit, le réveil glissant de la table de nuit.

Ah, oui. Hier.

« Qu'est-ce qui te fait croire qu'il y a eu quelque chose de spécial ? »

Sa voix était hésitante –pour sa défense, il n'était pas totalement réveillé.

La jeune femme leva les yeux au ciel, mais daigna lui fournir des explications.

« En dehors du fait que les protections ont été renforcées ? Peut-être la surprise que j'ai eue en me rendant compte qu'un inconnu a utilisé notre salle-de-bains ! Tu laisses toujours tes habits au bord de l'évier et ta serviette sur le radiateur, précisa-t-elle devant sa mine déconfite.

Ce n'était pas vraiment un inconnu.

« Oh. »

Pourquoi, par Merlin, avait-il épousé une femme aussi observatrice ?

Parce que c'est également la plus belle, la plus drôle, la plus intelligente, la plus généreuse, la plus tolérante, la plus merveilleuse…

« Oui, oh! »

James se retint de rougir. Les hommes ne rougissent pas.

Enfin, essayent de ne pas rougir…

« Je pensais que tu aurais d'abord remarqué le pot de crème glacée vide. »

Lily parut surprise et offusquée.

« Tu as fait un sort à la crème glacée !? »

Le jeune homme se passa la main sur le front.

Elle laissa quelques secondes silencieuses s'égrener, avant de pencher la tête sur le côté, ses longs cheveux auburn caressant sa joue.

« Alors ? »

Alors, James ?

Il se massa doucement les tempes.

Snape.

Mangemorts.

Une lettre.

Lily.

Du savon.

Deux cuillers. Froid.

Dumbledore.

Cette chanson !

« Il se trouve que j'ai reçu un invité surprise, hier soir… »

oOo

« Severus, je ne pense pas que Lucius en aura fini avant quinze heures… »

Snape leva les yeux du berceau où Malfoy Jr dormait comme un bienheureux – fou, comme certains bébés pouvaient avoir l'air plus appréciables que d'autres…-sans être conscient que le plus puissant mage noir de sa génération se tenait dans la même maison que lui, quelques étages en dessous, dans les souterrains du manoir.

« Ne t'en fais pas, Narcissa. J'attendrai.»

Elle dut comprendre 'il n'était pas question de couches pour bébés, car elle hocha la tête sans un mot, avant de se diriger vers la porte de la salle.

Je vire les Sangs Purs de leur propre salon. Si c'est pas magnifique…

« Euh, juste,–elle s'arrêta, et fronça les sourcils – qu'est-ce que tu as fait à tes cheveux ? »

Elle n'insista pas en croisant son regard haineux.

Par Merlin, je ne les lave pas si rarement que ça !

Ce ne fut que plusieurs heures plus tard que le Mangemort aux cheveux platine fit son apparition, d'un pas chancelant.

Cinq ans auparavant, Snape n'aurait pas reconnu les contrecoups du Doloris.

« La fête s'est prolongée ?

-Et j'aimerais savoir pourquoi tu n'y as pas été invité. »

Snape haussa les épaules. Lucius n'était pas franchement son ami, et il ne ressentait qu'une très vague culpabilité à l'idée d'être la cause de ses souffrances.

« Ce n'était pas moi qui était responsable de ces chaudrons. »

Le Lord grogna, et s'affala à ses côtés sur le lit.

« Pourquoi tu voulais me voir, au fait ? »

Snape soupira, et sortit une petite fiole de sa poche, avant de la lui tendre. Lucius le fixa, interdit, quelques instants, avant de la saisir et d'avaler son contenu d'une traite. La douleur s'estomperait dans les minutes suivantes.

Dumbledore le Bon y avait personnellement veillé.

Il se préoccupe des petites incommodités de Malfoy plus que de ma survie !

Un lourd silence s'installa entre eux, avant d'être brisé par le blond.

« Tu t'es lavé les cheveux, ou quoi ?

-Oh merde, à la fin ! »

12 Septembre 1981

« James, Lily, avez-vous déjà entendu parler du sortilège de Fidelitas ? »

Une ride soucieuse barra le front de Dumbledore, reliant ses deux sourcils en une mince ligne.

Lily acquiesça doucement avant que James ait le temps de parler.

« Cela pourrait rendre notre maison introuvable, à part d'une unique personne, qui seule pourrait divulguer l'adresse, » expliqua-t-elle posément.

James eut un léger sourire en coin.

« Et dissuader les espions en fuite de faire une visite importune minuit passé ? »

Un éclat brilla dans les pupilles du vieil homme et ses lèvres s'étirèrent à leur tour.

« J'espère que tu ne le regrettes pas, James. »

Ses yeux riaient.

« Si peu. »

Une fois avait amplement suffi.

22 Septembre 1981

Hogwarts était sa maison. Hogwarts était son antre, son refuge. Son terrier ?

Et les senteurs des potions mijotant dans les chaudrons, sur le feu, au fin fond des cachots…

Y retourner, après cinq ans, était presque grisant. Le seul problème restait les enfants…

« Weasley, vous ai-je dit de verser les racines de mandragore en même temps que les épines de cèdre ? »

Le jeune Bill Weasley rougit et reposa précipitamment ses mains sur la table. Snape secoua la tête, et, laconiquement :

« Trois points en moins pour Gryffondor. Non-respect des consignes.

-Alors Severus, comment se déroulent tes cours ? »

Une vingtaine de paires d'yeux écarquillés se tournèrent vers le directeur, qui se tenait à l'entrée de la salle. Le professeur leva les yeux au ciel.

« Bien, jusque là, Dumbledore. Quelque chose en particulier ?

-Non, rien ! –il sourit (évidemment, c'était Dumbledore)- je voulais juste vérifier si tout allait bien. »

Bien sûr. Cela faisait déjà trois semaines que Snape martyrisait ses pauvres élèves, et attendait la visite du vieil homme. Dumbledore se devait de garder un œil sur son Mangemort infiltré, non ?

« Je n'ai encore tué aucun élève. »

Ceux présents se hérissèrent derrière lui.

« Parfait ! »

Dumbledore avait l'air vraiment surpris et soulagé, et Snape ne put s'empêcher de serrer les dents.

« Un sorbet au citron ?

-Sans façon. »

Il retourna derrière son bureau et Dumbledore fit mine quitter la pièce.

« Oui, c'est vrai que tu préfères la crème glacée à la vanille… »

7 novembre 1991

« Je te remercie, Severus. »

Les yeux de Dumbledore pétillèrent, comme les bulles d'une potion Revigorante.

Il n'allait pas en rajouter une couche ! Déjà qu'il regrettait de l'avoir sauvé…

« Il n'y a absolument pas de quoi. Je ne l'ai pas fait pour lui.»

Cette façon qu'avait Dumbledore de hausser les sourcils !

« Pourquoi, alors ? »

Le « pour elle ! » était vraiment trop pathétique.

Snape renifla dédaigneusement.

« Dois-je vous rappeler que je suis du bon côté, à présent, Dumbledore ? Laisser Harry Potter tomber de son balai lors de son premier match de Quidditch… »

Malgré l'envie pressante…

En deux mois, l'horrible bambin avait réussi à s'attirer sur lui le double de la haine qu'il n'avait jamais ressenti pour son père. Entre l'insolence, l'orgueil, le troll, le Quidditch, le furetage…

« Tu aurais pu simplement me laisser faire. A moins que tu aies songé que je n'en étais pas capable ? »

Le Maître des Potions plissa les yeux.

« Ne cherchez pas si loin, Dumbledore, grinça-t-il. J'ai préféré la subtilité, pour laisser croire à Quirell qu'il est encore en sécurité.

Des petites rides se formèrent aux coins des yeux bleus.

« Et cela, bien sûr, sans aucun rapport avec une certaine dette de vie ? »

Snape s'étouffa, crachota, toussa, pour finalement pousser une exclamation atterrée.

« Je ne lui dois rien du tout !

-James Potter t'a sauvé la vie par deux fois, lâcha froidement le vieil homme.

-Et moi, j'ai trahi Voldemort beaucoup plus souvent !

-Il est tout de même mort. »

Un lourd silence s'installa entre eux.

« Tout le monde finit par mourir. Je ne lui dois rien, répéta-t-il. »

Les actions qu'il accomplissait au nom de James Potter n'avaient en aucun cas un rapport avec une dette, ou une obligation. Le fait qu'il lui ait ouvert la porte ne signifiait rien. Celui de lui avoir accordé sa confiance, par contre, c'était tout ce qui comptait.

Dumbledore le fixa sans un mot, mais son regard se radoucit.

« Tu sais, Severus, je pense que tu devrais passer à l'infirmerie. »

Snape prit un air pincé, et s'éclaircit la gorge.

« Ma jambe s'est tout à fait remise, merci. »

Le sourire du directeur s'élargit.

« Je ne parlais pas de ton genoux, mais de tes reniflements intempestifs et de ta toux. »

Le Slytherin lui lança un coup d'œil meurtrier.

« Je crains que Poppy ne puisse rien faire pour moi, articula-t-il d'un ton sec.

-Ah oui ? »

Un reflet sur les lunettes en croissant de lune.

« C'est Potter. »

Les fossettes du vieil homme s'accentuèrent, Snape grogna.

« Allergie chronique. »

22 janvier 1994

Dans un autre monde, à une autre époque, Remus Lupin aurait pu être son ami.

Ami ! Rien que ça ! Sais-tu au moins la signification de ce mot ?

Mais ce jour-là, le récent professeur de Défense Contre les Forces du Mal était une épave. Malgré la potion Tue-loup, le repos et les soins, la transformation était douloureuse et éreintante, comme pouvait le constater Snape, observant le lycanthrope campé devant la porte de ses appartements.

« Excuse-moi de te déranger à cette heure-ci, Severus »

Sa vois était posée –comme toujours- et rauque, son ton calme. Mais seul un aveugle aurait manqué les profonds cernes sous ses yeux.

« Qu'est-ce que tu veux, Lupin ? »

Lui était cassant, mais ça lui était égal.

« Des robes. Les miennes sont sales. Ou usées. Ou déchirées. Est-ce que tu pourrais m'en prêter ? »

Snape le fixa, impassible, avant de s'effacer pour le laisser passer.

« Entre. Je dois en avoir quelques unes dans ma malle. »

Bien que le loup-garou contrôlât ses émotions, le Slytherin remarqua son soulagement. Et, parce que cette situation avait quelque chose de familier, et qu'après tout, à quelques détails près, ils auraient pu se comprendre, il dit :

« Si tu veux, tu peux utiliser la salle-de-bain, ne te gêne pas. »

Moi, au moins, je ne te suivrai pas.

25 juin 1995

Les Maraudeurs étaient devenus des Animagi à quinze ans.

Pour Lupin.

Ils avaient renoncé à une part de leur humanité, ils avaient fait corps avec des bêtes… Pour Lupin !

Snape secoua la tête et grogna.

De toutes les informations qu'il avait reçues ces jours-ci, c'était l'une des plus difficiles à digérer (juste après la résurrection de l'autre psychopathe, et le fait que Fol-Œil n'avait en fait pas été Fol-Œil).

Parce que ça l'embêtait profondément (pour ne pas dire quelque chose de plus grossier).

Premièrement, de ne pas l'avoir su avant, même si en fin de compte, de cette façon, il n'avait pas divulgué l'information à Voldemort, ce qui avait permis à Black de s'échapper d'Azkaban –il avait bien dû admettre, à un certain moment entre son évasion et le retour du Seigneur des ténèbres, qu'il n'était pas le traître.

Foutu Pettigrew.

Ensuite, c'était encore un des ces exploits qui prouvait davantage que Potter et sa clique avaient eu de quoi se montrer prétentieux…

Vantards et prétentieux, mais honnêtes (enfin, trois d'entre eux).

Même si ça le tuait de l'admettre.

Après, il s'était demandé si lui, à quinze ans, aurait pu devenir un Animagus.

Et aujourd'hui, cela pourrait-il me servir ? Quel animal deviendrais-je ?

Puis il avait arrêté d'y penser. Ou plutôt, s'était interdit d'y penser.

Parce qu'il avait la dérangeante impression qu'il aurait pris la forme d'un lapin.

24 décembre 1995

Sirius Black était heureux.

Et ça, encore plus que la neige qui fondait dans ses cheveux, que le vent qui s'empêtrait dans ses robes dès qu'il mettait un pied dehors, que l'attaque d'Arthur Weasey, que l'ambiance de Square Grimmauld, que cette période de fête, que l'absence d'Albus, ou même que la présence de la ribambelle de gamins, le mettait hors de lui.

Parce que quand Sirius Black était heureux, il poussait la chansonnette.

« Merlin, Black ! Même ton pote Potter ne chantait pas aussi mal. »

Lupin tiqua et se retourna vers lui, Maugrey fit tournoyer son œil dans son orbite, Shacklebolt haussa les sourcils –presque aussi élégamment que Dumbledore, mais pas tout à fait-, l'affreuse cousine violette du cabot trébucha –pour changer- et Black lui-même devint gris.

« Que sais-tu des capacités vocales de James, de toute manière ? » rétorqua froidement le brave homme (c'était bien la seule chose positive qu'on pouvait dire de lui).

Oops.

Il se serait déguisé en Père Noël plutôt que de s'expliquer avec Black.

Heureusement, cette année-là, ce dernier fut en avance, sa longue barbe blanche le précédant, avec ses lunettes en demi-lunes posées sur le bout de son nez aquilin.

« Mesdames, Messieurs, je suis désolé de mon retard en ce jour de fête. Pouvons-nous commencer, à présent ? »

mai 1998 (Bataille de Hogwarts)

Sa vie, son sang et son passé s'écoulaient de lui, ruisselant sur ses joues, comme des larmes rouges, bleues ou grises.

Tout s'envolait, s'obscurcissait, s'effaçait.

Il avait appris à ne plus craindre la mort.

Il l'avait attendue, avait su.

On ne tue pas Albus Dumbledore sans conséquence, même sur sa demande.

La première fois que je suis passé par ce tunnel, sous la Cabane Hurlante, j'ai failli y passer. J'étais sûr que si j'y retournais, rien qu'une seule autre fois, jamais je n'en reviendrais. Et voilà.

Après tout, n'étaient-ils pas la génération sacrifiée ?

Et il y avait ce garçon -cet homme ?- penché sur lui, avec son expression vide, et ces yeux…

Merlin, ces yeux !

Mais lui aussi allait crever.

Malgré lui, tout ce qu'il avait juré à Dumbledore, et le fait qu'il soit déjà moribond, il ne pouvait s'empêcher de ressentir de la pitié.

De la même façon que son père a eu pitié de moi, il y a si longtemps.

Mourir était éreintant.

Les filaments argentés de souvenirs dégringolaient de son front.

Adieu, Lily.

Bientôt, il ne serait plus qu'une carcasse vide. Bientôt, il n'aurait plus de quoi se rappeler quoi que ce soit. Sans mémoire, sans amour, sans regrets.

Et cette nuit-là, dois-je la lui laisser ? Ou va-t-elle disparaître de l'histoire, comme toutes ces pièces que ni les acteurs morts, ni les spectateurs muets ne peuvent raconter ?

Mais ce passé lui appartenait. Rare chose qu'il posséderait toujours, même derrière le voile. Il ne recherchait ni l'absolution, ni le pardon. Tout ce que Potter devait faire, c'était comprendre.

Que lui apporterait, au milieu de la certitude qu'il allait mourir, le fait de savoir que son père n'avait pas toujours détesté Severus Snape ?

Plus rien ne comptait, de toute façon.

Le noir l'enveloppa, l'emmena loin de cette marre de sang et de cet univers aux yeux verts. Les pensées cohérentes le quittèrent.

Le chasseur avait finalement attrapé le lapin.

8 août 2006

« Dans sa maison, un grand cerf regardait pas la fenêtre,

Un lapin venir à l'huis, et…

-Qu'est-ce que tu chantes ? »

Hermione, surprise, leva les yeux de Rose le bébé rose, installée dans ses bras, pour observer Harry.

Celui-ci piqua un fard, se rendant compte de la rudesse de ses paroles.

« Euh… bredouilla-t-il.

-Une comptine. Moldue. Pourquoi ? »

Le monde oscilla légèrement autour de lui. Pourquoi, en effet ?

« Je… rien. J'ai juste l'impression d'avoir déjà entendu cette chanson. C'est… Continue. S'il te plait.

Dans sa maison, un grand cerf regardait par la fenêtre

Un lapin venir à l'huis et frapper ainsi :
« Cerf, cerf ! Ouvre-moi, ou le chasseur me tuera !
-Lapin, lapin entre et viens, me serrer la main. »