Titre - Dans les mensonges et les regrets

Résumé – Lorsqu'il se retrouve en 1977, Harry prend une fausse identité le temps de trouver un moyen de revenir à son époque. Il ne se doute pas qu'il s'agira d'un voyage sans retour qui le changera définitivement et qui l'emmènera dans un tourbillon de faux semblants.

Disclaimer – Tout appartient à JKR, je ne fais que bidouiller son cher Harry – ainsi que quelques autres personnages - et je n'en tire aucun penny, aucune noise, rien.

Rating – M – Plutôt 'léger' au début, les situations risquent de devenir de plus en plus dures, avec mention de violence, de thématiques angoissantes, pesantes, difficiles psychologiquement.

Viendra également un moment où il y aura des relations homosexuelles, plutôt en sous-intrigue qu'en ligne directrice. Si c'est quelque chose qui peut vous gâcher le plaisir de la lecture, ne lisez pas. Sachez que cet aspect de l'histoire ne va pas se mettre en place d'un coup - j'aimerais que ce soit le plus crédible possible - et pas avant longtemps. Rien ne vous empêche donc de commencer en attendant, et de changer d'avis en cours de route – puisqu'il y aura bien d'autres intrigues autour.

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Note – Bonjour, bonjour !

C'est la première fiction que je poste ici. J'ai déjà écrit quelques fics, mais je n'en n'ai jamais terminées – flemme, pas le temps, flemme, surbookée et flemme sont les principaux facteurs. Et je n'en ai jamais fait lire.

Inutile de vous dire que je suis totalement terrifiée de poster ça ici. Je me pose des tonnes de questions – Est-ce que j'écris vraiment comme un pied ? Est-ce que c'est intéressant ? Cela fait peut-être un peu trop déjà-vu ? Y a-t-il encore beaucoup de fautes d'orthographe ? Mais – Mince ! – qu'est-ce qu'ils vont en penser ? Bref, vous voyez le genre.

Mais je me suis dit qu'en faisant lire, je me sentirai un peu plus poussée à achever l'histoire. Alors surtout, n'hésitez pas à m'engueuler, m'insulter, me botter les fesses pour que je continue. J'en aurais très certainement besoin, et c'est fait pour. Mes publications ont malheureusement des risques d'être (très) erratiques, mais sachez que je n'abandonnerai pas sans vous prévenir, et je compte vraiment m'accrocher.

Enfin, je prends en compte les cinq premiers tomes, ainsi que quelques éléments – plus ou moins importants - des deux derniers. Il est donc sous-entendu que les événements lors de la sixième année de Harry ne se sont pas passés comme dans le livre, je prends quelques libertés.

Cette fanfiction sera longue – je sais, guère malin de la part de la fille qui ne termine pas ses histoires, mais celle-là, j'y tiens particulièrement – et sera en trois parties. Chaque partie devait à l'origine faire 13 chapitres, mais il est fort probable que la deuxième partie soit plus longue que la première, et de même, que la troisième soit plus longue que sa précédente : le nombre exact sera probablement mouvant au fur et à mesure que j'avance dans l'écriture.

Cependant, les lignes directrices sont déjà bien connues, la fin est prévue : je sais pertinemment où je vais et où je veux vous emmener.

Je vous laisse tranquille, bonne lecture,

Mona


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Dans les mensonges et les regrets

Partie IBrumeux

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Chapitre 1 – Les papiers

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Des millénaires avaient nourri le prestigieux château de Poudlard, écrasant Harry par son insignifiance. Les mains posées sur le bois somptueux des imposantes portes, il songea brièvement que sa situation actuelle n'était qu'une bagatelle au regard de cette immensité. Cette tentative de minimisation s'avéra être un échec, et plutôt que de chasser sa nervosité, son cœur amplifia ses battements frénétiques et sa respiration s'accrocha au creux du sternum.

Du bout des doigts, il redessina les deux anses qui permettaient d'ouvrir la porte. Bien ouvragées, le symbole de Poudlard était sculpté avec précision sur chacune d'entre elles. Le lion, l'aigle, le blaireau et le serpent. Harry s'agita : il avait parfaitement conscience qu'il cherchait à gagner du temps. L'instant précis où il franchirait ces portes serait déterminant. Une marche arrière ne serait plus possible, qu'importe ses doutes et ses peurs.

Il se recomposa un visage neutre et vérifia qu'il avait toujours bien en tête sa ligne d'action. Une faille n'était pas envisageable. Albus Dumbledore, en dehors de sa générosité, sa compassion et son humanité, était un homme d'une intelligence redoutable. En réalité – il fallait l'avouer – Harry comptait bien plus sur l'humanité indulgente de Dumbledore que sur la solidité de son plan. Quelques recherches plus poussées suffiraient à remarquer les trous béants que comportait son histoire tissée laborieusement. Et Harry ne doutait pas que Dumbledore les constaterait à un moment ou un autre.

Le plus tardivement possible serait préférable.

D'une inspiration, il tira enfin vers lui les portes, sentant l'air un peu frais pour la saison s'engouffrer à l'intérieur. Il les referma rapidement après s'être glissé dans le hall vide de l'école. D'un silence monacal, Harry fit timidement quelques pas, remarquant qu'un homme dans un tableau venait de disparaître pour sûrement annoncer sa venue. Un Argus Rusard bien plus jeune que dans ses souvenirs lui donna raison lorsqu'il l'aperçu descendre prestement les marches pour venir à sa rencontre.

La voix rocailleuse du concierge résonna dans le hall : « Bonjour. Argus Rusard. Vous êtes bien Stephen Curson ? »

« Bonjour, » répondit Harry aimablement, « en effet, c'est bien moi. »

« Bien, » approuva Rusard en grinçant des dents, « suivez-moi, je vais vous conduire au bureau du directeur. »

Harry lui emboîta le pas, bien qu'il aurait pu y aller seul les yeux fermés et en deux fois moins de temps grâce à quelques passages secrets. Bien évidemment, Harry Potter aurait pu. Pas Stephen Curson. Rusard le fit passer par un chemin bien plus officiel. Ils restèrent tous deux silencieux durant le trajet, seul le bruit de leurs pas venait troubler le silence dans lequel le château semblait plongé en cette fin août. La scène conférait un sentiment d'irréalité à Harry, tel un rêve un peu brumeux. Une fois devant la gargouille, Rusard marmonna le mot de passe qui s'avérait être 'plume en sucre'. La gargouille pivota aussitôt, dévoilant les escaliers.

« Allez-y, » lui intima Rusard, « Monsieur le Directeur vous attend. »

Harry lui fit un signe de tête pour le remercier, l'appréhension prenant d'assaut ses tripes. Il grimpa lentement, eut une seconde d'hésitation puis toqua nerveusement à la porte. Il savait qu'il allait faire face à Dumbledore, mais lorsqu'il le vit derrière son bureau, il ne put s'empêcher d'avoir un frisson.

« Ah, » s'exclama Dumbledore, « Mr Curson, je présume ? » Harry acquiesça. « Installez-vous, je vous prie, » lui indiqua-t-il en désignant une chaise devant son bureau.

« Un peu de thé ? » lui proposa le directeur une fois qu'il fut assis. Harry se retint à grande peine d'esquisser un sourire. Lorsque vous alliez voir Dumbledore, vous ne pouviez être sûr de rien, sauf de la présence de thé quelque part. Se disant que cela l'aiderait à se détendre un peu, Harry accepta et le remercia.

Une fois qu'ils eurent tous deux leurs tasses chaudes entre les mains, Dumbledore entra dans le vif du sujet :

« Alors, comme ça vous venez de l'Institut de Salem ? »

Harry but une gorgée, se brûlant un peu le bout de la langue. Bien, c'est le moment de faire ses preuves Potter, songea Harry.

« Oui, je viens de l'école de Salem, la meilleure d'Amérique. Ma mère voyageait beaucoup, mais elle restait la plupart du temps sur ce continent. Elle ne souhaitait pas que j'aille dans une école trop éloignée d'elle, mais j'ai toujours voulu aller à Poudlard. »

Dumbledore sirotait son thé sans quitter Harry du regard.

« Vraiment ? Et pourquoi souhaitez-vous entrer à Poudlard ? » L'interrogea-t-il.

« Oh, les raisons ne manquent pas, » affirma Harry. « Poudlard est tout d'abord réputée comme étant la meilleure du monde de part la qualité de ses enseignants, de sa bibliothèque et, bien entendu - de son directeur, » termina Harry, un sourire en coin.

Il sut qu'il avait bien joué lorsqu'il remarqua l'apparition de l'étincelle malicieuse dans le regard bleu électrique de Dumbledore. Jusque là, il s'était contenté d'une attention tout ce qu'il y a de plus polie, si différent de ce à quoi Harry était habitué.

Dumbledore toussota, et répliqua d'une voix amusée : « Me voilà flatté, mais si je puis me permettre, pourquoi pouvez-vous à présent venir dans notre école ? »

« Oh…, » hésita Harry. Voyons voir si mes talents d'acteurs valent quelque chose. « Il se trouve que ma mère est décédée, il y a quelques mois. Plus rien ne me retient d'entrer à Poudlard à présent. »

« Je suis navré, » confia Dumbledore d'une voix douce. « Et votre père ? »

« Il a quitté brutalement ma mère il y a une dizaine d'années. Nous n'avions plus eu de nouvelles de lui. J'ignore ce qu'il est devenu à présent, » raconta Harry.

« Hum… Quel âge avez-vous ? » Demanda Dumbledore en se passant lentement les doigts sur sa barbe.

« J'ai dix-sept ans. Je pense pouvoir entrer en septième année pour passer mes ASPICs en Sortilèges, Métamorphose, Potions, Défense, Botanique et Soin aux créatures. »

Les sourcils de Dumbledore se levèrent. « Que souhaitez-vous faire après ? Il s'agit là des principales matières pour devenir Auror. »

Harry acquiesça pensivement en reposant sa tasse sur le bureau. « Oui, il y a deux ans, c'est ce que je souhaitais. À présent, et bien – j'ai évolué et je ne suis plus certain que c'est ce que je désire. Il est probable que ce soit… incompatible avec d'autres de mes projets. »

Après avoir terminé sa réflexion à voix haute, il se serait bien mordu la langue. Mais qu'est-ce qui lui avait prit de dévoiler tout ça ? Il leva la tête pour voir un Dumbledore pensif mais visiblement satisfait. Il avait probablement remarqué que c'était ce qu'il avait dit de plus sincère depuis le début. Cela ne jouait pas vraiment en sa faveur.

« Il me faudra la certitude que vous ayez le niveau requis pour entrer en septième année, mais sinon je ne vois rien qui puisse m'opposer à votre entrée à Poudlard. Voyons - »

Harry ne pipa mot tandis que Dumbledore examinait quelques notes sur son bureau. Il avait le cœur battant, comme s'il venait de courir un marathon. Alors il était pris ? Non pas qu'il ait vraiment craint que le directeur ne rejette sa demande mais tout de même – N'oublie pas qu'il veut te tester – le manque d'information sur lui-même aurait pu jouer contre lui.

Il trouvait d'ailleurs Dumbledore un peu trop confiant, accepter quelqu'un sorti de nulle part par les temps qui courent. Trop imprudent. S'il accepte ton adhésion à Poudlard, cela ne veut pas dire qu'il te fait confiance – Mais quoi ? – Pour te surveiller ! La bouche sèche, Harry but une autre gorgée dans son thé avant de remarquer que la tasse était vide.

« - Jeudi, cela vous convient-il Mr Curson ? » poursuivit soudainement Dumbledore en relevant la tête. Déconcerté pendant un instant, Harry le regarda sans comprendre. « J'aurais suffisamment de temps pour vous faire quelques tests afin d'évaluer votre niveau, » précisa le directeur qui sembla voir son incrédulité.

« Oh, » fit Harry, se sentant quelque peu maladroit, « Eh bien – Oui Jeudi, c'est très bien. »

« Parfait ! » acquiesça vigoureusement le directeur en se levant de son fauteuil. « À Jeudi alors, Mr Curson. » Il se dirigea vers la porte, l'ouvrit et fit un signe de tête à Harry.

Surpris par la fin de l'entretien quelque peu abrupte, il salua Dumbledore et sortit sans parvenir à déterminer si cela s'était bien passé ou non. Il avait un arrière goût dans la bouche, un peu comme celui que les potions de soins de Pomfresh lui laissaient. Il s'arrêta soudainement dans sa marche, frappé par l'idée qu'il venait d'avoir.

Comme une potion ? Et si – cette pensée lui donna des sueurs froides – et si Dumbledore en avait mis une dans mon thé ? Non, non, voulut-il se rassurer. Il avait versé le thé dans les deux tasses avec la même théière, il ne pouvait pas – et puis il doutait fortement que Dumbledore s'abaisse à ce genre de chose.

Mais justement, n'avait-il pas semblé trop confiant à Harry, quelques instants plus tôt ? Il cilla, puis reprit sa marche sans vraiment faire attention où il allait. Si cela avait été le cas, il aurait vu un homme dans un tableau le suivre du regard avant de disparaître.

Il arriva jusqu'au hall, sans avoir trouvé de réponses à ses questions. Quel genre de potions Dumbledore aurait-il voulu me faire boire ? – Ou plutôt, quel genre de potion Dumbledore ferait-il boire à Stephen Curson, garçon de dix-sept ans, sans informations sur lui ? Et bien, la réponse qui semblait la plus logique était du veritaserum, mais Harry l'aurait su en buvant. C'était une potion où il n'avait vu aucun effet sur lui. S'il a versé une potion. Harry soupira. Il devenait paranoïaque alors que cela ne faisait que commencer.

Il poussa les portes et l'air le sortit définitivement de ses pensées. Il parcourut du regard le parc qui s'offrait à sa vue. Un sentiment de nostalgie le prit. Sa première année à Poudlard lui manquait. La découverte du monde de la magie, Ron et Hermione. À ce moment là, tout paraissait si simple et possible. Maintenant il était seul, et embourbé dans une situation qui le dépassait totalement. Il lui fallait des données en plus. Et quoi de mieux que la bibliothèque de Poudlard ?

Il descendit à pas légers les marches. Il devait être pris. Il s'engagea sur le sentier qui menait aux grilles à l'enceinte du château. Les tests de Dumbledore l'inquiétaient dans une moindre mesure – cela pouvait sembler arrogant, mais il était sûr de ses capacités. Bon, peut-être pas en potion. Et il n'était pas fulgurant en Métamorphose. Et il avait certainement pris du retard en Botanique suite à l'année dernière quelque peu mouvementée. Mais ce que Dumbledore pouvait découvrir lui semblait bien plus dangereux. Ou plus exactement ce qu'il risquait de ne pas découvrir.

Il sortit de Poudlard d'un pas un peu plus empressé. Les grilles n'étaient pas verrouillées – très certainement à son intention. Le chemin qui menait jusqu'à Pré-au-Lard passa rapidement tandis que Harry ruminait ses peurs. Si à Poudlard, il y avait peu de traces ou d'indices qui lui permettaient de voir qu'il n'était pas à sa place, ici, à Pré-au-Lard, c'était beaucoup plus flagrant. Des boutiques n'étaient pas présentes. D'autres, au contraire, l'étaient.

Il entra aux Trois Balais où Rosmerta était déjà présente derrière le comptoir. Il la salua d'un signe de tête, lui fit savoir qu'il désirait prendre de la poudre de cheminette et il lui donna les quelques noises que cela coûtait. C'est ainsi qu'il se retrouva au Chaudron Baveur, avant de partir se promener au Chemin de Traverse.

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Le soir même, il se retrouva installé près d'une cheminée au Chaudron, appuyé contre un mur et ayant une vue d'ensemble sur le vieux pub, un verre entre les mains. Il se demandait vaguement dans quel merdier il était fourré. Il ne pourrait pas tenir bien longtemps ici. Manque d'argent. Manque de passé et d'identité aussi.

Son plan d'action était plutôt simpliste, mais Harry n'était pas un professionnel des grandes stratégies. Lui fonçait dans le tas et improvisait. Néanmoins, vu le délicat de la situation actuelle, il ne pouvait pas vraiment se permettre de foncer dans le tas ni d'avoir trop d'improvisations. Il prenait une quelconque identité, entrait à Poudlard en temps qu'élève, trouvait des réponses à ses questions dans la bibliothèque de Poudlard – Comment était-il arrivé ici ? Comment était-ce seulement possible ? – et un moyen de revenir chez lui sans s'éterniser. Simple et efficace.

Harry avait beau se repasser sans cesse en mémoire les derniers instants avant qu'il n'arrive ici – bien qu'il n'ait pas toujours déterminé à quel moment précis le changement s'était produit – il ne comprenait pas comment cela avait pu arriver. Alors qu'il était retenu captif par des mangemorts, il avait réussi avec une chance insolente à se libérer. Il s'était avéré que ce camp de mangemorts était installé dans un ancien petit village sorcier décimé par la guerre. Toutes les rues désertes qui s'offraient à ses yeux étaient de beaux moyens de semer ses poursuivants.

Harry se souvenait distinctement de l'adrénaline qui s'était emparé de lui.

Il courait. Aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Les battements de son cœur lui cognaient douloureusement dans la poitrine. Il savait qu'il ne pourrait pas tenir longtemps à ce rythme là. Il s'essoufflait. Mais le bruit des pas des mangemorts à sa poursuite lui donnait un semblant de courage, d'adrénaline et d'oxygène. Après tout c'était simple : il ne fallait pas qu'il s'arrête. Tout se tenait à cette stupide volonté. Et si on devait dire que Harry Potter était pourvu de quelque chose, c'était bien de la volonté. Ainsi que l'incroyable capacité à survivre malgré tout.

Il avait sa main crispée sur son flanc qui saignait abondamment. Une blessure s'était rouverte pendant sa course. Le sang dans sa main lui semblait chaud, poisseux et l'odeur lui montait désagréablement au nez. Il bifurqua, manqua de déraper, battit stupidement les bras en l'air pour reprendre un semblant d'équilibre et reprit sa course. Il émit quelques jurons pour lui-même. Il ne pouvait pas rester éternellement dans cette situation. Son cœur battait la chamade et Harry était certain qu'il aurait pu perforer sa poitrine pour s'écraser au sol, pulsant encore du sang. Charmante image, songea-t-il avec sarcasme.

Les muscles de ses jambes étaient douloureux, et il craignait qu'elles ne lâchent. Cela donnerait une difficulté pour courir. Il fallait qu'il s'arrête pour reprendre son souffle. Juste une misérable goulée d'oxygène ! Il tourna encore une fois. Puis une autre fois. Il eut à ce moment là l'idée d'utiliser la particularité de ce petit village à faire une multitude d'embranchements. Il devait tourner le plus possible. Avec un peu de chance, les mangemorts le perdraient de vue, et il pourrait alors se planquer quelque part.

Sa vision devenait floue, il n'en pouvait plus. Pourtant la seule pensée qu'ils l'attrapent pour le remettre à Voldemort le terrorisait au plus haut point. Mince, tout mais pas ce monstre ! Pas lui. Il ne pouvait rien, rien du tout, contre lui. Il se sentait faible. Ce que lui ferait le Lord ne serait pas des vulgaires Doloris à longueur de temps, sans originalité, comme on pouvait s'y attendre. Il laissait ce genre de torture physique de bas étage à ses mangemorts. Non, une torture de Voldemort était éreintante psychologiquement. Spirituellement. Moralement. C'était brisant.

Il tourna à gauche. Trébucha. Son cœur fit une embardée plus violente dans sa poitrine. Un battement douloureux qui lui coupa le peu de souffle qui lui restait. Ses jambes tremblaient violemment. Il avait l'impression de sentir son sang dans la bouche. Un goût chaud, métallique et amer. Il prit une ruelle à droite, dans l'espoir de les semer. Il lui semblait qu'ils n'avaient pas encore pris le dernier tournant.

Il avança un peu plus lentement, puis son regard se posa sur le fond de la ruelle. C'était trop tard. Il entendit les mangemorts arriver. Son regard vert glissa tout au long de l'impasse dans laquelle il s'était fourré, dans tous les sens du terme. La respiration sifflante, son attention se porta sur une porte de la maison. Il clopina jusqu'à elle, l'ouvrit d'un grand coup d'épaule, entra et referma.

L'intérieur était complètement saccagé et poussiéreux. Harry se dirigea vers l'escalier et monta jusqu'au premier étage. Il entendait les mangemorts qui étaient arrivés jusqu'à l'impasse. Il s'immobilisa, le cœur battant. Il fallait qu'ils repartent. À sa plus grande horreur, leurs pas se rapprochèrent. Non, ils ne peuvent pas deviner que je suis ici.

L'oreille tendue, Harry entendit la voix de Rabastan Lestrange : « Par là, regardez ! » avant que la porte de la maison ne s'ouvre. Merde, merde ! Comment avaient-ils pu savoir ?

Il fit un pas, et vit le parquet. Taché de sang. Son sang. Ma blessure m'a trahi ! comprit-il avec horreur. Son cœur fit une embardée, et Harry tourna autour de lui-même pour trouver une issue. Il entra dans une chambre, tiqua à peine en voyant un cadavre en décomposition sur le lit et regarda par la fenêtre. Elle donnait sur la rue perpendiculaire à l'impasse. Il se pencha un peu pour vérifier si l'un d'eux était resté pour surveiller l'accès. Un bruit derrière lui le fit cependant se retourner vivement. Personne. Il retint un éternuement et vérifia à nouveau s'il y avait une sentinelle.

La rue était vide. Il ouvrit alors la fenêtre et sauta. Il se réceptionna mal, et resta un moment étourdi. Puis il se releva, grimaçant de douleur et la vision floue, et se remit à courir avec l'énergie du désespoir vers l'arrière du village en ruine. Il se souvenait d'avoir aperçu un bois. S'il parvenait jusque là, il pourrait enfin se cacher.

Quelques temps après, Harry avait renoncé à courir. Le village était loin derrière lui, et il n'y avait plus de traces de mangemorts. Il ne se sentait pas pour autant en sécurité, mais il était tellement épuisé qu'il préférait marcher pour économiser ses forces. Ce n'est que bien plus tard, après avoir traversé le bois, qu'il déboucha sur une route moldue. Il ne savait pas qu'il vivrait par la suite les heures les plus délirantes de sa vie.

Il s'était alors débarrassé de sa robe de sorcier déchirée et sale et avait fait de l'auto-stop. Un moldu s'était arrêté et l'avait amené jusqu'à la ville la plus proche. Avec le peu d'argent qu'il avait dans ses poches, il avait rejoint Londres en bus. Il était entré au Chaudron Baveur et s'était figé de stupéfaction. Il aurait dû être vide. Il était pourtant bondé, et par-dessus tout, Tom le gérant se trouvait derrière le bar. Il aurait dû être mort.

Ce n'est qu'à la fin de la journée qu'il avait enfin compris ce qui se passait. Il avait vu sur la Gazette la date.

Le mardi 16 août 1977. Il aurait dû être en juin 1997.

Pas 1977.

Le temps s'était suspendu durant un instant, alors qu'il fixait la date. Un instant où son esprit refusa simplement de comprendre ce qu'il voyait. Puis un vertige l'avait pris, lui donnant l'impression de basculer dans le vide et il avait respiré un grand coup pour se canaliser. Cela sentait les ennuis. Les gros ennuis.

Même apprendre qu'il était un sorcier, le Survivant et tout ce que cela avait entraîné dans sa vie ne lui avait pas fait autant d'effet.

Il avait pris une chambre au Chaudron Baveur et passé la nuit là. Il avait nettoyé sa plaie et tenté de se soigner. Cependant en l'absence d'infirmière, il n'avait pas fait un travail des plus excellents, et une cicatrice lui resterait. Mais cela avait bien peu d'importance à côté du reste. En voyant le bon côté des choses, les mangemorts ne risquaient plus de l'attraper à présent. Et il pouvait dormir dans un lit. En voyant le mauvais côté des choses, il avait remonté le temps de vingt ans sans s'en rendre compte et sans savoir comment. Il était coincé ici.

Le lendemain, avec les quelques gallions qu'il lui restait, il avait acheté une nouvelle robe noire, simple, une baguette d'entraînement qui certes, n'était pas adapté à sa magie comme celles qu'Ollivander vendaient, mais qui n'avait pas coûté cher. Il avait fait quelques petits boulots – en particulier il avait aidé Florian Fortarôme – mais ce n'était pas avec ça qu'il allait survivre.

Harry reposa son verre sur la table. C'était tout de même étrange. Lorsqu'il avait utilisé le Remonteur de Temps avec Hermione en troisième année, il avait senti qu'il s'était passé quelque chose. Ici, rien. Harry ne pouvait pas dire quand précisément il avait été transporté de vingt ans en arrière – cela devait être à quelque moment entre sa fuite et son arrivée à Londres. Il soupira de frustration et termina sa chope.

Il se sentait seul. Comme il aurait voulu que quelqu'un l'aide, lui explique sa situation et prenne les choses en main ! Il se sentait aussi perdu qu'un enfant de sept ans pouvait l'être dans une grande ville, sans ses parents. Malheureusement, il ne pouvait compter sur personne. Hermione et lui avaient suffisamment expérimenté les dangers que pouvaient représenter le temps. Cela le perturbait d'être ici, il n'allait pas en plus rajouter la dangereuse possibilité que quelqu'un sache. Même Dumbledore. Les conséquences pourraient être terribles. Il devait se sortir de ce bourbier seul.

Un mouvement en face de lui le sortit de ses pensées. Harry releva la tête : une femme venait de s'asseoir à sa table. Lorsque son regard croisa le sien, elle fit un léger sourire et demanda poliment :

« Je ne vous dérange pas, j'espère ? »

Largement étonné, Harry lui répondit doucement : « Non, non, ne vous inquiétez pas. »

« Bien, » fit-elle visiblement satisfaite, « un peu de compagnie me ferait le plus grand bien pour me changer les idées. » Elle se tourna ensuite vers Tom qui s'était approché entre temps. « Je voudrais une salade, un plat du jour et un pichet de vin blanc moldu, s'il vous plaît. Et souhaiteriez-vous – elle glissa son regard vers Harry, son bol de soupe et son verre vide – autre chose ? »

Le repas frugal de Harry ne l'avait pas contenté mais il avait pris ce qu'il y avait de moins cher. Un peu gêné, il hésita, s'apprêta à refuser l'offre, mais il changea d'avis au dernier moment : « Juste une pomme et de l'eau, s'il vous plaît. »

Tom s'éloigna et Harry remercia la femme.

« Oh, ce n'est rien, » répondit-elle, « je vous l'ai dit, je cherche un peu de compagnie. Ce qui me fait penser que je ne vous ai jamais aperçu ici. »

Cela ne m'étonne guère. Harry haussa les épaules : « Je viens d'arriver en Angleterre. J'étais aux États-Unis mais je souhaite terminer mes études à Poudlard. » Il se racla légèrement la gorge et poursuivit, « Hum – je ne me suis pas présenté. Stephen Curson. » Il tendit sa main à la femme, et elle la serra vigoureusement.

Se doutant que si Harry Potter se baladait en toute impunité en 1977, cela engendreraient quelques difficultés, il s'était créé un nouveau nom et avait changé son apparence. Il avait d'abord utilisé un glamour au début, il avait entreprit par la suite de changer son apparence de manière plus radicale. Le glamour ne créait qu'une illusion par-dessus le visage d'origine et pouvait être détecté à l'aide d'un contre-sort.

Lorsqu'il avait amassé un peu d'argent en aidant Florian Fortarôme, il avait acheté des lentilles moldues pour changer la couleur de ses yeux – à présent marron foncé - et régler sa vue. À l'aide d'une potion, il s'était fait pousser les cheveux jusqu'aux épaules, ce qui les avaient rendus un peu plus disciplinés du fait de leur poids, et les avait teint en châtain foncé. Une autre potion avait modifié définitivement la ligne de sa mâchoire – ce qui ne s'était pas fait sans douleur. Du fond de teint et une grande mèche de cheveux cachaient sa cicatrice.

Le changement n'était certes pas flagrant, mais suffisant pour qu'il ne puisse pas être directement associé à sa réelle identité.

« Claudia McQueen, » se présenta-t-elle à son tour.

Harry en profita pour la détailler. Elle n'était pas d'une beauté particulière mais ses traits étaient harmonieux. Elle devait avoir la trentaine. Les cheveux coupés courts et les yeux marron, elle aurait pu être quelconque mais une certaine énergie se dégageait d'elle. Elle semblait avoir le calme et la sagesse de la maturité ainsi que la vivacité de la jeunesse.

« Oh ! » s'exclama-t-elle d'un air intéressé, « tu viens des États-Unis ! Dans quelle école étais-tu ? »

« L'Institut de Salem, » répondit Harry, remarquant qu'elle était passée au tutoiement.

McQueen leva ses sourcils : « C'est la plus réputée d'Amérique et bien qu'elle ne vaille pas Poudlard au rang mondial, elle est tout de même bien prestigieuse. Pourquoi avoir traversé l'Atlantique et venir dans un pays inconnu – qui devient dangereux qui plus est ces derniers temps ? »

« Dangereux ? » s'étonna Harry, « En quoi l'Angleterre est dangereuse ? »

La femme lui coula un regard intrigué par-dessus son assiette que Tom venait d'apporter.

« C'est encore récent mais je pensais que cela commençait à se savoir. Enfin, la nouvelle ne s'est peut-être pas propagée jusqu'aux États-Unis. Un mage noir fait de plus en plus de ravages dans le pays. On aurait pu penser qu'il aurait été vite maté, mais il semblerait que le ministère éprouve quelques difficultés. »

Harry écarquilla les yeux et eut un mouvement de recul sur sa chaise. Voldemort ! Il lui était complètement sorti de la tête. Il n'avait pas imaginé qu'à cette époque Voldemort était vivant, prenant de plus en plus de puissance. Harry s'en voulut. Il avait été bien trop préoccupé de son voyage dans le temps pour se demander quelle était la situation politique actuelle. Pour simplement réaliser quand il était. Il se sentait dans le passé et n'y avait pas pensé en temps que présent. Pourtant c'était bel et bien la première ascension de Voldemort qui se déroulait en ce moment même.

Blême, Harry tenta de calmer la tempête de sentiments qui l'animait et leva les yeux. McQueen le fixait attentivement sans ciller.

Gêné, il but une gorgée d'eau et lorsqu'il fut certain que sa voix n'allait pas trembler, il dit : « Ah. Oui. J'en ai vaguement entendu parler, mais à vrai dire, j'avais complètement oublié. Ma mère est décédée récemment et j'ai voulu changer d'air. De plus, j'ai toujours voulu étudier à Poudlard, alors, - et bien, je suis venu. Je n'avais pas pensé à ce nouveau mage noir qui sévit. Est-il vraiment si inquiétant ? »

Une lueur étrange passa dans les yeux de McQueen mais elle fut si brève et disparut si rapidement que Harry songea l'avoir imaginé.

« L'avenir nous le dira. Pour le moment, on ne peut pas dire. Il est possible que cela devienne dangereux et qu'on débouche sur une guerre. Le fait que ce mage ne soit toujours pas arrêté montre justement qu'il y a peu de chance pour qu'on l'arrête facilement. Le ministère semble inefficace, mais beaucoup espèrent qu'Albus Dumbledore en viendra à bout. Il a, après tout, vaincu le dernier, Grindelwald. »

Un deuxième choc survint en Harry. Oui, Voldemort ne sera pas arrêté facilement, et pour cause, cela se fera grâce au sacrifice de sa mère. Qui, par conséquent, ne s'était pas encore sacrifiée. Mes parents sont vivants ! L'idée lui broya le cœur et il eut l'impression d'être submergé par un tsunami. Par Merlin et Morgane réunis, les Maraudeurs sont tous vivants ! Harry en resta paralysé.

« Curson ? Tout va bien ? » S'inquiéta la femme.

Harry la regarda sans vraiment la voir. C'était une chance qu'il ait réalisé cela avant de les voir. Il ne sait pas comment il aurait alors réagit. Car – Harry fit un rapide calcul – ils allaient entrer en septième année à Poudlard. Le jeune homme ne manquerait donc pas de les voir. Il allait voir ses parents.

Ses parents.

Il ferma les yeux et l'image de James et Lily Potter souriant à un petit Harry de onze ans en pyjama dans le miroir du Risèd lui apparut. Une boule se forma dans sa gorge. Comment allait-il pouvoir leur faire face ? Pire, comment trouverait-il la force de repartir à son époque alors que ses parents étaient là, vivants, en chair et en os ? Comment le pourrait-il ? Il se mordit violemment la lèvre inférieure pour l'empêcher de trembler.

« Curson ! Écoutez, je suis navrée, je ne voulais pas vous bouleverser à ce point. Le mage noir ne fera peut-être pas beaucoup de dégâts… »

Harry prit une courte respiration. « Veuillez m'excusez, » lui dit-il, « je ne me sens pas très bien. Je pense qu'il vaudrait mieux que j'aille m'allonger. Merci, et au revoir. »

Harry se leva, chancelant. Le sol semblait tanguer sous ses pieds. Sa vue était brouillée de larmes contenues. Tout s'enchaînait dans sa tête. La photo de ses parents dansants au milieu des feuilles mortes d'automne que Hagrid lui avait donnée, ces images, ces voix. Surtout ces voix. Ces voix qui s'entrechoquaient. L'une d'elle se fit plus forte, plus présente et couvrit les autres.

« Pas Harry, pas Harry, je vous en supplie, pas lui ! »

« Pousse-toi, espèce d'idiote… Allez, pousse-toi… »

Harry s'agrippa à un mur pour ne pas tomber.

« Lily ! Prends Harry et va-t'en ! C'est lui ! Va-t'en ! Cours ! Je vais le retenir… »

Quelqu'un qui trébuchait… Harry trébucha. Une porte qui s'ouvrait à la volée… Harry ouvrit la porte de sa chambre. Le gloussement d'un rire suraigu…

« Pousse-toi, espèce d'idiote… Allez, pousse-toi… »

« Non, pas Harry, je vous en supplie, tuez-moi si vous voulez, tuez-moi à sa place… »

Harry tomba au sol, inconscient des sanglots qui le ravageaient, inconscient qu'il frappait de toutes ses forces le parquet de son poing, inconscient du sang qui se répandait et des muscles qui protestaient. Il se noya dans la douleur, dans son sentiment d'injustice, de colère, d'incompréhension. Toutes les émotions qu'il avait contenues depuis qu'il s'était échappé des mangemorts se libéraient. Lorsque la boule émotionnelle fut expulsée, il se sentit vide, vide et épuisé. Abattu, il s'endormit à même le sol dans un sommeil des plus agité.

En bas, dans le pub, Claudia McQueen fixait pensivement la pomme que Stephen Curson n'avait pas touchée. Elle finit d'un trait son verre, l'oreille tendue. Au bout d'un moment, les légers coups qu'on entendait provenir de l'étage s'éteignirent. Elle prit alors la pomme et la croqua à pleines dents. Elle se leva ensuite, mit sa cape noire et regarda une dernière fois l'escalier par lequel Stephen Curson était monté en titubant.

« À bientôt, Curson, » murmura-t-elle doucement.

Elle se retourna et entra dans le cagibi qui servait de passage pour accéder au Chemin de Traverse. Elle avait matière à penser et un rapport à faire avant de rentrer chez elle. La femme s'éloigna dans la nuit sur le Chemin quasiment vide à cette heure.

Elle ne laissa derrière elle qu'un trognon de pomme dans une poubelle.

xXx

Peu avant l'aube, Harry se réveilla totalement désorienté. Pourquoi était-il allongé à même le sol ? Puis il se souvint. Il regarda ses mains, écaillées de sang séché, tout comme le parquet. Il gémit de douleur en faisant bouger ses doigts. Il se releva lentement, courbatu et plus fatigué qu'il ne l'avait été la veille au soir, et entra directement dans la minuscule salle de bain en annexe. Une fois lavé et habillé, il se sentit plus frais et l'esprit plus clair. Il pansa ses mains où la peau avait été arrachée au niveau des articulations et lava le coin du parquet qui avait subi ses coups.

Le soleil se levait lorsqu'il s'assit enfin sur son lit, le regard fixé sur la fenêtre. Ses parents étaient vivants, là, quelque part en Grande Bretagne. Ils respiraient pour un peu plus de cinq ans. Si peu ! Cinq misérables années. Qu'était-ce à côté de toute une vie ? Mais Harry, lui, était là. Peu importe comment et pourquoi, il était là, avec sa connaissance de ce qui allait se passer.

Qu'est-ce qui l'empêcherait d'aller les voir et de leur dire ? Pourquoi n'irait-il pas voir son père pour lui dire de ne jamais faire confiance à Peter Pettigrow ? Il pouvait le faire ! Alors, ses parents ne seraient pas assassinés. Harry aurait enfin une famille. Il pourrait serrer ses parents dans ses bras. Il pourrait se confier à sa mère et rire avec son père. Il pourrait. Tant de choses, de possibilités. Toute une vie. Et il suffisait d'une malheureuse phrase. Juste ça.

Il s'arrêta, inconscient qu'il s'était mis à faire les cents pas dans sa chambre. Pouvait-il vraiment avoir une nouvelle vie ? Il rit légèrement. Oui, il pouvait. La tête lui tournait. Rien ne l'empêcherait. Une soudaine montée d'excitation s'empara de lui. Il se sentait comme enivré par sa joie et son euphorie, transporté comme si on lui avait jeté un sortilège d'Allégresse.

Il sortit de sa chambre et descendit au pub. À cette heure matinale, il n'y avait pas encore beaucoup de monde. Il s'installa au bar sur une chaise haute.

« Bonjour Tom, je voudrais une tranche de bacon et un café, s'il te plaît. Oh, et la Gazette du jour aussi. »

« Bien Monsieur Curson, tout de suite. »

Harry se retrouva donc à siroter son café noir brûlant, lisant attentivement la première page du journal. Il retint un reniflement de dédain. Le ministère garantissait qu'ils maîtrisaient la situation mais qu'il était préférable pour le moment de ne pas rester seul chez soi ou de sortir accompagné. Ah, simple à comprendre, sans contradiction.

Il fallait, de plus, prévenir immédiatement les Aurors si on trouvait une maison avec la marque de Vous-Savez-Qui – Parce que vous avez déjà peur de son nom ? - et ne pas entrer dedans – Évidemment qu'ils peuvent entrer s'il y a la marque, cela signifie que leur besogne est terminée. C'est juste que vous ne voulez pas qu'ils voient les horreurs dont Voldemort est capable, hum ? Cela montrerait à quel point vous avez des difficultés.

Il mâchonna son bacon pensivement. Le ministère avait donc peur de Voldemort. Ils commençaient à s'inquiéter et souhaitaient cacher cet état de fait pour ne pas provoquer une panique générale.

Il poursuivit sa lecture. Ah, ils garantissaient que Poudlard ne risquait rien, un Auror restant sur place pour l'année à venir. Ils ajoutaient que Dumbledore semblait inquiéter Vous-Savez-Qui, ce qui montrait d'une part, que le mage n'était pas invincible, mais qu'en plus il éviterait à tout prix de s'attaquer à l'école.

Harry écarquilla les yeux. Bon sang, songea-t-il, mais ils veulent vraiment que Voldemort s'en prenne à Poudlard ? En disant cela, ils vont pousser Voldemort à montrer que justement, il est capable de s'en prendre à Poudlard, malgré Dumbledore. Et malgré l'Auror ! Pff ! Comme si un Auror allait tout changer. Harry finit son café et déposa quelques pièces dans la coupelle.

Puis il se leva et sortit sur le Chemin de Traverse. Il marcha jusqu'à la boutique de Florian Fortarôme, fermée à cette heure, toqua trois petits coups et entra. Florian sortit de l'arrière boutique, et en le reconnaissant fit un grand sourire :

« Ah, Stephen ! Tu tombes bien, j'aurais besoin d'un coup de main pour tout nettoyer avant l'ouverture. »

« Bonjour ! Pas de problème ! Tu ouvres quand ? » demanda-t-il.

« Le plus tôt possible serait le mieux ! » s'exclama Florian.

Harry haussa un sourcil, surpris : « Si tôt ? En début de matinée ? »

« Il va faire beau aujourd'hui, ça promet d'être une belle journée, et les élèves de Poudlard commencent à faire leurs courses, que du bon, je te le dis ! Donc j'aimerais ouvrir un peu plus tôt pour en profiter. T'es de la partie ? »

Harry rit de l'enthousiasme de Florian et approuva : « Bien sûr que j'y suis ! Allez, qu'est ce qu'on attend ? »

« Ah, ça fait plaisir de te voir de si bonne humeur, » remarqua Florian – il repartit dans l'arrière boutique et Harry le suivit, « tu traînais un peu les pieds ces deux derniers jours. Ton entretien avec Dumbledore s'est bien passé alors ? Je ne t'ai pas demandé hier, y'avait du monde. »

« Ça va, » acquiesça Harry en prenant un torchon, « il m'a dit qu'il me testerait après-demain pour savoir si j'avais le niveau. »

« Ah, » fit Florian passant des bols sous l'eau, « évalué par Dumbledore en personne ? Ben dit donc ! T'as intérêt à assurer ! Pas trop stressé ? »

Harry essuya les bols, puis les couverts. « Pas trop. Je ne pense pas avoir de raison de stresser. Dumbledore est certes doué, mais il est très compréhensif avec les autres, non ? Ça m'étonnerait qu'il s'attende à ce que j'ai un excellent niveau. »

Florian agita sa baguette pour ranger tous les bols sur les étagères. « Hum, t'as pas tort. M'enfin, moi, ça m'impressionnerait, quand même. »

« Bon, d'accord, je suis peu être un peu inquiet pour les potions. Je suis vraiment désespérant dans cette matière. Je mets les tables dehors puisqu'il fait beau ? »

« Ah, et tu veux vraiment continuer cette matière ? Pour les tables – euh – oui, mais t'en laisses quatre ou cinq à l'intérieur au cas où… »

« Ben, c'est important les potions quand même, et c'est surtout très utile. »

« Bah, après ça dépend, comme pour tout, de ce que tu vas faire après tes ASPICs. »

Harry fit un sourire. Cela dépendait effectivement de ce qu'il allait faire après. Avant, il voulait être Auror. Maintenant, il voulait surtout avoir une vie tranquille. Et une famille.

Il sortit, passa un coup de torchon sur toutes les tables, puis ouvrit en grand la porte pour les sortir une à une sur la petite terrasse devant la boutique. Il y avait déjà quelques personnes sur le Chemin. Harry leva les yeux au ciel, il était sans nuage et promettait une belle journée ensoleillée. Les chaises subirent le même sort que les tables et Florian ouvrit un quart d'heure plus tard.

Si Harry avait été sceptique quand au fait que des personnes mangent des glaces le matin, il avait été vite détrompé. C'était en effet une journée d'août chaude et proche de la rentrée, ce qui incitait les mères à acheter des glaces à leurs enfants. Florian avait vu juste. Ils travaillèrent ainsi de concert sans s'arrêter jusqu'au soir avec seulement une pause relayée pour qu'ils puissent manger un sandwich le midi. Harry en était ravi : beaucoup de travail signifiait beaucoup de clients, donc beaucoup d'argent.

Peu avant la fermeture, Harry entendit cependant une conversation qui coupa court à sa bonne humeur.

Il débarrassait une table et derrière lui, deux femmes discutaient gravement.

« - Et il m'a répondu qu'il était prêt à mourir si cela pouvait empêcher d'autres meurtres. »

« Mais, » balbutia l'autre, « tu acceptes tout de même qu'il risque sa vie ? Ce qu'il fait est très bien, mais enfin, tu le laisserais mourir en arrêtant Tu-Sais-Qui, alors que d'autres pourraient le faire ? »

« Et qui donc ? » s'exclama la première, « Dumbledore ne fait rien. Il faut bien que le chef des Aurors fasse quelque chose. Crois-moi, j'ai envie de le retenir quand je le vois partir au travail le matin, mais il m'en voudrait car – je crois qu'il serait heureux de pouvoir l'arrêter quoi qu'il lui en coûte, si cela pouvait sauver des vies par la suite. Il pense que mon avis n'a rien à voir là-dedans. »

« Enfin, il exagère, tu es la première concernée s'il meure, que je sache. Si j'étais toi, je lui dirais de faire son possible, certes, mais de ne pas aller jusqu'à mettre sa vie en danger. »

« Je lui ai dis, que penses-tu ! Il a répondu 'Certains sacrifices sont nécessaires'. Tu parles ! Puis il m'a demandé de le laisser faire son travail. Je crois que cela lui monte un peu trop à la tête, il a trop de pression. »

Lentement, Harry s'éloigna, verres et bols sales dans les bras, puis les déposa sur le comptoir dans l'arrière boutique à la suite des autres.

« Il y a encore du monde Stephen ? »

« Il m'a répondu qu'il était prêt à mourir si cela pouvait empêcher d'autres meurtres. »

« Stephen ? Il y a encore du monde dehors ? »

« Il a répondu 'Certains sacrifices sont nécessaires'. »

« Stephen ! »

Harry sursauta et se retourna vers Florian. « Excuse-moi, tu disais ? »

Florian le regarda d'un air inquiet, puis répéta : « Je te demandais s'il y avait encore du monde dehors. »

« Ah, » fit évasivement Harry. « Oui, oui. Il y a deux femmes – et deux adolescents encore. Ils devraient bientôt partir. »

« D'accord, tu pourras mettre l'écriteau Fermé s'il te plaît ? Et puis tu pourras partir si tu veux, tu m'as l'air plutôt – fatigué. On se verra demain et je te donnerai ta part des recettes d'aujourd'hui, d'accord ? »

Harry acquiesça. « Ouais. D'accord. » Il enleva son tablier avec le logo de Fortarôme, reposa le torchon qui était à son bras, et se retourna une dernière fois. « Au revoir, à demain Florian. »

« À demain, Stephen. »

Harry sortit, un peu assommé. Il remarqua que les deux femmes partaient mais n'entendit pas ce qu'elles disaient. Il tourna le petit écriteau de l'autre côté. Son trajet jusqu'au Chaudron Baveur fut totalement brumeux, avec une perception déformée de la réalité. Il monta directement dans sa chambre et s'affala sur son lit, les yeux grands ouverts fixés au plafond.

Si ses parents ne mourraient pas le 31 octobre 1981, Voldemort y survivrait aussi. Cela avait apporté une paix de quatorze ans au monde sorcier. En quatorze ans, que se serait-il passé si Voldemort n'avait pas été vaincu ? Dumbledore l'aurait-il arrêté ? Quelqu'un d'autre ? Ou aurait-il continué ses meurtres et réussi à prendre possession du Ministère et de Poudlard ? À quoi ressemblerait son époque si Voldemort avait eu quatorze ans de plus pour prendre de la puissance et asseoir sa domination ?

Le petit Harry de onze ans regardant avec émerveillement ses parents dans le miroir du Risèd s'éloigna subitement. Le miroir tomba, tournoya jusqu'au fond du gouffre noir dans un cri déchirant et disparut. Il n'y eut plus qu'un bruit de verre et d'illusions brisées.

xXx

Le jeudi arriva rapidement, et Harry se retrouva une nouvelle fois devant les portes de Poudlard. Il était fatigué – ses nuits n'étaient pas très réparatrices – et affreusement stressé. Il avait beau se dire qu'il y avait peu de chance pour que Dumbledore le refuse, il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il pouvait le refuser. Et alors, que ferait-il ?

Il inspira un grand coup, puis expira lentement et ouvrit les portes du château. Comme la première fois, Rusard le conduisit au bureau de Dumbledore et Harry toqua trois coups rapides à la porte.

« Entrez, Mr Courson, » demanda le directeur.

« Bonjour, professeur Dumbledore. »

« Bien, je vous ai préparé un questionnaire pour chacune des matières que vous souhaitez étudier cette année, » expliqua Dumbledore, « j'ai pris des questions qui reviennent souvent aux BUSEs et d'autres sur le programme de sixième année. Ce n'est pas très difficile et j'estime que vingt minutes pour chaque matière seront suffisantes, ce qui vous fait... deux heures. Vous aurez une heure de battement le temps que je corrige puis nous passerons à la pratique. Des questions ? »

Harry secoua la tête en négation. « Non, c'est bon, Monsieur. »

« Parfait, installez-vous sur la table derrière vous, et vous pouvez vous mettre au travail. »

Harry s'assit, regarda les feuilles puis se mit à les trier. Il plaça la Défense en premier et mis les Potions en dernier. Autant commencer par le plus facile.

Test de Défense contre les Forces du Mal

1°) Donnez cinq signes permettant d'identifier un loup-garou.

Harry ouvrit de grands yeux et un sourire se dessina sur ses lèvres.

« Excellente question, » fit la voix de Remus Lupin dans sa tête, « Premier signe : il est assis sur ma chaise. Deuxième signe : il porte mes vêtements. Troisième signe : il s'appelle Remus Lupin. »

Harry prit la plume, la trempa dans l'encrier et se mit à écrire. Un quart d'heure plus tard, il avait terminé la Défense et passa aux Sortilèges. Il eut quelques difficultés en Métamorphose - Quelle formule utiliseriez-vous pour métamorphoser un animal en liquide ? Quel serait le geste effectué ? - pour une partie du programme de sixième année qu'il n'avait pas vu.

Son année avait été tronquée puisque Poudlard avait fermé en janvier. McGonagall lui avait donné quelques cours particuliers – mais seulement sur la partie qui lui serait utile, et donc qui avait un rapport – plus ou moins éloigné – avec la Défense. Plutôt que d'apprendre à transformer un lapin en eau, il avait appris à transformer des feuilles en poignards. Chacun ses priorités, sans aucun doute.

Le même problème se présenta en Botanique et en Soins aux créatures magiques. Il détailla ainsi le plus possible les questions pour lesquelles il était certain d'avoir la bonne réponse. Lorsqu'il resta vingt-cinq minutes, il passa aux Potions et lut en entier le questionnaire avant de commencer. Certaines le firent hausser les sourcils, perplexe. La douzième, cependant, lui sembla parfaite – Détaillez le protocole que vous suivriez pour concocter du polynectar et expliquez les effets provoqués par cette potion – et il s'y attela.

« Cela devrait être fini maintenant, » fit la voix de Dumbledore. Harry releva la tête, termina rapidement sa phrase et jeta un coup d'œil à l'ensemble du questionnaire de Potions. Il y avait de nombreuses questions sans réponses, mais les dés étaient jetés. Après un léger soupir, il rassembla ses feuilles puis se leva pour les apporter au directeur.

« Merci bien. Hum – je suppose que rester assis pendant une heure, à me regarder corriger vos copies, n'est guère passionnant ; c'est pourquoi je peux vous proposer de sortir vous aérer dehors dans le parc si vous le souhaitez. Ou encore de commencer à vous repérer dans le château. »

C'est ainsi que Harry se retrouva à errer dans le château vide. Ses pas le menèrent jusqu'au quatrième étage, à la bibliothèque. Il essaya de l'ouvrir, mais les portes étaient verrouillées durant l'été. Harry grogna, donna un coup de pied de frustration puis redescendit.

Il sortit prendre l'air dehors et se retrouva aux abords de la Forêt Interdite ; dont Stephen Curson ignorait le nom. Il eut un léger sourire mais resta raisonnable. S'il s'y aventurait, il ne serait très certainement pas de retour d'ici une heure dans le bureau de Dumbledore.

« Hé, toi ! Qu'est-ce que t'fais là ! »

Harry sursauta et se retourna rapidement vers la voix. Il se détendit aussitôt en voyant la silhouette massive de Hagrid se diriger vers lui.

« J'explore un peu les environs, » fit négligemment Harry.

Lorsque Hagrid fut devant lui, ce dernier haussa ses sourcils broussailleux. « Ah, je sais, tu es le nouvel élève, c'est ça ? Stephen Curson, il me semble. »

« Et bien, pour être exact, je ne sais pas si je vais être pris. Le professeur Dumbledore m'a fait passer un test théorique – qu'il est en train de corriger – et il me reste l'épreuve pratique. »

« Bah, t'inquiète pas, » le rassura Hagrid, « Dumbledore va t'accepter. C'est pas lui qui va rejeter quelqu'un parce qu'il a pas le niveau, c'est sûr. Au fait, je suis Hagrid, le gardien des clés et des lieux de Poudlard. Viens prendre un thé chez moi, » l'invita le demi-géant.

Harry emboîta le pas de Hagrid, un sourire aux lèvres. Cela lui réchauffait le cœur de pouvoir parler à son premier ami, même sous l'identité de Stephen Curson. Ce dernier n'avait pas changé, contrairement à Harry, qui se sentit subitement moins seul.

« Bon, c'est pas très grand, » déclara Hagrid en entrant dans sa cabane, « mais au moins c'est confortable. Installe-toi pendant que je prépare le thé. Alors comme ça, tu veux entrer en septième année ? »

« Oui, j'étais avant à l'Institut de Salem, aux États-Unis mais j'ai voulu terminer ma scolarité ici puisque c'est la meilleure école. »

Il sut immédiatement qu'il ne pouvait pas plus faire plaisir à Hagrid. Il se retourna, sa bouilloire à la main, rayonnant : « Ah, bien dit ! T'as eu raison mon bonhomme, Poudlard est une école vraiment très bien. Et le professeur Dumbledore, c'est quelqu'un de bien aussi, un grand homme, crois-moi. »

Harry acquiesça. « Oh, même en Amérique, il a une sacré réputation depuis qu'il a réussi à défaire Grindelwald - »

Hagrid lui donna une tasse et il sortit une boîte en fer avec – Harry les reconnut immédiatement – ses biscuits durs comme des écailles de dragon.

« - Merci Hagrid – et je dois avouer que j'étais un peu angoissé lorsque j'ai dû aller le voir la première fois. »

« Oh, » Hagrid secoua sa main, « faut pas, même si je peux comprendre ta réaction, il a un grand cœur. Comme je t'ai dit, je suis sûr qu'il va t'accepter. Dis-moi plutôt, dans quelle maison penses-tu aller ? »

Harry but une gorgée de thé brûlant. Bonne question.

« Je ne sais pas vraiment. Pas Serdaigle, je suppose. Je ne suis pas toujours des plus motivés pour étudier – surtout s'il s'agit d'une matière qui ne m'intéresse pas. »

« Ah, » Hagrid se mit à rire, « ça aussi, je peux parfaitement comprendre. Je te verrais plutôt bien à Gryffondor, dans ce cas. »

Harry but une nouvelle gorgée. Oui, mais là-bas, il y aura mes parents. Je ne suis pas sûr qu'il soit très intelligent de se jeter dans la gueule des lions. Il fit mine de s'étonner. « Vraiment ? Pourquoi donc ? Ils n'aiment pas les études ? »

Hagrid avala un biscuit. « Oh, non, ce n'est pas ça. Il y en a certains – oui. Mais c'est plutôt parce que t'es quelqu'un de spontané et d'ouvert apparemment. Quoique cela peut aussi correspondre aux Poufsouffle. En tout cas, pas Serpentard. »

« Hum… Poufsouffle, c'est ceux qui sont loyaux, non ? Je suppose que je peux correspondre. »

« Oui, mais ils aiment bien travailler aussi. Donc je reste sur mes positions avec Gryffondor. C'est la meilleure maison de toute manière. »

Harry ricana. « Ah bon ? Hum, laissez-moi deviner… Vous étiez à Gryffondor ? »

Hagrid leva les sourcils. « Cela se voit tant que ça ? » demanda-t-il, étonné.

Harry rejeta la tête en arrière et rit comme il ne l'avait plus fait depuis longtemps. « Oh, ce n'est pas écrit sur votre front, mais presque. On va dire que généralement, on trouve que notre maison est la meilleure, non ? »

Comprenant de quoi il était question, Hagrid se mit à rire à son tour. « Ah, t'es assez futé comme garçon, on dirait ! »

Il fallut quelques minutes pour qu'ils se calment tous deux de leur fou rire.

« Oh, mince ! » s'exclama Harry en voyant sa montre, « je dois y aller, le professeur Dumbledore ne m'avait laissé qu'une heure. »

« Ah, et bien bonne chance alors, Stephen. Reviens me voir à la rentrée – si tu es pris, évidemment, mais tu sais ce que j'en pense – pour prendre un autre thé, et tu n'as pas encore goûté mes biscuits ! »

Harry se leva en grimaçant. Et je ne suis pas pressé d'en goûter, Hagrid. « Merci en tout cas, et à bientôt Hagrid. »

« Bah, pas de quoi, ça me fait plaisir. »

Et Harry sortit d'un pas rapide de la cabane. Il lui fallut courir un peu pour ne pas arriver trop en retard – puisqu'il était déjà l'heure à laquelle Harry aurait dû arriver dans le bureau. Il entra et fit, un peu essoufflé, « Excusez-moi professeur, je n'avais pas vu l'heure tourner. »

« Ce n'est pas bien grave, » le rassura joyeusement Dumbledore. « J'ai corrigé votre test théorique, mais nous en parlerons après. Vous avez votre baguette ? Bien, je vous laisse choisir l'ordre, sachant que je vous passe d'épreuve pratique pour les Soins aux créatures et qu'il est plus pratique que les Potions soient à la fin. »

Harry s'assit et resta songeur un instant. « D'abord Métamorphose, Sortilèges, puis Défense. Ensuite Botanique et Potions. »

« Très bien. Dans ce cas, pouvez-vous métamorphoser la chaise à côté de vous en animal ? »

Harry sourit, il s'agissait de la métamorphose que McGonagall effectuait comme exemple aux premières années. Ils l'étudiaient ensuite en cinquième année. Il acquiesça, leva sa baguette et ferma les yeux pour visualiser un chien noir.

« Animaverto, » murmura-t-il. En ouvrant les yeux, il vit une réplique de Patmol qui le regardait avec de grands yeux noirs. Puis l'épreuve s'enchaîna.

« Et pouvez-vous le remettre en chaise, c'est plus pratique pour s'asseoir, voyez-vous. »

« Finite. »

« Ce bout de papier, en métal ? – Ah, bien. En eau ? »

« Ma professeur l'année dernière est partie en congé maternité et le directeur n'a pas réussi à trouver de remplaçante. Nous ne sommes pas allés jusque là. »

« Vraiment ? Généralement on apprend d'abord à transformer en liquide plutôt qu'en métal. Savez-vous pourquoi ? »

« C'est plus instinctif, je suppose. Pour l'eau, il faut penser à dissocier toutes les molécules puis en changer la matière alors que pour le métal, il faut multiplier les molécules pour durcir et compacter, et changer la matière. C'est toujours plus simple de détruire plutôt que de renforcer. »

« Très bien. »

Dix minutes plus tard, ils passèrent aux Sortilèges. Harry fut plutôt satisfait même si son sortilège d'Apparition n'était pas parfait. Il avait toujours eut quelques difficultés avec celui-là, mais le fait qu'il ne soit pas avec sa baguette contenant la plume de Fumseck le gênait un peu.

« Bien, la Défense contre les Forces du Mal – Dumbledore fit apparaître un mannequin mécanique – un stupéfix ? »

Harry se retourna, pointa sa baguette et un fuseau rouge en sortit immédiatement. Le mannequin s'immobilisa. Dumbledore approuva et réfléchit un instant. « Et que pourriez vous faire subir d'autre à cet homme ? »

Harry haussa les épaules. Les idées ne manquaient pas.

« Reducto. »

Le mannequin fut réduit en poussière. Dumbledore cligna des yeux derrière ses lunettes et resta silencieux un instant.

« Hum, c'était expéditif, » commenta-t-il. Il le dévisagea encore un instant, puis ajouta : « Si je vous proposais un petit duel, que diriez-vous ? »

Harry se figea et ouvrit de grands yeux. Il se reprit et se racla la gorge. « Je dirais que le niveau est quelque peu inégal. Que se soit pour la puissance ou l'expérience. »

Dumbledore eut un sourire amusé. « Je vous l'accorde, mais je vous assure que j'en tiendrais compte. »

Harry soupira : il hésitait clairement. Il n'avait vraiment pas le niveau. Ni une bonne baguette. Il était évident qu'il allait se faire laminer. Finalement, il se décida. « Très bien. » Après tout, quand on avait tenu tête à un Voldemort désireux de vous tuer, un Dumbledore amical était bien moins impressionnant.

« Parfait ! » s'exclama Dumbledore, avec un enthousiasme presque enfantin. « Je pense que nous ferions mieux d'aller dans le parc, nous aurions plus d'espace. »

Harry se leva et suivit Dumbledore un nœud dans l'estomac. Durant le trajet, il se força à réfléchir sur tout ce qu'il pouvait utiliser. Il se demanda vaguement si Dumbledore avait prévu leur duel ou s'il y avait pensé à l'instant. Et quelle configuration était plus mauvaise pour lui.

Lorsqu'il se retrouva face à face avec Dumbledore, Harry inspira lentement et expira de la même manière. Il s'inclina sans quitter le directeur des yeux. Ce dernier fit de même, les yeux pétillants de malice.

Puis Dumbledore attaqua.

Harry esquiva et répliqua d'un expelliarmus et d'un stupéfix. Dumbledore les absorba dans un bouclier et les renvoya, doublés d'un autre sort que Harry ne reconnut pas. Il conjura un bouclier pour les deux premiers et esquiva l'autre. Ils continuèrent ainsi durant quelques minutes, puis Dumbledore passa à la vitesse supérieure. Harry sentit une goutte de transpiration perler sur son front.

Dumbledore dirigea sa baguette vers le lac, créant une boule d'eau énorme qui se dirigea vers Harry. Il ne put l'éviter et fut prit dedans. Il tourna, perdit son orientation et son souffle. Il se retrouva projeté quelques mètres plus loin, étalé sur l'herbe.

« Expelliarmus. »

Harry fit un roulé-boulé, tenant fermement sa baguette. Un autre sortilège le toucha, l'élevant dans les airs. Harry eut une idée, se concentra, et utilisa un sortilège informulé qui n'eut aucune réaction immédiate. Il remarqua alors une autre boule d'eau qui se dirigeait vers lui. Harry conjura quelques poignards qu'il dirigea vers Dumbledore. Ce dernier les évita mais perdit le contrôle de l'eau. La boule se désagrégea, le sortilège qui maintenait Harry dans les airs aussi, et il tomba.

Dumbledore répliqua d'un stupéfix, mais Harry entendit un sifflement au-dessus de lui. Il sourit. Son sortilège d'attraction avait marché : un balai de l'école venait d'arriver. Il l'empoigna et s'éleva dans les airs, évitant le sort de Dumbledore.

Il y eut une rafale, mais Harry resta fermement accroché. Il piqua vers Dumbledore en zigzagant, lançant des expelliarmus et stupéfix régulièrement. Dumbledore lança un grand bouclier, qui éblouit Harry et l'obligea à remonter. Une volée de brins d'herbe transformés en fléchettes se mit à le poursuivre.

Il les évita facilement, mais Dumbledore répliqua à nouveau par une boule d'eau. Harry se retrouva projeté et lâcha son balai. Il se sentit tomber droit vers le lac et plongea dedans avec force. Le souffle coupé, Harry remonta rapidement à la surface en nageant. Il s'appuya sur le bord du lac, essoufflé.

« Je crains que ce ne soit fini, » fit la voix de Dumbledore au-dessus de lui. Harry leva la tête et se retrouva nez à nez avec la baguette de Dumbledore. Le directeur tenait sa baguette dans son autre main. Pendant que Harry tombait, il avait dû le toucher d'un expelliarmus.

« Oh, » fit lentement Harry. « Je ne crois pas. » Et il se leva d'un coup, arrachant à main nue la baguette de Dumbledore. Ils tombèrent tous deux dans l'herbe. Harry se releva prestement et se retrouva face à Dumbledore. Ils se pointèrent la baguette de l'autre.

Dumbledore enchaîna immédiatement avec plusieurs sortilèges que Harry évita, mais le directeur avait encore augmenté la cadence, et Harry se rendit bien compte qu'il ne tiendrait plus longtemps. Il conjura une nouvelle fois des poignards après un impedimenta, au moment où il sentit une racine s'enrouler autour de sa jambe.

Il trébucha, et tomba au sol, entravé. Dumbledore lança un expelliarmus à l'instant où un poignard se ficha dans sa cuisse. La baguette que tenait Harry s'envola.

« Bien, » fit Dumbledore, un peu haletant. Il retira le poignard, qui disparut aussitôt. « Cette fois, c'est fini, » annonça le directeur en voyant Harry entravé par les racines. Harry rejeta la tête en arrière en grognant. Dumbledore fit disparaître d'un coup de baguette les racines et aida Harry à se relever, puis il lui rendit sa baguette.

« Vous êtes très doué, Mr Curson. Il me semble que vous êtes plutôt familier avec les duels, non ? »

Harry acquiesça, reprenant encore son souffle.

« Je vais faire un petit détour à l'infirmerie pour que Madame Pomfresh me referme proprement cette blessure, en attendant, vous pouvez récupérer un peu. On se retrouve ensuite dans la serre, là-bas, pour la Botanique. »

« Professeur ! » Hagrid se dirigeait vers eux. « J'ai vu que vous vous battiez, que se passe-t-il ? »

« Rien de grave Hagrid, calmez-vous, » tempéra Dumbledore en levant la main pour l'apaiser, « Je faisais un duel amical avec Mr Curson pour évaluer son niveau en Défense contre les Forces du Mal. Maintenant, excusez-moi, je vais rendre une petite visite à Pompom. »

Hagrid baissa le regard vers la blessure de Dumbledore et écarquilla les yeux. « Mais vous saignez Professeur ! » s'exclama le demi-géant.

« Oui, il se trouve que Mr Curson a de la ressource. C'est très superficiel, ne vous inquiétez pas. » Et Dumbledore s'éloigna vers le château. Hagrid se retourna vers Harry qui était penché, les mains sur ses genoux, pour reprendre un souffle régulier.

« Tu as réussi à blesser le professeur Dumbledore ? »

Harry se redressa en acquiesça. « Apparemment. Mais il m'a plus que surpassé pour ce qui est du duel. »

Hagrid le regarda avec une once d'incrédulité et de respect. « Ben dis donc, tu dois être sacrément doué. »

Harry rit doucement. « Oh, non, pas tant que ça en fait. Je me débrouille mais seulement pour la Défense. La Botanique et les Potions, juste après, risquent de me sembler bien plus difficiles. »

« Enfin, j'avais raison. Tu vas être pris. Tu m'excuseras, mais j'allais voir les sombr- heu, mince. »

Harry le regarda intrigué. « De quoi ? » Hagrid semblait embêté. « T'es pas censé savoir, d'accord ? » commença-t-il, « J'essaie de dresser un groupe de sombrals. C'est pas très recommandé et pas facile – mais le professeur Dumbledore m'a autorisé. T'en parles pas, hein ? »

Harry se retint de justesse de lever les yeux au ciel. Hagrid ne changera jamais. « Bien sûr que non, » répliqua-t-il, « Je suis sûr que vous y arriverez. » C'était vrai, après tout, puisque lors de sa cinquième année, Hagrid leur avaient montré le groupe durant un cours.

« Merci. Certains sont déjà dressés. Ils tirent les calèches qui amènent les élèves au château, en début d'année. Bonne chance pour la suite, Stephen. »

Hagrid s'éloigna de son pas lourd, laissant Harry seul. Celui-ci soupira, s'étira un peu – ses muscles lui faisaient mal – puis se dirigea vers les serres.

xXx

« Oh, cela sera rapide. Je voudrais juste que vous rempotiez ceci et cela, » déclara calmement Dumbledore en lui montrant deux sortes de plantes. Harry s'approcha et toucha du bout de sa baguette la première plante. Elle lui rappelait vaguement quelque chose mais quoi ?

Il hésitait à prendre à pleines mains la touffe de feuilles. Il y avait forcément un piège. Harry leva les yeux vers Dumbledore, perplexe. Ce dernier attendait d'un air impassible, parfait jury. Harry se retint de grommeler – cela ne ferait pas bon genre.

Il jeta un coup d'œil à l'autre, il s'agissait d'une plante carnivore, et n'inspirait que peu de confiance à Harry. Il reporta son attention sur la première. Il tira doucement les feuilles : la plante sembla bouger et émit un bruit étouffé. Puis soudain, il écarquilla les yeux. Il savait ce que c'était : une mandragore.

« Il me faudrait – et vous aussi, des caches-oreilles, » dit-il à Dumbledore. Le directeur acquiesça. « Derrière-vous, » lui répondit-il.

Harry se retourna, prit deux caches-oreilles et en tendit une paire à Dumbledore. Il mit l'autre paire et tira d'un coup sur les feuilles. Il s'agissait d'un bébé. Harry la replaça rapidement dans l'autre pot et le rempli de terreau. Une de fait. Il enleva les caches oreilles et se tourna vers la deuxième plante.

Il ignorait totalement de quoi il s'agissait, elle avait trois bouches qui claquaient l'air de temps à autre. Il prit sa baguette et fit apparaître une souris blanche avec. La plante ne s'y intéressa pas du tout. Pourtant, lorsque Harry approchait sa main, les gueules de la plante se dirigeaient immédiatement vers elle. Qu'avait-il de plus intéressant que la souris ? Était-ce parce qu'il était humain ? Ou peut-être la magie ? Harry pencha la tête à cette idée, il lui semblait qu'il avait entendu parler de plantes qui absorbaient la magie d'être vivants.

Mais alors, comment la rempoter, si dès qu'il la touchait, elle se refermait sur lui pour prendre sa magie ? Il fit glisser son regard sur la table, et s'arrêta sur une longue pince. Il la prit et réussit à maintenir les trois bouches dans la pince en les appâtant avec sa main. De l'autre main, il put tirer la base de la plante. Cinq minutes plus tard, elle était rempotée.

« Bien, » fit Dumbledore, « je vous propose d'aller aux cachots pour faire l'épreuve de Potions, c'est là-bas qu'il y a les cours de potions et donc les ingrédients. »

Harry suivit une fois de plus Dumbledore. Il était un peu inquiet pour les potions : il savait parfaitement qu'il était loin d'avoir le niveau. Ils entrèrent dans une salle de cours vide et Dumbledore lui demanda de s'installer devant un chaudron. D'un coup de baguette, le directeur inscrivit une liste d'ingrédients et un protocole au tableau.

« Quelle potion cela donnera-t-il ? » l'interrogea Dumbledore.

Harry leva les sourcils : il n'en avait aucune idée. Il lut attentivement la liste et le protocole. L'une des étapes lui rappela quelque chose, il lui semblait qu'il avait déjà fait cette potion l'année dernière. De quoi s'agissait-il était une toute autre question. Il resta pensif devant deux des ingrédients : asphodèle et infusion d'armoise.

Bien, qu'avait-il fait comme potion au début de l'année dernière ? Toutes sortes d'antidotes incompréhensibles. Des élixirs.

« Je ne sais pas, » capitula-t-il au bout d'un long moment.

« La Goutte du Mort vivant. Que provoque cette potion ? » continua le directeur, implacable.

Harry tiqua et regarda à nouveau le tableau. Il se souvenait de cette potion. C'était la première question que lui avait posée Snape en première année.

« C'est un somnifère très puissant. Mal préparé, il peut devenir mortel.»

« Bien, il ne vous reste plus qu'à la préparer, » fit légèrement Dumbledore.

Sa potion ne fut pas totalement ratée, mais elle ne risquait pas de lui faire dérocher une très bonne note. Sa couleur était plus foncée que ce qu'elle aurait du être, et il lui semblait qu'elle accrochait un peu au fond. Harry se doutait bien que sa potion pourrait le mettre dans le coma, si ce n'est plus. Dumbledore ne fit pas de commentaire et après avoir tout nettoyé, ils retournèrent dans le bureau du directeur.

« Commençons par la Métamorphose. Vous avez des capacités et des connaissances mais comme vous avez dû le remarquer, pas tout à fait complètes. Cependant, j'imagine qu'en travaillant, vous pourrez facilement combler ce manque. Je vous mettrais un Effort Exceptionnel – mais les plus sévères mettraient un Acceptable. »

Harry acquiesça, soulagé.

« Les Sortilèges, aucun problème manifeste sans que ce ne soit vraiment parfait. Effort Exceptionnel. La défense, et bien, un Optimal s'impose, avec les félicitations. Je crois que plus des trois quarts des élèves qui vont entrer en septième année ici n'aurait pas tenu dès les cinq premières minutes. Le reste, pas plus de dix minutes. »

Gêné, Harry détourna le regard, sentant ses joues chauffer.

« Pour ce qui est de la botanique, c'est correct, je vous mets un Acceptable. Les Soins aux Créatures magiques, un Effort Exceptionnel. Les potions par contre – je me trompe si je dis qu'il ne s'agit pas de votre matière préférée ? »

Harry se raidit et grimaça. « Ah, non, vous ne vous trompez pas. »

« Hum – Dumbledore resta pensif – il y a des connaissances. Je mettrais Acceptable, mais on pourrait mettre Piètre. Quoi qu'il en soit, plus grand-chose ne m'empêche de vous accepter à Poudlard. » Dumbledore fit une pause et Harry souffla un coup. « Juste un léger détail me semble gênant. »

Harry leva la tête et regarda Dumbledore. Les yeux bleus de ce dernier ne pétillaient plus et semblèrent le transpercer. Problème, Potter, ça sent les problèmes. La gorge nouée, Harry leva les sourcils en signe d'interrogation. « Vraiment ? »

Dumbledore acquiesça. « Souhaitez-vous une tasse de thé ? » lui demanda-t-il.

« Non merci. »

« Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais lorsqu'un sorcier décide de rester dans un pays différent de celui d'origine, il doit se présenter au Ministère du nouveau pays pour qu'on puisse l'enregistrer. »

Le ventre de Harry se tordit et il sentit ses poils se hérisser.

« L'enregistrer ? » répéta-t-il, perplexe.

« Oui, donner une copie de ses papiers d'identité, d'attestation de scolarisation, des factures de l'ancien domicile – ce genre de choses. »

Harry écarquilla les yeux, réfléchissant à toute allure pour se sortir de ce pétrin. « Oh, je l'ignorais. »

« C'est effectivement ce que je me suis dit, » déclara posément Dumbledore, « puisque vous ne l'aviez pas fait. Il n'y a pas d'autres solutions possibles. Je veux dire – je n'irais pas imaginer que vous ne désirez pas être entré dans les registres du Ministère, n'est-ce pas ? En tout cas, tant que vous n'êtes pas enregistré, je ne pourrais pas vous accepter légalement. Cependant, si vous avez des problèmes, quoi que ce soit, je suis à votre disposition. »

Harry s'humidifia les lèvres, ne sachant pas trop quoi dire. Dumbledore se doute de quelque chose. Il sait que tu as menti Potter. T'es grillé.

« Il n'y a aucun problème, hum – il faut que je passe au Ministère le plus vite possible, j'imagine ? »

« Oh, si vous le souhaitez, je peux demander à ce que quelqu'un vienne au Chaudron Baveur pour vous enregistrer. Demain, pour le dîner, je suppose que cela ira ? »

« Parfaitement, » répondit Harry, se demandant vaguement comment il allait pouvoir créer de faux papiers en si peu de temps et de manière à ce que cela ne se remarque pas.

« Dans ce cas, je vous ferai envoyer votre lettre d'admission prochainement si tout se passe bien. Vous y trouverez la liste de fourniture et un billet du Poudlard Express. À bientôt, Mr Curson. »

La bouche sèche, Harry se leva roidement, salua Dumbledore et sortit du bureau. Il avait de quoi s'occuper d'ici demain soir.

Lorsque la porte se referma, une voix s'éleva dans le bureau.

« Vous ne lui avez pas dit. »

Dumbledore leva la tête vers un des tableaux d'anciens directeurs accrochés au mur. « De quoi donc ? »

« Que vous connaissez le professeur de Métamorphose de l'Institut de Salem, qu'il s'agit d'un homme et qu'il lui est par conséquent difficile de partir en congé maternité, que ce professeur n'a jamais connu d'élève s'appelant Stephen Curson et qu'il est par conséquent un fieffé menteur, » débita dédaigneusement Phineas Nigellus.

Dumbledore se caressa la barbe pensivement.

« Non, je ne lui ai pas dit en effet. Nous verrons bien comment il compte se débrouiller avec le Ministère. Il est évident qu'il ne possède aucun papier attestant qu'il est Stephen Curson. Je suis curieux de voir ce qu'il va faire – étant donné qu'il ne m'a pas demandé d'aide. Il aurait pu dire que ses papiers avaient tous brûlés – ou que sais-je.»

Phineas renifla ostensiblement pour marquer son désaccord. « Vous allez l'accepter même s'il ne peut s'inscrire au Ministère, n'est ce pas ? »

Dumbledore acquiesça. « En effet. »

« Je n'approuve pas. Cela ne peut vous apporter que des ennuis. »

« Je préfère l'avoir sous mon nez plutôt que se baladant dans la nature vu les conditions politiques actuelles. Je ne vois pas quelle sorte d'ennuis il pourrait provoquer. Il n'est pas un mangemort, » répliqua le vieil homme.

« Vous n'en savez rien. Vous ne savez même pas qui il est. »

« Exact, mais j'ai une intuition plutôt bonne des hommes en général, et je ne pense pas me tromper en disant qu'il n'est pas homme à chercher du pouvoir par désir. »

« Les mangemorts n'entrent pas tous dans cette catégorie, » rétorqua Phineas.

« Certes, » soupira Dumbledore, « Raison de plus pour le garder à l'œil, non ? J'aimerais savoir ce qu'il veut exactement. »

« Si ce n'était pas dangereux ou illégal, alors pourquoi cacherait-il son identité ? Il veut entrer à Poudlard pour des raisons manifestement douteuses. Ce n'est très certainement pas pour finir son éducation ici – ou que sais-je des balivernes qu'il vous a sorties. Le plus intelligent serait donc de l'en empêcher, » commença à s'agacer l'ancien directeur.

« Mais s'il ne vient pas à Poudlard pour faire ce qu'il veut faire, comment pourrais-je savoir ce qu'il voulait faire ? » demanda malicieusement Dumbledore.

« Je déteste votre manière de raisonner Dumbledore, » conclut Phineas, visiblement résigné. « En tout cas, je vous aurai prévenu. »

xXx

Harry sirotait une bièrraubeurre au Chaudron Baveur, étudiant avec attention les papiers d'identité de l'homme qui occupait la chambre à côté de la sienne.

Il était rentré lorsque l'homme était parti faire une course, avait cherché soigneusement les papiers, les avaient copié et placé la copie avant de repartir avec les originaux. Il ne s'agissait que d'un emprunt, et comptait les remettre en place demain matin, lorsque l'homme sortirait.

Il avait refait une copie pour voir la différence que cela provoquait, mais il n'avait rien vu de probant. Il se frotta les yeux, fatigué. Cela faisait quoi ? – il jeta un coup d'œil à sa montre – une heure et demie qu'il était fixé là-dessus. Et rien de rien.

Il pourrait toujours en créer sur le même modèle, mais il craignait que l'employé du ministère qui passerait le lendemain soir ne réussisse à détecter la supercherie. Il reprit une gorgée de bièrraubeurre.

« Bonsoir Curson, »

Harry leva subitement la tête et referma le dossier qu'il lisait – il pouvait difficilement expliquer pourquoi il était si absorbé par les papiers d'identité d'un homme qu'il ne connaissait pas. Il fut un moment déstabilisé et ne reconnut pas la femme en face de lui.

« Vous allez mieux depuis la dernière fois, j'espère ? »

Harry se racla la gorge : « Oui, oui bien sûr, merci. »

Il regarda stupéfait McQueen. Elle avait le même visage, mais ses cheveux châtains courts avaient été remplacés par des longs cheveux bruns lisses qui lui descendaient dans le bas des reins. Les cheveux de devant avaient été soigneusement attachés avec une pince.

De plus, la première fois, elle portait une robe de sorcier noire courante, mais elle n'avait maintenant qu'une longue cape de voyage marron qui laissait voir un tailleur noir d'une coupe parfaite. À ses pieds, elle avait des escarpins à talons aiguilles, qui mettaient en valeur ses jambes nues.

Harry en était surpris car il n'avait jamais vu une sorcière s'habiller ainsi depuis qu'il avait découvert ce monde. En enlevant la cape, elle pouvait passer pour une parfaite femme travaillant dans une grande entreprise ou une maison d'édition moldue. Elle avait même une petite mallette noire de travail qu'elle mit sur la table.

« Parfait, » lui répondit-elle avec un sourire. « Alors, dites-moi, où en êtes vous avec votre acclimatation en Grande-Bretagne ? »

Elle le regardait fixement d'un regard bienveillant et Harry en fut gêné. L'attention qu'elle lui portait devenait étrange à ses yeux.

« J'ai été accepté à l'école de Poudlard. Il ne me reste plus qu'à m'enregistrer au Ministère. »

« Ah, oui, » son sourire s'étira un peu plus, « j'en ai entendu parler. Quelqu'un doit venir demain soir, non ? »

Le sang de Harry se glaça. Sa main droite effleura sa baguette.

« Comment savez-vous cela ? » gronda-t-il.

McQueen ne perdit pas son sourire. « Oh tu sais, ce n'est qu'une affaire de relations. » Elle ouvrit sa mallette et en tira un dossier. « Et si cela t'es nécessaire, on peut t'apporter une aide infaillible. » Elle poussa doucement le dossier vers lui mais ne retira pas sa main. De l'autre, elle referma sa mallette.

Harry jeta un coup d'œil au dossier fermé, mais ne put l'ouvrir puisque McQueen le maintenait.

« Qui 'on' ? De quelle sorte d'aide parlez-vous ? »

McQueen reprit sa mallette et s'apprêta à se lever. « Je suppose que ce dossier t'éclairera suffisamment. Au revoir, Stephen Curson. » Elle lâcha le dossier et se leva.

Harry l'ouvrit et resta bouche bée devant son contenu. Il releva violemment la tête mais McQueen n'était plus là. Il la chercha du regard, vit qu'elle venait d'entrer dans le passage pour aller au Chemin de Traverse, prit les dossiers et se leva. C'est presque en courant qu'il sortit jusqu'au Chemin, bousculant au passage un vieil homme.

Le Chemin de Traverse était encore bondé à cette heure – les journées étaient longues et chaudes – et Harry chercha McQueen du regard. Beaucoup rentraient chez eux et se dirigeaient vers lui, mais il ne réussit pas à apercevoir une femme allant dans l'autre sens, avec une cape de voyage marron. Il resta les bras ballants et le cœur battant, la tête remplie de questions et se sentant parfaitement perdu.

Il retourna au Chaudron Baveur, se rassit et ouvrit à nouveau le dossier, stupéfait. Il s'agissait d'une série de pièces d'identité au nom de Stephen Curson avec sa photo.

Cela faisait un problème de moins pour un problème et un mystère de plus.