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Une page qui se tourne.

Un livre que l'on referme.

Dans l'attente d'un autre à ouvrir en 2017…

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Mais encore pour quelques minutes, si nous prenions le temps de rêver ?

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Nous avons commencé sous l'égide de sa plume.

Nous finirons avec elle…

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Bonne lecture.

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« Rendez-moi mes souvenirs, quoi qu'il puisse m'en coûter. Et je vous en serai éternellement reconnaissante. »

Yori conclut la requête de Yûki d'un point, repartit à la ligne et se figea, la plume en l'air. Plusieurs fois elle hésita, soudain à la recherche de ses mots. Et finalement, sa main revint presque d'elle-même vers le centre de la feuille pour tracer l'arabesque stylisée qui signait la fin de ses chapitres.

Elle posa sa plume, eut un soupir tremblant. Enfin, elle s'adossa à sa chaise et retint un gémissement à la sensation de son dos endolori. Avec lenteur, elle quitta son bureau et s'étira longuement. Comme toujours lorsqu'elle interrompait ses sessions d'écriture, son corps lui apparaissait comme étranger, engourdi par l'immobilité alors que psychologiquement, elle gardait l'intense sensation d'avoir voyagé sans repos, des jours durant. Elle écarta ses mèches blond cuivré de son visage : ses mains étaient glacées, mais ses yeux et son front s'avéraient brûlants.

Et au fond de sa gorge, éveillé par ces souvenirs qui ne lui appartenaient guère, un manque bien connu – cette soif – la taraudait…

Yori contempla son bureau en désordre, l'esprit bouillonnant. Il y avait encore tant à dire, tant à écrire… Leur voyage de retour au pays, leur recherche du meurtrier de Kaname.

Leur attirance, encore à peine esquissée sur le papier. Tant de secrets à révéler…

Mais ce soir – ou bien cette nuit ? elle avait perdu la notion du temps – reprendre la plume lui inspirait un curieux sentiment de lassitude. Dans un soupir, elle se détourna, remonta les allées bordées d'étagères et parvint à la porte de bois massif.

Elle tendait une main vers la poignée de fer forgée quand soudain elle se figea, la boule au ventre. Qu'allait-elle trouver derrière cette porte ? S'avérerait-elle verrouillée, ou bien la voie était-elle libre ? Ne valait-il mieux pas qu'elle reste prostrée là, dans l'ignorance de sa situation mais en sécurité, à l'abri dans ses songes ?

Elle prit une brusque inspiration, et d'un tic nerveux de la tête, elle refoula tous les souvenirs – les siens cette fois-ci – qui la submergeaient. Elle saisit la poignée et à son soulagement, celle-ci coulissa comme prévue.

Derrière la porte, pas de murs blancs ni d'infirmières. Pas de cris stupéfaits ni de cavalcades dans les couloirs au sol plastifié. Seulement un corridor plongé dans la pénombre, familier.

Rassérénée, elle quitta la pièce sans un regard en arrière.

La maison était silencieuse. Les lourds rideaux étaient tous tirés, mais par quelques interstices, un rayon doré de soleil parvenait parfois à percer. Elle s'absorba quelques instants dans la contemplation des flaques de lumière sur le parquet vernis, puis elle tendit l'oreille, avant de se diriger à pas de loup vers le salon. Une respiration lente et profonde la guida jusqu'au canapé, placé dos vers la porte. Furtive, elle s'avança et haussa le menton, sourit à la vue de l'occupant du canapé, profondément endormi.

En chemise et pantalon de smoking, sa cravate de soie blanche à peine dénouée, Aidô semblait s'être allongé aussitôt rentré, sa veste hors de prix jetée sur le fauteuil voisin. Un livre ouvert reposait sur sa poitrine, comme s'il avait vainement tenté de se tenir éveillé. Sa tête, pendant son sommeil, avait légèrement roulé sur le côté, et ses cheveux blonds et ondulés s'étalaient avec opulence sur l'accoudoir de cuir. Ses longs cils frémirent brièvement, et ses lèvres eurent un très léger rictus, puis sa respiration s'apaisa de nouveau, plus profonde. Elle eut un sourire tendre : à quoi rêvait-il ?

Elle l'observa en toute impunité, le cœur battant. Le regarder dormir était un privilège rare – la plupart du temps, c'était lui qui s'éveillait le premier – et elle ne s'en lassait jamais : dans des moments comme celui-là, il abandonnait ses attitudes charmeuses et longuement étudiées, et le sourire innocent qui naissait alors valait toutes ces anciennes poses qui avaient fait sa réputation de tombeur à l'Académie.

Quand elle sortit de sa rêverie, elle s'était déjà accoudée au dossier du canapé pour le contempler en toute quiétude, et s'aperçut qu'elle fixait sa gorge avec insistance. Sous la peau d'albâtre, du fait de la position de sa tête qui exposait ainsi son cou, le battement de la carotide aurait été perceptible même pour un humain peu attentif. Elle déglutit sourdement, envahies de souvenirs, et longuement hésita à tendre une main par-delà le dossier, désireuse d'effleurer cette peau parfaite, frémissante au rythme de son cœur. Puis elle serra les poings et secoua la tête, les pommettes vaguement rougissantes. Il dormait trop bien…

- …Voyeuse.

Sur le point de s'éclipser, elle se figea, baissa les yeux. Le sourire innocent avait disparu, au profit d'un autre plus prononcé, un peu taquin. Lentement il ouvrit une paupière, et l'iris bleu se posa sur elle, brillant de malice dans la pénombre.

- Tu ne dormais pas, n'est-ce pas ? murmura-t-elle.

Il eut un infime hochement de tête.

- Plus depuis que tu es entrée dans la pièce. Tu t'améliores, mais n'est pas encore venu le jour où tu sauras me surprendre.

- Excuse-moi. Je ne voulais pas te réveiller.

Il ferma l'œil, se renfonça dans le creux du canapé comme un chat se blottit pour mieux prolonger sa sieste.

- Continue… ça ne me dérange pas, tu sais.

Il s'étira dans un long soupir. Elle comprit l'allusion et rougit davantage, secoua la tête.

- Non. Vu la façon dont tu t'es endormi, cette soirée mondaine a été éprouvante.

Comme pour démentir cet état de fait, elle sentit une main se refermer sur la sienne. En une fraction de seconde, il s'était déjà assis, le visage levé vers elle. Le livre tomba à bas du canapé dans un bruit mat, mais aucun des deux ne parut l'entendre.

- Pas tant que ça, Yori. C'était surtout ennuyeux.

Il se haussa encore, et elle cessa de réfléchir, se pencha par-dessus le dossier du canapé. Leurs lèvres se trouvèrent, s'amadouèrent avec une douceur qui comme à chaque fois la surprenait, la transportait. Lorsqu'il glissa une main le long de sa gorge puis derrière sa nuque, elle retint un soupir, approfondit leur étreinte. Subrepticement, elle sentit le fil un peu plus prononcé de ses canines, reflet de son désir. Il était doué pour tromper les apparences, mais il ne pouvait pas tout lui dissimuler : ça faisait quelques jours qu'il n'avait pas assouvi sa soif.

A contrecœur, elle rompit leur baiser.

- Aidô, je…

Elle sentit ses mains masculines se refermer autour de ses épaules et de son dos pour l'attirer, puis ses propres pieds quittèrent terre. Elle eut un cri de stupeur qu'il étouffa contre ses lèvres. L'instant suivant, elle avait basculé par-dessus le dossier du canapé et se retrouvait désormais allongée sur lui, étourdie, désarçonnée. Il nicha son visage dans ses cheveux cuivrés, puis eut un petit rire tandis que ses bras l'enlaçaient avec force, possessifs.

- Pour une fois que tu sors de ton antre, laisse-moi en profiter.

Elle resta incapable de riposter, l'une de ses joues cuisantes plaquée contre la soie fine de sa chemise. Environnée par la musique trépidante de son cœur, elle ferma les yeux, attendit. Mais Aidô eut un long soupir de bien-être, et peu à peu elle le sentit se détendre sous elle, sans pour autant relâcher l'étreinte de ses bras. Contrairement à ce qu'elle avait cru, il n'avait pas l'intention de la mordre. Pas que ça lui aurait déplu, cela dit… Elle devint écarlate en y songeant.

Les minutes passèrent, et elle put se détendre à son tour, bercée par la musique régulière de son cœur contre son oreille. Une autre chaleur remplaça peu à peu celle de son embarras, et elle se blottit davantage contre lui. Elle inspira discrètement, se gorgeant de son odeur familière et grisante.

- Aidô... ?

La respiration du jeune homme s'accéléra un bref instant, et elle sut qu'il avait commencé à s'assoupir.

- Mmh ?

Elle se redressa à demi pour chercher son regard.

- Merci. De garder tout ça pour toi.

Il ouvrit les yeux, la fixa d'abord sans mot dire d'un air ensommeillé. Puis un sourire bienveillant, amoureux, étira ses lèvres d'habitude moqueuses.

- Tout, plutôt que de te trahir.

Son sourire persista quelques secondes puis s'effaça. Il cilla un bref instant, et ses sourcils se froncèrent.

- Mais… es-tu bien sûre de toi ? Ce que tu fais avec ces souvenirs…

Encore un sentiment inhabituel qui perçait dans son regard : de l'inquiétude. Elle en fut bouleversée.

- Je me le suis promis, Aidô.

- Je sais bien…

Avec une douceur presque exagérée, il écarta une de ses mèches cuivrées de son visage.

- Je sais que c'est important. Mais est-ce que tu sauras tenir le coup cette fois-ci ?

Ses yeux bleus se voilèrent, et elle sut qu'ils avaient la même pensée, tous deux projetés sept ans en arrière.

Les cris, les pleurs. Les souvenirs trop lourds, trop nombreux, ingérables. Les crises de panique. Les gestes inconsidérés, les fugues. La tentative de suicide.

La décision d'internement, ordonnée par Saito Wakaba, le père de Yori.

Et une fois les souvenirs enterrés et les récits mis sous clé, la lente, si lente convalescence…

- Si jamais ça finissait comme… Comme il y a sept ans ?

La voix d'Aidô, si fière d'ordinaire, s'éteignit dans un souffle. Il cilla, conscient de l'importance de cette question. Aussitôt elle glissa sa main sur la sienne, la maintint contre sa joue.

- Il y a sept ans, je ne savais pas ce que je faisais. Et je ne t'avais pas à mes côtés, Aidô. Je t'aime. Si tu parviens à me faire confiance, je réussirai.

Il resta d'abord muet, stupéfait, et elle rougit davantage. Autant elle était à l'aise dans l'écriture de ce genre de tirades, autant elle n'assumait pas de s'engager ainsi à voix haute.

Puis il eut un pouffement de rire, et il l'enlaça avec une force insoupçonnée. Plaquée contre lui, le souffle coupé, elle l'entendit murmurer contre ses cheveux, qu'il embrassait avec ferveur.

- Imbécile… Imbécile. Bien sûr que je te fais confiance…

Rougissante, elle se blottit à nouveau contre lui, et soupira. Oui, heureusement qu'il était là. Pour l'épauler, pour garder le secret concernant son projet en cours. Pour l'excuser auprès de ses proches quand elle disparaissait sans prévenir, ou lors des repas d'affaires où ils étaient tous les deux conviés, quand elle brillait par son absence.

Pour la soutenir… Pour l'aimer.

- « Jusqu'à ce que la mort nous sépare, et au-delà encore »… Tu te rappelles ?

Elle eut un sourire. Elle ouvrit les paupières et caressa l'alliance qui ornait sa main masculine, identique à celle que portait son propre annulaire depuis deux ans.

- Yori… S'il te plait. Ça fait déjà plusieurs jours…

Elle déglutit d'appréhension, mais acquiesça d'un signe de tête. Elle se redressa pour le surplomber et aussitôt il captura ses lèvres, ses bras glissant depuis son cou jusqu'à sa taille fine pour la plaquer davantage contre lui. Elle eut un frisson, réprima un soupir de plaisir quand insidieusement il rompit le baiser, alla agacer son oreille de son souffle. Elle nicha son visage dans le cou d'Aidô, tremblante.

- Permets-moi d'en faire un peu plus. Pour toi, murmura-t-il.

Une langue goûta la peau offerte. Leurs deux respirations s'accélérèrent à l'unisson. Un gémissement s'éleva, à la fois surpris et empressé.

Puis Yori enfonça ses crocs dans la chair tendre de son amant, qui frémit mais resserra son étreinte. Le sang déferla sur sa langue, familier, voluptueux. Comme à chaque fois, elle goûta cette tendresse surprenante qu'il lui réservait, cet amour inattendu et partagé qui ne faisait que grandir au fil des ans.

Exaltée, elle s'abandonna.

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- Yori-chan !

Vertige. Nausée. La douleur.

- Yori-chan, ouvre les yeux ! Je t'en prie !

On la saisissait à bras le corps, la soulevait à demi le temps de placer quelque chose sous sa tête pour la soutenir. Des mains papillonnèrent sur ses blessures, affolées, comme incapable de choisir lesquelles compresser en premier. Il y en avait tant…

La douleur, atroce, omniprésente… qui peu à peu, s'estompait. Son souffle faiblissait. Son cœur battait la chamade, comme affolé lui aussi. Pourtant, une torpeur néfaste annihilait ses sens.

- Yori-chan ! YORI !

Elle ouvrit les yeux avec difficulté, mais sa vue vacillait. Elle peina à reconnaître celle qui la surplombait, l'identifia à sa silhouette, au son de sa voix.

- Yori, je suis désolée… tellement désolée…

Yûki. Elle pleurait.

Elle aurait voulu la rassurer, lui signifier qu'elle n'avait plus mal. Que son calvaire allait enfin s'arrêter, et que c'était tout ce qui comptait désormais. Mais les mots ne lui venaient pas. Sa voix s'était éteinte, comme la douleur.

Sereine, elle referma les yeux.

- Oh non, non ! Yori… ! Yori !

Son cœur ralentit enfin. Le néant l'engloutissait sans retour.

Et puis la douleur, encore. Différente. Au creux de son poignet. On aspira avec précaution. Une seule gorgée, à peine. Puis on reposa son bras inerte.

- Yori… Je t'en supplie…

Un autre bruit de morsure, plus lointain, mais elle ne ressentit rien cette fois-là. Puis le silence. On lui saisit avec douceur le menton, et des lèvres tièdes se posèrent sur les siennes glacées : un liquide chaud glissa sur sa langue, au goût puissant et métallique. Elle n'eut pas la force de réagir, et sur le point d'étouffer, elle parvint dans un effort immense à déglutir. Une fois, deux fois. Trois fois.

Les lèvres s'éloignèrent. Des mains empaumèrent ses joues, tremblantes, tandis qu'un front se posait contre le sien.

- Pardon, Yori-chan… Pardon ! Mais je ne peux pas te laisser mourir… Je m'étais jurée de ne jamais imposer cette vie à quiconque… Mais au moins tu ne souffriras plus. Je dois partir maintenant. Mais tu as pris mon sang, donc tout ira bien. Et Zero va venir, je sais qu'il prendra soin de toi… il te nourrira, il te protégera…

Des gouttes fraîches tombèrent sur ses pommettes. Des larmes.

- Dis-lui… Dis-lui ce que tu sais. Tout ce que je ressens pour lui. Il m'en voudra, j'en suis sûre. Mais demande-lui de me pardonner… Et toi aussi, Yori… Pardonne-moi.

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- Yori… ?

Le sang d'Aidô avait cessé de couler. Ses crocs rengainés, elle garda ses lèvres scellées sur sa peau, attentive à n'en laisser échapper aucune goutte. Puis quand les deux coupures furent en passe de cicatriser, elle délaissa sa gorge, reposa la tête sur sa large épaule, les yeux fermés.

Silencieuse, elle savoura l'effet que lui procurait ce sang tant aimé dans sa propre chair. Indescriptible. A la fois similaire et différent de tout ce qu'elle avait pu expérimenter via les souvenirs

Le sang d'Aidô. Il n'y avait que celui-là qui parvenait à égaler Yûki, la Sang-Pur qui l'avait transformée. Celle qui par un inexplicable coup du sort, avait éveillé en elle un étrange – et terrible – pouvoir…

Yûki

Elle murmura, d'une voix si rauque, presque plaintive, que dans d'autres circonstances, elle en aurait été embarrassée.

- Aidô, ça va… ?

Pour toute réponse, il déposa un baiser fervent sur son front.

- Tu m'en laisses toujours assez. Repose-toi.

Elle soupira d'aise. Maintenant que la soif s'estompait, plus rien ne tenait à l'écart la fatigue accumulée des derniers jours, et le sommeil la gagnait. Elle lutta pourtant.

- Mais, et toi… ?

- Plus tard. Dors.

Dans un grognement d'effort il s'étira sous elle, et entrouvrant les paupières, elle le vit tendre le bras pour saisir sa veste posée sur le fauteuil voisin, avant de l'en couvrir. Environnée de son odeur et de sa chaleur, pelotonnée contre lui, elle aurait voulu se laisser aller.

Hélas, c'était sans compter les souvenirs.

« Yori-chan ! »

« Yori… Pardonne-moi. »

Les siens, et les autres.

Elle pinça les lèvres tandis que les larmes lui venaient.

- Merci, Hanabusa… de comprendre.

Il eut un soupir amusé, enlaça ses épaules menues d'un bras protecteur.

- Tu me remercieras plus tard. Dors, j'ai dit.

Elle acquiesça en silence, mais dans cette semi conscience qui l'habitait, elle ne pouvait plus rester digne et forte. Quand ses larmes roulèrent sur ses joues et vinrent imprégner la chemise d'Aidô, celui-ci frémit.

- Yori… ?

- Elle me manque, tu sais… Ils me manquent tous les deux. Zero… et Yûki.

Elle eut un sanglot étouffé, et Aidô resserra doucement son étreinte.

- Ça fait si longtemps… et j'ai beau savoir qu'ils sont certainement mieux là où ils sont, je… Ils me manquent tellement ! Et avant qu'elle ne s'en aille, j'aurais voulu…

« Pardonne-moi, Yori. »

- … j'aurais voulu lui dire que je ne lui en veux pas… de m'avoir transformée. Je n'en ai jamais eu l'occasion…

- Je sais, Yori. C'est pour ça que tu écris. Pour surmonter leur disparition, dominer ce pouvoir de sang. Apaiser les souvenirs qu'ils t'ont légués. Conter le pourquoi de la mort de Kaname-sama, et faire en sorte qu'une telle tragédie ne se reproduise pas. Je sais tout ça…

Il dénoua d'une main sa cravate de soie blanche, la lui présenta afin qu'elle puisse essuyer ses larmes. Elle n'eut pas la force de résister, et plongea son visage dans le tissu délicat, imprégné de son odeur.

- Dors, maintenant. Je suis là.

Sa voix tranquille se fit l'écho du sang qu'il lui avait donné. Il était là, et il serait toujours là…

Elle baissa les paupières. Tandis qu'elle assimilait progressivement l'essence tant aimée, les souvenirs s'estompaient enfin, remplacés par ceux de son époux. Contre son oreille, sa poitrine d'homme se soulevait d'un rythme serein, qui la berçait doucement. Le cœur d'Aidô murmurait, apaisant, inexorable, l'enveloppait de son chant sourd. Elle s'y abandonna.

Dans un recoin de son esprit, des montagnes et des forêts enneigées défilaient sans fin sous un ciel bleu d'azur. Assise près d'un hublot, à l'abri du froid et du vent, une femme brune à l'allure familière observait le paysage blanc sans mot dire.

Dans un fauteuil face à elle, un homme semblait assoupi, les bras croisés, la main négligemment posée sur le pistolet d'argent dans son holster de poitrine. Quand il rouvrit les paupières, il s'aperçut qu'elle avait cessé d'observer le paysage et le contemplait en silence.

Ils échangèrent un simple regard. Elle eut un léger signe de tête, lui un simple battement de cil entendu.

Puis elle reporta son attention sur les étendues glacées tandis qu'il refermait les yeux, les sens malgré tout aux aguets. Aux portes du sommeil, Yori esquissa un sourire reconnaissant à leur intention.

Elle n'échouerait pas une seconde fois. Elle écrirait, encore et encore, sur eux, sur leur quête, leur lien. Rien ne pourrait plus l'arrêter. Et Hanabusa veillait sur elle… Si elle perdait pied un jour face à la violence de ces souvenirs, il saurait quoi faire.

Lointaines et étouffées, les voix d'autrefois murmuraient à l'orée de ses rêves, porteuses d'images et de décors qu'elle n'avait pour la plupart jamais vus de ses propres yeux.

« Nous pouvons essayer de te faire retrouver ta mémoire, Yûki, mais cela reste incertain. »

« Faites-le, Kaien. Je m'y suis préparée. »

« Cela risque d'être douloureux. »

« …J'ai vécu bien pire. »

Un tribunal. Des Sang-Purs et des aristocrates par dizaines, silencieux, réprobateurs. Face à eux, Zero et Yûki. Seuls contre tous, mais inébranlables.

« Au nom de mon frère, je viens réclamer vengeance pour les crimes innommables commis contre ma famille. Que tous ici prennent acte de mon serment : je n'aurais de repos qu'après avoir châtié le responsable comme il le mérite. »

Un long voyage semé d'embûches qu'il fallait encore conter.

« Yûki, l'assassin de Kaname, ça ne peut être que… »

Une vérité révélée depuis bien longtemps, source d'autant de souffrances que de soulagement, qu'il appartenait à Yori de mettre en mots, en images concrètes.

Jusqu'à ce que s'apaise cette mémoire du sang qu'ils lui avaient légué.

« Yori-chan, ouvre les yeux ! »

« Pardonne-moi, Yori-chan…. Tu vivras, mais pardonne-moi… »

Un cachot. Prison sans espoir. Cet endroit sombre où elle était devenue vampire…

Le sacrifice de Yûki pour qu'on l'épargne. Son retour à la civilisation, désormais vampire, stabilisée mais perdue sans sa maîtresse…

« Zero-kun… Zero-kun, c'est toi ! »

« Yori-san… Où est Yûki ? »

« Elle est restée là-bas. Elle est restée avec eux… Retrouve-la, Zero-kun ! Retrouve-la… »

« C'est elle qui t'a… transformée, n'est-ce pas ? »

Jusqu'à ce que les souvenirs puissent reposer en paix, eux aussi.

Crépuscule. Un manoir ancien, éloigné de tous et de tout. Une vie à bout de souffle, une âme sur le point de s'éteindre.

« Zero… Si je tirais un trait sur tout ça, si je choisissais de fuir, de tout recommencer… Resterais-tu avec moi ? »

« C'est ce que tu souhaites, Yûki ? »

Ecrire ces chroniques ensanglantées qui la tourmentaient depuis si longtemps. Transmettre le poids de ces souvenirs à l'encre et au papier, pour enfin s'en libérer. Et alors seulement, Yori pourrait vivre à son tour, pleinement.

Sereine. Comme eux l'étaient probablement, quelque part. Hors de portée.

Ailleurs. Ensemble.

« Ma vie t'appartient, Yûki. Depuis le premier jour. Et à jamais. »

Une nouvelle fois, elle sentit monter des larmes qui ne lui appartenaient guère. Comme mû d'une intuition, Aidô resserra son étreinte.

Et le sourire aux lèvres, Yori sombra dans un profond sommeil.

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Bloody Cross Chronicles

First Act

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To be Continued…

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Merci.

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Dans l'espoir de connaître vos impressions, un jour prochain

RDV sur ma page pour les curieux.

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Une belle fin d'année à tous, et à très bientôt j'espère.

Bien à vous,

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Votre fidèle éditrice,

Elenthya.