Chapitre 1 :

Cercle vide

L'écran de l'ordinateur devant lui demeurait un cadre désespérément immobile. De temps à autre, par assauts irréguliers, ses doigts venaient rencontrer les touches du clavier, les frôlaient un instant, puis s'éloignaient à nouveau. La machine ronronnait paisiblement tandis qu'une lumière blafarde éclairait son pâle visage. Un long soupir s'échappa de sa bouche entre-ouverte et il laissa sa tête tomber vers l'avant, jusqu'à ce que son front atteigne le bois de la table.

Depuis bientôt un mois maintenant, chaque jour, chaque soir, il s'installait devant ce morne appareil et se figeait. Son imaginaire, loin d'être tari, bouillonnait mais l'inspiration, elle, ne venait pas. Il ne parvenait plus à mettre en mots, à donner une forme et un sens à cette multitude d'images et de sentiments qui l'assaillaient. Ses yeux noirs se perdaient dans le carré angoissant de l'écran des heures durant, sans qu'aucune ligne ne soit écrite. Alors que les critiques vantaient ses accroches et ses chutes magistrales, son univers si particulier, tout à la fois torturé et poétique, le voilà qui ne parvenait plus à en saisir l'essence.

Pourtant, il avait réussi. Lui-même avait terriblement douté, pensant qu'aucun homme raisonnable ne pourrait comprendre et apprécier ce qu'il écrivait. Il regrettait chacun de ses textes, tout comme il les aimait avec ardeur. Ils étaient sombres, complexes et quelques fois flous. Il n'y parlait pas de lui, refusant de céder à la facilité de cette tendance manifeste au nombrilisme primaire. Tous ces auteurs qui étalaient sur des pages leurs séances d'analyse lui donnaient la nausée. Non, lui, il avait ses personnages, ces êtres si proches et si lointains, multiples et semblables. Il y en avait un, surtout, qui réapparaissait systématiquement, un personnage qui le hantait sans qu'il sache pourquoi, un individu détaché, froid, cruel, qui ne s'ouvrait jamais aux autres et qui pourtant les fascinait follement. Il les attirait, tous ; il n'était pas plus beau ou plus laid qu'un autre, bien que lui-même fut fasciné par le beau. Ce personnage avait simplement une aura extraordinairement tentatrice, un charme qui lui rappelait l'orchidée, fleur traitresse et magnifique.

Oui, il avait réussi, il s'était fait un nom, il avait été encensé par les critiques les plus intransigeants, il avait vendu comme peu d'auteurs de son âge vendaient. Était-ce le succès qui lui était monté à la tête, qui lui avait fait perdre les derniers fragments de son humilité, et qui, maintenant, punissait sa vanité en lui volant son inspiration et son talent ? Son écriture était spontanée, naturelle et fluide. Elle perdait tout son sens dès lors qu'elle était pour lui douloureuse. Il fallait se ressaisir, redevenir cet être talentueux et inspiré. Il ne connaissait pas les raisons de ce brutal changement, mais s'il laissait la situation s'aggraver, il perdrait ce qui était devenu sa seule source de bonheur véritable.

Derrière lui, le grincement d'une porte qui s'ouvre lui fit relever la tête. Prestement, il ajuste une mèche que la fusion de son front avec le bureau avait collé à la peau. Sans un bruit, il se retourna, pour regarder l'individu qui venait de faire son entrée. Une tasse de café fumant à la main, le roux déambula dans le salon sans le voir, ses grands yeux turquoises égarés dans un vide qu'il ne pouvait saisir. Les lunettes pendant à l'embrasure de sa chemise lui signifièrent qu'il sortait d'une longue et complexe lecture, qu'il n'avait pas tout à fait quitté encore.

Il aimait vivre avec Gaara. Leur collocation, au commencement, lui était apparue comme la pire solution envisageable. Il avait toujours vécu seul, bien avant sa majorité, bien avant d'avoir l'âge de comprendre le sens des mots indépendance et solitude. La présence d'un autre, pensait-il, violerait son intimité et sa pudeur. Il s'y refusait tout à fait. Son isolement était nécessité.

Puis, presque deux ans plus tôt, lorsque des raisons matérielles et financières eurent raison de ses ultimes réticences, il comprit qu'il n'aurait pu espérer dénouement plus agréable. Le roux était un être calme, quoique certainement tourmenté, mais surtout au moins aussi solitaire que lui. Alors, dans un accord tacite, leur vie commune s'était aménagée de sorte que chacun réserve la place nécessaire à cette pudeur excessive qu'ils avaient en commun. Les repas ensemble n'étaient pas de rigueur et leurs rares activités partagées consistaient en de longues soirées passées plongés dans des livres ou des films en noir et blanc. Même s'il appréciait Gaara, qu'il tenait pour l'homme le plus intelligent de ses connaissances, il ne cherchait pas particulièrement sa présence. De temps à autre, ils avaient des conversations conceptuelles, abordant avec plus ou moins de passion le monde qui les entourait, qu'ils refaisaient à leurs heures perdues. Et puis, il y avait tous ces moments qu'ils passaient avec leurs amis communs, au sein de cette communauté étroite et soudée, où ils reprenaient leurs rôles respectifs, sans même constater que l'autre n'était plus le même. Car ils n'étaient jamais aussi authentiques que lorsqu'ils étaient seuls. Pour les amis chers, pour les amants, même pour l'autre, il y avait toujours un peu de place sur leurs visages pour les masques qu'ils avaient été contraint de se forger. La crainte de ne pas être accepté, de ne pas avoir sa place au sein du groupe, était plus forte que les liens qui les unissaient les uns aux autres.

Quand Gaara avait commencé à fréquenter un de ses propres amis, il en avait presque été heureux, bien que dubitatif quant à l'assortiment qu'ils formaient. Bien sûr, il n'avait pu s'empêcher de se questionner encore un peu plus quant à sa propre incapacité à établir une relation stable, mais le milieu dans lequel il évoluait en tenait si peu rigueur qu'il avait fini par oublier, par ne plus penser ce vide étrange qu'il tentait de combler par ses écrits et ces nombreux amants, passagers éphémères de sa morne existence. Il aimait la vie qu'il vivait et il n'avait jamais envisagé la vivre autrement. Il côtoyait ses semblables, des êtres qui le comprenaient évidemment et complètement. Il ne voulait, il ne pouvait pas se confronter à un autre monde, à d'autres personnes. Sans doute était-il dévoré par ses préjugés, peut-être se privait-il d'une richesse incomparable, sûrement craignait-il à tort ce qu'il n'envisageait même pas, mais l'immobilisme demeurait nécessaire. Cette communauté était une cage ; sa prison salvatrice.

Gaara s'aperçut enfin de sa présence et s'approcha de lui d'un pas posé. Il se pencha au-dessus de son épaule et fixa quelques instants l'ordinateur d'un regard triste. Sasuke pouvait sentir son souffle contre l'arrière de son oreille. Il était chaud et le chatouillait légèrement, telle une caresse légère, aérienne. Il fut presque contrarié de ne plus la sentir lorsque l'autre se redressa pour lui lancer d'une voix neutre : « Tu n'as toujours pas avancé ? ».

Question purement rhétorique, n'appelant aucun réponse. Le brun ne le savait que trop bien et il aurait donné cher pour savoir ce que Gaara pensait en cet instant même. Le jugeait-il ? Le trouvait-il paresseux ? Avait-il jamais pensé qu'il eut un quelconque talent, de toute façon ? Il n'était pas du genre à dire ce qu'il pensait ou à exprimer un jugement à voix haute. Il était de ceux qui écoutent, inlassablement, qui prononcent les mots qu'on désire entendre et posent les questions qui méritent d'être soulevées. Le genre de personnes que l'on aime avoir près de soi lorsqu'on a besoin d'être considéré. Dont la présence, en revanche, pouvait être presque irritable quand des angoisses mystérieuses faisaient surface. Sasuke savait que le roux avait son opinion sur tout ce qui lui arrivait. Et il savait aussi qu'il n'en dirait rien. Il sentait monter en lui un sentiment de colère et de frustration étouffant.

« Je ne comprends vraiment pas, commença-t-il.

_Ton blocage ? demanda presque assitôt Gaara.

_ Oui... Dis-moi, toi, comment le comprends-tu ?

_ Pourquoi devrais-je le savoir ? »

Il avait horreur que le roux lui réponde à une question par une autre interrogation. Et il le faisait souvent ; trop souvent. Surtout lorsqu'ils abordaient des sujets les touchant personnellement, des sujets graves, qui gagnaient les confins de leurs inconscients respectifs.

« Parce que tu es psy, rétorqua Sasuke, impatient.

_ Je ne pensais pas que quelqu'un d'aussi intelligent que toi tomberait dans ce genre de lieu commun, soupira l'autre, qui enchaîna immédiatement lorsqu'il entendit le claquement de langue agacé de son comparse. Être psychanalyste ne me confère pas de pouvoir surnaturel, tu sais. Je ne peux pas décrypter l'intériorité des autres. Et je peux encore moins comprendre des problèmes dont ils ignorent eux-mêmes l'origine ou le sens. »

Sasuke sentit une pointe d'exacerbation dans le ton du roux lorsque celui-ci prononça cette dernière phrase. Il avait peut-être été trop loin. Son omniprésent cynisme et son penchant naturel pour l'ironie avaient tendance à l'amener à pousser les gens hors de leurs retranchements. Ce petit jeu dont il n'avait même plus conscience était souvent mal vécu par ses victimes. Mais Gaara en avait toujours saisit les subtilités et les nuances ; il était donc d'autant plus inquiétant de le voir presque énervé de le réflexion du brun. Était-ce lui qui avait exagéré la caricature par sa remarque ou était-ce le roux qui était particulièrement susceptible ces derniers temps ?

« Ce n'est pas ce que je voulais dire, confessa-il en guise d'excuse.

_Je sais bien. Si tu veux mon avis de spécialiste, tu devrais arrêter de passer des heures devant cet écran vide. Commence par te changer les idées, ne t'acharne pas. »

Devant l'air dubitatif du brun, il continua : « Neji et moi avons prévu de sortir ce soir. Rien de particulier, certainement une soirée relativement tranquille _ même si, tu le connais, il n'est pas du genre à rester tranquille. Pourquoi ne te joindrais-tu pas à nous ?

_ Moi ? Pourquoi pas. Mais je me demande si Neji appréciera...

_ Ne t'en fais pas pour lui. Il grogne beaucoup, mais ne mord pas.

_ Alors là, c'est toi qui le dit ! »

Cette dernière remarque fut saluer d'un sincère éclat de rire des deux jeunes hommes. Sasuke avait du mal à y croire, mais il semblait bien que le roux tentait de le réconforter, de le faire rire, de briser le cercle vicieux dans lequel il s'enfermait. Et, même s'il n'avait jamais aimé s'inviter aux soirées en tête à tête, la perspective de celle-ci le réjouissait presque. Depuis que son inspiration était au point mort, en effet, il avait mené une vie quasi-monacale, sortant aussi peu souvent que possible, s'obligeant à passer des heures face à cet écran qu'il maudissait à présent, et ne s'accordant que quelques plaisirs dont il ne pouvait se passer, comme ces longues marches à la nuit tombante, où il pouvait admirer les volutes de fumée de sa cigarette se dissiper dans le ciel noir et silencieux, ou au contraire les vernissages, les bars et les concerts, les salles saturées par une foule avide de distractions. Qui plus est, il connaissait Neji et Gaara pour des hommes ne posant pas trop de questions et à même de respecter sa pudeur et son intimité. Alors, il pourrait se sentir en confiance et s'oublier un peu, mettre de côté cette angoissante incapacité à écrire et ce vide qui grandissaient toujours un peu plus en lui.

***

Le soir tomba avec une douce et divine lenteur, laissant le temps à l'impatience de dévorer chaque parcelle de son corps et de son esprit. Il allait fumer une sixième cigarette sur la terrasse envahie par l'obscurité lorsque Gaara frappa un seul coup sec à la porte de sa chambre. Sasuke rangea le paquet dans la poche de sa veste et se dirigea prestement vers la porte qu'il ouvrit d'un geste trop brusque. Derrière elle, le roux fronça les sourcils, sans un mot, et le détailla de son regard perçant. D'un haussement d'épaule irrité, le brun lui fit comprendre qu'il ne valait mieux pas lui poser de question ou même seulement se permettre une remarque quant à son état d'énervement. Il ne le savait que trop bien, que son actuel bouillonnement intérieur était anormal et n'avait rien à voir avec celui qui le saisissait lorsqu'il écrivait. Celui-là était malsain, lunatique et indéchiffrable. Il fallait à tout prix qu'il le surmonte, qu'il le comprenne pour le dépasser ; il fallait être patient, aller à l'inverse de sa nature intrinsèque qui voulait que tout soit pour lui évident, et attendre, réfléchir, travailler sur soi. En attendant, il fallait qu'il s'éloigne de cette chambre et de cette maison, où il lui semblait que flottait son incapacité à faire face, à redevenir l'écrivain de génie, l'homme détaché et séduisant. En attendant, il fallait faire semblant de l'être, comme pour l'exhorter à reprendre sa place.

Ils retrouvèrent Neji devant un bar qu'ils fréquentaient tous trois avec une régularité effrayante ; un lieu qui accueillait majoritairement des gens comme eux. Ce genre d'endroit était connu de toute la communauté homosexuelle, renforçant le mythe qui voulait qu'ils se connaissent et se fréquentent tous. Mythe évidemment erroné ou tout du moins déformé. Sasuke estimait connaître beaucoup d'homosexuels, effectivement, mais n'avait eu de rapport intime qu'avec relativement peu d'entre eux, au final. La véritable particularité de cette sphère dans laquelle il évoluait était sa délimitation et sa finitude. Ainsi, les amants passés étaient souvent destinés à devenir des amants futurs, au gré de ses envies. Sasuke ne se faisait aucune illusion : il était un homme éminemment désirable, à la fascinante beauté. Mais il avait l'humilité de reconnaître que son attrayant physique était loin de faire de lui un homme idéal. De plus, quel mérite y avait-il à être beau ? A priori, aucun. Bien au contraire, il préférait aux hommes beaux ceux aux traits et au corps imparfaits, mais dont le charme transcendait cette imperfection.

Aussi, ses amis pouvaient-ils être quelques fois surpris de voir défiler dans son lit des hommes somme toute quelque peu banals, ni particulièrement laids, ni particulièrement beaux. Plus étonnant encore, il semblait que Sasuke éprouvait une certaine réticence à fréquenter des êtres aussi bien faits que lui-même. Cette réticence tenait même peut-être de la peur, une crainte littéralement inexplicable et que même Gaara ne parvenait pas à s'expliquer. Il fut pourtant un temps où le roux était également un misanthrope, bien que d'un autre genre, tétanisé par le contact humain et persuadé de la faiblesse et de la bassesse des sentiments. Il avait opéré sur sa propre personne un travail de longue haleine pour parvenir à se lier d'amitié avec ceux qu'il fréquentait aujourd'hui. Quant à ses premiers amants il n'avait pu les connaître qu'embué par trop d'alcool. Jusqu'à ce qu'il rencontre le beau Neji, et se persuade que les hommes n'étaient en vérité que de pauvres et tristes créatures, non pas les êtres cruels qu'il s'était injustement figuré.

Dans le bar bruyant où planait une enivrante odeur sirupeuse, Neji abreuvait les deux autres hommes d'un flot d'explications quant à la prochaine chorégraphie mise en scène par sa compagnie, se plaignant tour à tour de l'inexactitude d'un mouvement, du manque de rigueur d'un des danseurs et du choix inesthétique des costumes. Gaara le regardait fixement, semblant l'entendre plus que l'écouter, tandis que Sasuke lançait de temps à autres à un jeune homme au fond de l'établissement des regards lourds de sous-entendus, cédant à ce que Neji appelait « son instinct de chasseur ». Le brun devait se rendre à l'évidence : séduire était pour lui un besoin, plus crucial et fondamental que le rapport sexuel ou le sentiment amoureux. Sans doute cherchait-il à se rassurer ? Du moins, était-ce ce que pensait Gaara, qui n'en disait cependant rien, de peur de froisser l'orgueil ô combien démesuré de l'écrivain.

Quelques cocktails plus tard, les trois compagnons ne semblaient plus rien avoir à se dire. A leur décharge, il fallait admettre que l'attitude de Sasuke n'y était pas étrangère : il avait tant espéré que cette soirée ait un quelconque effet magique, comme une révélation ou une délivrance soudaine, que sa déception était incommensurable et qu'il s'employait donc presque avec plaisir à être mécontent de tout. Et ce d'autant plus que le jeune éphèbe qu'il avait repéré quelques heures plus tôt avait depuis quitté l'assemblée. Il en venait à regretter d'être venu ; non pas qu'il juge avoir gâché la soirée des deux autres. Il pensait, dans ce moment critique où son équilibre psychique lui paraissait plus que jamais en jeu, uniquement à lui-même. Bien sûr, comme beaucoup de créateurs, il avait une tendance naturelle à l'égocentrisme. Mais celle-ci était étrangement décuplée alors même qu'il ne parvenait justement plus à être ce créateur, alors même qu'il ne parvenait plus à écrire...

Son regard noir s'assombrit davantage et il le plongea avec détermination vers le fond de son verre où, entre les cubes translucides des glaçons, s'enfonçait droite comme un pic une paille en plastique. Gaara, de son côté, le fixait avec une attention et une inquiétude non dissimulée. Malgré ses propos, il était certain que le roux avait un don et un savoir qui lui permettaient de cerner les autres. Il comprenait leurs peines parfois mieux qu'eux-mêmes et devait souvent se faire violence pour ne pas leur hurler leurs vérités. Car il savait qu'il était inutile de dire des évidences. Il fallait en faire l'expérience. Mais, concernant Sasuke, il craignait de plus en plus que cette expérience-ci ne finisse véritablement de manière fâcheuse...

Neji commençait à se sentir terriblement mal à l'aise. Contrairement aux apparences, il n'était pas d'une nature bavarde. Son talent pour la danse n'était d'ailleurs ni plus ni moins que la traduction de cette difficulté qu'il éprouvait à s'exprimer et à communiquer. Il employait son corps, objet idéalement fin et gracieux, pour transmettre des émotions puissantes, subtiles. Aussi, n'était-il jamais aussi mal à l'aise que lorsqu'il se trouvait dans un espace confiné doublé d'une atmosphère tendue. Dès lors, il perdait ses moyens d'expression physique et son habituelle arrogance laissait place à un manque d'habileté presque touchant. Ce fut avec cette gaucherie, donc, qu'il engagea une nouvelle conversation avec ses deux interlocuteurs égarés dans leurs pensées.

« Je ne sais pas si vous la connaissez, mais ma cousine s'est récemment fiancée. J'ai rencontré son compagnon cet après-midi... »

Le brun cessa subitement de fixer le fond de son verre et redressa la tête pour la tourner vers Neji, dont l'inconfort était palpable.

« Vraiment ? Mignon ? questionna-t-il avec un sourire plein de malice.

_ Pas trop mal dans le genre, mais il est...enfin, vous voyez quoi... »

Devant son hésitation, Gaara l'interrogea plus minutieusement, jusqu'à ce que le danseur, las de tergiversations, lance : « Dans le genre hétéro de base ! »

Les trois hommes partirent d'un rire sonore, qui fit se retourner une bonne partie de l'assemblée. L'expression qu'avait employé Neji pouvait être classée au rang des pires insultes pour lui et ses amis. Bien entendu, on ne pouvait parler d'hétérophobie. Il s'agissait plutôt d'un qualificatif qu'ils attribuaient à ces hommes qui répondaient à un certains nombres de stéréotypes propres aux hétérosexuels « primaires », selon leurs propres termes. En tout cas, cette seule boutade remit les jeunes hommes d'aplomb, qui se prirent à imaginer divers ressorts et stratagèmes qui pourraient amener le tout frais fiancé de la cousine de Neji à rejoindre leur bord.

La soirée prit fin tard dans la nuit. Sasuke ne s'en trouva pas guérit de son trouble pour autant, mais il compensa dignement cette déception en achevant la matinée naissante en compagnie d'un des charmants clients du bar...