Coucou tout le monde!

Tout d'abord, une très belle et heureuse année à tous! J'espère que vous avez tous passé de bonnes fêtes!

Ensuite je tiens à remercier tous ceux qui ont patienté si longtemps pour lire la suite de cette histoire et qui doivent involontairement composer avec mon emploi du temps.

J'ai eu quelques soucis pour répondre aux reviews ces derniers temps car pour une raison inconnue je tombe sur un lien inactif une fois sur deux. La répartition des liens inactifs semble être très aléatoire, ce qui n'aide pas! Néanmoins je ferais de mon mieux pour répondre et si une réponse à une question primordiale est indispensable, n'hésitez pas à utiliser le message privé si je n'ai pas répondu après une semaine!

Je ne vais pas vous maintenir plus longuement éloignés de ce chapitre alors je me tais!


Bonne lecture!


Chapitre 16

Poudlard, une soirée d'hiver de l'année 2015.

Harry Potter trébucha au sortir de la cheminée. Il avait fini par acquérir une certaine sophistication après avoir passé autant d'années aux côtés de Lucius mais il n'avait jamais pu se faire au voyage par cheminette. Son énervement ne l'aidait certes pas à contenir sa maladresse naturelle en la circonstance. Il avait bien cru défaillir lorsque le patronus de Severus était arrivé pour l'avertir que sa fille avait réapparu entre les murs de Poudlard. Jamais encore il n'avait expédié un patient de la sorte mais que diable, personne ne trouverait moyen de le lui reprocher !

- Papa !

Une grande blonde quitta le sofa sur lequel elle était assise et se jeta dans ses bras. Harry relâcha un soupir tremblant et la serra fortement contre lui.

- Ne refais jamais ça ! La prochaine fois que Samael joue encore les apprenti-chimistes, laisse-le se débrouiller seul avec les conséquences. J'ai bien cru que tu ne reviendrais jamais.

- Tu savais pourtant que j'étais repartie, marmotta Elianthe, sa voix étouffée dans la robe de médicomage de son père.

- Ne prends pas ce ton avec moi, jeune fille ! J'ai eu la peur de ma vie ! Je préfèrerais que vous rameniez Voldemort à la vie la prochaine fois au lieu de courir par monts et par vaux dans les couloirs du temps, je serais plus à l'aise. Le fait que tu sois effectivement partie du passé ne signifiait en rien que tu étais revenue dans ce futur-ci. Tu aurais pu atterrir à n'importe quel autre moment de la trame temporelle, passé ou avenir, sans parler de tout ce qui aurait pu mal se passer.

- Oncle Sev a testé la potion et…

- Je sais. Mais il n'est pas allé jusqu'à pratiquer des essais sur un organisme vivant. Jusqu'à preuve du contraire, tu n'es pas une citrouille !

Harry déposa un baiser dans la chevelure soyeuse d'Elianthe et daigna relâcher quelque peu son étreinte d'ours pour la laisser respirer.

- Je veux la garder au manoir pour le week-end, exigea-t-il en posant pour la première fois les yeux sur le maître des lieux, impassible derrière son bureau.

- Excellente idée, je ne veux revoir aucun de ces élèves avant lundi, accepta Severus d'autant plus aisément qu'il avait lui-même harcelé Minerva, menaçant de ne plus lui fabriquer ses Chaudrons chocolat/caramel/copeaux de fraise si elle ne l'autorisait pas à retirer temporairement son fils de l'école. Il avait fermement l'intention de le cloîtrer au Square Grimmauld aussi longtemps qu'il le pourrait et peu importait qu'il détruise définitivement son image d'imperturbable tortionnaire.

- Nous allons te laisser dans ce cas, déclara poliment Lucius en se levant souplement du sofa qu'Elianthe avait quitté depuis peu. Tu es sûrement attendu de ton côté.

Harry n'était pas surpris que Lucius soit arrivé à Poudlard avant lui. L'avantage d'être à la tête d'une organisation financière du calibre de celle de l'aristocrate était qu'il pouvait à loisir se décharger sur ses employés des affaires courantes en cas de nécessité et que rien ne l'empêchait de déprogrammer une réunion ou un rendez-vous au dernier moment. Le fait qu'il n'abuse pas de cette possibilité rendait ses partenaires d'autant plus à même d'accepter un report les rares fois où cela se produisait. Harry ne pouvait quant à lui faire faux bond à ses patients de cette façon. Il refusait de mettre leur vie en jeu pour ses petits ennuis personnels et seules les catastrophes lui faisaient repousser une visite.

Retrouver sa fille n'avait heureusement rien d'une catastrophe – elle lui paraissait en excellente santé – et il était parfaitement certain que la charmante Miss Hornby ne s'était pas offusquée qu'il écourte la séance et ne prenne pas en cette occasion le temps de papoter avec elle de ses petits soucis quotidiens comme il le faisait généralement avec ses patients âgés. Enserrant fermement sa taille, il entraîna la jeune fille jusqu'à la cheminée et y entra avec elle malgré l'étroitesse de l'âtre pour deux personnes. Une pincée de poudre de cheminette plus tard, ils se tenaient dans le hall du manoir Malfoy, mettant suffisamment de distance entre eux et la cheminée pour laisser à Lucius la place d'émerger à son tour des flammes.

Celui-ci avait à peine pris pied dans son manoir qu'il envoya promptement sa fille faire un brin de toilette avec l'ordre non négociable de venir au petit salon dès qu'elle aurait achevé ses ablutions afin de présenter un compte-rendu complet de son absence, la présentation d'excuses n'étant pas explicitement exigée mais implicitement vivement conseillée. Lorsqu'elle eut disparu au détour d'un corridor, Lucius poussa plus ou moins son mari dans le salon bleu et s'installa sur le sofa. Il n'eut guère le temps de respirer avant que son calice ne se laisse choir sur ses genoux, appuyant le front sur son épaule.

Il glissa les bras autour de la silhouette tremblante et lui caressa le dos du bout des doigts dans un mouvement répétitif et hypnotique qu'il savait calmant.

- Je n'avais pas réalisé… soupira le Survivant.

- Que tu étais tendu comme un arc préhistorique ? Tu m'as mis les nerfs en pelote dès que tu as appris la nouvelle et j'ai eu bien du mal à ne pas massacrer la moitié de mes employés en réaction à tes humeurs.

Sa remarque lui attira un ricanement un peu acide.

- Si je n'ai plus le droit de m'inquiéter…

- Bien sûr que si. Je ne critique pas, je souligne l'évidence. Je n'ai pas non plus été à prendre avec des pincettes. Il est rageant d'être parfaitement impuissant dans de telles circonstances.

- Le monde tourne toujours sur son axe ?

- Pardon ?

- Qu'un Malfoy puisse admettre se sentir impuissant est un miracle. Je ne pensais pas l'entendre un jour. Une parole d'une telle rareté a très certainement eu des conséquences cosmiques…

- Tais-toi, lui intima Lucius, emprisonnant le menton de son calice entre ses doigts et le forçant doucement à redresser la tête pour le bâillonner d'un baiser.

Il avait depuis longtemps appris qu'il n'y avait pas plus sûr moyen d'empêcher son Gryffondor de babiller lorsqu'il était nerveux ou excité. Le corps aux muscles noués qui le chevauchait se détendit progressivement et se colla au sien. Il mit rapidement fin au baiser malgré le couinement mécontent que cela suscita car il savait que leur fille ne s'attarderait pas dans sa salle de bain et il n'avait pas l'intention d'être surpris en pleine action.

La disparition momentanée de la jeune femme avait créé une certaine tension dans leur couple, leur inquiétude respective les empêchant d'exprimer librement leurs émotions. Harry avait toujours été de la race de ceux qui intériorisent jusqu'à l'explosion et les années n'y avaient rien changé. Lucius avait depuis l'enfance appris à refouler toute émotion inappropriée, positive ou négative, et les situations de stress faisaient revenir l'entraînement paternel au triple galop. Ils s'étaient contentés de rester côte à côte, chacun dissimulant sa peine, chacun sachant que l'autre souffrait tout autant. Il n'était pas dans leur nature de révéler si aisément leurs faiblesses, même partagées, et les trois semaines qui venaient de s'écouler avaient sans conteste été les plus longues de leur mariage.

Chacun incapable d'aider l'autre, chacun incapable de se laisser aider.

Lucius avait parfaitement senti les émotions tumultueuses et déprimantes de son calice qui s'étaient ajoutées aux siennes mais il avait été rigoureusement incapable de mettre son ressenti entre parenthèses suffisamment efficacement pour pouvoir agir normalement vis-à-vis de son mari. Lorsque le Gryffondor était tendu, énervé par quelque chose, déprimé par la perte d'un patient ou bien furieux contre la Gazette pour une nouvelle série de ragots, Lucius savait comment le relaxer. Un dîner en tête à tête dans son restaurant favori, un petit massage dans le confort intime de leur chambre, un week-end en Toscane ou en Andalousie loin de l'agitation londonienne. N'importe quoi qui éloigne le tempétueux petit brun de la source de ses soucis en somme.

Mais là, impossible de s'éloigner. Lui-même avait refusé de quitter le manoir et avait annulé tous ses rendez-vous à l'étranger.

Juste au cas où.

Harry s'était fait littéralement violence pour continuer à travailler, n'acceptant finalement que parce qu'il était aussi facile de le joindre à son cabinet qu'au manoir. Lucius savait qu'il avait besoin de la distraction que l'exercice de son métier lui apporterait. Les soirées et les nuits sans rien d'autre à faire qu'à se regarder dans le blanc des yeux étaient bien suffisantes. Ils parvenaient tout juste à se blottir l'un contre l'autre, Harry semblant avoir davantage besoin de câlins que de coutume mais aucun d'entre eux n'était d'humeur à aller plus loin que le simple réconfort qu'offrait le contact d'un corps chaud partageant le même lit.

Après trois semaines sans aucune activité sexuelle, il ne pouvait pas laisser Harry se nicher contre lui de cette façon avant qu'ils n'aient réglé les questions encore en suspend avec Elianthe. Non pas que l'envie lui manque mais il estimait plus responsable d'attendre que leur progéniture soit sagement bordée dans son lit avant d'entreprendre quoi que ce soit.

- Je ne vous dérange pas ? s'enquit une petite voix.

- Du tout, répondit Harry en quittant son si confortable siège pour prendre place aux côtés de Lucius sur le sofa.

- Vraiment ? Parce que je peux aller me coucher et on pourrait reparler de tout ça demain si vous avez mieux à faire…

- Elianthe…

- D'accord, je me tais. Je suis seulement contente de vous voir de nouveau proches.

- Je n'ai pas souvenir que nous nous soyons disputés avant ta disparition, hésita Lucius.

- Non… enfin pas que je sache. Mais… je… papa n'était pas tendre quand il parlait de toi à l'époque de laquelle je reviens et…

La jeune fille se tut, mal à l'aise. Elle ne voulait pas rouvrir d'éventuelles vieilles blessures chez aucun des deux hommes et elle ignorait totalement comment ils étaient passés du statut d'ennemis farouches à celui de couple relativement épanoui. Elle n'était pas tentée par un voyage en terrain miné et craignait soit de poser la mauvaise question, soit de prononcer la mauvaise phrase.

~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~

Square Grimmauld, même jour.

Severus soupira.

Il adorait son fils, n'allez pas croire le contraire, mais parfois l'absolue obstination dont le jeune homme faisait preuve l'exaspérait au plus haut point. Il avait l'impression de se heurter à un mur et, pour peu que Sirius s'en mêle, la migraine devenait inévitable. Etait-ce si compliqué de comprendre qu'il n'était pas question qu'il sorte de la maison avant lundi matin ? Il aurait pensé que Sirius n'irait pas le contrer sur ce point car, au vu des nombreuses heures qu'il avait du passer à le consoler durant les trois dernières semaines, il s'attendait à une période d'intense pouponnage de sa part, histoire de compenser.

Bien entendu, Sirius l'avait pris à contre-pied, comme à son habitude. Il se demandait parfois comment il pouvait supporter celui qui était devenu son mari. Il n'avait guère eu le choix au début de leur union, il lui avait bien fallu faire contre mauvaise fortune bon cœur et subir ce que le destin lui réservait mais il ne comprenait pas davantage l'animagus aujourd'hui qu'à l'époque. Ils s'entendaient beaucoup mieux – encore heureux ! – mais leur vie était loin d'être rose tous les jours et l'aspect prenant du métier de professeur à Poudlard combiné à la charge de Directeur de Maison était probablement une bénédiction. S'il devait avoir Sirius en permanence avec lui il deviendrait certainement la proie d'une folie homicide irrépressible.

Il admettait que l'animagus possédait des atouts. Une fois que l'on parvenait à passer outre le côté irritant de son caractère extraverti et fonceur, on pouvait commencer à voir une intelligence brillante bien que sans système, un sens de l'humour acidulé loin d'être désagréable et un individu passionné capable de se plonger aussi bien dans l'étude d'une nouvelle invention des frères Weasley que dans le plus glauque des ouvrages ésotériques existant sur la magie noire.

Severus n'avait appris qu'après leur mariage que Sirius tendait naturellement vers cette branche peu considérée de la magie lorsqu'il avait trouvé le beau brun alors enceint de sept mois le nez plongé dans un volume moisi récupéré sur la plus haute étagère de la bibliothèque des Black. Ce tome, Severus le connaissait. Il l'avait lu plusieurs fois et savait parfaitement qu'il traitait des sacrifices rituels les plus sanglants existant dans l'histoire de la magie. Sacrifices depuis longtemps oubliés par la plupart des sorciers, relégués au rang d'atrocités barbares par une horde d'individus bien-pensants. Certes Severus reconnaissait qu'il hésiterait à pratiquer les rituels décrits dans ce volume mais davantage par crainte de ne pas pouvoir contrôler les forces innommables aussi anciennes que les fondements de la vie auxquelles ces rites faisaient appel que pour des raisons morales.

En tout état de cause, il n'aurait jamais imaginé le noble Gryffondor lire un tel document, mais celui-ci s'était montré positivement enflammé, prenant nombre de notes et posant occasionnellement une question pertinente, semblant pour une fois ne pas prendre la présence de Severus dans la même pièce comme un affront personnel. Ce détail n'aurait probablement pas eu d'influence sur la majorité des couples mais il avait permis à Severus d'envisager une toute nouvelle facette de celui auquel il était désormais uni.

L'homme en question entra à cet instant dans la bibliothèque, venant s'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil dans lequel tentait de se reposer Severus.

- Pourquoi te mets-tu dans un état pareil ? Qu'est-ce que ça peut faire s'il veut aller rendre visite à Lili demain ? demanda-t-il.

- Il la verra lundi. Il vient de passer trois semaines avec elle, je peux être égoïste un week-end, non ? D'autant plus que ni Lucius, ni Harry n'avaient l'air décidés à recevoir lorsqu'ils ont quitté Poudlard.

- Je n'avais pas pensé à ça… J'aurais sûrement dû cela dit, Harry était malade d'angoisse.

- Le contraire m'aurait étonné. Tu ne penses jamais qu'à toi.

Alors que le Sirius de jadis aurait immédiatement pris la mouche et débité une flopée d'insanités, l'homme plus mûr qu'il était devenu glissa de l'accoudoir vers les genoux de Severus et s'y installa confortablement. Des années de nourriture convenable et l'absence de ce stress paranoïaque propre aux espions en exercice avaient mis un peu de chair sur les os du maître des potions et ses cuisses étaient désormais un siège parfaitement acceptable.

- Je sais que j'ai égoïstement pris tout le réconfort que je pouvais sans tellement me préoccuper du tien… souffla-t-il doucement dans le cou de son mari, laissant ses lèvres s'étirer un en petit rictus satisfait lorsqu'il vit la chair de poule apparaître. Je pourrais peut-être trouver moyen de me faire pardonner ?

Severus ne répondit pas. Il n'en avait pas besoin, Sirius savait quel effet il avait sur l'austère professeur. Le frisson quasi imperceptible qui avait parcouru le corps souple du Serpentard, le si léger fléchissement dans le rythme régulier de sa respiration lorsque le bout de la langue de l'animagus était venu titiller un lobe d'oreille. Oui, Severus savait où son mari voulait en venir et il n'avait pas la moindre objection.

Le directeur adjoint marmotta quelques syllabes en agitant brièvement les doigts et le cliquetis de la serrure se fit entendre à l'instant où sa main migrait vers le creux des reins de l'impertinent Gryffondor qui tentait de se frayer un chemin à travers les épaisseurs de tissu noir qui couvraient son corps.

~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~

Manoir Malfoy, tard dans la nuit.

Harry fit tourner le verre froid entre ses doigts, le regard perdu dans l'immensité mouvante des flammes ardentes qui peuplaient la cheminée. Une mélancolie trouble s'était emparée de lui au fil des heures et il se trouvait impuissant à repousser les vagues de souvenirs sombres qui revenaient le hanter. Rien n'avait transparu devant Elianthe mais les questions que la jeune fille avait posées sur Lucius et lui, sur la formation de leur couple, l'avaient laissé échoué dans le passé, désemparé.

Lucius avait sourit lorsqu'il était monté avec Elianthe avec l'idée bien arrêtée de la border dans son lit. Elle avait passé l'âge de semblables attentions, bien entendu, mais Harry estimait qu'il avait le droit de pouponner un peu sa fille après avoir failli la perdre. Elle avait simplement cherché à comprendre une situation complexe qu'elle n'avait pas vraiment connue et Harry ne pouvait pas lui en vouloir. Assis au bord de son lit, il lui avait répondu avec autant de sincérité que possible car il ne souhaitait pas accabler son enfant avec ses états d'âme de l'époque. Les choses avaient tellement changé depuis…

Il aurait été affreusement ironique qu'Elianthe ne revienne pas dans la trame temporelle qui était la sienne alors qu'elle avait été le déclencheur indirect de la chute de Voldemort et de la formation inattendue d'un couple entre Harry et le patriarche de la famille Malfoy. Il lui avait répété bien des fois durant toute sa scolarité de ne pas s'approcher des expérimentations farfelues de Samael. Ce gamin était pire que Severus dans un mauvais jour lorsqu'il s'y mettait. Il avait la passion des potions, certes, mais sa maitrise laissait encore grandement à désirer. Evidemment, si Elianthe ne s'était pas interposée à un moment critique, il aurait été probable que personne ne se soit vu projeté dans le temps.

Pas de Samael piquant une crise de jalousie féroce à voir son père accaparé par Pansy.

Pas de rupture du contrat de fiançailles obligeant Lucius à quérir Narcissa pendant une escapade frivole.

Pas de punition du Seigneur des Ténèbres pour avoir touché à un cheveu de sa maitresse.

Pas de vampire.

Pas de calice.

Pas de couple.

Pas de crises d'angoisse épouvantables après avoir causé sans le vouloir la mort d'un Mangemort.

Pas de turpitudes après la naissance de sa fille à se demander s'il n'avait pas pris une décision si égoïstement folle qu'il la regretterait jusqu'à la fin de ses jours.

Harry n'avait jamais vraiment compris pourquoi Lucius avait accédé si aisément à sa requête d'avoir un enfant. A l'époque ils ne s'entendaient pas bien, Harry était encore scolarisé à Poudlard et il avait avancé ce qu'il savait être les plus mauvaises raisons qui soient pour convaincre le vampire qu'il en avait besoin. Dans ces heures sombres, il avait effectivement cru qu'une vie pour une vie était la chose à faire. Il avait par mégarde ôté une vie, il devait en mettre une au monde en remplacement.

Idée stupide, égoïste et délirante bien que karmiquement cohérente.

Il l'avait vite compris.

Sa folle témérité de jeunesse, cette propension très potterienne à n'en faire qu'à sa tête alors même qu'on lui défendait de s'inviter dans les guêpiers les plus épineux, l'avait conduit à s'immiscer une seconde fois dans les plans de Dumbledore lorsqu'il se fut remis de sa baignade impromptue parmi les Inferii. Lucius l'avait soigneusement tenu à l'écart de toutes les réunions, discussions ou rumeurs partagées entre deux portes afin qu'il ne prenne pas de nouveau à son calice l'envie de courir au devant du danger mais ce fut peine perdue.

Si Harry apprenait à l'époque à faire progressivement confiance à l'ancien Mangemort, il ne lui obéissait certes pas et avait encore ses velléités grandiloquentes d'indépendance absolue qu'il ne pourrait jamais atteindre. Il laissait Lucius s'approcher de lui, le laissait se nourrir sans discutailler mais il ne fallait pas lui en demander davantage. S'il en avait été capable, il n'aurait pas de si bonne grâce nourri celui qui était par la suite devenu son mari, rien que par esprit de contradiction.

Il avait essayé au départ. Ferme dans sa décision de ne pas vouloir plus de contact qu'il n'était absolument nécessaire avec le beau vampire blond, Harry avait voulu limiter le nombre de fois où Lucius serait à même de l'approcher. Son plan s'était promptement retourné contre lui car, si Lucius semblait capable de ne pas se sustenter durant plusieurs jours – probablement supporté par les potions de Severus au besoin – Harry s'était progressivement senti devenir de nouveau lourd et pataud, la cicatrice que la morsure de finalisation du Lien lui avait laissé presque douloureuse au moindre effleurement. Après deux itérations, il avait finalement décidé que la liberté toute relative de ne pas nourrir Lucius chaque jour ne valait pas l'abandon effréné avec lequel il finissait par réclamer la morsure, le cou dégagé en signe de soumission.

Le fait que Lucius soulage parfois la tension qui se logeait dans son bas-ventre pendant ces séances de morsures ne signifiait absolument pas qu'Harry fasse entièrement confiance au vampire. L'homme était intelligent et savait saisir les opportunités, le Gryffondor ne l'oubliait pas. Etre maintenu dans l'obscurité – 'pour sa propre sureté' ainsi que Lucius le lui avait maintes fois rabâché – ne lui plaisait pas et Harry était rapidement retombé dans ses travers. Il n'était après tout qu'un adolescent défiant et frustré à l'époque, il n'était pas raisonnable d'attendre de lui un comportement responsable.

Aussi lorsque l'occasion s'était présentée de se joindre à nouveau à la chasse aux Horcruxes, il n'avait pas hésité une seule seconde malgré l'état piteux dans lequel il s'était trouvé la fois précédente. Il savait par Ron, dont les oreilles indiscrètes trainaient partout, que deux Horcruxes supplémentaires avaient été détruits, l'un durant sa convalescence, l'autre peu de temps après, le concours de Lucius ayant apparemment été nécessaire pour mener cette mission à bien. Harry était certain d'une chose, il n'allait pas laisser les adultes exaspérants qui l'entouraient l'éloigner de l'action. Il avait beau haïr le fait que le monde sorcier place sur ses épaules l'avenir de leur société, il n'en considérait pas moins la chute de Voldemort comme son combat personnel après tant d'années de bourrage de crâne.

Il s'était donc invité, suivant la cohorte de sorciers, dissimulé sous sa cape d'invisibilité. Il avait craint un instant que Dumbledore ne soit présent et ne perce à jour sa ruse mais le directeur n'était pas venu. Il s'était maintenu assez loin de ceux qu'il talonnait, soucieux de ne pas laisser Lucius repérer son odeur et soulagé de ne pas les voir prendre un Portoloin. Armé d'une solide expérience acquise à éviter soigneusement Severus Snape dans les couloirs après le couvre-feu, Harry était passé inaperçu durant la longue marche à travers la Forêt Interdite, jusqu'à ce que l'ennemi arrive.

Bien entendu, les Mangemorts n'étaient pas complètement ahuris. Ils n'étaient pas intervenus tant que les membres de l'Ordre se trouvaient sous le couvert de la forêt, non, ils avaient attendus que tous soient rassemblés près de leur cible, un flan de falaise venteux et décrépit qui menaçait de s'écrouler au moindre mouvement. Même près de vingt ans plus tard, Harry ne parvenait pas à se distancer de cette sensation de morbidité qui collait au lieu comme une nappe de brume et il frissonna malgré la chaleur du feu. Se versant une nouvelle rasade de vin blanc, il se rencogna davantage dans son fauteuil en se promettant qu'il s'agissait de son dernier verre. Lucius n'apprécierait probablement que moyennement de se retrouver pompette après avoir bu ses quelques gorgées matinales…

Les circonstances du décès de Bartholomew Philpott n'avaient rien de tragiques. Quelque bouleversantes qu'elles aient pu être pour Harry, elles étaient cependant simplement ridicules. Voulant éviter d'être découvert, le Gryffondor s'était accroupi près d'un rocher, serrant sa cape contre lui afin qu'elle ne s'envole pas et ne laisse pas apparaître une jambe ou un pied qui trahirait sa présence. Il ne savait pas tellement ce qu'il comptait faire, protéger leurs arrières en attendant le bon moment pour se révéler peut-être… Ou bien se glisser le long de la falaise à leurs côtés pour les empêcher de le renvoyer à Poudlard… Toujours est-il qu'il n'avait pas vu les Mangemorts arriver ou il aurait pu se décaler de quelques centimètres et prévenir le désastre.

Il n'en avait rien fait.

Et le jeune Mangemort débutant qu'était Bartholomew Philpott s'était pris les pieds dans les jambes d'Harry qu'il ne pouvait voir, glissant comiquement sur l'herbe encore humide de la pluie qui avait sévi dans l'après-midi, tentant de retrouver son équilibre à grand renfort de moulinets qui avaient délogé son masque. Freinant avec toute l'efficacité d'une savonnette mouillée sur le carrelage embué d'une salle de bain, la proximité de la falaise ne lui avait pas permis de s'arrêter avant que la gravité n'exerce son sacerdoce. Le cri paniqué qu'il avait poussé avait alerté les sorciers de l'Ordre et l'attaque avait été promptement déjouée tandis qu'Harry ne pouvait détacher son regard de la zone de vide qui avait si brièvement abrité le Mangemort avant sa chute.

Dans l'absolu et avec des années de recul, Harry savait qu'il n'était pas responsable. Avec la grâce naturelle que possédait ce Mangemort novice, il aurait bien trouvé moyen de trébucher sur un caillou ou bien de glisser sur une motte boueuse. Mais ces considérations philosophiques n'avaient pas rendu les choses plus faciles à l'époque. La courte bataille terminée, Lucius s'était dirigé automatiquement vers lui malgré la pénombre et le fait qu'il soit encore à demi couvert par sa cape et l'avait niché sous son bras, ayant perçu sans difficulté l'état psychologique fracturé que son calice n'avait pas la force de dissimuler.

Pendant des semaines, Harry n'avait pas prononcé une parole, le cri désespéré du jeune Mangemort hurlant à ses oreilles. Il avait continué d'aller en cours mais ne suivait pas les exposés de ses professeurs, sourd à ce qui se produisait autour de lui, obsédé par une culpabilité illusoire. Lucius s'était montré tout à la fois présent et protecteur, sans émettre de jugement mais également sans excuser quoi que se soit. Harry n'avait pas réalisé à l'époque à quel point il avait eu besoin de cette présence qui ne cherchait pas à justifier chaque seconde des événements.

Hermione lui avait tenu son discours habituel de première de la classe outrée, insistant sur le manque total de discernement du jeune homme. Il savait qu'elle avait été à deux doigts de lui dire que cela lui mettrait peut-être du plomb dans la cervelle, arrêtée in extremis par la main de Blaise sur son bras. Ces deux-là étaient devenus pratiquement inséparables sans qu'Harry ne le voit venir. Etrangement, Ron ne semblait plus s'en formaliser.

Ron n'avait rien dit. Il avait regardé Harry droit dans les yeux et avait indiqué d'un léger signe de tête qu'il comprenait. Ce qu'il avait effectivement saisi, Harry ne l'avait jamais su et son ami n'avait pas par la suite abordé à nouveau ce sujet. Il avait simplement froncé les sourcils et rougit violemment lorsqu'Harry avait quelques mois plus tard annoncé sa grossesse, faisant visiblement le rapprochement entre les deux événements.

Dumbledore avait arboré un air déçu qui avait davantage exaspéré Harry qu'autre chose et avait sermonné son élève sur les dangers de l'improvisation et de l'esprit d'indépendance. Harry s'était senti suffisamment coupable comme cela, il n'avait pas besoin qu'un vieux manipulateur vienne en rajouter. Il doutait par ailleurs fortement que cet homme, aussi sympathique soit-il, ait jamais éprouvé la moindre culpabilité à faire danser ses marionnettes.

Sirius avait applaudit, surprenant grandement Harry. Il savait déjà à cette époque que son parrain avait un sens moral décalé par rapport à celui de la majorité mais jamais la chose ne lui avait paru plus flagrante. En ce qui concernant l'animagus, un Mangemort de moins, même jeune et inexpérimenté, même disparu par la faute de son filleul, était un événement à fêter.

Severus Snape n'avait rien dit, se contentant d'échanger un regard avec Lucius Malfoy. En dépit de son apathie, Harry avait noté le fait et aurait payé très cher pour savoir de quoi les deux hommes avaient si évidemment discuté par l'intermédiaire de ce regard. Plus tard il avait compris que cet instant avait déclenché la mise en marche des plans personnels des deux Serpentards pour évincer Dumbledore tout en assurant leur protection vis-à-vis du Seigneur des Ténèbres.

Draco Malfoy, présent en cette occasion pour s'assurer que son père revenait en un seul morceau, avait considéré Harry avec un air pensif et indéchiffrable. Les conséquences n'étaient pas apparues très nettement au départ car l'état psychologique d'Harry ne le rendait pas très observant, mais le blondinet l'avait dorénavant traité non pas chaleureusement mais tout du moins avec une absence de mépris qui marquait une franche démarcation dans leur relation. L'assouplissement des tensions entre Harry et l'héritier des Malfoy avait fait boule de neige et entrainé une plus grande tolérance de la part de Ron à l'égard du Serpentard.

Lucius… Lucius avait entouré Harry d'une attention soutenue mais pas étouffante. Il avait pendant cette période pris pour habitude de systématiquement mener le Gryffondor à l'orgasme à chaque morsure et, bien qu'Harry ait eu quelques réticences non formulées au départ, il avait rapidement cessé de s'en préoccuper. L'afflux d'endorphines était agréable et lui faisait oublier temporairement ses turpitudes. Il avait beau n'être pas au meilleur de sa forme émotionnellement parlant, un adolescent restait un adolescent et s'il pouvait obtenir une satisfaction sexuelle régulière sans avoir à travailler sur une relation, il n'allait pas le refuser.

Il ne se rendait pas compte à l'époque que Lucius l'apprivoisait lentement mais sûrement. Ils ne se comprenaient pas vraiment davantage qu'au premier jour de leur cohabitation mais Harry était de jour en jour moins nerveux en présence de l'aristocrate. Un travail de fourmi devant lequel Lucius n'avait pas reculé. Il avait patiemment fait sortir le jeune Gryffondor de sa coquille, entamant un entraînement avancé en combat rapproché, en magie défensive et offensive. Avoir la possibilité de se focaliser sur un élément nouveau et stimulant l'avait sans conteste aidé.

Dans son apathie, il n'avait pas questionné les choix du vampire en terme d'enseignement et il avait appris davantage de sortilèges de magie noire et de malédictions qu'il ne l'aurait cru avant de réaliser ce qui se passait. La lumière s'était faite dans son esprit suite à une question innocente et purement académique d'Hermione concernant la manière convenable dont la baguette devait remuer lors de la formulation d'un sortilège de Preateravisceres à portée d'oreille de Dumbledore. Le choc et la consternation du vieux sorcier avaient dépassé tout ce dont Harry avait jamais été le témoin. Un soupçon le taraudant, il avait pour la première fois mis le nez dans un dictionnaire de latin et cherché la signification d'un maléfice qu'il tentait de maîtriser depuis plus d'une semaine.

Lorsqu'il avait compris, il avait sauvagement confronté Lucius, l'accusant de tous les maux, jusqu'à ce que le vampire soit forcé de le plaquer au sol, le maintenant fermement et laissant sa colère s'exprimer. Cette émotion violente, inattendue, avait amorcé sa sortie de la spirale d'auto-apitoiement cotonneux, le remettant progressivement en phase avec le monde extérieur. Lucius avait fini par le lâcher, non sans lui poser une seule et unique question qui avait laissé le jeune calice bien perplexe.

Contraint de réfléchir sérieusement sur lui-même, il était lentement parvenu à la conclusion qu'aussi surprenant que cela soit il n'en voulait pas à Lucius. Il aurait aimé pouvoir se décharger de tous ces maux sur l'arrogant aristocrate mais celui-ci n'était en rien responsable des ennuis qui lui collaient à la peau depuis sa naissance. Il avait du admettre qu'il serait utile de pouvoir opposer à Voldemort une résistance efficace au lieu de se reposer sur ces maigres connaissances scolaires, bien insuffisantes pour contrer le plus puissant mage noir depuis un demi-siècle. La simple chance apportée par un karma de moins en moins positif ne le mènerait certainement guère plus loin et il refusait de se cacher derrière le vampire pour le laisser combattre à sa place.

Faisant tourner le vin dans son verre, Harry ricana presque. Certains jours, la créature têtue et trouillarde qu'il avait été dans sa jeunesse l'exaspérait. Qu'il ait pu demeurer obstinément aveugle en ce qui concernait Lucius le sidérait. Comment avait-il pu ne pas voir que tout ce qui préoccupait cet homme était la survie et la protection de sa famille, de sa lignée, et que, à l'instant où leurs regards s'étaient croisés cette nuit fatidique durant laquelle le Lien avait amorcé, il était devenu une part intégrante de cet univers familial, au même titre que Draco.

Trop borné, trop déçu pour s'autoriser à croire.

Il avait fallu une mort et un sentiment tenace de culpabilité mal placé pour fendiller sa carapace.

- A quoi penses-tu pour être de nouveau si déprimé ? s'enquit une voix chaude de sommeil.

- Au jour où je t'ai demandé comment un sorcier mâle pouvait porter un enfant.

Des bras puissants qui pourraient probablement lui briser les os sans forcer s'enroulèrent autour de ses épaules, un nez tout froid se nichant derrière son oreille.

- Je m'en souviens. On m'aurait renversé d'une pichenette ce soir-là tant j'étais stupéfait.

~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~

Square Grimmauld, tard dans la nuit.

Severus regardait pensivement son fils endormi dans son lit depuis l'embrasure de la porte de sa chambre. Il n'arrivait pas encore à croire qu'il était définitivement revenu. Il se refusait à admettre une telle faiblesse mais il avait eu très peur que son enfant ne revienne jamais.

Il avait eu le plus grand mal à croire à la réalité de sa filiation lorsque le jeune homme s'était présenté devant eux en ce jour délirant de 1997. Le Severus de cette époque ne voulait pas d'enfants, et encore moins d'un rejeton conçu avec Sirius Black. Durant les quelques semaines qu'Althaїr avait passées à Poudlard, Severus avait réussi, bien malgré lui, à s'attacher. Le garçon avait un je-ne-sais-quoi d'éminemment sympathique qui appelait un instinct protecteur en Severus. Il avait fini par parfaitement se représenter dans le rôle de père attentionné d'un jeune homme qui au fond lui ressemblait beaucoup.

Le point épineux dans cette conception idéalisée et onirique de l'avenir restait la manière dont ce descendant devait venir au monde. Aussi séduisant que soit Sirius, il ne parvenait à l'époque pas à imaginer poser un doigt sur sa peau. Leurs premiers ébats l'avaient pris par surprise. Il ne se serait jamais attendu à ce que l'animagus lui saute dessus de cette façon, sans le moindre complexe. Evidemment ils s'étaient tous deux évités comme la peste pendant des semaines ensuite. La situation aurait pu demeurer ainsi des années durant étant donné leur légendaire obstination.

La dépression d'Harry Potter avait déclenché le second acte.

Il aurait été impensable que l'on laisse le Survivant gérer seul sa culpabilité devant la mort ridicule de Philpott par une nuit sombre d'hiver. Il fallait que Dumbledore s'en mêle. Lucius protégeant son calice comme une dragonne ses œufs, le vieux manipulateur n'avait rien trouvé de plus constructif que de réunir l'Ordre pour discuter des moyens à employer pour distraire le jeune Gryffondor. Lucius n'avait pas été convié, bien entendu. Il aurait été de très mauvais goût de proposer devant le vampire toute une batterie de tentatives destinées à détourner Potter des leçons que ce dernier lui prodiguait. Rien de surprenant à ce que ce vieil emplumé n'apprécie pas de voir son jeune protégé intégrer sans réticence des connaissances utiles à une éventuelle défaite du Seigneur des Ténèbres.

Il avait toujours été si braqué… Incapable de voir qu'il existe une vaste différence entre le Mal et la magie noire, et qu'enseigner à son Golden Boy l'art et la manière de se défendre et d'attaquer efficacement n'avait rien à voir avec une quelconque corruption de l'esprit innocent d'un jeune homme. Jeune homme qui n'avait par ailleurs jamais rien eu d'innocent de l'avis du Maître des potions.

Si Dumbledore avait été capable de voir plus loin que le bout de son nez, il se serait sans doute aperçu que Lucius enseignait également à son calice diverses techniques de combat au corps-à-corps qui déstabilisaient pratiquement toujours les sorciers, peu accoutumés à se battre à la moldu. Mais non, il avait obstinément tenu à sa tentative de sauvetage. Et Severus s'était retrouvé chez son pire ennemi, assis à la table de sa cuisine, forcé de regarder celui qu'il n'avait plus approché depuis ce jour car il n'aurait pas été acceptable qu'il baisse les yeux devant Sirius Black. S'il avait pu il aurait changé de siège mais dernier arrivé, dernier servi, quel que soit le monde dans lequel on vit.

Les insultes à peine masquées avaient fusé durant toute la réunion, Sirius devenant de plus en plus acerbe à mesure que Severus défendait les positions de Lucius. Il refusait de voir sa vie davantage en danger simplement parce qu'un gamin n'était pas dirigé dans la bonne direction et les scrupules d'un Gryffondor frileux n'allaient pas l'arrêter. Leurs échanges s'étaient à tel point envenimés que Dumbledore les avait gardés tous les deux avec lui dans la cuisine après avoir levé la séance. Sa leçon de morale n'avait pas eu plus d'impact que par le passé, comme il fallait s'y attendre. De guerre lasse, le directeur de Poudlard avait également déserté les lieux, laissant les deux hommes s'écharper.

Severus avait toujours estimé que l'erreur de Dumbledore venait de là. S'il n'était pas parti, Severus n'aurait jamais plaqué Sirius Black contre le mur, furieux.

Il ne se serait jamais collé contre lui pour le maintenir en place.

Il n'aurait pas couvert cette bouche ourlée et vicieuse de la sienne pour la faire enfin taire.

Il n'aurait pas laissé des mains agressives déchirer sa robe pour atteindre son corps.

Il n'aurait pas fini la journée sur le carrelage froid et pas très net de la cuisine du Square Grimmauld à guider les mouvements secs et rapides des hanches étroites qui le chevauchaient.

Il n'aurait pas amorcé une série de rencontres brèves et illicites, presque violentes dans leur indifférence.

Il n'aurait pas été amené à ce jour, le jour où sa vie avait basculé sans même qu'il le sache.

~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~

Manoir Malfoy, la même nuit.

Ronald Weasley était un père attentionné, un peu trop souple sur la discipline peut-être, mais toujours présent et à l'écoute. Il était en règle générale plus proche de ses enfants que ne l'était Draco, dont les obligations professionnelles plus exigeantes prenaient beaucoup de son temps, aussi fut-il surpris de trouver son mari endormi dans un fauteuil au chevet de Samael lorsqu'il vint vérifier que leur fils n'avait pas de nouveau disparu dans la nature.

Il savait que Draco était dans l'absolu quelqu'un de sensible mais il le montrait toujours aussi rarement que dans sa jeunesse et chaque démonstration émotionnelle importante du Serpentard arrivait encore à étonner Ron. Il ne put retenir un petit sourire tout à la fois affectueux et exaspéré devant la position contorsionnée que son mari avait adoptée inconsciemment. Il n'avait pas fini de l'entendre ronchonner à qui mieux mieux qu'il avait une courbature récalcitrante dans le cou, une épaule démise ou un troupeau de Sombrals au grand complet qui campait sur son dos ! Draco avait le sens du spectacle, il ne pouvait le nier.

Il entra dans la chambre sur la pointe des pieds et secoua discrètement l'endormi pour l'envoyer au lit mais ce dernier se contenta de grogner sans se réveiller. S'il s'imaginait que Ron allait tolérer ses jérémiades de pauvre homme martyrisé, il se trompait lourdement. N'ayant pas sa baguette sur lui et son mari ne se montrant pas responsif, il opta pour la seule solution disponible et souleva le blondinet. Il le porta dans ses bras jusqu'à leur chambre sans grandes difficultés, Draco ayant toujours été un poids plume.

Bien entendu, contrariant comme lui seul savait l'être, Draco s'éveilla comme une fleur dès qu'il fut posé sur son matelas moelleux. Il ne s'embarrassa pas de fioritures ou de questions inutiles et tira vivement sur le bras de Ron, le faisant s'étaler pathétiquement à ses côtés encore tout habillé. Sans laisser au rouquin le temps de réagir, il s'enroula autour de son corps et, la tête nichée sur sa poitrine, se rendormit sans demander son reste.

Ron soupira et se fit une raison. Rien ne ferait bouger son dragon jusqu'au lendemain.

Bien décidé à profiter autant que possible de la situation, il glissa la main dans les boucles blondes et les entortilla inlassablement autour de ses doigts, ne s'interrompant ponctuellement que pour les lisser, savourant leur douceur. Draco avait beau s'être débarrassé de sa ridicule obsession capillaire et utiliser désormais une quantité raisonnable de produits divers et de gel, il ne laissait toujours pas un libre accès à ses mèches, estimant qu'elles ne devaient pas être départies de leur ordonnance stylisée. Il saurait que l'idée était saugrenue s'il se donnait la peine d'écouter Ron à ce sujet. A quoi pouvait-il bien servir de posséder la coupe la plus artistiquement arrangée et les cheveux les plus soyeux si la main d'un amant ne venait jamais s'en délecter ? Mais non, Draco ne l'écoutait jamais pour tout ce qui touchait à l'apparence.

Dans l'absolu Ron ne pouvait pas s'en plaindre. Il partageait le lit et la vie d'un des hommes les plus admirés de toute la Grande-Bretagne. Et puis son mari lui prêtait bien plus d'attention maintenant qu'il ne le faisait pendant leur adolescence perturbée. Oh ils se battaient encore quelques fois, ils étaient trop différents pour s'accorder parfaitement, mais la hargne avait depuis longtemps disparu de leurs interactions. Elle n'avait par ailleurs jamais eu grand fondement.

Ron avait été tout préparé par les remarques de ses parents à détester à vue le premier Malfoy qu'il croiserait à son arrivée à l'école. Cela n'avait pas manqué et, un semblable entrainement ayant été réalisé sur Draco, un dialogue de sourds s'était instauré, chacun jugeant l'autre sans réflexion. Il avait fallu l'apparition inopinée et au mécanisme magique encore flou d'une série de gamins pour que des facettes inattendues et non prévues par le formatage parental apparaissent. La réalisation que Draco Malfoy était un être humain doté d'un cœur et de sentiments avait propulsé Ron hors de sa confortable orbite de croisière et l'avait laissé échoué dans l'espace, perplexe, durant de longues semaines.

Il ne savait pas comment réconcilier ses idées préconçues avec ce dont il avait été le témoin et personne n'avait pu l'aider. Il s'était débattu dans un univers tortueux d'hypothèses fumeuses qu'il n'avait pas même pu partager avec son meilleur ami, Harry étant trop occupé à se rétablir de ses blessures ou bien à déprimer. Ron n'aurait pas souhaité pour tout l'or du monde se trouver à sa place et il comprenait parfaitement qu'il n'était pas le centre des préoccupations du Survivant. Il avait eu bien assez de crises personnelles à gérer sans s'encombrer des siennes et Ron ne lui avait jamais reproché de s'être senti un peu abandonné. Hermione n'avait pas été d'une grande aide non plus, son temps se répartissant majoritairement entre Blaise, duquel elle était très rapidement tombée amoureuse, et ses cours, révisant furieusement et tentant jalousement d'intercepter toute information pertinente sur les leçons que Lucius dispensait à Harry.

Il ne fallait dès lors pas s'étonner qu'il ait réagi avec une certaine virulence lorsque Draco l'avait coincé au détour d'un corridor, collant son visage à quelques centimètres du sien et exigeant des réponses à des questions qui n'en étaient pas. Ron était totalement incapable de fournir au jeune Serpentard ce qu'il demandait, ignorant lui-même pourquoi il ne quittait plus le blondinet des yeux lorsqu'ils se trouvaient à proximité l'un de l'autre.

Ron sourit en lissant doucement une boucle rebelle qui rebiquait derrière l'oreille de son mari. Ses balbutiements décousus et sans queue ni tête n'avaient guère convaincu son dragon à l'époque. Il se rappelait fort bien son visage à ce moment, le front plissé, un sourcil dubitatif à demi relevé et une petite moue presque enfantine sur les lèvres. Une seule pensée l'avait traversé à cette vue et la proximité physique du Serpentard ne lui avait pas permis de l'ôter assez rapidement de son esprit.

Il l'avait trouvé tout bonnement adorable.

Il n'avait pas pu s'en empêcher, pas alors que cette lèvre inférieure rebondie le narguait et que la chaleur du corps de Draco le pénétrait.

Il l'avait embrassé.

Vivement.

Sauvagement, même.

Sans aucune considération pour ce que le pauvre Draco pourrait ressentir.

Il avait pris ce qu'il voulait et s'était sauvé, paniqué, profitant de l'inertie choquée de son adversaire pour se faufiler dans la masse bouillonnante d'élèves.

Pendant des jours il avait craint que Lucius Malfoy ne fonde sur lui comme un aigle en colère pour avoir osé toucher son fils, agonisant d'avoir ne serait-ce qu'un instant eu envie d'embrasser son pire ennemi. Il avait compris plus tard à quoi l'absence de réaction du patriarche Malfoy était due mais il avait sur le moment pensé que le vampire prenait un malin plaisir à le torturer, laissant à la sérénité le temps de revenir avant de lui infliger le coup de grâce lorsqu'il ne s'y attendrait plus.

Quoi qu'il soit davantage impliqué dans la guerre que la majorité des autres élèves de par son amitié avec Harry, Ron n'avait pas coutume d'endurer un tel stress. La réputation de Lucius Malfoy n'avait rien de romanesque. L'homme était bien connu pour prendre les sanctions les plus drastiques lorsque sa famille semblait être menacée et, si le garçon qu'il était à l'époque était persuadé d'une chose, s'était d'être considéré comme une menace. Il n'ignorait pas que le fier aristocrate avait été mis au courant par Draco des bribes d'avenir qui leur avaient été révélées et il ne doutait pas un instant de ne pas entrer dans les plans que Lucius avait préparés concernant son héritier. Non pas qu'il ait réellement tenu à en faire partie à cette période, le baiser qu'il avait forcé sur les lèvres de Draco nonobstant, mais il était des plus désagréable d'être du mauvais côté de la barrière, d'autant plus lorsque Lucius était parfaitement dans son droit.

Dans l'absolu, les convictions politiques ou les alliances forgées durant un temps de guerre ne sont que triviales et éphémères face à la pérennité de la famille. Ron avait, tout autant que Lucius et Draco, été élevé dans cette croyance. Jamais il ne lui serait venu à l'idée de contrarier l'avenir d'une famille.

Pas à moins d'un amour fou.

Ce qui n'était en rien ce qu'il ressentait pour son dragon à l'époque. Oh, le Serpentard l'intéressait sur plus d'un plan, il ne le niait pas. La nuit qu'ils avaient passée séquestrés avait éveillé en lui une intense curiosité et sur un plan strictement physique… disons simplement qu'il avait eu certaines difficultés à admettre qu'il pouvait être attiré par un homme. Il n'avait jamais tourné la tête sur un corps masculin auparavant et réexaminer son orientation sexuelle suite à ce baiser impulsif qui l'avait hanté des jours durant n'avait pas été sans douleur.

Il avait en désespoir de cause pris le parti d'éviter Lucius Malfoy autant que possible, tentant de se rendre transparent s'il visitait Harry. L'aristocrate ne lui avait jamais adressé la moindre remarque ou remontrance, se contentant de le fixer de ses yeux gris glacials. Il avait eu la distincte impression d'être jaugé – sensation au demeurant justifiée – à chaque fois et cela n'avait fait qu'exacerber le malaise qu'il ressentait, les yeux de Lucius lui rappelant par trop ceux de son fils qui n'exprimaient que fureur rentrée et ahurissement lorsqu'il le croisait dans un couloir.

Draco remua, nichant une cuisse entre les jambes de son mari et resserrant sa prise sur son oreiller humain. Ron se laissa malmener de bonne grâce, une boule se formant au fond de sa gorge tandis qu'il repensait aux débuts chaotiques de leur relation. Il se demandait parfois comment il avait pu se montrer si borné à ne pas vouloir comprendre ses propres émotions.

Après ce baiser volé, Draco n'avait pas mis plus de deux semaines pour le confronter, hérissé et superbe dans sa fierté blessée. De nouveau bloqué dans un recoin, il n'avait eu d'autre choix que de demeurer là, à attendre que le jeune homme achève de vitupérer, ce qu'il avait fini par faire à quelques centimètres du visage de Ron, emporté par son élan de juste indignation. Il n'avait pas eu l'intention d'agir d'une quelconque façon, il était resté figé, son regard fixé dans les orbes gris qui lui faisaient face.

Jusqu'à ce que les grands yeux clairs ne lancent un regard furtif et probablement inconscient sur ses lèvres.

Il n'avait pas réfléchi plus avant. Il avait attiré le Serpentard contre lui et s'était emparé de sa bouche avec une frénésie étonnante. Draco était resté raide comme une planche pendant ce qui lui avait semblé une éternité avant de soudainement se coller à son corps, souple et doux, dans un gémissement sourd qui avait paru lui avoir été arraché contre son gré.

L'embrassade n'avait point duré, la réalité frappant brusquement Ron de plein fouet. Il s'était enfui de nouveau, un peu honteux et furieux contre lui-même. Avec le recul, il aurait presque pu sourire de ses folies de jeunesse s'il ne savait pas à quel point Draco avait mal vécu cette période de doutes pendant laquelle Ron avait été tiraillé entre l'intérêt qu'un homme avait éveillé en lui et le ferme maintien de sa vie antérieure. Accepter les changements n'avait jamais été son fort, il devait bien l'admettre.

Draco n'avait jamais eu de semblables scrupules. Il n'avait jamais montré d'intérêt pour un membre de son sexe auparavant mais il n'avait pas semblé souffrir d'un cas de conscience lorsque la réalité de son avenir lui avait apparu. Sa première réaction d'incrédulité passée, il avait paru intégrer sereinement la possibilité d'une remise en question de son identité sexuelle. Il n'avait par ailleurs jamais poursuivi Ron de ses assiduités tandis qu'il se débattait avec son inconscient et sa vision de lui-même. Tout ce que Draco avait désiré à l'époque était simplement de savoir une bonne fois pour toute ce que le Gryffondor avait en tête, crever l'abcès et repartir sur une saine base d'ignorance mutuelle.

Seulement Ron avait soufflé le chaud et le froid tout en refusant de s'expliquer, acte rationnel dont il aurait été entièrement incapable, et il avait lentement mais sûrement poussé son dragon à bout de nerfs…

Délicieux souvenir.

~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~

Manoir Malfoy, chambre principale, la même nuit.

Lucius ne dormait pas.

Non seulement sa nature vampirique ne le prédisposait point au sommeil mais l'agitation morose de son calice qui s'y ajoutait menaçait de le rendre insomniaque. Il avait beau avoir temporairement réglé la phase introspective d'Harry qui reposait désormais à demi sur son torse, endormi, il savait que la crise était loin d'être surmontée.

L'incident créé par la disparition des enfants avait placé leur couple dans une situation difficile. Lucius savait qu'Harry était heureux au-delà de toute mesure d'avoir récupéré sa fille mais il était également conscient du fait que cette escapade dans le passé les avait tous deux impactés. Son mari avait fait face avec davantage de maitrise qu'il n'en avait attendue connaissant le caractériel Gryffondor et la vague de mélancolie suintante qui s'était insinuée dans son esprit pendant la nuit ne l'avait pas surpris. Il était inévitable que tôt ou tard les émotions submergent le jeune homme et, quoi qu'il se soit passé dans la chambre d'Elianthe, leur fille en avait été le déclencheur.

Lucius se souvenait parfaitement de cette époque si particulière, déchirée entre l'état dépressif du Survivant et la guerre souterraine qui faisait rage entre les trois participants du conflit. La réaction épidermique de son calice à la mort de Bartholomew Philpott ne l'avait pas entièrement pris au dépourvu.

Déjà à ce moment, il avait compris que l'adolescent d'alors était à même de se montrer hypersensible sur certains points. Il n'avait pas encore à l'époque fait de lien concret entre l'enfance malheureuse du garçon, son ras-le-bol devant les manipulations sans fin qu'il devait affronter en provenance de Dumbledore, son incapacité à faire confiance à quelqu'un et les réactions parfois disproportionnées qui en résultaient, mais il sentait viscéralement que cet incident tragique, bien qu'inévitable au vu du passé plus que maladroit du jeune Mangemort, serait la goutte d'eau qui ferait déborder le vase. Effectivement, une période de profonde dépression avait suivie, très difficile pour lui qui était partagé entre l'envie d'envelopper son calice dans un gros cocon de coton et celle de le secouer pour lui faire admettre une bonne fois pour toute les réalités de la guerre.

Il avait opté pour une troisième solution. Se montrer supportif, sans jugement ni condescendance, tandis qu'il mettait en place ses propres plans.

Il avait défini à l'avance avec Severus sa stratégie et les deux mages noirs avaient vu immédiatement que l'opportunité qu'ils attendaient était là. Severus avait promptement regagné la confiance du Seigneur des Ténèbres en faisant discrètement et sournoisement porter au crédit de Lucius ses félonies passées ce qui les avaient conduits à un bonus inespéré. Le Lord s'était, pour une raison obscure qu'aucun d'eux n'avait tenté de percer à jour, mis en tête de récompenser son agent double et avait déniché le cadeau parfait. Convaincu que Severus lui était loyal et que Lucius ne pouvait plus rien espionner, il avait jugé convenable d'offrir à son nouveau favori un présent qui ne pouvait manquer de lui plaire.

Deux très mignonnes fioles ouvragées contenant l'une quelques gouttes de sang, l'autre quelques écailles de serpent.

Pas n'importe quel serpent.

Un serpent magique rarissime pourvoyeur d'ingrédients de choix.

Nagini.

En piètre connaisseur de potions qu'était le Seigneur des Ténèbres, il n'avait pas compris qu'il offrait à un ennemi une opportunité unique de se débarrasser d'un Horcruxe auquel personne n'avait accès, la créature ne quittant pour ainsi dire jamais son maître. Severus n'avait probablement pas du feindre sa joie en recevant ce présent inespéré. Il existait de par le monde peu de Maîtres des Potions capables de réaliser les rituels obscurs qui permettaient de détruire un individu à distance par l'injonction d'un démon primitif. Non seulement les rituels en eux-mêmes n'étaient pas connus de tous mais ils étaient en outre très complexes, très longs à mettre en pratique et nécessitaient de l'invocateur une puissance magique importante pour contrôler et juguler le démon. Qualités que tout professionnel de la potion ne possédait pas.

La difficulté de se débarrasser d'un serpent intouchable ayant rapidement été ôtée de leurs préoccupations immédiates, ils avaient pu se concentrer sur l'autre principal écueil que présentait encore la guerre : empêcher Dumbledore de fourrer son long nez crochu partout. Évidemment détruire Voldemort demeurait une priorité qu'ils ne négligeaient point mais Lucius n'avait pas été terriblement enthousiaste à l'idée que la menace disparaisse sans que l'influence grandissante du directeur de Poudlard ne soit soigneusement maintenue à un niveau acceptable. Bien que dans un style différent de celui du Seigneur des Ténèbres, Dumbledore avait néanmoins des préjugés du même ordre. Il considérait tout ce qui était de près ou de loin relié à la magie noire comme intrinsèquement mauvais en oubliant sciemment que nombre des sortilèges qualifiés de noirs avaient été créés pour d'autres buts que la torture ou la cruauté.

Cet incident avec le Preateravisceres alors qu'Harry commençait tout juste à sortir de sa phase de dépression intense en était un exemple flagrant. Bien entendu, Lucius ne s'était pas amusé à l'enseigner à son jeune calice pour l'avancer dans ses futures études de médicomage – qui n'étaient à l'époque pas même une vague idée dans le cerveau confus du garçon – mais bel et bien comme sortilège d'attaque indispensable au combat. Il devait admettre qu'il ne s'agissait pas du maléfice le plus reluisant et qu'il valait mieux le pratiquer en plein air pour éviter de ruiner définitivement les parquets mais son efficacité n'était pas remise en cause.

Initialement, le sort avait été conçu dans le but parfaitement louable de pouvoir faire sortir les organes internes du corps d'un individu lors d'une procédure médicomagique. Au cours des siècles, il avait évolué en deux variantes : celle plus douce qui permettait une sortie contrôlée des organes pour permettre de les traiter et celle dont le mouvement de baguette était ferme et sec qui faisait exploser l'abdomen ou la cage thoracique de l'adversaire selon la zone visée, répandant sans discernement ses entrailles sur le sol.

Pour Dumbledore, pas de demi-mesure. Un sortilège qui pouvait être utilisé d'une manière tendancieuse pendant une guerre était un sortilège qui devait être banni de l'enseignement pour le plus grand bien de tous. Le vampire était bien certain que les protections de Poudlard empêcheraient quiconque, y compris l'infirmière, de réellement lancer ce sort dans l'enceinte du château. Une telle dérive était de son opinion, ainsi que de celle de Severus, dangereuse car davantage de sorts deviendraient inutilisables avec l'écoulement des années si ce vieux fou au cerveau ravagé par l'acidité du citron demeurait libre de choisir l'éducation des jeunes sorciers. Les vieilles familles de Sang Pur faisaient de la résistance car il était impensable pour elles que leurs enfants soient privés de magie durant les onze premières de leur vie et tous les étés jusqu'à leurs dix-sept ans ensuite. L'enseignement à domicile pendant ces périodes comblait les lacunes que Poudlard créait. Après tout, un simple sortilège de croissance des plantes pouvait s'avérer mortel si on y mettait un minimum de bonne volonté.

Il n'avait bien entendu jamais été question de se débarrasser de ce manipulateur emplumé et parfois Lucius le regrettait. Le pousser doucement mais sûrement vers la sortie s'était avéré une entreprise complexe et de fort longue haleine dont il se serait volontiers passé. Gérer tout ensemble les humeurs d'un calice capricieux qui n'avait pas encore appris la maitrise de soi, les plans follement enchevêtrés de Voldemort qui perdait chaque jour un peu plus le peu de raison qui lui restait et les actes imprévisibles d'un directeur d'école qui revivait par procuration les exploits de sa jeunesse l'avait mené au bord de la combustion spontanée. Deux choses l'avaient aidé à apercevoir la lumière au bout du tunnel : le changement progressif d'attitude d'Harry, qui s'était petit à petit ouvert à la vie, et l'inconscience rafraichissante de Sirius Black.

Il ne l'admettrait jamais mais Lucius pensait en son for intérieur que la meilleure chose que Severus ait pu faire dans son existence personnelle avait été d'épouser Sirius Black. Oh bien sûr, il ne se serait pas risqué à penser une telle insanité durant les premières années de leur union. Les deux hommes ne semblaient à l'époque s'entendre que sur un plan sexuel et leur idée de la séduction passait par les plus belles disputes et démonstrations de mauvaise foi qu'il lui avait jamais été donné de contempler. Cependant, le sens de l'humour acide de Black était particulièrement plaisant et son obsession durant la guerre à se venger des sévices que son filleul avait subi des mains des Dursley avait été des plus divertissantes.

Bien que n'étant pas un parfait archétype du Sang Pur, Sirius n'en était pas moins un Black, sans le moindre doute. Son sens moral avait clairement été façonné par la propension maléfique de sa famille et il ne voyait pas de mal à exprimer et à mettre en pratique des idées créatives qui feraient dresser les cheveux sur la tête de la majorité des sorciers. Quoique Lucius ait déjà à l'époque compris que son calice détestait se voir laissé dans l'ombre, il n'avait pas pipé mot des plans que son parrain nourrissait pour le restant de sa famille. L'adolescent d'alors n'aurait pas compris et se serait rebellé contre une décision qui certes n'avait rien d'éthique mais qui ne manquait pas de sens dans le monde sorcier.

La famille d'abord.

Sirius respectait tout autant cet adage que Lucius et ils étaient parvenus, sans grande difficulté d'ailleurs, à obtenir nombre de pertinentes informations de Severus qui savait comme de coutume tout sur tout le monde, ou presque. Le premier acte de l'animagus une fois leur plan concocté et prêt à être mis en action avait été de frapper Lucius d'impotence pour deux semaines, pour mettre les pendules à l'heure, soi-disant. Il avait sûrement du exprimer la plus grande surprise lorsque l'homme avait daigné lui signifier qu'il s'agissait de sa manière très personnelle de le féliciter pour la finalisation du lien avec son calice. Sachant qu'il aurait dû s'attendre à une action de la part de la seule famille convenable qu'ait le garçon, Lucius s'était mordu la lèvre et avait passé sa frustration sur les moldus qui reposaient dans la minuscule maison proprette et sans âme de Privet Drive.

Un très bon moment.

Moins sanglant que les raids du Lord, moins gentil que les blagues de potaches pour lesquelles les Maraudeurs étaient réputés à Poudlard. A n'en pas douter, Sirius possédait une part sombre et presque cruelle qu'il dissimulait fort bien, heureusement sans la folie des Black qui faisait de Walburga une furie fielleuse, de Bellatrix une fanatique dangereuse et de Narcissa une courtisane sadique et sans vergogne. Les femmes de la famille n'avaient vraiment pour elles que leur fortune et leur charme physique.

Harry remua doucement contre lui et Lucius laissa cette nuit s'éloigner de ses pensées. Avec le temps son mari s'était avéré capable de ressentir ses humeurs avec une acuité surprenante qui n'avait au départ pas cessé de dérouter Lucius, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il s'agissait d'un cas rare de parfaite symbiose vampirique. Il était peu courant qu'une association vampire/calice soit équilibrée et non limitée à une relation primale inévitable, la majorité des vampires considérant leur calice comme un simple récipient vivant de nourriture. Les désillusions qu'avait vécues Lucius combinées avec les tendances inconsciemment romantiques d'un adolescent les avaient tous deux entraînés vers une recherche de stabilité affective qui s'était, avec les années, concrétisée par un lien plus puissant qu'aucun d'entre eux ne l'aurait attendu.

Quoique Harry ait pu être réticent à apprendre à le connaître au départ, il avait petit à petit compris que Lucius n'était pas l'homme cruel qu'il croyait et le vampire remerciait régulièrement la mémoire infortunée du décès de Philpott, seul acte utile que ce maladroit ait réalisé au cours de sa brève existence. Avec l'apaisement de sa méfiance, le jeune Gryffondor s'était progressivement révélé un être foncièrement gentil et à l'écoute attentive. Lucius pouvait dire avec certitude que le garçon d'alors ne comprenait rigoureusement rien à ses harangues passionnées contre ses obtus avocats d'affaires ou les nouvelles régulations financières du Ministère de la Magie des îles Samoa, mais cela ne l'empêchait pas d'y prêter l'oreille et de compatir à sa manière un rien irrévérencieuse.

Lucius avait rapidement appris à différencier durant cette période de reconstruction personnelle post-dépression les réelles critiques de son calice des piques sarcastiques et défensives que celui-ci envoyait lorsqu'il se sentait en position de faiblesse. Le jeune homme dissimulait derrière un paravent d'agressivité passive un profond sentiment d'inaptitude et plus la situation le dépassait, plus il devenait acerbe et rétif. En revanche, les points qui le chagrinaient, ses souffrances et toutes ces choses primordiales de l'avis de Lucius demeuraient silencieuses. La critique par l'absence de réaction perceptible n'était pas un art dans lequel l'aristocrate brillait dans sa vie privée car il n'avait jamais été confronté à un tel mécanisme de défense en dehors des affaires. Il avait davantage coutume de désamorcer les crises hystériques de Draco qui avait tout de la diva capricieuse.

Merlin, cette époque avait vu plus que sa part de caprices !

Alors qu'Harry demeurait stoïquement muet à ruminer de mystérieuses pensées qui alternativement le déprimaient ou bien l'emplissaient d'un sentiment de droiture et ne faisaient rien pour améliorer les dispositions naturellement peu patientes de Lucius, Draco avait porté à un nouveau sommet l'art de la jérémiade emphatique.

Une jérémiade de plusieurs mois.

Une jérémiade n'ayant en tout et pour tout qu'un seul et unique sujet.

Ronald Weasley.

Apparemment il était plus qu'inopportun que le dernier-né des mâles Weasley semble considérer Draco sans animosité. Et avec une certaine intensité. Et qu'il le regarde tout court d'ailleurs. Jamais il n'avait prêté attention à Draco auparavant et cela convenait parfaitement au jeune Serpentard.

Lucius n'était pas fou et il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre ce qui se tramait dans le cerveau du rouquin ainsi que les conséquences sur son fils. Etant donné la couardise avec laquelle le Gryffondor se comportait en présence de Lucius, n'osant pas même croiser son regard lorsqu'il visitait Harry, il n'avait pas douté un instant que ce froussard n'aborderait pas de sitôt son héritier et qu'il se contenterait de l'observer à distance, se demandant ce qu'il pouvait bien voir dans son ancien ennemi. En revanche, Draco n'était pas du genre à patienter pendant qu'un individu suivait chacun de ses gestes du regard. Des semaines durant Lucius avait attendu l'explosion et, le destin étant doté d'un sens de l'humour tout particulier, les deux situations s'étaient dénouées en même temps, manquant de le faire succomber à une crise d'apoplexie.

A la fin d'une journée de cours plutôt paisible, Lucius avait vu son fils débarouler dans ses appartements, le rouge aux joues, les cheveux décoiffés et le souffle court. Son visage était emprunt d'une panique évidente et d'une indignation scandalisée qui avaient fait apparaître un léger sourire sur les lèvres souples du vampire. Il était rare de voir le jeune Serpentard si peu soigné et Lucius avait éprouvé un zeste d'admiration passager pour la personne qui était parvenue à ce résultat.

La tirade du blondinet n'avait été qu'une suite incohérente de récriminations, entièrement dépourvue de noms propres et étonnamment créative dans le choix des expressions, qui n'avait pas le moins du monde permis à son père d'y entendre goutte. Il avait fallu attendre qu'une bonne demi-heure d'insultes, de cris, de reniflements dédaigneux et autres simagrées se soit écoulée avant que Draco ne lâche les trois petits mots qui avaient changé tant de choses : « Il m'a embrassé. » avait-il dit.

A peine remis de la désacralisation de son enfant qui l'avait laissé pantois quelques heures, Lucius avait tout juste posé une fesse sur le bord de son lit que son calice lui avait assené le coup de grâce d'une phrase guère plus longue que celle de Draco : « Comment un garçon peut-il tomber enceint ? ».

Rétrospectivement cette soirée apocalyptique se teintait d'un vernis d'amusement mais Lucius avait sur le moment cru sa dernière heure arrivée, sa famille liguée contre lui. Sa réponse avait été courte et froide, à la hauteur du déluge d'émotions qui l'avait assailli.

Le lendemain, une fois le choc digéré, il s'était autorisé à prendre à part son calice et à amorcer avec lui une discussion infructueuse. Il savait ce qui avait motivé le garçon et il ne pouvait pas approuver aujourd'hui davantage qu'il n'avait approuvé à l'époque. Envisager une grossesse et la mise au monde d'un enfant par culpabilité et désir pervers de revanche sur la fatalité n'était pas exactement sain, encore moins réfléchi, mais Lucius voulait un autre enfant, il le voulait depuis longtemps, et voir l'opportunité qu'il attendait se présenter d'elle-même avait été trop tentant, trop difficile à refuser.

Sa faiblesse.

~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~ ~ 0o0 ~

Square Grimmauld, tôt le matin.

Sirius fit très doucement le chat pour ne pas déranger son compagnon, réveillant dans certaines parties de son anatomie des tiraillements satisfaisants. Severus s'était montré pour le moins passionné pendant la nuit et il le serait peut-être encore ce matin si le bras possessif qui entourait vigoureusement sa taille était un signe représentatif. Il leva légèrement le visage pour étudier son mari et juger de son état d'endormissement. Son air paisible le rassura et il se nicha de nouveau confortablement contre la peau chaude du Maître des Potions.

Il aimait ces matinées calmes et câlines, trop rares lorsqu'il faut jongler avec deux emplois du temps de professeurs et deux enfants. Si on lui avait dit vingt ans plus tôt qu'il ne demanderait pas mieux que de se blottir contre Severus Snape sous les draps et qu'il ne se sentait jamais davantage en sécurité qu'entre ses bras, il aurait hurlé au scandale et appelé sur le faux prophète les affres de la vengeance maternelle.

Même l'apparition surprise d'un fils en 1997 n'avait pas réellement réussi à le convaincre, quoi que le jeune homme ait pu lui dire. Il fallait bien avouer que le garçon avait très visiblement du sang de Black dans les veines mais que l'influence de Severus Snape n'était pas vraiment perceptible au premier abord. Tant qu'Althaїr n'ouvrait pas la bouche en tout cas, car son persiflage ressemblait à s'y méprendre à celui du sournois directeur de Serpentard.

La première fois qu'il avait touché Severus avait été étrange et il ne l'avait à ce jour toujours pas comprise.

Impulsive et entièrement incontrôlée.

Il l'avait ensuite pratiquement oubliée, refoulant avec soin une chaleur qui s'échappait avec virulence la nuit lorsque sa garde s'abaissait, nourrissant un regain de dédain et d'agressivité envers Severus pendant les heures de veille. Il s'était convaincu d'avoir enterré le souvenir de la peau illégalement soyeuse de son ennemi, du goût de ses lèvres fines et meurtrières, de la sensation de ses mains au doigté incomparable sur son corps. Presque totalement convaincu.

Puis Dumbledore avait exigé sa présence à cette réunion stupide. Quel mal pouvait-il y avoir à ce qu'Harry apprenne de Lucius les rudiments d'une magie utile ? Quoi que l'on puisse penser de l'aristocrate et de ses manières cavalièrement mielleuses, il n'en demeurait pas moins un mage noir de grande classe et doté d'une puissance appréciable. Sirius ne voyait rien à redire à ses projets. Certes il avait pris le contre-pied de ses réelles opinions durant le meeting, et alors ? Personne ne pouvait attendre de lui des réactions rationnelles alors que Severus se trouvait en face de lui, splendidement condescendant et d'une sécheresse de ton impérieuse. Il n'avait pas encore digéré la finalisation du lien entre Harry et Lucius, et Severus avait subi de plein fouet sa frustration. Savoir qu'il était inévitable que la consommation ait tôt ou tard lieu n'avait pas empêché Sirius de se sentir vaguement coupable de n'avoir rien empêché et Snape était là, à défendre son ami de cette façon… Il devait lui rabattre son caquet, point final.

S'il n'était pas resté seul avec le Maître des Potions, aucun écart de conduite n'aurait été noté. Mais plaqué contre un mur par un corps puissant quoiqu'un peu osseux, une langue agile et vicieuse venant molester la sienne, que voulez-vous qu'il fasse ? Le souvenir de leur premier ébat était revenu en force et avant d'avoir pu dire ouf, il chevauchait frénétiquement celui qui l'exaspérait quelques minutes plus tôt.

Il aurait pu s'arrêter là, ne plus jamais croiser le chemin de Severus Snape, héritier de la lignée des Prince.

Mais non.

Son corps, coupable de haute trahison, réclamait davantage de contact et Severus, bien qu'il soit toujours parfaitement désagréable, ne semblait pas objecter et satisfaisait régulièrement ses besoins physiques.

Il n'y avait pas eu de sentiments, de chaleur ou d'émotions dans leurs accouplements. Car Sirius ne pouvait pas, même avec tant d'années de recul, considérer leurs escapades furieuses comme autre chose qu'une réaction primale devant un partenaire sexuellement compatible. Ils ne se concertaient même pas. Ils se croisaient pendant leurs devoirs pour l'Ordre et presque à chaque fois terminaient leur rencontre sur la plus proche surface vaguement plane, Sirius se trouvant toujours les jambes écartées à accepter l'intrusion d'un Severus Snape de plus ou moins bonne composition.

Jusqu'au jour où il avait fait une erreur.

Une toute petite erreur qui n'aurait jamais dû prêter à conséquence.

Ce jour-là Severus Snape n'aurait pas dû poser un pied dans le Square Grimmauld.

Par un hasard karmique improbable, il avait remplacé au dernier moment Dedalus Diggle qui devait apporter une série de rapports d'incidents en prévision de la réunion de l'Ordre programmée le week-end qui suivait. Le Maître des Potions ne se chargeait jamais de telles besognes habituellement mais Dumbledore avait certainement dû le cajoler jusqu'à ce qu'il craque nerveusement et accepte pour se débarrasser de la sangsue que le vieux sorcier savait si bien imiter. Le sombre professeur était arrivé au Square Grimmauld, trempé par la pluie glaciale qui se déchainait, porteur des documents ainsi que d'un petit chaudron rempli d'ingrédients dont il aurait besoin pour une expérimentation longue et complexe qu'il ne pouvait pratiquer à Poudlard pour des raisons de sécurité d'après ses dires.

Sirius, égal à lui-même, ne l'avait pas laissé vadrouiller seul dans sa maison et l'avait suivi en restant à une distance respectueuse – comprenez hors de portée directe – jusqu'au laboratoire souterrain au sein duquel il ne se risquait jamais en dehors de circonstances exceptionnelles. Il n'en avait pas fallu davantage pour qu'il soit basculé sur un plan de travail poussiéreux et rapidement mené à l'orgasme.

Rien d'inhabituel en soi. Une rencontre typique avec le Maître des Potions.

S'il n'avait pas eu la malencontreuse surprise de se réveiller pour vomir tripes et boyaux deux semaines plus tard. Quatre jours de ce régime avaient suffi à lui faire consulter un médicomage et à apprendre la nouvelle.

L'envolée de violence qui avait suivi cette découverte avait réussi à couper le sifflet à Albus Dumbledore et à Walburga Black réunis. Severus n'avait clairement pas apprécié la chouette mal emplumée qui était venue exiger sa présence au Square Grimmauld pendant le déjeuner, la créature ayant explicitement été commandée de le harceler jusqu'à ce qu'il daigne quitter le château, et le Maître des Potions l'avait immédiatement fait savoir. Sirius n'était lui-même pas à prendre avec des pincettes dans son état d'énervement avancé et avait riposté du tac au tac, oublieux de la présence non requise du directeur dans la pièce.

Critiques, insultes et ignominies avaient rempli le bâtiment, le faisant trembler sous leur violence jusqu'à ce que les deux hommes perdent le souffle et manquent d'en venir aux mains, heureusement trop remontés pour penser à leurs baguettes. Une dernière répartie cinglante de Severus avait fait définitivement perdre son calme à l'animagus et des paroles qu'il ne pouvait pas retirer avaient franchi ses lèvres. Il avait bêtement exigé réparation pour sa condition. La tentative d'apaisement de Dumbledore s'était éteinte dans sa barbe et le portrait de Walburga qui s'époumonait dans le hall avait soudainement fait silence. Severus Snape avait perdu ses couleurs, reconnaissant les phrases rituelles.

Il avait refusé de le croire enceint, assurant qu'il n'avait jamais réalisé ni potion ni préparatifs magiques qui auraient rendus une conception possible, allant jusqu'à insinuer que Sirius s'était fait engrosser par Merlin sait qui pour lui mettre le grappin dessus. Les mois qui avaient suivis avaient été parmi les plus douloureux de la vie Sirius, Azkaban inclus, et y repenser le déprimait terriblement. Sa vie actuelle avec Severus n'était pas parfaite, loin de là, mais il savait qu'ils partageaient quelque chose. A cette époque, son mari se montrait si virulent dans son mode de défense et si vindicatif que Sirius en avait été affecté. Il n'avait pas attendu de déclaration d'amour passionnée – il n'en avait d'ailleurs toujours ni entendu ni déclamé, même après presque vingt ans de mariage – mais il aurait pensé qu'avoir partagé des moments intimes quoique dépourvu d'émotions et éphémères aurait au moins eu le mérite d'adoucir légèrement l'irascible Maître des Potions et qu'il se permettrait de lui accorder le bénéfice du doute.

Une illusion, bien sûr.

Les choses ne s'étaient guère améliorées lorsqu'ils avaient compris comment Sirius avait pu tomber enceint sans qu'aucun rituel ne soit entonné. La preuve étant faite, Severus n'avait pas eu d'autre choix que de lancer les préparatifs d'un mariage s'il ne voulait pas perdre tout droit sur l'héritage des Prince en compensation pour sa défection mais il ne l'avait pas fait sans pester à chaque étape, rappelant sans cesse à Sirius qu'il n'avait jamais vu pareil crétin et qu'il n'aurait pas pu détruire sa vie plus efficacement s'il l'avait fait exprès.

Sirius secoua doucement la tête pour disperser ses pensées. Il n'aimait pas repenser à cette période, elle le rendait toujours mélancolique.

- Tu vas arrêter de remuer, oui ? gronda Severus d'une voix rauque.

Avant que Sirius ne puisse répondre, son mari se tourna sur le côté et enserra son visage entre ses mains.

- Tu penses trop pour une heure si matinale.

Ses lèvres furent happées, léchées et mordillées jusqu'à ce qu'il gémisse grâce, oubliant totalement les affres de leur début de vie commune.

- Dors maintenant.

Sirius geignit, collant son bassin à celui de Severus qui ne se laissa pas distraire. Il obligea gentiment l'animagus à se retourner avant de le nicher contre lui comme il aimait, ses cheveux fous chatouillant doucement son nez, son délicieux postérieur blotti contre son érection matinale. Il glissa un bras autour de sa taille, sa longue main reposant sur son ventre encore plat et tonique malgré deux grossesses.

- Tout à l'heure… promit-il.


Enfin je vois le bout de ce chapitre!

Il a été terriblement long à rédiger et j'ai du reprendre plusieurs fois certains passages, en supprimer complètement d'autres qui m'emmenaient sur une pente glissante qui n'était pas prévue - les personnages ont bien trop tendance à avoir une volonté propre au bout d'un moment! - et en réécrire entièrement d'autres qui ne me plaisaient pas du tout tant ils étaient déprimants...

Bref j'espère que le résultat est plus proche de l'atmosphère que je voulais créer pour cette histoire que celle de la première version ne l'était!