Note: Je sais, j'ai disparu un moment... mais le voilà, le nouveau chapiiiiitreeeuuuh !! =)

Mille pardons à tous mes lecteurs... mais vous savez que je vous aime, hein ? Hein ? Hein ? Dédicace à vous tous, parce que vous faites battre mon coeur par votre seule existence...

Et dédicace à Toi, aussi, comme toujours. Parce que c'est pour toi que mon coeur s'arrêtera un jour de se débattre...

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Chapitre Six : « Jeux dangereux… »

Un nouveau jour se lève sur la belle Paris. Paris pluvieuse, une fois de plus, Paris animée, comme toujours. Paris qui pleure sur ses pauvres enfants démunis… ses enfants qui, à peine éveillés, courent après une vie insipide et répétitive, cherchant dans le brouillard de leurs émotions un bonheur éphémère, qu'ils regretteront sitôt l'instant fini…

Je passe les portes de l'hôtel. C'est une belle matinée, ma foi. Teintée de gris et de pluie, étrangement apaisante. Je me sens fatigué. La nuit fut éprouvante. Les clients nombreux. Un original m'a demandé de le menotter à une chaise et de lui bander les yeux. Il m'a mordu l'épaule, mais s'est fait pardonner par un beau pourboire. Il semblait confus. Aussi rouge qu'une écrevisse… je le reverrais certainement, il aimait mon sourire.

L'un des clients suivant, un habitué déjà, ne semblait pas apprécier que l'on m'ait abîmé. C'est pourquoi il s'est montré très doux, encore plus attentionné que d'habitude. Un autre encore est venu avec deux jours d'avance pour ses épanchements sur sa vie de couple tout bonnement désastreuse. Il pleurait, après…

Mon travail, c'est d'alléger leurs souffrances quotidiennes en leur donnant du plaisir. En leur offrant l'accès à leurs fantasmes. En les écoutant, s'ils le désirent…

Ils aiment mes sourires, et je dois dire que j'aime ceux qu'ils me rendent. Pourquoi les hommes qui cherchent le bonheur en fondant un foyer finissent-ils dans mes bras ? Pourquoi semblent-ils plus heureux avec moi qu'avec leurs épouses ?

Ne trouvez-vous pas cela injuste ?

Le monde est cruel. Parce qu'il faut des personnes telles que nous pour que la société se porte au mieux. Parce qu'on nous traite souvent comme des parasites, des criminels, alors qu'au bout du compte nous sommes indispensables…

Ça ne finira jamais.

Me perdant dans mes pensées, je ne m'aperçois qu'à peine que mes pas m'ont mené au Starbucks. Je ne sais pas quelle heure il est. Je ne sais pas quel jour nous sommes. Je ne veux pas le savoir.

Je ne sais plus si j'ai cours. Je me sens… éreinté. A bout de forces…

J'ai envie de crier, mais je ne peux que me taire. J'ai envie de lui… mais il n'est pas là. J'ai envie de lui, mais je ne peux décemment pas lui offrir ce que je ne possède plus depuis bien longtemps déjà. Qui offrirait un objet brisé, usagé ? Un vulgaire jouet malmené… mon corps suinte le désespoir et l'abandon.

Oui, je crois que j'ai abandonné…

Comment pourrais-je sortir cet homme de son enfer, moi qui ne sais déjà pas m'occuper de moi-même ? Comment pourrait-il me sauver, lui qui ne sait déjà pas se sauver lui-même ?

Nous sommes des hommes pitoyables… mais nous sommes des hommes. Les hommes sont de nature bornée. J'ai abandonné tout espoir, en ce qui me concerne. Je ne pense pas que l'on puisse me sauver. Mais je crois…

Je crois que pour lui, je pourrais bien m'acharner. Me battre, rien qu'une dernière fois.

Après, promis, j'abandonnerais.

Quand je l'aurais sauvé…

-Bonjour, Padma !

-Oh, Harry ! Je suis désolée, nous n'avons presque plus de place… si tu voulais bien t'asseoir avec cet homme, tout seul, au fond, ça nous rendrait service…

-Aucun problème. Tu m'amèneras un… double café moka moyen !

-Aucun problème !

Je prends place face à l'homme indiqué tantôt, plongé dans un roman. Sentant un mouvement près de lui, il m'accorde un regard, me laissant voir de sa personne autre chose que le bouquin et le sommet de son bonnet rouge. C'est alors que je le reconnais :

-Blaise ! Joli bonnet…

Oui, j'aime le rouge. Vous ne le saviez pas ?

-Oh, Harry… si je m'attendais à te croiser ici… ne devrais-tu pas être en cours ?

-Sans doute… mais il me semble que je puisse te retourner la question, non ?

-Sans doute, s'esclaffe t-il. A dire vrai, je préfère traîner ici que de m'ennuyer à écouter un vieux croulant qui ne saurait rien m'apprendre que je ne sache déjà… et ce n'est pas comme si qui que ce soit allait remarquer l'absence d'un élève parmi les trois cent restants, n'est-ce pas ?

-Oh, quelle chance… moi, on risque bien de remarquer l'absence d'un élève parmi les trente restants, mais ils ont l'habitude de ne pas me voir…

-Tu étudies… le dessin, c'est ça ?

-Oui… il parait que je suis doué, mais… voyons les choses en face, je doute que quelqu'un comme moi puisse percer dans quelque domaine que ce soit…

Il hausse un sourcil. Glisse un marque page dans son livre, qui parait neuf, et le pose sur le bord de la table. Padma m'apporte ma commande, il demande un capuccino. Puis, reposant son menton sur ses mains liées, me scrute d'un regard pour le moins suspicieux.

-Et… peut-on savoir pour quelle obscure raison tu penses ainsi ?

J'éclate de rire. Rire jaune. Que voulez-vous que je lui raconte ? Qu'une putain ne pourra jamais devenir célèbre pour autre chose que pour son cul ?

-Disons… que j'ai laissé tomber les rêves idylliques comportant la panoplie prince charmant, château étincelant, travail parfait et famille nombreuse en option. Je ne fais pas partie de ceux qui auront le droit de goûter au bonheur, assis à la droite de Dieu.

-A t'entendre, la vie n'est que platitude et ne permet pas le rêve…

-Faux. La vie est ce que l'on en fait, et il faut croire que j'ai fait de la mienne un enfer. Mais je m'y complais, ce n'est pas si mal. Je survis. Je survis toujours, quoi qu'il arrive…

-Alors… Draco n'est pas ton prince charmant ?

J'éclate de rire.

-Je pensais que tu le connaissais mieux que cela…

-Mais je le connais, assez pour savoir que tu es spécial pour lui alors qu'il ne parle jamais de toi. Je crois qu'à ses yeux, tu es comme un secret à garder jalousement du regard d'autrui, même de ses meilleurs amis… alors je me permets de te demander s'il n'est guère qu'un jouet, à tes yeux, histoire de me préparer à ramasser les morceaux si tu réussis à le briser plus qu'il ne l'est déjà…

Haussement de sourcil. Je vois que c'est un homme intelligent, qui protège ses amis… j'aime ce genre de personnes.

-Blaise, j'aime les personnes de ton acabit. Par certains aspects, tu me fais penser à Hermione…

-Dois-je le prendre comme un compliment ?

-Absolument. Hermione est une jeune femme formidable, même si elle cache bien son jeu… je tiens à te dire que tu n'as rien à craindre de moi. Tu sais, j'ai longtemps attendu qu'un prince vienne me tirer de mon caniveau. Très longtemps. Ce n'est pas évident, pour un garçon comme moi, de survivre dans ce monde, sans personne. Je suis quelqu'un de faible, vois-tu. Je n'ai jamais compté sur personne, je n'ai jamais pu le faire. Je ne sais pas faire grand-chose de mes dix doigts, mais je me débrouille comme je peux. Pourtant, aussi cruelle puisse être la vie avec moi, jamais je ne me suis servi, ni me servirais de personne. Je ne joue pas.

Je bois une gorgée de mon moka. Blaise continue de me scruter calmement, en attente de la suite.

-Draco n'a rien d'un prince charmant. Pourtant… c'est bien lui, que j'attendais. Je ne sais pas qui il est, je ne sais pas si je dois le savoir. Mais je l'ai attendu, et il est venu. Plus qu'un prince charmant, il est… l'ange qui m'a montré que même dans mon enfer, il existe un ciel. Nocturne, mais étoilé. Et il l'a découvert avec moi. Tu sais, Blaise, je ne sais pas pourquoi lui, et toi, vous semblez si perdus. Si seuls. Je ne sais pas si vous me l'apprendrez un jour. Je sais qu'il est brisé, lui aussi. Je sais que nous sommes fragiles, tous les deux, je sais que n'importe quelle secousse pourrait nous mettre en miettes. Je ne suis pas certain qu'il saurait me guérir, encore moins me sauver. Je n'irais pas jusqu'à croire que qui que ce soit saurait le faire. Mais si je peux l'aider, de quelque façon que ce soit, je le ferais. Si je peux panser ses blessures, s'il me laisse lui proposer mes bras lorsqu'il aura envie de pleurer, je serais là. Je ne demande rien en retour… c'est là toute la différence entre lui et le reste du monde. Je ne lui demande pas de payer…

Blaise est un homme intelligent, je sais qu'il a compris le message. A mes yeux aussi, Draco est comme un trésor à garder jalousement du regard d'autrui… un secret qui n'appartiendrait qu'à moi. Une étoile dans ma nuit… non, des milliers d'étoiles dans ma vie nocturne…

Je ne joue pas.

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Le jeu. Un art de se divertir dont l'homme a su développer toutes les formes dans le seul but de tromper l'ennui. Un art que j'ai appris à faire mien. La manipulation est le plus amusant des jeux, la séduction, le plus subtil des arts. Ainsi, d'un simple regard, je sais comment détourner l'attention d'un homme, l'attirer à moi. D'un sourire, je saurais le faire plier, d'un rire, le détruire, l'humilier.

J'en use quotidiennement, à la perfection. C'est pourquoi je ne dors jamais seule, le soir. Je vis dans un monde où l'on n'admet rien d'autre que la perfection. Je me suis forgé un masque parfait, dont les facettes correspondent à toutes les situations. Je suis le parfait exemple de la prédatrice à laquelle vous ne pourrez résister, dont vous ne saurez éviter les pièges, ni vous en défaire.

Je suis votre pire cauchemar… surtout si vous êtes une femme.

Si ce n'est pas le cas, alors je suis… un rêve à la douce amertume. Lorsque vous vous réveillerez, vous vous souviendrez vaguement de mon visage, et mon parfum restera sur votre langue encore longtemps, empoisonnant doucement vos sens… et votre vie.

Je suis une drogue, et en une seule prise, vous deviendrez accro à moi.

Un seul regard, et vous êtes perdu. A jamais. Car jamais vous ne m'oublierez vraiment. Mon nom aura beau s'effacer, inexorablement, au fil du temps… jamais vous ne vous déferez de mon poison.

Votre vie n'est guère qu'un jeu conçu pour me divertir.

Même les derniers instants d'un roi n'ont de raison d'être que pour me plaire.

Je l'ai séduit, subtilement, sous les yeux de mes camarades ahuris. Charmé, le maître des lieux me convia à ses côtés, cherchant à m'impressionner d'un savoir hors normes, de richesses sans limites… et les yeux de ses catins brillent encore de ses histoires.

Le roi veut me montrer qu'il peut tout obtenir, qu'il possède déjà tout. La renommée, la gloire, les femmes, les richesses… mais je réplique, d'un sourire amusé, qu'il lui manque l'essentiel.

Moi.

Les autres femmes murmurent déjà dans mon dos, que je ne suis guère qu'une chienne en chaleur, qui attire tous ces mâles en rut. Dans le regard de l'une d'elle, je reconnais la flamme fugace du prédateur piégeant sa proie. Nous échangeons un sourire discret. Les autres femmes ne peuvent saisir toute la délicatesse de cet art qu'est le nôtre. Ne rien faire de flagrant, laisser la proie venir, alléchée par notre parfum sans pareil, ne laisser aucune trace du méfait.

C'est ainsi que l'on vole les hommes des autres, sans que l'on puisse nous accuser de quoi que ce soit.

-Et que diriez-vous de m'accompagner dans mes appartements, à l'abri de tous regards ? Je possède un trésor dont je souhaite que vous fassiez la découverte en ma compagnie…

-Un trésor ? Que c'est intrigant, Peter…

-Un petit bijou, que vous ne sauriez rencontrer nulle-part ailleurs… faites-moi confiance, vous serez enchantée…

-Ce serait avec le plus grand plaisir, Peter, mais… que dirons vos invités ? soufflais-je dans un sourire mutin.

-Au diable leurs mesquineries, ils seront juste jaloux que je vous aie dévoilé mon trésor à vous, non à eux ! Nous y allons ?

-Avec plaisir, Peter… dis-je en acceptant le bras qu'il me propose galamment.

La séduction est un art ancestral, et les femmes en usent avec ostentation pour parvenir à leurs fins. Les hommes auraient dû comprendre, depuis le temps, que les femmes possèdent les armes les plus efficaces du monde… nous sommes les monstres les plus effroyables qui soient. Prêtes à tout pour parvenir à nos fins. Nous ne reculons devant rien ni personne…

-Milady, je vous présente mon plus précieux trésor…

Je reste bouche bée un instant. Oui, un trésor, à n'en pas douter… elle est belle. Une beauté éthérée, comme une magnifique sylphide. Sa longue chevelure blonde nacrée et bien lisse frissonne jusqu'à ses hanches serrées dans une longue robe de satin gris perle. Elégamment assise dans un décor des plus somptueux, elle lève dans ma direction de grands yeux gris aux longs cils savamment maquillés et ornés de fines plumes noires.

L'infinie douceur de ses traits ne sont pas sans me rappeler, dans leur finesse aristocratique, ceux de Draco, bien que ses yeux à lui fassent souvent penser au métal glacial ou à l'orage déchainé, alors que les siens ressemblent plutôt à deux perles précieuses, intouchées des mains avilissantes de l'homme. Elle est belle comme un ange qui jamais n'aurait posé son regard sur le monde, et qui se laisserait porter en fermant simplement les yeux…

Aussi pure que le cristal…

-Peter, cherchez-vous donc à me vexer en me présentant une si jolie jeune femme ? je proteste, faussement outrée.

-Elle s'appelle Luna. Si vous le désirez, elle peut vous tirer les cartes… elle ne se trompe jamais, je puis vous l'assurer ! Souhaitez-vous essayer ?

Je hausse un sourcil.

-Les cartes, voyez-vous ça ? Eh bien, je serais heureuse que vous me prédisiez mon avenir, Luna. Tirez-donc, et convainquez-moi de votre talent.

S'esclaffant, l'homme se dirige vers un minibar, tandis que la jeune femme, docile, s'empare d'un paquet de tarots dessinés à la main et richement décorés, rangés à l'intérieur d'un coffret d'ébène et de nacre. Calmement, elle dispose les cartes, face cachée, sur la table, dans une disposition en étoile qui m'était inconnue. Une à une, elle les retourne.

-Vous incarnez la Perfection, vous forgez vos visages selon vos envies, vous êtes une femme multiple et profondément prédatrice. Vous chassez l'homme pour vous en défendre, vous êtes seule, vous êtes… aveugle. Vous vous pensez seule, mais vous ne voyez pas l'Inconnu qui vous accompagne. Vous sombrez, sans voir la main qu'il vous tend. Vous l'ignorez parce que vous ne voulez pas de sa pitié, vous ne voyez pas qu'il n'en est rien… il pourrait vous sauver, si seulement vous lui accordiez cette chance…

Bon. Jusque là pas de quoi s'affoler. Elle aurait pu dire ça à n'importe qui… n'est-ce pas ? C'est par hasard que le tarot me désignant est le numéro sept ? C'est par pur hasard que la carte désignant cet inconnu soit la dixième ?

-Vous planez comme la Mort… poursuit-elle de sa voix éteinte. Pourtant, vous n'êtes pas elle, non… la Mort est un homme… perdu, et seul… un bel homme. Et il y a cet ange… son ange déchu qui saura effacer ce symbole d'un seul sourire, d'un simple regard… cet homme… Treize…

Je lève vers elle mes yeux écarquillés, plongeant dans les abysses de son regard perlé, et étrangement vide. Elle me dévisage, un petit sourire étirant la commissure de ses lèvres.

-Cet ange… cet ange est leur ennemi… et cet ange nous libérera tous des griffes de nos geôliers, il nous fera renaître plus beaux dans le sang de ses larmes…

Elle saisit ma main, fébrilement. A l'autre bout de la pièce, Peter nous observe, curieux, un sourcil haussé. Dans un brusque soubresaut, la jeune femme s'effondre dans mes bras, renversant au passage sa table et ses cartes qui s'éparpillent sur le tapis persan.

-Luna !

-Ne vous inquiétez pas, entonne sa voix fluette. Il m'arrive fréquemment d'être prise de brusques accès de faiblesse… pouvez-vous m'aider à regagner mon lit, je vous prie ?

-Bien sûr… tenez-vous à mon bras, Luna… avez-vous besoin de quelque chose ?

-Non, merci. Vous êtes bien gentille… vous devez vous efforcer de tenir. Il vous sauvera, vous savez…

-Qui ? L'ange ?

-Non… cet homme à la peau sombre… c'est lui, votre ange.

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Il ne cesse donc jamais de pleuvoir, dans cette ville ? Tant mieux, remarquez… je n'aime pas particulièrement le Soleil. Je suis de ces parasites qui préfèrent se cacher dans l'ombre insipide. Pourtant, je pensais que venir à Paris me changerait de Londres, où, parait-il, le temps n'est jamais au beau fixe. Tant pis. Qu'importe, après tout ? Tant qu'il y a des boites de nuit, je devrais m'en tenir satisfait…

-Ron ? C'est toi ? demande la voix enchanteresse que je reconnaîtrais n'importe où.

-Hermione ! Quelle surprise, vous ici ? m'exclamais-je avec un sourire tordu.

Elle éclate de rire dans son écharpe rayée rouge et blanche. Elle est jolie, comme toujours. En bonne anglaise, malgré ce temps pourri, elle porte une petite jupe de faux cuir noire, et ses cuisses fines, dénudées, se cachent dans des bottes montantes en daim rouge. Engoncée dans un perfecto d'épais cuir noir, elle frissonne légèrement, malgré les trois longueurs d'écharpe enroulées autour d'elle.

-Quel temps de merde, hein ? continues-je. A quoi bon quitter Londres, si c'est pour retrouver exactement le même ciel à Paris ?

-Ça, je ne te le fais pas dire ! On se caille les miches ! Mais dis-moi plutôt, ne devrais-tu pas être en train de profiter du sommeil du juste en cette superbe matinée de week-end, toi qui passes tes journées à dormir en cours ? demande t-elle avec une expression légèrement moqueuse.

-J'y allais, justement… mais puisque je te croise sur mon chemin, que dirais-tu d'aller plutôt étancher une soudaine soif de chaleur en ma compagnie devant un bon chocolat chaud ?

-Pourquoi pas, après tout ? J'étais juste descendue acheter du tabac, mais puisque tu m'invites si gentiment… disons que ce sera pour toutes les fois où je me suis efforcée d'arriver en avance en cours parce que je sais pertinemment qu'un pauvre hère serait bien incapable d'avoir ses examens sans mon aide si précieuse…

-Ne dis pas cela, je te vois mal courir après le bus…

-Le métro, chéri. Je cours après le métro.

J'éclate de rire à mon tour, tandis qu'elle porte négligemment la cigarette qu'elle était en train de rouler à ses lèvres exquises. Mon rire s'en trouve d'ailleurs interrompu dans un innommable gargouillis, hypnotisé que je suis par le mouvement sensuel de sa langue sur la feuille. Ce sera bien la première fois de ma vie que je rêve de prendre la place d'une bienheureuse feuille OCB…

-Tu habites dans le coin ?

-Parce que tu crois sérieusement que je vais donner mon adresse au premier venu ? rétorque t-elle dans un sourire malicieux.

-C'était mesquin, ça… je pleurniche, une moue boudeuse aux lèvres.

-Cesses de raconter des inepties et suis-moi. Je connais un merveilleux café où l'on sert le meilleur chocolat chaud du monde… dit-elle en s'emparant de ma main et en me traînant à sa suite, clope au bec.

Elle me tire à travers des rues que je ne connaissais pas, me tenant fermement par le bras, comme si nous n'étions qu'un couple comme les autres. Espérais-je sérieusement avoir un jour une telle chance ? Discuter de tout et de rien, de choses sans importance, et aimer sa conversation autant que je m'ennuie des discussions des autres… pourquoi la parole la plus banale, sortie d'entre ses lèvres purpurines, semble la plus extraordinaire nouvelle ?

-Au fait, je ne t'ai jamais demandé pourquoi tu étudiais la littérature, Ron…

-Juste pour avoir un diplôme, m'esclaffais-je. Et parce que j'aime ça. Je suis écrivain… et toi ?

-Juste pour avoir un diplôme, réplique t-elle, narquoise. Je suis actrice. Donc si tu songes à adapter tes romans… pense à moi !

-J'y songerais, rigolais-je.

Elle ne le sait pas, mais cela fait des mois que je ne songe qu'à elle, pour mes rôles. Elle est mon héroïne… dans tous les sens du terme. J'ai la désagréable sensation que je ne saurais avancer si je devais un jour me passer d'elle. Comme si sa présence m'était indispensable…

-Salut, 'Mione… lance une voix chaleureuse, à notre droite.

C'est une jeune femme, très peu vêtue pour le temps, dirais-je, ses longues jambes outrageusement dévoilées au froid ambiant sous un trench noir, très court et très près du corps. Le plus remarquable dans sa silhouette reste sa courte chevelure, fraîchement colorée, semble t-il, d'un violet soutenu, aux reflets tirant sur le fuchsia.

-Lavande ! Comment vas-tu ?

-Je me porte comme un charme, je viens de quitter un homme tout à fait merveilleux… mais dis-moi, tu sembles toi-même en charmante compagnie !

-En effet, rigole t-elle. Au fait, tu sais ce que fait Harry ? Il n'est pas rentré, ce matin… hier non plus, d'ailleurs.

-Il a disparu avec Dubois et l'un de ses amis, cette nuit. Ce garçon prend toujours tout son temps, il a les moyens…

-Il a pris les deux ? demande Hermione, abasourdie.

-Oui, et ce n'est pas la première fois… même si cela n'a pas l'air de lui déplaire, je pense que tu devrais lui en toucher un mot. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude, c'est mauvais pour lui. On ne sait jamais sur quel genre de malades on peut tomber, et tout le monde n'est pas aussi charmant que son beau blond…

-Oui, je lui en parlerais…

-Quand à hier, je l'ai vu s'arrêter au Starbucks pour le petit déjeuner. Il discutait avec un ami, j'imagine qu'il a dû rentrer après que tu sois partie en cours…

-Je vois… merci, Lavande ! Passe une bonne journée…

-Toi aussi, ma puce… je cours me réfugier sous ma couette piquer un roupillon. Harry ne devrait pas tarder à me rejoindre au pays des rêves, ne t'en fais pas…

Elle disparait après un sourire, sans se hâter toutefois, malgré la pluie battante. Hermione la regarde s'éloigner, avant de soupirer et de continuer son chemin. Restant silencieux durant le reste du trajet, qui ne fut par ailleurs pas très long, je scrutais le pli soucieux entre ses fins sourcils. Elle semble toujours perdue dans ses pensées lorsque le serveur vient lui demander ce qu'elle prendra, la faisant sursauter.

-Sirius ! Heu… un chocolat chaud, je te prie…

-Et ton ami ?

-Pareil.

-Ça roule… 'Mione chérie, tu me parais soucieuse. Un problème avec Harry ?

-Je ne sais pas encore… tu n'as pas l'impression qu'il a encore maigri, toi qui vois tout ?

-J'avais plutôt la sensation qu'il se remplumait. Il venait souvent manger avec son nouvel ami, Draco… mais c'est vrai que cela fait plusieurs jours que je ne les ai vus… d'ailleurs, Draco ne vient plus le midi non plus…

-Il m'a dit que Draco était parti en voyage, mais… depuis, je ne l'ai pas vu avaler quoi que ce soit… tu penses que ce mec lui a fait du mal ?

Le serveur s'esclaffe sous mes yeux ébahis, et la grimace de son interlocutrice. Qui Diable est donc ce Harry ?

-Aucune chance… vu les étoiles que le blondinet a dans les yeux lorsqu'ils sont ensemble, je pense qu'il serait incapable de lui porter préjudice. Même s'il est de notoriété publique que Draco Malfoy est un connard avec tout le monde, ses amis mis à part…

-Un connard, rien que ça ? demande t-elle, moqueuse. Moi il m'a semblé être un gentil garçon, lorsque je l'ai retrouvé vacillant à la porte de ma cuisine…

-J'imagine que c'est parce qu'il dévorait Harry du regard… tu les verrais, lorsqu'ils dînent ici. Le couple le plus glamour de l'année… mais avec Harry, c'est spécial. D'habitude, ce garçon regarde tout être humain comme si c'était de la merde. Il est affreusement arrogant et superbement conscient de son écrasante supériorité intellectuelle face au commun des mortels… je comprends que vous puissiez vous entendre : même si tu es bien plus aimable que lui, vous sortez à peu près du même moule…

-Va donc chercher nos chocolats, plutôt que de raconter des âneries… soupire t-elle en levant les yeux au ciel sous les éclats de rire joyeux du serveur.

Se tournant vers moi, elle m'adresse un sourire contrit.

-Je suis désolée, je t'ai un peu abandonné… Sirius est un vieil ami que j'ai retrouvé par hasard, ici-même. Il est anglais, lui aussi…

-Ce n'est rien, réponds-je. Je serais bien en peine de me plaindre alors que j'ai la chance de petit-déjeuner avec une si charmante jeune femme… Harry est…

-Mon colocataire. Il… travaille de nuit, alors je m'inquiète lorsque je ne l'entends pas rentrer, le matin…

C'est une excellente actrice. Mais je suis moi-même acteur de la scène mondaine, je sais reconnaître les mensonges, même excellents. Je suis moi-même un parfait menteur. Je ne lui demanderais pas si son colocataire fait le même genre de travail que cette jeune femme aux cheveux violets. Je crois déjà savoir. Car si elle parlait bien du Dubois que je connais, je crains désormais de connaître l'identité de sa précieuse catin… qui eut cru que le grand Olivier Dubois, tombeur émérite de ces dames, s'enticherait d'un gigolo ?

-Tu connais Draco Malfoy ? demandais-je plutôt.

-Disons que je l'ai retrouvé un beau matin à la porte de ma cuisine, complètement débraillé et à moitié défaillant, absorbé dans la contemplation de Harry qui cuisinait des œufs brouillés et du bacon en chantant presque aussi bien que sa poêle à frire…

Elle rit à ce souvenir. Bien sûr que je connais Malfoy, il fait partie du même monde que moi. On est sensé sourire poliment et s'aplatir comme une crêpe à sa majestueuse approche, sous peine de réprimandes de la part de papa.

-Alors ce connard serait capable de sympathie à l'égard de qui que ce soit ? Je pensais qu'il ne se montrait humain qu'avec son garde du corps et sa pouffiasse…

-Tu as de la chance que ni lui, ni Blaise, ne t'entendent la traiter de la sorte. Et je n'ose imaginer dans quel état je retrouverais ta belle gueule d'ange lundi, si Pansy elle-même t'entendait… marmonne t-elle, visiblement mécontente que je médise d'eux.

-Excuses-moi, je ne devrais pas te mêler à nos querelles intestines entre gosses de riches… m'excusais-je. Mais ces trois-là agissent vraiment comme s'ils faisaient partie d'une communauté à part, excluant le reste du monde de leur bulle. D'ailleurs, je me demande bien comment avez-vous pu vous lier à eux… je ne serais même pas étonné qu'ils finissent en mariage polygame, à l'avenir !

Elle écarquille les yeux, avant de s'écrouler littéralement de rire, sous le regard amusé du serveur qui dépose nos commandes, puis m'adresse un clin d'œil avant de s'éclipser. Gagné par son hilarité, je me prends à rire à mon tour, comme je n'avais plus ri depuis très longtemps.

-Impossible… s'étrangle t-elle finalement. Pansy est du genre libertine exacerbée et maintes fois assumée, Blaise dépérit d'étreinte en étreinte en ne voyant qu'elle, quand à Draco… Draco…

Elle s'étrangle à nouveau, mais pas de rire, cette fois. Je m'interromps à mon tour, inquiet. Elle a baissé la tête, refusant de me dévoiler ses émotions. Pourtant, quand sa voix reprend, je sens vibrer en elle une profonde tristesse, et de la peur. Le genre de peur que l'on ressent lorsqu'on sent que cela ne peut que mal finir.

-Draco est amoureux de Harry, ce con. Il n'a jamais aimé personne, et il a fallu que ça tombe sur lui…

-Est-ce si grave ?

Elle relève finalement les yeux vers moi. Et je frissonne. Ils semblent vides, anéantis par la souffrance.

-Harry n'est pas le genre de personne que l'on peut aimer sans dommages. Et Draco est déjà abîmé. Ils ont tous les deux besoin d'être sauvés, mais…

Elle ferme les yeux, respirant calmement, comme si elle souhaitait contrôler se larmes.

-Harry vous fait-il du mal ? demandais-je doucement. T'as t-il fait quelque chose ?

-Non ! s'écrie t-elle, choquée, rouvrant les paupières. Harry est un homme profondément gentil, il ferait toujours n'importe quoi pour n'importe qui, ne serait-ce que pour se sentir utile… mais c'est quelqu'un qui souffre énormément. On l'a détruit, on l'a piétiné, jusqu'à ce qu'il ne reste plus grand-chose… il a tant souffert qu'il en a pris l'habitude, il en a besoin pour vivre, comme moi j'ai besoin de clopes ! L'aimer signifie systématiquement craindre en permanence qu'il fasse la connerie de trop… et si moi, j'ai appris à le supporter, je crains que Draco soit trop fragile pour cela. J'ai peur qu'ils se brisent en voyant l'autre se briser…

Sa voix se perd, elle roule fébrilement une cigarette que j'allume avec mon Dupont en argent et laque noire.

-Tu sais, reprend t-elle finalement, quoi que tu en penses, Draco est quelqu'un de bien. Il a sans doute besoin d'être un connard pour vous tenir à l'écart, comme moi j'ai besoin de vous paraître supérieure, ou comme Harry a besoin de sourire sans cesse pour tenter de nous laisser croire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Mais Draco se considère comme un homme foutu, et il se vautre dans le vice et dans le stupre. Et Harry déploie des trésors de stratégie pour se faire physiquement mal en faisant passer la moindre glissade dans les escaliers pour un accident dû à sa maladresse. Harry est beaucoup de choses, mais certainement pas maladroit… et j'ai peur des hommes qui me regardent de trop près, comme une gamine terrifiée par de vieux fantômes.

-Tu as peur des hommes ? Je… je suis désolé, je ne savais pas…

-Pourquoi t'excuses-tu ?

-J'ai passé le plus clair de ces derniers mois à te draguer de la façon la plus outrageusement subtile et délicate possible. Et je sais que tu l'as parfaitement compris, vu comme tu vois clair en chaque personne que tu côtoies… mais si j'avais su, je t'aurais laissée tranquille, plutôt que de te poursuivre de mes assiduités. Donc je suis désolé si, à un moment ou un autre, tu as pu te sentir mal à cause de mon attitude…

Elle pouffe de rire devant mon air contrit, sur quoi je lui lance un regard interloqué.

-Ne t'en fais pas, ce n'est pas de ce genre de regards que je crains. Tu ne me regardes jamais comme si je n'étais qu'un vulgaire morceau de viande à dévorer… ou a sauter, en option. Je suis charmée de l'attention que tu me portes, tu sais. Mais je ne compte pas faire partie de ton tableau de chasse. J'ai beau, contrairement à ce que l'on pense, ne pas m'avoir en très grande estime, je pense que je vaux mieux que ça.

Le tout sur un sourire éclatant, la lèvre mouillée de chocolat crémeux. Je ne sais si je dois rire ou pleurer. Ma déesse me rejette si brutalement… mais je la comprends, d'un côté. J'ai vraiment très mauvaise réputation…

Nous passons le reste de la matinée à nous gaver de chocolat sur l'agréable terrasse chauffée de ce café près du Louvre, à parler de tout et de rien, en évitant ce qui pourrait la rendre triste. Je me fiche, désormais, de ce temps de merde, de mon quotidien pourri… elle est là, en face de moi, qui ne sourit qu'à moi. Nous nous lançons la balle, debout sur un filin d'acier, atrocement conscients que le moindre faux pas nous ferait sombrer, inéluctablement. Une femme brisée et un homme foutu, qui jouent à ce jeu dangereux qui en a assassiné plus d'un au fil des siècles. Je la complimente. Et elle rit. Je réponds à sa répartie. Et elle me sourit. Et je crois que je l'aime. Mon Dieu oui, je l'aime, ma déesse, ma Muse.

Mon héroïne…

Oo0°oOoOO°°0oOo00°oO°O0°oo°o0O°0Oo°o°O0O°°0oO ... Tsuzuku...

Eve: Vous savez quoi ? Nan ? Bah moi nan plus... ça tombe bien, hein ?

Nana: Bah bravo, ça y est, on l'a perdue. Elle est bonne à enfermer... --'