Epilogue

Tenten haleta bruyamment en se reculant et enfonça ses jambes dans la terre retournée du terrain d'entraînement. Sa main gauche tenait fermement le bâton droit et simple qu'elle tendait pour se défendre. Face à elle, Neji était prêt à charger à nouveau.

– Tu veux arrêter ? demanda-t-il.

Tenten secoua la tête avec détermination. Elle était fatiguée mais pouvait encore s'entraîner. Comprenant le message, Neji s'élança vers elle, les mains en avant. Tenten savait qu'il ne la blesserait pas, mais s'écarta d'un bond et se servit du bâton pour bloquer ses gestes. Neji était rapide, ses gestes aussi fluides que ceux d'un danseur, et Tenten s'efforçait de le contrer à chaque coup. Soudain, il la toucha à la hanche et ils s'immobilisèrent.

– Tu t'améliores, constata-t-il en retirant sa main.

Tenten le remercia d'un signe de tête et baissa les yeux vers le bâton qu'elle tenait à deux mains.

– Je ne suis pas encore assez rapide, fit-elle, un peu agacée.

– Ça viendra. Ta rééducation est en bonne voie et Shizune a fait un excellent travail.

A ces mots, il plaça une main sur le poignet droit de Tenten. Bien sûr, ce n'était pas son véritable poignet. Il s'agissait d'une prothèse, une simple copie, mais, avec les conseils de Tsunade, Shizune en avait fait un membre neuf. Tenten le dirigeait aisément grâce à son propre chakra.

– Tu me sens ? demanda Neji en baissant les yeux vers sa main, toujours posée au même endroit.

– Un peu, mais pas vraiment. C'est étrange, en fait. Je crois que c'est plutôt mon chakra qui sent le tien.

Neji acquiesça et se dirigea vers le bord du terrain Il retira sa veste de ninja pour enfiler un vêtement plus ordinaire.

– On s'arrête déjà ? demanda Tenten, un peu déçue.

– Tu ne voudrais pas être en retard ? répliqua Neji, un mince sourire plissant les commissures de ses lèvres.

– C'est déjà l'heure ? Mince, il ne faut pas rater ça !

Aussitôt, elle se mit à courir et Neji, heureux de voir sa coéquipière aussi enthousiaste, lui emboîta le pas. Tout avait été difficile depuis son réveil à Beru, mais elle avait fini par accepter la prothèse que Shizune avait mise au point. Cette dernière en avait d'ailleurs profité pour en créer une pour Shino, un peu moins perfectionnée puisque celui-ci n'utilisait pas ses bras pour ses techniques de ninja.

Tenten avait eu énormément de mal à s'habituer à son faux membre. Elle se sentait moins sûre de ses gestes, semblait avoir perdu son habileté et avait bien souvent du mal à coordonner ce bout de plastique avec le reste de son corps. Cependant, la longue phase de réapprentissage était en bonne voie et, depuis, Tenten retrouvait le sourire. Même si elle ne le savait pas, rien ne pouvait faire plus plaisir à Neji.

*

Du haut de ses dix-neuf ans, Sakura se tenait au dernier étage de la tour administrative de Konoha, récemment inaugurée. Cela faisait à présent plusieurs mois que le cauchemar Kyûbi avait pris fin et, enfin, le village commençait à retrouver un peu d'allure. Le site se trouvait à quelques kilomètres du précédent, dans un environnement semblable.

Sakura jeta un coup d'œil par la large fenêtre pour apercevoir la foule amassée en bas. Les habitants du nouveau village de Konoha n'étaient pas particulièrement nombreux, mais ils étaient présents et c'était tout ce qui comptait. Finalement, elle se retourna et demanda :

– Vous êtes sûr de votre choix, Kakashi-sensei ?

– Oh oui ! répondit le ninja aux cheveux blancs. Cependant, j'espère que, toi, tu te sens prête.

– A vrai dire, je suis un peu nerveuse, mais je pense que je pourrai m'en sortir.

– Je pense la même chose, intervint une voix grave.

Sakura se retourna et un sourire éclaira son visage.

– Sasuke ? s'étonna-t-elle. Qu'est-ce que tu fais ici ?

– J'étais venu voir comment tu t'en sortais, répondit-il d'un air nonchalant.

– Oh, je t'en prie, ce n'est pas le moment, Maître Tsunade m'a déjà surchargée de conseils ! fit Sakura d'un air un peu gêné.

– Pour ça, tu peux t'attendre à ce qu'elle t'en donne d'autres, assura Kakashi.

Sakura soupira en levant les yeux au ciel. Il était vrai qu'elle était jeune, mais elle espérait un peu de liberté de mouvement pour pouvoir prouver aux gens qu'elle méritait leur confiance.

– Bon, il est onze heures, intervint Sasuke, il est peut-être temps de commencer.

Sakura acquiesça et sortit du bureau, suivie des deux hommes. Elle commença à tordre ses mains pour tromper son angoisse. Plus ils avançaient et plus ils s'approchaient de l'instant crucial. Elle commença alors à douter. Avait-elle bien fait d'accepter ? N'était-elle pas un peu jeune ? Elle secoua la tête et se ressaisit. Si Kakashi lui faisait confiance, elle ne pouvait pas le décevoir.

Enfin, ils s'arrêtèrent au toit de la tour. Une légère brise de printemps la fit frissonner. Même si elle était trop éloignée des rambardes pour apercevoir la foule, elle sentait sa présence. Elle se tourna alors vers les deux hommes.

– Vous me trouvez comment ? demanda-t-elle en baissant les yeux vers sa tenue.

– Parfaite, assura Kakashi avec un sourire.

– Pff, je dois ressembler à Maître Sarutobi, oui !

– Je trouve que ça te donne un peu de sagesse, mais tu ne parais pas vieille pour autant, la contredit Sasuke.

Rassurée, Sakura se décida enfin à avancer jusqu'au bord de la terrasse. Lorsqu'elle fit son apparition, la foule commença à s'agiter et les applaudissements fusèrent. C'était jour de fête à Konoha et les habitants se montraient pleins d'entrain.

Au bout de quelques secondes, Sakura leva les bras pour réclamer le silence. Elle prit une grande inspiration pour calmer les battements de son cœur. Elle sentait les regards de la foule tous posés sur elle et comprit qu'elle ne devait pas se tromper. C'était maintenant à elle de parler :

– Peuple de Konoha, commença-t-elle, je suis très honorée d'avoir été choisie par Maître Kakashi pour devenir votre Septième Hokage. Je sais que nous venons de passer des moments difficiles et sans doute plusieurs d'entre nous ont perdu l'espoir de voir un jour notre village renaître. Ceci dit, aujourd'hui, je me sens prête à vous protéger et à vous enseigner le principe que mes prédécesseurs se sont efforcés de transmettre : nous sommes le village de Konoha et, comme dans une grande famille, notre devoir à tous est de veiller les uns sur les autres. C'est ce qui nous lie, ce qu'on appelle la volonté du feu.

A ces mots, les applaudissements retentirent de plus belle. Sakura sourit en voyant les gens l'acclamer. Ce qui la soulageait, c'était qu'elle ne les avait pas déçus. Elle accorda un signe de main à ses connaissances. Gai ressortait clairement de la foule, agitant les bras dans tous les sens pour la saluer. Sakura avait du mal à croire à son rétablissement et, pourtant, à force de patience et de persévérance, Kakashi et ses élèves avaient réussi à lui faire admettre la mort de Lee. A côté de lui, Neji, l'air impassible, entourait d'un bras les épaules de Tenten. Cette dernière encourageait la nouvelle Hokage d'un magnifique sourire, sûre qu'elle saurait remplir son rôle.

Finalement, Sakura détourna les yeux et son regard tomba sur un nouveau couple.

– Kiba et Hinata ne sont pas un peu proches ? demanda-t-elle soudainement en fixant un point de la foule.

– Si et, si j'ai bien compris, ils sont ensemble depuis la semaine dernière, répondit Sasuke derrière elle. Hinata a par ailleurs repris la direction de son clan, donc je pense qu'elle ne va pas tarder à intégrer le conseil.

– Comment tu sais tout ça, toi ? demanda Sakura, suspicieuse.

– Eh bien, après six ans d'absence, il fallait bien que je m'informe sur l'actualité de nos amis.

Sakura acquiesça, même si elle doutait de ces paroles. Sasuke savait que ce n'était pas la plus convaincante des réponses, mais il ne pouvait pas lui révéler qu'en vérité il avait cherché à se renseigner sur elle et, qu'ainsi, il en apprenait de belles sur leurs amis. Il tenait à honorer sa promesse auprès de Naruto et se demandait dans un coin de sa tête si le meilleur moyen d'y parvenir n'était pas le mariage. Cependant, il ne laissa rien paraître de ses projets et garda son air impassible durant le reste de la fête.

Sakura chercha ensuite Shino qu'elle trouva juste derrière ses deux coéquipiers. Comme à son habitude, il ne montrait pas son émotion mais, elle en était sûre, il ne devait pas être mécontent de la voir reprendre le village en main.

Dans la foule, Shikamaru Nara observait en soupirant ses deux coéquipiers, juste devant lui dans la foule. Chôji tenait fermement Ino contre lui et il se demandait si ces deux-là allaient enfin se décoller. Depuis qu'ils étaient ensemble, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre.

Finalement, il dévia son regard des tourtereaux et aperçut une tête blonde coiffée de quatre couettes dans la foule. Il sourit malgré lui et appela Temari. La jeune femme se tourna vers lui et, voyant qu'il lui faisait signe, s'approcha.

– Je ne savais pas que Suna avait envoyé son ambassadrice pour la fête en l'honneur de la nouvelle Hokage, fit-il remarquer.

– Tu souris toujours comme ça quand tu me vois ? répliqua Temari qui se sentait un peu gênée.

– Oui, je suis désolé mais, même si je me rappelle de rien, quand je te vois des images reviennent dans ma tête et je suis sûr qu'elles appartiennent à mon passé. Alors, j'aime bien quand tu viens me voir, fille galère.

Temari éclata de rire en reconnaissant le surnom qu'il lui avait attribué lors de l'un de ses séjours à Konoha. Tsunade craignait qu'il ne puisse jamais retrouver totalement ses souvenirs mais, malgré cet état de fait, il réapprenait très vite et il avait rapidement réussi à retrouver naturellement ses amis. Temari, elle, était heureuse en cet instant : elle avait l'impression de retrouver le Shikamaru qu'elle avait toujours connu.

– Perte de mémoire ou pas, il y a des habitudes qui ne te quittent pas, dit-elle en se reprenant.

Shikamaru haussa les épaules.

– Peut-être. Au fait, Temari, il y a une question qui me préoccupe depuis quelques temps…

– Oui ?

– Hum, ne te vexe pas, mais… quelle était exactement notre relation ?

Temari faillit piquer un fard en songeant que leur relation n'avait jamais été vraiment très claire. A la limite entre le flirt et l'amitié, elle n'avait jamais vraiment su ce qu'elle représentait pour Shikamaru.

– Disons, que nous étions amis, mais que nous étions vraiment très proches.

– Ah, c'est bien ce qu'il me semblait.

Préférant détourner les yeux pour ne pas montrer à Temari son trouble, il accorda un regard à Sakura. Il remarqua alors que celle-ci fixait le fond du village.

– Tu ne trouves pas qu'on dirait qu'il veille sur nous ? demanda-t-il subitement.

– Tu parles de qui ? s'étonna Temari.

– De celui qui est là-haut.

Temari leva alors à son tour les yeux et sourit avant de répondre :

– Oui, tu as raison. Je comprends pourquoi Sakura a demandé à ce qu'il soit représenté ici.

Sakura descendit quelques minutes plus tard de la tour pour passer dans la foule, toujours suivie par son ancien professeur, alors que Sasuke s'était fondu dans la masse. Elle ne manqua pas de saluer Tsunade qui, enfin, marchait sans béquilles. Elle avait d'ailleurs confié la direction de l'hôpital du nouveau Konoha à Shizune, mais cela ne l'empêchait pas de venir régulièrement y vérifier que tout se passait bien.

La place du village se transforma rapidement en un lieu de rires, de boissons et de fête. Sakura fut accaparée durant la matinée par les gens qui voulaient la voir. Une Hokage aussi jeune, il faut dire qu'il n'y en avait pas eu depuis le Quatrième. En plus, chacun savait le rôle qu'elle avait joué dans la mort de Kyûbi et la fin de leur cauchemar.

Vers une heure de l'après-midi, Ino vint la tirer des mondanités, expliquant aux habitants de Konoha que leur Hokage avait, elle aussi, le droit de manger. Elle tira Sakura près du buffet où Chôji les attendait déjà, une brochette de viande à la main.

– Alors, qu'est-ce que ça te fait de voir tous ces gens t'admirer ? demanda Ino, avide de connaître les impressions de son amie.

– Heu… c'est impressionnant, je dirais ! Et puis éprouvant, aussi. Merci de m'avoir sortie de là !

– Tiens, v'là les autres tourtereaux ! s'exclama Chôji en pointant un doigt derrière elle. Ah, mais l'assiette de Kiba est pleine de crevettes !

Sous les yeux éberlués de Sakura et d'Ino, il se dirigea vers le couple en silence. Les deux amies froncèrent les sourcils. Chôji n'allait quand même pas oser voler la nourriture d'un aveugle ?

Hinata, elle, ne vit Chôji qu'au dernier moment. Elle leva une main pour le saluer, mais il avait déjà un bras tendu vers l'assiette de Kiba. Cependant, celui-ci, assis à table à côté de sa coéquipière, l'arrêta d'un ton ironique :

– Chôji, tu n'as pas honte de t'en prendre à un pauvre infirme ?

Chôji demeura interloqué, la main à quelques centimètres de l'assiette, tant le fait d'avoir été surpris était incroyable, tandis que Ino et Sakura, qui avaient accouru, pouffaient de rire derrière lui.

– Mais… comment t'as fait ? balbutia-t-il.

– Tu sens les chips au barbecue à un kilomètre à la ronde, mon pauvre vieux !

Kiba afficha alors un sourire narquois, tandis qu'Ino venait prendre le bras de son coéquipier.

– Allez, viens Chôji, laisse tomber ! On va aller se prendre une assiette chacun et tu vas enfin pouvoir manger à ta faim !

Chôji se laissa entraîner sans broncher par sa petite amie, toujours aussi étonné. Sakura, elle, prit une chaise et s'installa à côté de Hinata.

– Alors, comment allez-vous ?

– Plutôt bien, répondit Kiba. Oh, Sakura, je n'ai pas eu le temps de te remercier pour ta proposition, mais je n'en ai pas besoin ! Je me débrouillerai sans.

– Tu es sûr ?

– Sûr, je m'habitue de plus en plus à cet état, en fait. A propos, Sasuke n'est plus surveillé ?

– Non, depuis la semaine dernière. Kakashi-sensei a décidé qu'il avait suffisamment participé à la reconstruction.

– Je vois. Tu lui en veux toujours ?

Cette question rappela à Sakura l'amertume et la colère qu'elle avait ressenties en pensant que Sasuke était coupable de la mort de Naruto. Cependant, durant ces derniers mois, cette colère avait eu le temps de s'estomper. Sasuke avait fait preuve d'une amabilité assez exceptionnelle depuis son retour et Sakura avait fini par accepter sa présence.

– Non. Je ne peux pas lui en vouloir toute ma vie. Naruto ne l'aurait pas voulu.

Kiba approuva d'un signe de tête. Hinata, une main posée sur son bras, écoutait la conversation en silence. Sakura trouvait qu'elle était devenue très sage. Elle parlait peu, mais quand elle le faisait on prêtait attention à ses propos.

– Bon, je vais vous laisser, j'aimerais quand même voir les autres, déclara Sakura en se levant.

Hinata la regarda partir de ses yeux blancs, tandis que Kiba se contentait de repérer les bruits de ses pas parmi les autres bruissements de la foule.

– Quelle était sa proposition ? demanda-t-elle en posant sa tête contre l'épaule de Kiba.

– Elle voulait faire des études poussées sur le fonctionnement du cerveau pour tenter une opération, mais je ne préfère pas. Après tout, j'ai beau avoir perdu mes yeux, quelqu'un voit à ma place.

Puis, avec un petit sourire, il baissa la tête vers ses genoux et caressa la boule de poil grise qui s'y était lovée.

– N'est-ce pas, Haru ?

Le chien jappa à peine dans son sommeil. Hinata ne put que sourire en voyant son petit ami ainsi rasséréné. Elle avait longuement hésité avant de lui offrir le petit chien. Certes, il ne remplacerait jamais Akamaru, mais Kiba avait appris une chose après la mort de Lee et de Naruto : les gens partent, mais l'amitié reste. Même si Kiba garderait toujours un gros vide dans le cœur, il appréciait déjà le petit Haru avec qui il avait commencé à s'entraîner.

– Sakura et Maître Tsunade ne te laisseront sans doute pas reprendre les missions, fit remarquer Hinata d'un ton plus grave.

– Sans doute, approuva Kiba. Mais je n'abandonnerai pas pour autant la voie de ninja ! Si je ne peux pas exécuter des missions, je deviendrai professeur à l'Académie. Après tout, Iruka aura bien besoin d'aide. Sinon, j'élèverai des chiens pour ninjas. Tu verras, Hinata, je ferai quelque chose qui me plaira !

A ces mots, il passa un bras autour des épaules de Hinata. Il n'avait pas besoin de voir pour savoir où elle se situait précisément. Son odorat surdéveloppé et ses oreilles attentives comblaient presque parfaitement l'handicap causé par la perte de la vue.

De son côté, Sakura alla manger tranquillement avec Chôji et Ino, régulièrement rejointe par des habitants du village qui venaient lui souhaiter un long et glorieux office. Quand elle quitta ses deux amis, elle se mit en quête de ceux qu'elle n'avait pas encore pu voir. Elle fut satisfaite d'apercevoir la silhouette reconnaissable de Shino à travers la foule. C'était le seul recouvert d'un imperméable par cette belle journée !

– Ah, Sakura, fit-il en la voyant approcher dans sa tenue de cérémonie.

Sakura le salua d'un signe de tête. Elle était habituée à ce que Shino ne soit pas un grand bavard. Elle se sentait en revanche très reconnaissante envers lui. Sans son obstination, elle n'aurait peut-être jamais rejoint ses amis à Beru. C'était lui, après tout, qui lui avait amené Ino.

– Tu… tu penses quoi de ma nomination ? demanda-t-elle alors qu'ils s'éloignaient légèrement de la fête pour avoir un peu de tranquillité.

– Hum, j'avoue avoir été assez surpris quand Maître Kakashi l'a annoncée, mais au final ce n'est pas un mauvais choix.

– Alors, toi aussi tu t'es dit que je n'étais pas la plus forte du village ?

Ce détail avait longtemps gêné Sakura. Elle ne se considérait pas comme étant la plus puissante de ce village. Elle jugeait Kakashi, Yamato, Neji ou encore Sasuke bien meilleurs qu'elle. Pourtant, il semblait qu'aucun d'eux n'avait convenu pour le rôle.

– Sérieusement, je pense que le seul capable de te surpasser est Sasuke. Mais nous n'allions pas confier le village à un ancien traître, n'est-ce pas ?

Sakura hocha la tête. Pour ça, elle était d'accord. Sasuke n'aurait certainement pas pu devenir Hokage à sa place.

– Mais, Neji ou les autres jônins ? Il n'y en aurait pas un qui aurait convenu ?

– Sakura, tu sais bien que les jônins de Konoha se comptent aujourd'hui sur les doigts de la main ! Maître Kakashi était puissant, mais il lui manquait la motivation.

Sakura soupira et une moue déçue se forma sur sa bouche. Comprenant que ce n'était pas la réponse qu'elle attendait, Shino ajouta :

– Sakura, tu as la force de cent hommes, ton niveau médical équivaut à celui de Maître Tsunade et tu as à présent une volonté de fer pour défendre le village ! Tu as compris l'esprit de Konoha ! Que demander de plus ?

Sakura ne répondit pas et baissa les yeux vers ses pieds. Ces paroles la laissèrent interdite. Elle ne pensait pas que Shino Aburame puisse autant la féliciter. En tout cas, si quelqu'un lui avait dit cela quelques mois auparavant, elle lui aurait répondu qu'il avait trop forcé sur le saké.

– Merci, Shino, je…

Elle ne termina par sa phrase. Elle venait de relever les yeux et Shino avait disparu. Elle sourit malgré elle, en pensant qu'il était toujours aussi discret. Elle sut alors qu'elle pourrait compter sur lui dans son rôle de Hokage.

Quand elle se rapprocha à nouveau de la fête, elle eut le droit à d'autres félicitations, remerciements, et conseils de la part de Tsunade qui semblait vouloir s'acharner. Cette dernière, même en n'étant plus ninja, possédait une influence inébranlable au sein du village.

– Ne te laisse surtout pas avoir par le conseil ! disait-elle avec fermeté. Ils peuvent être fourbes et stupides par moments ! Bon, en prenant en compte que Hinata ne devrait pas tarder à le rejoindre, il devrait ne pas trop te poser de soucis.

Sakura acquiesça. Le conseil de Konoha avait été reformé à partir des représentants des grandes familles de Konoha qui restaient. Certains, un peu sceptiques à l'idée d'avoir une Hokage aussi jeune, risquaient peut-être d'essayer de la mener par le bout du nez, mais Sakura comptait bien ne pas se laisser faire.

Tsunade, en tout cas, faisait plaisir à voir. Depuis qu'elle avait abandonné ses béquilles, elle ne cessait d'arpenter les couloirs de l'hôpital pour partager son savoir avec les infirmiers et conseillait souvent les plus inexpérimentés.

Tsunade avait très peu laissé voir son malheur suite à la mort de Naruto. Sakura savait qu'elle s'y était longtemps préparée. Elle avait fait son deuil le jour où Kyûbi avait détruit Konoha. Même si Naruto avait été pour elle un souvenir de son petit frère, elle était parvenue à demeurer digne devant les villageois. Ensuite, si elle avait pleuré en secret, nul ne le savait.

Ensuite, Sakura discuta un peu avec Shizune qui semblait très heureuse pour elle. Elle eut aussi le droit à une petite conversation avec Iruka. Le moral du professeur ne montait pas bien haut depuis la disparition de Naruto, mais Sakura remarqua tout de même un peu de chaleur dans sa voix quand il lui dit :

– Je suis sûr que Naruto aurait été heureux de te voir à cette place. Peut-être même qu'il te regarde en ce moment !

Sakura avait légèrement rougi. Elle ne savait pas si Naruto pouvait la voir d'où il était, mais elle espérait bien qu'il ne lui en voudrait pas d'avoir pris la place qu'il désirait depuis tout petit.

Finalement, ce ne fut qu'en début de soirée que Sakura trouva un peu de calme. Assise sur un banc, elle resta un peu à l'écart des danses et, alors que des lampions étaient devenues seules lumières du village, elle jeta des coups d'œil presque intimidés à son accoutrement. Elle avait revêtu l'habit blanc et rouge des Hokages et ne s'était pas facilement sentie à l'aise dans cette tenue solennelle.

– Ah, Sakura ! s'exclama Gai, en la sortant de ses pensées. Félicitations !

Sakura se retourna pour le voir lever le verre qu'il tenait en main. Elle sourit devant son air joyeux, mais, rapidement, Gai devint beaucoup plus grave.

– Au fait, je tenais à te remercier, ajouta-t-il.

A ces mots, il esquissa un geste vers le centre de la place principale du village. Sakura sut immédiatement de quoi il voulait parler. Au milieu de la place, se dressait une statue blanche représentant Lee tel qu'il était, puissant ninja, maître du Taijutsu. Sur le piédestal les mots « A tous les ninjas morts pour Konoha » avaient été gravés dans la pierre.

– Ce n'est rien, Gai-sensei. Lee m'a sauvée, c'est la moindre des choses que je puisse faire pour lui.

– Tu… tu n'as pas à m'appeler Gai-sensei, tu sais, fit remarquer Gai alors que les larmes menaçaient de déborder au souvenir de son ancien élève. C'est plutôt à moi de t'appeler Maître Sakura !

Sakura se sentit gênée. Maître Sakura ? Quel nom formel ! Il allait falloir qu'elle demande à ses amis proches de continuer à l'appeler par son simple prénom. Elle savait que, même si ce jour-là ils n'y avaient pas encore fait attention, ils risquaient de commencer à la nommer solennellement ainsi par la suite.

Gai repartit vers la foule et Sakura tourna le dos à la fête. Elle se mit à marcher, profitant de a fraîcheur de la nuit pour calmer toutes ses pensées. Tandis que le bruit de la musique et des conversations parvenait encore faiblement à ses oreilles, elle s'arrêta pour lever les yeux vers la falaise qui surplombait le village, à l'instar de l'ancien Konoha.

Au bout de quelques minutes, elle sentit une présence bien connue approcher par derrière. Elle tourna la tête pour voir que Sasuke la fixait de son air impassible.

– Tu voulais me parler ? demanda-t-elle.

– Non, je cherchais simplement un peu de solitude.

Sakura en aurait presque souri. Sasuke n'avait pas changé durant toutes ces années d'exil. Il était resté égal à lui-même, dans tous les plans, sauf peut-être un seul : Sakura avait l'impression qu'il était devenu moins égoïste.

– Je me demande pourquoi Kakashi-sensei m'a choisie, moi, plutôt qu'un autre, avoua-t-elle au bout de quelques secondes de silence.

– Il m'a dit il y a à peine quelques minutes que tu avais la force et la volonté de protéger le village tout entier, et même de donner ta vie s'il le fallait pour mener cette tâche à bien. Je crois que c'est le destin de tous les Hokages, non ?

Sakura ne répondit pas, une boule venait de se former dans sa gorge. Elle n'avait pas oublié une seule fois qu'en acceptant la place que Kakashi lui offrait, elle était peut-être destinée à sauver son village en mourant, comme le Troisième ou le Quatrième, ou au mieux en perdant sa place, comme Tsunade.

– Enfin, je suppose que tu y arriveras, lâcha Sasuke d'un ton désinvolte. Tu as ce qu'on appelle… la volonté du feu, non ?

Sakura leva les yeux vers son ancien coéquipier. Il semblait presque se moquer de ce principe qui était pourtant le fondement même de Konoha.

– Toi aussi tu l'as, répliqua-t-elle d'un ton plus sec. Sinon, tu ne serais pas là.

Sasuke haussa les sourcils, presque étonné qu'elle ose lui répondre ainsi. Il détourna la tête pour mieux réfléchir. S'il décidait de continuer à respecter sa promesse envers Naruto, il était à peu près sûr d'en voir des vertes et des pas mûres. Cependant, un simple regard vers la falaise du village le convainquit ne de pas abandonner.

Le silence venait de s'installer entre eux quand une autre présence s'approcha. En reconnaissant le bruit des pas traînants de son ancien professeur, Sakura ne put s'empêcher de sourire.

– C'est bien ironique, non ? fit Kakashi en s'arrêtant à côté de ses anciens élèves.

– Quoi donc ? s'étonna Sakura.

– Que Naruto, qui a toujours voulu être Hokage, ne le devienne jamais, alors que toi, qui n'as jamais rien demandé, tu ais aujourd'hui obtenu cet honneur. Plus j'y pense et plus je me dis que j'ai échoué dans ma mission de professeur.

– Non, vous n'avez pas échoué, Kakashi-sensei. Par contre, je pensais à la même chose à propos de ce rôle de Hokage. Je trouve ça injuste : Naruto a fait tant d'efforts pour se faire accepter dans le but d'être Hokage que je me dégoûte presque de prendre son rôle.

– Tu ne devrais pas penser ainsi, rétorqua Sasuke de sa voix grave. Naruto n'est plus là, tu n'as donc pas à te sentir coupable.

– Je sais, répondit Sakura d'une voix triste où perçait encore la douleur d'avoir perdu un ami cher. Et c'est pour cela que je tiens à devenir Hokage pour deux. Pour moi et, surtout, pour lui.

– Vraiment ?

– Oui, car Naruto croyait dur comme fer en la volonté du feu et il avait un don pour la transmettre à son entourage. Alors, j'essayerai de faire comme lui l'aurait fait.

Sasuke eut un maigre sourire et leva les yeux vers la paroi qui formait le fond du village. A la place des visages froids et durs des précédents Hokages qui surplombaient l'ancien Konoha, on pouvait y voir l'incroyable sourire de Naruto, illuminant son visage comme s'il croisait l'un de ses amis. Sakura aimait ce souvenir, à jamais gravé dans la pierre et, surtout, à jamais gravé dans sa mémoire.

FIN


Note de l'auteur : Et ainsi se finit cette histoire ! Je suis un peu en retard par rapport à ce que j'avais prévu, mais bon, j'ai quand me^me quelques excuses. Non seulement ça fiat quelques jours que je n'arrive pratiquement plus à accéder à mon ordinateur (travail, travail, travail...) et, en plus, je tenais à ce que cet épilogue corresponde le mieux possible à vos attentes, alors je l'ai modifié une bonne dizaine de fois !

Bon, en plus de ça, j'ai longuement hésité à donner la place de Hokage à Sakura. Je ne la vois pas vraiment dans ce rôle dans le manga, mais je me suis dit que dans le contexte de l'histoire ce n'était pas complètement dénué de sens (si ?). Et puis, je ne pouvais pas laisser Kakashi à cette place ! Il est fort, certes, mais je ne le vois pas passer ses journées assis bien sagement derrière une bureau.

Ah, sinon, j'espère que Sasuke ne vous aura pas paru OOC. J'ai tenté d'adoucir son caractère sans le changer, ce qui n'est quand même pas évident.

Bon, je crois que c'est tout ce que j'ai à raconter. Ah, si, ma prochaine fic ! Heu, pour être honnête, elle ne risque pas de sortir avant un moment. En fait, j'ai deux idées qui me plaisent bien et je ne sais pas encore trop laquelle exploiter. Alors je fais des tests, je monte des scénarios, je me renseigne, je les entame un peu pour voir ce que ça donne, bref, j'essaye de me décider. Voilà, ce sera tout ! Merci à tous les commentaires, je me suis bien régalée en les lisant ^^. Non, sérieusement, c'est comme un tremplin qui sert à donner un chapitre encore meilleur que le précédent (du moins, j'essaye !).