Bon et bien merci pour vos encouragements.

J'espère que vos fêtes de fin d'années se passent bien ainsi que vos vacances.

Je reprends ici le film « Le prince Caspian ! »

Si vous vous sentez d'humeur, pensez au reviews qui sont mon seul salaire !

Bonne lecture !

Enjoy !

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Au jougdepuislongtemps ils se sontfaçonnés:
Ilsadorent la main qui les tientenchaînés.
Britannicus (1669), IV, 4, Narcisse

Jean Racine

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L'Alouette.

Le soleil était déjà haut dans le ciel et Caspian se demandait si Peter ne cesserait donc jamais de psalmodier sur tout et n'importe quoi. Le jeune roi n'aimait pas vraiment le roi suprême. Il se sentait toujours en compétition avec lui. Pour le peuple, pour le pouvoir. Pour Susan. Et puis ce qu'il était orgueilleux, ancré dans ses certitudes quand enfin le garçon aux cheveux d'or reprit sa respiration, l'autre s'empressa de dire :

-« Je crois que c'est assez. Préparez vous pour les joutes et pour discourir auprès des dames. N'importe quoi. » Le monarque songea même « allez vous noyez, laissez moi en paix ! »

Peter voulu répliquer, mais il n'y parvint pas. Caspian, frondeur termina en s'essuyant :

-« Votre royale salive humidifie depuis trop longtemps les dalles de cette salle et mes vêtements. » L'autre encaissa la pique, et, mécontent, le roi suprême s'effaça.

Susan ne comprenait pas pourquoi Aslan observait avec obstination son ventre. Elle savait qu'il savait ce qui s'était passé entre elle et Caspian durant la nuit. Il avait toujours tout su lors de leur premier séjour à Narnia alors pourquoi en aurait il été autrement cette fois là ? Mais avant il avait eu la délicatesse de ne rien sous entendre. Ce regard posé sur elle, réprobateur et aussi triste ne lui disait rien de bon. Pire, il lui faisait peur. Et ça l'agaçait. Il savait quelque chose et il ne lui disait rien. Le silence la terrifiait. Le grand Lion de son côté, culpabilisait. Pourquoi ne s'était il pas souvenu que de tous les Pevensie, la jeune femme était justement devenue à Narnia… Une Femme ! Elle avait goûté au fruit défendu. Elle avait même apprécié. Alors pourquoi n'aurait elle pas pu recommencer ? La reine ignorait tout de la tragédie qui se tramait. Si Aslan observait avec attention son abdomen ce n'était pas pour lui faire quelconque reproche. En effet, durant leur nuit d'amour, Caspian avait glissé dans le sein de Susan le plus précieux de trésors. La vie. Une vie qui grandissait peu à peu, bien à l'abri sous la peau de la jeune fille. Et ça, le fauve ne pouvait pas le laisser se produire.

Jamais.

Toute la nuit il y avait songé. Il avait ressenti dans sa chair la passion des jeunes gens, enfin assouvie. De cette étreinte, deux avenirs possibles. Le premier : Caspian et Susan. Ensembles. L'autre choix était de les séparer. Ensembles, le jeune couple donnerait un héritier au trône. Un beau bébé, fort et vigoureux. Le jeune monarque lui aurait enseigné le courage, la force. Sa mère lui aurait inculqué la tempérance. L'enfant, le moment voulu serait devenu un grand roi. L'ombre au tableau viendrait de ce bonheur trop grand. Des intrigues. Des complots. Un assassinat. Narnia aurait alors replongé dans le chaos. Si le fauve choisissait la seconde option, ils vivraient, sans jamais pouvoir s'oublier. Malheureux à jamais… Mais le pays resterait en paix. A tout prendre, mieux valait sacrifier au plus grand nombre quelques innocents. La décision d'Aslan était tranchée. Cependant il dit toujours que ce fut l'une des plus terrible à prendre. Condamner un amour naissant.

La jeune fille leva son beau visage sur le Lion.

-« Aslan, pourquoi êtes vous si malheureux. Ai-je fais quelque chose de mal ?

-Non mon enfant. Tout est de ma faute. Mais mes erreurs vont vous plonger, ton frère et toi dans la plus profonde des afflictions sans le compter lui et…. »

Susan n'en entendit pas plus. Une vague d'angoisse avait déferlé dans ses veines. Le fauve vit à ses yeux qu'elle avait compris. Il hocha la tête, ce qui fit frissonner sa crinière. Alors des larmes coulèrent le long de l'arrête du nez de la reine qu'on surnomme la Douce. La porte s'ouvrit à la volée sur la mine écrevisse de Peter. Le bruit fit sursauter Susan. Quand il s'aperçut que sa petite sœur pleurait, le garçon s'adoucit et s'assit à ses côtés.

-« Qu'est ce qui se passe, Sue ? Je suis ton frère, tu peux tout me confier. Dis-moi ce que tu me caches.

-Je ne peux pas… Peter ne m'en veux pas… Mais… Je ne peux pas. »

Le jeune homme passa sa main dans les cheveux noirs de sa sœur, avec tendresse. Puis, il referma ses bras autour d'elle et entreprit de la bercer doucement.

Aslan observait les deux adolescents avec attention. Quand Susan renifla un bon coup et que les larmes devinrent plus espacées, il ouvrit sa gueule.

Peter afficha une mine déconfite.

Susan gémit.

Et tous deux sanglotèrent, comme des enfants, qu'ils étaient encore un peu.

L'ordre d'Aslan venait de tomber. Ils devaient partir au plus vite. Partir pour ne plus revenir. Jamais. Le fauve s'éloigna d'eux, ne pouvant supporter de voir et d'entendre leur douleur. Il reviendrait vers eux quand les larmes se seraient taries. Il dévala les escaliers, à la recherche du roi Caspian.

Il le trouva dans la salle du trône, jouant avec un petit rossignol. Dès qu'il remarqua la présence d'Aslan, le monarque s'inclina avec déférence.

-« Monseigneur.

-Bonjour Caspian. Mon roi, nous allons devoir parler… »

Le fils d'Adam leva les yeux au ciel et soupira bruyamment. Il pensa « je viens tout juste de me débarrasser de Peter et voilà que la peluche vient me faire la morale ! »

Aslan protesta vivement :

-« Je ne suis pas une peluche ! »

Caspian sursauta :

-« Comment avez-vous su que je…

-Ce n'est pas là l'important. Je ne viens pas pour vous expliquer les mêmes choses que le roi suprême, même si, permettez-moi de douter que vous ayez écouté le moindre mot qu'il a prononcé. Mais avec moi vous avez intérêt à écouter. Êtes-vous prêt ?

-Oui monseigneur.

-Bien. Je n'en attendais pas moins de votre part. Vous êtes un bon garçon. Commençons donc la leçon si vous le voulez bien… »

Les portes se refermèrent comme par magie et se verrouillèrent, offrant aux deux interlocuteurs un isolement total. Personne ne sut jamais ce qu'il se passa durant les deux heures ou ils restèrent cloîtrés. Mais ce fut la seule fois à Narnia ou le Conseil du Roi se passa sous l'égide du Lion.

Caspian avait le cœur qui battait la chamade. Aslan lui avait donné l'ordre de préparer dans la cour du chêne un grand rassemblement. Quelque chose d'important devait y être annoncée. Le nouveau monarque y annoncerait ses directives de règne. Un signe de tête du brave professeur Cornelius lui indiqua que tout était en ordre. Alors il accourut chercher Aslan. Ce message pouvait très bien se transmettre par valet interposé mais le jeune roi ne le fit pas. Car auprès du grand lion se trouvait la reine Susan. Sa Susan. Sa reine. Depuis qu'ils s'étaient quittés, précipitamment au début de la matinée, à aucun instant il n'avait pu se tenir près d'elle, sentir son odeur ou toucher sa peau et tout ceci le rendait fou. Il referma avec précipitation une porte qui donnait sur une petite cour du palais. Puis Caspian dévala les quelques marches devant lui au pas de course. Aslan n'était plus très loin, il le sentait. Quelques mètres encore et il les verrait.

Sous les arcades, Susan, Peter et le grand lion s'entretenaient sur ce qui adviendrait tout à l'heure. Peter s'était fait une raison. Sa sœur aussi. En apparence. Mais tout au fond d'elle-même, ce n'était qu'un champ de ruines. Partir si vite. Elle désirait rester. Pouvoir encore chanter, danser et rire ici. Elle ne voulait pas partir. Partir avant d'avoir aimé. Elle aurait tout donné à cet instant pour ne pas dépendre de la décision d'Aslan. Etre libre. Libre de choisir sa vie, sans aucun interdit. Caspian fouilla la petite cour du regard et les vit, tous les trois. Mais pas un ne sembla remarquer sa présence. En effet, les deux adolescents fixaient avec obstination leurs pieds pour éviter que leurs nerfs ne lâchent une nouvelle fois. Le roi devint alors tout timide et n'osa s'approcher. Il ne savait quoi faire, quelle attitude adopter. Alors il se retourna pour rebrousser chemin. La voix sentencieuse mais paradoxalement cotonneuse d'Aslan le retint : -« Majesté ! »

Caspian se retourna. Le grand lion l'observait d'un air plein de compassion. Peter et Susan avaient relevés leur minois avec précipitation. Le roi suprême se tenait dans l'ombre mais le jeune homme pu apercevoir son air grave. Susan quand à elle glissa sur lui un regard triste et soumis. La jeune fille sentit les sanglots lui monter aux yeux. Elle ne voulait pas le quitter. Elle ne pouvait pas. C'était comme si on lui arrachait le cœur. En le perdant elle se perdait elle-même. Elle songea :

-« Un jour serons nous de nouveau réunis ?

-Nul ne le sait. Mais il sera une flamme dans ton cœur. Pour toujours. » Répondit la voix d'Aslan dans sa tête. Susan voulait tellement y croire. Le lion s'en émut. Il allait faiblir quand la Douce posa sa main fine sur son ventre. Alors Aslan se raffermit.

Susan tenta de chasser sa mine d'orage. Il se tenait là, tout près d'elle. Si près qu'elle aurait pu en quelques pas le toucher. Le fauve observait les deux jeunes gens. Les regards qu'ils se coulaient les trahissaient. Caspian était à Susan et Susan était à Caspian. Corps et Ame. Chacun voulait dire quelque chose à l'autre sans y parvenir. Et Aslan se sentit coupable d'avoir appelé la jeune femme à Narnia. Que Caspian l'ai rencontré. Qu'ils se soient aimés. Quelle bêtise de lui avoir dit d'écouter son cœur !

Le monarque ouvrit la bouche quelques secondes sans ne rien vraiment dire. Peter crut qu'il cherchait ses mots. Puis ils entendirent :

-« Nous sommes prêts. Nos gens sont rassemblés. »

Susan baissa les yeux, puis se tourna vers Aslan pour lire dans ses yeux la réponse qu'elle connaissait déjà au fond d'elle-même.

Un sanglot se perdit dans sa gorge.

C'était fini.

Caspian lui s'en retourna et attendit les quatre rois et reines de l'ancien temps patiemment. Quand ils eurent pris place à sa gauche, face à Trompillon, Chasseur de Truffe, Ouragan et Ripitchip la souris ; et qu'Aslan se posta à ses côtés, le jeune homme commença son premier discours de souverain, d'une voix sure et calme.

-« Narnia appartient aux Narniens comme il appartient aux hommes. Les Telmarins désirant vivre ici libres et en paix sont les bienvenues. Mais pour ceux qui le désirent, Aslan vous reconduira sur la terre de vos ancêtres. »

Un Vieillard fit remarquer :

-« Cela fait plusieurs générations que nous avons quitté la vraie Telmar.

-Nous ne faisons pas référence à Telmar –répliqua Aslan- Vos ancêtres naviguaient et étaient des pirates. Une tempête fit échouer leurs bateaux sur une île. Ils y découvrirent une grotte. Un passage communiquant entre notre monde et le leur. Le même monde que celui de nos rois et reines » termina t'il en désignant Peter, Susan, Edmund et Lucy.

Un vague de murmures s'éleva dans la cour. Aslan continua :

-« Un endroit magnifique pour qui veut prendre un nouveau départ. »

Ce fut alors le silence. Chacun se demandait qui aurait le courage de quitter Narnia pour un monde inconnu que personne ne se rappelait, quitté dans des temps immémoriaux.

-« Moi j'y vais ! »

Chacun se retourna vers l'homme. Caspian fut surpris de reconnaître cette voix.

-« J'y vais, j'accepte l'offre » répéta Glozalle.

Avec majesté, le monarque s'inclina devant l'ancien général de Miraz. Il n'avait jamais apprécié le soldat mais il devait avouer que l'homme ne manquait pas de courage ni de panache. Quitter ce monde pour construire sa vie dans un autre, il faut le faire. Caspian lui offrit un timide sourire. Pourtant on pouvait y lire une gratitude absolue.

Glozalle sortit de la foule et s'avança vers l'estrade. C'est alors que la veuve de Miraz prit la parole :

-« Nous y allons aussi. »

Elle adressa un petit hochement de tête au jeune roi et il comprit qu'elle lui offrait la paix. En quittant Narnia, elle emmenait avec elle son enfant, le fils de Miraz, sur qui déjà tous les anciens amis de son oncle portaient leurs espoirs pour le renverser.

Ils s'avancèrent vers Aslan qui leur annonça d'un ton très doux et protecteur :

-« Parce que vous avez parlé les premiers, votre avenir dans ce monde sera heureux. »

Puis il souffla doucement, et comme par magie, une porte s'ouvrit dans les airs. En fait, le grand chêne s'était scindé en deux laissant apparaître l'encadrement d'une porte. Sans montrer la moindre crainte, le soldat et la reine déchue franchirent les quelques pas qui les séparaient de ce monde ou ils pourraient reconstruire leur vie.

Et devant tous, ils disparurent…

Un grondement, celui de la foule se fit entendre. Caspian se retourna, sonné par le prodige qu'il venait de voir s'accomplir devant ses yeux. Un Telmarin suspicieux harangua la foule :

-« Il nous conduit peut être à notre fin ! »

La populace cria de plus belle, appuyant ses dires.

Alors Ripitchip la souris intervint :

-« Sire, si mon exemple peut servir à quelque chose, je ferais passer onze souris par cette arche sans délais. »

Il y eut un silence. Qu'allait répondre le grand lion à cette proposition. Peter prit la main de Susan dans la sienne, puis lui jeta un coup d'œil. La jeune fille sentit son cœur se serrer. Le moment tant redouté arrivait. Aslan se tourna vers les aînés des Pevensie et leur sourit. Le roi suprême se mordit les lèvres, incapable de prononcer ces paroles qui scelleraient leurs destins, à tous les quatre. La Douce se tordait les mains l'esprit torturé. Puis elle entendit son frère lâcher :

-« On va y aller. »

Edmund parut étonné. Il souhaita avoir confirmation entendre une seconde fois ce que Peter venait de dire.

-« « On » tu as dit ?

-Oui. Notre temps est terminé. » Se contenta de répondre son aîné. Il se montrait avare de mots non pas pour quitter Narnia au plus vite mais pour que personne ne puisse remarquer la vibration de sa voix. Il ne savait pas combien de temps il pourrait se contrôler et s'empêcher de pleurer. Car il allait dire adieu à un pays qu'il avait gouverné. Qu'il avait aimé. Narnia c'était sa passion. Sa folie. Son pays. Sa prison. Sa patrie. Il regarda Susan et trouva en elle un peu de réconfort. Il ne savait pas pourquoi elle était si triste. Il pensait que d'eux tous c'était celle qui s'était le moins attaché à Narnia. Si seulement il avait su… Elle l'encouragea à terminer son explication d'un signe de tête.

-« Après tout, notre présence n'est plus nécessaire. »

Il tira alors de son fourreau son épée et la remit à Caspian. Celui-ci la reçut, gonflé d'honneur. Puis il répondit avec gravité :

-« J'y veillerai jusqu'à votre retour. »

Susan cru bon d'intervenir. C'était de sa bouche qu'il devait apprendre la terrible vérité.

-« Vous y veillerez longtemps alors. »

Caspian se redressa et plongea son regard noisette dans le sien. La jeune reine prenait sur elle pour ne pas afficher, à cet instant, de faiblesse. Pourquoi la regardait-il ainsi ? Cela rendait tout plus compliqué. Elle vit qu'il avait compris. Mais elle devait continuer.

-« Nous ne reviendrons pas. »

Le jeune homme sentit l'univers se dérober sous ses pieds. Il manqua d'air. Son cœur se glaça dans sa poitrine. Elle s'en allait. Elle le quittait pour toujours. Comment avait il pu être assez stupide pour croire qu'elle resterait, qu'Aslan bénirait leur union et qu'ils verraient grandir leurs enfants ici, à Telmar ou à Cair Paravel. En quelques mots, le monde lui parut moins brillant. La vie moins belle. Sa mâchoire se contracta. Mais il agit en roi et ne laissa rien de plus paraître sur son visage.

-« Jamais ? » Questionna Lucy, sans s'apercevoir du trouble de sa sœur et du roi, trop préoccupée par son égoïsme et son désir de revoir un jour Aslan et Narnia.

-« Nous deux oui… » Se contenta de répondre Peter, en passant son bras autour des épaules de Susan avec tendresse, avant de reprendre :

-« Mais vous, vous reviendrez. Du moins c'est ce que j'ai cru comprendre. »

Il s'était retourné vers Aslan. Toujours en pleurnichant, la petite fille demanda :

-« Mais pourquoi ? Auraient-ils commis des erreurs ?

-«Bien au contraire très chère –répondit patiemment le lion- mais il y a un temps pour chaque chose. Ton frère et ta sœur ont appris de ce monde tout ce dont ils pouvaient en apprendre. Aujourd'hui ils doivent vivre leur vie. »

Lucy resta dubitative. Elle ne comprenait pas.

Peter la voyant sans voix tenta de la rassurer :

-« Ca va aller. Ce n'est pas ainsi que je voyais les choses… » Il prit la main de sa petite sœur et détourna son visage d'elle avant de terminer, la voix rauque d'un coup :

-« Ton tour viendra. Un jour tu comprendras.»

Le jeune homme coula un regard à Susan et pour la première fois de la journée il vit qu'au fond des prunelles d'habitudes si rieuses de sa sœur, le feu de la gaîté s'était éteint. Il se détourna d'elle, la laissant seule en proie à ses doutes et entraîna sa benjamine : -« Viens avec moi. »

Susan resta en retrait et les observa partir dire adieu à leurs amis, accompagnés d'Edmund. Elle, elle ne s'en sentait pas la force. Se fut de franches embrassades, quelques larmes de la part de sa petite sœur, des mains serrées par les garçons. Et puis elle vit Caspian, seul. Il était resté sans voix depuis de longues minutes. Depuis qu'elle lui avait annoncé la vérité, en fait. Quand le jeune roi discerna celle qu'il aimait comme un fou s'approcher de lui, son cœur se mit à battre plus fort dans sa poitrine. Tellement fort qu'il crut qu'il allait exploser avant qu'elle ne l'ait rejoint. Il l'entendit commencer :

-« Ce fut un réel plaisir. »

Susan avait préféré instaurer une certaine distance entre eux pour rendre les choses plus faciles. Caspian répondit à cette froideur apparente, entrant dans le jeu de sa maîtresse pour préserver les apparences :

-« J'aurais souhaité mieux vous connaître. »

La jeune femme fuyait des yeux son interlocuteur, mal à l'aise. Plus pour se convaincre elle-même que pour lui, elle bredouilla :

-« Ca n'aurait jamais pu marcher entre nous…

-Pourquoi ? » S'étonna véritablement le roi.

-« J'ai 1300 ans de plus que vous. » repartit t'elle d'un air de fausset.

Caspian lui répondit par un rire sans joie. Susan s'éloigna doucement. Exprimer ce qu'il ressentait pour elle. Mais devant les femmes, il ne savait que se taire. La Douce, réfléchissait. Son regard passait d'un endroit à un autre sans s'y attarder jamais. Elle ne savait pas quoi faire. Puis ce fut clair. Limpide. Tellement évident et simple. Elle se retourna vivement, s'approcha de Caspian et déposa sur ses lèvres un ultime baiser.

Leur baiser d'adieu.

Le jeune homme reçu le présent de la reine avec délice. Ce baiser, il s'en souvint toute sa vie, avait un goût de sel. Des larmes. Mais jamais le roi ne sut si c'étaient celles de Susan ou les siennes. Certainement un peu des deux. La jeune fille passa sa main dans les cheveux de l'homme à qui par un adieu et un baiser elle venait d'offrir son cœur pour le restant de ses jours. Elle n'avait pas vraiment réfléchit. Tout ce qu'elle savait c'est qu'avant de le quitter pour toujours elle avait voulu le retoucher, re-goûter à sa peau et à sa bouche. Caspian enroula ses bras puissants autour de la taille de la reine. Il avait tout oublié, la foule, Peter, Aslan, Narnia. Il n'y avait plus que Susan et lui, comme durant la nuit précédente. A cet instant peu importait qui ils étaient. Tout ce qu'il faut savoir, tout ce que l'on voyait, c'était un homme et une femme qui s'aimaient et qui ne se reverrai jamais.

Trop vite à leur goût, les lèvres s'écartèrent. Les deux jeunes gens auraient souhaité que le temps s'arrête et que pour toujours ils demeurent ainsi enlacés. Caspian frémit sous les doigts de Susan qui coulaient comme l'eau sur ses cheveux sombres, son visage et ses vêtements.

Elle rouvrit les yeux et croisa le regard de Caspian. Elle y vit tout ce qu'une femme pouvait un jour espérer lire. Amour. Passion. Désir. Reconnaissance. Fierté. Fidélité. Le jeune roi l'attira à lui avec violence et enfoui son visage dans son cou.
-« Toi… Moi... Nous... Pour toujours…

-Ne sois pas idiot veux tu ? » Lui répliqua t'elle, la voix brisée.

Susan s'imprégnait de l'odeur de son amant, de sa tendresse. Lui, caressait avec émerveillement les courbes de celle qui aurait du être sa reine. Leur tendresse et l'attachement mutuel qui transpirait d'eux aurait arraché une larme à un tigre. Mais pas à un Lion. Aslan restait stoïque devant ce spectacle.

Lucy, maligne, glissa à Peter :

-« Je comprendrais quand je serai plus grande, c'est ça ?

-Je suis plus grand que toi et je n'ai pas envie de comprendre ! » Rétorqua Edmund.

Et tous trois pouffèrent.

A quelques pas d'eux, Caspian serrait toujours Susan contre son cœur, lui réitérant ses serments. Elle y répondait, ivre de bonheur et de tristesse. Elle l'entendit murmurer :

-« Sois heureuse Susan, dans le monde d'où tu viens. Ne fais jamais quoi que ce soit pour attenter à ta vie. Tu dois vivre, aimer dans ton monde, avoir des enfants. Oublier.

- Promets-moi de faire la même chose.

-Je ne peux…

-Promets !

-Je le jure.

-Tu as ma parole. »

Mais tous deux pensèrent qu'une partie du serment ne pourrait jamais être tenue.

Jamais ils ne pourraient s'oublier.

Puis, il fallut se séparer. Avec difficulté, le roi laissa la jeune femme s'écarter de lui et retourner auprès de ses frères et sœurs. Elle jeta un dernier regard vers lui avant de prendre place dans la file qui allait la ramener en Angleterre, vers sa vie morne. Une vie sans lui. Une vie qui ne valait donc pas la peine d'être vécue. Mais puisqu'elle avait promis de la vivre à l'homme qu'elle aimait, elle la subirait. Elle se retourna une dernière fois et ceux qui la veille louaient sa beauté frémirent. Son visage gonflé par les larmes la rendait méconnaissable et presque laide.

Caspian la regarda disparaître, à la suite de Peter et d'Edmund. Parce que son rôle le lui commandait, il resta là encore de longues heures. Mais dès qu'il put se retirer, il se précipita dans la salle du trône et s'y enferma. Il se saisit de la corne magique et souffla dedans. A plusieurs reprises. Mais rien ne se produisit.

Sur les dalles de marbre, alors, il s'assit.

Il pleura.

Il s'assit et il pleura.

Il pleura fort.

Il pleura longtemps.

Il pleura jusqu'à ce qu'il n'y ait plus une larme qui puisse être versée tellement elles avaient coulées.

Il se sentait vieux. Après tout n'avait il pas tout vécu ? Il avait guerroyé, été couronné, aimé, été aimé. Et puis… Il avait été abandonné.

C'est à cet instant qu'Aslan par sa magie s'introduit auprès de lui. Le roi ne lui adressa pas même un regard. Le lion n'en prit pas ombrage et s'approcha de son pas feutré :

-« Je sais, c'est dommage. Vous pensez qu'elle aurait pu être votre reine…

- Taisez-vous vulgaire boule de poil ! Vous ne savez rien d'elle. Vous ne savez rien des hommes et de leurs sentiments. Vous ne savez rien de l'amour. Vous ne pouvez pas comprendre !

-Vous êtes en colère mon jeune ami. Sachez pourtant que je partage votre peine.

- Comment le pourriez-vous ? Vous ne l'aimiez pas comme moi je l'aime ! Vous n'aviez pas compris que sans elle je n'étais rien !

Aujourd'hui la douleur vous semble inhumaine et insurmontable mais vous verrez au fil des années, cette blessure se résorbera... Et un beau matin, vous en serez guéri. Ce sera long et difficile j'en conviens. Douloureux sans aucun doute. Mais vous y parviendrez. Vous êtes roi désormais. Vous ne vivez plus seulement pour vous mais aussi pour vos sujets. Ils ont besoin de vous. Un jour vous prendrez femme. Vous aurez des enfants, une famille. Un héritier.

Je lui ai promis de ne pas oublier.

Je ne vous ai rien demandé de tel. Je sais que vous ne pourrez pas. Mais vous devrez vivre avec…

Comment ?

C'est à vous de trouver la voie. Seul. » Se contenta de répondre Aslan avant de reprendre avec tendresse « En attendant, venez auprès de moi… »

Caspian ne se fit pas prier. Il s'agenouilla auprès du lion et enfouit son visage dans sa crinière dorée, douce et réconfortante. La patte droite d'Aslan l'enlaça avec la douceur qu'on les mères félins pour leurs petits. De sa voix la plus apaisante, le fauve glissa à l'oreille du roi de Narnia :

-« Là, là… Pleurez tant qu'il vous plaira. Ceci vous fera du bien. Mais apprenez, pour vous donner du courage que se sont ceux qui ont connu le plus profond des désespoirs qui deviennent de grands monarques… Pleurez tout votre soul. Je suis là… »

Longtemps ils demeurèrent ainsi enlacés.

La nuit était tombée.

Caspian se lamentaient.

Aslan lui, le cœur gros, l'écoutait.

Mais tous deux pleuraient un amour perdu dont il aurait pu, en d'autres temps, en d'autres lieux, sortir un très grand bien.

Susan observait le quai de la gare. Elle avait mal au ventre. La vie en elle, Aslan la lui enlevait sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte. Le sifflet du train retentit. Il fallait monter en voiture. Avec précipitation elle se saisit de ses bagages et rejoignit ses frères et sœurs. Edmund fouillait son cartable et remarqua qu'il y manquait quelque chose. Avec malice il demanda aux autres :

-«On pourrait pas retourner à Narnia ? J'ai laissé ma lampe de poche là-bas ? »

Et les Pevensie éclatèrent d'un rire franc. Sauf l'aînée des filles.

Puis ils prirent place dans le train qui les ramenait au pensionnat pour une nouvelle année d'étude. Susan s'assit prêt de la fenêtre, avec à côté d'elle Lucy, qui posa doucement sa tête sur son épaule. En face, Peter et Edmund relataient pour la millième fois le combat contre Miraz que leurs sœurs avaient en grande partie manqué. Les garçons croyaient que la vie allait pouvoir reprendre comme avant.

Mais plus rien n'était comme avant.

La petite fille s'aperçut que sa sœur serrait les lèvres pour ne pas sombrer. Mais des larmes amères nimbaient ses beaux yeux bleus, sans vouloir couler. Lucy alors frotta sa joue sur le bras de Susan pour la réconforter un peu. La jeune femme lui adressa un regard emplit de gratitude et souffla :

-« Merci Lucy. Merci d'être telle que tu es. »

Elle serra sa petite sœur contre son cœur et l'autre se laissa faire bon gré mal gré. Si cette étreinte pouvait consoler Susan, elle pouvait s'y résoudre. La jeune femme laissait vagabonder son esprit bien au-delà de ce monde. Une vague de rage et de haine s'empara de son cœur. Elle se rendit compte qu'elle détestait désormais Aslan et Narnia. Car que lui avaient ils apportés hein ? Des espoirs, des rêves et un amour qu'ils lui avaient tout de suite repris.

La Douce décida donc de fermer son cœur à toute cette magie.

Pour toujours.

A ne plus croire en cette histoire.

A jamais.

Alors qu'elle venait de prendre cette résolution, celle en réalité de grandir, elle jeta un coup d'œil à la fenêtre. Là elle aperçut un oiseau. Lucy entendit Susan prononcer un mot qui lui parut obscur et nota qu'une larme venait de s'écraser sur le sol. Une larme et une seule. Sa sœur n'en versa plus aucune par la suite. Vous avez sans doute deviné ce que Susan venait d'apercevoir au travers de la vitre, par cette froide et brumeuse aurore de Septembre.

Non ?

Alors écoutez bien ce qu'elle murmura, avec une absolue tendresse avant d'effacer son ultime larme d'adieu à Narnia :

-« Une alouette. »

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Voilà donc.

En espérant que ça vous ai plu

Besos

Eléa