Elle n'arrive pas à dormir. Elle se tourne et se retourne dans son lit. Elle a essayé de compter les moutons mais cela ne marche pas. Cela ne fonctionne sans doute pas pour les gens qui ont passé la trentaine, se dit-elle.

Elle a fait un cauchemar.

Elle n'en faisait plus.

Mais cette nuit, elle a fait un cauchemar.

Pourquoi cette nuit? Pourquoi maintenant? Elle ne se pose pas vraiment ces questions. Elle voudrait juste ne plus entendre ses pleurs. Elle voudrait juste se rendormir. Elle soupire. La nuit est finie pour elle, elle le sait. Elle n'a jamais su se rendormir après un de ses cauchemars. Elle regarde son réveil. 3H32. Les chiffres clignotent en rouge sur le cadran. Elle soupire encore. La nuit va être longue. Elle regarde le plafond de sa chambre. Mais cela ne fait pas s'écouler les minutes plus rapidement. Elle doit juste attendre 5h, à ce moment-là elle pourra descendre et préparer sa matinée au café. Mais elle entend encore ses pleurs et elle revoit ses yeux bleu glace. Alors elle ferme les siens et son regard dévie vers son mari. Il dort profondément, lui. Il dort paisiblement, lui. Elle l'aime son mari et elle se demande encore pourquoi il lui a fallu tant de temps et un drame pour le comprendre...

Un drame. Elle n'avait jamais aimé ce mot. C'était trop réducteur. Trop petit, trop insignifiant, trop minuscule. Cela ne voulait rien dire. Un drame. C'était bien trop court pour exprimer ce que l'on ressent. La douleur qui se fait physique. Les cauchemars incessants. Les pleurs et les crises de larmes. Un drame. C'était parler pour ne rien dire. Car quand cela vous arrive, vous vous foutez bien du nom que cela porte. Du nom que l'on lui donne. Quand cela vous arrive, vous avez beau savoir que c'est un drame, cela n'aide pas. Rien n'aide. Sinon l'amour et le temps. Et les photo. Les photos aident énormément. Parce qu'on a peur d'oublier. Même si on sait que l'on oubliera jamais. Alors, oui, elle détestait ce mot.

Elle se lève doucement. Cela ne sert à rien de rester dans le lit. Elle jete un dernier regard à Keith qui dort toujours aussi bien et sort de la chambre. Elle traverse le palier et descend les escaliers. Elle passe devant une chambre. Elle est bleu. Elle est belle. Il y a un petit panier de basket accroché au mur. Il y a des posters du roi Lion cotoyant ceux de Mickael Jordan. Le lit est fait. Les draps sont propres. Ils sont bleu eux aussi. Elle belle la chambre. Elle est vide la chambre. Elle ne s'arrête pas devant elle. Elle passe son chemin. Elle l'a connaît par coeur cette chambre et elle ne veut pas y entrer avec ce cauchemar encore dans la tête.

Elle passe devant un meuble. Plusieurs photo y sont exposées. Elle s'arrête. Elle contemple. Elle ne veux pas associer les pleurs qu'elle entend avec le visage souriant qu'elle voit. Ce ne sont que des cauchemars. Ce n'est pas réel. Ce n'est pas lui qui pleure. C'est elle. Elle passe son doigt sur son visage souriant, sur ses cheveux blond cendrés, sur ses yeux bleu et son doux sourire. Il rigole sur la photo. Il est dans les bras de Keith. Il a 6 ans sur la photo. Mais c'est la plus récente qu'elle a. Et cela fait mal. Encore et toujours. Elle s'est mariée depuis. Elle a ouvert une boîte pour jeune. Keith travaille toujours au garage. Elle s'est associée avec Deborah et Nathan l'aide parfois à la boîte. Elle a changé depuis. Les choses ont changés. Et lui? Comment est-il maintenant?

Ils lui ont dit de ne pas trop espérer. Qu'il y avait vraiment peu de chance. Mais elle reste optimiste même si elle sait qu'elle ne le reverra sans doute plus. Rien ne l'empêche d'espérer qu'il rigole quelque part. Les choses ont changés. Mais les nuits comme celles-ci, où ses vieux démons reviennent la hanter, elle a l'impression que ces dix dernières années n'ont pas eu lieu. Parce que la peine est toujours aussi cuisante.

Elle se rend à la cuisine. Une heure est déja passée. Elle prépare le café. Elle prépare le petit-déjeuner. Elle s'active pour ne plus entendre ses pleurs. Elle entend des pas dans l'escalier. Keith a du sentir le vide à côté de lui. Il sent toujours tout. Il est si attentif. Il arrive par derrière et l'enlace au niveau de la taille. Il dépose un furtif baiser dans son cou et lui murmure que tout ira bien. Il a compris. Il la comprend toujours. Il est si attentif. Elle se retourne et l'embrasse doucement.

-Je t'aime. Lui souffle-t-elle.

-Je t'aime aussi. Lui répondit-il.

Le téléphone sonne. Elle sursaute. Keith fronçe les sourcils. Qui peut bien appeler à une heure si matinale? Il se détache d'elle et prende le combiné. Elle voit son visage changer. Se décomposer. Elle a peur. Elle ne se sent pas bien. Il raccroche et la regarde étrangement. Il a l'air perdu.

-C'était le shérif, souffle-t-il, ils ont retrouvés Lucas.

Elle a fait un cauchemar. Elle n'en faisait plus. Mais cette nuit, elle a fait un cauchemar.