C'était un jour comme les autres.
Il faisait très beau. Les Gryffondors chahutaient, Hermione révisait, Harry broyait du noir dans son coin… Tout était normal. Il semblait être devenu une habitude pour le jeune garçon d'être déprimé en permanence, si bien que personne ne paraissait plus y prêter attention. Sauf Ron.
Ron savait qu'il avait le quotient émotionnel d'une cuillère à café. On le lui avait dit, merci. Mais même une cuillère ne pouvait échapper aux vagues de déprime qui s'échappaient d'Harry sans arrêt. Surtout maintenant où il virait carrément dans le désespoir. Il ne savait franchement pas comment les autres faisaient pour faire semblant de ne pas voir une telle misère parce qu'il était impossible de ne pas la voir, non ? Et cette pente descendante était des plus inquiétantes.
Ron ne partageait pas la foi inébranlable de Mione en Dumbledore il était difficile de croire que « tout allait s'arranger », surtout si on ne faisait rien ! Bien sûr, la mort de Cédric avait durement frappé Harry. Un idiot s'en serait douté ! Avec cette tendance qu'il avait à croire que tous les malheurs du monde ne pouvaient être que de sa faute, vous pensez bien que la mort d'un élève de l'école, presque un ami, juste devant ses yeux et par des types qui cherchaient à l'atteindre le mettrait à genoux. Et Voldemort ne s'y était pas trompé, le rustre insistant lourdement que c'était la faute de Harry, toujours sa faute si les gens mouraient, souffraient partout où il passait. Comme s'il n'y avait pas eu des Mangemorts bien avant sa naissance ! Et l'autre andouille qui se désespérait d'avoir offert à Cédric de prendre la coupe avec lui, transformant son geste de fair-play en meurtre, sans comprendre que quelque soit le choix qu'il ait fait à ce moment-là, Croupton Jr avait sans aucun doute eu l'intention de faire des victimes et de les lui coller sur le dos.
Ron soupira et changea de position, essayant de se calmer. Rager sur le passé ne changerait rien maintenant, si seulement il pouvait en convaincre Harry… Il se demandait parfois s'il y avait quelque chose chez les orphelins qui les faisait automatiquement se sentir coupable de tout ce qui arrivait dans leur voisinage, même et surtout ce sur quoi ils n'avaient aucun contrôle. Il frissonna brusquement en pensant que pour Harry la réponse était probablement : oui et Dursley. Merde, son ami était vraiment mal parti…
Mais blague à part L'année s'était donc terminée en feu d'artifice : la sécurité de Poudlard avait encore une fois démontré qu'elle avait plus de trous qu'un gruyère, le professeur de DADA était encore une fois un assassin affilié à Voldemort (et c'était bizarre le nombre de types à marques noires qui passaient les défenses magiques si vantées), il y avait des complots partout et Harry avait vu son premier cadavre. Et qu'est-ce qui avait changé ? Rien ! Oh, ils avaient touché des points pour quelle raison, il se le demandait. Avoir été des idiots jusqu'à la fin ? Est-ce que c'était censé les faire se sentir mieux à propos de Cédric ? « Oh oui, votre camarade est mort mais cent point à Gryffondor pour avoir été choqués. Tout va mieux maintenant, hein ? »
Stupide. Mais sa caricature n'était pas loin de la réalité, malheureusement. Harry était toujours affreusement gêné de recevoir des points pour avoir survécu. Et la dernière fois, même Mione avait demandé ce que les serdaigles était censé faire pour rester compétitifs. Chasser le basilic dans les souterrains ?
Mais à part les points… rien. Harry avait été renvoyé chez les Dursley. Dans l'état où il était. Il n'avait même pas vu un Guérisseur. Ron ne doutait pas des capacités de Pomfrey, mais elle n'était quand même qu'une infirmière scolaire ! Après un tournoi international et la renaissance de Voldemort, Harry méritait bien un Guérisseur diplômé, non ?!
Mais non. Il n'avait pas non plus vu un Psychomage. Pourtant, il ne voyait pas qui en aurait plus eu besoin. En fait, tous les compétiteurs aurait dû en voir un. Bien sur, les Psychomages étaient chers, mais Harry avait les moyens.
Ron changea de position encore une fois.
Les moyens, oui. L'habitude d'employer les moyens… Dans sa tête, Harry était toujours un orphelin à charge, pas le Lord d'une maison riche et puissante. C'est pourquoi il essayait toujours de s'en sortir tout seul et ne demandait jamais rien à personne.
Eh bien il allait falloir que ça change. Ron en avait assez. Mione avait tort. Les choses n'iraient pas bien tant que quelqu'un ne les ferait pas aller mieux et Dumbledore avait eu sa chance. Il avait eu quatre ans pour « veiller » sur Harry et le résultat c'est que le pauvre mec commençait à regretter que Voldie ne l'aie pas fini cette nuit-là au lieu de juste lui faire une cicatrice. Maintenant c'était leur tour. Merlin sait qu'ils pouvaient difficilement faire pire ! D'abord convaincre Mione et Tête de Mule de se mettre sérieusement à l'occlumencie. Harry avait besoin de dormir, et entre Voldie et les cauchemars de la troisième tâche, ça devenait utopique. Et s'ils voulaient continuer à échanger leurs secrets, il fallait s'y mettre tous les trois.
Problème : pour ne pas mettre la puce à l'oreille du Directeur « Rien-ne-se-fait-sans-moi-ici », impossible d'utiliser la bibliothèque. La chambre des Secrets était tentante, mais si le vieux mêle-tout connaissait aussi la légilimencie, ou si Rogue lui racontait tout… ils étaient dans la merde. Non, ils devaient trouver une source extérieure à l'école.
Ron mâchonnait distraitement sa plume en se tortillant dans son fauteuil. Son regard pensif errait sur la salle commune de Gryffondor. Combien de soirées avaient-ils passées dans cette salle tous les trois, à élaborer des plans pour déjouer ceux de Voldemort, à rechercher des solutions à l'énigme du jour (bon, de l'année) ou simplement à faire leurs devoirs. Combien de soirées à écouter Dean ou Seamus délirer sur leurs devoirs de divination, à regarder les jumeaux faire l'article pour leur dernière invention à se demander comment ils faisaient pour introduire tous ces trucs interdits dans le château…
Il se redressa brutalement.
Les jumeaux, bien sûr ! Quel idiot… ! Si quelqu'un avait les connections nécessaires pour des activités en besoin de discrétion c'était bien eux. Et il se trouvait justement que c'étaient ses frères…
Si quelqu'un avait levé la tête vers Ron juste à cet instant, il aurait eu la vision d'un sourire très perturbant.
- Ron ? Où est-ce que tu vas ? On n'a pas fini le…
- Je reviens tout de suite, Mione. J'ai une lettre urgente à envoyer !
Fin.
