NdA : J'ai découvert Kyou Kara Maou et ais vu l'intégralité des épisodes. La série est très amusante mais le personnage de Wolfram m'a beaucoup marqué. Je trouve qu'il a vécu des choses dures émotionnellement. J'avais plusieurs idées qui me venaient, je les ai donc rassemblés.

C'est un YuuRam et donc Yaoi

Chap. 1 : Testament et confusion


« Je m'appelle Wolfram Von Bielefelt, ceci est mon testament.

Sain de corps et d'esprit, je ne compte pas mourir bientôt, mais il s'agit du testament que je laisse en même temps que je décide ici et maintenant de laisser derrière moi une partie de moi-même.

Je m'explique.

Aujourd'hui, j'ai décidé de renoncer à ce qui m'a tenu le plus à cœur pendant plus de deux ans, mon amour pour mon Seigneur et Maître, mon Roi, Shibuya Yuuri, le 27ème Maou.

Vous pourriez dire qu'en 82 ans d'existence, un amour de deux ans n'est qu'une passade, comme une légère brise.

Détrompez-vous.

Mon amour pour Yuuri a été la plus belle des choses, et sans conteste la plus douloureuse, qui me soit jamais arrivé.

Et il est aussi vrai que durant ces deux années, le monde a changé du tout au tout avec lui.

Il a amené, non seulement la paix, mais aussi la fin de notre plus terrible ennemi, après des millénaires d'un combat oublié de tous, mené sans relâche par notre Seigneur Shinou.

Mais je m'égare. Je préfère qu'il ne sache pas combien je l'admire. Entre Günter, Conrad, et tout son peuple, il a bien assez de gens pour l'aduler.

Ce testament est celui de toute mon amertume et de toute ma rancœur. Je les laisse à qui voudra bien lire ceci et se rendre compte de ce qu'à réellement été mon amour pour mon Roi.

Commençons par le commencement, nos « fiançailles ». J'en ris encore, d'un rire amer. Il ne savait rien de nos us et coutumes, il m'a giflé. Il ne savait pas qu'il venait de me lier par des chaines protocolaires. Il ne savait pas. Ca je peux l'excuser.

Mais pourquoi ne pas rompre ce que vous-même appeliez une erreur, votre Majesté ? Pourquoi ne pas m'avoir tout de suite rendu ma liberté ? Pourquoi me laisser croire que j'avais des devoirs envers vous, puis plus tard que j'avais une chance d'avoir votre amour ? Alors qu'en réalité, je n'ai jamais eu ni les premiers ni le second…

Au début, je ne l'aimais pas. Je jouais la comédie du fiancé pour trois raisons, d'abord, un peu pour me venger de lui, ensuite parce que protocolairement, je n'avais pas le choix, je n'avais pas mon mot à dire en ce qui concernait ce mariage, enfin, parce qu'être le fiancé d'un Roi avait, il faut bien le reconnaître, quelque chose de flatteur.

Même si le Roi en question est un poltron.

Non, ça n'est pas entièrement vrai. Sur beaucoup de point, Yuuri a fait montre de davantage de courage que n'importe qui de Shin Mazoku ou d'ailleurs, moi compris.

Il n'y a que sur notre engagement qu'il a été un lâche sans nom.

Mais il n'avait que 15 ans après tout. Où étais-je à 15 ans, sinon dans les jupes de ma Mère, ou de Conrad ?

Disons plutôt aux soins de Conrad. Au-delà de tous ses défauts, je n'ai jamais ouï dire qu'il porta des robes.

Et c'est parce qu'il était lâche, qu'il refusait de prendre une décision que j'ai décidé de dormir dans son lit. S'il refusait de m'accepter, au moins allait-il avoir à accepter les conséquences de son acte ! Et pas question que je laisse le sujet trainer comme les autres ! Il allait devoir assumer ses responsabilités envers moi et comprendre qu'on n'agit pas sans réfléchir surtout quand la vie intime et quotidienne des autres est en jeu !

Mais je me suis retrouvé piéger dans une toile que je n'aurais jamais crû possible. Celle de l'amour. Mon cœur l'a aimé, si vite, si fort…

Personne ne m'a jamais pris au sérieux, et là, je ne parle pas que de Yuuri. Comment aurait-il pu prendre notre engagement comme quelque chose d'important, alors que tout le monde faisait comme si ça n'était rien ? A part Yozak et le Grand Sage, qui ne cessaient de faire des allusions à Yuuri, seulement sur le ton de la plaisanterie, personne ne m'a jamais reconnu ou présenté comme le fiancé du souverain… Sauf, ironiquement, la mère de Yuuri, qui semblait ravi de ma présence…mais était-elle sérieuse, ça, je ne sais pas.

Par contre je sais que j'ai dû en faire rire beaucoup à la Cour et dans le pays.

Tout le monde croit que ma fierté est la chose la plus importante à mes yeux. Si ça avait été le cas, il y a longtemps que j'aurais mis ma menace à exécution et aurait tué Yuuri puis me serais suicidé.

Non. J'ai accepté d'être régulièrement humilié par mon Roi et par d'autres, j'ai sacrifié ma prestance en voyageant habillé comme un paysan ou en acceptant de jouer les gladiateurs pour une bande d'humains, en navigant en mer où je vomissais mes tripes, juste pour être prêt de lui et en lui faisant des crises de jalousies volcaniques et impromptue devant tous le monde, l'appelant Henachoko, juste pour qu'il me remarque…

Ca n'a jamais vraiment marché. Oh, il me remarquait, il m'aimait et m'aime toujours. Ca n'est pas difficile, Yuuri aime tout le monde ou presque, c'est dans sa nature. Mais je n'ai jamais été qu'un ami proche et fidèle, dont la fidélité est considérée comme acquise et allant de soi…

C'est Conrad qu'il aime comme un frère, le plus proche des confidents…et peut-être plus, si ça n'était pas un homme…

C'est sur Günter et Gwendal qu'il s'appuie lorsqu'il a besoin de soutien…

Et la plaie dans mon flanc, Flurin, souveraine de Caloria, qu'il regarde si elle était une déesse…

Se marier avec une humaine, ça lui ressemblerait bien, tiens ! Même ma mère les trouve charmants…Elle se fiche, ou plutôt, ne soyons pas injuste, ne se rend pas compte du mal qu'elle me fait lorsqu'elle déblatère sur « le merveilleux couple qu'il ferait, tu ne trouve pas Wolf ? ». Si, bien sûr qu'il ferait un merveilleux couple…Si j'aimais un ou une autre et était heureux et n'était qu'un ami de Yuuri, je trouverais aussi qu'il formerait un beau couple…Mais je l'aime, lui, et personne ne semble y accorder la moindre importance…

Tous étaient largement prêts à laisser Yuuri se fiancer à une autre. Au fond, j'ai eu de la chance que ce soit Elizabeth, puisqu'elle n'en voulait qu'à moi. Si elle n'avait pas été amoureuse de moi, mon oncle, que son nom soit maudit jusque dans les Neuf Enfers, en aurait trouvé une autre et j'aurais probablement eu à subir une humiliation bien plus grande en me voyant congédié, dans les faits sinon dans les mots, sans même être présent…

Et vous, votre Majesté, n'étiez que trop heureux de me fourrer dans les bras d'Elizabeth, et ainsi échapper à vos responsabilité, sans aucun scrupule pour mes sentiments, ou même pour les siens…Car vous auriez pu forcer cette union, en usant de vos droits de monarque, et comment aurait-elle vécu alors, fiancée à un homme qui aurait fini par la haïr ?

Elizabeth…

Peut-être me pourrai-je me marier avec elle ?

Non. Nous avons été des enfants immatures à part égale dans cette histoire, mais je refuse de jouer avec ses sentiments, elle mérite qu'on l'aime pour elle-même. Elle est la rose parmi les roses et j'admire sa force et son courage…J'espère qu'elle me pardonnera un jour, même si je ne suis pas vraiment responsable, parce que même si elle dit vrai, je ne me souviens vraiment pas lui avoir donné cette gifle…

Non, Elizabeth ne sera pas ma femme.

Quand je me marierai, je veux que ce soit avec quelqu'un qui ne m'aime pas, mais qui m'apprécie juste. Une union où chacun sera satisfait des avantages, sans aucune pression, où moi et mon épousé serons des amis et où il ou elle saura que celui que j'aime est et sera toujours Yuuri. Le genre d'union réussi dans la noblesse, où à défaut de passion et d'amour, la compréhension et la simple cohabitation amicale fondent une famille unie.

Oui, à partir de demain, l'humiliation prendra fin, mon rêve réduit en pièce, l'illusion définitivement brisée. Il n'y a rien qui soit plus douloureux qu'un amour non payé de retour…

Mais au moins retrouverais-je peut-être un peu de mon honneur.

Je ne serais plus connu comme le fiancé polichinelle du Maou, dont on se gausse de façon quotidienne, seulement comme l'un de ses anciens mignons. C'est peut-être un peu blessant, et je ne serai pas l'image d'une virginité et d'une pureté à toute épreuve, mais avoir été un favori apporte un certain respect et une certaine crainte de la part de la noblesse et du peuple.

Même si je le suis encore, vierge.

Mais ça, personne n'a besoin de le savoir. Surtout que personne ne me croirait. Comme j'ai dormi pendant un an dans la couche royale, tout le monde pense qu'à défaut d'avoir une place sur le trône ou dans la vie publique du Maou, je lui ouvre mes cuisses chaque fois qu'il le réclame. C'est ce qui est attendu d'un mignon, mais honteux pour un fiancé officiel qui devrait rester vierge jusqu'à son mariage…

En ce sens, heureusement que personne n'a pris ce mariage au sérieux. J'ai été tellement stupide de m'imposer dans son lit ! A l'époque, je n'y avais pas réfléchit, et après, c'était trop tard. Et quand bien même, je chérissais plus que tous ces moments où j'avais mon Roi pour moi seul…

Considéré comme amant royal, ancien favori, je pourrais donc me remarier, ou plutôt me marier, sans trop de honte pour moi ou mon futur épousé, qu'il soit mâle ou femelle.

Mais je ne cesserai pas de l'aimer. Jamais. Socialement ce sera un mieux, mais dans mon cœur…Le vide, la perte est tellement pénible qu'elle me glace le sang et me ronge l'esprit chaque seconde, de chaque minute, de chaque heure du jour ou de la nuit.

Au moins, avec cette rupture, pourrai-je essayer de guérir…

Il y a d'autres choses, d'autres illusions, qu'il est aussi temps de laisser derrière moi. Nos « enfants », les Kuma Hachi, si mignons, si attachants (à en faire sourire mon frère)…Et puis…

Et puis le sujet le plus douloureux pour moi…Greta.

Greta n'a jamais été ma fille. C'est une illusion que j'ai entretenue autant que je le pouvais. Je ne sais pas comment me faire aimer d'elle comme un père. Mais visiblement il y a quelque chose que je ne fais pas comme il faut…

C'est Yuuri son père. Moi, je ne suis pas plus que Conrad ou Gwendal à ses yeux. Soit un oncle, soit un grand frère…

Elle l'a dit un jour devant moi, sans même savoir, dans toute son innocence d'enfant, qu'elle m'enfonçait un couteau en plein cœur. « Si Yuuri se marie, Greta aura enfin une maman !». « Si Yuuri se marie » ? N'a-t-elle jamais considéré qu'il puisse se marier avec moi ?

Non.

Non, bien sûr, comment le pourrait-elle ? Son père ne me reconnaît pas comme son fiancé et tous à la Cour, du moins maintenant que la paix est atteinte, tous à la Cour, disais-je, aiguisent leurs crocs et préparent leurs filles.

Personne ne croit plus à ce simulacre de fiançailles depuis les premiers mois… J'étais le seul à vouloir y croire, à me dire « Il ne m'a pas renié ! Il n'a pas renoncé ! Ca doit vouloir dire quelque chose ! »

Et ça voulait bien dire quelque chose. Ca voulait dire qu'il était trop lâche pour s'impliquer dans les complications de la rupture de fiançailles, trop peu sûr de lui pour concevoir que s'il rompait ces fiançailles ni Gwendal, ni Conrad ne lui en voudraient et que je resterais malgré tout à ces cotés…

Quand Greta a dit ça, ils étaient tous là, c'était pendant le dîner d'avant-hier. C'est là que j'ai pris la décision finale, même si ça fait déjà quelques semaines que je m'y prépare. J'attendais juste un signe, positif ou négatif, qui me pousserait en avant. Cette phrase et le fait que personne à la tablé n'ait rappelé à Greta que je suis le fiancé de Yuuri m'a décidé à prendre la décision. Tout le monde s'attendait à ce que j'explose de colère et j'ai senti le regard vaguement inquiet du Monarque sur moi. Cependant je n'ai rien dit, j'ai juste souri et rappelé à Greta de ne pas parler la bouche pleine.

Ce soir là, j'ai fait semblant de m'être endormi près de Greta en lui lisant une histoire pour ne pas avoir à dormir avec Yuuri. Greta m'a demandé pourquoi j'étais triste. Elle est pleine d'empathie, pas du tout égoïste comme beaucoup d'enfant de son âge. Une fille dont n'importe quel père pourrait être fier… Je lui ai dit que je n'étais pas triste. Je ne crois pas qu'elle m'ait crû. Elle a dit «Wolfram est toujours triste, mais Greta l'aime beaucoup, alors tu ne devrais pas, Greta aime beaucoup Wolfram ! ». Ma chère petite princesse humaine…Wolfram mourra pour toi, s'il le faut, même s'il n'a pas, ou plus, le droit de s'entendre appeler « père » ou « papa » par toi.

Enfin, peu importe. Ce soir, à la lueur des chandelles, j'écris ces mots en attendant le retour de mon Roi. Cette nuit, pour la dernière fois, je me coucherai auprès de lui, respirant son odeur, profitant de sa chaleur et rêverai d'un futur qui ne sera pas.

Au matin, nous aurons la discussion qui me terrifie et nous parlerons de la rupture de ces fiançailles sans substance. J'ai déjà parlé à Günter et lui ai demandé de tout préparer dans le plus grand secret. Il a eu l'air surpris, je pouvais lire ses pensées, comment, Wolfram le sale gamin égoïste est capable de prendre une décision intelligente ?, mais il a approuvé et nous avons discuté des détails. Toutes les formalités se feront rapidement et discrètement et demain soir, on annoncera officiellement la rupture des fiançailles devant la Cour. Ainsi, pour la fête de la venue à maturité du Roi, son seizième anniversaire, avec un an de retard, dû aux évenements divers, fêter donc dans trois semaines, il sera de nouveau libre et les prétendantes et prétendants pourront lui être convenablement présentés, et pas sous le manteau, comme ça aurait été le cas, si cette mascarade avait continué.

Je me sens vidé de toute énergie, mais étrangement apaisé, maintenant que j'ai laissé tomber les armes et accepté ma défaite. Je n'éprouve ni colère, ni rancœur, du moins pour le moment. Je pense qu'après la journée de demain, quand il me faudra subir le contre coup et dormir seul dans mes quartiers, ça sera différent. Je sens déjà la morsure du regret et de la peine, comme un fer rouge prêt à être appliqué sur ma peau. Mais ce soir…ce soir je me sens en paix avec moi-même et avec mon amour.

Je l'entends s'approcher. C'est ici que s'arrête mon testament.

Je vous aime, mon Seigneur et Maître. Je t'aime, Yuuri. »


Je reposai la plume, exténué. Cette confession avait été plus dure à écrire que je ne l'aurais imaginé. Mais il fallait que je le fasse, que j'exorcise tout ça pour le laisser derrière moi.

La porte s'ouvrit et Yuuri entra en baillant à s'en décrocher la mâchoire.

-Pffiou…Encore une heure de plus avec Günter et je crois que ma tête aurait explosée.

Je souris un peu, soufflai la chandelle et repliai les parchemins contenant mon « testament » avant de les glisser dans un étui et de le sceller du sceau des Von Bielefelt. Au moment où je me retournais afin de le ranger avec mes autres documents, je m'aperçu que Yuuri ne m'avait pas quitté des yeux depuis son entrée.

-Quoi ? Demandais-je, un peu sèchement, mon cœur se serrant à sa seule vue.

Il secoua un peu la tête.

-Eh bien…Tu ne m'as pas appelé « Henachoko » tout à l'heure, quand je me plaignais, ça m'a surpris.

Je relevai le menton et détournai la tête en haussant les épaules.

-Etre Roi peut parfois être une tâche épuisante. Même si tu n'étais pas une lavette, ça serait difficile.

Il me regarda avec un drôle d'air mais ne dit rien. Je ne détachais plus les yeux de sa personne, profitant pour la dernière fois de ce simple rituel du coucher, dont j'appréciai chaque seconde, sachant que ces précieux souvenirs seraient mon rempart contre ma solitude prochaine. Il était en train de se débarrasser de sa lourde cape d'apparat qu'il avait dû porté pour le dîner où avait été reçu des Ambassadeurs de Caloria, et oui, Elle était là aussi.

Il avait beaucoup d'allure, à présent qu'il avait pris de l'assurance. La femme qu'il aimerait aurait de quoi être fière d'être à son bras. Et je pourrais toujours l'observer de loin. Même si c'était dur, rien ne m'obligeait à me priver de sa présence…Mais le voir au bras d'une autre ? Voir le ventre de sa reine s'arrondir avec leurs enfants ? Voir leurs regards, leurs gestes complices et tendres ? En suis-je vraiment capable ? Savoir qu'elle sera plus importante que moi, qu'il lui accordera toute son attention là où moi je devrai me contenter de quelques mots, et d'aucun gestes…Savoir qu'il n'y aura plus d'espoir, que je ne serai que la tombe d'un amour mort-né ? Pensai-je avec tristesse, un goût amer dans la bouche.

-Ne, Wolfram…

Je sursautai un peu en entendant sa voix, perdu que j'étais dans mes contemplations déprimantes. Ses yeux sombres me fixaient avec une étrange lueur…ou était-ce un effet de la bougie près de lui. Je levai un sourcil, l'encourageant à continuer.

-Tu es sûr que ça va ?

Je me brassai pour la suite de cette discussion, rien ne devait apparaître qui trahisse mes projets du lendemain.

-Pourquoi ça n'irait pas ?

Je me levai et remontai la bretelle de ma chemise de nuit rose. Le sol était froid sous mes pieds, mais pas aussi froid que mon corps lui-même, glacé par la fatigue et l'abattement. Ses yeux suivaient mes gestes.

-Parce que tu n'es pas comme d'habitude…La dernière fois, tu n'as pas fait de remarque quand Greta a parlé de mariage et ce matin, lorsque Flurin-san et moi sommes allés en balade à cheval, tu n'as pas fait de crise de jalousie, tu ne m'as pas appelé « infidèle », ni exigé de nous accompagner.

-Pourquoi ? J'aurais dû ? Il s'est passé quelque chose ?

Je ne le regardais pas, lui tournant le dos en soulevant les draps pour me coucher.

-Non ! Bien sûr que non ! Se récria-t-il, un peu paniqué sans que je sache pourquoi.

Je m'assis dans le lit, sous les draps doux et parfumés, appuyé sur les oreillers et tournait la tête vers lui. Etait-il paniqué parce qu'il s'était effectivement passé quelque chose ? C'était le moment que j'avais choisi pour parler à Günter, c'est pour cela que je n'avais pas été avec eux…Aurais-je dû ? Bien sûr, dès demain cela ne me concernerait plus. Mais une part un peu perverse de moi aurait aimé être là, voir leurs gestes, les observer…Etrange, cette curiosité, cette envie de souffrir…

Et savoir, être sûr, tout plutôt que cette intolérable incertitude.

Bof, je saurais bien assez tôt, j'imagine.

-Alors où est le problème ?

Il passa la main derrière la tête en baissant les yeux, l'air embarrassé.

-Ca te ressemble pas, c'est tout.

Au lieu de l'exaspération que je m'attendais à ressentir, une douce chaleur se diffusa en moi. Mon Roi s'inquiétait pour moi. C'était si…touchant.

-Henachoko…

Il y avait trop de tendresse dans ma voix pour que ça sorte comme une insulte. Yuuri releva les yeux et sourit, d'un sourire éclatant.

-Voilà, je préfère ce Wolfram là !

Il disparut le temps de faire sa toilette et d'enfiler cette chose qu'il appelle un pyjama puis s'approcha de notre lit et grimpa à coté de moi, sans ce plaindre de ma présence. J'envoyais une prière de remerciement à Shinou. Nul doute qu'il était responsable de ce que ma dernière soirée avec Yuuri semblait parfaite. Probablement une façon subtile de me faire comprendre qu'il approuvait ma décision.

Je me laissai aller sur les coussins, observant son profil, le temps qu'il s'endorme. Je voulais passer quelque temps à le regarder dormir, un privilège dont je serais bientôt privé.

Mais il se retourna et me surpris, les yeux ouverts, le fixant. Je me sentis honteusement rougir et me tournai d'un geste brusque pour lui faire dos. Une main me retint l'épaule et me tira en arrière. Je retombai sur le dos et mes yeux plongèrent dans les abîmes sombres de son regard qui semblait à ce moment me transpercer l'âme.

-Qu'est-ce qui ne va pas, Wolf ? Ca fait des semaines que tu es distant, renfermé, Conrad l'a remarqué aussi.

Maudit Weller et son sens de l'observation !

Je déglutis. J'avais envie de l'embrasser, autant que l'on peut désirer un fruit défendu lorsqu'il est à porter de main, ou dans mon cas, de lèvres. Ses yeux ne quittaient pas les miens, cherchant la réponse à ses questions.

-Je te promets, Yuuri, je vais bien. Murmurai-je, un peu effrayé par sa persistance et la concentration qu'affichaient ses traits.

Il ne me croyait pas.

-Je suis juste un peu fatigué.

Il fit alors un geste qui me surprit. Il leva la main et écarte une mèche de mon front, avec douceur.

-Si ça n'allait pas, Wolf, est-ce que tu me le dirais ? Tu n'as pas besoin d'être solide comme un roc pour moi, tu sais.

Je m'écartais un peu, de surprise et d'agonie. Pourquoi ce soir, de tous les soirs, choisissait-il de raviver la flamme d'espoir que j'avais réussi à éteindre ? Non, Yuuri, s'il-te-plait, pas ça…

Je me tournai et attrapai mon oreiller pour le serrer contre moi de toutes mes forces, ignorant par là-même mon Souverain. Je l'entendis soupirer.

-Demain, il faut qu'on parle.

Je ne répondis pas, malheureux de ne pouvoir l'observer dans son sommeil comme je l'aurais voulu, mais trop épuisé, trop nerveux, au point d'en être au bord des larmes, pour attendre qu'il s'endorme…

La sensation de paix avait disparu et la perspective de la discussion de demain ne m'apportait plus aucun réconfort.

A suivre…