Disclaimer : Rien n'est à moi à part un ou deux personnages, dont une certaine Robin qui reviendra. Pour le reste, niet. Et je ne me fais aucun argent sur l'écriture des fics. Ceci sera le seul disclaimer que je ferai pour la fic parce que ça me surprendrait qu'en plusieurs mois Rob ou Dawn viennent me proposer les droits de la série pour la réadapter.
Rating : PG-13, mais j'aurais même tendance à le mettre un peu au-dessus parce que les propos tenus dans cette fic? Pas pour des chtitits zyeux d'enfants.
Note de Wam : Premier épisode de ma saison 4. Vos commentaires sont plus que bienvenus. Cet épisode est très long (presque 30 pages). Les prochains seront normalement bien plus courts, mais là il fallait présenter les personnages, la situation, et ce qui a changé. Ma saison ne commence pas à la rentrée 2007, mais le 1er décembre 2007. Mais j'explique ce qu'il y a à expliquer.
Note de Wam 2 : Il y a eu tentative de toutéliage, ou de rappel de dialogues déjà eus dans la série. Comme je n'ai pas vu les épisodes en VF (ou pas retenus) je me suis contentée de les traduire dans la mesure de mes tristes moyens (c'est à dire ma tête). Donc ça rend hyper nul, parfois ça va même ne pas se voir du tout, mais je l'ai fait. D'ailleurs, traduire ce que dit Piz au moment où lui et Veronica se font filmer? WORST. TRANSLATION. EVER. Mais j'ai fait de mon mieux.
Note de Wam 3 : Les propos tenus et les avis présentés dans cette histoire ne sont pas les miens. Ce n'est pas non plus mon analyse des personnages, puisque la fic est du point de vue de Veronica (ou de Keith). Par conséquent, ne venez pas me tuer si certains propos vous paraissent exagérés, ou complètement stupides ou choquants. Ce ne sont pas les miens, et c'est voulu. Normalement, chaque pensée est explicitée plus tôt ou plus tard dans la "saison". Ah. Et je n'aime pas Piz. Juste au cas où il y en ait qui n'ont pas encore bien imprimé : écrire des scènes avec Piz et Veronica m'arrache les doigts. Je fais le plus d'efforts possible, mais... ARGHF. Par contre, croyez-le ou non, mais j'essaye d'être le plus objective. Sur ce bonne lecture, j'espère !

401

I KNOW WHAT YOU DID LAST SUMMER

Veronica remit son écharpe autour du cou, même si le temps n'était pas particulièrement froid. Neptune avait ses bons côtés. Beaucoup de mauvais, mais quelques bons. La météo faisait partie des bons côtés. Ils étaient suffisamment rares pour qu'elle les retienne.

Traverser le campus commençait à la fatiguer. C'était amusant, au début. Ça changeait du lycée, des casiers, des longues journées de cours avec des matières qui n'intéressaient personne, des élèves mesquins et des rumeurs aussi douteuses que stupides sur son compte. Mais finalement, la fac ressemblait beaucoup, beaucoup au lycée. En plus grand, avec moins de casiers et plus de livres, mais toujours des journées trop longues, des élèves trop stupides, et des rumeurs invraisemblables.

Quant aux profs… Après le fiasco Landry, et l'histoire de Tim, elle avait renoncé à croire que la fac pouvait être mieux que le lycée. En résumé ? La vie à Neptune n'était qu'une version macroscopique du lycée. Inutile de préciser que l'enthousiasme de Veronica du début de l'année précédente était légèrement retombé.

Veronica s'installa à sa table habituelle de psychologie, et posa sa tête sur son sac, les yeux fermés. Elle avait passé la nuit à attendre qu'un richissime salaud finisse de tromper sa richissime garce d'épouse avec une pauvre prostituée (Neptune n'était qu'un cliché) pour pouvoir aller se coucher. Et au plus grand désarroi de Veronica, soit le salaud avait de l'endurance, soit il s'acharnait sur les préliminaires, soit il avait préféré regarder l'intégrale du Seigneur des Anneaux.

Elle n'avait dormi que deux pauvres heures avant de devoir reprendre sa bonne petite routine.

« Debout, Nancy Drew. C'est pas l'heure de dormir, j'ai plein d'histoires magnifiques à te raconter ! » tonitrua-t-on à côté d'elle. « Tiens, Cindy n'est pas là ? »

Veronica marmonna quelque chose d'inintelligible, mais se redressa et regarda son interlocutrice, dardant sur elle un regard noir.

« Ou alors tu as des choses encore plus intéressantes à me raconter… » poursuivit la jeune fille, l'air conspirateur. « Qu'est-ce que tu as fait, Veronica pour avoir l'air si fatiguée ? Stoshounet serait-il plus sportif que ce que j'aurais imaginé ? »

Elle haussa plusieurs fois ses sourcils suggestivement, un sourire goguenard sur le visage.

« Robiiiiiiiiiin… » râla Veronica.

« Apparemment non. C'est pas drôle, c'est toujours moi la plus débauchée du groupe. Enfin je le vis plutôt bien, remarque. Bon, alors, où est Cindy ? »

« Au fond de son lit ? »

« Ou de celui de Max. D'ailleurs, je ne sais pas si je te l'ai déjà dit aujourd'hui mais Max et Mac ? BEURK. Elle pourrait se taper tellement mieux que lui. Toi aussi d'ailleurs. »

« Robin, Mac n'est pas avec nous en psychologie. »

« Ah non ? J'en étais pourtant convaincue. Dans quelle classe est-elle avec nous, dans ce cas ? »

« Aucune ! »

« Ah. Elle est tellement souvent avec nous aussi ! Cela dit, ça n'empêche rien. Vous avez des goûts en matière de mecs très, très douteux. »

« Tu n'avais pas d'histoires magnifiques à me raconter ? »

Robin la jaugea un instant, hésitant entre céder à ses instincts de commère, et lâcher le sujet passionnant des amours de ses copines. Mais Veronica la connaissait, dans moins de cinq secondes elle saurait tout ce qui se passait sur le campus. Cinq, quatre, trois, deux, un…

« Bon, tant pis je fais ma fille facile. Il y a de nouvelles affiches sur le campus, c'est énormissime ! Gory Sorokin est un vrai petit cochon ! Bon, je te préviens, l'image est crade, mais ça vaut le coup… »

Elle tira de son sac une feuille froissée imprimée en couleurs, sur laquelle figurait un Gory en train de faire des choses très peu catholiques à une femme à la vertu très douteuse. Et c'était vraiment le genre pas du tout catholique. Encore qu'à une certaine époque, les châtiments corporels étaient de mise. Pas pour les mêmes raisons, mais ça l'excusait peut-être un peu.

Robin soupira, l'œil faussement rêveur. « N'est-il pas charmant, cet apollon ? »

Veronica se contenta de secouer la tête. « Ce type est écoeurant. Si son père n'était pas diplomate, ce mec serait dans de sérieux ennuis. »

« Ouep. Mais vois les choses en face, miss FBI, ses frasques sont passionnantes. Ce mec, c'est une sorte de Paris Hilton masculine. Il ne fait rien de sa vie, il est juste riche, et beau, mais tu n'arrives pas à savoir s'il est vraiment très intelligent, ou vraiment très bête. »

« Il est très intelligent. Crois-moi. Mais il a aussi une part de connerie profonde. C'est un mec. »

« Bien dit ! Bon, allez raconte. C'était quoi ta planque d'hier ? Un trafic d'armes ? » demanda-t-elle avec espoir. « Ou as-tu suivi un meurtrier ? Qu'as-tu fait de si excitant pour être dans un tel état aujourd'hui ?! »

« J'ai attendu qu'un mec tire son coup avec une prostituée. »

Robin se mordit la lèvre. Là encore, Veronica savait entre quelles réactions hésiter : le faux bâillement parce qu'effectivement, attendre dans sa voiture un couple pendant des heures n'avait absolument rien d'excitant (elle l'avait accompagnée une fois en planque en trois mois et n'avait plus jamais recommencé), ou chercher une idée graveleuse à souligner. Veronica ne doutait pas une seule seconde de son choix.

« Oouuuhhh, allez avoue Veronica, tu les as mattés. Tu es payée pour matter des vieux s'envoyer des filles jouant les actrices pornos. Pire, pour les prendre en photo ! C'était comment ? T'avais envie de les rejoindre ? Tu t'es touchée ? »

A sa dernière phrase, Robin éclata de rire. Veronica secoua la tête, hésitant entre le rire et l'agacement. Robin pouvait être une amie très gentille, mais elle avait parfois un humour qui n'avait rien de léger. Dès leur première conversation, et ce malgré la différence physique frappante, Robin avait rappelé quelqu'un à Veronica. Et elle sentait que d'une manière ou d'une autre, si elle l'avait laissée s'approcher et devenir son amie, c'était pour cette raison.

Parce que malgré ses cheveux noirs très courts, malgré sa grande taille, ses longues jambes et ses yeux sombres, Robin McCherry ressemblait cruellement à Lilly Kane.

oOoOoOo

L'année commençait mal. Du genre, très mal. Son père déprimait depuis sa défaite face à Vinnie Van Lowe, Piz lui faisait la gueule parce qu'elle n'avait pas téléphoné des vacances (mais c'était sa faute à elle, si elle était occupée toute la journée et épuisée la nuit ?), et parce qu'elle ne l'avait pas appelé immédiatement à son retour en ville (non mais quel âge avait-il sincèrement ?), Mac était constamment occupée avec Max, Wallace reprenait ses entraînements de basket et n'avait plus une minute à lui accorder, la dernière visite de Parker l'avait agacée au plus haut point…

Et encore, la situation aurait pu être supportable si des mains devant les bouches dans le but de cacher les chuchotements ne la suivaient pas partout où elle allait. Si les regards étaient plus discrets. Et si cette situation ne portait pas un écriteau immense affichant « DEJA VU ».

Le dernier jour de la semaine, assise à sa place au cours de psychologie, elle s'imaginait déjà chez elle à la recherche de billets d'avion pour Washington, lorsqu'une grande fille brune avait parcouru hautainement la salle du regard, avait regardé Veronica droit dans les yeux, et s'était installée à côté d'elle avec un petit rictus.

Veronica soupira, et prit un stylo qu'elle fit tourner autour de ses doigts en attendant que la prof daigne se présenter. Elle chercha au plus profond d'elle-même une patience qui de toute façon n'existait pas, alors que les chuchotements continuaient. Pas moins d'une dizaine de secondes plus tard, une voix plus forte que les autres s'exprima moins discrètement qu'il ne l'aurait fallu.

« Ah, c'est celle qui faisait des trucs au mec de la radio ? Je l'ai vue, faut vraiment avoir un problème pour se filmer en train de faire ce genre de trucs… »

Veronica se tourna rapidement et ouvrit la bouche pour répliquer, mais fut interrompue par sa voisine.

« Et faut vraiment avoir un problème pour matter les autres en train de faire des galipettes. C'est quoi ton problème ? Ton mec te baise pas assez bien, c'est ça ? Ou alors t'es jalouse, tu voudrais que Veronica te fasse la même chose ? Tu es dans ce cours pour quoi, pour essayer de comprendre pourquoi tu aimes regarder les filles faire des trucs à leurs mecs, ou pour étudier ? »

L'autre (une blonde, forcément) dévisageait la voisine de Veronica avec effroi et dégoût, mais la jeune fille ne se démonta pas. Et pour le coup, Veronica en resta bouche bée. Personne n'avait plus pris sa défense depuis bien longtemps. Et encore moins en des termes aussi crus.

« Laisse tomber. » rétorqua intelligemment la blonde.

« Laisse tomber ! » imita en minaudant la brune. « Pauvre fille, va. Trouve-toi une vie au lieu de vivre à travers celle des autres. »

La jeune fille se rassit correctement tandis que l'autre se levait et allait s'asseoir à l'autre bout de l'amphithéâtre avec ses copines. Décidément, pensa Veronica, c'était vraiment comme s'ils n'avaient jamais quitté le lycée.

« Merci. » chuchota-t-elle à l'adresse de sa voisine.

« Pas de problème. Elle était marrante ta vidéo, j'aurais dû penser à ça pour faire enrager mes vieux. »

Veronica ricana nerveusement. Pour une fois que quelqu'un trouvait cette situation marrante…

« Je m'appelle Robin, » se présenta-t-elle, en affichant un sourire. Un sourire amusé, cynique, ironique, mais tellement sympathique. Un peu à l'image celle qui le faisait tout le temps.

C'est en voyant le sourire de Robin qu'elle oublia Washington et de possible réservations sur le net.

oOoOoOo

« Hé ho, Veronica, t'es en pleine réminiscence ? »

Elle lui donna un coup dans le bras en grimaçant. « Mais non crétine. »

« Non quoi ? Pour la réminiscence ou pour la séance de touchage de soi devant deux vieux ? »

« Les deux. T'as vraiment un problème, des fois. »

Robin se contenta de hausser les épaules. Elle sortit un petit cahier noir qu'elle feuilleta rapidement, puis le fourra de nouveau dans son sac. Après l'évènement du premier cours de psychologie, Veronica et Robin s'étaient mises à se parler. Et lorsqu'il avait fallu faire des équipes pour un dossier, Veronica n'avait pas hésité se mettre en duo avec elle. Certes, Robin n'avait pas que des qualités, avec une tendance à faire tout le temps la fête, être odieuse avec tout ce qui ressemblait à de l'autorité, et était parfois d'une froideur inconsidérée, mais de manière générale, elle était toujours pleine d'entrain, de bonne humeur, et avait toujours un truc à raconter.

Oui, une Lilly deux, en somme.

Veronica savait que son amitié avec Robin n'était pas vraiment saine. Elle l'avait très rapidement considérée comme une amie, et il était rare qu'une journée passe sans qu'elle ne les compare toutes les deux. A la différence près que Robin avait une petite sœur qui la jalousait, et qu'elle était avec le même garçon depuis deux ans qu'elle ne l'avait pas trompé une seule fois, elle ressemblait quand même beaucoup à sa meilleure amie décédée. Mal aimée de ses parents, parlant constamment de sexe, vivant la vie à cent à l'heure…

Elle voyait souvent Robin comme ce que serait devenue sa meilleure amie. S'il n'y avait pas eu cette histoire d'Aaron Echolls lui écrasant le crâne à grands coups de cendrier, évidemment. Pourtant, elle n'était pas vraiment pareille. Et une partie de Veronica était rassurée par cette différence. Cela voulait dire qu'elle n'était pas complètement folle à être toujours amie avec des cas sociaux.

Au moment où Veronica lâchait un soupir à fendre l'âme, une grande femme dans la quarantaine entra par la porte du fond, chargée de copies. Elle avait l'air de méchante humeur, ses cheveux blond foncé tirés dans un chignon fou, son pantalon de tailleur noir lui dessinant une plastique que plusieurs garçons, toujours après quatre mois, suivirent du regard.

Jane Braun posa les copies violemment sur son bureau, et balaya d'un œil scrutateur l'assemblée d'étudiants anxieux et silencieux. Le regard du professeur s'arrêta l'espace d'un instant sur Robin, dont le sourire s'agrandit manifestement contre sa volonté, puis elle se tourna au tableau, se saisit d'une craie blanche, et marqua un énorme D suivi d'un trait de négation.

« C'est ce que vaut votre classe. Des gamins de troisième auraient fait un meilleur travail. Manifestement, aucun élève n'a lu correctement les trois livres, et à part quelques rares cas où j'ai l'once d'un espoir d'existence de cerveau, pour le reste je me demande comment vous êtes parvenus sur ces bancs. Encore que… »

Son regard bleu perçant se posa de nouveau sur Robin, puis sur quelques autres 09ers, laissant largement comprendre ce qu'elle pensait : l'argent de papa et de maman pouvait peut-être leur acheter une place à Hearst, mais certainement pas de bonnes notes. Surtout pas de bonnes notes.

« Ouvrez votre manuel page 613, et lisez le premier texte pendant que je vous rends vos copies. On en discutera après. Enfin, si certains d'entre vous se rappellent qu'ils ne sont pas en CAP. »

Veronica échangea un regard fatigué avec Robin, qui haussa les épaules.

« Eh bée quelqu'un a mis du piment dans son café ? » chuchota perfidement Robin.

Veronica étouffa un petit rire, et plongea la tête dans son livre. Au bout de quelques minutes à faire abstraction des murmures abaissants de leur enseignante, l'ombre menaçante de la femme obscurcit les lignes du livre de Robin. Veronica ne put s'empêcher d'interrompre sa lecture, et observa à sa gauche. Braun ne lâchait pas Robin du regard, laquelle ne semblait pas parvenir à retenir son rictus moqueur. Finalement, un sourire mesquin s'afficha sur le visage de Braun, et elle plaqua une copie d'une dizaine de pages sur la table. Robin baissa les yeux et se retrouva bouche bée devant un E+ qui la scotcha sur place.

« Vous avez de la chance, à ce moment-là j'étais encore de bonne humeur. »

Robin releva vers Braun un regard entre surprise, colère et amusement, mais la professeur s'était déjà postée devant Veronica, qui l'observait, la tête dressée de défi, mais l'attitude la plus décontractée possible. Braun la perça du regard, et comme à chaque fois, Veronica sentit un frisson lui parcourir l'échine. Elle détestait le regard de cette femme. C'était comme si elle jugeait, jaugeait, dépeçait mentalement les personnes qu'elle avait en face d'elle de manière constante.

« Vous m'avez habituée à mieux. »

Elle posa la copie sur la table.

C.

La garce. Sa copie valait bien plus que ça. Au moins, elle était mieux lotie que Robin. Veronica secoua la tête, dépitée, et s'affaissa sur son banc. Ça allait être deux très, très longues heures.

oOoOoOo

L'air froid de décembre arracha une grimace à Veronica, tandis que Robin sautillait dans sa longue veste classe. Elle avait fourré sa mauvaise note au fond de son sac et Veronica était de méchante humeur.

« J'en reviens pas que tu sois aussi heureuse après un truc pareil. On a travaillé super dur pour cette note, et elle a été totalement injuste. »

« Oh je t'en prie Veronica, on s'en fout ce n'est qu'une note ! » rétorqua Robin. « Te mets pas en mode Erin Brokovitch. C'est une prof, elle aura toujours raison. Et puis c'était marrant ! »

« En quoi ? » Veronica devait avouer que ça ne la faisait pas rire du tout.

Robin fit mine de réfléchir pendant une minute, puis haussa les épaules.

« Ok ça l'était pas vraiment, mais je suis sûre qu'après une ou deux vodka on en rigolera. »

Veronica secoua la tête en levant les yeux au ciel, tandis que Robin éclatait de rire.

« Rooh ce que vous pouvez être déprimants, vous les pauvres. Je sais que c'est triste de devoir travailler pour pouvoir obtenir un jour une chance d'avoir un travail qui rapporte de l'argent, mais quand même ! Ce n'est qu'une note, ça ne vaut même pas tant que ça dans la moyenne ! »

Veronica lui jeta un regard noir.

« Et si je te dis que le karma est un salaud, et que d'une manière ou d'une autre cette espèce de dragonne le paiera ? Ca te remonte le moral ? »

« Légèrement. »

« Et si je t'invite toi et tes amies fantastiques vendredi soir à une fête de fraternité bourrée de frat boys en chaleur prêts à vous croquer toutes crues ? Y aura même la vodka qui te fera rire. Et je suis sûre qu'ils ont une jolie collection de C, tu te sentiras immédiatement plus intelligente ! »

« Non merci, » déclina Veronica.

Veronica frissonna à la simple idée d'une fête de fraternité. Elle n'y avait plus mis les pieds depuis très longtemps, et cela lui convenait extrêmement bien. Vraiment très, très bien. Robin la fixa d'un œil perçant.

« Tu es cruelle. Je suis censée m'amuser comment, moi ? »

« Débrouille-toi. »

« Mmmh, plutôt toi, débrouille-toi » rétorqua Robin. Veronica suivit son regard, et vit Piz approcher à grande vitesse. Robin n'était pas spécialement fan de Piz, elle avait tendance à le trouver trop mou avec une légère disposition au regard de chien battu. Si, au début, entendre Robin plaisanter la faisait rire, cela devenait décidément trop lourd. Est-ce qu'elle critiquait son petit ami, elle ? Non. Elle ne l'avait même jamais vu, alors !

« Bon allez V, moi j'y vais ! V j'y vais ! » insista-t-elle en rigolant, « Je ne m'en lasserai jamais. Dors bien mémé, pendant que moi je profiterai de ma jeunesse ! Salut Stosh ! »

Piz lui accorda un petit sourire accompagné d'un gentil signe de tête, et Robin disparut dans la foule après un dernier clin d'œil à Veronica. Celle-ci soupira : bon débarras. Robin avait ses bons côtés, mais elle finissait par être fatigante à la longue.

« Salut toi ! » l'accueillit Piz en l'embrassant.

« Hey. Quoi de neuf ? »

« J'ai essayé de t'appeler hier, tu n'as pas répondu… »

Veronica se retint de lever les yeux au ciel. C'était comme ça depuis quatre mois.

« J'étais occupée hier. Mon portable était éteint. Qu'est-ce qui se passe ? »

Piz soupira. « J'ai reçu des menaces. »

oOoOoOo

Veronica s'installa plus confortablement sur le lit de Wallace qui était sur sa chaise, et regardait Piz faire les cent pas. Il avait un côté mignon quand il était hystérique. Parfois, cet aspect de sa personnalité l'agaçait et la fatiguait, mais à ce moment-là, ça avait un côté adorable. Ses cheveux étaient ébouriffés, et il ne cessait de se passer la main sur le visage.

Cependant, la situation était assez grave.

« Donc, si je résume bien, tu étais à la radio et l'un des auditeurs t'as menacé de te faire payer pour tes erreurs ? Tu ne crois pas que c'est une blague, plutôt ? »

« J'y croyais au début, mais premièrement, la blague serait de très mauvais goût, deuxièmement il a rappelé le lendemain, et troisièmement ma voiture s'est fait défoncer hier, après. Donc je commence à prendre la menace au sérieux, à ce stade-là. Trish m'a dit que si ça continuait elle interromprait mon émission pour ne pas prendre de risque. Je ne peux pas perdre mon émission, Veronica. »

Wallace écarquillait les yeux. « Mais de quelles erreurs parlerait-il ? Et qui ça pourrait être ? »

« Je n'en ai aucune idée ! Je ne suis pas quelqu'un qui cherche les problèmes, sérieusement. »

« Je sais, » le rassura Veronica. « On va commencer par la question habituelle : as-tu des ennemis ? As-tu eu des altercations avec des gens récemment ? »

« Non, pas spécialement. Enfin j'ai conseillé à une fille de quitter son copain, d'après ce qu'elle racontait il avait l'air de ne pas être le genre fidèle. Peut-être qu'il l'a mal pris ? Et il y a eu un débat sur les fêtes de fraternité, et je me suis un peu moqué de Chip Dealer, qui était à la cafétéria à ce moment-là. Il… N'a pas eu l'air d'apprécier. »

« C'est pas exactement le MO d'un type comme Chip Dealer, » intervint Wallace.

« Pas assez direct pour lui, c'est pas ta voiture qu'il aurait démolie, mais plutôt ta tête. Nope. Je penche plus pour le copain. Enfin ça vaut le coup de jeter un œil, on ne sait jamais. Il faudrait le journal des appels, il doit y avoir ça non ? L'identification téléphonique ? »

« Je ne sais pas. Oui, j'imagine. »

« C'était quoi le nom de cette charmante jeune fille dont tu as brisé le couple ? »

« Hem… Mary. »

Un ange passa. Veronica attendait qu'il élabore un peu, mais vu le regard de Piz, elle comprit qu'il n'y avait que ça. Elle aperçut Wallace se mordre les joues du coin de l'œil.

« C'est tout ? Tu ne sais rien de plus ? »

« Le but c'est que justement elle soit relativement anonyme, j'allais pas lui demander son extrait de naissance. »

Les épaules de Wallace commençaient à se secouer.

« Tu veux dire que c'est en plus probablement un pseudonyme ?! »

« C'est possible, beaucoup de gens font ça pour ne pas être repérés… »

Wallace ne put plus se retenir et s'effondra de rire sur son bureau. Piz lui jeta un regard noir.

« Wallace, ma voiture est à la casse, et un malade mental veut me démolir le portrait ! J'ai déjà donné l'année dernière, ça m'a suffi ! »

« Logan n'est pas un malade mental, » rétorqua gentiment Wallace en essuyant ses larmes. « Il pensait que tu avais filmé Veronica. »

« Oui, et s'il me l'avait demandé poliment, j'aurais pu lui donner une réponse. »

« Stop. » interrompit Veronica. « L'état mental de Logan n'est pas le propos. Où était garée ta voiture ? »

« Juste en face des dortoirs. Il me l'a détruite pendant la nuit j'imagine, parce que je suis rentré de la radio avec et tout fonctionnait très bien. »

« Tu n'aurais pas une photo des dégâts ? »

« Si, pour l'assurance c'était indispensable. Et j'ai une photo d'avant. Je vais te chercher ça. »

Il se retourna et fouilla dans ses papiers sur son bureau, tandis que Wallace ouvrait ses livres d'ingénierie. La période de partiels allait bientôt commencer, et cette année se passait mieux pour Wallace qui avait passé le début de l'été à se remettre au niveau grâce au soutien de son professeur. Par contre, il devait depuis travailler encore plus le basket et s'épuisait à la tâche. Il avait des cernes énormes, et le voir rire avait fait plaisir à Veronica.

« Ca va, toi ? » lui demanda-t-elle.

« Mmmh. On a un gros match mercredi prochain. J'ai double dose d'entraînement du coup j'ai pas eu le temps de réviser cette semaine. Et dire que la fac est censée être plus cool que le lycée… »

« La vie n'est jamais simple pour les superstars, Fennel ! Ca fait un moment qu'on n'a pas passé une soirée ensemble, tu veux venir à la maison vendredi soir ? Top Gun, de la glace, et plein de pop corn. »

« Si tu me prends par les sentiments… »

« Hé oui, je connais ton talon d'Achille ! Mais ne t'inquiète pas, même contre un poney je n'irai pas le dire à tes adversaires de mercredi. »

« T'es une vraie BFF. Je te sauverai un rein, pour la peine. »

Elle plaqua ses mains sur son cœur, et regarda Wallace avec un faux air ému, essuyant une larme imaginaire.

« J'en prendrai grand soin. Promis. Je lui donnerai plein de glace à filtrer. »

Wallace arbora un petit sourire amusé, et Piz revint, plusieurs photos dans les mains. Veronica les observa une à une, bouche bée. Quiconque avait détruit la voiture de Piz s'était acharné à la tâche d'une manière quasi-religieuse. La taule était complètement foutue, toutes les vitres étaient explosées, et les pneus déchiquetés. Cela lui rappela les petites voitures miniatures que son père lui offrait quand elle était petite (Keith avait longtemps voulu un petit garçon, il avait même essayé d'apprendre à Veronica à jouer au baseball, mais y avait finalement renoncé face au manque cruel de talent et de motivation de sa fille qui préférait jouer aux petits poneys avec Lilly). Un jour, elle les avait laissé traîner par terre, et Backup les avait mâchouillé joyeusement.

La voiture de Piz était dans un pire état que la miniature de Veronica après ça.

« Tu comptes t'y prendre comment ? »

« On va commencer par les numéros de téléphone. Les photos, c'est pour le plan B. »

oOoOoOo

Veronica détestait aller dans la chambre de Mac depuis quelques mois. Elle téléphonait toujours avant de passer, et si Mac ne répondait pas pour une raison ou pour une autre, elle ne se risquait pas à frapper. Heureusement, à cette heure-ci elle savait que Mac était derrière son bureau et que Parker était en cours.

Comme elle l'avait imaginé, les numéros de téléphone n'avaient rien donné. La personne qui menaçait Piz était suffisamment intelligente pour appeler en numéro caché. Il fallait donc attendre qu'il rappelle, et que Mac utilise ses formules magiques. Accessoirement, elle pouvait toujours rechercher le nombre de Mary dans la banque de données de la fac. Mais ses espoirs étaient très minces. Heureusement qu'elle avait préparé son plan B.

Poser des affiches avec les photos de la voiture de Piz en version AVANT/APRES suivi d'un appel à témoin rémunéré de 100$ était autrement plus simple que de chercher dans le bottin toutes les Mary de la ville.

Veronica toqua une fois puis entra, sûre que Mac serait occupée sur son ordinateur. Et de fait, la jeune fille se retourna. Elle avait définitivement abandonné les mèches, et s'était même coupé les cheveux. Elle faisait beaucoup plus femme que trois ans auparavant, quand Veronica lui avait demandé de l'aide pour la première fois.

« Laisse-moi deviner. » prononça Mac avant que Veronica ait eu le temps de formuler le moindre mot. « Tu as besoin d'un service. »

« Nope ! Je suis venue pour discuter… »

Mac haussa un sourcil.

« …Et accessoirement te demander un service. Pour Piz. Mais aussi pour discuter. Surtout pour discuter. Pendant que tu m'aides à mon service… »

« Pour Piz ? » demanda Mac, surprise.

« Yep. Je voudrais d'abord savoir si tu pouvais retracer un appel même si le numéro est inconnu ? »

« Bien sûr, les flics peuvent le faire. »

« Et les détectives privés ? » proposa Veronica avec espoir.

« Non. Mais on n'a pas besoin de la même machine que les flics. On peut retracer l'appel sans problème. Il faut juste que ladite personne téléphone, et hop, c'est bon. »

« Et si j'ai l'espoir fou que tu n'as rien de prévu ce soir, tu me réponds ? »

« Que la folie te va très bien. Dis-moi juste où et quand ! »

« Où et quand. »

Mac eut un instant de silence, puis Veronica éclata de rire malgré elle. « Je suis désolée. Ce soir pour l'émission de Piz, donc à la cafétéria. A moins qu'il faille qu'on soit reliées au téléphone, dans ce cas on devra être dans le bureau de Trish, qui fait le standart. »

« Ok ! Autre chose ? »

« Yep. Est-ce que tu peux me trouver la liste de toutes les Mary de la fac ? »

Mac cligna un instant des yeux, puis se retourna vers son ordinateur en secouant la tête.

« Heureusement que j'ai appris à ne plus poser de questions depuis un bon moment, sinon… »

« Piz se fait menacer, et quelqu'un a détruit sa voiture. Apparemment, le type appelle tous les soirs, et parmi les personnes qu'il se serait mises à dos, le copain d'une certaine Mary qui pensait qu'il la trompait. »

« Comment sait-il qu'elle est sur le campus ? »

Veronica se contenta de fixer Mac, fronçant petit à petit les sourcils. Elle n'aimait pas le sous-entendu de la phrase de son amie.

« Je… Ne sais pas. Il n'a pas précisé qu'elle était sur le campus, il a juste dit qu'elle s'appelait Mary. Et que ça pouvait être un pseudonyme. »

Mac éclata de rire. Veronica lui lança un faux regard noir.

« Tu es au courant que, techniquement, quiconque étant aux alentours de la fac peut capter, et donc téléphoner ? En fait, dans tous les Etats-Unis, n'importe qui peut téléphoner, il suffit juste de connaître le numéro. Ça peut être quelqu'un qui est venu en vacances à Neptune, qui a vu le numéro, et qui téléphone de Chicago. Ou du Maine. Ou du… »

« J'ai compris l'idée. » grommela Veronica, légèrement dépitée. « Mais dans ce cas, le type n'aurait pas fait tout ce chemin pour démolir la voiture de Piz. »

« Je n'y avais pas pensé. Donc Mary vivrait forcément aux alentours de Neptune. Ça réduit déjà notre champ d'action. Laisse-moi voir dans les registres de la ville et dans ceux de la fac. Ça ne devrait pas prendre beaucoup de temps. »

« Tu déchires, Mac. Je te filerai le rein de Wallace. »

Mac lança un regard interrogateur à Veronica qui se contenta de tirer la langue.

« Comment va Robin ? » demanda Mac.

« Elle est en forme. Elle ne comprenait pas pourquoi tu n'étais pas en psychologie avec nous. »

« Cette fille est gravement atteinte. Elle m'a appelé tout à l'heure pour me proposer une fête de fraternité. Elle m'a dit que tu venais avec elle. »

« Elle t'a menti. J'aime pas les fêtes, et encore moins celles des fraternités. Tiens, d'ailleurs tu me rappelles que je dois aller voir Chip Dealer. »

« Mmmh, quelle chance. Je m'en voudrais de te retenir, dans ce cas. File, je t'envoie un mail avec le nombre de Mary de la ville ainsi que leurs adresses. Tu pourras peut-être organiser un concours, qui sait ? Celui qui trouve le plus vite une Mary qui vient de larguer son mec aura gagné mille dollars. Moi je jouerais en tout cas. »

Veronica ricana, attrapa son sac et vola vers la porte. Alors qu'elle allait sortir, elle se ravisa une seconde :

« Hey, Mac ? »

« Yep ? »

« Merci. Je te le donnerai vraiment, le rein de Wallace. »

oOoOoOo

« Salut Chip ! » salua Veronica en s'asseyant à sa table de cafeteria et en lui piquant une frite. Froide. Yeurk. Ce mec avait vraiment des goûts douteux.

« Toutes ces semaines passées sans toi, alors que tu me manquais tellement, et toutes ces émotions que je ne peux assouvir. Que vais-je bien pouvoir en faire ? » imita-t-il. Veronica déglutit péniblement, les mâchoires serrées. Même six mois plus tard, cette vidéo la poursuivait. Ça commençait à bien faire. « Moi j'ai plus de deux millions de suggestions » poursuivit Chip, « mais les seules dans lesquelles tu ouvres la bouche, c'est pas pour parler. »

Alors que ses copains se mirent à ricaner, Veronica sortit son taser, et l'alluma devant eux, tremblante de colère. Ils perdirent subitement toute leur superbe, ce qui fit on ne peut plus plaisir à Veronica. Elle prit une grande inspiration pour calmer ses nerfs, et offrit son sourire le plus hypocritement mielleux.

« On va faire comme si tu n'étais pas un sale porc nauséabond, que tu avais ne serait-ce qu'un neurone dans ce qui te sert de cerveau, et recommencer cette conversation depuis le début, ok ? Salut Chip ! Tu n'aurais pas défoncé la voiture de quelqu'un hier soir ? » demanda-t-elle avec une joyeuseté exagérée.

Pour le coup, Chip ne put s'empêcher d'afficher un rictus moqueur.

« Ah non, la seule chose que j'aie défoncée hier, c'était une nana et elle n'avait rien d'une voiture. A part pour les airbags ! »

A ces mots, il tapa dans la main de tous ses copains en rigolant. Veronica secoua la tête, écoeurée, et soupira. « Son nom. »

« J'ai pas pris le temps de le lui demander. » répondit-il, son abominable rictus toujours en place.

Un petit rappel de l'existence du taser le fit sursauter. Mais il insista : « Je te jure que je ne sais pas son nom. Mais j'ai pas touché à la voiture de qui que ce soit, d'accord ? Je ne suis même pas sorti de la fratrie ! »

« J'imagine que tes teletubbies confirmeront tes dires ? »

Les teletubbies en question hochèrent vivement la tête, les yeux fixés sur le taser de Veronica. Veronica acquiesça, et repoussa sa chaise pour se lever.

« Tiens, Veronica, que fais-tu avec ton engin sorti ? Te montrer une fois toute nue ne t'a pas suffi ? » gloussa-t-on à côté d'elle. Veronica soupira. Décidément, cette journée n'était pas bonne. Du tout. « C'est pas comme ça que tu récupèreras Logan, tu sais ! »

« Ca devrait pourtant te rassurer de voir que j'en ai un, d'engin… » rétorqua-t-elle, ses yeux bleus perçant des trous dans la tête de Dick. « Parce qu'il me semble qu'il y a deux ans tu l'as découvert seulement après qu'elle, pardon il, t'ait demandé de te mettre à quatre pattes… T'as pas dû réussir à récupérer ta virilité depuis. »

Il y eut un léger flottement, un silence salvateur que Veronica savoura à sa juste valeur, puis toutes les têtes se tournèrent vers un Dick mortifié. C'était au tour de Veronica d'être maudite, mais elle n'en avait cure. Les garçons, bouche bée, regardaient alternativement Dick, puis Veronica, qui rangeait son taser.

« Je suis sûre que si tu veux, je peux te retrouver son numéro. Comme ça tu pourras littéralement aller te faire foutre. » Puis elle se tourna vers le chef des Pi. « Toujours un déplaisir de parler avec toi, Chip. Mauvaise journée à tous. »

oOoOoOo

L'euphémisme de l'année ? Keith déprimait. Assis à son bureau, les yeux fixés sur la porte, les photos de la planque de Veronica dans la main, il réfléchissait à toute vitesse.

Keith Mars déprimait.

C'était étrange, la vie. Après que le meurtre de la meilleure amie de sa fille lui fasse perdre son emploi, après que sa femme alcoolique l'ait quitté à cause d'une liaison avec le père de la meilleure amie de sa fille, après avoir douté pendant seize ans de sa paternité, après avoir combattu Aaron Echolls, et vu sa fille se fermer jour après jour… Une deuxième défaite aux élections de shérif le plongeait au fond du trou.

La vie était une foutue ironie.

Ce n'était pas tant la défaite qui lui plombait le moral. C'était d'abord l'immonde impression de déjà vu : perdre pour des raisons bidons face à un imbécile incompétent. Les noms et les visages changeaient, mais les résultats étaient toujours les mêmes. Il se retrouvait dans son bureau aux lumières rouges et oranges, à travailler la nuit, comme une bête que personne ne veut voir. Il ne servait personne, à Neptune, s'il y réfléchissait. Prouver que des femmes trophées sont trompées pour qu'elles vident le compte en banque de leur époux, alors qu'elles ne se gênent pas pour le faire ? Chercher le traître qui vend ses connaissances au concurrent qui de toute façon fait la même chose ?

Il ne servait à rien. Il n'était que l'intermédiaire. Il ne vengeait pas la veuve et l'orphelin, il ne sauvait plus personne depuis bien longtemps. Il n'avait même pas réussi à sauver sa fille.

Beaucoup pensaient que Keith Mars était un idiot. Veronica elle-même était de ceux-là. Oh, elle ne le prenait pas pour un réel idiot, pas pour quelqu'un de véritablement bête, mais elle avait une tendance à sous-estimer ses facultés d'observation. Il avait bien vu que Veronica était morte. Enfin, pas réellement morte. Mais sa Veronica ? Celle qui avait les cheveux longs, qui croyait en l'humanité, celle qui avait foi, celle qui pardonnait, sa fille, sa petite Veronica ? Lilly l'avait emportée avec elle. Ou plutôt, Keith l'avait prise avec lui lorsqu'il s'était attaqué à Jake Kane.

Il avait entendu Veronica pleurer, il l'avait vue rentrer plus tard que d'habitude, il l'avait surprise en train de mentir, il avait observé ses réactions, et son comportement peu à peu se modifier. Une partie de lui était détruite parce qu'il était coupable, il était responsable de ce qu'elle vivait. Mais une autre était fière de lui parce qu'elle s'en sortait. Parce qu'elle gardait la tête haute, parce que sa petite fille de quinze ans s'était rangée de son côté alors que toutes les autres auraient pris le parti de ses amis.

Et puis il y a eu le jour où Veronica s'était coupé les cheveux. C'était ce jour-là qu'il avait compris qu'il avait perdu son enfant. Le jour où Veronica était sortie de sa chambre les cheveux atteignant à peine ses oreilles, le jour où elle se mit à nettoyer sa chambre avec ardeur, le jour où elle changea ses tenues pastel en coton pour du cuir sombre, ce fut ce jour là qu'il sut qu'il avait tout gâché.

Au début, il avait préféré mettre cette réaction sur le départ de Lianne, quelques jours auparavant. Mais il avait su qu'il se trompait. Que les autres avaient dépassé les bornes et qu'ils avaient tué sa petite fille. Duncan Kane. Logan Echolls. Dick Casablancas. Les 09ers. Ils avaient tous tué sa petite fille. Et même si la situation avait changé, même si Duncan Kane était un garçon respectable, bien élevé qui n'aurait jamais blessé intentionnellement sa fille, même si Logan Echolls était fou amoureux d'elle, même si Dick Casablancas la respectait à défaut de l'apprécier… Jamais il ne leur pardonnerait. Jamais il ne pardonnerait aux monstres qui avaient fait de la gentille petite fille qu'il avait élevé une jeune femme désabusée, cynique et détruite.

Sa petite Veronica était détruite.

Mais Keith pardonnait à Veronica. Après tout, c'était sa faute. Il aurait dû savoir que les autres ne reculeraient devant rien pour le faire taire, pour l'empêcher de gâcher leur réputation et leur vie. Il aurait dû savoir qu'ils s'attaqueraient à ce qu'il avait de plus cher. Il savait que si les autres avaient tué Veronica, c'était parce qu'il les avait laissé faire. Alors il lui pardonnait, et il chérissait chaque jour avec culpabilité l'admiration, l'amour et le respect que sa fille gardait à son égard.

C'était pour cela qu'il ne perdait pas espoir, qu'il ne quittait pas Neptune, qu'il continuait Mars Investigations, et qu'il redeviendrait shérif. Qu'il coincerait Vinnie.

Au début, s'il avait créé Mars Investigations, c'était pour elle. Pour lui aussi, après tout il ne savait faire que ça, mais lorsqu'il avait perdu son emploi, lorsqu'il avait perdu son statut, lorsqu'il avait finalement compris qu'il avait tout enlevé à Veronica sans le vouloir, lorsqu'il avait compris qu'il y aurait toujours des personnes que des gens comme Don Lamb ne défendraient pas même si c'était leur devoir, il s'était mis en tête que quelqu'un devait le faire. Quelqu'un devait défendre les opprimés. Il avait toujours aimé Superman.

Et puis Veronica s'y était intéressée, et s'était accrochée à lui parce qu'il restait fier, parce qu'il restait fort et elle s'était mise à faire comme lui. Elle reprenait goût à la vie, elle se trouvait une nouvelle passion, et elle apprenait. Il avait découvert une autre Veronica, une fille vive, intelligente, calculatrice. Il avait toujours envie de la protéger, comme avant, mais il sentait qu'elle saurait se débrouiller. Que même si elle avait peur, elle trouverait un moyen de s'en sortir, parce qu'elle avait survécu au pire. Il ne savait pas quel était ce pire, et par lâcheté (oui, Keith Mars était un lâche), il préférait l'ignorer.

Veronica avait raison de le prendre pour un imbécile. Elle avait raison de lui cacher des choses, parce qu'il avait besoin de s'accrocher à ce souvenir d'elle quand elle était heureuse et insouciante. Et parce que quand elle était avec lui, quand ils étaient tous les deux, il la revoyait avec ses deux couettes en train de lui demander pourquoi le ciel était bleu. Il ne voulait pas voir cette fille qui pervertissait son intelligence pour faire sortir son petit copain et sa fille illégitime du pays, au nez et à la barbe du FBI. L'ancienne Veronica n'aurait jamais fait une telle chose.

Keith Mars était un imbécile. Mais il était aussi quelqu'un qui avait foi en l'être humain, quelqu'un qui croyait en la justice, alors que sa vie n'était que le contraire. Parce qu'il voulait que sa fille puisse redevenir un jour la Veronica qu'il n'avait pas su protéger.

« Tu essayes encore de faire venir à toi la cafetière ? Je te l'ai déjà dit, papa : la télékinésie ? Ca n'existe que dans les films. »

Il sursauta et l'observa. Ses cheveux blonds avaient encore poussé, et cela lui faisait très plaisir. Elle ressemblait de plus en plus à l'ancienne Veronica. Le regard innocent en moins, évidemment. Mais son sourire était doux, ses joues étaient roses, et lorsqu'il la vit une bouffée de fierté et d'amour lui étreignit le cœur. C'était sa fille. Sa fille. Et personne ne lui ferait de mal. Plus jamais.

« C'est en forgeant qu'on devient forgeron ! » répondit-il. « Il me semblait t'avoir enseigné ça ! »

Elle haussa un sourcil goguenard. « Non. Mais par contre tu m'as enseigné à toujours suivre l'argent, à remarquer si une voiture me suivait, à savoir quand un mec voulait jouer au docteur, à résoudre des meurtres, et à parfois laisser les choses comme elles sont. »

Il fronça les sourcils, comme s'il ne comprenait pas l'allusion. « A laisser les choses comme elles sont ? Tu veux dire à ne pas faire la vaisselle, ni le ménage ? »

« Nope. A laisser Vinnie Van Lowe s'embourber seul avec ses Fitzpatricks et arrêter de prendre des risques qui n'en valent pas la peine. »

Il perdit son sourire. C'était moins drôle quand elle était franche. « Je ne prends pas de risques inconsidérés, et je suis adulte Veronica. Je sais que j'ai perdu deux élections, mais il fut un temps où j'étais shérif. Je sais ce que je fais. »

« Je n'en doute pas. Je suis juste inquiète pour toi, c'est tout. » Elle avait cette petite moue, et toujours ce regard tendre, et elle était tellement proche, et tellement loin de lui à la fois, à sa portée mais tellement distante. Elle ne comprenait pas qu'il faisait tout ça pour elle. Une fille ne sait jamais que son père ferait tout pour elle.

« Laisse-moi donc ce job, gamine. C'est à moi de veiller sur toi. Qu'est-ce que tu viens faire ici ? Tu n'es pas censée avoir cours à cette heure-ci ? »

« Nooooope ! Je viens chercher mon appareil photo, et quelques trucs. » répondit-elle en se dirigeant vers le buffet en face du sofa. Keith posa les photos de la veille et se leva pour se poser contre l'embrasure de la porte. Elle ne s'était pas déshabillée, donc elle ne comptait pas rester. Tant mieux. Il avait des choses sérieusement dangereuses à voir et il risquait d'être dans de gros ennuis si Veronica mettait son nez dedans.

« Tu es sur une affaire ? »

« En quelque sorte. Piz a reçu des menaces et s'est fait détruire sa voiture. Je cherche le coupable. »

Keith fronça les sourcils. Il aimait bien Piz. C'était un gentil garçon qui n'avait aucun lien avec le passé de Veronica, qui l'appréciait telle qu'elle était et qui n'avait rien de dangereux. Il ne craignait pas les réactions de Veronica lorsqu'elle était avec Piz. Alors qu'avec Logan…

Keith n'aimait pas Logan. Il avait peut-être fait ses preuves, peut-être qu'il s'était racheté une conduite, mais un père n'oubliait pas ce qu'un garçon faisait à sa petite fille. Il n'oubliait pas. Jamais. Et Veronica lui faisait peur quand elle était avec lui, parce qu'elle était passionnée, amoureuse, plus distante et qu'il sentait que Logan était un rival de choix. Que même si elle ne s'en rendait pas encore compte, Logan était capable de la lui enlever. Elle était capable de s'enfuir avec lui du jour au lendemain sans se dire que son vieux père était là. Il n'était pas encore prêt à ça. Il l'avait déjà perdue une fois, il ne s'était pas encore préparé à la laisser partir délibérément.

Alors il n'aimait pas Logan.

« Quoi, pas de commentaire ? » interrogea-t-elle, sarcastique. « Pas de 'mais c'est dangereux ça !' ou de 'Fais attention !' ? »

Keith ricana. « Tu es une détective privé officielle, maintenant. Tu sais ce que tu fais. Tu ne rentres pas ce soir, j'en conclus ? »

Elle récupéra son sac dans lequel elle avait fourré grande masse de gadgets et son appareil photo, et s'avança pour l'embrasser.

« Non, je vais manger à la cafétéria avec Mac et Piz. Il y aura peut-être Robin si elle est motivée. »

« Très bien. Je mangerai donc les lasagnes tout seul. »

Veronica regarda son père, boudeuse, et soupira. « Tant pis, j'irai m'en acheter moi-même. Avec de la glace. Et je partagerai pas. »

« Tout mon héritage ira donc à ce cher Backup. »

Elle lui fit une grimace et ouvrit la porte, mais il la retint. Elle se retourna vers lui, surprise.

« Fais attention Veronica. C'est dangereux. »

Son regard s'alluma l'espace d'un instant, et un petit sourire amusé éclaira son joli visage. Il y avait des moments comme ça où il ne déprimait plus. Où la veuve et l'orphelin pouvaient bien mourir tant qu'elle continuait d'être comme ça. Veronica Mars ? Meilleur anti-dépresseur du monde. Mais pire anxiogène de la planète.

Elle passa la porte sans un mot de plus et Keith soupira.

Son dossier sur les Fitzpatricks l'attendait.

oOoOoOo

Pour un jeudi soir, la cafétéria était plutôt calme. Il n'y avait pas grand monde. Etrangement, la majorité des étudiants préférait réviser ses partiels. En même temps, il était plus que temps de s'y mettre, puisqu'ils terminaient à la fin de la semaine. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle les Pi Sigs organisaient une fête. Pour célébrer la fin du semestre. Evacuer le stress en forniquant sur toutes les surfaces possibles et imaginables. Pour l'esprit d'un Pi Sigs, c'était synonyme.

Mac lui avait donné les adresses électroniques de toutes les Mary du campus et Veronica leur avait envoyé un faux mail disant que si elles avaient téléphoné à la radio ces dernières semaines entre vingt-et-une heure et minuit, elles avaient gagné un écran plasma. Puis Mac avait installé ses affaires avec l'aide de Veronica, aide qui avait consisté à lui faire la conversation pendant que Mac s'allongeait sous le bureau pour bidouiller des branchements, et appuyer sur le bouton de démarrage de l'ordinateur. Elle ne s'était pas tellement épuisée.

Il n'était pas encore vingt heures, l'émission de Piz ne commençait qu'à vingt-et-une heure, et Mac râlait parce qu'il y avait « trop de fils ».

« Il me semblait pourtant que tu étais plus efficace que ça quand tu dois passer sous le bureau. » fit remarquer sournoisement Robin.

Un gros « boum » suivi d'un « aïe » couvrit l'éclat de rire de Veronica. Mac sortit la tête du bureau, en se frottant le front. Robin était arrivée un peu plus tard que tout le monde, un sac Mc Donald dans une main, un cheeseburger dans l'autre, et s'était installée sans un mot sur le siège de Trish pour observer avec curiosité ses amies s'affairer, les gratifiant de précieux conseils, tels que « Tu devrais porter des jupes rouges, ça te va bien au teint », et autres « J'admire ton courage, je ne me serais jamais allongée dans autant de poussière. Même pas pour mon copain ». Dans les deux cas, Mac et Veronica l'avaient superbement ignorée.

« J'ai fini. » grommela Mac en jetant un regard furieux à Robin, qui haussa les épaules avec un rictus mesquin. « Et ce n'est pas moi la spécialiste des passages sous le bureau. »

« Je t'ai vexée, Cindy ? » demanda Robin.

« Ne m'appelle pas Cindy ! » s'exclama Mac avec colère. Veronica se mordit la langue. Robin était fatigante, avec ça.

« Mange ton cheeseburger et tais-toi. » lui lança Veronica en la tirant du siège. Robin se leva et s'adossa au mur, enfournant son troisième hamburger. « On essaye de travailler, c'est important. »

« J'en reviens pas que Stosh soit assez important pour avoir un harceleur. On se croirait dans un soap-opera. Peut-être que c'est une de ses ex avec qui il a eu un enfant illégitime ? »

Veronica lui jeta un regard en coin. « Piz n'a pas d'ex à Neptune. Et il n'a pas d'enfant illégitime. » ajouta-t-elle en rougissant légèrement.

Pas lui, en tout cas. C'était sa vie à elle, qui ressemblait à un soap.

« Ca, c'est ce qu'il dit. » contrecarra Robin en se léchant les doigts. « T'en sais rien. Encore que… Vu sa… »

« Robin ! Arrête, ça suffit. » s'agaça Veronica. « Si c'est pour dire des trucs comme ça, tu peux disposer. »

« Boooon, très bien, très bien. Je serai sage. C'est marrant de te voir te la jouer Nancy Drew. »

Veronica soupira et pria le ciel pour que Robin s'étouffe avec son cheeseburger. Heureusement que Piz n'était pas là, elle n'aurait pas supporté la situation. Mac ricanait devant son ordinateur, l'utilisation de son prénom par Robin à peine trois minutes auparavant déjà oubliée. L'espace d'une seconde, il n'y eut dans la pièce que le vrombissement du ventilateur de l'ordinateur, et les « clic » de la souris, et Veronica retint un soupir. L'inventeur du cheeseburger était un génie.

« Tiens tiens… »

Veronica serra les dents. Peut-être que non, finalement. S'il avait été si génial que ça, il l'aurait fait encore plus grand pour qu'il dure plus longtemps.

« T'as reçu un mail de maryfrosh (at) hearst-college. net qui te raconte qu'elle a appelé le standart il y a quatre jours et qu'elle pense avoir gagné un écran plasma. Super sa vie. Et moi j'ai mangé une pomme ce jour-là. Pourquoi elle te dit ça ? On s'en fout ! »

Mais Veronica n'écoutait déjà plus et volait sur la chaise où était posé son portable. Elle jubilait intérieurement. Comme au lycée, c'était bien vrai. Toutes des crétines superficielles qui rêvaient de richesses matérielles. Mac parcourut la liste des Mary du campus, et poussa un cri de victoire.

« Chambre 403 ! BOOYAH ! » Elles se tapèrent dans la main, et Veronica attrapa son sac.

« Je te laisse préparer le logiciel, et je file la confronter. Avec un peu de chance, ce sera elle, et tu auras fait tout ça pour voir le dos de ton magnifique t-shirt noir noyé de poussières. »

« Dans ce cas-là c'est moi qui viendrai détruire ta voiture. »

Veronica lui fit un sourire doucereux, et sortit de la salle, Robin sur les talons.

« Qu'est-ce que tu fais, là ? » demanda Veronica en apercevant son amie derrière elle.

« Je veux voir ça. Je te jure que je veux voir ça. Je serai silencieuse, je ne dirai pas un mot, mais je veux voir ça. Je t'en supplie Veronica. Illumine ma journée. Pitié. »

Veronica hésita une seconde, puis haussa les épaules. « Tant que tu te tiens à carreaux. »

« BOOYAAAAAAAAAAAAAH ! »

oOoOoOo

Après avoir toqué trois fois à la porte, Veronica commença à s'impatienter. Alors qu'elle allait partir, une jeune fille rousse à l'air mutin l'ouvrit en grand et les dévisagea comme si elle n'avait jamais vu personne de sa vie.

« Je peux vous aider ? »

« Mary ? » demanda Veronica. « Mary Frosh ? »

« Euuuh, oui c'est moi, pourquoi ? »

« Est-ce que tu as appelé l'émission de Stosh Piznarski il y a quatre jours pour te plaindre de ton copain ? »

« OH MON DIEU ! » s'exclama-t-elle, soudainement hystérique. « Vous êtes venues pour le plasma ! OU EST-IL ? J'ai toujours rêvé d'avoir un écran plasma ! C'est, genre, un rêve devenu réalité ! »

Veronica échangea un regard avec Robin qui se mordait visiblement les joues pour ne pas mourir de rire sur place. Au moins, elle tenait sa promesse : elle ne disait pas un mot. Pourtant, il était manifeste que ça la démangeait.

« En fait… Nous n'avons pas encore amené l'écran plasma, mais nous faisons une étude sur les jeunes qui appellent les radios pour des conseils. Est-ce que vous avez suivi le conseil de l'animateur radio ? »

La jeune fille ne remarqua même pas que Veronica était passée du tutoiement ou vouvoiement. Elle arborait un air ébahi et choqué, comme effrayée qu'on lui pose une question pareille.

« Vous plaisantez ? »

Veronica resta bouche bée de surprise.

« Vous n'avez pas quitté votre copain comme il vous l'a conseillé ? »

« Ca va pas, non ? Je lui ai téléphoné juste après pour le confronter, et en fait, il me préparait une fête d'anniversaire surprise ! C'est pas la chose la plus adorable du monde, ça ?! Cet animateur est complètement débile, j'avais juste beaucoup bu, et pour être honnête, je me suis rendu compte que j'avais téléphoné à la radio en regardant mon relevé téléphonique. »

Elle eut une seconde de silence, l'air sérieusement embêtée. « Euh… Ca veut dire que j'aurai pas l'écran plasma ? »

« Votre copain n'aurait donc eu aucune raison d'exploser la voiture de l'animateur dans un geste de colère ? »

Mary se mordilla la lèvre, puis éclata finalement de rire. Elle leur demanda de patienter une seconde, puis revint, une photo à la main. C'était Mary et un grand garçon maigre, les cheveux coiffés en une masse de dreadlocks informe, ses vêtements aux couleurs jamaïquaines, et tout deux un joint à la bouche. Mary lui fit un petit sourire gentil.

« Tim déteste littéralement la violence. Il ne s'est jamais battu de sa vie, et il ne ferait pas de mal à une mouche. Aucune chance. »

Veronica fronça les sourcils, et soupira. Encore une piste de moins. Retour à la case départ.

« Merci quand même. Désolée de vous avoir dérangée. »

« Mais, et mon écran plasma ? »

Veronica haussa les épaules, et traîna Robin dans les couloirs. Elles furent à peine sorties du bâtiment que Robin explosait littéralement d'un rire à la limite de l'hystérie. Veronica essaya de cacher son agacement, et continua d'avancer, laissant Robin se tordre contre le mur. Au bout d'une minute, elle l'entendit la rattraper en courant.

« Oh, ça va Veronica. Franchement, avoue que c'est tordant. Elle n'a même pas écouté son conseil, et ta seule piste possible était un Bob Marley Blanc ! C'est magnifique, ton job est merveilleux. J'ai vraiment bien fait de venir. »

« Tais-toi, Robin. »

« C'est merveilleux. »

oOoOoOo

Veronica passa la porte du bureau de Trish d'une humeur massacrante. Elle avait gratifié Piz d'un sourire et d'un petit coucou lorsqu'elle avait dû traverser la salle de radio, mais dès qu'elle s'avança vers Mac, elle afficha un air agacé au plus haut point. Robin, elle, s'était remise à pouffer comme une gamine dès qu'elle avait aperçu Piz. C'était lassant.

« Qu'est-ce qui s'est passé, alors ? » demanda Mac.

« Veronica je t'en supplie, laisse-moi lui raconter. Je t'en supplie. Pitié. » proposa Robin, les doigts enlacés en signe de prière. Veronica lui jeta un regard noir.

« Disons simplement que ça ne peut pas être lui. On n'en est au même point. »

« Non non » interrompit Robin. « Veronica ne sait pas raconter… »

« Du nouveau ? » coupa Veronica. « Quelqu'un a appelé ? »

« Non, Piz n'a fait que parler jusqu'à présent. »

Robin étouffa un faux bâillement et Veronica allait l'envoyer paître lorsque Mac enchaîna.

« Par contre, j'imagine que tu seras contente d'apprendre que tu as reçu un mail d'un certain wannafuck (at) verizon . net qui t'envoie la vidéo d'une voiture ressemblant vraiment beaucoup à celle de Piz en train de se faire massacrer. Ah, la magie de la technologie. »

Veronica se jeta sur son portable et parcourut le mail d'une traite. Wannafuck était très certainement une personne à la moralité douteuse, mais pour une fois, Veronica pouvait remercier ce trait de caractère. Cet espèce d'imbécile avait filmé un jeune garçon en train de massacrer une voiture et prendre une photo après.

Veronica visionna la vidéo, Mac et Robin derrière ses épaules, et resta bouche bée devant le spectacle. Le jeune garçon devait faire un mètre soixante, avait un blouson de cuir noir et, une fois son méfait accompli, s'était enfui dans une voiture noire manifestement tunée. Veronica secoua la tête, et soupira.

« Oh, ce que j'aime gagner du temps. »

Elle sortit son portable de la poche, et appuya sur plusieurs touches. Mac fronça les sourcils, tandis que Robin se repassait la vidéo avec un petit gloussement hystérique. Au bout de deux sonneries, quelqu'un décrocha.

« Quoi de neuf, V ? » demanda-t-on d'une voix essoufflée. Elle entendait des bruits dans le combiné, mais elle ne les reconnaissait pas.

« Waw. Tu es en train de faire ton jogging, c'est ça ? Je te dérange ? » ironisa-t-elle.

« Non, je faisais un peu d'entraînement là. Le médecin m'a dit de continuer à faire bouger ma jambe mais c'est bon, c'est fini. Tu as besoin de quelque chose ? »

« Dis-moi, en tant qu'ancien maître de la chaîne alimentaire, tu sais comment on fait pour devenir un vilain PCHer, non ? »

« Un vilain non, mais un PCHer classe, ça c'est clair. »

« Ah bon, il y a des PCHers classes ? »

« Plus depuis mon départ, ma belle. »

« C'est un détail qui ne m'a jamais marquée, manifestement. Bon, mettons que maintenant, on veut devenir un vilain PCHer. Il y a une période de mise à l'épreuve, si je me souviens bien, non ? »

Il y eut une seconde de silence à l'autre bout du fil. Robin se passa de nouveau la vidéo, comme fascinée, et murmura un « c'est dingue ! » impressionné. Mac finit par fermer la page, et tendit le sac de nourriture à Robin qui lui tira la langue.

« Weevil ? » appela Veronica. « Tu essayes de te souvenir comment c'était ? »

« Non, je trouvais juste ta formulation mignonne. Période de mise à l'épreuve. Comme si les motards étaient une cour de justice. C'est pas de la mise à l'épreuve, on s'organise pas des emplois du temps pour aller ramasser les saletés dans la rue. »

Veronica leva les yeux au ciel. « Bon. Vous avez une période de test, alors ? Enfin un truc du genre, comme dans tous les gangs ? »

« En quelque sorte. »

« Est-ce qu'un des tests pourrait concerner la démolition d'une voiture en toute impunité sur un campus de fac vers trois heures du matin, suivi d'un départ dans une bagnole volée puis bidouillée ? »

Encore un silence. Suivi d'un petit rire. « Putain ils sont vraiment tombés bien bas. »

« J'en conclus que c'est un oui ? »

« Disons que ça ressemble à du Arturo. Waw c'est la deuxième fois que tu rechignes à détruire une voiture ? Je t'assure que ça vaut le coup, V, tu serais hyper sexy sur une moto avec une veste en cuir. »

« Oh, et je chanterais She's like the wind en roulant vers le désert ? » Elle soupira. « Je vais devoir renoncer à ce rêve. » Puis plus sérieusement : « Est-ce qu'il y a forcément un mobile, pour ça ? Je veux dire, est-ce qu'ils choisissent les voitures en fonction de leur propriétaire ? »

« Ca n'impliquerait pas qu'ils aient se soient trouvé un cerveau ? »

« Tu veux dire que de ton temps vous ne détruisiez pas des voitures ? » demanda-t-elle, faussement surprise.

« Non, on tuait les chiots des gamins de maternelle. »

« T'as raison c'est tellement plus classe et moins vilain. »

« Autre chose ? »

« Nope. Merci pour toutes ces précieuses informations. T'es une sorte de wikipédia des Ténèbres. »

Weevil ricana à l'autre du bout du fil. « C'est ça ! A plus. »

Veronica raccrocha, et le regard de Robin s'éclaira.

« C'était ton pote Miam-miam Weevil ? Il est canon, dans le style tatoué. Il m'a même draguée un jour. C'était très mignon. Il t'a appris quoi d'intéressant ? »

« Juste que l'enfoiré qui menace Piz n'est pas celui qui a détruit sa voiture. Et par conséquent qu'il n'a encore rien fait à son encontre. »

Mac fronça les sourcils, surprise. « Ca n'a aucun sens, cette histoire. »

Robin, qui était partie jeter ses frites froides avec tristesse, acquiesça. « Je dirai même que ça pue. Mais tu dois être rassurée, personne ne viendra défigurer son petit minois. Parce que sérieusement, le mec qui s'est acharné sur la bagnole de Stosh ? Flippant. Très dévastateur, l'effet 'gosse de douze ans avec une batte de baseball'. Je devrais essayer ça avec mes parents, tiens. Ou ma sœur. » ajouta-t-elle en ricanant, mi-figue mi-raisin. Robin et sa sœur, d'un an sa cadette, ne s'entendaient pas du tout, manifestement. Robin n'hésitait pas à la descendre dès qu'elle le pouvait et à l'insulter copieusement. C'était dans ces cas-là que Veronica bénissait son statut d'enfant unique.

« En gros, on fait quoi ? » demanda Mac.

Veronica haussa les épaules, et s'installa à côté d'elle, observant Piz parler dans le micro à travers la vitre qui séparait le standart de la salle d'enregistrement. Il semblait avoir oublié ses problèmes, et se concentrait sur ce qu'il racontait, emporté par la passion.

Il avait adoré son stage à New York, et l'avait beaucoup appelée pendant l'été pour partager ces moments avec elle. Lorsqu'il avait compris qu'elle était trop occupée et trop fatiguée pour décrocher (passer son temps à faire du café, des photocopies, et supporter des agents du FBI arrogants toute la journée était vraiment épuisant), il l'avait alors harcelée de mails lui racontant ses journées. Pour être honnête, Veronica n'avait pas tout lu, mais elle lui répondait une fois par semaine quand elle ne dormait pas ou qu'elle ne relisait pas les nombreuses notes prises pendant la journée avant de s'écrouler.

Piz avait eu une compréhension de la situation toute relative. Si, au début, elle avait pensé qu'il prenait bien son manque de réponse régulière, elle avait compris à son retour qu'il avait en fait tenté l'approche de « je te donne de l'air » et en avait très peu apprécié les résultats. En fait, il avait surtout très peu apprécié le fait que Veronica ne l'ait prévenu de son retour qu'une semaine après avoir atterri à Neptune et s'être réinstallée dans sa chambre pour prendre un repos bien mérité.

Veronica n'avait pas appelé Mac et Wallace des vacances. Elle ne communiquait avec son père que par e-mails qu'elle prenait le temps de rédiger brièvement parce que c'était son père, et que son père avait toujours été là pour elle et qu'il méritait vraiment qu'elle le rassure et lui raconte ses journées, parce qu'elle l'avait abandonné alors qu'il venait d'essuyer sa deuxième défaite en deux ans, et qu'elle se sentait mal de le laisser. Mais Mac et Wallace ? Elle y avait pensé, et leur avait même envoyé un ou deux messages histoire de prendre de leurs nouvelles, mais sans plus. Ils l'avaient beaucoup mieux pris que Piz.

D'un côté, Wallace ne pouvait pas se plaindre puisqu'il était aux tréfonds de l'Afrique Noire à aider les gens, et n'avait donc que très peu de temps à consacrer à envoyer des mails à ses riches copines de Californie. Quant à Mac, elle avait fait un stage à Kane Software à la grande amertume de Veronica, et ne s'était pas ennuyée. De plus, ses deux amis la connaissaient. Ils savaient qu'elle n'était pas le genre à envoyer une carte postale, à appeler tous les jours, et à donner de ses nouvelles. Alors ils ne l'embêtaient pas.

Faire comprendre à Piz que ne pas l'appeler tous les jours ne voulait pas dire qu'elle n'éprouvait aucune espèce d'intérêt pour lui et que oui, elle avait religieusement lu chacun de ses mails tous les soirs, n'avait pas été une mince affaire. En fait, il avait fallu l'aide de Wallace. Veronica ne savait toujours pas ce qu'il avait bien pu lui dire, quoiqu'il en soit le lendemain du jour où elle était partie en furie après une nouvelle dispute à ce propos, laissant Wallace et Piz seuls à regarder le film qu'ils avaient loué, tout avait changé. Veronica savait que ses paroles n'avaient rien changé, mais Wallace avait forcément fait quelque chose. Il n'avait encore jamais craché le morceau.

« Veronica ? » appela-t-on.

« On attend qu'il se manifeste, on le trace, et on va régler le problème. »

« Booyah ! » murmura Robin en s'affaissant sur sa chaise, le buste allongé sur le bureau, la tête plongée dans ses bras.

oOoOoOo

L'attente fut longue. Mac travaillait sur un site « hautement incriminant » à grands renforts de fushia et de couleurs pastel immondes, travaillant sur la police, la mise en page d'articles hilarants. Lorsque Veronica l'interrogea sur son « nouveau travail », Mac lui répondit vaguement qu'elle avait mis à disposition de quelques amis à elle ses capacités détonantes afin de faire payer à des gens qui le méritaient de vilaines actions.

« Brave padawan ! » la félicita gentiment Veronica. « Je devrais te demander un copyright pour cette utilisation du site « hautement incriminant » sur une personne. C'est moi qui t'ai donné l'idée de faire ça ! »

« Mmmh, c'était pas noté sur le contrat. » grommela Mac, concentrée sur le trafic d'une image affichant une orgie homosexuelle. Elle effaçait le visage de l'un des garçons au cœur de la photo et surtout au cœur de l'action, un sourire mesquin au visage.

« Je peux te demander qui est la personne qui a mérité ça ? »

Mac lui jeta un petit regard, se mordit la lèvre inférieure, et haussa les épaules, son attention de nouveau fixée sur l'écran. « Sais pas. J'attends toujours la photo. Mais tant que je suis payée, ça pourrait être Piz que ça ne me dérangerait pas. »

Veronica eut un petit rire entre amusement et écoeurement. « Eww. Dans ce cas, je retourne à mes cours de psychologie ! »

Veronica avait à peine ouvert son livre qu'une voix grave intervint dans la salle d'enregistrement.

« Tu n'as pas l'air de me prendre au sérieux ! » dit la voix. « Je t'ai dit d'arrêter ton émission, ou ça finira très maaaaaal… »

Robin, Mac et Veronica sursautèrent, alors que Piz jetait un regard inquiet vers elles. Mac appuya immédiatement sur le bouton de traçage, tandis que Veronica faisait signe à Piz de le maintenir à l'antenne.

« Tu vas payer pour tes erreurs ! »

Un petit point rouge clignota sur l'écran de Mac, et petit à petit le zoom se fit. Neptune. Down Hills. Blue Roses Street. Au 417. La bêtise avait certains bons côtés : l'imbécile appelait d'un fixe. Il aurait été beaucoup plus difficile de le repérer à partir d'un portable. Mac et Veronica échangèrent un regard, et Mac écrasa le bouton de diffusion, coupant l'intervention du joyeux luron qui avait décidé d'embêter Piz. Veronica attrapa son sac, empocha l'adresse qu'elle avait notée sur son calepin, et entra dans la salle d'enregistrement, les deux filles sur les talons.

« Et maintenant les amis une petite pause publicité ! » conclut Piz en arrêtant l'enregistrement. Il se leva vers Veronica et l'interrogea du regard.

« J'ai l'adresse. Tu restes là pour que ce crétin ne se doute de rien, et je file. Mac restera avec toi au cas où il téléphone encore. »

« Hors de question que tu y ailles seule, ce mec est dangereux, il a détruit ma voiture Veronica ! »

« En fait, ce n'était pas lui, mais un apprenti… futur… Enfin un ado qui veut devenir PCHer. Aucun rapport, ce n'était qu'une coïncidence. Et ne t'en fais pas pour moi, je ne pars pas seule, j'ai toujours Mr Sparky sur moi. » Elle sortit son taser et le lui secoua sous le nez, un sourire charmeur sur le visage. « Ne t'inquiète pas, je serai prudente. »

« Yep. J'y veillerai personnellement, Stosh. » ajouta Robin. Veronica se tourna vivement vers elle, son taser toujours à la main.

« NON. » répondit-elle immédiatement. « Tu restes ici ! »

« Mais pourquoi ?! » Robin avait l'air d'une enfant à qui l'on refusait un caprice. Veronica n'avait pas envie de jouer aux baby-sitters.

« Parce que tu es une gamine qui ne sait pas se tenir, et que c'est sérieux. Je m'en sortirai très bien toute seule. »

« Mais ! »

« Allez viens, Robin. » dit Mac d'un ton calme, en la tirant par la main. « Je te laisserai écrire des articles hautement incriminants sur mon site. Et tu pourras choisir la couleur de la police. »

« C'est vrai ? » Veronica remercia silencieusement Mac pour son sens inné du sacrifice, lorsque la porte se referma sur ses deux copines. Elle se tourna vers son petit ami, qui lui n'avait pas été rassuré.

« Ca se passera bien, ne t'inquiète pas. Je serai prudente. Et s'il y a quoi que ce soit, je t'appelle. » mentit-elle. Comme si elle allait l'appeler et le mettre en danger. Piz n'était pas un combattant, c'était un tendre. C'était l'une des premières choses qu'il lui avait dites. Et vu la façon dont Logan l'avait ratatiné, il n'était pas question de le confronter à un réel psychopathe. Même si parfois Logan avait certains aspects d'un psychopathe, de l'avis de Veronica. Avis qu'elle n'avait que lorsqu'elle était amère, jalouse, en colère, ou l'ensemble. De manière générale, Veronica évitait de penser à Logan.

Piz était quelqu'un de bien. De doux, de patient, quelqu'un qui ne l'étouffait pas, qui n'attendait pas d'elle des choses qu'elle ne pouvait pas donner, quelqu'un de simple, quelqu'un qui ne connaissait pas ses faiblesses, quelqu'un face à qui elle savait qu'elle avait le contrôle parce qu'il ne savait pas. Il ne savait pas tout, il ne pouvait pas l'exploiter contre elle, il ne la mettait pas en danger, et elle l'adorait pour ça. Elle lui offrit un sourire doux, se hissa sur la pointe des pieds pour lui laisser un petit bisou, et s'avança vers la porte.

Lorsqu'elle la passa, elle entendit Piz lui dire quelque chose, et elle accéléra le pas.

« Je t'aime Veronica ! »

oOoOoOo

La tête contre le volant, les mains crispées sur le cuir qui le recouvrait, Veronica tenta de reprendre son calme et de ralentir par la force de la pensée les battements de son cœur. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi ? se demanda-t-elle en se frappant régulièrement la tête. Pourquoi fallait-il toujours qu'ils s'attachent à ce point et lui en demandent trop ?

« Alors tu es d'accord avec moi ! Ils ont toujours besoin de tout compliquer avec leurs sentiments ! » entendit-elle à sa droite. Veronica leva la tête, et écarquilla les yeux.

« Bah quoi ? » demanda Lilly en la dévisageant comme si elle était une demeurée. « C'est bien la place du mort, ici, non ? » rigola-t-elle.

« Lilly… » souffla Veronica en clignant des yeux. Celle-ci lui fit un clin d'œil. Ses cheveux étaient toujours aussi longs, et elle portait son uniforme de pep squad. Mais elle n'avait plus son crâne fracassé. Il était propre, et ses cheveux étaient lisses, et elle lui souriait sincèrement.

« Effectivement, tu ne m'as pas oubliée. Dingue. Tu as quand même vachement évolué, Veronica. » Elle s'ajusta pour être bien en face d'elle, et déplia ses longues jambes sur le tableau de bord. Son short eut l'air immédiatement plus court et, affalée comme elle était, il remontait si haut que si Veronica y avait fait attention elle aurait pu voir les sous-vêtements de sa meilleure amie. « Je me souviens, quand tu avais quinze ans et que tu me lançais ce regard désapprobateur lorsque je râlais parce que Logan, Josh, Luis, et les autres se la jouaient Dawson ! Mais maintenant que tu es dans la même situation, tu galères ! »

« Ca n'a aucun rapport ! »

« Bien sûr que si ! »

« Tu les utilisais pour le sexe ! » se défendit Veronica. « Moi pas ! »

« Et c'est bien dommage, d'ailleurs. Tu les utilises pour leurs soi-disant qualités. Tu choisis les gentils garçons parce que tu sais qu'ils ne te blesseront pas et qu'ils seront avec toi sans conditions. C'est normal qu'ils tombent amoureux de toi, et s'ils ne l'étaient pas tu t'en plaindrais. Tu l'as cherché, assume-le. »

« De quoi tu parles ? »

Lilly claqua sa langue contre son palais, légèrement agacée. Elle se redressa, et plongea ses yeux dans ceux de Veronica. « Tu vénères tant que ça leurs qualités de gentils garçons. Tu les adores. Tu ne peux pas leur reprocher de t'aimer et les détester pour ça. Alors laisse-les entrer un peu, tu crois pas ? Si non, laisse tomber, c'est pas cool. Moi au moins quand j'en avais fini avec eux, je les lâchais. »

Veronica soupira, et laissa sa tête retomber sur le volant. « Je ne comprends pas. »

« Va le sauver. Tu aviseras après. Et je t'en prie Veronica, cesse de traîner avec cette « moi deux point zéro » parce que ça va finir par être vexant. Elle est tellement moins fabuleuse que moi… »

Veronica eut un petit sourire, mais lorsqu'elle se releva, Lilly avait déjà disparu. Veronica secoua la tête, et alluma le moteur. Lilly avait souvent eu raison jusqu'à présent. Elle pouvait aller sauver Piz, elle aviserait leur relation après.

oOoOoOo

Veronica cligna des yeux. Puis une nouvelle fois. Et encore une fois pour le coup. Elle fronça les sourcils. Qu'est-ce que c'était que ce bordel ?

Le 417 Blue Roses Street ?

C'était un vidéo club.

Veronica détacha sa ceinture, empoigna son sac, et sortit de la voiture. Elle traversa la route vers le trottoir occupé par quelques couples et badauds, et entra dans le vidéo club d'un pas décidé. Elle s'avança immédiatement vers l'accueil où un adolescent boutonneux gloussait avec une grande perche. Ils n'avaient pas l'air d'avoir plus de quinze ans. La conclusion de cette affaire qui se dessinait la laissait perplexe.

« Excusez-moi ? » demanda-t-elle. « Est-ce que vous pourriez me dire combien de téléphones fixes il y a dans ce magasin ? »

La grande perche la dévisagea une seconde, et répondit d'un air benêt : « Baaaaah… Un. Ici. » Il lui montra un téléphone fixe noir avec l'affichage du numéro. Veronica lui fit un sourire mielleux, et rejoignit les deux préados derrière le comptoir pour se saisir du téléphone. Elle appuya sur la touche bis, et après deux sonneries un répondeur se mit en marche : « Vous avez bien joint le standart de Hearst Radio. Ne quittez pas, nous allons prendre votre appel… » suivi d'une petite musique insupportable.

Veronica raccrocha sous l'œil ébahi des deux enfants, et se tourna vers eux, son air de vilain flic au visage.

« Vous avez quel âge ? » demanda-t-elle d'un ton qui ne présageait rien de bon.

« Euh… » répondirent les deux gamins de concert, échangeant des regards très inquiets. Et Veronica ne put s'empêcher de les en féliciter intérieurement : ils avaient raison de l'être. « Treize ans, madame. Pourquoi ? »

« Et vous travaillez ici ? » D'habitude, les employés de petites entreprises comme celle-ci étaient des lycéens pour les plus jeunes. Jamais des collégiens.

« En fait, notre père est le gérant du magasin. Le vendeur habituel est malade, alors on le remplace cette semaine. »

« Très bien. Vous pouvez donc appeler votre père. Dites-lui que c'est de la part du Détective Mars » ajouta-t-elle en leur montrant son badge, « venue ici pour enquêter sur de très sérieuses menaces proférées à plusieurs reprises contre une personnalité du campus de Hearst. »

Si Veronica n'avait pas été si bonne actrice, elle aurait explosé de rire face à la réaction des deux bruns. Ils s'étaient soudainement mis à trembler, pâles comme un linge, et elle en entendit même un déglutir bruyamment.

« J'ai ici toutes les preuves qui vous incriminent, et je vais vous amener au poste de police puisqu'une plainte a été déposée contre ce maître chanteur. J'ai juste besoin de prévenir vos parents. »

« Non madame, c'était qu'une blague, on voulait juste rigoler ! »

« Rigoler ? » s'énerva-t-elle faussement. Ou peut-être sérieusement, elle était sur les nerfs depuis les trois mots de Piz. Ils feraient de très bons souffre-douleur. « Rigoler ? Vous pensez qu'on peut rigoler avec des menaces, bande de crétins ? Vous vous prenez pour qui ? Vous savez ce que vous risquez avec vos blagues ? Une enquête de police a été ouverte, et vous êtes dans les ennuis jusqu'au cou ! »

Le petit boutonneux se mit à pleurer. Veronica se demanda une seconde si elle n'était pas allée trop loin, mais haussa mentalement les épaules. Ils l'avaient bien cherché, à jouer les grands. Ça leur apprendrait, tiens. Et puis au moins, ça prouvait que s'ils écoutaient un peu plus à l'école ils connaîtraient leurs droits et ils seraient en mesure de comprendre que Veronica était en train de leur faire avaler un tissu de mensonges éhontés.

« Promis on ne recommencera plus ! » couina le boutonneux. « On ne sait même pas qui c'est, on s'ennuyait juste et on a allumé la radio, et il donnait le numéro de téléphone et on voulait juste passer le temps ! »

Il éclata d'un sanglot tonitruant qui finalement ne fit plus rire Veronica. Pour le coup, elle se sentit vraiment gênée. Enfin… Un peu quoi. Le frère n'avait pas l'air plus glorieux, et elle voyait sa cage thoracique trembler.

Elle essaya de tenir le plus longtemps possible et se força à garder un air méchant et cruel alors qu'elle mourait d'envie de s'étaler par terre de rire. Elle les foudroya tous les deux du regard, et fit mine d'examiner mentalement leur cas.

« Bon. Je vais voir ce que je peux faire. Je ne promets rien, mais je vais voir. »

« Vous allez le dire à notre père ? » demanda timidement le grand dadais, la voix étouffée par l'angoisse. Peut-être qu'elle y était vraiment allée fort, finalement. Ils avaient l'air tellement terrorisés qu'elle n'aurait pas été surprise de voir que l'un d'eux s'était fait dessus.

« Ca dépend. Si je ne peux rien arranger, oui. Sinon, je ferai en sorte de garder la bouche fermée. Mais vous m'en devrez une, et vous promettez de ne plus jamais recommencer un coup comme ça. Je le saurai de toute façon, je garderai un œil sur vous. »

Les deux gamins hochèrent vivement la tête, mortifiés et penauds, l'un essuyant ses larmes en reniflant, l'autre se laissant tomber sur sa chaise, les yeux dans le vague, la respiration courte. Veronica se mordit la lèvre, retenant un éclat de rire qui se transforma en un étranglement lorsqu'une voix retentit derrière elle.

« C'est trop mignon. Veronica Mars qui défend son petit copain menacé par des collégiens. Ça m'évoque un mot qui commence par déchet. Déché… ? Dé… ? Déchéance ! C'est ça. Son comble, en fait. »

Elle ferma les yeux une seconde, puis se tourna, l'expression dure sur son visage n'étant plus du tout une comédie. Elle serra les dents, mais lui fit un sourire doucereux. Pas question de le laisser s'en tirer comme ça. S'il voulait la guerre, il pouvait l'avoir.

La sonnette de la porte d'entrée tintinnabula, et laissa entrer une Parker frigorifiée qui se frottait les mains en souriant. Elle allait lancer une phrase joyeuse lorsqu'elle aperçut Veronica.

C'était une chose bizarre que le cœur. Un truc pénible, qui n'obéissait jamais quand on le voulait, qui s'accélérait quand il aurait fallu qu'il ralentisse, qui battait trop fort quand il fallait qu'il soit silencieux, qui s'arrêtait quand il aurait fallu qu'il batte, et qui s'enserrait et se brisait quand il aurait dû se faire oublier. S'il y avait bien une chose que Veronica détestait chez elle, c'était son cœur. Il n'était jamais là quand les autres le voulaient, mais se rappelait toujours à elle quand elle aurait préféré ne pas en avoir.

Logan garda son petit rictus moqueur un instant avant de se tourner doucement vers Parker en lui tendant la main. Celle-ci la prit, sans détourner son regard de Veronica, droite comme un i. Elle avait les cheveux très courts, à peu près aussi courts que Veronica en seconde après la fête de Shelly. Depuis la rentrée, Parker avait décidé de laisser tomber la perruque et de s'en tenir aux cheveux courts. Veronica trouvait que ça lui donnait un air enfantin dérangeant.

« Hey Veronica. » la salua-t-elle.

« Salut Parker. »

« Comme le monde est petit, hein ? » s'amusa Logan. Il était reparti dans son attitude de connard psychotique depuis qu'il s'était remis avec Parker. Veronica ne savait pas trop pourquoi, peut-être parce que c'était finalement le seul moyen qu'ils avaient de réellement communiquer, peut-être parce qu'il voulait l'évacuer de son esprit comme il l'avait fait avec Kendall (mais l'esprit de Veronica n'arrivait pas à se convaincre que Parker était une remplaçante de Kendall), peut-être qu'il n'avait tout simplement pas changé et qu'elle avait eu raison dès le début. De toute façon ça n'avait aucune importance, Veronica l'attendait de pied ferme.

« Nous passions simplement louer un DVD pour passer le temps » poursuivit-il, « et nous tombons sur Veronica qui fait de l'abus de pouvoir sur de pauvres gamins. Tu comprends Parker, ils embêtaient Piznarski. »

Parker détacha ses yeux de son amie pour lancer à Logan un regard que Veronica trouva étrange. Un regard entre colère, jalousie et fatigue. Veronica secoua la tête, et observa la réaction de Logan qui n'avait même pas remarqué le manège de sa petite amie. Par contre, Veronica remarqua la trace bleuâtre sur la joue droite de Logan et, machinalement, jeta un coup d'œil à la main qui enserrait la taille de Parker.

Ses jointures étaient écorchées, et ensanglantées. Manifestement, il avait mis de la glace parce qu'elles n'avaient pas gonflé, et il avait même poussé le soin jusqu'à désinfecter les coupures, si bien qu'avec les manches longues qu'il avait l'habitude de porter, un œil moins entraîné que celui de Veronica n'y aurait vu que du feu.

Sûre de ses armes, la confiance de Veronica revint.

« C'est pas Parker qui a pu te défendre, apparemment. » lança-t-elle perfidement en désignant du menton ses mains et son visage. « T'as encore voulu prendre le goûter d'un maternelle ? »

Pendant une seconde, Logan fut pris de court par la réflexion de Veronica, mais l'instant d'après son rictus était revenu. « Il l'avait cherché. »

Veronica sentit son cœur s'accélérer, et elle préféra ne pas réfléchir aux raisons d'un tel état. Elle se contenta d'afficher son dégoût et de secouer la tête. « Tu n'as vraiment pas changé. »

Il eut un petit rire désabusé. « T'as l'air d'un disque rayé, Veronica. Renouvelle-toi un peu. »

« Pour quoi faire ? Tu sembles tellement aimer ça. »

« Arrêtez. » s'énerva Parker. « Ca suffit, d'accord ? »

Logan et Veronica sursautèrent. Ils avaient tous les deux oublié la présence de Parker, qui en avait profité pour se saisir de la main blessée de Logan et l'observer minutieusement. Elle dardait sur lui un regard emplit de colère et de déception, et Veronica ne put s'empêcher de se sentir satisfaite. Prends ça, Parker. Ça t'appendra à te croire mieux que tout le monde.

« Oups ! » minauda Veronica. « Je vous laisse. Vous avez l'air occupés. »

Elle se dépêcha de quitter le magasin sans se retourner, pour seule preuve de son absence de calme la vitesse à laquelle elle monta dans sa voiture et démarra le moteur. Sa respiration était saccadée, et son esprit n'était plus contrôlable. Elle ne cessait de penser « Prends ça, Parker. Voilà comment il est. Tu l'as voulu. »

oOoOoOo

La veille de son premier cours de psychologie, Veronica voulut passer la journée avec Mac et Parker, décidée à profiter d'un après-midi entre filles. Ce fut donc avec bonne humeur qu'elle se pointa à la chambre 206 et pour toquer joyeusement. Quelques secondes après, Parker ouvrit la porte, et se figea lorsqu'elle vit Veronica en face d'elle. Veronica vérifia derrière elle, puis eut un petit rire. Peut-être qu'elle s'attendait à Sydney Poitiers…

« Bah quoi ? J'ai un truc sur le visage ? »

Puis quelque chose dans l'attitude de Parker changea, et d'un coup elle se redressa, la main droite agrippée à la porte, l'autre enfoncée dans sa poche arrière.

« Logan m'a dit qu'il voulait qu'on se remette ensemble. Il m'a appelée tout l'été, et il veut qu'on retente le coup. »

Connard de cœur. Parker fixait Veronica sans ciller, jaugeant manifestement sa réaction. Lorsque sa respiration reprit, Veronica força un sourire. « C'est… Super, non ? »

« A toi de me le dire. » répondit Parker du tac au tac.

« Je… ne suis pas sûre de te suivre, là. » Veronica fronçait les sourcils, vraiment perdue.

« Est-ce que c'est super ? Est-ce que ça vaut le coup que je retourne avec lui si c'est pour que dans quelques semaines tu te remettes avec lui ? »

Veronica eut un rire nerveux et elle secoua la tête. « J'y crois pas… »

« Je suis sérieuse Veronica. C'est ta chance, je te laisse le choix. Parce que si tu me dis que je peux, je te le dis tout de suite, je ne me sentirai plus coupable. J'arrête de m'en vouloir de te parler de lui, j'arrête de me sentir mal chaque fois que je suis avec lui et que tu apparais, et je te préviens : je me défendrai bec et ongles pour le garder. Alors je te le demande sincèrement Veronica. As-tu toujours des sentiments pour lui, ou me donnes-tu le feu vert ? »

La panique submergea Veronica. Son esprit tournait à toute vitesse, sous le regard inquisiteur et pénétrant d'une Parker décidée. Tout se mélangeait dans sa tête, son cœur, ses émotions, elle se mordilla la lèvre, et elle sut la réponse. Elle la sut, elle l'avait sur le bout de la langue, parce qu'elle revit Logan frapper Gory, elle le revit à Mars Investigations ensanglanté, elle le revit au-dessus d'elle remettre une mèche derrière son oreille, elle le revit en train de faire des pancakes un matin abominable, elle ressentit ses lèvres lors de leur premier baiser au Camelot, et elle sut ce qu'il fallait qu'elle réponde à Parker.

« Non, je n'ai plus de sentiments pour lui, Parker, ne t'inquiète pas. Je suis avec Piz maintenant. Logan est tout à toi. » dit-elle en souriant. Parker était toujours aussi raide, mais elle hocha la tête et lui sourit en lui expliquant que Mac allait bientôt arriver. Veronica répondit qu'elle avait un truc à faire, et fit demi-tour.

Ce n'était pas la bonne réponse.

Mais c'était la meilleure solution.

oOoOoOo

Piz était quelqu'un de bien. De doux, de patient, quelqu'un qui ne l'étouffait pas, quelqu'un de simple, quelqu'un qui ne connaissait pas ses faiblesses, quelqu'un face à qui elle savait qu'elle avait le contrôle. Il ne savait pas tout, il ne pouvait pas l'exploiter contre elle, il ne la mettait pas en danger. Il ne la mettait pas dans un état second à chaque fois qu'elle le voyait, elle était maîtresse d'elle-même, et elle n'avait pas peur qu'il mente.

Piz était un gentil garçon. C'était quelqu'un qui ne manipulait pas les autres, qui ne faisait pas sa version des préliminaires avec son ex en face de sa copine. C'était quelqu'un d'attentionné, quelqu'un qui n'était pas dans son monde, qui ne la comprenait pas mais qui l'acceptait et c'était une chance.

Tant pis s'il l'aimait. Tant pis. Logan le détestait, mais Veronica tenait beaucoup à lui. Et si ça crevait le cœur de Logan, et si ça la rendait heureuse, parce qu'elle était heureuse avec Piz, alors c'était tant pis.

Elle n'avait jamais réellement donné sa chance à Piz, en fait. Elle ne lui avait jamais laissé la place de se mettre. Il l'avait séduite en l'embrassant parce qu'elle avait un peu forcé sur la fiole de Dick dans l'ascenseur de l'espace, puis il avait été si gentil et si patient quand Logan l'avait tellement pressée par sa constante présence, par sa seule existence et l'espèce d'alchimie qui existait entre eux. Il avait été gentil, il s'était battu pour son rêve. Logan n'avait plus de rêves, pas d'ambition.

Pourquoi ne lui avait-elle pas laissé sa chance, jusqu'à présent ? Elle n'en avait aucune idée, et ça n'avait plus d'importance. Mais ça changerait. Ça allait changer. Elle allait faire de son mieux pour que ça marche entre eux, sans stage de FBI, sans vidéos, sans ex, sans violeurs, sans sa peur. Piz méritait au moins ça.

oOoOoOo

Après avoir passé la nuit avec Piz (surprise qui lui fit très plaisir et la dispensa d'expliquer en détails les tenants et les aboutissants de l'affaire des menaces), Veronica savourait amplement sa soirée avec Mac et Wallace, à engloutir des pots de glace devant un film de leur charmant gouverneur. Mac restait bouche bée devant le corps de Schwarzenegger en Conan le Barbare.

« C'est impossible d'avoir des muscles pareils. »

Wallace haussa les épaules. « Pourtant tu m'as déjà vu torse nu. » se vanta-t-il.

« Pour info, il s'est shooté à des trucs pas nets à l'époque. D'où son état de santé douteux aujourd'hui. » intervint Veronica.

« Les dialogues sont à peu près aussi intelligents que les discussions de Shelly Pomroy et Madison Sinclair. » grommela Wallace. Mac et Veronica tiquèrent au nom de l'insupportable Sinclair, mais ne réagirent pas immédiatement. Finalement, Mac fut la première à reprendre le contrôle de ses émotions, jeta une poignée de pop corn à la figure de Wallace.

« Je voulais regarder Mulholland Drive, mais non Môssieur trouvait ça trop intellectuel ! »

« Je suis désolé, mais même s'il y a des lesbiennes, ce film est trop compliqué et flippant. J'aime pas les vieux qui rigolent, et Lynch est un psychopathe. »

« C'est un artiste. » protesta Veronica. « J'adore. »

« Ouais. Hitler aussi était un artiste. »

« Hey ! C'est ma blague, ça ! »

« Rien à faire. Je préfère me faire l'intégrale des films du gouverneur que regarder Mulholland Drive. »

« Ignare. » l'insulta gentiment Mac.

« Nerd. »

Veronica les regarda s'insulter gentiment, tout en s'emmitouflant plus profondément sous la couverture du canapé, calée contre son meilleur ami. Elle était tellement heureuse qu'elle n'entendit pas son portable sonner. Ce ne fut que lorsqu'elle alla se coucher trois heures plus tard qu'elle écouta le message laissé sur son répondeur.

« Hey Veronicaaaaaaaaa » articulait-on difficilement de l'autre côté de la ligne. « C'est moiiiii Robiiiiin, t'aurais trop dû venir ce soir parce que c'est triste, triste, triiiiiste, la vie. J'aurais voulu que Cindy et toi, et Wallace et même Stosh et Weeviiiil viennent avec moi pour mon moral parce que je suis triste. Et j'ai beaucoup bu aussi. Oups ! Oh bah j'ai fait tomber la bouteille… Hi hi hi ! Oh la laaaaa y a des gens qui font des bruits dans les buissons j'ai peur ! Ouuuh les buissons ils font peuuuur. Veronica sauve-moi ! » Robin éclata d'un rire tonitruant et raccrocha. Veronica ricana gentiment, éteignit son portable après avoir envoyé un texto à Piz, et alla se coucher.

Si elle était motivée, elle appellerait Robin le lendemain matin très tôt pour renforcer sa gueule de bois et lui donner mal au crâne. C'était de bonne guerre, personne n'avait besoin d'alcool à côté de Robin pour avoir mal à la tête.

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Lorsque Veronica arriva à la fac, lundi matin, son moral était au beau fixe. Elle avait passé un week-end génial : son père l'avait emmenée à L.A le samedi pour se balader, et elle était restée dans le dortoir de Piz toute la journée du dimanche à l'écouter jouer de la guitare, lire et simplement parler. Elle était détendue, et motivée pour assister à son cours de psychologie, prête à faire face à la dragonne.

En descendant de sa voiture, elle prit machinalement le journal de la fac, et lut le gros titre.

« SUICIDE D'UNE SECONDE ANNEE A UNE FÊTE DE FRATERNITE »

Les yeux de Veronica descendirent vers le sous-titre.

« Hearst pleure Robin McCherry, vingt ans, morte vendredi dernier d'une overdose de GHB. Nos pensées vont à sa famille et à ses amis. »

Elle s'arrêta.

Relut les lignes.

Trois minutes plus tard, la boule formée par le journal était au fond d'une poubelle, et Veronica poussait les portes de son cours de psychologie les mains tremblantes.

A SUIVRE…

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