(ATTENTION TOME 7) : Ron, la quête des horcruxes, son estomac, l'amour, la cuisine de sa mère, son grand-frère Bill, l'honneur de la famille, la cuisine de sa belle-soeur, l'amitié...
Une grande révérence à Dame Rowlings et des bises à mes complices habituelles - Alixe et Vert.
Je sais bien que ce n'est pas ce que j'avais annoncé - la "suite" de 25 jours d'humanité ou du Bréviaire amoureux d'une Auror métamorphe... ça ne vient pas pour l'instant... c'est comme ça...
I
Ventre creux n'a pas d'oreille
« Ron ! »
La voix d'Hermione lui parut faible, trop faible pour qu'il se retourne. De toute façon, son sang battait trop fort dans ses oreilles, ses jambes faisaient de trop longues enjambées et son estomac avait trop faim.
Il n'allait pas faire demi-tour, non ! Pour retrouver la tente humide et parfumée à la pisse de chat ? Pour voir Harry perdre son temps, et le leur, dans une quête fantomatique ? Pour vérifier que le ragoût de champignons d'Hermione était aussi inconsistant que les autres fois ? Jamais. Rien que d'y penser, il avait encore accéléré.
Ce n'était pas seulement raisonnable de partir, c'était une question de survie ! Son corps semblait le lui crier par chacun de ses organes et de ses muscles. La neige crissait sous ses pas, les branches craquaient, mais il n'en avait cure. Il allait arrêter tout ça : la faim, la fuite, le silence, se cacher... C'était fini. Fini.
Il ne savait pas comment Hermione, si intelligente, se leurrait encore. Enfin, il préférait ne pas trop y réfléchir : il était toujours terriblement agaçant de se rappeler combien les sorcières qui les entouraient – sa propre mère, sa propre sœur, sa propre petite amie, pour commencer – semblaient disposer de patience, de compréhension et d'indulgence dès qu'il s'agissait d'Harry. Ce n'était pas de la jalousie, non. C'était de l'incompréhension profonde. À quel charme mystérieux succombaient-elles toutes ? Harry ne faisait même aucun effort pour cela – mais semblait l'accepter comme une chose due. Incompréhensible, injuste et dangereux ! Voilà ce que Ron en pensait.
Ce n'était pas seuls, à eux trois, sans informations, sans aide, sans plan qu'ils arriveraient à quoi que ce soit. Ron en était maintenant intimement convaincu. Des semaines maintenant qu'il retournait cette idée dans sa tête. Dumbledore était mort trop tôt sans doute, ou Harry n'avait pas posé les bonnes questions - il pouvait être tellement distrait parfois ! Il se laissait aller à ses obsessions : le sacrifice de ses parents, les images que lui envoyait Voldemort (Ron trouvait l'idée simplement monstrueuse), et perdait le contact avec la réalité. Deux ans plus tôt, le même processus les avait mené droit dans le piège de Vous-savez-qui au Ministère. Et Harry ne semblait rien en avoir appris ! Il continuait d'agir en suivant son instinct, sans jamais réfléchir aux conséquences ! Ils avaient trouvé un Horcrux soit – mais à quel prix ? Ron frissonnait rien que de penser à cet homme simple, déjà aux prises avec le Ministère, qu'il avait incarné. Il avait failli détruire ce qu'il lui restait. Ils jouaient aux apprentis sorciers, rien de moins. Et ils avaient dix-sept ans maintenant, par Merlin, ils étaient responsables. C'étaient leurs vies même qu'ils mettaient en jeu ! Voire celle d'autres. La frustration de Ron sur l'apparente indifférence d'Harry sur la question était immense.
Jamais ils auraient dû se taire – taire quoi en fin de compte ? Comme si Dumbledore avait partagé tant d'information avec eux ! Honnêtement, qu'est-ce que ça aurait changé ? Jamais ils n'auraient dû refuser l'aide de l'Ordre – Harry avait eu raison de penser que Lupin devait d'abord s'occuper de son bébé mais l'Ordre ne s'arrêtait pas à Lupin. Un d'eux peut-être aurait trouvé un sens aux bribes de pistes dont ils disposaient. Est-ce que l'Ordre n'aurait pas pu bien plus facilement qu'eux subtiliser son pendentif à Ombrage ? Est-ce qu'à eux tous, ils n'auraient pas eu au moins une idée de la manière de le détruire ?
Ron secoua la tête comme s'il avait encore en face de lui Harry ou Hermione et qu'ils lui avaient encore une fois rétorqué un de leurs arguments éculés : Dumbledore avait confié la mission à Harry. Vraiment, sans plus de moyens de l'accomplir ? Autant dire qu'il ne souhaitait pas qu'il réussisse. Dumbledore lui avait conseillé de se confier à ses proches amis – génial, deux incompétents de plus en danger ! Décidément.
Non, Harry ne se rendait décidément pas compte de la réalité, décida Ron, avec un mélange de haine et de tristesse. C'était la guerre. Ils étaient devenus adultes et ils s'opposaient au plus puissant mage noir que l'histoire ait répertorié. Ils ne pouvaient plus se contenter d'improviser sous une cape d'invisibilité ! La colère du professeur McGonagall n'était plus le seul risque qu'ils couraient !
Le Stupefix qui l'avait cueilli à sa sortie de la forêt en était définitivement la preuve. La guerre l'avait une nouvelle fois rattrapé. Et ce n'était pas joli à voir. L'ennemi, c'était une bande de cinq sorciers ratés qui bavaient à l'idée d'une pauvre récompense du Ministère. Ils bavaient tellement qu'ils ne cessaient de s'accuser les uns, les autres, de vouloir profiter de la situation au détriment des autres.
« Ton nom, petit ? » exigeait celui qui le tenait.
« On s'en fiche de son nom ! Il m'a tout l'air d'un p'tit gars qui a un truc à cacher », éructait un autre.
« M'as tout l'air d'avoir l'âge d'être à Poudlard », estimait un troisième, « Tu ne serais pas un peu Sang de Bourbe ? »
Ne pas être à Poudlard, travailler déjà, un truc sans importance... Ron se surprit à dresser relativement calmement un plan de bataille. Et avoir un sang pur !
« Ton nom ? », répéta la brute qui le secouait d'une manière toute à fait moldue et agressive.
« Stan », balbutia Ron, « Stan Rocade... Je suis contrôleur sur le Magicobus »
La méthode analytique avait ses limites, songea Ron immédiatement après, ça colle peut-être pour l'âge et l'occupation, mais peut-on espérer qu'aucun de ces gars n'ait jamais pris le Magicobus ? Dans l'immédiat, la brute avait arrêté de le secouer – c'était autant de pris. Il s'était tourné à demi vers celui qui tenait la baguette de Ron et semblait servir éventuellement de chef – quand les autres n'étaient pas pressés de revendiquer cette qualité pour eux-mêmes.
« Le Magicobus... Qu'est-ce que tu fiches là ? » demanda ce dernier.
« Je suis allé aux champignons », essaya Ron piteusement.
« Dans la neige ? » s'étonna l'un des gars.
« Sous certains arbres... » commença à répondre Ron.
« Et où est ton panier ? »
Ron s'avoua battu.
« B'en cette fois, j'en n'ai pas trouvé... »
Les cinq sorciers n'eurent pas l'air sidérés bien longtemps par la faiblesse de sa réponse. Ils s'étaient désintéressés de leur proie pour discuter âprement s'ils le relâchaient ou s'ils l'amenaient quand même au Ministère pour vérifier son identité.
« Les Sangs de bourbe sont tous des menteurs », insistait un petit teigneux.
L'espèce humaine était décidément bien triste, décida leur prisonnier, ils sont contents dès qu'ils ont trouvé plus misérables qu'eux ! Ron soupçonnait que les Moldus n'auraient pas fait mieux en la matière - Mais est-ce que Hermione l'aurait une nouvelle fois accusé d'avoir des préjugés ? Qui étaient-ils d'abord pour lui poser des questions pareilles ? Des apprentis Mangesmorts ? Ils avaient pourtant parlé du Ministère et de récompenses – Ron ne pouvait pas croire que l'institution auquel son père avait consacré toute sa vie puisse tomber aussi bas ?Qu'est-ce qu'ils fichaient dans un endroit aussi reculé en plus ? Étaient-ils si nombreux à chasser les sangs impurs que les moins doués battaient la campagne aussi loin de lieux magiques ? L'idée était franchement écoeurante. À moins qu'ils aient pensé que des sorciers nés moldus - puisqu'ils semblaient les rechercher - préféreraient ce type d'endroits ?
La réponse n'était pas très intéressante, dans tous les cas, conclut Ron pour lui même, alors qu'un de ses ravisseurs menaçaient les autres de les dénoncer s'ils ne se rangeaient pas à son avis. C'était étrange mais il se surprenait à se réjouir qu'ils s'occupent de lui – de savoir s'il était bien celui qu'il prétendait être et s'il aurait dû être à Poudlard. Au moins, ils avaient moins de chance de se mettre à fouiller plus avant la forêt et trouver Harry et Hermione. C'était un peu paradoxal mais Ron aurait détesté les voir pris à leur tour. Il jugeait leur entreprise certes désespérée, mais ce n'était pas comme cela qu'elle devait s'arrêter. Il n'aurait pas pu expliquer mieux.
De toute façon, il n'en avait pas le temps de continuer à se poser des questions inutiles. Il fallait s'échapper. C'était une obligation. Une exigence morale. Il n'était pas parti d'un mode de vie absurde et contraire à sa nature pour finir à Azkaban ! Quand même !
Il s'étonna lui-même de sa présence d'esprit – jamais il ne s'était senti aussi vivant; ça ressemblait un peu à ce que Harry lui avait raconté de ses affrontements avec Voldemort. Le désespoir ne coupe pas toujours bras et jambes, parfois il donne des ailes. À la dispute suivante, Ron se dégagea de l'emprise de la brute qui le maintenait encore, arracha sa baguette à un autre qui n'avait pas l'air de bien savoir s'en servir et, ainsi armé, avait récupéré la sienne.
Sans demander son reste, il transplana – sans savoir exactement où il voulait aller d'ailleurs. Sa première pensée avait été Le Terrier – c'était l'endroit où il s'était toujours senti en sécurité après tout – mais, au dernier moment, il avait eu le pressentiment que ce n'était peut-être pas la meilleure idée que il ait eue récemment – Ah, ah, ah ! On pouvait aussi dire qu'il avait manqué singulièrement de « bonnes » idées ces derniers temps.
Bref, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il s'était retrouvé sous un réverbère faiblard, à l'entrée de Loutry Ste-Chapsoule, la main en sang et frissonnant d'épuisement et de terreur mêlés. D'un côté, il y avait la petite ville mi-moldue mi-sorcière endormie – semblable à toutes les fois où Ron s'y était rendu. Comme si tout le reste, les mois de quête stérile, la guerre, avait été un rêve. De l'autre, il y avait la route qui menait au Terrier. Et c'était terriblement tentant. Maman le serrerait dans ses bras. Elle le soignerait. Elle trouverait au milieu de la nuit des restes qui dépasseraient en qualité comme en quantité tout ce qu'ils avaient mangé ces dernières semaines. Il retrouverait son lit – il faudrait sans doute négocier avec la goule. Papa aurait des infos sur tout.
Sauf que le prix serait terrible. Il suffisait d'imaginer Maman ouvrir la porte et chercher par-dessus mon épaule où étaient Harry et Hermione. Bien sûr, elle commencerait par s'occuper de lui, de sa main et de son estomac. Mais il la voyait déjà froncer lentement les sourcils en écoutant ses explications embarrassées sur pourquoi il avait laissé mes soi-disant meilleurs amis dans le froid, la neige, le danger et la faim. Elle exploserait sans doute en imprécations mais le pire serait Papa qui le regarderait d'un air déçu.
Parce qu'Harry reste leur dernier espoir, se répéta Ron les pieds dans la neige, que pour eux Dumbledore savait ce qu'il faisait. Comment pourrait-il, lui, dire à ses parents à quel point il en était venu à douter que ce soit la réalité ? Ron devait le reconnaître, il ne pouvait pas aller au Terrier. Et c'était proprement terrifiant de se retrouver comme cela brutalement sans foyer.
Il essaya de se calmer. Si ses dents claquaient, c'était le froid et la fatigue. Le Terrier n'était peut-être pas la bonne option ce soir, mais sa famille ne se résumait pas à ses parents. Il avait des frères- combien de fois avait-il déjà pensé dans sa vie qu'il avait trop de frères ? Bien sûr, Percy était exclu. Il ne savait même pas réellement où il habitait. Mais il pouvait aller chez Fred et George sur le Chemin de Traverse. C'était sans doute une destination sûre elle aussi, même si plus exposée à la surveillance du Ministère. Il fit quelques pas, comme si le Chemin de Traverse était de l'autre côté de la rue, puis s'arrêta net, coupé dans son élan. Et si quelqu'un le reconnaissait ? C'était quand même pas inimaginable ! Que deviendrait le conte de la Goule malade ? Comment Papa expliquerait-il son retour soudain à la santé ?
Il secoua la tête, décidément frigorifié et affaibli par le sang qui gouttait lentement de l'extrémité de ses doigts et trempait sa manche. C'était gluant et froid comme la situation dans laquelle il se trouvait. Parce qu'il y avait pire que d'être reconnu, il venait de s'en convaincre. Il avait peur de la réaction de ses parents quand il leur expliquerait qu'il n'était pas assez follement Gryffondor pour risquer un jour de plus sa vie pour une cause perdue, mais avait-il le moindre doute de la réaction des jumeaux ?
« Oh Ron avait faim. Je le comprends. On ne peut pas lutter le ventre creux, c'est bien connu ! »
« J'ai toujours dit à Maman de ne pas s'inquiéter, Ron aura toujours la reconnaissance du ventre. »
Fred serait le plus mordant mais Georges ne pardonnerait pas plus. Jamais les jumeaux n'avaient reculé. Il était possible qu'ils ne connaissent même pas le mot. Jamais ils n'entendraient ce que la situation avait de désespérée, de ridicule, de débilitante. Jamais ils ne verraient au-delà de la couardise, de la jalousie apparente. Ils ne verraient que la fuite.
C'était tout ce qu'il arrivait à imaginer mais ça suffisait. Le Chemin de Traverse n'était pas une option. La Roumanie était infiniment trop loin pour que qu'il ait le moindre espoir de trouver refuge auprès de Charlie – surtout dans son état. Il restait la tante Muriel – elle n'avait certes pas une grande opinion de Harry et d'Hermione, mais était-il capable de l'écouter radoter une soirée seulement sans la transformer en ballon baudruche ? Même désespéré de trouver un toit pour l'accueillir dans l'instant, le fait était qu'il ne pouvait même pas l'envisager.
En fait, plus il faisait le tour et plus c'était évident. Il ne lui restait qu'une option.
Bill.
Bill était en Angleterre. Et Bill... Bill n'était pas comme les jumeaux ; il ne se moquait pas en permanence du reste de l'humanité. Aussi loin que remontait sa mémoire, Bill n'avait pas eu besoin comme Percy ou les jumeaux de rabaisser Ron au rang de bébé pour se sentir grand. Pourtant il avait été préfet, populaire et beau garçon – autant de choses que Ron avait longtemps pensées inaccessibles... Enfin, lui-même avait été à son tour nommé préfet, il avait même fini par oser draguer des filles... Mais il savait qu'il n'arrivait pas à la cheville de Bill sur classement du garçon le plus cool ou le plus sexy. Il n'y avait qu'à voir la fille qu'il avait épousée ! Qui aurait pu croire qu'un Weasley épouserait un jour une fille pareille ! Ron rit tout seul dans la neige, comme ragaillardi par la pensée des succès de son frère.
Et, Bill avait pourtant toujours été plutôt gentil avec lui, plus patient qu'un Charlie occupé ailleurs par exemple, moins pédant qu'un Percy ou aucunement enclin à faire de lui un cobaye comme les jumeaux. Quand ils avaient été en vacances le voir en Egypte, il avait bien été le seul à lui demander, au bout de quelques jours, s'il avait envie de faire ou de voir quelque chose de particulier. Enfin de tout temps, Bill avait gardé une certaine réserve dans les conflits fraternels, les cabales des jumeaux, les pugilats anti-Percy ou les discussions familiales. Sans doute serait-il possible de lui faire entendre que Ron n'avait pas besoin que toute la famille s'en mêle.
Son sang avait fini par faire une tache rosée dans la neige, mais il avait enfin trouvé un refuge. Fort de cette certitude, il fit deux pas de côté pour sortir du halo du réverbère. Cette fois, il n'allait pas se précipiter. C'est à l'abri des regards, en ayant bien pris soin de visualiser l'endroit où il voulait se rendre et de ne pas se laisser déconcentrer au dernier moment, qu'il articula la formule qui le projeta dans l'espace.
Bon maintenant qu'on a (re)placé le décor, je vais avoir plus de liberté. La suite s'appelle "Mon grand-frère est un briseur de sorts"...