Voilà, c'est la fin.
Merci de m'avoir suivie jusqu'ici. Vraiment, merci.
J'espère que ça vous aura plu jusqu'au dernier point.
Le point de vue est celui d'un des jumeaux, mais lequel ?
Si votre coeur balance, c'est sûrement que leurs deux plumes se sont mêlées, pour de vrai cette fois.

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L'ultime saveur des battements de son coeur

On pourrait peut-être appeler ça un voyage sans retour, un mirage sans détour, puisque c'est une folie dont on ne revient pas, non, jamais. J'ai posé mes yeux sur lui à l'heure de ma première respiration, j'ai écouté son coeur avant même de savoir mon prénom. J'étais lui avant d'être moi, je l'ai aimé dès le premier émoi. On pourrait appeler ça une erreur, ma plus belle erreur, puisque qu'il faut toujours en subir les conséquences, qu'on ne peut s'y soumettre qu'en pleine inconscience. Non, il n'y a ni morale ni loi qui nous retienne, il n'y a pas de raison. Il n'y a que lui et la façon dont je dois rester dans ses parages pour notre propre survie. On pourrait appeler ça une erreur, c'est vrai, mais j'appelerais plutôt ça une douceur inespérée, le seul bonheur qu'on aura pu posseder, le seul qui ait vraiment un sens. Le seul qui puisse combler une existence. Mais continuez d'appeler ça une erreur, au fond je n'en ai plus rien à faire. Puisque cette folie baigne mon atmosphère.

Vos pensées m'indiffèrent.

Nous avons décidé d'abandonner nos mots à Gustav et Georg et il n'y a rien qui semble sonner plus juste que cela, rien de plus vrai. Nous leur donnons ces deux vies à bout de souffle, qui souffrent comme une sale litanie. Nous ignorons ce qu'ils en feront mais si jamais quelqu'un d'autre vient à lire notre histoire, cette histoire que nous n'avions pas vraiment conscience d'écrire, j'ose me dire qu'en tournant la page le son étrange d'un coeur qui se brise retentira. Pour toutes ces fois où nous nous sommes faits avoir comme des rats, où la loi nous a brisés sans remords, et lorsque, presque morts, il fallait pourtant continuer à vivre. L'absence, je l'ai connue plus que vous ne pourriez la connaître. Vous, hypothétiques regards se posant sur mes lettres, vous, lecteurs impies. Vous qui représentez ce monde que j'aurais tant voulu apprendre à détester. Et si j'ai tellement désirer le quitter, c'est simplement que je n'ai jamais su comment arrêter de l'aimer. Si cela avait été possible, j'aurais préféré haïr chaque matin, chaque feuille, chaque brin d'herbe, mais comment haïr ces terres où marche mon frère ? Comment haïr ce qu'il touche, ce qu'il vit ? Nous avons décidé d'abandonner nos mots à nos deux amis, à tout ce qu'il reste de notre passé ici, à tout ce que nous adorons encore. Eux deux et la musique qui nous symbolisait si bien. Tout ce qui, entre nos mains, avait encore un sens. Nous leur laissons le choix de faire ce qu'ils voudront de ces mots mais il est vrai que c'était à tout ce monde pourri, à tous ces visages morbides que nous les adressions. A vous, qui êtes en train de détourner le regard avec gêne. Vous qui nous dégoûtez d'être aussi lâches. De n'avoir jamais eu l'audace de faire ce pas vers nous qui aurait pu nous sauver et qui nous aurait libérés de toutes nos attaches.

On aurait juste aimé que tout soit différent.
Un autre lieu pour un autre temps.
Semer moins de larmes sur notre passage.
Respirer avec courage sans avoir à prendre les armes.
Rire sans avoir peur du pire.
Oublier le sens du mot survivre, ne faire que vivre.
Mais la réalité nous rattrappe, nous enchaîne.
Et nous n'avons rien pour nous protéger de ce destin qui nous malmène.

Pourtant, vous savez, avec sa main dans la mienne je peux affronter tout ce qui arrivera.
Tant qu'il ne me lâche pas.

J'ai écrit tous ces mots alors que l'espoir n'existait plus, pour finalement l'observer se laisser tenter par une renaissance insoupçonnée. Insoupçonnable. Inimaginable. Il a écrit les siens et à présent, rassemblés, ils ne racontent tous qu'une seule et même histoire. L'histoire de ses yeux. La seule qui soit jamais assez belle pour être racontée. La seule que vous ne comprendrez jamais. Notre histoire interdite, celle que vous avez condamnée. Il y a quelques jours encore, je vous aurais exhortés à aller crever, je n'aurais jamais pu vous pardonner. Je ne le peux toujours pas, du reste, mais je peux enfin tolérer votre existence. Votre insouciance. C'est l'histoire d'un amour qui n'avait pas lieu d'être et qui n'a pas pu s'empêcher de naître afin de devenir notre seul et unique maître. C'est l'histoire de ce qui continuera à vous échapper, de ce que vous ne saurez accepter. C'est l'histoire que nous allons enfin vivre, ailleurs.

Nous avons parlé un jour d'un autre monde et je me désespérais de le voir si mortellement absent. En ce soir fatidique, nous posons le mot fin pour aller le chercher. Le créer. Oui, nous allons faire de ce monde notre monde. A l'abri de tous. Nous allons vivre, quelque part. En espérant ne jamais croiser un seul regard. Nous allons vivre, briser tous les interdits, je vais m'enivrer de lui comme le plus beau délit. C'est le seul crime pour lequel je peux risquer mes rimes, la seul ignominie pour laquelle je vous vends toutes mes allégories. Le temps d'écrire est révolu, celui de fuir débute à peine. Nous allons vivre, en parias, en hors la loi. Nous allons vivre, vivre.

Vivre.

A deux.
Nous deux.

Et ce sont les règles de notre jeu.

Fin.