Les arcanes de l'Arcadia

Episode I : Le métal maudit

Construire un vaisseau tel que l'Arcadia, c'est un défi. Mais il suffit rarement d'un seul homme, aussi brillant soit il, pour obtenir la perfection. Harlock, Tochiro, Emeraldas vont voyager dans la galaxie pour perfectionner l'Arcadia. Ils feront des rencontres qui changeront l'avenir. Face à la cruauté et l'absurdité du monde, ils réussiront à semer les germes de l'espoir.


Prologue

Dans l'immensité de l'univers, peu de choses ressemblent au Blénium 3006. Pendant des millénaires, ce métal brillant comme de l'or a été le graal de tout scientifique qui se respecte. Pensez donc, un élément prévu par toutes les théories physiques mais jamais rencontré jusqu'à ces dernières années ! Sa découverte fut une surprise totale et comme toute nouveauté elle apporta son lot de bonheurs et de malheurs.

Les savants ne tardèrent pas à lui trouver plein d'applications, allant du simple transistor ternaire à la fabrication de puces à intelligence artificielle. Malheureusement, l'euphorie des premiers temps retomba bien vite. Le Blénium 3006 s'est révélé être un poison mortel, provoquant des maladies incurables pires que le mal de l'espace. Mal utilisé, mal exploité, il provoqua tant de morts accidentelles qu'il hérita bien vite du sinistre surnom de "métal du Diable", ou …

"Métal maudit"

Peu de personnes osent aujourd'hui braver les risques liés à son extraction. Celles qui y arrivent encore le payent souvent de leur vie mais il en est une qui survit à cette malédiction.

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Les jardins de Kadesh

Je regardais fixement l'horizon à l'ouest à travers le hublot pressurisé. La lente rotation de la planète Kadesh allait provoquer dans quelques instants un magnifique lever de soleil. Lorsque la pale lueur de la naine rouge apparut à l'infini, je ressentis une petite joie face à la beauté de ce spectacle.

- Monsieur l'ingénieur ! cria une voix métallique.

Je me retournai rapidement. Mon regard fixa mon interlocuteur, comme pour le jauger. Je contemplai ce qui fut jadis un être de chair et de sang du nom de Wang. Mon contremaître décida de se faire mécaniser peu après son arrivée, pour ne pas risquer de tomber malade d'après lui. Mais je soupçonnais des motifs moins honorables.

- Monsieur l'ingénieur. Voici les derniers chiffres de production, dit-il en me tendant un papier.
- Merci répondis-je.
- Comme vous pouvez le constater, nous n'avons raffiné que 356 milligrammes de Blénium. De plus, en ce moment le filon d'Elérium s'appauvrit, il faut s'attendre à…
- Je sais, dis je en m'asseyant sur mon vieux fauteuil.
- Que doit on faire ? me demanda Wang.

J'examinais mentalement les possibilités qui s'offraient à moi. L'usine tournait déjà au maximum de ses capacités. Seules quelques modifications dans les procédés d'extraction et de traitement permettraient de gagner quelque chose.

- Hum, augmentez la température du four de séparation différentielle de deux degrés. Et baissez le champ de traitement magnétique à 24 teslas au lieu de 25. on devrait grappiller quelque chose.
- Bien, monsieur l'ingénieur, répondit le contre maître en s'inclinant.

L'être mécanique tourna des talons et s'en alla d'un pas trop régulier. Je me relevai et retournai vers le hublot et contemplais à nouveau le lever de soleil sur Kadesh.

C'était une petite planète, d'à peine 1700 km de rayon, dans le système de Véga-2, constellation de la Lyre. Plusieurs astéroïdes gravitaient autour de ce monde désolé, sans air, sans eau. Un caillou riche en ressources, mais assez éloigné pour échapper aux Mazones, assez discret pour tromper les humanoïdes. Voilà près de deux ans que j'étais arrivé ici, avec ce qui restait de l'équipage de mon vaisseau. Je me demandais parfois si j'avais fait les bons choix. Ce n'est pas facile de se retrouver à la tête des derniers survivants de sa planète, sans ressources, sans points d'attaches. Certaines visions me hantaient toujours.

Je secouai la tête pour chasser ces sombres souvenirs et retournai à mon bureau. Machinalement, je relus le courrier que j'avais reçu quelques jours avant. Ce client, signant simplement de la lettre "T" me réclamait entre autres 25 kilos de Blénium 3006 ! Et le prix qu'il se proposait de payer, 50 000 pièces d'or galactiques, était tout simplement démesuré. D'habitude, les risques liés à l'exploitation du métal maudit se payent au prix fort mais dans les limites du raisonnable. C'était trop pour être une transaction tout à fait honnête. Je n'avais pas vraiment l'intention d'inscrire cette vente dans mes livres.

Comme toutes les autres pensai je. En plus, je n'ai pas de livre comptable. Pour une exploitation clandestine, cela vaut mieux.

Je me levai et me dirigeai vers le vestiaire afin d'y revêtir une combinaison pressurisée. Les inconvénients d'un corps humain. Un corps qui respire, qui mange, qui boit.

Lorsque le Galaxy Express avait fait halte ici, je fus le seul à refuser d'embarquer pour Andromède. Je ne voulais à aucun prix d'un corps mécanique. Tous mes anciens compagnons, Wang le premier, s'empressèrent de monter à bord. Certains sont revenus, mais dans quel état…Une mystérieuse femme blonde, habillée tout en noir, m'acheta en toute discrétion quelques éléments rares à cette occasion. Je me souviens qu'elle était presque en train de pleurer en partant avec mes compagnons.

Tu pourras un jour te vanter de vendre tes métaux jusqu'à la planète Andromède ! me dis-je. Si un jour j'ai encore l'occasion de parler sans risques à quelqu'un en chair et en os dans cet univers.

Je m'arrêtai devant le premier sas de sortie. La procédure de dépressurisation dura quelques instants. Le bruit du vérin de la porte principale fut suivi d'une grande illumination du sas. La porte donnait plein ouest. Je sortis pour une petite inspection de routine dans les mines de Kadesh. La spacio-jeep s'élança sans un bruit mais en soulevant un nuage de poussières brunes. La piste était en mauvais état, la conduite en devenait dangereuse par endroits.

L'usine se composait juste de quelques bâtiments sans fioritures et une unique cheminée centrale crachait dans le vide ses fumées rouges. Je quittai mon véhicule et rentrai par la porte principale du complexe.

- Mes respects capitaine ! Furent les premières paroles que j'entendis dans mon casque.

Je poussai un grand soupir.

- Arrête s'il te plait, Samir. Il n'y a plus de capitaine qui tienne depuis longtemps, dis je d'une voix faible.
- Bien mon capitaine ! répliqua la voix métallique.

Je l'avais connu jeune ce dénommé Samir, plein d'avenir, plein de rêves. Engagé avec le grade de matelot de 2ème classe, affecté aux systèmes thermiques des réacteurs principaux de mon vaisseau. Lui aussi s'était fait mécaniser et il se croyait toujours dans l'armée après toutes ces années.

Pauvre enfant. C'est peut être sa manière à lui de se rappeler l'humain qu'il a été. Ou de se souvenir de ses rêves.

Samir me précéda et me fit rentrer dans le compartiment de séparation magnétique. Quelques ouvriers au corps métallique s'affairaient à régler l'immense électro-aimant. Ils repartirent sans dire un mot peu après mon arrivée. Je m'arrêtai pour contempler quelques instants la chute des milliers de paillettes à la sortie de l'étage d'extraction.

- Mon capitaine, je dois vous laisser. vous savez que je ne peux pas supporter les champs magnétiques me dit Samir.
- Oui, je sais. Va trouver Wang et dis lui de m'attendre au haut-fourneau.
- Oui, mon capitaine !

J'éprouvai un sentiment de lassitude en entendant encore Samir m'appeler par mon ancien grade. Comme tous les êtres mécanisés, il ne supportait pas d'être exposé à un champ magnétique intense. Rester trop longtemps ici entraînerait chez eux de graves séquelles. Pour une fois, l'être de chair que j'étais marquait un point.

Un bac parmi d'autres, contenant du tout venant attira mon attention. Je plongeai la main dedans et pris une poignée de paillettes de ce métal jaune. Je tenais dans ma main l'équivalent de trente ou quarante pièces d'or galactiques. Une petite fortune. Je reposai ma prise dans le bac et me dirigeai vers le haut fourneau.

Je pénétrai dans un autre bâtiment, celui surmonté d'une cheminée. Je ne pouvais à chaque fois m'empêcher d'admirer ce petit bijou caché en son sein. Ce fourneau, haut de quelques mètres seulement, était la pièce centrale de l'usine de Kadesh. Tout le minerai récolté était jeté dedans et la fusion de la roche permettait d'obtenir tous les métaux précieux en quantité à la sortie. C'est la théorie telle que je l'ai apprise à l'institut galactique des mines. Mais une découverte fortuite m'avait permis d'améliorer le procédé pour obtenir du Blénium 3006 pur. Sans impuretés, sans altérations, le métal maudit devenait inoffensif pour la santé de ses utilisateurs. Du coup, j'obtins un pouvoir démesuré, objet de toutes les convoitises.

C'est ce secret là qui a déclenché la guerre me dis je. La cupidité des races intelligentes, encore et toujours…

Wang m'attendait sagement devant le poste de contrôle. Un autre ouvrier était assis dans ce qui ressemblait à un siège. Il scrutait en permanence les indicateurs de températures pour ajuster les paramètres de fonctionnement. Wang s'avança et me dit fièrement de sa voix métallique :

- Nous avons corrigé les paramètres, Monsieur l'ingénieur. Nous enregistrons un gain de 45 pour cent, c'est très bon !
- Bien, c'est très bien. Commencez à rassembler le Blénium pour notre client.

Le contre maître voulu dire quelque chose mais aucun son ne sorti de son haut parleur. Il m'attira un peu à l'écart.

- Monsieur, me dit-il, vous… allez encore partir après la transaction ?
- Oui.
- Mais, euh, vous savez, après toutes ces années…

Il ne termina pas sa phrase, il n'osa pas la terminer. Inconsciemment, je changeai d'expression et fixait froidement le capteur électronique visuel de Wang. Il recula un peu.

- Elle n'est pas morte. J'y passerai le reste de ma vie s'il le faut mais je la retrouverai.

Un être mécanique avait pour avantage d'être immortel mais il n'éprouvait plus aucun sentiment d'attachement en contrepartie. La pitié, la compassion, l'amitié … l'amour … tout cela ne signifiait plus rien pour lui. Le fait que je passe un maximum de temps à explorer les systèmes de la bordure extérieure à chercher quelqu'un passait pour une bizarrerie aux yeux de tous mes compagnons mécanisés.

- 25, 003 kilogrammes en stock ! cria fièrement l'ouvrier assis au poste de contrôle.
- Nous avons de quoi satisfaire notre client, Monsieur l'ingénieur ! reprit Wang en se redressant.

J'inspirai profondément une bouffée d'air frais.

Enfin me dis je. Ce n'est pas trop tôt. Je ne me voyais pas faire attendre ce mystérieux client, vu la somme en jeu.

Il sera là dans deux jours au mieux. Je repensai aux dernières opérations à effectuer avant la livraison. Il fallait conditionner le Blénium 3006, rassembler le reste de la commande. Ensuite je donnerai quelques instructions pour faire fonctionner l'usine pendant mon absence. Mais je me demandai encore qui était cet acheteur mystérieux, qui ne signait que d'un "T" sa correspondance. Et aussi qu'allait-il faire de 25 kilogrammes de Blénium ? Et si c'était …

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Une décision

Ils attendaient depuis longtemps dans la pièce sombre. Un homme et un drôle d'oiseau noir, perché sur son épaule. Ils fixaient une porte automatique à la peinture un peu passée en attendant une réaction quelconque. Enfin, la porte s'ouvrit et laissa passer un petit bonhomme de la taille d'un enfant.

- C'est encore raté ! grommela-t-il.

Il se dirigea vers une table et se débarrassa de sa combinaison protectrice. L'homme fit quelques pas vers le gnome. Celui ci n'y fit pas attention, mais continua ses explications :

- Le Blénium que tu as rapporté de la planète de glace est trop instable. Il s'est décomposé sous mes yeux. J'ai du le détruire pour qu'il ne fasse pas de dégâts. Deux jours de travail… pour rien !
- Tu y arriveras, Tochiro.

Tochiro Oyama se retourna et fixa l'homme qui venait de prononcer ces paroles. Il était plus grand que lui et portait une balafre sur la joue gauche. Son œil droit était caché par un bandeau noir.

- Comprends moi, Harlock. Ce Blénium est vital pour l'âme de l'Arcadia. Sans lui, rien ne sera possible.
- Tochiro s'assit, aussitôt imité par Harlock.
- Que faire ? demanda ce dernier.

Tochiro servit deux verres d'une bouteille oubliée là intentionnellement. Il plongea son regard dans le liquide rouge puis but tout d'un trait. L'alcool lui fit du bien. Son effet était accru car il n'avait pas mangé depuis 24 heures. Tout son génie lui avait permis d'accomplir des merveilles, mais il se trouvait face à un problème qu'il ne savait pas résoudre. Ce fut un choc assez difficile à encaisser pour lui.

- Les jardins de Kadesh… murmura Tochiro. C'est la seule solution.
- Les jardins de Kadesh ? demanda Harlock.
- Oui. On dit qu'il y existe une mine capable de fournir de tout, même du Blénium pur.
- Pourquoi ne pas y être allé plus tôt ?
- Tu veux vraiment le savoir ?
- Il regarda Harlock droit dans les yeux. Sans se démonter, Tochiro annonça d'une voix calme :
- 50 000 pièces d'or galactiques. C'est à peu près le prix à payer pour ce dont j'ai besoin.

Tout d'un coup, Harlock se leva, se retourna et fit quelques pas. Tori-san, l'espèce d'oiseau noir, fut tellement surpris qu'il tomba par terre. Il émit quelques sons qui pouvaient passer pour une protestation. Harlock agissait toujours de la sorte quand Tochiro lui annonçait une très mauvaise nouvelle.

Avec 50 000 pièces d'or galactiques, on pouvait acheter une planète tellurique de classe 6 ! Voire même une de classe 7. Pensa-t-il.

Harlock médita quelques instants. Oui, il pouvait réunir cette somme. Oui, c'était possible. Mais cela aurait des conséquences matérielles importantes et pour longtemps.

- Tu auras ce qu'il faut… dit Harlock en ayant retrouvé son calme olympien.
- Parfait. Je vais les contacter et organiser l'achat.

Tochiro parut rassuré. Il se resservit un verre qu'il vida aussitôt. La réaction de son vieil ami Harlock l'inquiétait d'avantage que la somme astronomique qu'il se proposait de dépenser. Ils se connaissaient depuis des années, mais certaines réactions d'Harlock étaient trop imprévisibles pour être rassurantes.

Les deux hommes se levèrent et sortirent par l'autre porte de la pièce. Après quelques minutes de marche, ils se retrouvèrent en plein air, au sein de l'étoile de la combination. Cet endroit reculé était une bonne base arrière pour Harlock et ses compagnons. Ils y construisaient le vaisseau parfait, l'Arcadia, conçu par son ami Tochiro. Ce monde gravitait autour d'une géante rouge en fin de vie. Bientôt, l'astre allait exploser en emportant tout son système planétaire dans sa mort. Une superbe femme aux cheveux roux d'une longueur fantastique s'approcha de Tochiro. Elle le fixa quelques instants.

- Ça va Tochiro ?

La voix était plus douce que d'habitude. Trop douce pour une femme pirate comme Emeraldas mais encore trop dure pour une femme amoureuse.

- Non, j'ai encore raté ! J'en ai assez ! Assez ! ASSEZ !

Tochiro détourna le regard et couru s'abriter dans ses quartiers. Emeraldas ne fit pas un geste. Elle regarda Harlock avec des yeux ébahis, se demandant ce qu'elle avait pu bien dire ou faire de mal.

- Tochiro est furieux contre lui-même, expliqua Harlock. Inconsciemment, il s'en veut de ne pas trouver la solution à son problème.

Emeraldas garda le silence et regarda Tochiro s'éloigner en courant. Pour une fois, elle se sentait impuissante et inutile. Que pouvait faire une pirate comme elle pour aider son mari à résoudre un problème scientifique si ardu ? Elle hésita quelques instants, puis marcha avec l'intention d'aller rassurer Tochiro.

Harlock se retira dans un autre bâtiment avec Tori-san. Il avait (encore) besoin de boire quelque chose. Il s'assit derrière un bureau, sur lequel ne figuraient que deux verres et quelques bouteilles de vin. Il se servit un premier coup. La construction de l'Arcadia se compliquait de jour en jour. Entre le Blénium 3006, les lasero-canons, la programmation des algorithmes, Tochiro était surmené. Il cachait son état de santé à tout le monde, à commencer par lui. Même Emeraldas se doutait de quelque chose mais elle ne disait rien.

La méditation du futur capitaine de l'Arcadia fut interrompue par l'arrivée d'une femme aux cheveux blonds et au regard doux. Elle se dirigea d'un pas peu assuré vers Harlock. Elle ne connaissait que trop bien son capitaine. Les réactions qu'elle contemplait ne présageaient rien de bon.

- Capitaine ? Vous vouliez me parler ? risqua la femme.
- Kei… Il faut trouver 50 000 pièces d'or galactiques.

Harlock annonça la nouvelle sans émotions, comme s'il commandait à manger dans le premier spacio-port venu. Kei Yuki pris une grande inspiration, comme pour se donner du courage.

- Combien ? dit elle.
- Tu as entendu. Il faut 50 000 pièces d'or. C'est le prix à payer pour les matériaux qui manquent.
- Je… euh… bien à vos ordres capitaine.

Kei Yuki jugea très opportun de ne pas en rajouter. Elle fit un léger signe de la tête pour saluer Harlock et sortit du bureau. Toute leur fortune allait y passer…

La navette était de taille modeste, peinte en rouge sombre. Cette énième création de Tochiro avait tous les atouts pour une mission clandestine. Rapide, discrète, doté d'un bon système de navigation extra dimensionnel. Elle pouvait accueillir 4 passagers mais ils ne seraient que deux pour le voyage. Harlock et Tochiro. Un pirate jeta dans le coffre un dernier sac en jute. Un bruit métallique donnait une idée de son contenu.

- C'était le dernier, dit Harlock.
- Bien, nous partons alors annonça Tochiro.

50 000 pièces d'or dans un si petit vaisseau. Espérons qu'on ne croise personne durant la route…

- Ne t'inquiète pas Harlock. Ce vaisseau peut échapper à n'importe qui avec son camouflage holographique.

Tochiro semblait parfois lire dans les pensées de son vieil ami. Il avait prononcé ces paroles pour répondre à son inquiétude. La navette s'éleva rapidement et sortit rapidement de l'atmosphère de l'étoile de la combination. Elle se fixa en direction de Véga-2, constellation de la Lyre. L'ordinateur de bord affichait toutes les informations liées à la destination.

Kadesh. Planète tellurique de type 1.
Coordonnées selon le système Alpha modifié :
Ascension droite 15 heures 34 minutes 56 secondes
Déclinaison 23 degrés 5 dixièmes
Deuxième planète du système Véga-2
Aucune atmosphère, pas de vie animale. Pas de traces de colonisations humaine ou autres.
Navigation dangereuse et déconseillée. Présence de nombreux astéroïdes.

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Une rencontre

Je dormais, profondément. Ce rêve était bien agréable. Je voyais ma planète, Sélénia. Ses arbres, ses fleurs, ses lacs. Un petit coin de paradis, perdu dans l'univers. Elle était avec moi, plus belle encore que dans mes souvenirs. Nous parlions au pied d'un olivier. Que me disait-elle ? Que lui racontai je en retour ? Peu importe, nous allions être heureux, c'était tout ce qui comptait à nos yeux.

Puis le rêve se transforma en cauchemar. Le ciel devint noir, les cris déchiraient le silence. Elles étaient là, venues de nulle part. Une flotte, une armée, une armada, avec comme unique motif soumettre ou détruire.

Maudites Mazones…

Je me retrouvai dans la passerelle de mon vaisseau en un instant. C'est la particularité des rêves, on peut changer instantanément d'endroit sans faire quoique soit. Je la voyais s'éloigner, magnifique dans sa tenue blanche, avec un regard de crainte mêlée de tristesse. Où était l'olivier ? Puis ce fut l'explosion, la fin de Sélénia, de ses habitants.

Maudites Mazones…

Je me réveillai en sursaut et en sueur. Encore ce rêve. Je quittai le lit et me passai un peu d'eau synthétique sur le visage. Quelle heure était il ? Ah oui, 3 heures.

Ma chambre était sombre, dans la nuit de Kadesh. Quelques mètres carrés, meublés par des trouvailles ramassées au gré de mes voyages. Le lit était Pluvien, le bureau fut fabriqué à Mangor. Un vrai bric à brac pour un brocanteur. Seul l'ordinateur de contrôle était encore estampillé "Flotte Royale de Sélénia". La marque imprimée en relief avait subit les outrages du temps mais les inscriptions étaient toujours lisibles. Comme s'il s'agissait d'un défi lancé à l'adversité.

Une alarme interrompit ma méditation. Je me dirigeai vers la console qui affichait un message clignotant en rouge sombre.

Hum, vaisseau inconnu en approche. Codes d'identifications brouillés. Est-ce mon client qui est un peu en avance ?

- Quelqu'un frappa à la porte d'un coup sec.
- Entrez ! fis je d'une voix claire.
- Monsieur l'ingénieur, un vaisseau approche ! Doit on prendre les précautions habituelles ?

C'était Wang, le contre maître. Lorsqu'il était encore humain, ce brave homme ne dormait déjà pas beaucoup. Maintenant, il ne dormirait plus jamais. Et dans certaines circonstances, le premier maître canonnier qu'il fut refaisait surface, prêt à … hum… "Agir".

- C'est peut être notre généreux client. Mais on ne sait jamais, armez les gatlings lasers.
- Avec plaisir ! dit Wang, manifestement réjoui à l'idée de faire (peut être ?) un carton.

Il arrivait parfois qu'un acheteur indélicat commette l'imprudence de venir en mauvaise compagnie. Je ne pouvais compter que sur mes compagnons et moi-même pour assurer notre défense. J'avais donc fait installer à quelques endroits stratégiques des brouilleurs pour le camouflage. J'avais aussi eu la prudence d'installer un système de défense "dissuasif". Il n'avait servi qu'une fois. Le bouche à oreille avait fait le reste.

Je m'habillai afin de recevoir comme il se doit mes visiteurs. J'ouvrai l'armoire et en sortant quelques vêtements mon regard s'arrêta sur autre chose. Mon ancien uniforme était toujours là, plongé dans un profond sommeil. La veste était bleu pastel, le pantalon un peu plus sombre. Sur la casquette un peu délavée, on distinguait nettement les trois feuilles de chêne dorées, indiquant pour les connaisseurs le rang de commandant de vaisseau de 1ère classe dans la flotte Sélène.

Pourquoi le gardes tu ? Il ne servira plus jamais, de toute façon. Pourquoi ? Pour ne pas oublier ?

Je rejoignis mon bureau d'un pas lent. Je voyais à travers le hublot l'usine qui crachait toujours ses fumées rouges dans le ciel noir de Kadesh. L'ordinateur de mon bureau indiquait que toutes les batteries de défense étaient armées et parées à tirer. Je m'assis en attendant d'avoir des certitudes sur les intentions de mes visiteurs…


La navette naviguait sans trop de mal à travers l'immense champ d'astéroïdes. De temps à autres, un choc sourd indiquait une collision repoussée par le bouclier de protection.

- L'ordinateur ne mentait pas, c'est vraiment dangereux par ici déclara Tochiro
- Nous y sommes presque. A-t-on un signal de retour de leur ordinateur ?
- Aucun, Harlock !

La petite planète Kadesh fut bientôt visible au milieu des astéroïdes volant anarchiquement. Seules sa taille et sa forme sphérique la distinguaient du reste. Un bruit strident, une alarme.

- Nous sommes visés par des canons ! Tochiro, le code, vite !
- Oui, çà vient, çà vient.

Tochiro pianota fébrilement sur le clavier devant lui. Cette suite interminable et sans logique apparente de chiffres était un code de contrôle absolument remarquable. Au bout de quelques instants, l'alarme se tut.

- Ouf ! C'était moins une.
- Crois tu qu'ils auraient tiré ?
- Qu'est ce tu crois Harlock ? C'est une mine clandestine, vendant les métaux les plus rares de la galaxie. Ils prennent des précautions…


Je relus le code décrypté. C'était bel et bien mon client qui arrivait avec 12 heures d'avance. L'ordinateur affichait sans se soucier de quoique soit les informations relatives au vaisseau, ses caractéristiques, sa vitesse, sa trajectoire.

Deux personnes à bord, race humaine. Mon client sûrement mais qui l'accompagne ? L'envoi du bon code m'indiquait des intentions non belliqueuses. Mais, on ne sait jamais…

J'ouvris l'un des tiroirs de mon bureau. Je pris le cosmogun dans ma main et contrôlai rapidement l'arme. Je changeai la cellule d'énergie pour en mettre une neuve. L'arme était prête à tirer au moins 5 000 coups avec çà. Je la dissimulai sous quelques papiers, à portée de main. Je pris le communicateur.

- Wang, ne tire pas. Reste en alerte. Envoie Samir accueillir nos visiteurs.
- Bien Monsieur. Mais … vous êtes sur que … il ne faut pas les abattre ?
- Non !

Wang était vraiment agaçant quand il s'y mettait. Je vis une forme floue passer devant le hublot. Un vaisseau avec un camouflage holographique, ce n'est vraiment pas fréquent. Et si c'était ? Non, ce n'est pas possible !


La navette se posa sur la piste rudimentaire, en soulevant un peu de poussière brune. Le système de camouflage cessa de fonctionner et laissa apparaître le vaisseau tel qu'il était vraiment. Les deux hommes de levèrent et revêtirent une combinaison spatiale. Harlock gardait son sabre et son cosmodragon à la ceinture. Sages précautions, vu l'endroit. A leur sortie, un être mécanique s'inclina respectueusement.

- Bienvenue sur Kadesh messieurs. Je suis Samir, chargé de vous accueillir. Merci de laisser vos armes dans votre vaisseau.

Harlock se contenta de décrocher un regard furieux en direction du capteur visuel de Samir. En voyant cela, deux autres robots sortirent de nulle part en pointant ostensiblement des fusils sur les deux voyageurs.

- Nous sommes ici pour acheter ce qu'il nous faut. Pas pour obéir à vos ordres ! Déclara Harlock d'une voix ferme.
- Harlock, tu ne devrais pas…
- Crois tu, Tochiro ?

Tout d'un coup, Samir et les deux autres robots reculèrent. Ils abaissèrent leurs armes.

- Je comprends, mon capitaine, fit Samir Je leur laisse leurs armes. Je dois … vous les amener ? Tout de suite ? Euh, bien.

Samir avait une voix hésitante. Harlock et Tochiro l'entendaient bien dans leur casque. Un "capitaine" donnait des ordres ici. Ils échangèrent un regard inquiet.

Je ne pouvais en croire mes yeux. Je fus très content en reconnaissant mes visiteurs. Harlock, le fameux pirate et son inséparable ami Tochiro. Le plus grand génie vivant connu dans tout l'univers. Tout s'expliquait, maintenant. "T" était tout simplement l'initiale de Tochiro Oyama.

Je commençai à comprendre leurs intentions. 25 kilogrammes de Blénium 3006 permettraient la construction d'un ordinateur hors du commun. Le meilleur, sans doute. Sûrement assez puissant pour avoir sa propre conscience et ses propres sentiments. Seule une personne comme le professeur Oyama était capable de le fabriquer.

Je cachai depuis longtemps quelques exemplaires d'un vieux vin Sélène. Une des rares preuves que ma planète existait autrefois. J'en sortis une bouteille et disposai de quoi trinquer sur mon bureau. Dans quelques instants, j'allai enfin rencontrer deux légendes vivantes. La porte du bureau s'ouvrit. Samir précédait mes illustres hôtes. Je me levai aussitôt.

- Capitaine, voici nos deux clients, ils s'appellent …
- Harlock le corsaire et le professeur Tochiro Oyama finis-je.

Harlock et Tochiro ne furent que peu surpris. Après tout, ils étaient recherchés dans tous les systèmes civilisés et leurs visages étaient célèbres. Seul le visage de Samir marquait une grande surprise.

- Laisse nous Samir. Va voir Wang et préparez la commande de notre client.
- Bien mon capitaine !

Ce tic militaire devenait vraiment pénible à la longue. L'ex matelot s'en alla, en marchant avec une régularité presque inhumaine.

- Capitaine Harlock, professeur Tochiro Oyama, je suis ravi de faire votre connaissance. Prenez place je vous prie. Désirez vous boire un verre en attendant la fin du chargement ?
- Si c'est du bon vin, ce n'est pas de refus dit Tochiro avec un grand sourire.

Harlock gardait une expression sombre. Il me fixait attentivement, il cherchait à savoir à qui il avait à faire. Il remarqua sans trop de peine mon cosmodragon trop vite caché. Lui-même se tenait sur ses gardes. Tochiro leva vite son verre et le vida avec une bonne humeur qui me faisait plaisir.

- Votre ordinateur sera unique… me risquai je.

Tochiro s'arrêta net, et ses yeux trahissaient une panique soudaine.

- Qui vous a dit ce je faisais ? Personne ou presque ne pourrait deviner ce que je fabrique. Qui êtes vous ?

Je ne répondis pas tout de suite. J'examinai à nouveau Harlock et Tochiro. Le premier n'avait rien dit, et le deuxième semblait au bord de la crise de panique. Comme quoi, je pouvais encore faire un petit effet.

- Il fût un temps où je répondais au nom de… Bruma Simpa.
- Le visage de Tochiro s'éclaira à nouveau, étonné, abasourdi et ravi en même temps.
- Vous êtes … Simpa ? Le Bruma Simpa de Sélénia ?

Je répondis d'un signe de tête.

- Tu connais cet homme Tochiro ? demanda Harlock.
- De réputation, oui. Mais je croyais qu'il était mort depuis longtemps. Je crois que nous allons rester un peu plus longtemps que prévu sur Kadesh… Pour améliorer encore l'Arcadia… Notre bref séjour va vraiment être intéressant…

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La fin de Sélénia

Tochiro Oyama débitait en un flot continu tout ce son ami Harlock ne savait pas à mon sujet. Il insista sur toutes mes inventions, mes créations, vantait parfois mon habilité. Rien ne fut épargné au pauvre corsaire qui entendait parler de répulseurs magnétiques, d'alliages d'adamantium, de faisceau à particules. On avait déjà fini la première bouteille de vin.

- Harlock, Bruma a aussi crée le premier correcteur de trajectoire de navigation extra dimensionnel. C'était vraiment génial, je l'ai amélioré depuis, et je…
- Tochiro, coupa Harlock. S'il te plait… Comment en êtes vous arrivé là ?

Harlock posa son regard sur moi et me posa cette unique question. La seule à laquelle j'espérais devoir répondre. Ce n'est pas tous les jours que je peux raconter la fin de Sélénia à une personne qui ne me vendra pas aux Mazones l'instant d'après. Je dus me remémorer les derniers jours, les derniers instants. C'était au solstice d'été de l'an 2977. Les souvenirs revinrent, pèle mêle. Y mettre de l'ordre me demanda un effort assez déplaisant mais parler me ferait du bien, après tout.

Pendant un instant, je revis son visage, je revis l'olivier, puis plus rien.

- Sélénia était une merveilleuse planète. Nous vivions en paix, notre sécurité étant garantie par d'antiques traités de neutralité. Lorsque j'achevai mes études à l'institut galactique des mines, je fus convoqué par la Reine de Sélénia. Elle me confia la conception d'un nouveau vaisseau de guerre pour remplacer nos vieux croiseurs dépassés.
- Je ne vous imagine pas de tradition militaire remarqua Harlock. Pourquoi avoir accepté ?
- Je devais obéir à ma souveraine. Et puis, après tout, ce vaisseau n'était pas destiné à servir dans une guerre.

Je me dirigeai vers un mur et décrochai un antique sabre. Il ressemblait vaguement à l'arme d'Harlock, sauf que sa ligne était courbe et que sa garde n'avait pas de têtes de mort comme décoration. Juste une feuille de chêne argentée en relief tranchait avec la simplicité de l'arme. Je le montrai à Harlock, sans fierté, mais avec une nostalgie à peine voilée.

- J'ai reçu ce sabre le jour de mon admission au sein de l'académie navale Sélène. C'est probablement le dernier exemplaire existant dans l'univers à présent.
- Belle arme se contenta de dire Harlock. Et après ?
- Avec quelques amis, j'ai conçu un nouveau navire de guerre. Le plus puissant et le plus abouti de son temps. Je l'ai baptisé "Espérance", au grand dam de la Reine.
- L'Espérance ?
- Oui, coupa Tochiro après avoir scruté mon sabre. L'Espérance était le meilleur vaisseau à cette époque. Il concentrait le meilleur de la technologie et pouvait rivaliser sans problèmes avec l'ombre de la mort.

Harlock eut un petit frisson en entendant cette comparaison. L'ombre de la mort, bien qu'imparfaite selon Tochiro, était déjà redoutable. L'existence de navires aussi puissants n'était pas très rassurant, même pour une personne du calibre d'Harlock.

- On dit que ce vaisseau a été détruit avec son capitaine et son équipage lors de l'explosion de la planète Sélénia, reprit Tochiro.
- Ce n'est pas tout à fait exact… En fait, nous avons survécu…
- Pourquoi, vous serviez dessus ?
- Je fus le capitaine de l'Espérance, à mon grand regret.

Cette fois, le professeur Tochiro Oyama fut horrifié. Comment une personne telle que moi avait elle pu se retrouver capitaine d'un vaisseau de guerre puissamment armé ? Sur une planète neutre et pacifiste de surcroît. Cela n'avait aucun sens. Il devait y avoir une explication.

- Je devine que vous voulez savoir pourquoi. La raison est très cruelle.

Je repris ma respiration avant de me lancer dans quelques explications. La deuxième bouteille de vin était déjà pratiquement finie. Heureusement, il m'en restait encore une bonne douzaine en réserve.

- J'avais découvert peu avant le procédé d'extraction parfait du Blénium 3006. Je faisais des recherches sur le métal maudit car j'en avais besoin pour achever le vaisseau. En toute confiance, je fis part de cela à la reine de Sélénia. Mais, conscient du danger lié à la connaissance d'un tel secret, je lui demandai de ne le divulguer à personne. La souveraine n'accepta qu'à une seule condition. Que je devienne capitaine de mon vaisseau, l'Espérance. J'acceptai, car deux personnes au courant d'un secret, c'est déjà une de trop…

Je me voyais encore, dans cette salle immense, à genou devant la Reine sur son trône d'or. Voulait elle vendre le secret ? Quelles étaient au juste ses intentions ? Je me souvenais de cette angoisse viscérale lorsqu'elle me congédia.

Je n'ai réalisé que trop tard mon erreur fatale. Mais que pouvais je faire après ? Il n'y avait rien pour réparer ce que j'avais fait…

- Je comprends… Vous avez accepté pour garder ce secret à l'abri des convoitises. Mais ensuite, comment se fait il que Sélénia ait explosé ? Que s'est il passé ? La voix d'Harlock se faisait plus pressante.
- Un jour, elles sont apparues. Les Mazones… Leur Reine Rafflesia nous adressa un ultimatum : soumettez-vous ou mourrez. Je suis sur qu'elles savaient pour le Blénium.

Harlock et Tochiro froncèrent les sourcils lorsque je mentionnai leurs ennemies jurées. Nous avions aussi ce point là en commun. Nous ne supportions pas ces créatures parlantes, arrogantes et destructrices. A cette époque, elles se contentaient de soumettre quelques planètes pour assouvir leur soif de conquêtes. Elles sont désormais prêtes à prendre le chemin de la lointaine terre aujourd'hui.

- Les mazones sont nos ennemis, annonça Harlock. Tout comme les humanoïdes et leur reine, Prométhium.

Je pianotai quelques instructions sur la console de mon ordinateur. Un projecteur d'image envoya sur le mur ce qui fut autrefois les gros titres d'un journal Sélène. Une photo montrait fièrement quelques vaisseaux s'élancer dans un ciel bleu pur. Le texte, en deux langues, vantait le départ de notre flotte afin de faire valoir nos droits.

- Seulement sept vaisseaux ? Ce n'est pas un peu restreint pour une flotte demanda Harlock.
- Notre Reine refusa de se soumettre et pensa que nos traités nous garantissaient assistance et secours. Mais personne ne vint nous aider. Les Mazones nous attaquèrent sans autre avertissement. Malgré la supériorité de l'Espérance sur les vaisseaux ennemis, j'étais un piètre tacticien et plusieurs fois mon vaisseau failli être détruit. Je tentai un ultime assaut contre le vaisseau amiral Mazone mais je dus battre en retraite. A ce moment là, Sélénia fut détruite par un tir concentré de toute l'armada Mazone.

Cette explosion résonnait encore dans ma tête. 345 millions de morts en quelques secondes. Des lieux paradisiaques, des paysages superbes, un peuple pacifiste vivant dans la paix et l'harmonie. Tout a disparu dans un océan de fer et de feu…

Et je n'ai pas été en mesure d'empêcher ce massacre me dis je. Et pire que tout, elle a disparu depuis ce jour funeste. Je n'ai pas su la protéger. Quel piètre capitaine tu fais…

- J'ai fui en navigation extra dimensionnelle et j'ai atterri sur Kadesh par hasard. Nous étions à peine une quarantaine de survivants. J'ai utilisé ce qui restait du vaisseau pour créer ce complexe minier.
- Je ne comprends pas quel but vous poursuivez… Vous devriez repartir combattre les Mazones objecta Tochiro.
- J'ai une autre priorité qui passe avant tout répliquai-je.

Mon regard se détourna et fixa inconsciemment une vieille photographie sur le bureau. Tochiro et Harlock le remarquèrent et fixaient également à présent le petit portrait. Elle était belle dans son uniforme de jeune cadette de l'académie navale. Ses yeux gris profonds exprimaient une grande douceur. La dernière photo qui me restait d'elle était un peu jaunie. Le temps et l'atmosphère synthétique du bureau.

- Je l'aimais, je l'aime toujours, fis je en guise d'explication. Elle était officier sur le croiseur "Céleste". J'ai perdu sa trace après ma fuite de Sélénia. Depuis, je passe le plus clair de mon temps à la chercher dans la bordure.
- Je comprends, mais pourquoi tout ceci ? Pourquoi cette mine ? Pourquoi ce "commerce" ? demanda Tochiro.

Je ne répondis pas. Harlock me regarda d'un air entendu et répondit à ma place.

- C'est pourtant clair, Tochiro. Bruma a échappé aux Mazones et tout le monde sait qu'il détient la clef pour utiliser le métal maudit. Cela en fait un homme recherché partout dans la galaxie. Il est considéré comme un hors la loi et a besoin d'une cachette. En plus, ses "activités" doivent demander certaines "ressources".
- Exact capitaine Harlock. Je suis recherché dans tous les systèmes de cette galaxie, à un bon prix d'ailleurs. Je paye cher des informateurs et d'autres personnes pour savoir où est enfermée celle que je cherche. Mes interlocuteurs demandent souvent un prix élevé et ils n'acceptent pas les cartes de crédit.

Harlock semblait admirer ma détermination, son attitude en disait long sur ce qu'il pensait de tout cela. Le professeur Tochiro Oyama avait cessé de me harceler le temps de mes explications. Mais, il allait revenir à la charge pour tenter d'avoir quelques données techniques. Même une personne de son calibre ne pouvait pas tout savoir…

Devais je leur montrer ? Était ce prudent ? Et après tout, pourquoi pas ? Ce ne sont pas des personnes comme Harlock ou Tochiro qui me vendront pour 100 000 pièces d'or.

Je me levai et adressai un grand sourire à mes invités. Je voulais les aider, mais autrement qu'en leur vendant quelques produits. Je pouvais faire autre chose.

- Venez avec moi, je voudrais vous montrer l'Espérance. Enfin, ce qu'il en reste…
- Je n'ai remarqué aucun reste de vaisseau en arrivant dit Harlock.
- Il faut parfois aller au-delà des apparences.

Le visage de Tochiro ressemblait à celui d'un gamin à qui on vient de promettre un superbe cadeau de Noël. Il sautait littéralement dans la pièce, ce qui avec la faible pesanteur occasionna un choc mémorable entre sa tête et le plafond de la pièce.

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La cathédrale de Kadesh

Je verrouillai la porte du bureau de l'intérieur. Je ne voulais pas prendre le risque de montrer l'Espérance à n'importe qui, même à ses anciens membres d'équipage.

- Comment va-t-on sortir demanda Tochiro ? Il n'y a qu'une porte.

Pour toute réponse, je transmis quelques codes via la console de contrôle de l'ordinateur du bureau. Quelques instants après, un bout de mur nu anodin laissa apparaître un passage large de 2 mètres environ. Des lumières fixées régulièrement s'allumèrent les unes après les autres dans ce couloir silencieux.

Assez efficace mon système de camouflage holographique. J'en suis content. Mais allons explorer la cathédrale de Kadesh…

Je précédai mes invités dans un immense escalier qui s'enfonçait dans la terre. L'atmosphère était respirable, mais un peu froide et sèche. L'escalier s'arrêta, puis on s'engagea dans un couloir, aux parois métalliques. Parfois, on devinait des inscriptions ou autre chose, mais le temps et la guerre avaient fait leur œuvre.

- Où sommes nous ? Finit par demander Tochiro
- Actuellement, nous venons de passer le 7ème compartiment de la tranche Echo. Troisième pont, au dessus de la salle des réacteurs secondaires. Suivez le guide…
- Nous sommes dans … le vaisseau ???

Pour protéger la mine et ses habitants, j'avais fait enterrer au maximum l'Espérance. Une partie de ses entrailles avait servi à la construction des autres installations, mais tout le reste dormait au plus profond de Kadesh. Le vaisseau était là, sous nos pieds. Au fur et à mesure de notre progression, Harlock et Tochiro remarquèrent plusieurs objets de la vie quotidienne jetés par terre. Ça et la un stylo, un cahier, un registre, voire une arme donnaient un aspect de vaisseau fantôme ou de … tombe.

Soudain, une paire de botte, sans son ancien occupant. Harlock et Tochiro s'arrêtèrent devant les restes du soldat.

- Je n'ose pas trop toucher ce qui reste ici. J'éprouve un profond respect pour ceux qui sont morts lors de la bataille. Je songe à laisser cet endroit dans cet état, comme un sanctuaire. Les pertes furent horribles. Au moins 600 morts.
- 600 personnes ? demanda Harlock.

Nous étions arrivés dans la coursive centrale, au milieu du vaisseau. Les deux grandes portes que nous voyions à droite et à gauche étaient autrefois les portes d'accès principales. Sur les cloisons blindées poussiéreuses, une plaque attira l'attention d'Harlock.

Flotte Royale de Sélènia
Vaisseau Amiral de première classe l'Espérance
Lancé le 8 janvier 2976
45 officiers
360 officiers mariniers
250 quartiers maîtres et matelots
20 mousses et aides
4 réacteurs à Elérium
Système de navigation extra dimensionnel Simpa 1-B v2976
Commandants :
Capitaine Bruma Simpa – 2976 à …

Je connaissais par cœur le contenu de cette plaque de baptême. Je me souvenais aussi de cette soirée inaugurale, où je fus tellement malade que je dus me faire évacuer par le service médical de la base.

En face de la plaque, une cloison vide ne portait plus qu'un seul ornement. Le drapeau Sélène avait encore de la classe. Un rectangle de drap blanc, avec un croissant de lune brodé en fil d'or, avec la devise de mon ancienne planète "La Liberté pour tous". Mais le blanc devenait gris et sale, et le fil d'or avait depuis longtemps perdu son lustre d'origine.

J'aurais peut être du le garder ailleurs, ce drapeau. Quoique, il ne signifie plus rien pour personne, à part moi. Mes robots de compagnons se soucient ils encore de ce que fut la planète Sélènia ?

- Ce dut être terrible, me dit Harlock. - Oui. J'ai surnommé cet endroit la cathédrale de Kadesh, en souvenir de ceux qui sont morts.
- Où nous emmenez vous ? Je veux voir la salle de contrôle, étudier les réacteurs, et aussi le système de synchronisation. Je peux aussi regarder l'ordinateur central ? Je voudrais aussi savoir si…

Le professeur Oyama m'assaillait de questions de plus en plus pressantes. Il voulait tout savoir sur tout, pour l'améliorer et l'utiliser à son tour sur l'Arcadia. Mais il n'y avait que peu de choses qui lui serviraient de toute façon. Et puis, je voulais aussi aider Harlock dans sa lutte contre les Mazones. Et j'avais un bon moyen de le faire…

Je fis descendre mes hôtes dans le fond du croiseur. Un digicode s'alluma au fond d'une coursive mal éclairée. Je tapai mon code d'accès sur le contrôle de l'unique accès à la salle de l'ordinateur central. La porte s'ouvrit lentement, comme si elle me réclamait une révision complète.

L'ordinateur central était un monstre qui occupait au moins 300 mètres cubes, dans une immense pièce circulaire. Seul l'éclairage de secours fonctionnait encore, un seul terminal affichait des alertes et attendait des consignes.

- Voici l'électron, dis je fièrement. C'est l'ordinateur central de l'Espérance. Je dois avouer que je n'en suis pas le concepteur. Une bonne amie a programmé tous les algorithmes de traitement des données. L'informatique n'est pas vraiment ma spécialité.
- Belle bête, fit Harlock.
- Belle ? Ma-gni-fi-que tu veux dire s'exclama Tochiro !

Je m'assis devant la dernière console opérationnelle, afin de réveiller l'électron. Au bout de quelques secondes, d'autres lumières s'allumaient, d'autres écrans de rallumaient. Plusieurs voyants clignotaient indiquant plusieurs lancements de programmes en cours.

Puis une alarme visuelle et sonore. Je la désactivai aussitôt.

- Un problème ? demanda Harlock.
- Ne faites pas attention dis je sans me retourner. Il peste un peu car il n'y a plus qu'un réacteur de secours qui l'alimente. Les autres ont été démontés pour servir à l'usine. Il réclame une énergie plus fiable pour fonctionner.
- Que faites vous exactement ?
- J'ai enregistré toutes les données relatives à mon combat contre les Mazones. Vous avez les données sur leurs tactiques, leurs modes de navigation, les points faibles de leurs vaisseaux… Tout pour défaire Rafflesia et ses troupes.

Je tendis à Harlock un premier holo-disque avec ces précieuses informations. Ces secrets là aussi valaient une fortune. Pour Tochiro aussi j'allais graver un autre holo-disque.

- Et maintenant, quelques données techniques pour votre vaisseau. Je vous donne la composition du blindage réactif, les paramètres des systèmes d'armes, les…
- Les algorithmes de traitement informatiques pour l'intelligence artificielle ? demanda Tochiro avec gourmandise.
- Hélas, non, je ne peux pas. Ils ont été verrouillés par leur conceptrice, et elle seule détient les clefs de duplication. Si je les copie, ils vont se changer en virus et détruire tout le système. Je n'ai qu'un accès limité comme utilisateur.

Et vu ce qu'elle est devenue, cette informaticienne, mieux vaut ne pas s'en approcher. A moins qu'ils ne soient suicidaires…

Je tendis le deuxième holo-disque à Tochiro, qui exultait et sautait dans tous les sens. J'avais fait deux heureux aujourd'hui. Je m'apprêtai à replonger l'électron dans son sommeil lorsqu'il se mit à parler d'une voix faible. Il se demandait qui étaient ces visiteurs. Il n'en avait jamais vu depuis des lustres. Harlock et Tochiro furent surpris.

- C'est l'ordinateur qui parle comme çà ? demanda Tochiro.
- Oui, répondis je. Sa conceptrice jugea bon de lui apprendre les émotions. Mais il est devenu assez timide et il ne parle pratiquement plus. Je lui faisais la conversation, dans le temps…

Programmer un ordinateur comme l'électron, doté d'une véritable intelligence artificielle, prenait du temps. Tout était basé sur des algorithmes d'apprentissages calqués sur les comportements humains. En fait, au départ il s'agissait d'un bébé qu'il fallait tout simplement éduquer et faire grandir. Cela prenait des mois, mais le résultat était nettement supérieur à tous les autres programmes de seconde zone.

Je me souviens, avant le lancement. Elle était venue avec moi voir l'électron. J'ai fait en quelque sorte les présentations. L'électron semblait content que je sois amoureux d'une telle personne… C'était il y a bien longtemps…

Mon communicateur se mit à grésiller. Wang et Samir me cherchaient, ils avaient fini le chargement et vérifié le paiement. Je jugeai le moment opportun pour reconduire mes invités hors de la cathédrale de Kadesh. L'électron replongea dans son sommeil. Les lumières s'éteignirent une à une et tous les écrans redevinrent noirs.

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Un dernier échange de cadeaux

Le bureau paraissait bien lumineux en comparaison avec les entrailles de l'Espérance. Je reposai le sabre sur son présentoir et rangeai discrètement mon cosmogun dans un tiroir. Harlock et Tochiro s'apprêtaient à me saluer mais je les interrompis.

- Capitaine Harlock, professeur Oyama, j'aimerais vous donner à chacun un dernier conseil.

Je me tournai d'abord vers le gnome à lunettes. Je le fixais intensément, comme pour lui dire inconsciemment qu'il devait être très attentif.

- Professeur Oyama. Tenez-vous vraiment à obtenir les algorithmes de programmation de l'électron ?
- Ben, heu, oui. Et si possible, sans vous commander, le procédé de traitement du Blénium me qui permettrait de…

Harlock prit le bras de son ami. Il le regarda, l'air étonné, mais le pirate se contenta de faire un signe négatif de la tête. Ce secret là, je devais l'emporter avec moi dans la mort. Sinon, qui sait quels dégâts il pouvait encore provoquer.

- Bon, d'accord, va pour les algorithmes fit Tochiro, manifestement déçu
- Allez voir de ma part Sayuri Yomiko, dans le système de Galhan, dans la constellation des chiens de chasse. Mais soyez prudent, elle n'aime pas… heu… avoir de la compagnie, fis je avec un geste qui glaça le sang du petit savant.

Je débloquai la porte d'accès au bureau et invitai mes deux hôtes à me suivre. Je comptai les raccompagner moi-même pour leur souhaiter bonne chance. Tochiro voulait absolument visiter mon installation. Je n'y tenais pas plus que cela, mais il insista tellement que je finis par céder. Harlock lui refusa et se dirigea vers leur navette. Je ne m'en offusquai pas, et commençai une visite détaillée pour Tochiro. On aurait dit un gamin…

Harlock monta discrètement dans la navette et s'assit devant l'ordinateur de contrôle. Il établit une liaison avec l'étoile de la combination et demanda à parler à Kei Yuki de toute urgence.

- Vous voulez me parler, capitaine ?

Le visage était assez flou dans le petit écran du communicateur, mais la transmission serait suffisante.

- Oui Kei. Cherche dans notre ordinateur où peut se trouver cette personne. Je te transmets les informations en ma possession. Fais vite s'il te plait. - Bien capitaine.

Harlock passa au scanner une copie (faite en toute discrétion) de la photo qui trônait sur mon bureau. Il attendit quelques minutes, qui lui parurent assez longues.

- Capitaine ? Je n'ai qu'une information qui ressemble à un lieu de captivité. 3ème planète du système de Wolf 351. C'est une planète prison Mazone.
- Merci Kei.
- Mais, qui est cette personne ?
- Quelqu'un qui compte beaucoup pour un ami.

La réponse d'Harlock était assez énigmatique pour signifier à Kei Yuki qu'elle n'avait pas besoin d'en savoir plus. Harlock grava rapidement ces informations sur un holo-disque.

Je raccompagnai Tochiro vers la navette, assez soulagé. Il n'arrêtait pas me poser des questions sur tout et n'importe quoi. Une fois sur l'élérium, après sur les convecteurs de masses, je commençai à en avoir mal à la tête. Harlock nous attendait sagement devant leur vaisseau.

- Voilà, c'est l'heure de se dire au revoir fis-je.
- C'était vraiment très intéressant. Je me souviendrai des jardins de Kadesh, fit Tochiro visiblement excité. Mais, tu avais parlé d'un conseil pour Harlock ?

Il me regarda avec un air interrogateur.

- C'est vrai, répondis-je. Capitaine Harlock, je suis un mauvais stratège mais j'ai repéré une grande faiblesse chez les Mazones. Leurs vaisseaux sont très fragiles et craignent les chocs, selon un certain angle. Leur blindage de tech-acier au lanthane est mauvais. Une bonne manière des éliminer est de les éperonner… Installez un tranchoir de proue sur l'Arcadia… Et rentrez leur dedans !

Harlock me dévisagea un instant, puis arbora un petit sourire énigmatique. Foncer dans le tas, c'était une tactique qui lui plaisait vraiment. Il me remercia de ce dernier conseil en me tendant un holo-disque. Il m'assura que j'y trouverai des réponses à mes questions. Je restai assez dubitatif.

La navette décolla peu après et réactiva son camouflage holographique. Avec 50 000 pièces d'or en moins, elle était beaucoup plus maniable et se fraya un chemin sans trop de peine. Peut être un jour nous nous reverrions.

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Le nouveau départ

Je repris quelques heures de repos après le départ de mes généreux clients. Dans d'autres circonstances, j'aurais rallié volontiers Harlock dans sa quête de liberté. Mais j'hésitai à me lancer à nouveau dans une aventure périlleuse. Je me sentais déjà responsable de 345 millions de morts, sans compter les Mazones et autres humanoïdes que j'avais éliminé lors des mes voyages. Je m'endormis dans un sommeil sans rêves et me levai le soir un peu plus reposé. L'holo-disque que m'avait donné Harlock était toujours sur mon bureau. Je n'avais même pas pensé à le consulter.

Bon, je regarde çà et je me prépare à repartir. J'ai déjà acheté un laissez passer galactique universel. Je continuerai à la chercher sur la planète de l'arc en ciel.

L'ordinateur émit un petit bip en décodant l'holo-disque. Au bout d'un instant, il afficha ce qui ressemblait à un dossier d'état civil. Mais cet en tête, ce blason… Du registre pénitentiaire Mazone…

Nom : Nennvial
Prénom : Laurelin
Dossier : X 00034
Race : Humaine (origine Sélène)
Grade : Officier en chef de 2
ème classe
Capturée le 22 juin 2977.
Lieu de captivité : Quazel-Dri. 3
ème Planète du système Wolf 351.

Je souriais en lisant ces informations. Enfin, c'était la première vraie bonne nouvelle depuis bien longtemps. Je serais volontiers reparti avec l'Espérance, si ce vaisseau était encore en état. Une planète prison, mal gardée par quelques Mazones. L'effet de surprise sera total. Je repris le cosmodragon et le sabre Sélène accroché sur le mur.

Allons chasser la mazone…


Mon long manteau en bure brune me donnait un air de pauvre voyageur égaré. J'aimais particulièrement ce vêtement, car je pouvais facilement y dissimuler mon sabre et mon cosmogun. Enfin, il me permettait de voyager anonymement partout. La grande capuche masquait bien mon visage.

Je marchai encore un peu et pénétrai dans un nouveau wagon. Encore vide. Le luxe des boiseries et le velours vert des sièges semblaient sortis tout droit d'un autre âge. Seul quelques voyants lumineux récents donnaient une touche de modernisme à l'ensemble.

Ce galaxy express est vraiment désert. Personne ne me remarquera ici. C'est un bon choix. Et puis, j'aime bien le train. J'aurais peut être pu me contenter de monter à Kadesh, au lieu de partir à l'autre bout de la galaxie.

Je pénétrai dans un nouveau wagon. Cette fois, je pouvais voir une personne. Une belle femme, blonde, avec cette coiffe noire. Je l'avais déjà vue, une fois.

- Bonjour me fit elle d'une voix douce. Je voyage seule. Voulez vous me tenir compagnie ?

Elle m'a reconnu, c'est sur. Pourtant elle n'était venue qu'une fois sur Kadesh.

Je relevai ma capuche et observais cette belle femme. Ses longs cheveux blonds atterrissaient en vrac sur la banquette. Ses yeux verts étaient très expressifs, mais un peu froids. Elle n'avait qu'une petite valise posée à côté de la fenêtre donnant sur le vide spatial. Sa tenue noire, bien que très seyante, lui donnait un air infiniment triste. Quel dommage pour une si jolie femme.

- Avec plaisir mademoiselle ?
- Maetel. Je m'appelle Maetel fut sa réponse. Vous semblez vous cacher avec ces vêtements. Vous … n'avez pas de billet ?

Je lui montrai mon laisser passer galactique universel. Mon pseudonyme était inscrit à l'encre noire dessus. Une petite partie des 50 000 pièces d'or d'Harlock avait déjà servi. J'en avais laissé suffisamment sur Kadesh pour permettre à mes compagnons de racheter leurs corps humain d'origine, si ils voulaient.

Maetel paru un peu surprise en voyant le billet. Puis on regard se fit un peu plus lointain.

- Voyagez-vous jusqu'à Andromède ?

Je ne voulais toujours pas de corps mécanique. Je savais ce qui se passait sur Andromède et je ne voulais pas y aller, même pour faire du tourisme. Scandium me tuerait certainement.

- Non, répondis je. Je m'arrête à Wolf 351.
- Dommage, fit Maetel. Je lis dans vos yeux une grande détermination. Vous pourriez vous faire robotiser. Comment vous appelez vous ?
- Euh... Gilestel
- Mais… est ce votre vrai nom ?
- Il existe des secrets que même une personne comme vous ne devrait pas savoir…

Elle me décocha un regard plein de surprise et d'incompréhension. Puis elle enchaîna :

- Pourquoi ne voulez vous pas de corps mécanique ?
- L'amour a plus de valeur que l'immortalité à mes yeux.

Elle sourit. Mais, cette fois, c'était un vrai sourire, chose rare chez Maetel.

Le contrôleur rentra à ce moment là dans le wagon et commença son monologue interminable sur le trajet et les arrêts du galaxy express jusqu'à Heavy Melder. J'engageai la conversation avec la mystérieuse Maetel après cela. Quatre jours de voyage jusqu'à Wolf 351. Un peu de compagnie n'était pas de refus.

Courage, Laurelin, j'arrive !
Allons chasser la mazone…