Disclaimer: Les g-boys ne sont pas à moi, les autres si :p

Genre: UA, school-fic presque masquée fluff, yaoi, probablement OOC (surtout Wu-Fei) et partiellement nawak.

Notes: Bonne lecture!

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Life in Technicolor

Chapitre 10

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Lorsque le japonais se réveilla ce matin-là, il fut surpris de trouver le natté lavé, coiffé et habillé, sagement assis sur son lit, un peu à la manière dont un petit garçon attendrait sa maman sur un banc devant l'école.

Il fut plus surpris encore que tout cela ait pu avoir lieu sans qu'il ne se réveille. Et comme s'il avait lu dans ses pensées, le natté murmura:

«Je suis un maître de la discrétion! Dire que je ne t'ai même pas réveillé!

— Maxwell…

— Tu sais, Heero, tu devrais apprendre à dire vraiment bonjour.

— Vraiment bonjour? questionna le brun en repoussant les draps.

— Genre en disant «bonjour» ducon! sourit Duo.

— Face de poulpe!

— Dis ce que tu veux, rien ne pourra me gâcher ma bonne humeur aujourd'hui»

L'ombre d'un sourire se forma sur les lèvres du japonais avant qu'il ne disparaisse derrière la porte de la salle d'eau.

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Aujourd'hui était un jour important pour Duo. Il allait enfin revoir «ses bouchons», comme il les appelait. A peine une semaine s'était écoulée depuis leur séparation. Elle lui semblait pourtant une éternité.

Son installation à l'académie avait été à la fois interminable et fulgurante.

Cette proposition était arrivée comme une bombe dans son existence et il avait de plus en plus de mal à considérer la chose comme un simple travail. Il se demanda comment il allait pouvoir à nouveau s'adapter à la vie dans les squats après tout ça. Et ce n'étaient pas tant les dorures et les tables bien garnies qui lui faisaient tourner la tête, mais surtout la chaleur d'un endroit «à soi» où rentrer le soir.

Pire encore, il se demandait comment il allait pouvoir arracher les enfants à cet endroit qui deviendrait inévitablement leur «chez eux» au cours des mois qu'ils allaient y passer. Mais en y réfléchissant, peut-être que si les choses se passaient bien, il pourrait négocier leur place au sein de l'orphelinat de manière définitive...

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Duo inspira l'air matinal à pleins poumons et se frotta nerveusement les mains. Trowa était parti chercher la voiture et Heero s'occupait des piques-niques commandés la veille aux cuisines. Quatre avait tout prévu, bien qu'il ne puisse les accompagner. Il était retenu par des obligations familiales, selon ses dires.

Il avisa le pick-up imposant du Français se garer dans l'allée et fit de grands gestes. Trowa lui sourit chaleureusement en descendant de voiture.

« Alors? Tu appréhendes?

—Tu rigoles? J'ai jamais été aussi impatient d'arriver quelque part!

— Installe-toi déjà alors, je vais voir ce que fabrique Heero », proposa le jeune homme.

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Il revint quelques minutes plus tard, aidant le Japonais à porter divers sacs de provisions.

Heero s'installa à l'avant aux côtés de Trowa et jeta un coup d'œil dans le rétroviseur. Duo semblait perdu dans ses pensées, regardant par la fenêtre sans vraiment voir le paysage. Il ne se troubla pas plus lorsque le Français mit le moteur en route et que le véhicule accéléra.

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Au bout de quelques minutes,Trowa lança un regard en coin au Japonais qui dévisageait toujours leur passager et sourit de manière ironique. Heero s'empourpra très légèrement avant de hausser les épaules dans un geste muet.

Il décida que le trajet lui permettrait à la fois de se venger du regard empli de sous entendu et aussi d'investiguer sur ces fameux sentiments, tellement primordiaux à la bonne compréhension d'une personne, selon Wu-Fei.

« Comment se fait-il que tu ne sois pas avec Quatre à l'anniversaire de Nadia, cette année?

— Qui vous aurait déposé à l'orphelinat si j'y étais allé? éluda Trowa. Tu sais bien que l'académie a été construite dans un lieu difficile d'accès sans voiture...

— Hn », soupira je Japonais, se disant qu'il devrait demander à Chang comment contrer les personnes qui refusent la conversation.

Le silence s'étira entre eux et Duo semblait toujours absorbé par la non-contemplation du paysage.

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Heero compta six minutes avant que le Français n'élève une voix enjouée.

« Alors Duo, comment tu te sens après cette première semaine? »

L'Américain tourna un regard étonné dans sa direction; il semblait pris au dépourvu par la question.

« Euh... Bien, je suppose. Beaucoup de nouveaux trucs à retenir, c'est épuisant. Un peu déstabilisant aussi. Et puis j'ai vraiment hâte de revoir les gamins! » sourit-il.

Le grand brun sourit en retour, et Heero se perdit dans des considérations perplexes. Duo était de ceux qui avaient le contact facile. Que ce soit avec Chang ou Trowa, le courant semblait passer facilement. Alors pourquoi les conversations semblaient toujours si fastidieuses lorsqu'il était impliqué? Pourquoi Duo trouvait-il systématiquement le moyen de se vexer lorsqu'il émettait un avis ou une opinion? Il manquait probablement de diplomatie, comme disait souvent le Chinois.

Trowa, lui, semblait avoir décidé d'agrémenter son voyage au détriment de son ami.

« En tout cas je te félicite! Tu es le premier colocataire de Heero à avoir tenu si longtemps! plaisanta-t-il.

— Oi! Je suis là je te signale, râla le Japonais. Et puis de toutes façons je fais des efforts! C'est pour...

— ...le bien de l'expérience! acheva Duo. La sacro-sainte réussite de votre projet! »

Le ton était un rien plus sarcastique qu'il ne l'aurait voulu.

Trowa haussa les sourcils et Heero se mordit la lèvre inférieure. « Pour la diplomatie on reviendra... », se dit-il. Il abandonna là toute idée de lancer une quelconque conversation pour la suite du trajet.

oOo

De toute évidence, les enfants avaient dû être avertis de leur arrivée. Ils se trouvaient en compagnie d'autres petits pensionnaires dans la plaine de jeux se trouvant à l'avant de l'édifice.

Lorsqu'ils virent une voiture pénétrer dans l'enceinte, ils cessèrent toute activité et dévisagèrent Heero qui sortit le premier du véhicule.

Duo ouvrit sa portière et sortit à son tour pour rejoindre le Japonais. Il eut à peine le temps d'apercevoir ses bouchons que ces derniers se mirent à courir à toutes jambes.

« Heero, prépare-toi! » s'étrangla-t-il dans un sourire.

Le Japonais n'eut pas le temps de se demander de quoi il parlait que cinq boulets de canons étaient sur eux, sautant au cou de l'Américain, hurlant un « Duooooooooooo! » collectif. Ce dernier tomba à la renverse, entraînant Heero avec lui, sous le regard amusé du Français.

« Je pense qu'on peut tout de suite passer au pique-nique, proposa Trowa, on fera la visite guidée un peu plus tard, ça vous va? Suivez-moi! »

Tout ce petit monde se releva dans un assentiment partagé et se mit en route, suivant un sentier de terre qui menait vers le haut d'une colline. De là, on avait une vue splendide sur la vieille ferme reconvertie en orphelinat. Une petite église à quelques mètres à peine de la ferme avait été restaurée pour y installer les religieuses, qui partageaient leurs temps entre l'éducation des enfants et leurs offices. C'était un petit coin de paradis, un peu hors du temps.

« Hé! Duo, j'ai eu mon premier plombage lundi! bafouilla Jim. J'ai dû aller avec Sœur Marie-Robert au village pour voir un monsieur qui m'a chipoté dans la bouche. Ian dit que c'est bien fait, parce que je me suis pas assez bien lavé les dents!

— Ian a raison. J'espère que ça te servira de leçon, sourit Duo.

— J'ai toujours raison, argua Ian. Quand t'es pas là en tout cas. »

L'Américain lui ébouriffa les cheveux et souffla un « merci »sans réel destinataire, alors qu'il posait les yeux sur Becky, accrochée comme toujours à son pantalon, serrant l'étoffe de ses petits poings.

Comme à leur habitude, Sam et Tom étaient principalement préoccupés l'un par l'autre, sans que ça ne les empêche de dévisager Duo avec de grands yeux emplis d'admiration. Étrangement ce fut Sam qui murmura « Tu nous as manqué, Duo », alors qu'ils s'installaient pour le pique-nique.

L'Américain aurait voulu avoir assez de bras pour les serrer tous contre lui. Il éclata d'un rire étranglé.

« Bordel, si vous saviez ce que vous, vous m'avez manqué!

— T'as dit un gros mot! releva Becky en se plaquant une main sur la bouche.

— T'es qu'un gros nul si tu sais pas t'exprimer sans gros mots! surenchérit le P'tit Jim.

— Ok, ok je suis coupable! » admit Duo en les laissant le punir à grands coups de chatouilles.

Le rire sonore de Trowa attira l'attention de Ian, qui sembla remarquer la présence des deux autres pour la première fois.

« Et c'est qui, eux? demanda-t-il.

— Trowa et Heero, tu te rappelles? C'est entre autre grâce à eux qu'on vous a trouvé cet endroit.

— Je me rappelle qu'ils étaient là pour nous amener ici, oui. Mais ça ne me dit pas qui ils sont.

— Des élèves de l'école où je dois aller, tenta Duo, sentant arriver une discussion qu'il aurait du mal à gérer.

— Et pourquoi tu ne pourrais pas aller à l'école ici avec nous? »

Il se tourna vers Trowa et Heero, les tenant pour responsables de leur séparation .

« Pourquoi il pourrait pas rester ici avec nous, hein ?

— Ian! prononça Duo d'une voix autoritaire. On en a déjà parlé!

— Je vois pas pourquoi ils ont besoin de toi là-bas! se défendit l'enfant. Ils peuvent pas te forcer de toutes façons!

— Mais dans quel monde tu as vécu, toi, ces trois dernières années? Regarde toi! Tu portes des vêtements chauds, tu as un toit au-dessus de la tête et tu vas à l'école! Tu crois que tout ça est gratuit?

— Non, bien-sûr, fit Ian en baissant les yeux.

— Rien n'est gratuit. Tâche de ne pas l'oublier!

— Tu ne devrais pas leur apprendre ce genre de chose, intervint Trowa.

— Et toi tu ne devrais pas t'en mêler, siffla Duo d'une voix basse.

— Tu leur ôtes leur enfance, avec des discours pareils.

— Ah oui? Et quelle enfance? Il y a certaines choses qu'il ne vaut mieux pas conserver! »

Le ton était monté soudainement. Instinctivement, les enfants se rapprochèrent de Duo, formant un barrage face au Français, lui faisant clairement comprendre qu'il était l'ennemi. Heero se surprit à espérer que Trowa n'insiste pas.

« Duo, tu te rends compte que tu les rends paranoïaques en leur assénant de telles idées?

— Connard! hurla Ian. Tu veux demander à Becky ce qui est arrivé la dernière fois qu'elle a accepté un truc « gratuit » de la part d'un étranger?

— Ça suffit! » cria Duo, voyant les yeux de la petite fille s'embuer.

Trowa observa avec stupeur la petite fille se cacher le visage dans les mains. Réalisant son erreur, il déglutit. Effectivement il ignorait pratiquement tout de leurs vies, de leurs souffrances. Il s'était permis de juger trop rapidement et cela ne lui ressemblait pourtant pas. Se levant, il murmura qu'il était désolé et qu'il allait faire un tour.

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Heero avait assisté à la scène en spectateur. Il nota avec amusement que Ian, qui montrait quelques minutes plus tôt un comportement enfantin avec l'Américain, se transformait en copie conforme lorsqu'il s'agissait de défendre les siens.

Il sourit brièvement en avisant Duo bercer doucement la petite fille dans ses bras, caressant ses cheveux effilés. Son sourire s'effaça en la regardant sangloter.

Il se dit que malgré tout, l'Américain avait conservé une part de leur enfance. Il avait simplement été obligé de sacrifier un peu de leur naïveté, pour être à même de les protéger.

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L'incident clos, le reste de l'après-midi se déroula dans une relativement bonne humeur. Ian décrivit de manière détaillée leur rythme de vie au sein de l'orphelinat et à quel point les sœurs étaient exigeantes, ce qui fit beaucoup rire Duo. Ce dernier posa de nombreuses questions sur la manière dont ils étaient traités et le type de repas qu'ils prenaient. Il apprit également que ses demandes avaient été respectées: le P'tit Jim avait vu un dentiste, les bouchons dormaient tous dans la même chambre et on ne tentait pas de séparer inutilement Tom et Sam. Les choses semblaient se goupiller étonnamment bien et les enfants avaient l'air heureux. Duo se dit un instant que c'était trop beau pour être vrai, qu'il n'était pas le héros d'un sitcom formaté à deux balles, et que pourtant pour une fois, quelque chose de bien semblait lui arriver.

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Il regarda Becky s'extasier devant les yeux bleus de Heero juste avant de lui demander si elle pouvait lui faire des tresses. Il s'esclaffa en imaginant la scène.

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« Hn. Non, décida le Japonais. Mais moi je peux t'en faire. »

Les grands yeux de Becky s'illuminèrent d'une joie indicible et elle battit des mains en lui sautant sur les genoux.

Heero baissa les yeux sur la mince silhouette de la petite fille et son cœur se serra brièvement. Il n'arriva pas à déterminer s'il était attendri ou peiné.

Les enfants étaient bien plus faciles à comprendre, finalement. Ils n'avaient pas tendance à cacher leurs souffrances ou à bouder leurs envies. Et tous ces gosses là, ils avaient réussi à garder cette pureté inopinée, malgré leur vie un peu décousue.

« Ils ont eu de la chance de t'avoir. », déclara-t-il sans réfléchir, plongeant ses yeux dans ceux, étonnés, de l'Américain.

Ce dernier ne répondit pas. Il se contenta d'un demi-sourire et de sourcils haussés.

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Plus tard,Trowa finit par revenir et Duo lui fit signe de s'asseoir à ses côtés.

« Je suis désolé de ce qu'il s'est passé, s'excusa le Français.

— C'est normal qu'on ne se comprenne pas toujours. On vit pas dans le même monde.

— J'ai parfois du mal à l'accepter, admit Trowa.

—Je sais que tu n'as aucune mauvaise intention, t'inquiète. »

Et comme si le pardon de Duo avait valeur absolue, Ian accorda un demi-sourire au Français.

« Pardon de t'avoir traité de connard.

— C'est oublié! sourit Trowa »

Duo ramena ses bras derrière sa tête et s'allongea, soupirant de contentement. Et comme s'il était l'heure de la sieste, les bouchons vinrent se pelotonner contre lui – sur lui serait plus approprié dans le cas du P'tit Jim. Becky, quant à elle, appuya confortablement son dos contre le torse du Japonais et émit un bâillement sonore en se blottissant dans ses bras.

Duo inspira et se dit que ça devrait durer toujours, d'être allongé là, dans l'herbe avec les gosses, sans avoir la peur au ventre. Sans devoir penser à trouver de quoi bouffer ce soir. Sans se demander si l'eau avait été de nouveau coupée au squat. Ou bien s'ils auraient assez chaud cet hiver. Un million de soucis qui disparaissaient l'espace d'un instant, laissant un vide énorme, et en même temps empli de tout ce bonheur gratuit. Il arrivait presque à l'oublier, sa vie d'avant. Presque.

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Heero avait les yeux fixés sur le rétroviseur. Duo n'avait pas du tout la même expression qu'à l'aller, il semblait empli d'un tout nouveau bonheur et était visiblement rassuré des bons soins prodigués aux enfants. Et il avait le bonheur contagieux.

« Trowa, est-ce que tu pourrais me déposer dans le quartier où vous m'avez trouvé? demanda-t-il, un peu gêné. Il y a un truc que j'aimerais faire.

— J'ai promis de ne pas te laisser seul, émit le Français.

— J'en ai pour une heure tout au plus. Vous n'aurez qu'à m'attendre dans la voiture. Il est à peine cinq heures, on ne doit pas rentrer tout de suite, si ?

— Non, je suppose que ça ne posera pas de problème », capitula Trowa, sous le regard courroucé du Japonais.

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Le tintement caractéristique de la clochette quand la porte s'ouvrit fit frissonner Duo. Une semaine à peine, songea-t-il, en essayant de dissimuler le gros paquet qu'il tenait dans un sac plastique. Par chance, il était arrivé juste avant la fermeture du grand magasin.

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Il était heureux aujourd'hui, ses bouchons aussi, et il avait envie de faire durer ce bonheur encore un peu. De le partager.

« Yo Hélène! » appela-t-il, depuis l'entrée du snack.

L'interpellée se dévissa presque la tête tant son retournement fut soudain. Elle jeta littéralement sa tasse de café au client qu'elle était occupée à servir et fit précipitamment le tour du comptoir.

« Duo! souffla-t-elle avant de le serrer contre sa poitrine opulente. Je me suis fait du souci! Une semaine entière que tu n'es pas venu! Et on entend plus parler des gosses, dans le coin.»

Elle le fit un peu reculer pour l'observer de haut en bas. Il souriait à s'en abimer la mâchoire.

« Mais tu as l'air en pleine forme, fit-elle en lui pinçant la joue. Allez, viens t'asseoir, tu vas me raconter! »

Duo accepta de bonne grâce et s'installa à sa place habituelle au comptoir, sous le regard attendri d'Hélène. La revoir lui serrait la poitrine. Elle n'était pas si présente que ça dans sa vie, et pourtant elle représentait ce qui était le plus proche d'une mère, pour Duo. C'était toujours dans ses jupes qu'il allait chialer, quand le monde devenait trop lourd à porter.

« Tu m'as manqué, Hélène! sourit-il. Je vais prendre un café, s'il te plait.

— Tiens, c'est pour la maison, dit-elle en lui servant une tasse du liquide amer.

— Alors là pas question! répondit Duo. Tu vas ruiner mon effet de surprise. »

Elle le regarda sans comprendre, un air amusé plaqué sur le visage.

« Allez, dis-moi combien je te dois!

— Euh, un dollar ? proposa-t-elle. »

Duo tendit le billet et jubila, en entendant le crachotement douteux de la vieille caisse enregistreuse.

« Tadaa! fit-il en déposant sur le bar son gros sac en plastique. Cadeau! »

Hélène déballa le paquet rapidement et en extirpa une caisse enregistreuse flambant neuve, et joliment décorée qui plus est. Son visage s'illumina.

L'état de délabrement du vieil objet avait souvent été un sujet de plaisanterie entre eux, et il s'était promis que si un jour il avait l'occasion de remercier Hélène de toutes ses attentions, ce serait avec quelque chose comme ça.

« Merci, vieille femme, de me supporter depuis toutes ces années. », dit-il d'un ton bourru.

Il n'avait jamais été à l'aise avec les discours à cœur ouvert, mais les yeux brillants d'Hélène lui indiquaient qu'elle l'avait compris.

« Je ne suis pas vieille! protesta-t-elle, la gorge serrée.

— Tu rigoles ! Regarde-toi, un vrai dinosaure!

— Tu as l'air heureux, Duo, qu'est-ce qu'il t'arrive? Tu es devenu scandaleusement riche?

— Nan, j'ai juste trouvé un boulot pour quelques mois. Et un orphelinat digne de ce nom pour les gosses. Tu devrais les voir, Hélène, ils sont super bien là bas! C'est pour ça que tu nous vois plus dans le coin. »

Hélène regarda sa nouvelle caisse enregistreuse d'un autre œil.

« Si c'est un cadeau d'adieu, je n'en veux pas, décida-t-elle.

— Tu plaisantes? Je viendrai te voir dès que je peux. C'est un cadeau parce que j'avais plus de cinquante dollars en poche pour la première fois depuis des années! Et parce que tu le mérites! »

Elle eut le regard inquisiteur un instant mais sembla soulagée.

« Et rassure-toi, t'es la plus belle vieille que je connaisse! » sourit Duo.

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A leur retour à l'académie, Heero emmena un Duo affamé prendre leur repas du soir, mais le Français ne les accompagna pas.

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Perdu dans ses pensées, il grimpa les escaliers du dortoir des garçons jusqu'au dernier étage: le salon privé de Quatre. Ce dernier devait être absent, puisque la porte était fermée.

Trowa utilisa la clé que le blond lui avait donnée longtemps auparavant et pénétra dans la pièce. L'odeur des vieux bouquins reliés de cuir lui emplit les narines, et il nota à quel point l'odorat se révélait être un déclencheur mémoriel puissant. Pas tant que cela faisait remonter des souvenirs, plutôt des impressions, des sensations. Un genre de bien-être paisible.

Il s'installa dans le fauteuil situé juste devant la cheminée et reprit le bouquin qu'il avait laissé là quelques jours auparavant.

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Wu-Fei repéra rapidement ses deux amis dans la file du buffet et vint s'intercaler entre eux, s'attirant les protestations des élèves derrière eux. Les ignorant, il s'adressa à Duo d'un ton enjoué:

« Alors cette journée?

— Super ! répondit Duo. Les enfants vont bien et ils étaient contents qu'on se retrouve.

— Et Heero a survécu, visiblement, émit le Chinois en tournant le regard vers son ami. Tu as réussi à supporter toute une journée en compagnie de ces petits êtres charmants que sont les enfants, félicitations!

— Il a même fait des ravages! Je l'ai entendu promettre à Becky de revenir la voir pour qu'elle le laisse monter dans la voiture », ajouta Duo.

Jugeant qu'il était inutile de répondre, le Japonais choisit ses aliments en silence et se dirigea vers une table libre, suivi peu après de Duo et Wu-Fei.

Ce dernier regarda autour de lui et commenta les décorations installées la veille.

« J'ai entendu dire que c'était Réléna qui se chargeait d'organiser le bal d'automne, cette année. C'est une très bonne nouvelle!

— Si tu le dis, répondit Heero.

—Tiens, tiens, c'est étonnant que cela te fasse plaisir. D'après les dires de la demoiselle, la plupart des étudiants s'attendent à une soirée rasoir! observa Duo.

— C'est pas faux. Réléna est très appréciée ici, mais ça n'empêche pas que son côté fleur bleue en agace plus d'un, surtout s'il s'agit d'organiser ce genre d'activité. Mais la bonne nouvelle, dans mon cas, c'est que je fais partie du comité d'organisation pour tout ce qui est évènementiel!

— Tu ne comptes quand même pas te servir de ton statut pour abuser d'elle? mordit Duo.

— Mais ça va pas la tête? répondit le Chinois. Je suis juste content d'être amené à passer un peu de temps avec elle, c'est tout. Pour qui tu me prends ? »

Duo baissa le regard sur son assiette et s'en voulut un peu.

« Désolé, Wu, ch'uis ptêt un peu parano, en fait. Trowa n'a pas tort. »

Wu-Fei haussa les épaules et balaya le moment de gêne d'un geste de la main, se perdant dans un babillage indistinct au sujet de cette fameuse soirée à organiser.

Heero,lui, nota que tant dans le cas de Trowa cet après-midi que dans celui de Duo ce soir, il était difficile de s'adapter aux règles d'univers si différents. Ce qui relevait de la prudence la plus élémentaire dans le monde où avait grandi Duo se transformait en une paranoïa aiguë dans le leur.

« Ah au fait, moi aussi je me suis retrouvé embarqué dans cette histoire. Réléna a été la seule à se présenter au comité d'organisation du bal, et quand j'ai voulu la consoler elle en a profité pour me demander de participer, en quelques sortes.

— Ça ne m'étonne pas d'elle ! sourit Wu-Fei.

— C'est bizarre, tu sembles bien la connaître et pourtant l'autre jour, je lui ai parlé de toi et elle n'avait pas l'air de... Il s'interrompit en voyant le visage déconfit de son ami.

— Hey, tu parles à son admirateur secret durant ces quatre dernières années! Là depuis quelques temps je fais une pause parce que les fixations stériles ne mènent jamais bien loin. »

Il dit cela avec un sourire qui n'atteignit pas ses yeux et cela impressionna Duo, qu'on soit capable d'assumer ouvertement ses sentiments comme ça, même s'ils n'étaient pas partagés.

« Franchement je ne vois pas ce qu'elle lui trouve, à Heero, murmura l'Américain. Tu es bien plus intéressant que lui!

— Je suis là je te signale! protesta le Japonais.

— Et alors? C'est pas pour ça que je peux pas donner mon avis!

— Face de poulpe ! » siffla Heero avant de se lever, son plateau vide entre les mains.

Il sortit de la cafétéria sous le regard médusé de Wu-Fei.

« Tu l'as vexé, je crois, constata-t-il. C'est étonnant.

— Je vois pas ce que ça a d'étonnant, il passe sa vie à râler.

— Peut-être même qu'il est un peu jaloux! continua Wu-Fei, ignorant la réponse de son vis-à-vis.

— Mais oui bien sûr...

— Non, sérieusement. Le comportement de Heero à ton égard est vraiment troublant. Tu devrais faire preuve d'un peu d'indulgence, tu sais. Tu mets vraiment sa vie sans dessus dessous.

— Mouais, j'ai rien demandé en même temps! » protesta Duo.

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Avant de rentrer dans sa chambre, Heero fit un détour dans la salle commune afin de lire le journal.

Divers journaux étaient apportés chaque jour à l'académie et l'enseignement prodigué mettait l'accent sur l'importance pour chacun des élèves de se tenir au courant de l'actualité.

De plus, c'était sa manière à lui de se changer les idées, le seul hic étant que les journaux proposés ne pouvaient pas être emportés. Il fallait les lire sur place. Il s'installa donc à l'un des petits bureaux du fond, à l'écart des fauteuils confortables où la plupart des étudiants présents étaient avachis. S'asseyant, il remarqua avec effroi les yeux de Crabbe posés sur lui, depuis l'autre bout de la pièce. « Merde », pensa-t-il. S'il avait repéré l'élève plus tôt, il aurait fait demi tour. Mais c'était trop tard.

Fidèle à ses habitudes, Heero ignora superbement l'étudiant et se plongea dans son journal. Il lut les mot sans réellement imprimer, plus absorbé par ses pensées que par sa lecture.

Contrairement aux prévisions de Wu-Fei, Crabbe n'avait en rien profité de l'éloignement de Trowa pour s'en prendre à Quatre. Il était bien trop préoccupé par l'arrivée de Duo au sein de l'école.

Il avait passé le peu de cours qu'ils avaient eu en commun à le fixer et s'était empressé de se présenter, usant de tout le charme dont il avait pu faire preuve. Heero se rappela qu'il avait dû se faire violence, pour passer à côté d'eux sans intervenir, l'Américain devant rester libre de ses choix.

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Mais Crabbe n'était pas dupe; il avait parfaitement saisi le léger changement chez Heero. Il ne l'avait pas rêvé, cet éclair dans les yeux du « petit soldat » pas si indifférent.

Il n'avait pas encore eu l'occasion de mettre à profit sa récente découverte et se fit une joie de poser le premier pas vers une nouvelle tentative de conquête de son meilleur ennemi.

Traversant la pièce à grandes enjambées, il vint s'asseoir en face du Japonais. Ce dernier ne releva pas les yeux vers lui.

« Tiens, Heero, tu lis justement le journal que je voulais! émit-il d'une voix avenante. Tu en as pour longtemps ?

— Non, vas-y. Fais-toi plaisir », répondit le Japonais d'une voix monocorde, tendant le papier.

Ernest Crabbe sourit de toutes ses dents. Il savait pertinemment qu'il n'entrainerait pas si facilement Heero dans un conflit.

« Non, c'est gentil. Je ne voudrais pas te priver. »

Il observa Heero retourner à sa lecture pendant quelques minutes avant d'élever à nouveau la voix, choisissant ses mots avec soin.

« J'ai remarqué que tu avais un nouveau colocataire. »

Heero releva les yeux de son journal avant de se maudire pour ce geste. Crabbe sourit.

« Il m'a l'air très sympathique. Et très beau, ce qui ne gâche rien.

— Et bien tu devrais en informer le principal intéressé.

— Oh, ne sois pas jaloux Heero. Il ne te remplacera jamais dans mon cœur. »

Dire qu'il avait subi ce petit jeu des mois durant sans émettre la moindre protestation. L'indifférence était toujours la meilleure attitude, face à Crabbe. Le souci était que ce dernier ne se décourageait pas facilement. Et après une observation aussi intensive des faits et gestes du Japonais , il avait malheureusement appris à décrypter certaines attitudes, à repérer la plus infime des réactions.

Et là, il avait l'air de beaucoup s'amuser.

« Quoique... Je me demande s'il est porté sur la chose. Tu penses qu'il accepterait de venir faire un tour dans ma décapotable ? » sourit Ernest, carnassier.

Heero se remémora les mises en garde de Quatre sur le statut d'Ernest Crabbe et son incapacité à le sortir d'un faux pas s'il se mettait ouvertement le jeune homme à dos. Et jusqu'à lors, Heero avait très bien supporté. Mais là ça commençait tout doucement à le chatouiller.

« Comme je viens de le dire, tu devrais t'adresser au principal intéressé, répondit -il.

— Moui, sans doute. Mais puisque je vous vois souvent ensembles, je me disais que tu pourrais peut-être me renseigner, mentit-il avec aisance.

—Et bien je suis désolé nous n'avons pas abordé le sujet.

— Et puis surtout, continua Ernest, ignorant la réponse, c'est tellement amusant de te voir perdre toute contenance... Je pourrais le briser, tu sais, ton nouveau jouet»

Il se leva en même temps que le Japonais et le toisa du regard, le défiant de poser le moindre geste. Il jubilait intérieurement d'avoir mis le doigt dessus, sur ce qui faisait enfin réagir son parfait petit soldat.

Il voua instantanément à Duo un culte doublé d'une haine farouche.

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Le Japonais voulut sortir de la pièce mais il lui barrait subtilement le passage.

« J'aimerais que tu me laisses passer, Crabbe, siffla Heero d'une voix dangereusement basse. »

Ce dernier ouvrit la bouche pour répliquer mais fut interrompu par le nouveau venu, sujet de leur conversation.

« Ah, Heero, je me demandais où tu étais! Il s'arrêta net en avisant l'air renfrogné du Japonais. Euh, j'interromps quelque chose?

— Pas du tout! s'exclama Ernest en entourant d'un bras les épaules de Heero, statufié. On parlait justement de toi!

— Ah bon? demanda Duo, sceptique, en voyant l'air nauséeux de son ami. Euh tu le lâcherais pas là? Il a pas l'air bien! Allez, viens Heero, c'est l'heure de mon cours, de toutes façons. A plus, Ernest!»

Il tira Heero par son t-shirt et celui-ci le suivit sans demander son reste.

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« C'était quoi ce délire? demanda Duo en entrant dans la chambre. T'avais l'air complètement flippé avec l'autre.

— Je n'apprécie que très moyennement Crabbe, répondit Heero.

— Alors pourquoi tu le laisses te traiter comme s'il était ton meilleur pote?

— Là il m'a eu par surprise. Et puis je ne m'attendais pas à ce que tu débarques comme ça de nulle part. Je ne pensais pas que tu me chercherais.

— Dixit le gars qui se casse au milieu du repas, drapé dans sa vexitude exacerbée!

— Je remarque décidément à quel point la lecture du dictionnaire te profite, mais évite de tomber dans les néologismes, tu veux ?

— Les néo-quoi? grimaça Duo.

— Les mots qui ne sont pas dans le dictionnaire, précisément, souffla Heero. Et puis c'est quoi cette histoire de cours? On n'avait rien prévu pour ce soir.

— T'avais « sauvez-moi » écrit sur la tronche, excuse-moi de ne pas avoir trouvé plus original! »

Heero sourit imperceptiblement et s'assit à même le sol en soupirant. Duo vint s'asseoir en face de lui, comme si c'était tout naturel, l'encourageant à s'expliquer.

« C'est compliqué, avec Crabbe. Il fait un genre de fixation sur moi sans que je sache vraiment pourquoi. Il aime tout particulièrement me provoquer, et je suis coincé. Je ne peux pas réagir comme je le voudrais à cause de son statut. Même Quatre ne pourrait pas me tirer d'affaire si je lui collais mon poing au milieu de la figure. Même si parfois ça me démange.

— M'enfin! Pourquoi tu ne m'as rien dit? Tu ne m'as jamais mis en garde contre lui! s'étonna Duo.

— Crabbe peut se montrer tout à fait charmant avec ses amis. Et puis tu devais être libre de tes choix...

— Si tu dis « pour le bon fonctionnement de l'expérience », je crois que c'est moi qui te colle mon poing dans la tronche, soupira Duo, faussement agacé. J'ai plus envie d'entendre ça aujourd'hui.

— J'allais dire « pour ton équilibre personnel » protesta Heero.

—Et bien sache que ce raisonnement est complètement stupide. Il est évident que c'est vous quatre qui m'avez amené ici. Ça crée forcément des affinités, même s'il faut parfois les chercher, plaisanta Duo. Je partage ta chambre, Heero! Je vais pas aller m'acoquiner avec tes ennemis ! »

Le Japonais plongea ses yeux plus-bleus-tu-meurs dans le regard de Duo et celui-ci déglutit.

« En plus tu as marqué des points aujourd'hui, malgré ce que j'ai dit à Wu-Fei. Ton comportement avec les gosses m'a impressionné!

— Quel comportement? s'étonna Heero.

— T'aurais dû te voir avec Becky. J'aurais jamais imaginé que tu puisses faire preuve de douceur! »

Heero se remémora la petite fille qui voulait lui faire des tresses, ses grands yeux noisette et son teint pâle. La question qui l'avait taraudé tout l'après-midi franchit finalement ses lèvres:

« Qu'est-ce qu'il lui est arrivé? Avec l'étranger au truc gratuit, précisa-t-il, devant le regard perplexe de Duo.

— Ah, ça. Ian aurait mieux fait de se taire, au lieu de lui rappeler de mauvais souvenirs. Ce connard n'a jamais posé un doigt sur elle, rassure-toi.

— Alors pourquoi elle semblait aussi traumatisée à ce souvenir? demanda Heero.

— J'étais au bout de la rue, à quelques mètres à peine, quand je l'ai vue suivre un gars que je connaissais pas. Il lui avait proposé de lui offrir un nounours ou un truc du genre. Je me suis précipité vers eux en gueulant. Il lui a attrapé la main et l'a attiré vers sa voiture. Heureusement il n'a pas eu le temps de la faire entrer dedans que j'étais déjà sur eux. J'ai écarté Becky en lui hurlant de retourner auprès des autres, ce qu'elle était bien évidemment trop terrorisée pour faire.

— Hn, ponctua Heero, surprit de sentir ses poings se crisper.

— Le gars a cherché à remonter dans sa caisse mais j'ai vu rouge. J'étais fou de rage et je lui ai littéralement sauté dessus. T'aurais du voir la gueule de cet enculé, genre bon père de famille tout ce qui avait de plus normal. Ça ne l'a pas empêché d'avoir voulu me faucher ma Becky! J'osais même pas imaginer ses intentions. J'avais juste envie de lui faire bouffer ses couilles.

— Hn! acquiesça le Japonais.

— Et puis finalement c'est lui qui m'a planté. Il avait une lame planquée sous sa veste, et moi j'étais tellement ivre de rage que je me suis limite empalé tout seul. Après il a fini le travail en m'ouvrant le bide et est reparti comme il était venu. On l'a plus jamais revu, mais Becky a dû me regarder répandre mes tripes sur le trottoir en attendant l'arrivée des secours. Ça l'a pas mal secouée. »

Joignant le geste à la parole, il releva un pan de son t-shirt, révélant la peau lisse de son ventre barrée d'une longue cicatrice s'étirant de sa hanche droite jusqu'au dessous de ses côtes, de l'autre côté. Elle passait juste au-dessus du nombril que Heero fixait, médusé.

« En même temps c'est grâce à ça que j'ai rencontré Sally, si elle n'avait pas proposé de s'occuper de mes soins à moindre frais, je me serais sans aucun doute fait virer de l'hosto! »

Il s'interrompit et fixa Heero à son tour.

« Ça va Heero? T'as encore l'air bizarre! »

Le Japonais releva des yeux brûlant de colère.

« Je ne sais pas » dit-il en avança la main sans prévenir. Il effleura le ventre de Duo du bout des doigts.

Ce dernier se contracta avant de pouffer de rire.

« Ça te fait mal? demanda Heero, semblant ailleurs.

— Non, ça chatouille! » sourit le natté avant de rabaisser son t-shirt.

Le Japonais retira précipitamment sa main, comme si l'étoffe l'avait brûlé.

« C'est décidément une bonne journée, murmura Duo, on arrive même à bien s'entendre! »

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A suivre

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