Titre de l'épisode : « Rock the casbah and paint it, Black »
Disclaimer : les personnages et l'univers sont la propriété de Rowling (et de la WB).
Spoiler : toute la saga HP.
Avertissement : PG
Note 1 : La série d'Alexandre Astier, Kaamelott, m'a inspiré ce projet.
Note 2 : Parce que nous avons tous nos contradictions.
Note 3 : Parce que dans toute série, il y a un épisode qui raconte l'origine.
Note 4 : Le titre de cet épisode est une imbrication de deux titres de chansons : « Rock the casbah » des Clash et « Paint it, Black » des Rolling Stones (la présence de la virgule est avérée sur certains albums).
Personnages présents : Sirius Black, Regulus Black, Mrs Walburga Black, Mrs Druella Black, Andromeda Black.

Première date de parution : 27 mai 2010


Deuxième épisode caché. Promis c'est le dernier. C'est tellement le dernier que « Rock the casbah and paint it, Black » est en fait le dernier épisode de la série. J'espère qu'il vous plaira.


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Grimmauld Place

Épisode caché : « Rock the casbah and paint it, Black »

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Walburga considéra sa belle-sœur puis sa nièce et de nouveau sa belle-sœur. Elle avait la main sur la poignée de la porte et barrait l'entrée de sa maison de toute la hauteur de son corps trop maigre et trop sec.

— Druella, tu as amené Andromeda ? Il ne fallait vraiment pas te donner cette peine, dit Walburga d'un ton aigre. Je suis sûre qu'elle a autre chose à faire un samedi après-midi que prendre le thé avec sa mère et sa tante. Non ?

Andromeda était impressionnée par cette incapacité que sa tante avait à masquer son impolitesse. Cette dernière faisait des efforts pourtant, Andromeda en était certaine : Walburga Black tentait réellement de ne pas laisser transparaître ses pensées et ses émotions, mais échouait misérablement. Il viendrait un jour où Mrs Black n'essaierait même plus. Ce jour-là, Andromeda aimerait bien être là. En spectatrice, confortablement installée, pop corn à portée de main.

— Salut Tatie Walby, dit Andromeda avec bonne humeur. Je te claquerais bien une bise mais j'aurais peur de me geler la joue. Et ne t'en fais pas pour ton thé ! Je suis là pour voir les couz'. Ils sont bien là ?

Andromeda n'attendit pas la réponse, parce que, évidemment, Sirius et Regulus étaient là. Où auraient-ils pu être si ce n'est bien coincés entre quelques étages de cette horrible baraque ? Par Médée, ils étaient les Héritiers !

La jeune sorcière se glissa souplement derrière sa tante (le monde ne saurait jamais quelle merveilleuse attrapeuse Andromeda aurait pu faire ! Si le Quidditch l'avait un tant soit peu intéressée). Sans ralentir, elle traversa l'auguste entrée ornée des portraits d'augustissimes ancêtres constipés d'idées arriérées et gravit les vénérables marches de l'honorable escalier. Andromeda prit bien soin de faire tintinnabuler toutes les sangles de ses Doc Martens aux couleurs de l'Union Jack.

Sa tante en eut un haut le cœur, sa mère se mordit l'intérieur des joues, contrite de honte. Andromeda contint son éclat de rire jusqu'au premier étage. C'était tellement facile, que ça n'en devrait plus être drôle. Et pourtant…

Andromeda se pencha par-dessus la rambarde pour écouter les récriminations qui allaient pleuvoir sur son dos.

Andromeda avait assez vite compris qu'elle ne ferait jamais aussi bien que Bellatrix, qu'elle ne serait jamais aussi charmante que Narcissa. Tout ce qu'elle accomplissait décevait, tout ce qu'elle disait déplaisait. Et pourtant elle avait essayé. Vraiment essayé. Elle avait intégré la Maison de Slytherin, ses bulletins de notes étaient impeccables, ses petits amis avaient la noblesse qui leur suintait par tous les pores de la peau. Mais ce n'était pas suffisant. Ses meilleures notes étaient en soins aux créatures magiques, en astronomie, en histoire de la magie. Ses romances avaient une date de péremption de quelques semaines, pas même un mois. « Encore un nouveau petit ami ? Te rends-tu compte de la réputation que tu es en train de te faire ? » Mais elle les trouvait tous si ennuyeux, si semblables, si génériques. Elle avait vraiment essayé, d'être aussi parfaites que ses sœurs. Et puis elle avait arrêté, baissé les bras, rendu les armes, abandonné tout espoir. Puisqu'elle ne parvenait jamais faire ce qu'il fallait, puisque ses mots n'étaient jamais les bons, elle allait exceller à décevoir sa famille, embrasser le costume de mouton noir, se vautrer dans la provocation. Cas classique. Andromeda le savait. Elle estimait que c'était déjà ça.

Walburga aborda les sujets douloureux. Elle sauta à pieds joints dedans et les foula avec délectation. Et que comptait faire Andromeda quand elle aura fini ses études ? Avait-elle un époux en vue ? Bien sûr que non, puisqu'elle en changeait comme de chemise ! En parlant de chemise, qu'est-ce que c'était que cette tenue ? Comment Druella pouvait-elle la laisser se promener ainsi ? On dirait une vulgaire moldue !

Druella endurait en silence, acceptait les meurtrissures faites à son égo. C'était sa façon d'expier. Sa fille ne poussait pas droit, c'était nécessairement sa faute. Elle avait mal fait. Deux sur trois, c'était déjà pas si mal lui disait son mari.

— J'espère qu'elle ne va pas tenter de mettre des idées déviantes dans la tête de…

— Au fait, Walburga, ton fils se plaît dans la Maison de Gryffindor ? coupa Druella. Le choc n'a pas été trop dur à encaisser ?

Andromeda sourit. Druella endurait, mais pas longtemps et pas trop non plus. Fallait pas pousser Mémé dans les Mandragores !

Walburga se tut et dévisagea longuement sa belle-sœur. Druella sourit. Walburga ne s'embêta même pas à lui rendre la politesse.

— Le thé est servi, dit-elle froidement. Allons le boire avant qu'il ne refroidisse. Le thé réchauffé, ce n'est pas bon.

— Pendant que j'y pense, est-ce que tu aurais des fruits des Hespérides ? demanda Druella.

— Ils ne sont pas encore tout à fait mûrs.

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— A te pencher comme ça, tu vas finir en bouillie de sorcière au bas des escaliers.

Surprise, Andromeda perdit l'équilibre et la prédiction se serait révélée exacte si deux mains ne l'avaient pas attrapée et tirée en arrière. Un peu trop fort. Andromeda tomba sur son séant, entraînant dans sa chute ses deux cousins.

— Salut Sirius ! dit-elle avec un grand sourire, la tête penchée en arrière.

— Bonjour, lui répondit son cousin tout en l'aidant à se relever.

Andromeda épousseta ses vêtements. Et après s'être assurée qu'elle n'avait perdu aucun colifichet et autres accessoires, elle se tourna vers son plus jeune cousin, les sourcils froncés et le regard pas tout à fait noir, mais presque.

— Regulus, quand une jeune femme est en situation d'équilibre précaire, on ne surgit pas derrière elle sans prévenir. Ce n'est pas très gentleman. J'ai tout de même failli me foutre en l'air !

Regulus, impressionné par le ton et l'attitude de son aînée, présenta des excuses extraplates.

— Tu sais, intervint Sirius, si tu veux écouter la conversation, il y a d'autres moyens.

— Non, merci, ça va. Je n'aime écouter que ce qui me concerne. Allez, venez !Je vous ai amené une surprise.

— Un tapis volant ? demanda Regulus.

— Mieux ! répondit Andromeda.

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Regulus ouvrit la porte de la chambre des Héritiers et les trois cousins s'assirent par terre. Andromeda posa au centre du cercle qu'ils avaient formé sa vieille besace militaire, élimée et bardée de badges. Le sac intrigua beaucoup Regulus ; moins Sirius, car Andromeda s'en servait aussi pour transporter ses affaires scolaires.

— Qui c'est John Lennon ? demanda Regulus en pointant du doigt un des badges.

— Dieu, répondit mystérieusement Andromeda.

Les deux frères se dévisagèrent, déconcertés. Andromeda extirpa un tourne-disque aux proportions un peu réduites pour les besoins du voyage. Un coup de baguette et l'objet retrouva sa taille. Les garçons se penchèrent au-dessus de l'objet.

— Et ça, c'est quoi ? demanda Regulus.

— Le buisson ardent.

Regulus releva la tête.

— Je ne comprends pas un mot de ce que tu dis.

— Attends un peu cousinet et la Révélation se fera. Toujours pas électrisée la vieille baraque des Black ? enchaîna Andromeda.

— A en croire maman, répondit Sirius, il faudra attendre qu'elle soit morte et même alors elle enverra son fantôme pour empêcher que cette ignominie se fasse.

— Ça ne m'étonne pas vraiment de Tatie Walby.

— Tu sais que Maman déteste quand tu l'appelles ainsi, fit remarquer Regulus.

— Poussin, c'est bien pour ça que je le fais ! Pas d'électricité ? No souci ! J'ai ce qu'il faut.

Andromeda sortit de son sac un accordeur et y brancha le tourne-disque. Elle attendit quelques secondes, sans bouger, les garçons n'osèrent pas faire un mouvement. Et puis il y eut un bourdonnement et Andromeda sourit.

— Qu'est-ce que c'est que ce truc ? demanda Regulus. Il voulut s'emparer de l'accordeur mais Andromeda lui tapa les mains.

— Pas touche ! C'est un « accordeur », ça permet de transformer l'énergie magique en énergie électrique. Et c'est pas pour les sorcillons.

— Trop dément ! s'exclama Sirius.

— Émerveillez-vous plutôt sur ça, les cousineux ! dit Andromeda.

Elle tira de son sac une pile de ce qui aux yeux innocents de ses cousins devaient passer pour des carrés cartonnés. Avec dessus des photos qui ne bougeaient même pas ! Toutefois, Sirius écarquilla les yeux.

— Est-ce que ce serait… ce truc dont tu m'as parlé ?… Rock'n'fall ? tenta-t-il.

— C'est rock'n'roll, païen ! corrigea Andromeda. Et oui, c'est ça. J'ai fait une razzia chez le disquaire, il y a trop de trucs qui sortent en ce moment.

— C'est quoi le rock-truc-muche ? demanda Regulus, quelque peu perdu.

— C'est de la musique moldue, répondit Sirius avec importance.

— Il y a de la mandoline dedans ?, demanda Regulus qui pratiquait cet instrument depuis trois ans maintenant.

— Par Médée, non ! Pas de mandoline ! s'exclama Andromeda, outrée. Et le rock, c'est plus que de la musique, poussin. C'est une religion. Et préparez-vous à être convertis !

Regulus dévisagea Sirius qui prit un air d'initié, plein d'assurance et d'importance. Andromeda fit défiler les cartons, à la recherche du bon titre. Ce serait leur première rencontre avec le Son et il fallait que ce soit une révélation. Elle hésita un instant sur Sgt. Pepper et passa à la pochette suivante. Un grand sourire étira ses lèvres. Eureka, comme aurait dit l'autre.

Sous le regard curieux et impatient de ses cousins, Andromeda extirpa avec précaution le disque de sa pochette.

— The Rolling Stones, « Paint it, Black », lut Sirius.

— Le titre me semble approprié.

Andromeda plaça le disque sur la platine, ajusta la vitesse de rotation et saisit le bras de l'électrophone. Lentement, soigneusement, elle positionna le diamant au-dessus du premier sillon de la chanson. Andromeda jeta un dernier regard à ses cousins. Un regard qui disait « Préparez-vous ! ». Regulus s'approcha de l'appareil, Sirius s'installa confortablement. Andromeda lâcha le bras. Le son chuinta, craqua et soupira.

Il y eut d'abord quelques notes pincées, isolées, pressées. Cela heurta les oreilles de Regulus. Il leva les yeux vers Andromeda, elle agitait les doigts, les yeux fermés. Elle semblait jouer de la mandoline. Sans la mandoline. Deux notes se firent moins assurées, moins propres, tremblotantes. Et des boumboums bousculés éclatèrent.

— Qu'est-ce que c'est que ce truc ? demanda Sirius. Pas convaincu, perplexe aussi.

Andromeda posa l'index sur la bouche.

— Écoute, Sob. Et après, parle.

Sirius fronça les sourcils, vexé. Pour marquer son mécontentement, il s'éloigna de l'appareil et s'assit plus loin. Regulus s'approcha un peu plus. Il était à quelques centimètres des enceintes. Il regardait le disque tourner sur son axe, hypnotisé par la rotation de la rondelle colorée au centre du petit disque noir. Il observait le diamant hypersensible qui tressaillait à chaque déplacement d'air, à chaque vibration.

Quand la partie chantée commença, Regulus perdit un peu pieds. Il y avait trop d'informations, trop de choses auxquelles prêter son attention. Les notes de différents instruments s'enchevêtraient et pourtant trouvaient leurs places, entraînées par une percussion excitée.

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La chanson s'acheva et Andromeda arrêta l'appareil.

— Alors vous en avez pensé quoi, les cousineux ?

— Ça fait beaucoup de bruit, maugréa Sirius.

— Tsss ! siffla Andromeda. Du bruit ? Le chien-chien a les oreilles délicates ?

L'air de Sirius se renfrogna un peu plus.

— Les Stones, c'était peut-être un peu trop progressiste pour toi. On va peut-être essayer les Beatles. C'est plus gentillet. Et toi, poussin, t'en as pensé quoi ?

Andromeda se tourna vers Regulus qui était toujours penché au-dessus de l'appareil, les yeux fixés sur quelques fibres de poussières qui s'étaient coincées dans le diamant.

— Reg' ? fit Andromeda.

Regulus cligna des yeux et s'assit sur ses talons.

— Comment tu dis que ça s'appelle ?

— Les Stones. Les Rolling Stones.

— Et ça, c'est du rock ?

— Ouaip.

— Et c'est quoi qui fait tout ce bruit ?

— Y a pas de mandoline là-dedans, je peux te l'assurer.

Regulus hocha la tête. Il n'y avait pas non plus de lyre, de clavecin ou de flûte. Aucun des instruments qu'il connaissait.

— T'en as d'autres, des comme ça ? demanda Regulus. Pas des plus gentillettes, ajouta-t-il. Des comme ça, avec tout le tintamarre. Les boumboums et les notes qui grincent.

Andromeda sourit et donna une petite tape amicale sur l'épaule de son cousin.

— On fera peut-être quelque chose de toi, Reg'.


Fin de l'épisode.