Avertissement: l'univers d'Harry Potter appartient exclusivement à J. K. Rowling. Qu'elle en soit remerciée!

J'ai dévoré vos fics pendant tant d'heures! Merci à tous! J'espère que Morosophie vous plaira autant que vos histoires m'ont plu.


Chapitre 1: Survivre

La nuit était incroyablement douce. Une merveilleuse nuit d'été habitée des seules étoiles et d'un léger courant chaud capable de vous porter sans effort jusqu'aux confins du monde. Un frémissement d'anticipation agita ses ailes lorsqu'il aperçut, à plusieurs centaines de pieds sous lui, la vie s'ébattre joyeusement dans les halliers et les forêts de Grande-Bretagne. La chasse serait bonne, mais il lui fallait d'abord accomplir sa mission. Il continua son vol et vira lentement sur sa gauche. Sa longue volte descendante le conduisit sans peine, dans un unique mouvement fluide amorcé depuis Londres, jusque sur le rebord d'une fenêtre à barreaux. L'animal bomba ses plumes avec satisfaction. Il n'était pas l'un des hiboux officiellement sélectionnés par le Ministère pour rien.

Cher Monsieur Potter,

Suite aux récents et tragiques événements qui se sont déroulés au sein des bâtiments du Ministère de la Magie, le Gouvernement tient à vous présenter ses plus sincères condoléances quant à la disparition de M. Sirius Black.

Nous n'ignorons pas que les dispositions qui suivent interviennent bien tardivement, néanmoins c'est avec émotion que nous vous informons de la réhabilitation posthume de M. Black, ainsi que de la pose prochaine d'une plaque commémorative dans la salle même où tomba votre parrain.

Des informations vous seront communiquées ultérieurement sur le choix de la date et la nature de la cérémonie.

Veuillez croire, Monsieur Potter, en l'expression de nos sentiments les plus cordiaux.

Cornelius Fudge, Ministre de la Magie

Grimm Toller, délégué aux affaires juridiques

Harry lut et relut plusieurs fois la lettre en s'efforçant de lui donner un sens ou d'épingler une quelconque émotion dessus, mais une partie de lui refusait toujours d'affronter en face l'idée que Sirius n'était plus. La feuille lui glissa lentement des doigts et voleta jusqu'au parquet sale où il était assis. Le jeune sorcier contempla le papier vieilli et impersonnel qui couvrait le mur face à lui. Le départ de Poudlard l'avait anéanti, mais ses amis et l'Ordre étaient en quelque sorte parvenus à lui insuffler une petite lueur d'espoir.

Little Whinging était la Nuit.

Ça faisait des mois qu'il était ici. Ou peut-être quelques jours. Impossible de savoir. Privet Drive et sa solitude arrêtaient la marche du temps. Il n'arrivait même pas à se souvenir des choses vues, dites ou faites une heure auparavant. Il était vide.

Le hibou hulula à la fenêtre. L'animal allait et venait sur la corniche, lui jetant de temps à autre un regard agacé. Harry l'interrogea des yeux, et il eut nettement l'impression que l'oiseau haussa les épaules avant de quitter sa fenêtre à tire-d'aile. Harry ramassa l'enveloppe officielle qui gisait entre ses jambes et l'examina avec plus d'attention qu'il ne l'avait fait auparavant. Un petit carré blanc pas plus grand qu'un timbre-poste moldu détonnait bizarrement sur les parois jaunâtres. Harry le gratta doucement et s'aperçut avec surprise que la forme se désolidarisait de l'enveloppe. Le papier se déplia dans sa main jusqu'à atteindre le format d'une lettre classique.

Monsieur Potter,

Je dispose de peu de temps pour rédiger ce message, aussi veuillez me pardonner d'aller droit aux faits, et ce sans convenance.

Le retour de Lord Voldemort bouleverse à tout point de vue la vie de la Communauté de notre pays. Sur le plan politique, la donne se trouve entièrement changée par cette guerre qui s'annonce. Bien entendu, il n'est plus question au Ministère de vous faire passer pour un fou. Néanmoins de nouveaux dangers se profilent pour vous, Harry. La politique s'exerce de bien des façons, et il existe une multitude de groupes de pression au sein de notre vie publique. Vous n'ignorez certainement pas l'intérêt que vous suscitez parmi ces gens. La différence est qu'aujourd'hui ces groupes vous accordent une place grandissante, et que Dumbledore n'est plus à même de vous protéger face à l'excitation induite par l'approche des combats. Je ne dispose pas du temps nécessaire pour vous expliquer les tenants et les aboutissants d'une sphère politique. Je ne peux que vous conseiller la prudence dans vos choix et vos alliances. Croyez-en mon expérience : les guerres changent les gens, même ceux que l'on pense connaître.

Ce principe s'applique également à vous. La guerre crée ses justifications et ses excuses, et elle s'en nourrit. Prenez-y garde, car les peines qu'elle vous a imposées pourraient vous pousser à faire des choses terribles et passibles de prison. Vous avez utilisé cette nuit-là au Ministère un Impardonnable sur la personne de Bellatrix Lestrange. J'ai personnellement étouffé l'affaire au Service de Contrôle des Mineurs, mais ce qui a été fait n'est pas effaçable. Vous êtes parvenu à lancer un Doloris, c'est-à-dire un sort qui relève de la Magie Noire. La douleur et le chagrin n'ont rien à voir dans ce geste. Vous êtes un puissant sorcier, Harry Potter, mais n'oubliez pas que ce don engendre plus de problèmes qu'il n'en résout.

Je ne peux vous en dire plus. Je vous prie simplement de bien vouloir garder cette lettre pour vous. Je ne l'ai rédigée que par pure sympathie, et parce qu'il me déplairait infiniment d'avoir un jour à vous demander de rendre des comptes à la Communauté.

Je vous souhaite de bonnes vacances,

Amélia Bones, Première Adjointe du Ministre.

Il fit part de la lettre de Fudge dans son courrier bihebdomadaire à destination des membres de l'Ordre. Harry ne doutait pas qu'ils soient déjà au courant de la réhabilitation de Sirius, simplement il ne savait pas de quoi parler d'autre. Il était triste. Le genre de tristesse qu'on ne confie pas à un bout de papier. Et puis c'était eux qui l'avaient renvoyé ici, en sachant pertinemment qu'il serait seul et que les lettres faussement enthousiastes de Ron et Hermione n'y changeraient rien. Il avait ses livres, bien sûr, un privilège exceptionnel à mettre sur le compte des menaces de Maugrey, mais il ne trouvait pas la force de se mettre au travail. La fièvre et les cauchemars lui enlevaient toute énergie, et le rationnement de l'Oncle n'aidait en rien. Abruti par tout, par tous, par Voldemort et la prophétie, Harry attendait simplement que les parchemins acheminés par les hiboux daignent se transformer en êtres humains, accompagnés peut être de sourires et de tapes sur l'épaule, et même d'un épais matelas et d'une bonne couverture dans laquelle il se roulerait en boule et dormirait jusqu'à la fin des temps.

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Le retour d'Hedwige le surprit dans l'une de ses rêveries quotidiennes. La chouette lui tendit son larcin en hululant fièrement. C'était une belle cuisse de poulet, probablement ponctionnée sur un pique-nique quelque part entre Londres et le Surrey. Harry caressa l'animal avec tendresse à travers les barreaux. Qui ne saurait jamais par quoi elle et lui étaient passés ici? Son ventre vide gronda avec satisfaction à la vue de la viande tendre, et pourtant il n'avait pas faim. Il ne pouvait pas manger. Hedwige pencha la tête et poussa un petit cri d'encouragement. Elle s'inquiétait vraiment pour lui, et cette seule pensée menaça de faire couler une larme sur sa joue creusée. Il partagea en frère avec la chouette et mâcha avec précaution une partie des morceaux qui lui revenaient. Le reste, Harry le dissimula sous la lame de parquet descellée qui abritait également sa cape d'invisibilité, sa baguette, et quelques gâteaux glissés par Dobby dans ses affaires au moment du départ.

Son dîner achevé, Harry s'installa sur le bureau. Il n'avait jamais été suffisamment gros pour inquiéter l'équilibre précaire du meuble. Le jeune homme s'endormit contre le chambranle de la fenêtre. La chouette veillerait sur lui: postée sur le rebord extérieur, elle monterait la garde et guetterait l'instant où, voyant son jeune maître sur le point de sombrer, il lui faudrait lui mordre les doigts pour le ramener de son monde de cauchemars.

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La fin du mois de juillet fut aussi vide et monotone que les jours qui l'avaient précédée, émaillée pour toute action des seuls allez-retours d'Hedwige et des arrivées bruyantes de Coq ou d'autres hiboux de l'Ordre. Et puis un matin, un grand-duc cendré lui apporta ses résultats de BUSES. Harry joua longuement avec l'enveloppe sans oser la décacheter, à la fois étonné et rassuré de se sentir nerveux. Ce courrier provoquait en lui des émotions étranges et bienvenues. L'événement lui paraissait tellement normal: il allait savoir s'il avait oui ou non échoué à ses examens. Ça ne regardait que lui. Pas de prophétie, pas de journalistes, rien que lui, Harry. Le jeune homme déroula finalement le parchemin et le lut avec précaution.

Département de l'Education et de la Culture

Cher Monsieur Potter,

Veuillez trouver ci-joint les résultats que vous avez obtenus lors de vos examens de BUSES. Ces résultats ont été certifiés et dûment enregistrés par le Ministère de la Magie, après délibération du Jury des Examinateurs présidé par Mme Griselda Marchebank. Toute réclamation devra être déposée avant le début de l'année scolaire auprès du directeur de votre établissement.

Nous vous souhaitons une bonne rentrée, au nom de toute l'équipe du Département.

Professeur M. Tofty

Grades d'obtention: O (optimal) / E (effort exceptionnel) / A (acceptable)

Grades de reclassement : P (piètre) / D (désolant) / T (troll)

Vos résultats :

Astronomie : A

Botanique : E

Charmes : E

DCFM : O

Divination : T

Histoire de la Magie : D

Métamorphoses : E

Potions : E

Soins aux créatures magiques : E

Harry termina sa lecture dans un cri de joie. Il n'en croyait pas ses yeux. Sept BUSES ! Il n'avait jamais sérieusement pensé en avoir autant. Il avait obtenu un E en métamorphoses, mais surtout en potions ! Snape n'allait pas s'en relever. Harry agita le feuillet sous le bec agacé d'Hedwige et entreprit de lui détailler ses notes. Sa gaité soudaine s'évanouit alors qu'il lui racontait en ricanant l'épreuve d'Histoire de la magie, et sa tête retomba sur sa poitrine. Harry poussa un profond soupir. En fin de compte, le papier était sans intérêt. D'abord Snape serait tout sauf désappointé dans la mesure où un E officialisait le fait qu'il ne serait plus son élève. Et que lui ne serait jamais Auror. Et puis surtout…

« Ça n'intéresse personne. »

Il avait dit ça à voix haute, pris de cours par la douleur que cette pensée lui imposait. Il n'y aurait personne qui viendrait le féliciter, personne pour être fier de lui. Ces résultats ne comptaient pas. Dumbledore n'allait pas s'en embarrasser s'il estimait qu'un cours pouvait lui être utile. Quant aux diplômes qu'il pourrait ou non obtenir un jour, tout le monde s'en fichait éperdument. Les gens ne verraient jamais que sa cicatrice. Ce qui signifiait qu'il pourrait quand même devenir Auror… Mais cette idée ne ranima pas sa joie. Tout ce qu'il parvenait à voir, c'était qu'une fois de plus le reste de la Communauté lui volait sa vie. Et pourtant la prophétie l'enferrait à elle.

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La nuit du 31 juillet, trois hiboux surprirent un Harry Potter hébété d'épuisement en venant s'écraser contre les barreaux de sa fenêtre. Après s'être rappelé ce dont il s'agissait, Harry les déchargea de leur sac et s'excusa de n'avoir rien à leur offrir. Les oiseaux repartirent aussitôt, et le jeune homme scruta avec appréhension le petit tas de lettres et de cadeaux qui l'attendait. Il y avait là cinq paquets, provenant tous de gens dont il ignorait les sentiments: il n'avait pratiquement vu ni parlé à personne depuis ce jour, et les adieux avaient été rapides à la gare de Londres.

Harry s'attaqua d'abord au cadeau d'Hermione et Ron. Les deux lettres qui l'accompagnaient étaient assez vides, un peu à l'image de leur fastidieuse correspondance du mois passé, mais au moins lui promettaient-ils un retour rapide au sein de l'Ordre. Le paquet contenait un très beau livre écrit très petit, intitulé Des enchantements et de leur utilisation en défense. Harry le feuilleta avec amertume. Ron et Hermione ignoraient encore que se défendre n'était pas son destin.

Il ouvrit ensuite la lettre et le cadeau d'Hagrid. Le demi-géant lui avait fabriqué un joli poignard avec un manche en bois sculpté représentant un hippogriffe en colère. La lame était une simple dent, mais effilée comme un sabre et longue d'une bonne vingtaine de centimètres. Harry magna le couteau avec fierté en songeant à l'histoire sûrement incroyable qui se cachait derrière cette quenotte.

Le message de Lupin était un peu froid, mais le jeune sorcier ne lui en tint pas rigueur aux vues de ses propres lettres. Son ancien professeur lui avait également envoyé quelques livres, principalement des études de DCFM très avancées. Harry se demanda s'il devait se sentir flatté ou angoissé. Les ouvrages étaient vieux et puissants. Il pouvait sentir toute leur sagesse vibrer sous leurs couvertures. Ils devaient valoir une vraie fortune… Harry rougit et regretta de ne pas avoir était plus prévenant vis-à-vis de l'homme.

La lettre de M. et Mme Weasley était beaucoup plus enjouée. Cette année, Molly Weasley lui avait confectionné une solide cape de voyage chaudement doublée. Un post-scriptum de Ginny indiquait qu'elle avait été à la mode dans les années 1870. Ça le fit sourire, mais il passa néanmoins le vêtement autour de ses épaules pour la plus grande joie de son corps fiévreux qui n'en demandait pas tant.

Harry n'ouvrit qu'en dernier le paquet sur lequel il avait reconnu l'écriture d'Albus Dumbledore. Il contenait un petit récipient de pierres noires délicatement ouvragé, ainsi qu'un message:

Cher Harry,

Avant tout, permets-moi de te souhaiter un joyeux anniversaire. Je comprends que le deuil de Sirius te fasse oublier cet événement, mais sache que tu n'es pas tout seul et qu'il est des gens pour qui te voir heureux compte beaucoup. Je pense que cette pensine pourra t'aider à y voir plus clair. Je t'expliquerai comment l'utiliser lorsque nous nous reverrons.

J'ai demandé à Remus et Alastor de venir chez ton oncle et ta tante après-demain à 23h. Vous voyagerez, avec l'accord du Ministère, par Portoloin jusqu'au QG. Il serait plus prudent que tu restes à Londres jusqu'à la rentrée, j'espère que tu comprends pourquoi il me faut prendre cette décision.

Il y a beaucoup de choses dont j'aimerais discuter avec toi, notamment de tes options pour cette nouvelle année. Puis-je venir te voir samedi à 9h00 ?

J'attends ta réponse et te souhaite encore une fois un joyeux anniversaire.

Albus Dumbledore

PS: j'ai rajouté un petit enchantement de mon cru à ta pensine. Dis juste Sansouci en étendant la main.

Harry approcha sa main de la pensine et prononça solennellement l'incantation. Un petit caillou jaune pâle apparut dans le fond de la bassine. Le garçon hésita avant de s'en saisir : il n'avait aucune confiance dans les trouvailles du directeur. Il soupesa la chose et l'examina longuement, mais rien ne se passa. Pris d'un doute soudain, Harry le porta à sa bouche. Il avait un goût de citron.

Le jeune homme recracha la dragée et l'envoya d'un coup de pied rouler sous l'armoire. Il serra ses genoux contre lui pour ne pas hurler de colère. C'était déplacé. La lettre mielleuse et les demandes de Dumbledore étaient déplacées. Le directeur savait pertinemment qu'on ne pouvait rien lui refuser. Quant à ses « options », il ne s'agissait sûrement pas de ses cours à Poudlard, et il ne s'agissait sûrement pas non plus d'en discuter, puisqu'à n'en pas douter le vieil homme avait déjà fait son programme.

Harry se laissa lourdement tomber sur son lit et resta, apathique, à regarder l'amoncellement de papiers déchirés et d'objets jonchant le sol de sa chambre. Un vent froid s'engouffra par le carreau cassé de sa fenêtre, et l'adolescent frissonna. Sa cicatrice le lançait. Il se demanda brusquement si c'était bien son anniversaire à lui, Harry. S'il avait encore le droit d'exister. Livres, cape, poignard, pensine… Pourquoi aucun d'entre eux ne lui avait envoyé un jeu de cartes, un bracelet à la mode ou n'importe quoi d'autre que les autres enfants sorciers recevaient normalement pour leurs 16 ans?


SVP dites-moi ce que vous en pensez !