Titre : Should I believe in Destiny ?

Auteur : Patpat.

Bêta : Drudrue, ma secrétaire

Source : Gravitation

Genre : UA, DarkFic, OOC, Romance, Lemon

Rating : M

Pairing : Yuki Eiri / Shindou Shuuichi

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, hélas. Ils sont à Maki Murakami. Mais l'histoire est à moi ainsi que les personnages de Miri, Sean, Jo et Kaname et les quelques autres OC.

Notes : Il est chaud, il est bon ! C'est le tout dernier chapitre de Destiny, mesdames, messieurs ! Lol. Il a pris son temps mais finalement le voilà. Vous pouvez tous remercier Drudrue, ma fidèle secrétaire, pour m'avoir aidée à débloquer mes idées. Ca va faire des semaines que j'essaye encore et encore de mettre en place correctement mes idées sans jamais y parvenir. Grâce à Drue, le dernier chapitre de cette saga en 20 chapitres sera potable. Evidemment, j'aurais souhaité une fin digne de Titanic, mais je suis incapable d'écrire du Tragique sans chialer pendant 10 jours. Enfin bon, pour ce dernier chapitre, vous ne verrez aucun des OC que j'ai précédemment introduits, à l'exception évidemment de Miri. Mais vous les retrouverez sans aucuns doutes dans l'épilogue, qui sera un peu comme un chapitre bonus (si j'ai le temps de l'écrire). Enfin bon, je ne vous retiens pas plus longtemps. Bonne lecture.

ATTENTION ! Ce chapitre contient un scène YAOI, c'est-à-dire une scène érotique dans un couple homosexuel. Et ce lemon est sûrement l'un de mes plus graphiques... Si vous n'aimez pas, alors qu'est-ce que vous faites encore ici ? lol.

Dialogue en gras. Pensées en italique.

Chapitre 20 : Le jeu du Destin.

Cela faisait environ deux semaines. Deux semaines depuis le drame qui était arrivé, deux semaines depuis la mort de Kaname, deux semaines depuis que Miri était à l'hôpital. Shuuichi en était sorti assez tôt. En effet, ces blessures n'étant que trés superficielles, les médecins avaient jugé qu'il était apte à rentrer chez lui seulement quatre jours après son hospitalisation, même s'ils lui avaient conseillé de faire surveiller de près sa blessure à la tête.

Entre temps, Eiri avait finalement décidé de faire part aux Shindou des récents évènements, leur racontant avec plus ou moins de détails ce qu'il s'était passé avec Kaname et comment leur fils s'était retrouvé hospitalisé. Shuuichi avait voulu ne rien dire pour préserver sa famille mais Yuki avait insisté, affirmant qu'il s'y prenait déjà bien assez tard pour les mettre au courant et qu'il était nécessaire qu'ils sachent tout. Hikari Shindou, la mère du jeune homme, avait immédiatement paniqué. Maiko, sa petite soeur, avait au contraire été très soulagée d'apprendre que c'en soit enfin fini de ce malade psychotique qui harcelait son frère. Quant à Seichiro, le père, il avait pris la situation avec un calme relatif. En bons parents qu'ils étaient, ils étaient venus à New York aussi vite que possible, le temps de trois ou quatre jours, histoire de s'assurer que tout allait mieux. Et ce qui avait surpris tout le monde, c'est que les Shindou avaient insisté pour rendre visite à Miri sur son lit d'hôpital.

Miri-chan est votre soeur, Eiri-san, et elle a sauvé notre fils. Elle est un membre de notre famille, tout comme vous d'ailleurs. Et il est normal que nous allions la remercier, avait affirmé Hikari avec véhémence devant les interrogations étonnées de son "gendre".

Après le départ de la famille de Shuuichi qui était rentrée au Japon, ce fut au tour de Mika de venir. Le pauvre Tatsuha s'était fait harceler pendant plusieurs jours par la jeune femme, qui semblait bien déterminée à savoir pourquoi il était parti sans prévenir qui que ce soit, laissant leur père malade seul à la charge du temple. Finalement, l'adolescent avait craqué : alors qu'Eiri lui avait formellement défendu d'informer leur père et leur soeur de la situation, il avait fini par lâcher le morceau, annonçant à Mika que Miri était dans un sale état, que Shuuichi aussi avait été blessé et que d'une certaine façon, Tohma était impliqué. Evidemment, quand Yuki avait appris tout ça, son petit frère s'était fait correctement engueuler ; restait plus qu'à prier pour que Mika n'ait pas "malencontreusement" fait part à Tohma de leurs soupçons à son encontre.

Aujourd'hui, tout le monde était réuni dans le salon de l'écrivain. But de l'oppération : mettre au point un plan pour prouver l'implication de Tohma dans l'affaire Kaname pour le procés à venir. Autrement dit, il leur fallait un moyen infaillible pour affirmer devant un juge et un juré la culpabilité du producteur et musicien mondialement connu. Et honnêtement, piéger ce monstre serait loin d'être un jeu d'enfant. C'était un génie, dans le sens propre du terme. Un génie maléfique qui avait sans doute assuré ses arrières de mille et une façons avant d'agir avec Kaname, afin d'être sûr que celà ne se retourne jamais contre lui.

Ca va être dur, dit simplement Eiri, une canette de bière à la main.

Il était assis sur le sofa entre Shuuichi, qu'il tenait contre lui d'un geste protecteur, et Tatsuha, qui semblait particulièrement désespéré. Apparament, il s'en voulait encore beaucoup de son erreur avec Mika et Eiri ne faisait rien pour alléger son sentiment de culpabilité, lui rappelant à chaque occasion qui lui était donnée que si le plan qu'il mettrait au point échouait, ce serait de sa faute. Les autres aussi étaient en colère contre Tatsuha, y compris Shuuichi qui voulait plus que tout faire payer à Tohma sa lâcheté et le mal qu'il leur avait indirectement fait à Miri et lui, mais il était également le premier à défendre Tatsuha.

C'est sûr, mais on y arrivera, assura le garçon aux cheveux roses.

Le tout, c'est de trouver une façon irréfutable de prouver sa culpabilité. Avec une telle preuve, le tribunal, qu'il soit américain ou japonais, n'aura pas d'autre choix que de le déclarer coupable, ajouta K, qui était assis sur une chaise un peu plus loin.

C'est vrai qu'il sera jugé aux USA puisque Miri est américaine et que, du fait qu'elle soit très célèbre et par soucis de l'opinion publique, la justice de New York refusera de le laisser quitter le pays sans y avoir été jugé avant, approuva Eiri, d'un air songeur. Et, bien que le crime ait été commis sur le sol américain, Shuuichi - qui est aussi une victime dans l'affaire - est un ressortissant nippon, de même que Seguchi et Kaname. Du coup, Seguchi sera extradé pour être jugé par la justice japonaise. Mais il faut faire vite avant que la police ne classe définitivement l'affaire.

Est-ce que c'est possible de juger deux fois la même personne pour les mêmes crimes ? s'enquit distraitement Hiro, assis sur un fauteuil, en face de K.

Je suppose que oui, répondit leur manager américain à la place du romancier. Dans la mesure où les procès n'ont pas lieu dans le même pays, ni ne sont établis par la même justice, ce doit être possible oui.

En tous cas, j'espère que ce connard va crever, intervint Tatsuha, le regard perdu dans le vague.

Pourquoi tu dis ça, Tat-chan ? Ce n'est pas bien de souhaiter ce genre de chose, le réprimanda gentiment Ryuuichi, assis en tailleur sur le tapis, face au canapé.

Désolé, mais c'est ce que je pense. Que ce connard déteste Miri et Shuuichi c'est une chose, mais qu'il s'en prenne à eux et qu'il essaye de se débarasser d'eux, c'en est une autre. Toi aussi tu as vu dans quel état on a retrouvé Miri, non ?! Tout ce sang... Et son bébé qu'elle a perdu ! Une vie pour une vie, voilà ce que je pense.

Tous furent surpris par les paroles de haine qui sortaient de la bouche de Tatsuha. Cet adorable garçon, plaisantin, insoucient, fêtard... Avait-il changé à ce point ? Comment ? Pourquoi ? A cause de Seguchi, pensa Shuuichi, une vague de rencune le submergeant, non pour la première fois depuis le début de cette sale affaire. Encore une bonne raison pour que ce fumier paye. Si le jeune chanteur ne montrait rien devant les autres, pas même devant son amant, au fond de lui, il n'en pensait pas beaucoup moins que Tatsuha. D'accord, il ne voulait pas que Seguchi meurt. Ce serait une punition bien trop douce pour ce qu'il avait fait. C'est vrai ! Tatsu à raison ! Un enfant innocent est mort dans cette histoire, tout ça à cause de la jalousie d'un homme et de la folie d'un autre ! Il doit aller en prison, et y rester enfermé pour le reste de ses jours ! La condamnation à mort, ce serait bien trop doux... Il faut le condamner à vie !

Comme s'il avait remarqué le regard devenu dur et déterminé de son petit ami, Eiri le regarda d'un air curieux pendant que les autres échangeaient déjà leurs idées et leurs suggestions. Tatsuha a changé, mais Shuuichi aussi... Depuis le jour où j'ai annoncé à Miri qu'elle avait perdu son bébé, et que je suis ressorti de sa chambre en piteux état, c'est comme si... une colère froide s'échauffait lentement en Shuuichi. Ca me fait mal de l'avouer, mais ça me fait peur... J'ai peur qu'il soit devenu comme moi, se dit-il.

Leur petite réunion se termina dans une impasse, laissant tout le monde dans un sentiment de frustration intense. En effet, ils en étaient venus à la conclusion qu'il leur faudrait faire une enquête appronfondie sur ce qu'il s'était passé entre le moment où Tohma avait pris contact avec Kaname, et le moment où Kaname avait attaqué Shuuichi et Miri chez la guitariste. K semblait persuadé qu'ils pourraient trouver des éléments importants, s'étant produits dans ce lapse de temps, pour piéger Seguchi. Ryuuichi, quant à lui, s'était contenté d'écouter, tout bêtement, ne montrant aucun signe de réel intérêt à la conversation. Sur le coup, voir cet idiot de chanteur aussi peu concerné par leur problème avait vraiment énervé Yuki mais, finalement, le romancier s'était dit que de toutes façons, il ne pouvait pas lui en vouloir. Les choses ne deviendront intéressantes que lorsqu'on aura trouver un moyen sans faille de mettre Seguchi à genoux.

Tatsuha et Hiro, qui logeaient chez Miri avec l'accord de celle-ci, étaient repartis agacés de ne pas avoir pu trouver le moyen de prendre leur revanche. K et Ryuuichi étaient partis, échangeant diverses idées sur la façon de commencer cette enquête qui, évidemment, devrait être réalisée le plus rapidement possible. Finalement, Eiri et Shuuichi s'étaient retrouvés seuls et le romancier décida d'en profiter pour prendre la température du coeur de son amant.

Tu as été bien silencieux, ça ne te ressemble pas, fit-il simplement remarquer, en débarassant les quelques canettes de bière qui jonchaient le sol et la table basse du salon.

Shuuichi avait commencé à faire la vaisselle de leur repas du midi, et ne répondit pas. Soit il n'a pas entendu à cause de l'eau, soit il m'ignore, soit il est perdu dans ses pensées... Sachant que Shuuichi à une très bonne ouïe et qu'il est trop soumispour oser m'ignorer, j'en déduis qu'encore une fois, il est préoccupé, songea Eiri en entrant dans la cuisine pour jeter les canettes à la poubelle. Puis, il s'approcha silencieusement de son petit ami et passa ses bras autour de lui pour l'enlacer par derrière. Et bien sûr, ne s'y attendant pas, le musicien sursauta.

Il ne sursautait pas avant, habitué à ces petites attentions de la part de l'auteur. Mais depuis ce qu'il s'était passé, le jeune homme était constamment sur le qui-vive. Evidemment, Eiri ne pouvait pas lui en vouloir... Pas plus qu'il ne pouvait lui reprocher ses hésitations et ses crispations pendant qu'ils faisaient l'amour. Shuuichi avait déjà eu ce genre de problèmes au début de leur relation il y a quelques mois, mais son amant avait su le mettre en confiance, et depuis il avait appris à se laisser totalement aller. Mais maintenant, tout était à recommencer. Sachant cela, Yuki réprima le grognement agacé qui menaça de lui échapper. Il devait être patient ; tout rentrerait dans l'ordre.

Shuuichi... souffla-t-il à l'oreille du garçon à la tignasse fuchsia.

Yuki, arrête de t'inquiéter autant. Je vais bien, je t'assure.

C'est vraiment pas l'impression que tu donnes.

C'est seulement toi qui t'en fais trop pour moi, et ça non plus, ça ne te ressemble pas, répondit Shuuichi en coupant le robinet, la vaisselle finie, avant de se tourner vers son amant.

Eiri adorait ça, quand le jeune homme se retournait dans son étreinte ; ses formes délicates glissant contre les siennes, les hanches du garçon effleurant son bassin... Avant que le chanteur ait pu ajouter quoi que ce soit, son compagnon déposa une nuée de baisers dans son cou et sur sa gorge.

Tu ne trouves pas ça normal que je m'inquiète pour celui que j'aime ?demanda-t-il dans un murmure, faisant légèrement rougir son amoureux qui se blottit instinctivement contre lui.

Depuis ce qui est arrivé, tu es peut-être un peu trop protecteur, tant avec Miri qu'avec moi, répondit Shuuichi, tout bas, le ton de sa voix doux mais sérieux. Tu n'as plus besoin de t'inquiéter. Kaname est mort, et Seguchi finira en prison.

Encore faut-il qu'on trouve de quoi l'y envoyer, gronda le blond, toujours aussi frustré par ce problème non-résolu. Mais le simple fait de savoir qu'il était prêt à laisser ce malade te faire du mal pour t'éloigner de moi... J'hésite entre l'égorger de mes propres mains et fondre en larmes.

Des deux maux, choisis le moindre, répliqua le plus jeune, un petit sourire amusé aux lèvres.

J'dois le buter ?

Non, baka, ricana le chanteur. Pleure un coup, ça te fera du bien. Pleure de rage, de frustration, de chagrin... L'effet est le même : on se sent soulagé après.

Pendant un instant, Yuki ne répondit rien, se contentant de serrer son adoré contre lui, appréciant à sa juste valeur leur promiscuité, leur intimité si douce et agréable. Puis, une idée machiavélique naquit dans son esprit de schizophrène obsédé et un horrible sourire apparut sur ses lèvres fines.

Shuu-chan, mon bébé...

Nani ? s'enquit l'interpellé, relevant aussitôt la tête, prêt à rendre service à son amant, quelque soit la demande.

Toujours aussi généreux... Adorable créature qu'est mon amant... pensa Eiri en voyant le regard tendre et dévoué de sa petite boule rose.

Tu crois... que tu arriverais à me faire pleurer de bonheur ce soir ? susurra-t-il d'une voix suave et sensuelle, sur un ton chargé de sous-entendus.

Et l'effet fut immédiat. Shuuichi rougit comme une pivoine, baissant légèrement les yeux, tout prude et pudique qu'il était quand il s'agissait de sexe. Bien que lui et Yuki aient toujours été plus que très actifs dans leur vie "conjugale", il était toujours demeuré suffisament innocent pour en rougir. S'amusant de la réaction timide du jeune homme, l'écrivain ajouta si bas que même Shuuichi crut l'avoir rêvé :

Tu n'as pas envie de me prendre ce soir ? Ca fait quand même depuis la St Valentin que je ne t'en ai pas donné l'occasion...

Yuki... soupira Shuuichi, le souffle coupé par une telle proposition.

La simple perspective de se retrouver de nouveau seme suffit à l'exciter. Son esprit créatif et plein d'imagination s'emplissait déjà de visions de son amant, dont le corps parfait perlait sous l'effort, l'excitation, et la chaleur de leurs corps. Il pouvait même déjà entendre ses gémissements, son nom répété encore et encore, tandis qu'il...

Haa... gémit le chanteur, sentant sa hampe se dresser en une douloureuse érection, comprimée par ses sous-vêtements et son pantalon.

Tu vois ? fit Eiri d'une voix douce et chaude contre l'oreille de Shuuichi, tandis qu'il travaillait déjà à faire apparaître un suçon tout en laissant ses mains vagabonder ça et là sur le torse de l'adolescent, par-dessus la chemise qu'il portait encore. Je suis sûr que ça nous "soulagerait" énormément, tous les deux... Qu'est-ce que tu en penses ?

Le cerveau de Shuuichi s'était déjà mis en stand-by, ignorant tout autour de lui excépté son amant et ses ministrations. Impossible dans ces conditions de formuler une quelconque réponse. Remarquant cela, Eiri sourit, satisfait de voir que quoi qu'il arrive son petit Shuu restait toujours aussi sensible à ses attentions. Décidant de passer à la vitesse supérieure, il passa une de ses jambes entre celles de son jeune amant, prenant soin de bien faire pression avec sa cuisse contre la virilité emprisonnée de celui-ci. Le musicien gémit de nouveau, s'agrippant à la chemise de l'écrivain, tandis que celui-ci se frottait contre lui avec un déhanché diaboliquement excitant.

Qu'est-ce qu'il y a, Shuu-chan ? Tu es bien fébrile, tout à coup... se moqua le blond en usant de ses mains expertes pour déboutonner la chemise du pauvre garçon qui, lui, semblait complètement perdu au royaume des fantasmes, incapable de faire le moindre geste. Tu m'as l'air un peu trop tendu pour faire quoi que ce soit maintenant, alors je vais ouvrir le bal. C'est moi qui vais te prendre d'abord, d'accord ? On verra bien ensuite.

Et lorsque le torse imberbe de Shuu fut enfin débarassé de la contraignante étoffe de tissu, les grandes mains fines et expertes d'Eiri le caressèrent avec douceur et délicatesse, et peut-être aussi une lenteur sadique. Réagissant presque immédiatement, le chanteur fut parcouru d'un frisson d'excitation qui lui donna la chaire de poule et fit pointer ses têtons. Un coup d'oeil au visage en coeur de son compagnon et il put voir ses joues d'ordinaire légèrement rosées être maintenant complètement rouges, bouillantes de chaleur.

L'écrivain se retourna avec Shuuichi dans ses bras, le poussant vers la table au centre de la cuisine. Il suréleva le garçon, l'assayant dessus, et s'installa entre ses jambes. Il écarta davantage encore les pans de la chemise de son uke et celle-ci glissa le long de ses bras fins. Il entreprit alors d'embrasser et de léchouiller ses épaules et sa clavicule, laissant ça et là quelques petites rougeurs. Finalement, le corps de Shuuichi se mit en route - peut-être agissait-il par instinct ou par automatisme, ou bien Shuuichi s'était-il enfin sorti de son état de transe... Ses petites mains se faufilèrent sous le tee-shirt à manches longues que portait Yuki, caressant d'abord ses abdominaux si légèrement dessinés, puis elles remontèrent sinueusement jusqu'à ses pectoraux où elles s'attardèrent jusqu'à trouver les deux boutons de chaire (1) qu'étaient ses têtons.

Ca y est, le jeu commence... s'enthousiasma presque Eiri, lorsque son petit ami fit passer son tee-shirt par-dessus sa tête pour le lui enlever.

Ils étaient maintenant torse-nu l'un et l'autre, échangeant des caresses, chacun titillant les points faibles de l'autre. Tandis que ses mains étaient passées dans le dos de son partenaire, l'une allant se placer derrière sa nuque et l'autre glissant le long de sa colonne vertébrale jusqu'au creux de ses reins, Eiri s'empara de la bouche de Shuuichi. D'abord, de petits smacks, puis de chastes baisers et ensuite, de langoureux échanges. Au bout de quelques minutes, le langue du blond passa plusieurs fois sur les lèvres de l'adolescent, quémandant avec insistance l'accès à sa bouche.

Si le plus jeune avait appris quelque chose sur son dominant, c'était bien que ce dernier aimait utiliser sa langue. Ainsi, lui refuser l'entrée faisait partie de ces petites taquineries qu'il exerçait volontiers durant leurs préliminaires, rendant ainsi son compagnon plus excité et frustré à la fois. Dans ce genre de situation - et cela dépendait principalement de l'humeur générale du romancier - soit il se forçait un passage, annonçant des ébats plutôt bestiaux, soit il insistait encore, suppliant presque, laissant entendre qu'il ferait les choses gentiments, ou qu'il irait même jusqu'à laisser les rênes à Shuuichi. Mais cette fois-ci, il s'écarta simplement et marmonna en bougonnant un peu, comme un enfant à qui on refuse un bonbon :

Ouvre la bouche, Shuuichi.

Pour toute réponse, l'étudiant lui fit non de la tête, un petit sourire amusé au coin des lèvres.

Comment ça, "non" ?

Encore une fois, le garçon à la tête rose refusa.

Dans ce cas, décida Yuki en commençant aussitôt à déboutonner le pantalon de son amant, je vais trouver autre chose pour occuper ma langue.

Yu-Yuki ! Matte ! Da-dame ! Kochira wa dame !

Profitant alors de l'occasion qui lui était donnée de voler un baiser à Shuuichi, Eiri s'empara une fois de plus de sa bouche, cette fois en y fourrant sans avertissement sa langue. Il avait une main dans la chevelure fuchsia tandis que l'autre libérait enfin la hampe de l'adolescent qui gémissait sans retenue contre ses lèvres. Le garçon était si distrait par la bataille de dominance que se livraient leurs langues qu'il en oublia totalement ce qu'ils s'apprêtaient à faire, et surtout où... Ce n'est que lorsque les doigts habiles de son amant entamèrent un long mouvement de va et vient sur son membre qu'il revint à lui.

Yuki, onegai... Yame... On peut pas faire ça ici...

Et pourquoi pas ?

P-Parce que... c'est la cuisine...

Et alors ?

Bah... Shuuichi rougit. C'est là où on mange, tu sais, et...

Mais avant même qu'il ait pu finir sa lamentable explication, Eiri le prit dans ses bras et le porta jusque dans le salon où il le déposa sur la moquette couleur blanc crème, pas bien loin du canapé, et l'incita à s'allonger. Il se pencha au-dessus de lui et, après un ou deux baisers, demanda :

C'est mieux là ?

Mais là encore, son amant n'eut pas vraiment le temps de dire quoi que ce soit ; Eiri s'était de nouveau accaparé sa bouche et évidemment, Shuuichi ne fit rien pour lutter... Après tout, pourquoi ferait-il une chose pareille ? Etre enlacé par l'homme qu'il aimait, que demander de plus pour être heureux ? Maintenant que j'ai repris possession de mes moyens, j'aurais quand même préféré le prendre en premier... Parti comme il est, il va m'épuiser à mort et je serais même plus capable de faire le moindre geste. Et après ça, il faudra que j'attende encore deux ou trois mois qu'il soit de suffisament bonne humeur pour espérer pouvoir prendre le dessus, songea distraitement Shuuichi.

Le chanteur entreprit de dégraffer à son tour le pantalon de son petit ami, assez pressé de passer à l'étape suivante, puis il glissa ses doigts le long de l'élastique de son boxer, taquinant son amant échauffé autant que faire se peut. Peut-être aurait-il une chance de prendre le dessus pour ce premier round tout compte fait...

Si je te fais pleurer de bonheur ce soir Yuki,tu verras que je peux te faire crier aussi... susurra-t-il à l'oreille de son compagnon.

Mais apparament, le blond était bien décidé à obtenir ce qu'il voulait de Shuuichi, et surtout il voulait se servir en premier. Alors, d'un geste un peu rude auquel l'étudiant ne s'attendait pas, il le plaqua totalement au sol en le poussant, le dos à plat contre la moquette, puis il commença à lui retirer son pantalon.

Yuki !? s'exclama le pauvre garçon, sur le coup terrorisé.

Voyant à quel point son petit ami s'était crispé, Yuki s'arrêta un instant, et se pencha au-dessus de lui.

Baka. Tu vois pas que je te dessape ? Tu prefères peut-être que je te prenne avec ton pantalon ? grogna-t-il, agacé.

A cela, Shuuichi ne répondit rien, se contentant de glousser en imaginant à quelles difficultés son pauvre chéri serait confronté s'il essayait de le pénétrer malgré le pantalon. De son côté, bien qu'il n'en montra rien, l'écrivain se sentait plutôt soulagé de l'entendre rire. Il reprit donc où il s'était arrêté, même si cette fois il évita de se la jouer à la sauvage. Très vite, Shuu-chan se retrouva entièrement nu, sous le regard appréciateur d'Eiri qui se contenta d'observer ce corps parfait pendant deux bonnes minutes, pour son plus grand embarras.

A le voir ainsi, en position de faiblesse, à la merci de son appétit sexuel démesuré, comme s'offrant en sacrifice au loup affamé qu'il était, Eiri aurait pu jouir sur le coup s'il n'avait pas autant de self-contrôle. Ses courbes fines, ses formes sensuelles, ses lignes androgynes... Et son visage... Ses yeux... Deux véritables améthystes. Et il est à moi, se répéta-t-il pour la énième fois depuis leur première nuit d'amour.

Shuuichi, quant à lui, avait cessé de gesticuler sous le regard insistant de son amant. Il savait que son Yuki aimait le fixer avec envie pendant quelques instants une fois qu'il était totalement dénudé. Mais étrangement, ce soir, ces quelques instants s'étaient transformés en quelques minutes et, inquiet du manque de réaction de son homme, le chanteur le fixa à son tour, comme pour guetter la moindre réaction. Cependant, rien. Face à lui se tenait un Yuki Eiri aux traits sereins, son regard d'ambre comme hypnotisé. De désir, certes, mais pas cette habituelle luxure. C'était comme si le romancier cherchait à atteindre quelque chose au-délà du contact charnel.

D'un geste hésitant, le jeune homme à la chevelure rose tendit la main vers son aimé. Et, comme attiré à lui, le blond s'approcha - se plaçant entre les cuisses de Shuuichi - jusqu'à sentir la légère et frissonnante sensation des doigts du garçon sur son torse. Faisant glisser sa main jusque derrière la nuque d'Eiri, Shuuichi se redressa un peu afin d'obtenir un baiser, tendre et amoureux. C'était vraiment comme si le romancier avait deux personnalités : tantôt extraverti et sûr de lui, même un peu sauvage et agressif sur les bords, puis tantôt câlin et attentionné, voir même délicat et un peu hésitant. Le tout enveloppé dans un corps de dieu grec, songea le musicien avant de s'abandonner complètement à l'étreinte dans laquelle son compagnon le serrait maintenant.

Cette fois c'était parti ; les préliminaires allaient se terminer et les choses allaient devenir plus sérieuses. Ce soir, les deux amants feraient vraiment l'amour. Il se chercherait l'un l'autre, explorant à la fois le coeur et le corps de l'autre. Jouir ne serait pas leur but finale ; non, l'orgasme n'était que le sommet de l'iceberg. Ils se donneraient du bonheur, du vrai, et le sexe n'était qu'un des nombreux moyens - et peut-être aussi l'un des plus agréables - pour y parvenir.

Ainsi, Eiri et Shuuichi se blottirent l'un contre l'autre, s'aggripant l'un à l'autre comme des survivants à un radeau, s'embrassant à la fois avec tendresse et détresse. Yuki avait désespérément besoin de son petit Shuu dans sa vie, dans ses bras, près de lui au quotidien... ou bien il en deviendrait fou et ça, il en avait réellement pris conscience pendant les deux-trois jours durant lesquels le jeune homme avait disparu. Shuuichi était devenu sa raison de vivre. Quant à l'adolescent, lui aussi avait terriblement besoin de son amant. Ses bras étaient son bouclier, son coeur était son essence, sa présence était sa planche de salut. Il était son refuge. Peu importait où ils étaient, et dans quelles circonstances, car tant qu'ils étaient ensemble, rien ne pouvait leur arriver.

Distraitement, Yuki attrapa sur le canapé quelques coussins et un plaid. Après tout, quitte à faire l'amour à même le sol, autant se mettre à l'aise. Sans détacher ses lèvres de celles de son petit ami, il passa un coussin derrière la tête de celui-ci, puis un second derrière son dos, laissant les autres de côté. Il se débarrassa ensuite, un peu maladroitement, de son pantalon et de son boxer. Enfin nu l'un comme l'autre, chacun put en profiter à loisir pendant un petit moment, échangeant caresses grisantes et baisers.

Puis, le blond commença à titiller l'entrée de l'intimité de son amant avec l'extrêmité de son érection, tirant à Shuuichi des nouveaux gémissements. Alors qu'il commençait à lécher deux de ses doigts pour préparer son compagnon, Shuuichi saisit délicatement son poignet, retirant ainsi les doigts de sa bouche qu'il remplaça par sa langue. Ce fut un baiser langoureux, au travers duquel l'étudiant fit comprendre à son ancien professeur que pour cette fois, ils se dispenseraient de préparation. Sur le coup, Eiri eut un doute : considérant que le jeune homme sous lui avait de nouveau des problèmes pour se détendre, il se disait qu'il devrait peut-être élargir préalablement le passage, voir même carrément aller dans leur chambre pour y prendre le tube de lubrifiant. Mais à en juger par les baisers de plus en plus pressés et insistants, Shuuichi ne patienterait pas davantage, et supporterait encore moins d'être laissé en plant à une étape aussi avancée de leurs préliminaires.

Alors après quelques instants de plus passés à s'embrasser, Eiri pénétra le plus délicatement possible son amant. La douleur que Shuuichi ressentait à cet instant, tandis que son homme se glissait en lui, en était presque insupportable. C'était la première fois que Yuki y allait "à sec" et Shuuichi se jura de ne plus jamais recommencer. Mais là, cette fois-ci, briser le charme qui était né entre eux pour une vulgaire dose de gel aurait été plus insupportable encore. Serrant les dents, le chanteur tenta de se détendre au maximum malgré les crispations instinctives de ses muscles sous les effets de la douleur. Il savait que plus il se relaxerait, moins il souffrirait, et surtout plus vite il en profiterait.

De son côté, le romancier décida de distraire son compagnon pour tenter de lui faire oublier sa souffrance le temps que son corps s'habitue à sa présence en lui. Il alla donc jouer avec son oreille, la mordillant, la caressant du bout de la langue, y murmurant de petits mots tels que "Encore un peu", "Calme toi", ou tout simplement "Je t'aime". Enfin, au bout de quelques instants, l'expression de douleur de Shuuichi s'effaça, les traits de son visage redevenant lisses. Le garçon tourna son regard vers son amant et lui fit un petit sourire amoureux, caressant du bout des doigts le contour de sa mâchoire.

Moi aussi je t'aime, Eiri...

Et c'est avec un petit sourire en coin, satisfait, que le romancier commença ses déhanchés. De longs et lents mouvements de va et vient, encore et encore. Shuuichi gémissait et Eiri, comme à son habitude, grognait. Mais cette fois, on était loin des grognements bestiaux qu'il poussait la plupart du temps : ce soir, ils étaient tendres, comme un ronronnement rauque et irrégulier. Le musicien avait passé un bras derrière la nuque de son amant, ses doigts s'entremêlant avec les mêches dorées et fines, et son autre main était posée sur le bras robuste du blond. Celui-ci avait toujours l'un de ses bras dans le bas du dos de son partenaire, lui donnant le rythme à suivre dans leur danse amoureuse, et de l'autre bras, il soulevait une des jambes du chanteur afin d'avoir un meilleur accès et une position plus confortable.

Bientôt, les accoups devinrent plus rudes, et la cadence augmenta sensiblement. Sans avoir détaché leurs regards un seul instant, et sans même songer à rompre le contact maintenant, ils continuèrent à bouger ensemble jusqu'à ce que Yuki - sentant les muscles de son petit ami se tendre, annonçant l'orgasme - décide de changer de position. Il resserra donc son étreinte sur Shuuichi et s'assit, installant le garçon sur ses genoux. Le plus jeune s'agrippa à son compagnon comme si sa vie en dépendait, enfouissant son visage au creux de son cou. Il mourait d'envie de crier, mais en même temps, il ne pouvait se résoudre à briser le silence que seuls leurs gémissements rompaient. Pourtant, alors qu'il finit par jouir, une longue plainte lui échappa. Il se cambra, son dos se arquant instinctivement sur le coup du plaisir qui le traversait, tandis qu'il pouvait sentir ses ongles s'enfoncer légèrement dans la peau du bras de son amant.

Eiri lui laissa quelques instants, pendant lesquels il cessa tout mouvement, pour qu'il redescende sur Terre. Lorsque Shuuichi reprit conscience, il se rendit compte que Yuki, lui, n'avait pas joui. Pourtant, contrairement aux autres fois où il venait avant lui, l'écrivain ne montra aucun signe d'agacement ou de frustration. Pas même une petite remarque moqueuse, rien. Non, cette fois, c'était vraiment autre chose qu'ils attendaient.

Alors, Shuuichi se dégagea lui-même et, avec ses petites mains, il attrapa les coussins restant pour les installer derrière son amant. Puis, il le poussa, l'invitant s'allonger à son tour, et en quelque secondes, les positions et situations avaient été échangées : Shuuichi serait le seme maintenant. Un doux sourire apparut au coin de ses lèvres tandis qu'il se penchait sur Eiri qui, pour une fois, se laissait complètement faire.

Tu as l'air bien calme, comparé à la dernière fois, souffla le chanteur à l'oreille du romancier.

Et bien sûr, il avait parlé trop vite. S'approcher si près du visage du beau blond, c'était taquiner le loup jusqu'à ce qu'il sorte de son antre, et très vite, les lèvres de l'adolescent se retrouvèrent prisonnières, scellées à celle de son chéri. Pendant quelques instants, tout deux s'embrassèrent amoureusement. La tendresse de tantôt semblait s'être changée en chaude passion. Pourtant, le musicien ne perdait pas de vue son objectif ; d'ailleurs, c'était un peu difficile à oublier puisqu'il sentait la verge toujours aussi tendue d'Eiri presser contre son bas-ventre. Mais si je dois le prendre, hors de question que ce soit sans lubrifiant, se dit Shuuichi, qui repensa aussitôt au viol de son amant quelques années plus tôt.

S'il le faisait souffrir en lui faisant l'amour, alors l'idée de douleur resterait associée à l'acte d'aimer, et Yuki resterait toujours aussi réticent à lui ouvrir pleinement son coeur et à lui donner son corps. Après quelques baisers de plus, il se leva donc, sous le regard interrogateur d'un Eiri plus que frustré. En effet, il avait fait l'effort de ne pas interrompre leur préliminaires avant de prendre Shuuichi et maintenant que les rôles étaient inversés, le garçon l'abandonnait. Il sentait déjà l'air tiède de la pièce faire frissonner sa peau brûlante ; si Shuuichi n'était plus là pour lui tenir chaud il allait mourir frigorifié. Agacé, il se passa une main dans les cheveux, repoussant les quelques mèches dorées qui collaient son front moîte.

Mais avant même qu'il ait eu le temps de se lamenter davantage, son amant revint, le tube de lubrifiant à la main. Il s'installa entre les jambes d'Eiri que celui-ci venait d'écarter pour lui, concentré à la tâche, appliqua une bonne dose du gel transparent sur ses doigts. Poussant un soupire pour se donner un peu de consistance, il introduisit lentement et prudemment son index dans l'intimité de son amoureux. Il leva son regard vers le blond pour s'assurer que tout allait bien, et au lieu de trouver les traits de son beau visage tirés par les pointes de la douleur, il rencontra un regard d'ambre, perçant. Légèrement surpris, le chanteur déglutit.

Yu-Yuki ? Y'a quelque chose... qui ne te plait pas ? tenta-t-il d'une voix hésitante.

Non.

Alors, pourquoi tu me fixes comme ça.

Je te regarde faire.

Ces simples mots avaient suffit à déstabiliser Shuuichi qui perdit un peu de sa confiance en lui. Le simple fait de savoir que ce regard troublant était braqué sur lui l'intimidait énormément. Ce n'est que lorsque Yuki se redressa légèrement pour l'attraper par les hanche et l'attirer vers lui qu'il se ressaisit. Introduisant une second doigt entre les paroies intérieures chaudes, élargissement l'étroit passage, il se pencha et vint caresser du bout de la langue la hampe de son amant. Instinctivement, Eiri leva légèrement le bassin, réclamant davantage, ce que Shuuichi ne lui refusa pas. Sa langue passa à plusieurs reprises sous la virilité du blond, lui tirant quelques gémissements excitants.

Jugeant que c'était bien assez de préparation - si le musicien continuait ce petit jeu plus longtemps, ils risquaient de perdre la tête - il retira ses doigts et se resservit une autre dose de lubrifiant pour sa propre hampe, car deux précautions valent mieux qu'une. Puis, il s'approcha encore un peu jusqu'à ce que, de ses cuisses, il puisse surélever un peu le bassin de son amant. Avec de délicates caresses sur l'intérieur de ses cuisses, il écarta un peu plus ses longues jambes blanches pour se faciliter l'accès, et s'assit sur les talons pour se donner un minimum de stabilité. De son côté, Eiri faisait de son mieux pour cacher à son petit ami combien il était excité à l'idée de réitérer l'expérience de Février dernier. En fait, il en tremblait presque, et sentir la virilité de Shuuichi caresser l'entrée de son intimité ne l'aidait guère à garder le contrôle. Il passa ses jambes autour des hanches de l'étudiant et croisa ses pieds derrière lui afin d'avoir un point d'appui et que tout son poids ne repose pas uniquement sur le frêle corps du garçon.

Et l'instant d'après, il le sentit se frayer un chemin en lui. Malgré la préparation, c'était totalement différent : d'une part parce que c'était plus douloureux, et d'autre part parce que c'était bien meilleur. Lui qui était déjà au bord de l'orgasme eut toutes les peines du monde à supporter la lenteur avec laquelle l'adolescent s'enfonçait en lui. Lorsque Shuuichi fut enfin entré tout entier dans son corps, Eiri poussa une longue plainte lacive, qui émoustilla encore un peu plus le jeune homme. Ce dernier se cramponnait aux hanches de l'écrivain pour se donner la force et la volonté de ne pas jouir sur le coup. Il garda la position pendant quelques secondes, laissant le temps au corps de son amant d'accépter sa présence, mais aussi pour prendre quelques bonnes et profondes inspirations afin de récupérer un minimum de contrôle avant de commencer.

Puis lentement, il commença à bouger, se mouvant en rythme. Parmi les soupirs et les gémissements de Yuki, aucuns n'exprimait de la douleur ou un mal-être quelconque, alors très vite, les ondulations du bassin de Shuuichi devinrent des coups de butoire. Il avait besoin d'entendre plus de ces gémissements. Il voulait lui donner tout le bonheur du monde à chaque accoup. Et Yuki accéptait volontiers cette cadence plus rude. Après tout, Shuuichi n'avait-il pas promis de le faire crier et pleurer de bonheur ?

Shu-Shuuichi ! appela-t-il, dans un grognement tandis que son partenaire le regardait, ses yeux à moitié clos et voilés de désir.

Avec un petit sourire satisfait, plus que content de voir l'état dans lequel il avait mis son bien-aimé, Shuuichi changea légèrement l'axe de ses mouvements, ce qui lui permit de trouver au coup suivant la prostate d'Eiri. Et à peine l'eut-il effleurée que le blond poussa un cri rauque. Il n'était plus très loin, il pouvait le sentir : les muscles du romancier se resserraient autour de lui... Et maintenant, à chaque accoup, il criait. Un peu plus fort à chaque fois. C'en était trop, Eiri n'en pouvait plus. Sa tête tournait et, bien que ses yeux soient grands ouverts, sa vision devenait toute trouble. Il se arqua légèrement, sa tête basculée en arrière, accordant un meilleur accés encore à son seme occasionnel. Et c'est lorsque le chanteur empoigna brusquement sa hampe qu'il vint. Il avait envie de crier mais sa voix était prise dans sa gorge. Tout ce qu'il sentait c'était le plaisir qui le submerger.

Non, c'était même encore mieux que le plaisir. Au fond de lui, tout avait basculé : il se sentait si bien... En sécurité, au chaud, entouré d'amour. Il était heureux ce soir. Et il savait que Shuuichi l'était aussi, à en juger par l'orgasme de ce dernier qui se libérait en lui.

Après cet orgasme puissant à en faire trembler les murs, Shuuichi se laissa tomber sur l'abdomen d'Eiri, le temps de reprendre son souffle. Sa tête était pleine de petits coeurs, ses yeux éblouis par des centaines d'étoiles, et son ventre envahi par une nuée de papillons. Et le coeur battant la chamade de son amant sous lui le fit sourire. A ses oreilles, c'était comme si le sien et celui de Yuki chantait en choeur. Finalement, après avoir un peu récupéré, il se retira et vint s'allonger juste à côté de son chéri, se blottissant contre lui.

Eiri n'avait pas dit un mot, se contentant de passer un bras autour des épaules du garçon. Son regard encore embrumé fixait le plafond blanc, encore sous le choc de son orgasme, mais aussi à cause de...

Yuki ? s'enquit son petit ami en lui jetant un regard inquiet.

Et ce fut autour de Shuuichi de rester silencieux. Sur le visage pale de son amant glissaient des larmes ; elles roulaient lentement le long de ses tempes jusqu'à s'écraser sur le coussin sur lequel reposait sa tête. Et Shuuichi, si heureux qu'il était de voir Eiri pleurer - non pas que le fait de pleurer en soit était rejouissant, simplement il aimait le voir lui ouvrir son coeur - s'approcha de lui et déposa un baiser sur chacunes de ses joues.

Alors, ça soulage de pleurer ?

Après quelques secondes d'hésitation, Yuki répondit dans un murmure :

Enormément.

Et là-dessus, il roula sur lui-même jusqu'à reprendre sa place, c'est-à-dire sur Shuuichi. Il tendit le bras pour attraper le plaid et les recouvrit son amant et lui. Puis il enlaça Shuuichi et lui souffla à l'oreille :

Pourquoi a-t-il fallu que je tombe amoureux de toi ? Pourquoi es-tu le seul à savoir me rendre heureux ?

C'est le destin qui a fait nos chemins se croiser. Et maintenant qu'on s'est trouvés, hors de questions que je te laisse en paix, plaisanta Shuuichi.

Mais Eiri repensa à toutes ces questions qu'il s'était posées quelques mois plus tôt. Il était si indécis à propos de la relation qu'il voulait avec son élève... Puis du jour au lendemain, tout était devenu clair, il n'avait plus eu la moindre hésitation. C'était bien le destin qui les avait fait se rencontrer et aujourd'hui plus que jamais, il savait que si son avenir ne se faisait pas avec Shuuichi, alors il préférait n'avoir aucun avenir du tout. Ce garçon, cet idiot aux cheveux roses était devenu toute sa vie. Il était ce qui faisait son bonheur. Et jamais, non jamais il ne le laisserait lui échapper de nouveau.

Shuuichi, de son côté, ne se posait pas autant de questions. Les choses étaient telles qu'elles étaient et il n'y avait rien au monde qui pouvait y changer quoi que ce soit. Shuuichi ne se laisserait plus jamais éloigner de Yuki. Il y a deux semaines, il avait failli tout perdre. Mais si le destin était vraiment ce qui les avait mis ensemble, maintenant le destin n'était plus assez fort pour pouvoir les séparer. Il jeta distraitement un coup d'oeil à son poignet droit, sur lequel l'indélébile marque de son amour pour Yuki était inscrite à même la chaire.

Je t'aime, Eiri. De toutes mes forces.

Moi aussi, susurra le blond avant de l'embrasser tendrement.

Ils restèrent ainsi blottis, l'un contre l'autre, sous leur couverture et au mileu des coussins, dans le silence le plus total. Bientôt, le sommeil pointa le bout de son nez et Shuuichi se sentit partir. Mais la voix d'Eiri l'interpella :

Si tu veux recommencer, vas-y.

Non, je suis trop fatigué. J'en peux plus. Je te reprendrai demain.

C'est ce soir ou c'est rien, fit Eiri, retrouvant son côté provocateur et moqueur.

Alors c'est rien. Tanpis. De toute façon, j'ai déjà eu ce que je voulais.

Intrigué, le blond haussa un sourcil.

Ah oui ? Quoi ?

Toi, baka.

Tsss... Et c'est toi qui m'appelle baka, sale gamin... ricana-t-il en resserrant son étreinte. N'oublie pas : tu as dit que tu ne me quitterais jamais. Tu m'appartiens, Shuuichi, ajouta-t-il dans un murmure à l'oreille de son amant.

Pour toute réponse, le garçon déposa un baiser au creux de son cou et souffla :

Tu es à moi aussi, Yuki... Y'a mon nom marqué sur toi.

Puis, sans plus un mot, Shuuichi sombra dans un profond sommeil, la personne la plus satisfaite et heureuse du monde.

XXX XXX XXX

Le lendemain matin, Shuuichi se réveilla dans son lit, tranquillement blotti dans son avalanche de draps et de couvertures. Eiri avait dû s'être réveillé pendant la nuit et l'avoir porté jusqu'ici - Et mon adorable chéri m'a même nettoyé de nos ébats d'hier soir... songea-t-il avec un sourire. Il dormait si paisiblement jusqu'à ce qu'un certain blondinet ouvre les épais double-rideaux pour laisser entrer la lumière du soleil. Quelle heure était-il ? Sûrement tard pour que Yuki soit déjà réveillé.

Ouvrant lentement les yeux, s'étirant et baillant bruyamment, l'adolescent se redressa. Bien qu'il soit maintenant assis sur son séant, il ne voyait pas encore très clair ; aveuglée par le soleil, sa vision était toute floue. Et il était si concentré à tenter de décripter les chiffres lumineux rouges sur le réveil que ce n'est que lorsqu'il reçut un petit bisou sur la joue qu'il remarqua Eiri, qui était venu s'asseoir à côté de lui. 8h48... Il fallut un petit moment au chanteur pour pouvoir proprement déterminer les formes et les couleurs. Il n'y a qu'alors qu'il remarqua avec quelle classe son amant était habillé : costume brun foncé, avec une chemise couleur caramel et - Oh miracle ! - une cravate, elle aussi marron foncé. Cet assortiment de différentes nuances de brun allait à ravir à l'écrivain et s'accordait joliment à ses cheveux miel doré et à son regard ambré.

Yuki Eiri, deboutavant 11h du matin, et qui porte une cravate par-dessus le marché ?! ricana doucement Shuuichi. C'est quand même pas la fin du monde ?

Baka.

Puis, Shuu remarqua également qu'Eiri avait ramené ses cheveux en arrière, dans un effort de les coiffer, et qu'il portait ses lunettes.

Tu m'as l'air bien sérieux, comme ça. Plus encore que quand tu étais prof à la fac. Que nous vaut cet honneur ? Quelqu'un est mort ? demanda-t-il sur le ton de la plaisanterie, sans pour autant perdre une miette du spéctacle, se délectant de tout le charisme et le sex appeal de son petit ami.

Y'a des pourris au conseil d'administration de BS qui ont prévu d'organiser une réunion extraordinaire pour déterminer si Miri, dans l'état où elle est, est encore capable de diriger son entreprise. En gros, ils veulent profiter qu'elle soit à l'hôpital pour se débarasser d'elle et diriger la boîte. Ces vieux cons détestent se faire diriger par une adolescente plus maline qu'eux. Heureusement qu'Ericson, le bras droit de Miri, et Sean, qui est le nouveau responsable du département multimédia nous ont tenu au courant. Ils soupçonnent même que ce soit Seguchi qui ait suggéré cette réunion à Yearns et De Rilapierre.

Mais tu vas empêcher ça, hein Yuki ? demanda Shuuichi, à la fois énervé et paniqué à l'idée qu'on profite de la faiblesse passagère de Miri pour lui voler le fruit de son travail.

Evidemment. C'est pour ça que j'y vais. Hors de question que je laisse passer ça. Je suis son tuteur donc je suis son remplaçant désigné en tant que PDG. Et étant titulaire de sa fortune, je suis aussi le principale investisseur. J'ai donc plus de poids dans l'entreprise que tous ces crétins réunis. Ils ne pourront rien faire.

Alors tu leur en mettras plein la vue, hein !? fit Shuuichi, tout fier, un sourire brillant s'étirant sur son visage.

Comme d'habitude, fit le blond d'un air suffisant.

Puis, il ébouriffa la chevelure fuchsia de son compagnon avant de se lever.

Je t'ai préparé ton p'tit dèj mais tu feras la vaisselle. Et puisque le doyen t'as donné une dispense de cours jusqu'à la fin de l'année à cause de toute l'affaire Kaname, t'as qu'à en profiter pour rattraper ton retard en littérature.

J'suis peut-être dispensé jusqu'aux exams de fin Avril, mais du coup je dois suivre les cours de rattrapage de cet Eté et participer à la session d'examens de la rentrée de Septembre.

Te plains pas, t'as du temps pour prendre un peu d'avance. Si quelqu'un doit se plaindre, c'est moi. Je voulais partir au Canada pendant les vacances mais à cause de toi, je dois rester ici.

Tu voulais qu'on parte en vacances ?! s'enthousiasma Shuuichi.

Calme tes ardeurs, sale môme. Souviens-toi que tu as des cours tout l'été, donc on va nulle part.

Mmmh... grogna Shuuichi, déçu. C'est pas comme si c'était de ma faute, hein...

Mais Eiri ne répondit pas, trop occupé à vérifier que son paquet de cigarette, son briquet, son portefeuille et ses clés étaient bien dans le porte-documents qu'il avait préparé. Heureusement pour Shuuichi qu'il lui tournait le dos ou bien il aurait pu se mettre très en colère en le voyant tirer la langue, comme un enfant gâté qui refuse d'ouvrir son cahier de vacances.

Pas la peine de bougonner et de grogner, Shuuichi. Si tu bosses pas, c'est moi qui me chargerait de te faire réviser.

Vraiment ? fit l'adolescent, intéressé par la douce perspective de se voir donner des cours très particuliers par son séduisant professeur personnel.

Te fais pas de films, Shuuchan. Quand je suis dans le rôle du prof, je suis tout sauf gentil, le prévint Yuki en lui adressant un regard dur par-dessus son épaule, lui rappelant avec quelle cruauté il le traitait au tout début.

Et toi qui me faisais l'amour si passionnément hier soir, me murmurant des mots d'amour... On est loin du Yuki qui gémit pendant que je --

Shuuichi, si tu continues, je vais vraiment me mettre en colère. Je suis déjà de mauvaise humeur rien qu'à l'idée de passer la journée avec des crétins alors n'en rajoute pas.

Le chanteur poussa un soupir à vous fendre l'âme et se leva, tout nu qu'il était, pour aller enlacer son chéri. Il l'embrassa tendrement et lui murmura :

Pour te porter chance.

Pas besoin de chance avec ces abrutis.

Oui, tu as raison, ricana Shuu. Ton regard de tueur suffira amplement.

Là-dessus, Eiri déposa un baiser sur son front et partit.

Finalement seul, Shuuichi se décida à s'activer. Maintenant qu'il était debout, autant profiter de cette journée qui s'annonçait bien. Il enfila une des chemises de son amant - celles qui étaient bien trop grandes pour lui mais qu'il affectionnait tant - et se dirigea vers la cuisine pour y prendre son petit déjeuner. Au passage, il alluma la télé pour pouvoir entendre la météo et les nouvelles de la journée depuis la cuisine. C'était une habitude qu'il avait prise de Yuki ; avant, il ne s'intéressait pas plus que ça à ce qui se passait dans le monde, pas plus qu'il ne s'intéressait aux prévisions météo quasiment toujours erronées. D'ailleurs, Yuki lui-même s'en foutait pas mal, mais tout ça n'était que question de culture général. Et puis, Yuki aimait être au fait des dernière idioties des politiciens, et connaître la météo du jour pour savoir à peu près quels vêtements mettre. De toutes façons, une fois les infos générales passées, il laissait toujours à Shuuichi le droit de zapper pour mettre les cartoons ou autres animes.

Dans la cuisine, l'étudiant découvrit une assiette de gauffres avec un pot de confiture de fraise, une théière encore fumante remplie de son thé préféré - il pouvait en reconnaitre le parfum de jasmin n'importe où - et un grand verre de jus d'ananas. Le garçon connaissait maintenant suffisament bien son homme pour savoir que c'était sa façon à lui de le remercier pour la nuit précédente. C'est donc avec le sourire aux lèvres qu'il ne fit qu'une bouchée de cet appétissant repas. Puis, il fit rapidement la vaisselle avant d'aller prendre une douche rapide. Ensuite, il s'habilla et vint s'installer devant la télé pour regarder la diffusion de 10h30 de Pimp my Ride sur MTV. Il regarda aussi quelques extraits des dernières aventures de Takeshi Castle sur une chaîne cablée Japonaise avant de finalement éteindre la télévision pour allumer la radio et écouter les dernières nouveautés musicales (2).

Il alla surfer sur internet jusqu'à midi environ, puis se décida à se faire réchauffer un peu de Ramen. Après un rapide déjeuner, il se dit que peut-être quelques révisions en littérature ne lui feraient pas de mal. Heureusement que Jo lui avait filé des photocopies de ses notes quand il était sorti de l'hôpital afin qu'il rattrape son retard. Il alla donc chercher ses livres et son classeur, puis vint s'installer à la table du salon. Mais une fois assis devant ce tas de papier inintéressant, Shuuichi perdit toute motivation.

Faut que je travaille, marmonna-t-il pour lui-même, sans trop de conviction. Si j'ouvre pas mes bouquins, Yuki vame tuer.

Pourtant, la tentation de laisser ses devoirs en plant pour aller faire du roller à Central Park était bien trop grande pour qu'il y resiste. Sentant la culpabilité l'envahir à cette idée, il fit la moue. Puis, son esprit retort songea à la parade idéale... Avec un sourire sournois, Shuuichi ouvrit un de ses livres, pris au hasard dans la pile, l'ouvrit à une page quelconque, balaya des yeux quelques lignes du texte, puis referma le bouquin d'un coup sec. Il réitéra l'action avec chaque livre et une fois fini, il poussa un long soupire, comme après une longue journée de travail et dit :

Voilà ! J'ai ouvert mes livres !

Et d'un air tout joyeux, comme libéré d'une encombrante corvée (ce qui était un peu le cas), il se leva de sa chaise et s'étira.

J'ai une meilleure idée ! Je vais aller à l'hôpital rendre une petite visite à Miri ! Avec elle au moins, je ne m'ennuierai pas. Et puis, Hiro lui-même a dit qu'il lui fallait de la compagnie pour éviter qu'elle ne pense au bébé...

Avec son nouvel objectif en tête, il alla dans l'entrée enfiler ses baskets et sa veste en jean's, prit ses clés et son portefeuille, et partit.

Sur le chemin, il prit le temps d'acheter quelques pâtisseries. En effet, il savait qu'à l'hôpital, Miri était mise à la diète et qu'on ne lui servait rien hormis ces horribles plats sans saveur et à l'arrière goût de plastique. La pauvre... Comme si on pouvait soigner des gens en les dégoûtant de la nourriture. Je me demande si ceux qui préparent ces atrocités goûtent à leur propre cuisine avant ?! songea l'adolescent en quittant la boulangerie, une boîte pleine de tartelettes à la crème et aux fruits dans les mains.

Lorsqu'il arriva finalement à destination, il frappa à la porte de la malade pour s'annoncer. Et lorsqu'il reçut l'invitation d'entrée, il ouvrit et lança :

Konnichi wa, Miri-chan !

Oy, Shuuichi ! On est dans un hôpital ici. Je ne suis peut-être plus dans le service des urgences mais j'ai entendu dire qu'il y avait un vieux à l'article de la mort dans la pièce d'à côté, le réprimanda la jeune femme, assise dans son lit, un magazine dans les mains.

Su-Sumimasen... fit l'adolescent avec une petite moue.

J'espère juste que tu l'as pas terrorisé au point qu'il en fasse une crise cardiaque.

Aussitôt, une vague de culpabilité envahit le pauvre Shuuichi. La guitariste dût le remarquer puisqu'elle lui dit :

Il est à l'article de la mort, alors s'il a clamsé, au mieux tu lui auras rendu service en abrégeant ses souffrances.

Je ne pense pas que ce que tu lui dis là va beaucoup le rassurer, plaisanta Hiro, derrière Shuuichi, alors qu'il venait juste d'arriver.

Il ferma la porte derrière lui et alla au chevet de sa fiancée pour lui offrir un baiser.

T'en as mis du temps, grogna-t-elle. T'as été les fabriquer ces maki ou quoi ?

J'ai dû faire le tour de la ville pour trouver un resto sushi digne de ce nom, répondit le jeune homme à la chevelure bordeaux en déposant un bentô en plastique, pleins de maki au saumon, au thon et aux crevettes sur les genoux de la demoiselle.

Puis il se tourna vers son meilleur ami et lui donna une tape amicale sur l'épaule.

Shuuichi, mon vieux, t'as l'air de bonne humeur ! Ca fait plaisir à voir, sachant qu'hier t'avais plutôt l'air démoralisé.

Démoralisé ? s'enquit Miri.

Le fait qu'on ne progresse pas dans l'affaire Seguchi me frustre grave, expliqua Shuuichi avec une mine agacée. Mais Yuki m'a réconforté hier soir alors tout va mieux ! Je suis sûr que nos problèmes se régleront très vite à partir de maintenant, ajouta-t-il avec un regain d'enthousiasme.

Réconforté, hein ? se moqua la blonde. Dis plutôt qu'il t'as baisé comme une bête toute la nuit !

Hiro eut du mal à choisir entre choc et rire, et réprima avec difficulté un petit gloussement. Jusqu'à lors, il n'avait jamais essayé d'imaginer son chanteur de meilleur ami en pleine action avec son ancien prof, c'est cette image qui le secouait un peu. Mais le vocabulaire cru de sa petite amie avait le don de le surprendre à chaque fois. Il ne pouvait plus compter le nombre de fous rires qu'il avait eu à cause de son franc-parlé.

Shuuichi, peu décontenancé, répondit simplement :

Tu te trompes. Lui et moi avons fait l'amour passionnément et tendrement, après quoi nous en sommes ressortis plus sûrs de nos sentiments et plus forts dans notre relation.

Mmh, que de belle poésie... constata Hiro. Mais dis-moi, c'est toi le uke dans votre couple, n'est-ce pas ?

Na-nani ?!! balbutia le garçon à la tignasse rose, rougissant comme une collégienne.

Donc j'ai raison ? insista son meilleur ami.

Non ! Ca m'arrive d'être dessus, tu sais ! Pas plus tard qu'hier d'ailleurs ! s'exclama Shuuichi, touché dans sa fierté.

T'es pas sérieux ?

Si, si ! Moi aussi je suis un garçon, tu sais. Et j'ai certains besoins que mon amant comble parfaitement ! J'ai beau être petit et ressembler à une fille, je ne suis pas totalement soumis non plus !

Putain... jura l'autre garçon entre ses dents. Tu viens de me faire perdre 200 dollars.

Hein ?

Et oui, cet idiot a parié contre moi. Il était persuadé que tu étais le uke par excellence et que tu étais capable de mettre ta fierté de mâle de côté pour subvenir aux besoins de mon frangin.

Et toi, tu savais ? s'étonna Shuuichi.

Pas vraiment. Mais tu sais, j'ai eu tellement de surprises de ta part et de celle d'Eiri que je me suis dit que votre vie sexuelle devait elle aussi avoir son lot. D'ailleurs, je suis étonnée d'apprendre que mon frère - si dominateur et macho - ait également des désirs de soumissions.

J'aurais mieux fait de me la fermer, Eiri va me tuer... marmonna le chanteur pour lui-même.

T'inquiète pas, je ne taquinerai pas mon frère à ce sujet et puis cette révélation ne sortira pas de cette pièce, n'est-ce pas Hiroshi ?

Parole de scout ! affirma le musicien.

T'as jamais été scout, Hiro, lui rappela son ami.

Et puis, grâce à toi, je viens de m'enrichir de 200 dollars, ajouta Miri.

J'arrive pas à croire que vous ayez parié là-dessus ! fit Shuuichi, en boudant.

Et moi j'arrive pas à croire que ma fiancée multi-millionnaire me fasse payer ma dette.

On ne joue pas quand on est mauvais perdant, répondit Miri, d'un air supérieur.

Shuuichi sourit, heureux de voir sa belle-soeur en forme, n'ayant rien perdu de son mordant. Et surtout il était heureux de voir que la complicité entre Hiro et la belle blonde était au beau-fixe. Ces deux-là étaient faits l'un pour l'autre, ils s'étaient vraiment bien trouvés. Peut-être que là aussi, c'est le destin qui a joué en leur faveur ?... se dit-il avec un sourire attendri. Puis il remarqua la boîte de pâtisseries, jusqu'à là restée dans ses mains.

Tiens, Miri-chan, dit-il en tendant la boîte à son amie.

Génial, t'as pensé au dessert.

Pendant une bonne heure, les trois amis papotèrent gentiment, les sujets de conversation variant de l'avenir de Bad Luck aux préférences culinaires de chacun en matière de sushi, en passant par la tentative de "coup d'état" chez BS. Finalement, vers 15h, Tatsuha, Ryuuichi et K arrivèrent. Ils restèrent tous ensemble pendant encore une vingtaine de minutes jusqu'à ce que Hiro parte grignoter quelque chose à la cafétariat et que les quatre autres décident qu'il était grand temps pour eux de partir s'ils voulaient profiter des soldes.

Evidemment, venant de K, Tatsu et Ryuu, ce n'était qu'une excuse. Shuuichi, trop heureux à la perspective de passer l'après-midi avec son idole, avait immédiatement demandé à les accompagner. Une fois dans le parking sous-terrain de l'hôpital, ils entrèrent tous dans le van du manager, et c'est là que leader de Bad Luck comprit. Il n'avait jamais été question de faire du shopping.

Ryuuichi a un plan. Mais on ne peut rien faire sans toi, Shuuichi, dit K, de but en blanc.

Moi ?! s'étonna le jeune chanteur.

Oui, toi. Tu es la pièce maîtresse.

Shuuichi fronça les sourcils, se demandant s'il voulait vraiment entendre la suite. Puis il se souvint des mots de Tatsuha la veille... Il avait raison : Tohma devait payer. Et s'il avait les moyens de le faire couler, autant sauter sur l'occasion ! Ce connard a voulu tuer Miri. Il a voulu me tuer moi. Eiri en aurait été effondré, détruit. Et si on ne fait rien il recommencera tôt ou tard. Je ne peux pas permettre que les gens que j'aime souffrent.

En quoi ça consiste, ce plan ? demanda-t-il.

Un sourire satisfait apparut sur les lèvres des trois hommes face à lui. Et c'est Ryuuichi qui lui répondit :

On s'est dit que, puisque qu'on ne trouvait pas de preuves, on n'avait qu'à en fabriquer.

Mais, si quelqu'un découvre que ces preuves sont fausses...

Elles ne seront pas fausses, le corrigea Tatsuha.

Oui, approuva l'autre chanteur, si on se sert directement à la source, la preuve obtenue sera amplement suffisante pour l'envoyer en prison à perpétuité.

Ou pourquoi pas directement dans le couloir de la mort, fit le petit frère de Yuki, une expression de haine muette sur ses traits. Après tout, dans l'état de New York comme au Japon, la peine capitale existe encore (3).

En gros, vous voulez des aveux, en déduisit Shuuichi.

Exactly ! affirma K, avec un sourire victorieux illuminant son visage d'américain dérangé.

Et on a rien dit à Yuki-san parce qu'il nous a semblé évident qu'il se serait opposé à un plan tel que celui-ci, expliqua Ryuuichi.

Parce que... c'est si dangereux que ça ? s'enquit son protégé aux chaveux fuchsia.

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Quelle belle journée de Printemps...Le soleil brillait, les oiseaux gazouillaient, les enfants s'amusaient dans le magnifique parc qu'était Central Park. Et, il en était convaincu, la journée ne ferait que s'améliorer pour lui. Il attendait depuis dix bonnes minutes maintenant et son rendez-vous n'était toujours pas là. Mais rien de surprenant venant de la part d'un gamin comme Shindou Shuuichi. Il avait toujours était trop clément avec les chiens perdus comme cet adolescent irresponsable. Et puis, de toutes façons, il n'avait que ça à faire aujourd'hui : attendre.

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Eiri était épuisé. Ces idiots lui avait donné pas mal de fil à retordre mais avec les connaissances en droit des affaires d'Ericson, il s'en était sorti haut la main, comme c'était à prévoir. Honnêtement, il devait reconnaître que sa soeur avait un don pour s'entourer des bonnes personnes. Excépté cet idiot de Yearns, qu'elle n'avait gardé dans son épique qu'en mémoire de son père qui l'avait embauché, et le délégué des investisseurs, De Rilapierre - Quel nom de merde... - qui avait été désigné par les principaux actionnaires. Pourtant, Eiri ne se souvenait pas avoir voté pour lui... Bizarre... Ou peut-être que... Ah mais oui ! J'me souviens avoir entouré son nom sur le bulletin de vote à cause de son nom à coucher dehors avec un ticket de logement ! Y'a pas idée de s'appeller Jean-Baptiste Marcel De Rilapierre. Et moi j'aurais mieux fait de me casser une jambe le jour où j'ai voté pour lui. J'devais être bourré, j'vois que ça...

C'est avec ces pensées biscornues que le grand blond entra dans la chambre d'hôpital de sa petite soeur, prêt à lui faire un rapport détaillé de cette réunion extra-ordinairement chiante. Mais quand il entra, quelle ne fut pas sa surprise de voir :

Mika ?!

La jeune femme aux longs cheveux auburn, parfaitement maquillée et portant une robe de grand couturier, était assise sur une chaise au chevet de la guitariste. La tension dans la pièce entre les deux frangines était palpable. Un silence lourd de repproches et de méfiance semblait planer au-dessus de leurs têtes.

Eiri, je suis contente de te voir.

Le romancier ne dit rien, se contentant de se débarrasser de sa veste et de sa cravate qu'il largua nonchalement au pied du lit de Miri. C'était la deuxième fois seulement qu'il voyait Mika depuis son arrivée à New York. En effet, il l'avait croisée la première fois ici même, dans cette chambre d'hôpital, alors qu'elle était venue rendre visite à Miri. Le moins que l'on puisse dire c'est que ça ne s'était pas très bien passé : elle avait affirmé ne rien avoir dit à son mari au sujet de leur supçons à son sujet, ce qui les avait grandement rassurés. Mais le fait qu'elle tente de le défendre, de lui trouver des excuses, de se voiler la face... Ca avait fait enrager Eiri et fait fondre Miri en larmes. La musicienne était encore très sensible à ce moment-là, à cause de la perte de son enfant, et voir sa soeur aussi affaiblie, aussi effondrée avait suffit à mettre le romancier dans une colère noire. Résultat, il avait passé toute sa rage contre son ainée, bien qu'elle ne soit pas responsable de tout ces malheurs. Même Tatsuha, alors présent, s'était acharné contre elle, lui rappelant comment son "bien-aimé" époux avait manqué de tuer sa petite soeur. Comment un enfant innocent avait péri. Et comment un psychotique avait manqué de violer sans vergogne le petit ami de son frère. Il était donc compréhensible que tout n'aille pas au mieux entre eux.

Je suis venue m'excuser pour mon attitude de la dernière fois, dit finalement Mika.

C'est la moindre des choses, en effet, fit remarquer Miri avec un brin de sarcasme et de rancoeur dans la voix.

Vous aviez raison, tous les trois. Je ne voulais simplement pas l'admettre. Je suis désolée.

Eiri ne dit rien, se contentant d'écouter. Il était tellement rancunier qu'il avait du mal à lui pardonner. Mais elle était sa soeur et elle n'avait pas un mauvais fond, loin de là. Mika était une personne douce et gentille, toujours très protectrice avec ceux qu'elle aimait.

Je... Je me doutais que quelque chose comme ça arriverait, déclara-t-elle.

Comment ça ? l'interrogea Miri, intriguée.

Depuis le jour où tu t'es présentée chez nous, à Kyoto, clamant être notre demi-soeur et avoir des nouvelles d'Eiri, que l'on savait disparu, Tohma a changé. Il était si tendre et attentionné avec moi... J'étais heureuse avec lui. Malgré tous les malheurs qui avaient frappé notre famille, la fugue d'Eiri, la mort de maman, je me sentais prête à un nouveau départ avec lui, prête à bâtir un foyer.

Mika baissa les yeux, observant ses mains comme si elle leur avait trouvé un intérêt soudain. Elle prit une profonde inspiration avant de reprendre.

Tohma est devenu... obsédé. Il ne pensait qu'à Eiri et à comment le retrouver. Au début, je me disais qu'il avait retrouvé la foi. Je pensais que c'était simplement de l'enthousiasme et de la détermination, comme juste après qu'Eiri soit parti et qu'on avait encore l'espoir de le retrouver. Mais j'ai commencé à comprendre qu'il y avait autre chose...

C'est justement cette "autre chose" qui m'a poussé à fuir, intervint Eiri, profitant d'une pause dans le mologue de sa soeur.

Je suis désolée, Eiri. C'est moi qui ai amené Tohma dans notre famille. Il est celui qui t'a amené ici, à New York. Celui qui t'a présenté à Kitazawa. Celui qui t'a poussé à fuir. Et maintenant il est celui qui a manqué de faire tuer Miri, et ton petit ami, Shuuichi. Il est celui à cause de qui nous ne connaîtrons jamais notre neveu ou nièce... J'aurais dû comprendre plutôt... J'aurais dû parce que moi aussi j'ai perdu mon bébé il y a quelques mois... (4) Je suis désolée... Je suis tellement désolée...

Et c'est à ce moment-là, et pour la première fois de sa vie, qu'Eiri vit sa soeur Mika, elle qui était si forte et si courageuse, pleurer. Elle sanglotait, comme une enfant perdue. Elle était d'hors et déjà pardonnée.

Mika... souffla Miri, en tendant la main vers sa grande soeur.

Un sourire bienveillant, un de ceux que l'on voyait rarement venant de cette sale gamine, se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle attirait à elle son ainée, l'invitant à poser sa tête sur ses genoux à défaut de pouvoir pleurer sur son épaule.

Maintenant que j'y pense, c'est un peu grâce à toi que Seguchi a fait entrer Eiri en contact avec Kitazawa. Et c'est comme ça qu'il a muri autant, parce que j'ai entendu dire plus d'une fois qu'il était trop naïf et insouciant étant plus jeune. Et puis, grâce à ça, on a pu se rencontrer tous... Eiri et moi, puis moi et votre famille qui m'avezsi gentiment accéptée, puis Eiri et Shuuichi, et moi et Hiro. Parce que si Eiri n'était pas resté ici, il n'aurait sûrement jamais rencontré son Shuuchan adoré. Et moi je n'aurais jamais eu besoin d'aller si souvent au Japon vous voir et donc, je n'aurais jamais rencontré le père de mon bébé. En fait, on te doit tous une fière chandelle. Comme mon père disait : "Les épreuves que Dieu nous fait traverser ne sont jamais veines, il y a toujours du bon dans les moments de malheurs, il suffit de savoir le trouver".

Je ne te savais pas croyante, fit remarquer Eiri, un peu amusé.

Je ne le suis pas, espèce de nouille. Mais je crois en une certaine forme de destin... Enfin, je pense.

Bienvenue au club, alors, dit-il avec un minuscule sourire, s'asseyant au pied du lit.

Un long silence s'installa, mais bien plus léger cette fois. Tout était rentré dans l'ordre, enfin presque, alors les choses ne pouvaient qu'aller de mieux en mieux. Du moins, Eiri l'espérait sincèrement. Lorsque les légers sanglots de Mika disparurent, finalement calmée, elle se redressa et essuya ses joues humides avec un mouchoir sortit de son sac.

Kami-sama bénisse l'inventeur du water-proof, marmonna-t-elle avec un petit sourire.

Au fait, où est Nakano ? s'enquit Eiri. Lui qui est toujours auprès de toi pour s'assurer que tu ne manques de rien...

Quand Mika est arrivée je lui ai demandé de rentrer et de se reposer. Il ne voulait pas alors j'ai dû le menacer un peu et lui donner du boulot, comme quelques partitions à composer pour leur prochain single, expliqua la plus jeune de ses soeurs.

Préférant ne pas songer à quelles menaces Miri avait eu recours, il préféra changer de sujet. Il allait lui parler des résultats de la réunion à BS quand quelqu'un fit irruption dans la pièce, les faisant presque sursauter (5).Kitazawa Yoshiki, à bout de souffle, sa tignasse platine ébouriffée, se tenait dans l'encadrement de la porte.

On a un problème ! Eiri-san, j'ai pensé que vous voudriez savoir...

Qu'est-ce que tu me veux ? grogna Eiri, toujours pas à l'aise quand il était en présence de cette gamine - ou plutôt de ce gamin.

Yoshiki reprit difficilement son souffle, puis expliqua :

Je vous ai cherché partout depuis ce midi. A BS, j'ai entendu K-san, Ryuuichi-sama et votre petit frère discuter d'un plan. J'ai pas entendu les détails mais, il m'a semblé que ça concernait Seguchi. J'ai entendu les mots "aveux" et "utiliser Shuuichi", ainsi que "Central Park".

Evidemment, avec tous ces éléments, il ne fallut qu'un millième de seconde à Yuki et Miri pour comprendre toute l'ampleur du problème.

Comment ça ? demanda Mika. Je ne comprends pas.

Y'a rien à comprendre ! gronda l'écrivain en se levant, enfilant sa veste.

Eiri !

Ryuuichi va se servir de Shuuichi pour tirer des aveux à Tohma, expliqua Miri, synthétisant la situation à son radicale.

Et tout ça va se passer à Central Park, dit Eiri, dépassant Yoshiki pour quitter la pièce.

Je viens avec toi ! décida Mika.

Hors de question ! Tu vas me gêner, c'est tout. Je ne peux pas prendre ce risque avec la vie de celui que j'aime ! s'exclama-t-il.

C'est pas une requête petit frère, c'est un ordre !

Et sans plus de pourparlers, Mika partit avec lui, laissant Yoshiki et Miri seules dans la chambre. La jeune pianiste se tourna vers son mentor et demanda :

Tu crois que tout se passera bien ?

S'il arrive quoi que ce soit à Shuuichi, alors rien ne se passera bien, Yosh. J'espère qu'Eiri arrivera à tant. Mais en même temps, j'espère que Tohma fasse le mauvais pas qui lui coûtera la vie. Dans tous les cas, c'est la fin de Seguchi.

Comment ça ? demanda la petite soeur Kitazawa, inquiète.

S'il fait du mal à Shuuichi, Eiri le tuera. S'il fait du mal à Eiri, c'est Mika qui le tuera. Si le plan de Ryuu marche comme prévu, c'est la mort par injection qui le tuera.

Et si le plan rate ?

Alors c'est moi qui le tuerai. Tu oublies que moi aussi, j'ai quelqu'un à venger. Je ne laisserai pas le meurtrier de mon bébé s'en sortir vivant, dit froidement la jeune femme, avec dans ses yeux dorés un regard noir à vous glacer le sang, pourtant brûlant d'une haine sans nom.

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Shuuichi n'était plus si sûr que se laisser embarquer dans ce plan plus que dangereux était une bonne chose ; Ryuuichi pouvait être si convainquant quand il s'y mettait... Ses jambes tremblaient légèrement, mais il faisait de son mieux pour n'en montrer rien. Il marchait dans Central Park, à la recherche de son ancien patron, Seguchi Tohma. Ils s'étaient donnés rendez-vous sur un des bancs en face du parc aux pinguins et, de là où il était, il pouvait déjà voir le grand enclos aux hautes grilles entourant la maison de ces petits bonshommes en costumes noirs (6).

Lorsqu'il eut finalement atteint le parc aux pinguins, il reperra Seguchi qui, comme prévu, l'attendait semblait-il patiemment, vêtu d'un de ses costumes chics, un long manteau de tweed noir, son légendaire chapeau sur la tête, et son effrayant sourire étiré sur les lèvres. Tout ira bien, Shuuichi, se dit le chanteur en prenant une profonde inspiration. Tout se passerait selon le plan de Ryuu, Tatsu et K, et en rentrant chez lui ce soir, il retrouverait son Yuki et ensemble ils feraient l'amour comme des bêtes pour fêter leur victoire. Si jamais je sors vivant de cette confrontation... ne put-il s'empêcher de penser. Mais très vite il se resaisit : il pensa à Miri, battue à mort pour le protéger, en sang, étranglée par Kaname... à son bébé innocent... à la possibilité qu'elle ne puisse plus jamais tomber enceinte... à Yuki et à la tristesse qu'il avait pu ressentir en le trouvant lui et sa petite soeur dans cette cave... et à tout le malheur que leur avait apporté Seguchi. Tout est de la faute de Seguchi !

Mû par une nouvelle détermination, le regard et la démarche de Shuuichi se firent assurés tandis qu'il avançait vers le producteur. Celui-ci se leva à son approche et le salua :

Shindou-kun, vous êtes en retard.

Désolé de vous avoir fait attendre, Seguchi-san, lui répondit l'adolescent.

Ce n'est rien. Je n'avais rien de prévu aujourd'hui ; venir à New York, c'est un peu comme une sinécure pour moi.

Etrange que vous soyez aussi détendu après ce qui est arrivé à la soeur de votre femme, releva Shuuichi.

Allons, Miri est hors d'affaire maintenant, assura Seguchi, son atroce sourire ne quittant pas sa face un seul instant. D'ailleurs, je suis heureux que vous vous portiez mieux également.

Merci, répondit le garçon, s'efforçant ne pas paraître trop hypocrite. Bien, comme je vous l'ai dit au téléphone, j'aimerais discuter avec vous des circonstances dans lesquelles Miri et moi avons été kidnappés. Je pense qu'on devrait marcher un peu et se trouver un endroit plus calme, il y a trop de monde dans cette partie du parc.

D'un regard, il désigna les familles avec leurs bambins, en adoration devant les pinguins qui semblaient s'amuser comme des folichons dans leur bassin aquatique. Seguchi acquiesça d'un hochement de tête, et les deux musiciens entamèrent une longue promenade. Se mettre suffisament à l'écart, mais rester à découvert, que les arbres ne gênent pas... se répétait mentalement Shuuichi, comme un mantra qui lui rappelait la marche à suivre.

Finalement, au bout de plusieurs minutes de marche silencieuse, ils arrivèrent à un endroit plus calme, voir presque désert du parc. Il y avait quelques bancs inoccupés, une poignée d'arbustes autour, et une demi-douzaines d'arbres, pas bien grands et loin d'être suffisament nombreux pour bloquer la "vue". Le plus important, c'est qu'il y ait du calme pour capter chaque mot, et de l'espace pour que K puisse agir... se dit-il pour se rassurer. Mais encore une fois, grâce à sa détermination sans faille, Shuuichi parvint à masquer totalement le fond de ses pensées.

Bien, finit par demander Seguchi, rompant le silence. Vous m'avez contacté. Vouliez-vous me parler de quelque chose en particulier, Shindou-kun ?

En effet, Seguchi-san, il y a quelques questions que je souhaiterais vous poser...

Comment cela ? fit mine de s'enquérir le producteur, son sourire faux ne quittant pas un instant ses lèvres.

Shuuichi s'arrêta de marcher, poussant ainsi Tohma à faire halte également. Et de but en blanc, il interrogea :

Etiez-vous vraiment si jaloux de Miri et moi qu'il vous paraissait indispensable de nous mettre en danger de cette façon ?

Et pour la première, le sourire plastique de Seguchi Tohma disparut, le temps d'une fraction de seconde, pour se transformer en un regard de pure haine. Le regard d'un assassin sans peur ni remords.

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Hiro venait d'appeler Miri pour savoir si elle était toujours avec sa soeur et s'il pouvait la rejoindre, prétextant qu'il ne trouvait l'inspiration pour ses mélodies qu'en présence de magnifique muse. Le fait qu'il ait trouvé Miri étrangement calme - voir même un peu froide - au téléphone, l'inquiétait pas mal également. Aussi était-il donc en chemin pour la retrouver à l'hôpital, à califourchon sur sa moto, sur une des artères de la ville de New York qui traversaient le centre ville et contournaient le large espace vert qu'était Central Park.

Il ne faisait peut-être pas bien chaud en ce début d'Avril, mais coincé comme il l'était dans les bouchons, les gaz d'échappements, son blouson en cuir sur le dos et son casque sur la tête, il commençait sérieusement à étouffer. Aussi releva-t-il la visière de son casque histoire de se rafraîtchir un peu mais pas trop. Et c'est en jetant un petit regard sur sa gauche, en direction du parc, qu'il put remarquer son meilleur ami, discutant face à face avec leur pire ennemi à tous. Seguchi Tohma.

Putain ! s'exclama-t-il intérieurement. Aussitôt, il s'extirpa comme il put du traffic pour se garer à la va-vite sur le trottoir, pour le plus grand mécontentement de certains piétons. Mais il fit fi de leurs remarques et de leurs regards agacés ; aussitôt sa moto appuyée sur la bequille, il en descendit, l'attacha rapidement avec un cadenas et retira son casque. Il se mit en route vers l'entrée du parc la plus proche - qui, il le savait, était beaucoup trop loin pour qu'il arrive à temps et empêche quoi que ce soit d'arriver à Shuuichi. Il courait aussi vite qu'il pouvait, mais il devait admettre que l'endurance ou les courses de vitesse n'avaient jamais été son fort. Maladroitement, il fouilla dans sa poche à la recherche de son téléphone portable. Aussitôt en main, il y chercha le numéro de Yuki Eiri, déjà en mémoire.

Très vite, il put entendre la tonalité d'appel, puis on lui répondit :

Ca a intérêt à être urgent, Eiri est vraiment très occupé ! grondant une voix féminine très autoritaire à l'autre bout de l'appareil.

Vous êtes qui ?! s'exclama Hiro, plus que surpris qu'une femme qui, il en était sûr, n'était pas Miri décroche le téléphone portable de l'écrivain.

Sa soeur, Mika ! Et vous ? aboya-t-elle.

Ouf ! se dit le guitariste, soulagé. L'espace d'un court instant, il avait eu peur que le romancier soit en train de tromper Shuuichi, alors que celui-ci encourait en ce moment-même un grave danger.

C'est Hiro ! Passez-moi Yuki-san tout de suite ! C'est au sujet de Shuuichi !

Il n'eut pas attendre plus d'un quart de seconde avant d'entendre la voix grave du blond.

Nanda ?!

Je viens de voir Shuuichi en compagnie de Seguchi dans la partie Nord-Est de Central Park !

Je suis déjà en chemin ! Où exactement ? s'enquit Eiri.

Je n'en suis pas sûr mais il me semble que c'est pas bien loin du parc aux pinguins. Je suis en train de rejoindre l'entrée la plus proche pour le rejoindre !

Alors magne-toi !

Et sur ce, Yuki raccrocha. De toutes façons, l'information avait été transmise, il n'y avait donc plus rien à dire. Le plus important pour l'heure, c'était de rejoindre Shuuichi coûte que coûte. Il ne pouvait pas laisser celui qu'il considérait comme son frère risquer de se faire tuer une fois de plus.

Alors qu'il avait le portail du parc en vue et qu'il s'en rapprochait à grandes enjambées, la porte lattérale d'un fourgon noir s'ouvrit. Il n'eut pas le temps de réagir que déjà, la silhouette qui en était sortie le tirait de force vers l'intérieure. Et au moment où il allait se retourner pour décocher une droite à l'idiot qui se mettait en travers de son chemin, il reconnut aussitôt le jeune homme comme étant Uesugi Tatsuha, le petit frère de Yuki et Miri.

Qu'est-ce que --

Ne va pas bousiller notre plan en intervenant. Shuuichi sait très bien ce qu'il fait, grogna Tatsuha avec un regard aussi dur qu'en étaient capables son frère et sa soeur.

Comment ça ? Quel plan ?

Entre dans la fourgonnette et Ryuuichi et moi on va tout t'expliquer.

Il n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que le garçon le poussa brusquement dans le fourgon avant d'y monter à son tour et de refermer la portière derrière lui.

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Vous êtes bien comme Ryuuichi... On vous croirait idiot à première vue, mais en fait vous cachez bien votre jeu, fit Seguchi, qui avait repris son détestable sourire.

Vous êtes pas mal dans le genre non plus. C'est vrai ! Qui eut cru un seul instant que le serviable et avenant Seguchi Tohma puisse calculer dans les moindres détails un kidnapping et un double meurtre ?

Shuuichi faisait de son mieux pour donner à sa voix et à son regard de l'assurance et de la détermination, mais il était vrai qu'il était plutôt difficile de soutenir un regard aussi effrayant que celui du claviériste à cet instant.

Seguchi haussa simplement les épaules avant de répondre :

Miri a toujours était un obstacle dans tous les aspects de ma vie. En effet, elle est une concurrente que je ne pux ni acheter, ni dépasser. NG et moi sommes condamnés à être à égalité avec elle et son entreprise BS. Et ce qui me m'énerve encore plus, c'est le fait qu'elle ait obtenu tout ça sans rien faire ; elle s'est contentée de récuppérer la société de son père alors que moi, j'ai dû fonder mon empire de mes propres mains, pierre par pierre.

C'est minable de votre part, se moqua un peu Shuuichi. On dirait un enfant de maternelle, jaloux du jouet d'un autre.

Le chanteur pouvait sentir son "ancien lui" remonter lentement à la surface. Le Shindou Shuuichi, sûr de lui et provacateur qu'il était à son arrivée à New York, et qui avait déjà fait face à Kaname plusieurs semaines auparavant dans le jardin de l'Université était de retour, ce qui n'était pas pour déplaire au jeune homme qui se sentait vraiment moins stressé ainsi.

Et puis, il y avait ce lien qu'elle semblait avoir avec Eiri. Un lien qui n'avait rien à voir avec le lien du sang... Elle paraissait tellement proche de lui. Plus proche que je ne l'avais jamais été. Et ça, je n'ai jamais pu le supporter. Et puis tu es arrivé. En tout juste quelques mois, tu es parvenu à avoir d'Eiri tout ce que j'ai toujours voulu. Tu es exactement comme Miri. Je vous exècre l'un comme l'autre.

Eiri et moi, on a aussi un lien unique, que rien ni personne ne peut entraver. Vous ne pourrez jamais avoir un lien positif quel qu'il soit avec Eiri, parce que vous le voulez uniquement par jalousie. Et même du temps où vous viviez ici avec lui, vous jalousiez le lien qu'il avait avec Kitazawa Yuki ! En fait, je vous plains de vivre dans la jalousie et de ne pas avoir su saisir la chance que vous aviez de trouver le bonheur avec Mika-san, fit le garçon, un peu plus calmement.

Je n'ai jamais aimé Mika. Elle n'a toujours été qu'un substitut. Elle n'a jamais eu aucun réel intérêt pour moi, répliqua le pianiste comme s'il parlait d'un vulgaire vase décoratif.

Ce sont des mots bien méchants que vous avez là, Seguchi-san. Vous avez tout de même passé plusieurs années à vivre à ses côtés.

Des années que j'aurais dû passer avec Eiri à la place de Miri et de toi, gronda Seguchi, cette fois commençant sérieusement à perdre son sang froid.

D'un pas lent et menaçant, il commença à avancer vers Shuuichi, poussant celui-ci à reculer au fur et à mesure.

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Eiri et Mika venaient tout juste d'arriver à Central Park, pas bien loin de l'endroit que Hiroshi leur avait indiqué. Tandis que le romancier courait à larges enjambées, sa soeur aînée suivait comme elle pouvait malgré ses talons aiguilles. Yuki lui avait demandé de rappeler Hiro afin de s'assurer qu'il avait bel et bien rejoint Shuuichi, mais celui-ci ne répondait pas à son portable, ce qui frustrait considérablement la jeune femme, et inquiétait au plus point son frère.

Elle composait le numéro pour ce qui lui paraissait être la centième fois en cinq minutes, et quand elle leva la tête pour voir de combien de mètres son cadet la distançait, l'appareil à l'oreille, elle remarqua qu'elle l'avait tout simplement perdu.

De son côté, Eiri courait aussi vite qu'il pouvait, bousculant au passage pas mal de passants. Mais il s'en moquait. A vrai dire, il n'en aurait pas fait cas en temps normal non plus, alors le fait que Shuuichi soit en danger ne changeait pas grand chose de ce côté. Mais pour l'instant, il devait à tout prix le retrouver, et le protéger. Il ne pouvait pas laisser Tohma faire le moindre mal à la personne qu'il aimait le plus au monde. Plus encore que sa propre vie.

En courant, il dépassa un fourgon noir, aux vitres teintés, qu'il ne remarqua absolument pas, trop préoccupé par le sort de son petit ami qu'il était. Mais dans cette fourgonnette, en revanche, on le remarqua. Tatsuha, Hiro et Ryuuichi guettaient absolument tout, grâce au matériel de surveillance haute-téchnologie que leur avait fourni K. Ryuuichi portait un casque, lui permettant d'entendre tout ce que se disaient Shuuichi et Tohma. Et devant lui, sur tout un pan de l'intérieur du véhicule, étaient installés trois grands écrans et une dizaine d'autres plus petits qui lui permettaient de voir sous toutes les coutures chaque détail de la situation en direct.

Les deux adolescents derrière lui observaient les écrans également, à l'affut du moindre problème qui nécessiterait une intervention. C'est donc ainsi qu'il remarquèrent l'arrivée de Yuki et de Mika. Et alors que Tatsuha s'apprêtait à sortir pour retenir son frère, Ryuuichi lui dit :

Chotto matte kure.

Demo --

Grâce à Yuki-san, on va pouvoir obtenir plus que des aveux...

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Shuuichi s'était très vite retrouvé acculé contre le tronc d'un arbre, à l'écart de chemin bétonné qui serpentait le parc. Non seulement il recommençait à avoir peur mais en plus, il était maintenant caché par les arbres. Je dois trouver un moyen de m'exposer ou K ne pourra pas nous voir ! s'exclama-t-il intérieurement. D'une voix sobre et sur un air presque insouciant, il demanda :

Si vous me détestez autant, pourquoi m'avoir sauvé la vie ce jour-là, quand on nous a retrouvé dans la cave ? Pourquoi avoir tué Kaname, alors qu'il était votre complice ?

Pour la bonne et simple raison qu'il était un incapable. Si la police l'avait arrêté, il aurait sûrement parlé. Et surtout, depuis le début il savait qu'en aucun cas il ne devait mettre la vie d'Eiri en danger, expliqua Seguchi, à une demi-douzaine de mètres seulement du chanteur.

Et ce jour-là, il s'apprêtait à lui faire du mal. C'est pour le protéger que vous avez tué ce fou.

Tu vois, je ne suis pas si mauvais.

Mais là, Seguchi venait de dire les mots de trop...

Pas si mauvais, hein ? Un bébé innocent est mort ! s'exclama-t-il.

Miri elle-même n'était pas au courant alors, comment étais-je censé savoir qu'elle était enceinte ?

Comme si le fait de le savoir vous aurait empêché de le faire ! l'accusa Shuuichi.

Avec un sourire vicieux, Tohma répondit :

Mmmh... En effet, tu as raison ; je ne me serais pas retenu pour autant.

Il coûtait au garçon aux cheveux roses toutes ses forces et toute sa volonté pour ne pas bondir sur ce type et l'écorcher vif.

Vous... Vous êtes un monstre.

Je n'ai jamais prétendu être un ange.

Le regard de Shuuichi s'était fait dure et haineux, et Seguchi semblait peu impressionné à en juger par son sourire hypocrite. Mais son rictus moqueur disparut aussitôt quand il vit le même se dessiner sur les lèvres du chanteur.

Baka da ne... Si présompteux que vous êtes, vous n'avez jamais pris en considération que je puisse avoir une once de malignité. Et en effet, c'est bien la première fois que je me montre aussi calculateur. Ca me surprend moi-même...

Qu'est-ce que tu veux dire ? s'enquit aussitôt Seguchi.

Je veux dire que j'ai pris soin d'enregistrer chaque détail de cette conversation.

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Ryuuichi ! Il faut intervenir tout de suite ! C'était pas prévu que Shuuichi balance ça ! s'exclama Tatsuha, réellement conscient du danger qu'encourait son ami.

Comment ça ?! s'écria Hiro, furieux.

Ne bougez pas, ordonna froidement Ryuuichi, son regard sérieux ne quittant pas un seul instant les écrans. Il n'était pas censé dire ça mais... A vrai dire, ce que fait Shuuichi va au-delà de mes espérances. Il est vraiment comme moi ce petit : très calculateur quand il veut.

Confus et perdus, le guitariste et le moine échangèrent un regard interloqué avant de se tourner de nouveau vers le musicien pour lui demander davantage d'explications au sujet de ces "espérances" et de ce qu'il entendait par "calculateur". Mais ils furent coupés dans leur élan par la voix de K dans le talky-walky.

Ryuu ! Je les ai perdus, ils ne sont plus dans mon champ de vision.

Et pour la première depuis le début de ce plan, Ryuuichi devait admettre qu'il était inquiet.

Interviens à la première occasion, lui dit-il, observant Seguchi Mika à quelques mètres seulement du fourgon.

Tout n'est peut-être pas perdu, songea-t-il en regardant la jeune femme chercher désespéremment autour d'elle un moyen de retrouver son frère.

Elle continuait encore et encore d'appeler Hiro sans resultats, jusque ce que finalement...

Mika-chan, c'est Ryuuichi à l'appareil. J'ai un service à te demander.

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Tohma sortit de la poche de son manteau un petit revolver, qu'il pointa comme si de rien n'était sur Shuuichi. Celui-ci écarquilla les yeux, surpris, mais pas totalement étonné non plus. Ryuuichi et K avaient mentionné la possibilité que Seguchi vienne armé. Mais entre le savoir et l'avoir sous le nez, il y avait une différence de taille.

Y'a-t-il d'autres personnes, hormis Ryuuichi et toi, qui sachent quoi que ce soit, Shindou-kun ?

N-Non, balbutia le chanteur, faisant mine d'être complètement paniqué à la vue du pistolet.

C'est vrai ce mensonge ? fit le producteur, d'une voix doucereuse.

Je ne mens jamais.

Dans ce cas, j'espère que tu n'as aucun regret dans cette vie, Shuu-chan

Pitié, K ! Si tu dois intervenir, c'est maintenant ! songea le jeune homme, déglutissant bruyamment. Tasukete... Et au moment où son adversaire arma son revolver, prêt à tirer, son bras fut saisi avec force et levé en l'air. La balle destinée à Shuuichi fut perdu dans le ciel New Yorkais, dans le retentissement d'un coup de feu aussi saisissant que le tonnerre. Dans la rapidité du mouvement, et tétanisé par le fait d'avoir échappé de si peu à la mort, le chanteur n'avait pas remarqué tout de suite qui était intervenu pour lui sauver la vie.

Ce n'est qu'en ouvrant les yeux après les avoir fermés sous le coup de la terreur qu'il le vit. Son héro. Eiri. Encore une fois, il était arrivé à temps.

Le blond de son coeur toisait avec rage le pianiste. Jamais Shuuichi, ni même Tohma, n'avaient vu un tel éclat de fureur dans le regard doré de l'écrivain. Un regard meurtrier à vous glacer le sang. Et ce qui saisit encore plus le garçon, c'était bien le fait que la veille encore, ces même yeux ambrés étincelaient de tendresse et d'amour. Eiri a vraiment une personnalité à deux facettes, comme Docteur Jekhill et Mr Hide.

Quant à Eiri, maintenant qu'il avait sous la main le coupable de tous les malheurs survenus dans sa vie récemment, il comptait bien se défouler un peu et lui faire payer pour toutes les souffrances que ses proches et lui avaient dû subir. Aussi, il mit toutes ses forces dans sa poigne afin de faire lâcher son arme à Seguchi, avant de lui tordre le poignet jusqu'à ce que l'articulation resiste. S'il continuait, il allait lui briser le poignet, mais c'était bien le cadet de ses soucis. Cependant, il coupa court à la torture et choisit de foutre son poing dans la figure de cet enfoiré qui venait de pointer une arme sur Shuuichi. Son Shuuichi.

Qui tu crois que tu es pour décider qui dois vivre ou mourir ? Qui t'as permis de jouer avec la vie de ceux que j'aime ? grogna-t-il férocement.

Ei-Eiri-san... Tout ce que j'ai toujours fait, je l'ai fait pour toi. Pour que tu sois heureux.

Et comment un homme aussi envieux que toi, qui n'a jamais connu le vrai bonheur, peut savoir ce qui est bien pour moi ? rétorqua Eiri en donna un coup de pied dans l'estomac de Seguchi déjà à terre.

Il ajouta quelques coups, encore et encore. Chacun tirant de Tohma un gémissement de douleur. Et lorsqu'il jugea que c'en était assez, il s'arrêta, ramassa le révolver au sol pour l'éloigner de la portée de ce malade. Une expression de dégoût apparut sur le visage de Yuki lorsque ses yeux se posèrent sur l'arme. Comment un si petit objet pouvait-il ôter quelque chose d'aussi précieux que la vie d'un homme ? Puis il adressa un regard non moins méprisant à Seguchi, et l'espace d'un instant, la perspective d'utiliser ce pistolet pour débarasser la terre d'une pourriture comme lui lui vint à l'esprit. Douce tentation... Un coup, un seul, et tout était fini. Il pourrait toujours prétendre à la légitime défense. Après tout, qui allait le dénoncer ? Shuuichi ? Certainement pas.

Mais tout de même...

Eiri ? l'appela doucement son amant. Tu n'as pas besoin de faire ça. On a tout ce dont on a besoin maintenant.

Un geste si facile, pour régler un si grand problème, marmonna le romancier, fixant l'arme dans ses mains.

Peu importe que tu aies déjà eu à le faire par le passé, tu as changé. Tout a changé. Tu n'es pas un assassin.

Après encore quelques secondes de réflexions, Eiri finit par vider le barillet des six balles qu'il contenait, les laissant tomber au sol, désormais inoffensives. Soulagé et heureux que son amoureux n'ait pas fait le mauvais choix, Shuuichi ne put résister plus longtemps à l'envie de le prendre dans ses bras. Et tandis qu'il passait ses bras autour de sa taille, blottissant son visage contre le torse de son amant, celui-ci l'enlaça également tendrement, se moquant pas mal qu'ils soient dans un lieux public.

Eiri-san ?

A l'appel de son nom, l'écrivain se tourna vers Seguchi pour le voir se relever plutôt péniblement.

Alors, quoi que je fasse, tu ne m'aimeras donc jamais ? Il n'y en a que pour Shindou ?

Il n'y en a toujours eu que pour lui. Peut-être que si tu n'avais pas essayé d'obtenir de moi ce que tu n'aurais jamaiseu, on aurait pu être de vrais amis. Mais mon amour, c'est à Shuuichi que j'étais destiné à le donner, et à personne d'autre.

Dans ce cas, je suis désolé.

L'expression sur son visage était d'une sincérité poignante, c'en était surprenant. Shuuichi et Yuki ne purent s'empêcher d'éprouver une pointe de compassion pour lui. Mais ça, c'était avant qu'ils ne voient à sa main gauche un autre révolver, assez semblable à celui que le romancier lui avait arraché. Lentement, il le pointa en direction des deux amants.

Je t'ai sauvé la vie quand Kaname a voulu te tuer, Eiri. Mais cette fois, je préfère encore te voir mort qu'avec un autre que moi, ajouta Seguchi, avec une lueur de folie dans les yeux.

Instinctivement, ils ressérèrent leur étreinte. C'était idiot, certes, mais inconsciemment, ils espéraient pouvoir se protéger l'un l'autre. Jamais rien ne me séparera de Yuki, pensa Shuuichi, se résignant une nouvelle fois à son sort. Je n'ai pas eu assez de temps avec Shuuichi... Laissez-moi plus de temps. La vie est déjà bien assez courte, songea Eiri, plongeant son regard dans les iris violines de son petit-ami.

Tohma ! Ne fais pas ça, je t'en supplie ! appela la voix essoufflée de Mika.

La jeune femme le rejoignit assez vite, étant donné qu'elle avait couru dans le parc pieds-nus sur une bonne partie du chemin.

Va-t-en, Mika ! ordonna Eiri.

Non ! Je n'irai nulle part sans mon mari, décida-t-elle, s'attirant un regard dur et accusateur de la part de son frère.

Et elle qui disait il y a à peine une heure encore qu'elle regrettait de s'être voilée la face en prenant la défense de Tohma, la voilà qui recommence ! s'énerva-t-il.

Tohma, je t'en prie, pose ton arme.

Je ne peux pas, Mika. Je dois le faire. Parce que si je ne le fais pas, alors je serais tenté encore et encore de le faire. Que je le fasse maintenant ou plus tard, ça n'a plus grande importance, répondit son époux.

Ca en a pour moi, Tohma ! Je sais que tu ne m'aimes pas autant que tu le devrais mais... mais moi je t'aime ! Je t'en prie, viens. Je ferais tout pour toi. Tout pour que tu sois heureux. Même si je ne suis pas Eiri, même si tu n'es pas amoureux de moi, ça m'importe peu. Ce qui compte, c'est que tu sois là, auprès de moi. Même si tu penses à quelqu'un d'autre pendant ce temps-là.

Et même si ce quelqu'un d'autre est ton petit frère ? s'enquit Tohma avec un sourire triste et moqueur à la fois.

Même dans ce cas-là... Tohma. Viens.

Mika accompagna sa dernière supplique par un geste tendre : elle ouvrit grand ses bras, invitant son mari à venir l'étreindre, lui offrant par là-même une épaule confortable sur laquelle pleurer. Il n'ira jamais, se dit Eiri, qui observait la scène avec attention, tout comme Shuuichi d'ailleurs.

Mais contre toute attente, Seguchi rejoignit d'un pas lent et hésitant, les bras chaleureux et accueillants de sa femme. Elle les encercla tendrement autour de lui, le serrant contre elle avec la chaleur bienveillante d'une mère pour son enfant.

Je t'aime tellement Tohma... souffla-t-elle à son oreille, les larmes roulant sur son visage fin.

Elle le connaissait, elle savait qu'il viendrait. Maintenant, elle avait fait sa part.

Je suis désolé, Mika, mais je vais devoir le faire quand même, lui dit Tohma en s'écartant d'elle après quelques instants de tendre étreinte.

Et tandis qu'il se tournait de nouveau vers ses cibles, la jeune femme dit d'une voix triste et déchirante :

Non, Tohma. C'est moi qui suis désolée.

Seguchi comprit, mais trop tard, que le vent avait tourné en sa défaveur. Cette fois, il avait été seul contre tous depuis le début.

Il ne l'avait pas entendu arrivée ; elle était sans doute arrivée de très loin. Connaissant K, il avait dû se poster depuis le toît d'un immeuble pour tirer cette balle, utilisant sans aucun doute un silencieux pour ne pas ameuter tout le voisinage... Ce qui le surprenait le plus dans tout ça, c'était bien la trahison de Mika, qui lui avait toujours été si fidèle. Elle l'avait attiré dans la ligne de mire de K pour aider Shuuichi et Eiri... A l'évidence, en s'en prenant directement à Miri, il avait fait une erreur fatale : c'était sans compter sur l'instinct maternelle de son épouse qui ferait tout pour protéger sa famille, ceux qui l'aimaient vraiment...

Il sentait la douleur s'étendre dans son corps, partant de son ventre, la où la balle était venue se loger. Très vite, ses extrêmités s'engourdirent, et il finit par lâcher son arme. Avec un étrange sourire, il balbutia faiblement :

Tu as gagné, Shuuichi.

Puis il perdit connaissance, s'effondrant comme une masse sur la pelouse. Mika, en larmes, se précipita vers lui tandis que déjà, les sirènes des ambulances et de la police retentissaient au loin, sûrement appelés par Ryuuichi qui avait bien calculé son coup. Eiri, lui, adressa un regard interrogateur à Shuuichi. Que voulait dire Seguchi par "Tu as gagné" ? Qu'avait-il gagné ? Tout cela n'était-ce pour lui qu'un jeu de stratégie ? Si c'était le cas, alors c'était encore plus méprisable.

J'ai gagné... répondit Shuuichi, son regard perdu dans le vague s'attardant sur le corps inerte de son ancien patron.

Et c'est alors qu'Eiri compris le sens de ces trois mots : Shuuichi avait gagné le droit de vivre en paix. Il avait joué sa vie pour confondre Tohma, et il était récompensé par le bonheur de ses proches, ainsi que le sien. Quel horrible jeu. Le genre de jeu où tu as tout à perdre et ou tout à gagner. Quitte ou double. On dirait que Seguchi a joué ça à la roulette russe.

XXX XXX XXX

Il était tard ce soir-là, lorsque Yuki, Shuuichi, Mika, Ryuuichi, Tatsuha et K quittèrent le commissariat de police. Ils avaient tous fait leur déposition, ne racontant que la vérité, et remettant au procureur - venu les rencontrer - toutes les preuves qu'ils avaient pu obtenir. Lui qui se plaignait quelques semaines plus tôt qu'il n'avait pas assez de preuve pour inculper qui que ce soit d'autre que feu Kaname, le voilà avec en sa possession des enregistrements audios et vidéos qui ne laissaient place à aucun doute quant à la culpabilité de Seguchi Tohma.

Sur le chemin de l'hôpital pour voir Miri, Eiri déposa sa soeur à son hôtel. Elle semblait encore sous le choc. Le contre-coup de sa trahison envers son mari devait se faire ressentir à en juger par son teint blafard et son regard vide. Connaissant sa soeur, elle s'en voulait terriblement, même si elle savait au fond d'elle qu'elle avait fait le bon choix. En effet, Ryuuichi lui avait demandé d'user de son charme et de sa connaissance parfaite des réactions de Seguchi pour l'amener à se mettre à découvert des arbres, et donc à s'exposer aux yeux de faucon de K.

Shuuichi s'était beaucoup inquiété pour Mika. Il ne la connaissait quasiment pas pourtant, ça lui avait fait si bizarre de voir cette femme au caractère fort et imposant s'effondrer de la sorte. Il se demandait encore s'ils avaient bien fait de la laisser seule avec Tatsuha, qui était bien connu pour sa maladresse en ce qui concernait les sentiments. Encore un point qu'il a en commun avec Yuki, songea Shuuichi tandis que son amant reprenait la route de l'hôpital, suivi par Hiro en moto, et K et Ryuuichi dans le fourgon.

Une fois arrivés à destination, les cinq amis montèrent jusqu'à la chambre de la guitariste, qui à cette heure-ci était seule. Normalement, les heures de visites étaient terminées depuis pas mal de temps mais, au vu des circonstances, ils obtinrent du médecin de garde le droit à une petite visite.

Miri les écouta attentivement, son visage serein ne montrant aucune expression. Puis finalement, elle demanda :

Alors, tout est fini... Et que va-t-il advenir de Tohma maintenant ?

D'après le procureur, tant qu'il n'est pas sorti d'affaire, on peut trop rien entreprendre, expliqua K. Cependant, il a déjà préparé son dossier pour un éventuel procès si Seguchi survit à ses blessures.

Il devrait obtenir sans trop de peine la prison à perpétuité, ou au minimum 35 ans ferme, détailla Hiro.

Mais, il y a aussi des chances qu'il passe une bonne partie de son temps dans un hôpital psychiatrique, finit Shuuichi.

Miri eut un petit sourire triste et marmonna :

Quel idiot ! Si seulement tout ça n'avait pas tourné à l'obsession... Elle leva son regard vers Shuuichi et lui sourit, avant d'ajouter : Tu as été très courageux. Tu sais que tu aurais pu tout perdre face à lui, n'est-ce pas ?

Le garçon acquiesça faiblement d'un signe de tête.

Baka... Ce n'était pas à toi de faire ça.

D'un autre côté, si ça avait été quelqu'un d'autre, Tohma aurait sûrement été plus prudent et n'aurait pas parlé aussi clairement de ses crimes et de ses motivations ! fit remarquer Ryuuichi, avec son air innocent, son Kumagoro serré dans ses bras tandis qu'il en mordillait une oreille.

C'est vrai qu'avec sa stupidité persistante, on a du mal à s'imaginer que Shuuichi puisse avoir suffisament de jugeote pour concocter un plan digne de ce nom, intervint pour la première fois Yuki, se moquant ouvertement de son amant.

Yuki ! Tu pourrais me remercier tout de même ! Tu peux te moquer mais c'est pas comme si t'avais beaucoup aidé non plus, hein !

Aussitôt, tous explosèrent de rire face à la suceptibilité du jeune homme aux cheveux roses. Seul Ryuuichi, en larmes, se jeta sur le garçon en s'écriant :

Waaaaargh ! Shuu-chan ! T'es mon héros ! Ils se moquent tous de toi mais moi je sais que t'es le meilleur !

Oy ! s'exclama agressivement Eiri et tirant brutalement son amant des bras de l'autre chanteur.

Ooh ! Mais ne serait-ce pas de la jalousie que je vois là ? le taquina aussitôt Miri.

C'est vrai, approuva Hiro. C'est comme si c'était marqué en grosse lettres rouges sur son front ! "JAAA-LOOOUUUX" !

Eiri ne répondit rien, se contentant de grogner tandis que Shuuichi gloussait joyeusement dans ses bras.

Ils restèrent encore quelques minutes puis, certains commençant à montrer de sérieux signes de fatigue, ils décidèrent de partir après avoir échangé quelques au revoir. Alors qu'Eiri s'apprêtait à quitter la chambre en bon dernier, Miri le retint. Il n'était plus que tous les deux, le frère et la soeur. Si elle voulait poser sa question, c'était maintenant.

Pour Mika ? Est-ce que... Est-ce que tu crois que ça ira ? s'enquit-elle.

Le romancier fixa un instant sa petite soeur, remarquant la sincère inquiétude et la tristesse dans son regard. Avec peut-être même... une pointe de culpabilité. Quoi de plus normal ? Elle devait se sentir coupable d'avoir indirectement imposé une tâche aussi difficile à sa soeur que celle de trahir l'homme qu'elle aimait. Après un instant de silence, il répondit :

Elle est forte, elle s'en sortira. Après tout, c'est de Mika dont on parle. C'est une Uesugi.

Un petit sourire rassuré apparut aux coins des lèvres de la guitariste, ses yeux légèrement humides de larmes qui menaçaient de couler bientôt. De son côté, Eiri se rendit compte, non pour la première fois, combien quelques paroles suffisaient à rassurer sa petite soeur. Comme après la mort d'Ethan, comme lorsqu'ils avaient appris la mort de leur mère, comme lorsqu'il lui avait annoncé la mort de son bébé... Il semblait avoir le don de trouver les mots juste pour la consoler, tout comme il semblait être le seul à pouvoir consoler Shuuichi dans ce genre de situation. Se transformait-il en mère poule ? Peut-être n'était-ce simplement que le côté trop protecteur de sa personnalité qui ressurgissait quand il s'agissait de préserver les êtres qu'il chérissait...

Finalement, Yuki et Shuu partirent de leur côté, dans la Mercédès de l'écrivain qui les ramena assez vite à leur domicile. Mais pas assez vite pour le petit chanteur qui s'était déjà assoupi sur le siège passager. A la fois agacé et - il ne l'admettrait certainement pas à haute voix - attendri par le spéctacle de son petit amour endormi, il fit le tour de la voiture après s'être garé dans le parking privé de l'immeuble à sa place réservée. Il ouvrit la portière, détacha la ceinture de sécurité de Shuuichi et le prit dans ses bras. D'un coup de talon, il ferma la portière et pressa le bouton de fermeture automatique.

Après avoir patiemment attendu que l'ascenseur les conduisent jusqu'au seizième étage, il finit par entrer dans son appartement. Doucement, il déposa Shuuichi sur le lit avant d'aller verrouiller la porte d'entrée. Puis, il alla à la cuisine et se prépara quelque chose de rapide à grignoter. Certes, ils avaient pu manger à la va-vite de la nourriture fast food que le commissaire, qui se chargeait personnellement de l'affaire, avait fait venir pour eux, mais il semblait maintenant au blond que son hamburger et ses quelques frites étaient loin d'être suffisants pour combler sa faim. Aussi se prépara-t-il une petite salade de choux et quelques sashimi avec du soja.

Il avait commencé à manger depuis deux ou trois minutes seulement, installé à la table, quand Shuuichi entra dans la cuisine. Il n'aurait pas été surpris d'entendre Shuuichi lui dire que l'odeur de la nourriture l'avait réveillé. La petite frimousse endormi du garçon lui tira un sourire et, désireux de sentir sa chaleur contre lui, il l'attira à lui, le l'obligeant à s'asseoir ses genoux. Instinctivement, son petit ami se blottit contre lui, ses mèches fuchsia lui caressant le menton.

T'as faim ? demanda doucement Eiri avant de déposer un baiser sur le sommet de la tête rose de son compagnon.

Oui... répondit-il dans un murmure.

Avec un petit sourire amusé, le romancier prit une pincée de choux rapé et assaisonné entre ses baguettes avant de tendre la bouchée au garçon sur ses genoux, qui l'avala sagement.

J'ai fait un rêve bizarre, souffla Shuuichi tandis que son amant mangeait à son tour.

Intrigué, son ancien professeur lui adressa un regard interrogateur sans pour autant piper mot.

Il y avait toi et moi, et on marchait sur deux routes différentes. Puis on a fini par être ensemble, sur le même chemin. Il y avait Hiro et Miri sur un autre, et chacun de nos amis avait le sien. Parfois leurs chemins se croisaient... Et puis il y avait Seguchi, qui était loin de derrière nous. On l'avait dépassé et lui, il avançait à peine...

Eiri resserra son étreinte autour de la taille de son petit ami. Il posa ses baguettes sur la table pour pouvoir passer son autre bras autour de la frêle silhouette du garçon, et enfouit son visage au creux de son cou.

Shuuichi, ce qui compte maintenant, c'est que toi et moi on soit sur le même chemin, murmura-t-il à son oreille.

Le chanteur acquiesça une fois de plus et répondit tout aussi bas :

Et qu'on y reste tous deux.

Il se tourna délicatement dans l'étreinte amoureuse de celui qu'il aimait, passa ses bras autour de son cou, et déposa un tendre baiser sur ses lèvres. Un baiser doux et emprunt de sentiments si puissants et si profonds qu'Eiri lui-même, en bon homme de lettres qu'il était, doutait qu'il existe ne serait-ce qu'un seul mot pour les décrire. Il rendit son baiser à son amant, tentant de lui transmettre au moins autant d'émotions qu'il venait d'en recevoir. Et finalement, Shuuichi murmura contre ses lèvres un "Je t'aime" qui eut raison du peu de lucidité qu'il lui restait.

Yuki sentit les larmes rouler sur ses joues, lentement d'abord, puis de plus en plus nombreuses. Et ses baisers se faisaient plus désespérés, Shuuichi pouvait le sentir. Parce qu'en cet instant, pour la première fois depuis leurs mésaventures de la journée, l'écrivain venait de se rendre compte de combien il avait été prêt de perdre Shuuichi pour toujours. Quelques secondes de plus et Tohma l'aurait tué.

Je l'aime tellement... songea-t-il, se blottissant à son tour dans les bras si chaleureux de son Shuu-chan. Si je l'avais perdu... j'aurais été incapable d'y survivre. Il m'a rendu si dépendant à lui. Il est comme ma drogue et rien ne pourrait jamais le remplacer.

Ne me lâche pas, bébé, souffla-t-il, faisant de son mieux pour masquer les sanglots qui faisaient trembler sa voix.

Jamais, répondit doucement Shuuichi, pleurant lui aussi dans la nuque de son chéri.

Tout les menait l'un vers l'autre.

Ils s'étaient offerts l'un à l'autre,

Et n'avaient rien besoin de plus.

Malgré les obstacles, ils avaient survécu,

Leur amour et leur lien, plus fort que tout.

Plus fort que les idiots et les fous.

Le Destin, dira-t-on, quelle belle bêtise !

Mais en dépit des coeurs et de leurs différences,

Le Destin est un jeu où il n'y a ni hasard, ni coïncidence...

Et l'amour qui en résulte et a lié leurs coeurs est la plus jolie des surprises.

XXX XXX XXX

Ndla : (1) J'ai repris l'expression "boutons de chaire" à Drudrue ; elle l'utilise souvent dans ses lemons Harry X Draco (2) Deux de mes programmes télé favoris. (3) Je sais de source sûre que la peine de mort est encore pratiquée à New York, mais je n'en suis pas aussi certaine pour ce qui est du Japon alors je fais là une présemption. (4) A la honte ! J'avais oublié que Mika était enceinte ! Je l'avais marqué dans le chapitre 5 ! Bon bah on va dire qu'elle a eut une fausse couche... (5) Yuki ne sursaute jamais. Miri n'a jamais peur. Et Mika a trop d'orgueil pour sursauter. (6) Pour ceux qui n'auraient pas saisi la métaphore pourrie, je faisais référence aux pinguins.

Notes : C'était le dernier chapitre !!! C'est fini. J'espère que la fin vous a plu. Je pense que c'est la fin la moins décevante qui s'offrait à moi pour cette fic alors j'espère que ça ira pour vous. Afin de cloturer la saga en beauté, vous noterez que j'ai écrit un long lemon (position du missionnaire, puis le lotus et enfin le rabot... vive le kama-sutra gay !). Et oui, je suis une perverse ! lol. Vous avez aimé le poème ? Mes poésies sont souvent des structurés dans la forme, mais le plus important, c'est le message qu'elle transmettent, non ?

Sachez que j'ai un projet d'épilogue pour cette fic. Une sorte de chapitre bonus optionnel, sous le signe de la comédie, impliquant la famille Shindou et évidemment notre couple gay favori : Yuki Eiri et Shindou Shuuichi ! En attendant, vous n'êtes pas dispensés de la traditionnelle REVIEW ! Donc n'oubliez pas de me dire ce que vous avez pensé de ce chapitre final. Ah oui ! Dans quelques jours je poste le prologue de la sequelle de "Pour Toujours", alors pour ceux que ça intéresse... Ja ne !

Merci à tous les lecteurs de cette histoires et surtout aux reviewers pour avoir pris un peu de temps pour m'encourager et me soutenir.

Lexique :

Baka : Idiot, crétin.

Nani : Quoi ? (forme neutre de "Nandesu ka")

Matte (kudasai / kure) : Attends ! (forme impérative du verbe "matsu", attendre. On peut y ajouter le "kudasai" par soucis de politesse, ou le "kure" qui est propre au language masculin)

Dame (desu) : Non. C'est pas bien.

Kochira : Ici (forme polie de "koko")

Onegai (shimasu) : S'il te plait (vient du verbe "negau" qui signifie demander ou avoir une requête)

Yame : Arrête (expression utilisé pour l'arbitrage des sports ou des examens, tirée du verbe "yameru" qui signifie arrêter ou démissionner, ça dépend du sens de la phrase et du kanji de base).

Konnichi wa : Bonjour. Salut.

Sumimasen : Pardon. Désolé. Excuse-moi.

Chotto : Un peu (expression idiomatique qui peut être utilisée dans différents contextes, forme neutre de "sukoshi" qui signifie également "un peu")

Demo : Mais (en japonais, "demo" doit toujours être en début de phrase, donc précédé par un point)