Chapitre 1

Avec un choc si considérable qu'il en fut cloué sur place, Harry comprit alors que Malfoy pleurait - pleurait vraiment-, des larmes coulant de son visage blême dans le lavabo malpropre. Malfoy sanglota, renifla puis, parcouru d'un grand frisson, regarda dans le miroir craquelé et vit par-dessus son épaule Harry qui le regardait.

Sa respiration se bloqua un moment, puis un expression de haine intense passa sur ses traits délicats.

- Potter, siffla-t-il. J'espère que tu as pris grand plaisir à ce spectacle. Dommage pour toi, je ne pense pas que tu auras l'occasion de le revoir avant ta mort.

Son discours fut quelque peu gâché par le fait que des larmes dégoulinaient encore sur ses joues pâles, laissant des traînées humides sur son visage. Harry était toujours pétrifié; il avait toujours connu Malfoy arrogant, sûr de lui, prétentieux, alors le voir si faible le mettait dans un état de choc. Néanmoins, il ne voulait pas se laisser faire par son ennemi de toujours, et d'un ton qu'il espérait être neutre, lui répondit:

- Ne t'inquiètes pas Malfoy, je n'ai pas l'intention de mourir avant pas mal de temps.

Mais déjà, il ne l'écoutait plus. Toujours appuyé contre le lavabo, Harry voyait perler une goutte de sang sur la lèvre du Serpentard, fruit de sa colère. Ses bras tremblaient, tout son corps vibrait de rage contenue, ses ongles s'enfoncèrent dans sa paume, faisant apparaître des traces rouges dans le lavabo. Ses larmes reprirent de plus belle et il s'écroula contre l'évier. Harry eut à peine le temps d'esquisser un geste pour l'aider qu'il s'était déjà relevé.

- Malfoy? Risqua Harry. Est-ce que ça va?

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Soudainement, Drago se retourna, hoquetant, et lui cracha:

- Est-ce que ça va? Potter, est-ce que j'ai vraiment l'air d'aller bien! Tu me surprends dans les toilettes, en compagnie d'un fantôme réputé pour sa débilité (Mimi Geignarde le regarda, choquée), en train de pleurer comme un misérable Poufsouffle, et tu oses me demander si ça va bien! J'n' ai plus qu'une chose à te dire: Va te faire foutre!

Et sur ce, il quitta la pièce, bousculant brutalement Harry au passage et essaya de cacher ses larmes.

Harry le regarda s'en aller, bouche bée. Qu'est-ce que cela signifiait? Harry n'en avait aucune idée, mais il était bien décidé à trouver la réponse à cette question par tous les moyens.

Le lendemain, au petit-déjeuner, Harry épia les moindres faits et gestes de Drago, de la façon dont il tartinait sa biscotte jusqu'à la manière dont il buvait son jus de citrouille. Quand son ennemi de toujours remarqua enfin son manège, il lui adressa un geste de la main qui voulait tout dire. En deux mots: fuk off.

Harry reporta alors son attention sur ses tartines beurrées en grommelant. C'est pas en étant aussi discret qu'il allait pouvoir piéger le Serpentard.

- Ch'tu veux pas tes bich' cottes? Lui demanda Ron la bouche pleine.

Harry les lui céda sans résistance. De l'autre côté de la table, Hermione le regardait l'air soupçonneux.

- Harry, il faut manger au petit-déjeuner, tu sais que c'est le repas le plus important de la journée?

- Herm', j'ai pas faim, je ne vais pas mourir d'hypoglycémie jusqu'au déjeuner!

- Il a raison tu sais, intervint Ron, il n'est plus un enfant. Ah, et est-ce que je pourrais boire un peu de ton jus de citrouille? Tes biscottes sont vachement sèches!

Harry lui fit signe qu'il pouvait et sans se faire prier, Ron engloutit la totalité du gobelet de son ami. Hermione lui adressa un regard réprobateur.

- Toi par contre, ça ne m'étonnerait pas que tu souffres de surpoids avant la fin de l'année.

- Quoi? Fit Ron indigné. Tout ce que tu vois là, ajouta-t-il en désignant son assiette, va s'éliminer pendant l'entraînement de Quidditch, ce qui donnera du muscle, et non pas de la graisse!

Hermione leva les yeux au ciel, convaincue qu'elle ne réussirait pas à le faire revenir à la raison. Harry sourit, se disant que décidément, ses amis ressemblaient déjà à un vieux couple. Ron et Hermione n'étaient pas ensemble, mais Ron lui avait déjà avoué ses sentiments envers Hermione, et celle-ci enchaînait gaffes sur gaffes quand elle parlait de Ron à Harry, puis décida finalement qu'il serait plus sage de le lui dire, au lieu d'attendre qu'une de ces gaffes n'arrive devant Ron. Il ne restait plus qu'à attendre que l'un d'entre eux ose faire le premier pas.

Drago se leva de table, et quitta seul la Grande Salle. Vite, Harry s'empressa de le suivre, laissant ses amis en plan.

- Harry! Où vas-tu? Lui cria Hermione.

- Je vous rejoins en Métamorphose! Lâcha Harry en s'enfuyant.

Passée la porte de la Grande Salle, Harry vit la haute et fine silhouette du Serpentard non loin de lui, dans un des longs couloirs adjacents à l'entrée. « Je ferais mieux de ne pas me faire repérer; s'il me file entre les doigts ce coup-là, je n'aurai plus aucune chance de lui parler! » pensa-t-il. Il le fila donc à une distance raisonnable, assez loin pour pas que Drago ne le remarque, mais assez près pour pas qu'il ne le perde de vue.

Il allait tourner derrière une armure, lorsqu'il sentit deux mains l'agripper par les épaules et le plaquer contre le mur. Sa tête heurta la surface dure avec un bruit sourde et une douleur se répandit à l'arrière de son crâne.

- Alors comme ça, on s'amuse à me suivre, Potter?

Harry rouvrit les yeux et vit le visage de Malfoy s'orner d'un rictus. Sa lèvre inférieure avait gardé la trace de la morsure de la veille et ses paupières étaient gonflées; ses cheveux blond platine, autrefois rabattus en arrière à grand renfort de cire, tombaient maintenant sur ses yeux gris d'orage en fines mèches. Harry sentait son souffle étrangement frais dans son cou et il se trouvait si près qu'il pouvait distinguer le moindre de ses cils.

- Ce que tu as vu hier ne t'as donc pas suffit? Es-tu sadique au point de m'espionner, dans les rares moments où cette bande de Serpentards abrutis me lâchent enfin les basques, dans l'espoir de me voir m'écrouler?

Il s'arrêta un moment, la souffrance se dessinant clairement sur ses traits. Il reprit:

- Tu sais ce que tu es, Potter? Tu n'es qu'un vautour, un charognard; un être qui se repaît de la souffrance des autres. Et dire que j' croyais que tu... Putain, mais qu'est-ce que je fous à perdre mon temps avec toi!

Son ton brusque fit sursauter Harry qui se cogna la tête contre le mur à nouveau, ce qui lui fit échapper un petit cri de douleur. Drago se rapprocha encore plus de lui, de sorte à ce que sa bouche soit à la hauteur de l'oreille du brun. Harry, tendu, s'efforçait de ne pas prêter attention à cette promiscuité qui le mettait tant mal à l'aise.

- Je te conseille de ne plus essayer de me suivre, murmura Malfoy, ses mots se perdant dans la nuque de Harry. Peut-être que j'ai perdu le peu de respect que je t'inspirais, mais ne crois pas que je sois moins dangereux... Même avec toi.

N'y tenant plus, Harry se dégagea de la poigne du Serpentard, qui après l'étonnement de l'attitude de Harry, retrouva un sourire moqueur. Avec une petite révérence, Malfoy tourna les talons, laissant un Harry perplexe.

« Même avec toi? Merde, mais j'y comprends plus rien! » pensa Harry.