Titre : Petit à petit
Auteur : Isil
Fandom : Harry Potter
Couple: Blaise Zabini/Théodore Nott
Rating : PG
Thème : Temps
Notes de l'auteur : Moi? Voler les personnages de l'illustre JK Rowling pour leur faire faire des choses innommables? Voyons! Mais bien sûr! Je plaide coupable XD


Comme les meilleures choses, cela prend du temps. C'est une évolution lente, un changement si progressif que Blaise ne s'en aperçoit qu'une fois qu'il est trop tard. Mais une fois qu'il a réalisé, il lui suffit de regarder en arrière pour voir à quel point c'était couru d'avance, et il n'est pas sûr d'apprécier ça. Comme tous les Serpentards, Blaise préfère se forger son propre destin, et il n'aime guère les surprises. Mais comme tous les Serpentards, également, il ne cautionne pas les regrets. Alors il accepte, et il se permet même de sourire en repensant au chemin parcouru.

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La Première année est le temps des découvertes. Blaise, dont l'enfance a été une accumulation de voyages et de déménagements au rythme des mariages de sa mère, se pose enfin vraiment pour la première fois. Il découvre la vie sédentaire, la vie en communauté, la vie sans un serviteur derrière soi. Mais il découvre tout d'abord ses futurs camarades de chambrée dans le train. Il y a d'abord Draco Malfoy. Blaise en a entendu parler. Sa mère fait des gorges chaudes de la lignée des Malfoy, puissants, ambitieux, malins, mais aveuglés par leur prestige. Visiblement, le fils ne fait pas exception. Blaise trouve Draco vaguement sympathique. Il pourrait l'être un peu plus sans ses deux gorilles, qui ponctuent chacune de ses répliques de grognements. Ceux là doivent être les fils Crabbe et Goyle. Félicitations à qui saura qui est qui dans le duo.

Il se laisse aller à marmonner ça quand Malfoy et les deux trolls quittent le compartiment pour aller terroriser d'autres élèves. Une voix lui répond et il sursaute violemment. Il se tourne et aperçoit un autre élève, qu'il n'avait même pas remarqué jusqu'à présent.

"De toutes façons," fait remarquer le garçon, assis en tailleur dans un coin de la banquette et le visage caché par son livre, "ils partagent un cerveau. Appelle en un, et les deux te répondront."

Blaise ricane et dit qu'il tentera le coup. Il ne reçoit en réponse qu'un rapide coup d'œil par-dessus la couverture écornée d'un livre. Il a le temps d'apercevoir des yeux clairs et puis le rempart de papier se lève de nouveau.

Blaise découvre Théodore Nott ce jour là, mais n'apprendra son nom que plus tard.

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La Deuxième année est celle des surprises. La surprise de voir la menace d'une Ombre que tous croyaient passée planer à nouveau au dessus de leur tête. Si la plupart des élèves ignorent cette menace, Blaise ne le peut pas. Pas avec Draco Malfoy qui se vante auprès de qui veut l'entendre qu'il connaît la vérité, qu'il sait ce qu'il se passe, parce que son Père le lui a expliqué. Oui, le fils Malfoy sait, et il serait presque crédible dans ses détails et ses prévisions si Blaise ne voyait pas du coin de l'œil Théodore Nott rouler des yeux irrités.

Depuis un an qu'ils partagent une chambre et des jours entiers, Blaise a appris à connaître Théodore, du moins autant que possible pour quelqu'un d'aussi fuyant que lui. Malfoy l'appelle le fantôme, car il n'a pas son pareil pour disparaître et réapparaître au meilleur moment pour terroriser les gens. Il y a aussi cette façon qu'il a de se glisser partout, même entre Crabbe et Goyle dans les couloirs étroits de leur Maison et le très léger sourire qu'il affiche quand les deux trolls sursautent et se bousculent sous le coup de la surprise. Blaise comprend que même si Théodore est effacé, voire invisible, cela ne veut pas dire qu'il ignore tout de ce qui se passe autour de lui. Bien au contraire…

Alors, quand Draco se pavane sous le regard bovin de Crabbe et Goyle, admiratif de Pansy et vaguement intéressé de Blaise lui-même, Théodore soupire et lève les yeux au ciel.

"Draco, cesse de te vanter de tout savoir comme ça, c'est tellement faux que ça en devient ridicule," lâche t'il un soir sans même relever la tête de son parchemin.

Draco le foudroie du regard, puis renifle d'un air outré quand il n'obtient aucune réaction. Mais il ne réplique pas, et il ne dément pas.

Blaise se surprend à détailler les traits fins de Théodore, concentré sur son travail, et il commence à le voir vraiment.

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La Troisième année apporte les premiers vrais changements. Poudlard est gardée, Hagrid est nommé professeur, à l'indignation plus ou moins bruyante des Serpentards, et une fois de plus, il y a un nouveau Prof de Défense contre les Forces du Mal. Cette année là, Draco a de quoi satisfaire sa haine envers le corps enseignant en toute tranquillité. Mais ça, ce n'est pas une nouveauté. L'autre nouveauté, ce sont les options. Draco opte pour la torture d'Hagrid avec les Soins aux Créatures Magiques et l'Étude des Runes. Blaise l'accompagne pour les Runes, mais se félicite intérieurement d'avoir choisi Arithmancie. Étrangement, supporter les critiques de Granger n'est pas très difficile, surtout quand il croise le regard vaguement amusé de Théodore avec qui il travaille le plus souvent.

Blaise a cependant appris à se méfier de Théodore, pas vraiment par peur, mais plutôt parce qu'il n'a pas fallu longtemps à toute la Maison Serpentard que sous ces cheveux clairs et derrière ces yeux acier se cache un esprit bien aiguisé. Un Deuxième année l'a appris à ses dépens.

"Il a servi d'exemple. C'est plus pratique comme ça," explique Théodore en haussant les épaules, un soir faste où il accepte de répondre aux questions que Blaise lui pose.

Plus pratique, en effet, de montrer à tous qu'essayer de profiter de l'intelligence de Théodore Nott est une mauvaise idée. Venir le voir en lui demandant de l'aide n'est pas forcément une bêtise, car Théodore est le plus souvent assez généreux. Ça passe le temps, marmonne t'il quand on lui demande ses raisons. Mais se moquer ensuite ouvertement de lui une fois la bonne note obtenue n'est visiblement pas chose à faire. Quand leur camarade stupide a récidivé et est venu quémander de l'aide pour un devoir de Transfiguration, Théodore a accepté sans sourciller, et n'a pas plus montré de réaction quand le garçon est revenu avec un F.

Ce qui a changé, cette année là, c'est que Théodore Nott a montré pour la première fois qu'il n'aimait pas se faire marcher sur les pieds. Blaise en a pris bonne note.

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La Quatrième année est un évènement. C'est une année très particulière, avec des nouveaux arrivants, des combats avec des Dragons et d'autres spectacles que Blaise regarde d'un œil plus ou moins intéressé. Il parle français avec les élèves de Beauxbâtons, et aperçoit Théodore échanger quelques mots secs avec un élève de Durmstrang. Blaise se fait vertement accueillir quand il cherche à en savoir plus et il n'insiste pas. Il n'a jamais eu pour habitude de s'obstiner pour quelqu'un d'autre que pour lui-même.

Blaise partage avec Théodore une absence totale d'intérêt pour le Tournoi et le tapage qui est fait autour des champions. Sa mère lui écrit sa désapprobation qu'un autre élève de Poudlard que lui fasse la première page du Daily Prophet.

"Demande à Voldemort de la buter, puis de se rater en t'éliminant. Je suis sûr qu'avec ça, tu ferais la première page," suggère Théodore en cours de Potions.

Snape passe près d'eux à ce moment là, et il marque une pause en regardant Théodore. Ce dernier relève la tête et rend son regard appuyé à leur professeur. Il y a une lueur étrange dans son regard quand il se détourne pour aller enfoncer un peu plus Longdubat.

L'année passe très vite, l'apogée étant le retour fracassant de Potter la main serrée sur le bras sans vie de Cédric Diggory. Dans le chaos absolu qui suit cette apparition, Blaise voit du coin de l'œil Draco et Théodore échanger un regard entendu.

Blaise et Théodore sont dans le couloir du train quand Malfoy lance l'insulte de trop au Trio extraordinaire. Il finit couvert de tentacules et de pustules. Théodore l'enjambe en le traitant de crétin. Blaise approuve silencieusement, mais reste derrière et aide Draco à se relever. Lui aussi a compris ce qu'il s'est passé, ce qui va se passer, et il choisit son camp.

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La Cinquième année est somme toute assez amusante. Potter fait sa crise d'adolescence, la gamine Weasley se découvre être une croqueuse d'hommes, et Draco est nommé Inquisiteur, un titre pompeux qui fait beaucoup ricaner Théodore. Blaise les compare souvent, tous les deux, mais finit toujours par revenir vers Draco. Difficile de voir l'avenir qu'on peut avoir à suivre quelqu'un comme Théodore Nott, donc le manque apparent d'ambition rend tout le monde perplexe à Serpentard. Certains murmurent même qu'il n'est dans cette Maison que parce que son père… les mots s'étouffent à chaque fois dans la gorge de l'impudent, car Théodore a une bonne ouïe. Il se contente en général de relever la tête, parfois juste de refermer son livre, mais cela suffit à faire taire les bavardages.

Draco raconte à Blaise que Théodore peut voir les Sombrals, et lui explique ce que cela signifie. Blaise passe des nuits entières à spéculer sur cette mort dont Théodore a été témoin. S'agit-il de quelqu'un que son père a tué en tant que Mangemort? D'un accident dans la rue? Blaise est littéralement rongé par la curiosité, Draco le traite d'idiot et retourne avec Pansy, et Blaise sait avoir fait un faux pas. Il veut se débarrasser de cette curiosité maladive, aussi décide t'il de prendre le mal à la racine.

Il s'installe en face de Théodore dans un coin reculé de la bibliothèque. Il le regarde fixement un moment, détaille ses sourcils froncés et ses ongles rongés, sa mine soucieuse. Puis il se lance, sans prendre de gants, parce que de toutes façons, Théodore le grillerait tout de suite et lui demande de but en blanc qui c'était.

"Demande à Malfoy. Si tu fais le beau, je suis sûr qu'il te tapotera la tête comme à un bon chien, et qu'il te dira tout."

Théodore se lève et quitte la table en emportant ses livres avec lui. Blaise cligne des yeux et se demande depuis quand la lueur passionnée qui brûle dans les yeux de Théodore quand il est en colère lui paraît si attirante. Et comme s'il savait, Théodore ne croisera plus son regard pour le reste de l'année.

Quand l'annonce de l'attaque sur le Ministère tombe, et que Blaise apprend le nom des Mangemorts arrêtés, il a beau chercher le regard de Théodore, ce dernier garde les yeux obstinément fixés sur son livre.

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La Sixième année est un tourbillon. Tout y passe trop vite. Il y a les soirées du Club de Slug, la jalousie de Draco qui ne peut pas y participer et l'indifférence de Théodore qui n'a visiblement pas la même envie que Malfoy. Il y a la façon dont Snape les dévisage tous quand il les croise dans les Cachots, cet air à la fois menaçant et attentif, comme s'il les jaugeait. Mais jamais le regard de leur Directeur ne s'attarde sur Théodore.

La déchéance de son père semble avoir fait de Théodore un paria, et il s'accommode de la situation avec son aisance habituelle. Il les ignore tous, se cache derrière ses livres et dépasse même Granger en Arithmancie, au grand déplaisir de la principale intéressée. Elle jette un regard noir à son rival, et Blaise se surprend à penser que les préjugés foisonnent aussi à Gryffondor. Puis il oublie ses pensées et va retrouver Draco pour lui donner ses notes.

Il ne sait pas ce que Malfoy fabrique, ses questions n'ont obtenu que des regards noirs en guise de réponse, mais il continue, non pas par loyauté, parce que ce mot le fait gentiment sourire, mais parce qu'il sait que, quoi que Draco puisse faire, c'est important, et c'est peut-être là l'opportunité pour Blaise de sortir du lot. Ce n'est pas grand-chose, mais il préfère de loin laisser Draco se salir les mains de toutes façons.

Et un soir où Malfoy est une nouvelle fois absent, Blaise se retrouve à écarter les rideaux du lit de Théodore. Il le découvre en train d'observer l'intérieur de son avant-bras. Il passe et il repasse des doigts maigres sur la peau intacte, et son visage mince est plié en une moue douloureuse. La seule chose que Blaise trouve à dire à ce moment là est tellement stupide qu'il préfèrerait s'être tu, mais les murs du dortoir vide résonnent de sa question un peu fébrile. Théodore l'a entendu et relève la tête. Ses yeux sont brillants et ses traits sont pâles et tirés.

"Comment je fais?" répète t'il d'un ton cassant. "Comment je fais quoi, i Zabini /i ? Comment je fais pour survivre sans l'approbation de Malfoy? Comment je fais pour refuser l'honneur d'un tatouage répugnant sur l'avant-bras? Si tu poses cette question, Blaise, tu resteras un chien à i sa /i botte toute ta vie, et je trouve ça dommage. Tu vaux mieux que ça."

Les rideaux se referment brusquement, et Blaise a la tête qui tourne des compliments mêlés d'insultes que vient de lui envoyer Théodore. Il regarde les tentures et les trouve à cet instant plus solides que de l'acier, car effectivement, il a posé la question et la seule réponse qu'il entrevoit, c'est que le discret et effacé Théodore Nott a plus de force de caractère que tous les Draco Malfoy et les Blaise Zabini du monde.

Pour quelqu'un comme Blaise qui n'aime personne plus que lui-même, cette constatation est douloureuse. Le reste de l'année, c'est lui qui évite le regard de Théodore, même quand le château tout entier résonne de bruits de combats et qu'ils sont tous réunis comme des pleutres dans leur salle commune, à regarder le plafond comme s'il allait leur tomber sur la tête. A ce moment là, il évite ce regard clair qui semble lui demander où est son honneur, maintenant.

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La Septième année n'en est pas une. Poudlard est fermée et la guerre fait rage. Le Trio a disparu quelque part, les Gentils passent autant de temps à s'opposer au Ministère qu'aux Mangemorts, et Blaise en est encore à chercher sa place. Il a eu des propositions, bien sûr. Le Ministère lui offre une place, et il soupçonne sa mère d'avoir touché un mot à la bonne personne. Adrian Pucey l'a contacté pendant les vacances et lui a offert de le parrainer auprès de Voldermort. Blaise trouve l'expression ridicule mais garde la lettre précieusement.

Il passe les deux mois d'été à tourner en rond chez lui, à ignorer les conseils soi-disant avisés de sa mère et à se demander ce que ferait Théodore Nott. La rage et la fascination se mêlent en lui, et il s'interroge: depuis quand sa vie est régie par les choix que ferait quelqu'un d'autre? Il finit par comprendre que ce contrôle sur son existence a disparu le jour où il a tendu la main à Draco Malfoy, à la fin de la Quatrième année et pendant deux jours, il ne peut plus rien avaler sans penser au banquet pendant lequel le désormais défunt Dumbledore leur a demandé de ne pas oublier Cédric Diggory et ce qu'il représentait, ce que sa mort représentait.

Blaise tourne en rond, regrette et se dégoûte, il repense à ses conversations vides de sens avec Draco et ses conversations à sens unique avec Théodore, et il se rend compte qu'il en sait plus sur lui que sur Malfoy lui-même, et surtout, surtout, et c'est là la constatation la plus effrayante de ses deux mois d'introspection, il réalise qu'il n'a jamais vraiment cessé d'observer Théodore Nott et d'admirer le bras d'honneur qu'il fait au monde entier en continuant à vivre malgré les regards noirs et les murmures et les doigts pointés des membres des deux camps de cette guerre fratricide.

Alors un soir de septembre, Blaise embrasse sa mère et lui dit qu'il a choisi. Elle lui sourit et lui dit qu'elle est fière de lui, mais ces mots ne le touchent pas, parce qu'elle se trompe. La fierté disparaîtra quand les nouvelles lui parviendront, elle est bien trop inconstante pour ça. Mais cela n'a plus d'importance. Il quitte la maison familiale sans regarder derrière lui et transplane jusqu'au Chemin de Traverse. Là, il sort de sa poche un morceau de papier qu'il a payé très cher. Il consulte l'adresse une dernière fois, puis sort dans la rue et prend le Magicobus.

Le cottage ne paye pas de mine, mais les protections qui l'entourent sont suffisantes pour rassurer Blaise. Il ne s'est pas trompé d'endroit. Il se tient devant le portail et attend que les alarmes alertent l'occupant des lieux. A sa surprise, quand la porte s'ouvre, Théodore a à la main deux valises. Il le voit mais son visage ne trahit aucune émotion. Il se contente de le rejoindre au portail, et seulement là, ses traits se détendent un peu et Blaise sent une étrange chaleur monter en lui quand il est soumis à ce demi-sourire, pourtant si peu familier.

"Le moins qu'on puisse dire, c'est que tu sais te faire attendre, Blaise," se contente de lâcher Théodore, avant de lui tendre un morceau de papier.

Blaise le prend sans réfléchir, notant brièvement que Théodore ne l'a pas lâché non plus et il a le temps de lire une adresse avant que le Portoloin ne s'active, et quand il se redresse rapidement pour ne plus écraser Théodore, ils sont dans un jardin mal entretenu, dans un endroit inconnu de lui. Théodore lui souhaite la bienvenue en le conduisant vers une petite bâtisse en pierre brute. Ils sont quelque part, dans une maison protégée par un Fidelius que Théodore a dû lancer lui-même, à en juger par le morceau de papier que Blaise tient toujours dans sa main.

Il se détend à cette déduction et regarde autour de lui. Ça ne paye pas de mine, mais le sourire détendu de Théodore vaut tous les palaces du monde et même s'ils sont au milieu de nulle part, cela n'a pas d'importance. Car s'il est une chose que Blaise a comprise, c'est que la seule fierté qui lui reste, c'est celle d'être encore en vie. Et ça, c'est Théodore qui lui appris.

FIN.