Bonjour chers lecteurs, passionnés de la première heure,
pour qui une heure de loisir n'est jamais aussi douce qu'en compagnie de Harry Potter. Que ce soit les livres, les films, les fanfictions, ou une simple discussion, si vous connaissez ce petit regain d'émotion à la seule mention de Harry... cheers ! Nous sommes nombreux. J'ai revu par hasard il y a peu Harry Potter à l'Ecole des Sorciers, et malgré mon opinions mitigée des films, j'avais douze ans devant ma télé et je me suis rappelé que c'était génial. Cet univers.

Et c'est bien parce que j'ai voulu revivre un peu de cette magie que Petit est né. A l'origine, il s'agissait d'un one-shot.
Aujourd'hui, on atteint le chapitre 25, et même si j'ai grandi et si ma vie ne tourne plus exclusivement autour de Harry Potter, je n'abandonnerai pas cette part de rêve. Je vous présente mes excuses pour les délais parfois vraiment longs entre deux chapitres. J'espère néanmoins que chaque fois, c'est avec plaisir et avec une infime part de cette magie qui nous a fait ouvrir le tome 7 - à la fois fébrilement et sereinement, un petit sourire aux lèvres - que vous retrouvez cette histoire.

Merci encore à dylan42hp, C Elise, lumibd, , Circonstance, Asherit, Egwene Al'Vere, Hermy365, Dororo03, Michat2, Matsuyama, Deadz, Lysandra Black, Picadilly, The Ice Cat, brubru86, Beuk, YAMIA, Miss Saddik, Natom, Velya, Ronnie32, mangapuryoru, ShadowSaphir, ilai, dreamsodreams, Elora, saranya1555, AuroreD-92, Samelfique, Loulouve, Laetitia, Elec9, bibimauri, Smirnoff, DuneJune, Robespierre7, Ligeia1987, Amistosamente-vuestro, pomme-violette, Yann, Draya Felton, Fuhatsu, Washu Kooyoo, liliwini, khalie, Padrig-Llio, Shika-titude, Sorcière6174, Cindy-pour-Voldy et Loupiote07.
Merci en particulier à Lilhelmina et Elyba, qui m'ont botté le cul avec patience, constance et bienveillance ces 3 derniers mois pour que je finisse le chapitre. Et merci à BUNNY (qui sait pourquoi).

Résumé des épisodes précédents :

Harry vivait heureux dans un repaire de mangemorts, rendant occasionnellement visite à son amie la prisonnière Tonks, lorsque, sur une sorte de vicieux malentendu, il s'est fait kidnappé par des membres de l'Ordre venus secourir la demoiselle. Et bien sûr, Voldemort a cru qu'il l'avait trahi et était parti avec eux. (Bien dommage qu'il n'y ait pas de caméras de surveillance chez les sorciers.)

Donc Harry est à Poudlard. Et pendant un temps, pas tellement malheureux d'y être, en fait. Jusqu'à ce qu'il réalise combien Voldemort est furieux (le fait qu'il ne vienne pas le chercher en donne la mesure) ; il commence alors à tenter d'échapper à l'impossible surveillance de Dumbledore et son équipe. Vainement. Pendant des mois.
Puis un jour où il se sent particulièrement mal et pense à son chez lui...il disparaît.

Bonne lecture.

Chapitre 25

Harry pensa qu'il s'était évanoui. Qu'il n'avait tellement plus envie d'exister que son esprit l'avait fait doucement défaillir et lui faisait rêver l'herbe jaune, sèche, cassante qui lui piquait la nuque et lui chatouillait les doigts. Puis l'envie de vomir le fit se redresser soudain pour inspirer profondément.
Le vent lui caressa le visage. Le zéphyr doux qui l'accompagnait dans ses balades et ses jeux, l'été, chez lui, en Albanie. Le vent d'ici.

En hauteur, à une centaine de mètres, le château sombre s'élevait vers le ciel bleu.
Harry, bouche bée, tourna la tête machinalement. A sa gauche, au loin, en contrebas, les minuscules toits du village moldu. A droite, l'étendue dorée de la campagne bleuie par le coucher de soleil, et derrière lui, la forêt de pins et de buissons.

Harry inspira profondément, lesyeux grands ouverts ; on aurait dit qu'il essayait d'avaler le paysage.
Il se palpa le torse, serra ses bras autour de sa poitrine. Il était là, bien là. Il éclata d'un immense rire qui se perdit dans le ciel, dans l'écrasant silence de la campagne albanaise.


Le Seigneur des Ténèbres se tenait sur le fauteuil de velours de sa chambre, dans l'obscurité poussiéreuse d'une pièce qui n'avait pas vu la lumière du jour depuis des mois, imprégnée d'une étouffante moiteur et de relents de magie noire. Ses longues phalanges blanches brillaient dans le peu de lumière filtrant par les volets, un filet de fumée bleutée dansant autour d'eux, et des pupilles rouges suivaient le lent mouvement sous des paupières semi closes.

Soudain, son corps fut secoué comme par la fine brûlure de l'électricité statique. Ses yeux s'ouvrirent grand, son iris rétrécit et se noya presque dans le rouge incandescent. Il se redressa dans son fauteuil, aux aguets. Ses mains vinrent se poser sur les accoudoirs et le filet de fumée magique s'étira et s'estompa. L'expression du visage du Seigneur des Ténèbres, indéchiffrable, resta quelques secondes figée à mi-chemin de l'horreur et l'émerveillement, puis il sut.

Harry était de retour.

Il commença à se lever, se rassit. Sa bouche se crispa sur une expression d'amère colère, puis il ferma les yeux et se releva brusquement, murmurant sans s'en rendre compte des insultes et des malédictions. Promesses de mort sur promesses de mort, il sentait son cœur se débattre dans sa poitrine et tambouriner un peu plus à chaque pas qu'il faisait. Il pensa à Severus et à ce qu'il lui ferait s'il réapparaissait devant lui, oh avec quelle joie divine il abattrait les pires tourments imaginables sur son ancien serviteur et ami. Traître. La rage avait de loin dépassé la douleur. Harry ne méritait pas un autre sort, il avait trahi tout autant, non, il avait...

Il avait fait bien pire,l'avait trompé, avait vendu son âme de la plus... la plus odieuse des manières.
Lord Voldemort bouillonnait, ne parvenait pas à réfléchir, ne savait s'il le devait même. Il n'y avait pas à délibérer. Marchant à grands pas dans les couloirs froids, il souleva la manche de sa robe noire et toucha de son doigt le crâne grimaçant. Le tatouage gagna en couleur et prit du relief, semblant crier, ricaner sous la peau. Lord Voldemort laissa son doigt sur la Marque et déverrouilla les lieux contre le transplanage. Tous. Venez tous. Son visage s'aiguisa sur un large sourire, puis il rit, rit et rit encore tandis que l'air commençait à craqueler partout dans le château sous l'effet des transplanages conjugués de dizaines de mangemorts.

Harry, Harry, Harry, murmurait-il.
Comme une promesse de mort.


Harry se leva, les jambes flageolantes, puis se mit à courir en riant, ses jambes pédalant dans les hautes herbes en pente douce jusqu'à l'entrée du château ; il courut sans s'arrêter, porté par l'adrénaline, essoufflé, mais heureux. Les quelques deux cents mètres à parcourir lui parurent à la fois trop longs et incroyablement délicieux. Chez lui. Il était chez lui. Il y aurait Papa. Ou peut-être pas, mais il rentrerait, oui, il y serait, bientôt, très vite, et il y aurait Lucius, Avery, Antonin, Rodolphus, Rabastan et tous les abrutis habituels, quelques nouveaux sans doute, ce serait marrant, et puis il allait bien dormir ce soir, pour la première fois en dix putain de mois. Il s'arrêta pour cracher ses poumons quelques secondes lorsqu'il atteignit le bas de la pente, et se défit avec des gestes anxieux de son uniforme de Poudlard, jetant à terre robe, cravate et pull brodés d'insignes. Il les jeta à terre violemment et retrouva le sourire. Puis il s'appuya sur ses genoux pour reprendre son souffle, encore un peu, juste pour ne pas débarquer tout échevelé.

Il ferma les yeux, ralentissant sa respiration sur un sourire serein ; et étendit son esprit alentour comme on le faisait pour lire dans le cœur de son prochain, de la légilimencie à l'aveugle, une sorte de préscience moldue dont tout un chacun pouvait se prévaloir et qui ne marchait, a priori, pas vraiment. On ne pouvait être sûr de rien. Mais il avait ce sentiment. Le sentiment que Voldemort était là, derrière la porte, à l'attendre. Ses mains tremblèrent sur ses genoux et il rit. Il se redressa.
-Incendio.
Il regarda ses fichues fringues être léchées par les flammes et commencer à se consumer. Puis il se détourna, inspira profondément, et avança jusqu'aux marches, qu'il grimpa posément, la posture stricte. Il fallait faire son entrée la démarche digne autant que possible. Il passa une main calme dans ses cheveux pour tenter naïvement de les aplatir. Il défroissa machinalement sa chemise et ravala un peu son sourire irrépressible. Puis il recula de deux pas sur le marchepied usé et levant sa baguette, prononça :
-Alohomora.

HP-LV-HP-LV

Severus accueillait toujours avec un soulagement proche de l'épiphanie le moindre élément perturbateur permettant aux réunions de profs, conseils de classe et autres conseils d'administration d'être écourtés. Aussi sentit-il son cœur se réanimer avec espoir lorsque, à l'issue de quarante-deux longues minutes de débriefings sur les classes de troisième année, la porte de la salle des professeurs s'ouvrit à grand fracas sur un Rusard blême et haletant.
-Monsieur le Directeur, fit le concierge en crachant et ravalant ses poumons à grand bruit, je le trouve plus.
-Pardon ? Qu'avez-vous perdu ?
-Potter, Monsieur. Je le trouve plus. Il était là, il y est plus.

Face au silence dubitatif d'une partie de l'assemblée, et au regard frôlant l'exécution instantanée que Dumbledore adressa à son employé, celui-ci clarifia la situation :
-Il y est plus ; j'ai bien regardé, il y est plus. J'ai bien regardé, sur les sièges et partout, dessous même, il y est plus.
Il sembla se rappeler d'un détail à préciser :
-On était au stade. Potter était assis, Monsieur. Et il a soudain disparu. Je ne l'ai pas quitté des yeux une seconde, Monsieur le Directeur.
-Vous en êtes certain ? s'assura Dumbledore d'un ton sévère.
Rusard en était certain, ça au moins, c'était clair. Il hocha la tête en se tenant le cœur.

Severus sentit le regard d'Albus glisser sur lui. Il ne le lui renvoya pas, yeux baissés sur ses mains. Il aurait tué Rusard, il l'aurait tué s'il l'avait regardé, aussi attendit-il que ce débris d'humanité soit reparti à ses occupations et préoccupations sans intérêt. On ne lui avait confié qu'une seule mission d'importance au cours de son interminable carrière de parasite. Veiller sur Harry. Souffler dans ce foutu sifflet, donner l'alerte, rien de compliqué. L'empêcher de courir à sa perte. Sauver la vie d'un gamin. Ce n'était pas rien.

Albus murmura quelques mots à Minerva, assise à côté de lui. Deux mots, Prévenez-les. L'Ordre. Puis Severus sentit à nouveau sur lui ce rayon déshabillant, le regard bleu intense du vieux mage blanc.
Il leva les yeux.

-Severus, dit calmement Albus.
-Monsieur.
Sa voix était rauque ; ses tripes fondaient sous l'acidité de sa haine. Dirigée contre personne en particulier, tout le monde, Rusard un peu plus que les autres. Qu'importe. Quoiqu'Albus dise maintenant, la situation ne serait ni meilleure ni pire. Harry était seul face à Voldemort. Adviendrait ce qu'il adviendrait.
Sous la table, Severus enfonça ses ongles dans ses paumes.
-Je ne vois qu'une chose que nous puissions faire à notre niveau.
-Oui Monsieur.
On ne pouvait rien faire.
-Y aller, et attendre le moment d'intervenir.
Vous voulez dire, attendre d'entendre les cris ? faillit-il répliquer. Attendre le rayon vert ?
Mais il hocha la tête. Personne n'aurait de meilleures raisons d'y aller que lui.
Personne n'en avait non plus de meilleures de refuser, sa tête y étant mise à prix. Mais ça, ça le regardait.

HP-LV-HP-LV

La battant gauche de la porte s'ouvrit vers l'extérieur, laissant entrer la chaude lumière du soir en un long rai sur les dalles grises. Harry, dont les yeux mirent quelques secondes à s'accoutumer aux ténèbres dans lesquelles le hall était plongé, suivit des yeux le chemin lumineux, pâle et frais, dans lequel voletaient des particules de poussières, jusqu'au pied du trône. Ses yeux verts, brillants dans l'obscurité de sa silhouette découpée à contre-jour, se plissèrent alors qu'il tendait de distinguer une forme sur le trône – son père était-il là ?
Puis la sensation d'être observé le submergea, et au même instant sa vision des sombres nuances du décor se précisa, et les dizaines – non – les centaines de silhouettes encapuchonnées apparurent en périphérie de son champ de vision, telles une forêt d'ombres familières.
Harry en eut le souffle momentanément coupé. Puis la douceur exquise de reconnaître là ses hommes fit naître un sourire sur ses lèvres.
Il se redressa de toute sa hauteur et avança, conscient de la haie d'honneur qui lui était réservée.

Bien sûr que son père était là. Bien sûr qu'il l'attendait dans les ténèbres. A présent qu'il y voyait mieux, Harry put distinguer la lueur brûlante de ses yeux rouges, au cœur de cette assemblée plongée dans le noir.
Harry ignorait de quelle façon Voldemort le punirait pour la libération de Tonks et les mensonges qui l'entouraient– de son point de vue, il avait été bien assez puni par son long séjour si loin de chez lui et par la décision de son Père de le laisser s'en dépêtrer lui-même, mais Voldemort n'était pas réputé pour sa magnanimité, même envers lui, même envers Harry. Il serait puni, il le savait.

Mais en cet instant, il s'en moquait. Oh, comme il s'en moquait.
Harry se retint de courir jusqu'au trône, mais il marcha un peu vite – au diable la dignité – pressé de recevoir l'un de ces rares sourires de requin qui signifiait qu'il était auprès de Voldemort et Voldemort auprès de lui.

Mais alors qu'il se trouvait à peine à vingt mètres de son père, son genou gauche trembla un peu. Il marqua le pas.

Son estomac se souleva violemment. Son sourire se mua en expression d'horreur.

Le visage de Voldemort n'était pas celui qu'il connaissait. Ce n'était pas Voldemort. De ce teint pâle comme la mortauprès duquel Harry avait grandi ne subsistait qu'un masque terne plus émacié que jamais. Squelettique. Ses cheveux bruns étaient tombés, ses lèvres fines avaient totalement disparu, et on aurait dit que son crâne, à l'inverse de son nez, s'était allongé. Ses yeux intégralement rouges lui donnaient un air surnaturel. C'était les yeux que Harry avait vu dans le coffre aux épouvantards, là où Voldemort l'avait jeté pour sa toute première punition. Une incarnation de cauchemar. Harry resta pétrifié à vingt pas de son père, sentant sa lèvre inférieure se mettre à trembler malgré lui.
Papa, criait-il intérieurement, que t'est-il arrivé ?


Voldemort ne savait ce qu'il ressentait – de la tristesse, de la fureur, de la peur, mais surtout du vide – jusqu'à ce qu'il lise ce regard-là.
La terreur dans les yeux de Harry.
Aussitôt, son bouillonnement intérieur fut douché par une sensation de haine glaciale qui lui taillada les tripes, et il y vit enfin clair.
-Approche, ordonna-t-il dans un torrent de rocailles froides. APPROCHE, répéta-t-il en fourchelang.

Harry le fixa silencieusement, sans ciller, le regard inexpressif, pendant cinq secondes d'éternité. Puis le garçon franchit la distance qui le séparait du trône et, gracieusement, posa un genou à terre. Il courba l'échine jusqu'à ce que son front touche le sol.

-J'ignore s'il s'agit de courage ou d'inconssssciencssse, siffla le Seigneur des Ténèbres, ses longs doigts osseux crispés sur les accoudoirs du trône en pierre, mais revenir ici n'est pas la meilleure idée que tu ais eue, petit.

Harry redressa la tête et lui renvoya un regard perdu.

Dans ses grands yeux verts fixés sur le spectacle déchirant qu'était le nouveau Voldemort, on pouvait lire la confusion. Le cerveau de Harry tournait à vide et en vain, à chercher une explication à ces mots. Revenir ici n'est pas la meilleure idée que j'aie eue.
Pourquoi ? Il était chez lui.
-Pourquoi ? demanda-t-il finalement.
Sa voix n'était qu'un chuchotement cassé. Il se racla la gorge, gêné, sans quitter son père des yeux.

Sur les traits de Voldemort, il ne vit que la colère aveugle dans laquelle étaient moulées Ses paroles.

Le cœur de Harry commença à battre trop vite. Sa poitrine se resserra sur ses poumons, sa gorge s'assécha. Ça n'allait pas. Rien n'allait. Il réfléchissait et ne comprenait pas.

Lord Voldemort serrait les dents dans un tremblement menaçant. Pourquoi ? Le petit se payait sa tête.
Il soupira, presque tendrement. Ce n'est vraiment pas la meilleure idée que tu ais eue, Harry.
Harry eut tout juste le temps de froncer imperceptiblement les sourcils, comme s'il avait entendu les pensées du Lord Noir -
-ENDOLORIS ! cria le Seigneur des Ténèbres dans un sifflement vicieux.

Le garçon s'arqua dans un cri de surprise, yeux écarquillés. De déchirants cris de douleurs s'ensuivirent aussitôt.

La main de Voldemort, crispée sur sa baguette, brisa le sort dans un tremblement maladroit.

Harry s'écroula, haletant et malade.
Le cœur lui remontait dans la gorge et la tête lui tournait.

Voldemort sentit sur son front et dans sa nuque couler une sueur glacée.
Il osait se présenter ici – après avoir suivi la route de son ignominieux modèle – Severus lui avait mis des choses dans la tête – lui a au moins eu la jugeote de courir pour sa maudite VIE !
Voldemort se mit à crier de sa voix chuintante qui résonna dans tout le hall. Les mangemorts se tendirent comme sous l'effet d'une caresse au papier de verre.
-Mes chers amis, mes fidèles amis. En cette heure où nous sommes plus que jamais nombreux et déterminés à faire plier le reste de la communauté sorcière, il est important de rappeler qu'il n'y a pas de défection dans mes rangs. Le Seigneur des Ténèbres n'a pas de patience ni d'indulgence pour les traîtres, les hypocrites, les mythomanes et les tricheurs. Le Seigneur des Ténèbres voit clair dans vos cœurs.
Le rayon crépitant de sa baguette revint secouer le garçon – l'espace d'un instant – avant de se détourner à nouveau.

Harry pleura au rythme des secousses – Il aurait pu résister, accepter la douleur, mais l'incompréhension et la sentiment d'injustice lui causaient une douleur aussi saisissante que le sortilège.
-Arrête, Pa-Voldemort, arrête - Arrête ! cria Harry alors que le sort venait à nouveau lui caresser les côtes.
La baguette se leva et le mage noir également, fulminant. Il osait – il osaitl'appeler ainsi…

-Je ne suis pas comme Severus, protesta le garçon toujours agenouillé, le visage luisant de sueur et de larmes.
Il inspira profondément pour se reprendre, malgré son estomac noué et ses muscles brûlants.
-Je ne suis pas comme Severus. Je – Je n'ai pas trahi, moi. Jamais…
Il ferma les yeux un instant.
Jamais il ne ferait cela.
-J'ai réussi à m'enfuir, dit-il. Cela faisait des mois que j'essayais, j'ai réussi à transplaner hors de Poudlard, j'ignore même comment j'ai fait.
La voix, polaire, du Seigneur des Ténèbres, emplit tout l'espace autour d'eux :
-Tu prétends que tu étais retenu contre ton gré.
On ne pouvait pas tromper Voldemort.
Harry déglutit.
Sur la fin, c'était contre son gré. Avant Noël... il ne s'était pas tant débattu.

-Menteur.
La voix gronda et le visage de Harry se liquéfia. Il avait aidé Tonks à s'enfuir, mais ce n'était pas si grave.
-Ce n'est pas si grave, s'entendit-il murmurer sous le regard incandescent accusateur.
-Tu connais le sort que Lord Voldemort réserve aux menteurs.
Tremblant et incrédule, Harry vit la baguette se lever, sa pointe brillant d'un éclat vert, et ne put répondre.

Il ne va pas me tuer, pensa-t-il, vide. Il ne va pas me tuer. Papa, tu ne vas pas me tuer. L'idée que Voldemort voulait le faire disparaître de la surface de la Terre pour ne plus jamais le revoir, l'idée qu'il honnissait son existence au point de désirer l'annihiler, creusa un trou béant dans sa poitrine.
-Papa... murmura-t-il comme une question.
Il se sentait minuscule et insignifiant.

Voldemort, sa volonté de traiter ce gamin comme n'importe lequel de ces imbéciles qui avaient osé se jouer de lui à un moment ou à un autre, malgré les étincelles vertes, maléfiques, que crachait déjà sa baguette, ressentait dans sa poitrine un déchirement plus terrible encore que lorsqu'il faisait un horcruxe.
Le reste de son âme se rebellait face au traitement qu'il s'apprêtait à s'infliger.

Le Seigneur des Ténèbres poussa un hurlement de rage qui fit trembler l'assistance des mangemorts tels de petits enfants, puis il descendit vers Harry, approchant sa face de cauchemar du visage de celui qu'il avait nommé son Héritier et fils, et le saisissant entre ses longues serres blanches, il plongea dans les souvenirs du garçon.
L'Ordre, pénétrant par la fenêtre de la chambre, Harry criant à l'aide. L'Ordre revenant. Harry méfiant. Harry et Tonks, longuement, dans les cachots, avec un livre et le fumet chaud du chocolat. Harry marchant dans l'obscurité avec des robes rouges sur ses talons, ouvrant la cellule de la prisonnière. Harry kidnappé.
Voldemort le lâcha et Harry, étourdi, tomba à terre.

Voldemort se sentait envahi à la fois d'un soulagement et d'un dégoût immesurables.

La voix crissa comme jamais.
-Bartemiussssssssssssssss.

L'assemblée de Mangemort fut parcourue d'un frisson collectif. Un homme parmi les plus proches s'avança et baissa son capuchon. Il allait s'agenouiller devant son Maître mais n'en eut pas le temps.
-MENTEUR !
Le sortilège de douleur fusa sur l'homme et le plia en deux aussitôt.
-MENTEUR, MENTEUR, MENTEUR !
La torture fut de courte durée. Un serpent immense, apparut de derrière le trône, glissa ses anneaux sur la pierre froide, se faufila sous les robes de Voldemort et, en un rai d'écailles vertes, se jeta sur le mangemort, et le frappa au cou de sa mâchoire mortelle.
-Tue.
Le serpent frappa et frappa encore, réduisant le corps en charpie. Une flaque de sang commença à se répandre jusqu'aux genoux de Harry, qui ne recula pas, car il n'avait jamais aimé Barty et se sentait de toute façon vidé de son énergie. Les spectateurs les plus proches furent, à son instar, éclaboussés de sang des pieds à la tête. Lorsque l'énorme serpent ralentit le rythme de ses ingestions, Voldemort parut lui aussirepu, sa colère momentanément satisfaite.

Il saisit un Harry éperdupar le col de sa chemise et lui siffla au visage en fourchelang :
-IDIOT.
Il le garda devant lui à demi étranglé, dents serrées. Harry se perdit dans le rouge uniforme qu'étaient devenus ses yeux.

Le Lord noir le laissa finalement tomber et, sèchement, lui ordonna de disparaître de sa vue.
Harry comprit File dans ta chambre et s'enfuit,tête basse.

HP-LV-HP-LV

La porte s'ouvrit et Harry se retourna aussitôt, prêt à sauter à bas du rebord de fenêtre sur lequel il s'était assis pour respirer, pour accueillir Voldemort comme il se devait, repartir sur des bases saines.
C'était Lucius.
Le mouvement de Harry se figea alors que le mangemort blond retroussait les narines et se mettait à tousser sur la suie qui recouvrait intégralement la pièce. L'aristocrate échangea un regard avec Harry – mais pas de salutations, pas de Monseigneur – et parcourut le décor incendié de son oeil évaluateur. Il soupira.

Il avait déjà remis en état la Salle Monse massacrée par ses soins, à présent c'était au tour de la chambre du petit, sa tâche de Mangemort commençait sérieusement à lui rappeler le mythe de Sisyphe. Il fit apparaître une patère dorée à côté de la porte, y accrocha sa cape, releva les manches de sa chemise et, baguette en main, se mit au travail.

Harry ne le quittait pas des yeux.

-Lucius.
L'homme blond tourna son visage dans sa direction, muet.

Harry ne sut que lui dire.
Je n'ai pas trahi. Tu dois lui faire comprendre que je n'ai pas trahi. Il le sait. Ce n'était rien de plus que… un égarement passager.
Inutile.
C'est lui qui a mis le feu à ma chambre ?
Rhétorique.
J'ai dormi à côté de ton fils pendant un an, et il se pissait dessus quand je haussais un sourcil dans sa direction. Comment peux-tu m'ignorer ?
Vain.
Dis-moi quelque chose.
Lucius.

Le regard bleu pâle du mangemort se planta dans celui du garçon de douze ans.
-C'est Mr. Malfoy.

Harry écarquilla légèrement les yeux, puis face à la mine grave de Lucius, son expression se changea en un masque impassible.
-Va te faire.
Il se retourna vers le ciel rougeoyant, les jambes dans le vide.

HP-LV-HP-LV

Il a joué au toutou de Dumbledore pendant des mois, se répétait inlassablement Voldemort, qui ne dormait plus depuis longtemps. Il se repassait les souvenirs fugaces volés au gamin, ses jeux à Poudlard, sa docile acceptation, son échappée chez l'ennemi, son bonheur, sa trahison.
Il savait tout, il ne savait pas tout.
Il savait tout car il avait vu ce qu'il avait cherché. Harry avait bien été emmené contre son gré, mais il avait préparé le terrain, puis y était resté volontairement, avant d'éprouver des regrets. Il savait tout et la trahison lui brûlait la peau.
Plusieurs fois dans la nuit, il se leva baguette en main, prêt à susurrer les doux mots de la dernière prière à Harry, ah, Avada, ah, Kedavra… Plusieurs fois il contempla la gloire intérieure qui accompagnerait cet acte, la purification. Purgé enfin de cette couche d'irritante affection, renouvelé dans toute la noirceur de son âme, plus puissant que jamais.
Plusieurs fois dans la nuit, il vit la gorge de Harry s'immobiliser sur un dernier souffle, ses yeux verts s'éteindre de leur étincelle de vie, sa peau devenir flasque et froide. Plusieurs fois il imagina le silence assourdissant du reste de son immortelle existence sans jamais plus jamais entendre la voix de Harry.

Alors il se raisonna. Il ne savait pas tout. Dans les bribes de souvenirsqu'il avait soutirées à Harry, il avait perçu sa peine d'être loin de Lui. Il en déduisit la haine de l'Ordre et de tous leurs amis sang-de-bourbe, il conjectura une entreprise de destruction interne, comme le laissait penser son activité au Club de Duel ou sa contribution à la destruction des murs de l'immémorial château. Il inventa une stratégie là où il n'y avait eu que caprices et improbables rencontres. Tonks. Tout était parti de Tonks, n'est-ce pas ?

HP-LV-HP-LV

Harry marcha jusqu'aux appartements de Voldemort, au même étage que le sien. Le silence était insupportable, le quiproquo trop crétin. Il avait merdé pour Tonks, il s'était amusé à Poudlard, ok, mais il n'avait pas trahi. Il n'avait pas trahi Voldemort, jamais jamais ses intentions ne s'étaient ne serait-ce qu'approchées de cette voie. Il marcha jusqu'à la porte et s'arrêta.

Le cœur battant, il resta devant le panneau de bois, stupidement.
Voldemort savait qu'il était là, il devait l'entendre respirer.
Au bout de cinq minutes, il frappa.

Rien.
De l'autre côté, il entendit un bris de verre.
Puis une sorte de fumée noire se faufila sous la porte et s'éleva jusqu'à Harry, qui la laissa l'envelopper jusqu'à ce qu'il ressente l'horrible brûlure. Il poussa un petit cri de surprise et d'un mouvement de baguette, renvoya la sale chose d'où elle était venue. Mais la chose venait de Voldemort, et était donc bien plus puissante que sa magie. Harry partit en courant, en proie à un mélange de fureur et de désespoir.
-Saloperie de merde !
Il jeta à la fumée noire un sortilège d'Aguamenti en courant à reculons, puis l'emprisonna dans la glace et, pour faire bonne mesure, fit exploser l'énorme bloc d'un monumental Destructum, qui lui fit du bien.

HP-LV-HP-LV

Ses joues et ses mains étaient couvertes de cloques de brûlures, et ses yeux lançaient des éclairs. N'importe qui de moins con que Rabastan Lestrange aurait laissé passer Monseigneur sans faire plus de bruit qu'il n'en fallait pour s'effacer.

Mais Rabastan était con.
-Tiens, tiens, tiens, lâcha-t-il de sa voix d'autiste, dans ce qui lui sembla sûrement être le plus construit des discours. Petit Lord s'a gratigné en jouant à la baballe de Dumby ?
Harry lui balança un coup de pied dans l'entrejambe, l'attrapa par les poils secs de sa barbe et le fit descendre à genou en un éclair :
-Petit Lord n'est pas d'humeur, et pour toi c'est Monseigneur, grinça-t-il tandis que le balourd gémissait en se tenant les parties.

Ce qui aurait dû se passer ensuite était le scénario suivant :
-Je vous prie de pardonner mon frère, grommela Rodolphus en attrapant le robuste Rabastan par les épaules pour l'aider à se relever. Monseigneur.
Profonds et humbles saluts, trottinements rapides pour s'éloigner dans le couloir. Fin de l'épisode.

Ce qui se passa en réalité fut tout autre.
-Propulso.
Harry alla se cogner la tête et l'épaule droite contre le mur de pierre.
-Gosse de merde, putain, si t'étais le mien. Tu mérites une deuxième dose. Endoloris.
Harry se cogna à nouveau contre le mur, pris dans les tressautements infernaux de ses muscles et ses nerfs soumis à la pire des tortures. Cela faisait plus de deux ans, presque trois, qu'il n'avait pas subis le Doloris, et là, en l'espace de deux jours, la piqûre de rappel était terrible. Insupportable. Ce n'était pas le sort d'Insan Greek. Ce n'était pas la folie de l'autorité venue mettre un terme à un jeu violent.
C'était la douleur venue d'une main amie. Harry hurla de colère à travers sa géhenne personnelle, et se relevant en papillonnant des yeux humides, il leva sa baguette vers Rodolphus.

-Putra.
Ce-dernier devait être peu coutumier du sort de torture indienne, car les brûlures et tiraillements allant crescendo sur sa peau semblèrent le laisser d'abord dubitatif, avant de le faire danser en poussant des cris compulsifs – le Petit Lord avait toujours été friand de ce sortilège. Harry lui subtilisa sa baguette d'un geste sec et la fit exploser en mille morceaux d'un vicieux Destructum.
-Ça t'apprendra à l'utiliser contre moi. Coinçacrack, ajouta-t-il pour faire bonne mesure.
Il s'agissait là d'un sort de torture qu'il avait entendu, utilisé ou inventé alors qu'il était tout petit, il y avait au moins cent ans de cela. Il avait pour effet de briser les doigts de la victime phalange par phalange – un truc qui, au contraire du sortilège Putra, l'avait longtemps dérangé.

Il laissa les deux frères gémir à genoux dans le couloir et descendit aux cuisines.

HP-LV-HP-LV

Le jour suivant, il fit à nouveau face à un mangemort ayant oublié les préceptes de base, et qui pensait pouvoir lui parler comme à un chien.

Le type, il ne l'avait jamais vu. Bronzé, mal rasé. Inconnu. Harry eut le temps de récolter un coquard à l'œil gauche avant de répliquer par un Impedimenta et de lui exploser les dents de devant.

HP-LV-HP-LV

Le jour d'après, ils étaient trente.

S'il y avait eu une infirmerie, Harry aurait terminé là-bas.

Si les mangemorts n'avaient pas été aussi incertains du statut du Petit Lord, il aurait terminé dans la benne à cadavres.

Il termina dans le couloir du traquenard, seul, allongé, pissant le sang et un bras cassé. Il n'était plus qu'un immense bleu, extérieur comme intérieur. Il pria toute la nuit pour que Voldemort vienne s'enquérir de son état.
Personne ne vint. Il finit par espérer trouver ne serait-ce que la force mentale de se lever pour aller mourir dans sa chambre, pour ne pas subir l'humiliation des mangemorts qui, le matin, passeraient près de son corps et lui décocheraient sûrement une pichenette.

Lorsque le jour commença à poindre quelque part au bout du couloir, il se leva. Il monta jusqu'à la bibliothèque. Il ne pouvait pas rester ainsi. Il ne connaissait pas le sort de soin pour les paupières brûlées.

HP-LV-HP-LV

Une quinzaine avait passé, et Harry attendit que le soleil se couche pour se glisser dans les ténèbres et marcher jusqu'à la porte de la chambre de son père. Il resta derrière en silence. Il y avait encore de la flotte partout depuis ses glaçons explosés, et un vieux reste de fumée maléfique lui piquait les pieds à travers la semelle de ses chaussures.

Il posa une main sur le bois de la porte, puis y colla son oreille.
Il ferma les yeux. Papa.
-Voldemort ? chuchota-t-il.

Un bruit violent se fit entendre dans la pièce et Harry sursauta, reculant d'un pas. Aussitôt, la porte s'ouvrit sur le Maître des lieux, qui le considéra d'un regard meurtrier.
-Ce nom est maudit, siffla Voldemort. Personne ne le prononce de crainte de s'attirer le courroux du Seigneur des Ténèbres – crois-tu que tu n'ais rien à craindre de Lui ?

Harry demeura sans voix, mais ne baissa pas les yeux.
Il l'avait toujours appelé Voldemort précisément parce qu'il n'avait rien a craindre de Lui.
-Je t'ai toujours appelé comme ça, murmura-t-il, quasi inaudible.

Il était couvert de bosses et d'hématomes noirs, bleus et jaunes, et sa peau en certains endroits portait les stigmates de trop longs et trop répétés Doloris. De petites nervures blanches que tous les deux connaissaient bien. Les yeux de Voldemort se posèrent sur l'une d'elles, à la base du cou.

-Tu vas bien ?
Ce n'était pas Voldemort qui avait parlé, mais Harry. Il ne s'était toujours pas habitué à la nouvelle apparence de son père. Il avait l'air sous l'emprise d'une terrible maladie.
Le mage noir croisa fugacement le regard du garçon et froidement, répliqua :
-Je suis immortel.
Avant de fermer la porte derrière lui et se détourner sans un coup d'œil en arrière, l'énorme Nagini ondulant sur ses talons. Harry échangea un regard jaloux avec le serpent.

HP-LV-HP-LV

Le temps s'écoula lentement et douloureusement.

Voldemort l'appelait parfois « Harry » comme s'il avait du mal, et comme s'il avait, aussitôt après, envie de s'arracher la langue. Harry osait à peine l'appeler « Voldemort », et un abominable sanglot, toujours le même, se coincer dans sa gorge chaque fois que le Seigneur des Ténèbres posait sur lui son regard déçu.

C'était comme de se faire engueuler avec commisération. S'entendre rejeter par la bouche d'un ami. Se faire battre par la main qui vous nourrit. C'était insupportable.

HP-LV-HP-LV

Harry ne sortait plus de sa chambre.
Il n'osait plus.
Il n'osait plus sortir affronter les regards et les attitudes de ces hommes qu'il avait cru ses amis, lisant dans chacun de leurs pas, de leurs gestes, leurs coups d'œil et leurs murmures combien ils auraient voulu le voir mort. Il n'osait plus sortir du confort relatif de sa chambre glacée qui n'était plus tout à fait la sienne pour affronter la présence douloureuse de son père qui systématiquement, plongeait en lui son regard incandescent empli de rage, de déception et de haine. Autant d'émotions contrebalancées, il le savait, par l'effort que faisait le Seigneur des Ténèbres sur lui-même pour recommencer à l'aimer comme auparavant, sans y parvenir. Sans y parvenir.
Il ne pouvait plus. Sortir de sa chambre.

Il passait sa journée à se momifier de froid au milieu de son immense lit, à fixer le plafond noir de suie sur lequel il ne pouvait plus voir les constellations peintes jadis, avant que Lucius ne mette le feu à son enfance sur ordre de Lord Voldemort.
Il ouvrait un livre, regardait les mots se détacher de la page blanche sans pénétrer dans son esprit, le refermait au bout d'une heure. Sa gorge était sèche, serrée. Toujours. Ses yeux étaient grands ouverts, vides. Toujours.
La vision des murs et meubles brûlés, ces derniers difficilement ressuscités de l'ire paternelle, accompagnait chaque minute de ses jours et apparaissait dans ses cauchemars comme la toile de fond de son drame, où Lord Voldemort sur son trône, le jugeait d'une hauteur incommensurable, tapant l'accoudoir de marbre de sa chaire d'un coup de marteau et déclarant sa sentence : l'exil.

Il quittait sa chambre, tel une petite souris, lorsque le soleil commençait à décliner. Il passait alors par le parcours le plus alambiqué pour éviter de croiser qui que ce fût, et débarquait dans la petite cour intérieure, où il shootait dans des cailloux, puis s'asseyait sur le muret pour regarder le coucher de soleil sur les herbes sèches du paysages environnant, ayant chaque fois l'impression de s'éteindre en même temps que l'astre.
Puis il sautait de l'autre côté du muret et, accroupi face aux vieilles pierres inégales, gravait son vœu du bout de sa baguette, des étincelles rouges fusant pendant les quelques minutes que durait son discret travail de forgeron. Faitesque Papa m'aime à nouveau.
Qu'il m'aime. Qu'il m'aime. Qu'il m'aime. Qu'il m'aime. Qu'il m'aime.
Les jours se comptaient en gravures comme sur les murs d'une prison.

Lorsqu'il avait passé le bout de ses doigts sur la cicatrice de la pierre, il se levait et, la nuit tombée, se rendait aux cuisines à pas de loup, angoissé à l'idée de croiser quelqu'un. Il croisait souvent quelqu'un. Il se figeait alors là où il se trouvait, fixant ses pieds, le cœur battant à tout rompre. Le plus souvent, le mangemort passait sans rien laisser transparaître d'autre que son immesurable mépris et sa satisfaction vicieuseà voir Monseigneur marcher sur des œufs devant ses anciens serviteurs. Mais parfois, le mangemort s'arrêtait. Et Harry fermait les yeux le temps du Doloris. Il ne résistait pas, et préférait tomber à terre à la première secousse, sans toutefois verser une larme. Les larmes ne coulaient que la nuit. Résister n'invitait à rien d'autre qu'à un acharnement sadique.

Harry aurait voulu croire qu'ils n'avaient pas le droit. Mais il n'était pas sûr que Voldemort ait levé l'autorisation de lui faire du mal qui avait vraisemblablement accompagné sa sentence de mort, qui seule avait été provisoirement annulée. Il aimait se dire qu'il n'était pas sûr que Voldemort ait bien levé cette autorisation, cela lui évitait de penser que son père avait consciemment invité ses hommes à le torturer depuis son retour. Il n'était pas sûr. Il préférait imaginer qu'il s'agissait d'un oubli.

Aux cuisines, il mangeait sans appétit les restes froids des repas préparés dans la journée. Puis il attendait qu'il n'y ait plus un bruit dans le château, recroquevillé sur son banc, pour regagner sa chambre dans l'obscurité, où, chaque soir, il espérait trouver un signe que tout était redevenu comme avant.

Il ouvrait la porte les yeux fermés, et prononçait un Lumos plein d'un frêle espoir, voyant soudain derrière ses paupières closes, oh, les murs immaculés de sa chambre d'enfant, son coffre à jouets, ses partitions, un bol de lait chaud posé avec affection sur sa table de nuit, ou même, simplement, Lord Voldemort l'attendant derrière la porte, avec le regard d'autrefois.
Jamais rien ne changeait, bien sûr.

Mais au quarante-huitième soir de ce tunnel noir, alors que Harry rouvrait les yeux sur sa chambre pleine de suie et triste comme la pluie, il remarqua un détail.
Il resta figé un instant, puis grimpa doucement sur son lit, et se dirigea à quatre pattes vers sa table de nuit.
Neuve, toute emballée, l'attendait une plaquette de chocolat au lait.

HP-LV-HP-LV

Etait-ce son père ? Lucius ? Avery ?
Il n'en avait aucune idée. Avery ne se serait pas risqué à agir hors ordres de son Maître, et Lucius ne semblait pas mieux disposé à son égard depuis sa prétendue trahison que le reste des mangemorts, bien qu'il ne se soit jamais montré violent.
Alors…
Alors déjà, il la savoura. Cela faisait des mois qu'il n'avait pas autant pris de plaisir à manger quoi que ce fût. Ensuite, lorsqu'il eut léché le bout de ses doigts et ramassé la moindre miette de chocolat, il chiffonna la feuille de papier aluminium et conserva le carton marron avec la marque d'Honeydukes calligraphiée dessus. A l'intérieur, il écrivit : Pion en E-4.
Il glissa le carton sous la porte de Voldemort.
Il avait toujours pris les blancs, et les Blancs engageaient le premier mouvement.

HP-LV-HP-LV

« Pion en D5
Viens jouer ton coup suivant sur le plateau. »

Harry plia soigneusement le mot en quatre, le glissa dans sa poche et frappa.

-Entre.

La pièce était plongée dans une étouffante et lugubre obscurité, à l'image de la salle du trône, que Harry n'avait vu autrement que vitraux noircis et fenêtres condamnées depuis son arrivée. Le manoir, malgré ses nombreuses ouvertures et courants d'air, réussissait à demeurer prisonnier d'un semi aveuglement.
Nagini dormait en rond aux pieds de Voldemort.

Harry s'assit face à son père sur le siège avancé pour lui, et bougea aussitôt son pion histoire de briser le silence.
Sa tentative resta sans suite, l'épais silence toxique de la pièce les enveloppant dans son étreinte. Malgré tout, Harry se sentit chez lui pour la première fois depuis son retour. Le choc occasionnel des pièces contre le plateau de marbre, le bruit tranquille de leurs respirations, leurs coups d'œil amusés ou contrariés face à un coup particulièrement futé.

Leur seul échange de la partie fut : « Tu as progressé » murmuré par le Lord noir, à quoi Harry fort de l'expérience de ses parties avec Ron Weasley à Noël dernier, avait simplement répondu : « J'ai eu beaucoup de temps libre. »
Lorsqu'il coucha finalement son roi, il resta frustré. L'idée de se lever sans un mot pour retourner déprimer dans sa chambre lui donnait envie de dégobiller. Voldemort ne le regardait pas, replaçant d'un regard les pièces sur le plateau, une par une, ses doigts croisés sous son menton.
-La revanche ? proposa finalement le souffle chuintant.
Harry sourit.
-Et comment.


-Joues-tu toujours du piano ?
-Oui.
Enfin, en théorie. Il n'avait pas osé s'approcher de la Salle Monse, redoutant de la trouver brûlée du plancher au plafond, victime du même traitement que sa chambre.

Un coup.
-Et à Poudlard ?
Poudlard. Le mot résonnait comme trahison.

-J'ai découvert une salle, commença Harry prudemment. Je ne suis pas sûr de l'avoir bien comprise, celle-là, mais elle semblait s'adapter à mes besoins. Il y avait un piano, au départ. Puis toutes les partitions que je désirais apparaissaient devant mes yeux au fur et à mesure. Même celles de morceaux que j'avais écrits et oubliés depuis longtemps.
Il laissa passer un moment, tritura l'une de ses pièces.
-Poudlard est étonnant.
-Si tu touches ce fou, tu bouges ce fou.
Le ton sévère faisait resurgir l'écho de vieilles conversations. Harry contint son sourire et bougea son fou.

-Oui Poudlard est intéressant, concéda Voldemort après longtemps. D'autres découvertes ?
-Des tonnes.
Le coin de la bouche du Seigneur des Ténèbres sembla se relever sur l'ombre d'un sourire entendu.
-J'ai découvert un truc dont Dumbledore n'avait pas connaissance, développa Harry. Un moyen de transport dans le château.
Il pensa à ce qu'il avait fait. Le calmar, le quidditch, le médaillon de James Potter.

-Je n'ai plus ma boucle d'oreille, dit-il par association d'idée.
-Je sais. Dumbledore a essayé de l'utiliser. Essaye. Je travaille dessus. Si elle pouvait se détruire dans ses mains et le blesser dans le processus, cela me réjouirait pour quelques heures.

Harry haussa les sourcils, impressionné.
-C'est possible ? Comment comptes-tu t'y prendre ?
-Dis-moi, murmura Voldemort, comment je compte m'y prendre.
Harry hésita, mal à l'aise, mais comprit qu'il ne s'agissait que d'un exercice didactique.

Comme si souvent.
-Il faudrait reconvoquer les démons de l'Autre Lieu qui l'ont forgée et leur demander de la détruire. Ou bien leur demander de créer sa jumelle et détruire celle-ci.
-Que de complications.
-Ou bien...
Harry s'interrompit et réfléchit.
-Inutile de créer sa jumelle, pensa-t-il à haute voix, puisque ma boucle d'oreille est déjà liée à la Marque.
La mienne, plus précisément.
-Il faut absolument la détruire avant que Dumbledore ait la même idée que toi.
-La même, j'en doute. L'utiliser juste pour nous procurer une blessure physique est en dessous de lui.
Voldemort renifla comme s'il contenait un ricanement.
-Mais l'utiliser d'une autre façon, oui, il en serait capable. S'il l'étudie, c'est selon moi pour modifier le sort qui la lie à nos Marque et s'en servir comme d'un sortilège traceur. Il pourrait ainsi localiser tous les mangemorts. Quel petit rêve, penses-tu.
-Mais il n'y arrivera pas. Et de toute façon, il serait bien en peine d'en faire quoi que ce soit. Le Ministère ne l'écoute jamais.
Voldemort plissa ses yeux brûlants.
-Raconte... siffla-t-il.

Harry soutint le regard de Voldemort, puis attaqua sa reine.
-Je t'ai mangé ta reine.

Voldemort haussa un sourcil inexistant. Harry se laissa tomber contre son dossier et croisa les mains sous son menton à son tour.
-J'ai passé les vacances de Noël au QG de l'Ordre du Phénix. Ils parlaient de tout et de rien, et beaucoup du Ministre. Eux ne sont qu'une trentaine, peut-être une quarantaine au grand maximum - et je compte les vieillards, les infirmes et les garçons de seize ans encore scolarisés. Pour combattre nos mangemorts, ils ont besoin d'être soit très bien organisés – ce qui leur arrive, occasionnellement – soit soutenus par la machine du ministère et leurs bataillons d'Aurors. Mais le Ministre n'écoute pas Dumbledore, il se bouche les oreilles quand il parle de mangemorts. Donc ils ont zéro moyen, ou peu s'en faut.

Voldemort songea que l'information n'était pas neuve, mais qu'éventuellement, Harry pouvait avoir entendu et vu d'autres choses lors de son séjour.
Il verrait bien à qui le gosse était réellement fidèle en fonction des informations qu'il donnerait.

-Tu vas détruire ma boucle via ta Marque ? demanda Harry.
Voldemort posa les yeux sur son... sur Harry.

Il avait décrété qu'il n'était plus son Héritier.
Ni fils.
Mais c'était comme s'il ne pouvait modifier cette dernière donnée. Ils se retrouvaient face à face de chaque côté d'un jeu d'échecs et il n'y avait personne avec qui Voldemort acceptait de converser ainsi.
Même Lucius, Bellatrix – Ssseverusss, dans le temps – avaient conservé cette distance prudente et respectueuse qu'il leur imposait et qui passaitdes kilomètres au-dessus de la tête de Harry.
Voldemort avait beau se défier du garçon comme jamais, lui retirer toute influence sur ses hommes d'un claquement de doigt, lui retirer son titre et ses droits, ce lien intangible demeurait intact.

-Tu as refait un horcruxe ? murmura le garçon entre ses lèvres.
Voldemort le transperça d'un intense regard couleur sang. Si tu savais, vibra une voix au fon de lui. Combien je suis puissant.
Six horcruxes, c'était la mesure de son immortalité.
-Oui.

Harry respira fort, prenant conscience du mélange de soulagement et d'inquiétude qui descendait dans ses tripes à cette idée.
-Et...

Le garçon semblait réticent à poursuivre.
-...Et tu vas bien ?
La voix, minuscule, semblait retenue de peur que Lord Voldemort n'accepte pas une telle question. Le mage noir ressentit de l'agacement.
-Je suis immortel.
Harry savait à quel point il abhorrait se répéter. Le garçon hocha la tête, mal à l'aise.
-Ton âme... tu ne ressens pas comme une amputation ? Tu es toujours la même personne ?
-J'ai l'air d'être différent ? siffla Voldemort.
Honnêtement, pensa Harry, oui. Cela dut se lire sur son visage car Voldemort leva les mains vers la peau lisse de son crâne et afficha un sourire carnassier. Ses narines fines se dilatèrent comme s'il humait le parfum de sa propre gloire.
-Oui, les aléas physiques sont importants. Mais l'enveloppe charnelle est sans valeur, murmura-t-il en faisant glisser ses mains sur son visage. La puissance magique qui coule dans mes veines, elle, est sans pareille.
Harry le fixait d'un air troublé. Il hocha la tête lentement. Il faudrait qu'il s'habitue à ce visage.

Son ventre émit soudain une vive protestation, le faisant presque sursauter.
-Je te demande pardon pour ce rappel très terre-à-terre des besoins de mon enveloppe charnelle, salua Harry en se levant. Je ne te dérangerai pas davantage. A m-moins que tu ne souhaites dîner en ma compagnie ?
Lord Voldemort fit disparaître le plateau de jeu d'un mouvement de main.
-Je ne mange pas.
Harry fit ok de la tête et, repoussant le fauteuil, fit un petit salut du chef, respectueux.
-Bonne soirée Papa, dit-il à mi voix.
-Cessssse de m'appeler ainsi, le cingla la voix glaciale.
Harry se figea.
Il eut la sensation qu'on venait de lui trancher la tête.
Plus jamais ? voulut-il demander. Il ne put lever les yeux vers son père de peur que celui-ciy voie briller des larmes. Il contrôla sa voix juste le temps de corriger :
-Bonne soirée.


Dans le couloir, les larmes roulèrent sur ses joues, comme trop souvent. Il se mit à marcher vite, jusqu'à sa chambre – il ne fallait pas qu'il croise de mangemort dans cet état, ceux-ci n'auraient auc-
-Voyons, si ce n'est pas Monseigneur qui a un petit chagrin.

Harry baissa ses paupières une nano-seconde. Il ne regarda même pas de qui il s'agissait, s'effaça. Il ne reconnaissait pas la voix.

Yeux baissés, Le Petit Lord vit les chaussures de l'homme s'arrêter.

Il ne pouvait pas poursuivre son chemin paisiblement, non, il fallait qu'il s'arrête, qu'il s'arrête maintenant. Harry sentait ses mains trembler et une chaleur fiévreuse courir sous sa peau.
-Tu te rappelles, petit, le jour où tu m'as menacé de me balancer au Maître pour t'avoir manqué de respect ?

Harry ferma les yeux.
Ta gueule, mais ta gueule.
Lâchez-moi.

-Haut comme trois pommes, à te baffrer dans la cuisine et à donner des leçons de bonne conduite, se souvint le mangemort d'une voix douce teintée d'un léger accent de l'est.

Dolohov. Antonin Dolohov.

-Tu menais la grande vie.
-Je me rappelle, lâcha Harry dans un souffle, toujours sans le regarder.
Putains de tremblements, songea Harry confusément. Je vais gerber. Il était en vrac, et une sueur brûlante commença à couler dans sa nuque.
-Ce n'est qu'une question de temps, maintenant, petit chéri. Avant que le maître nous donne l'autorisation de te massacrer en règle.
Mais allait-il se taire, ce bouffon ? Il ne comprenait rien à la vie de Harry, ne connaissait pas les tenants et aboutissants de sa relation avec Voldemort, n'avait rien à –
-Tu n'es plus personne ici. Ton époque est ré...
Harry se résolut finalement à lui jeter un regard assassin. L'autre changea de couleur.
-...volue.
Dolohov recula d'un pas, l'air incertain.
-Y se passe quoi avec tes yeux, gamin ? fit-il d'une voix blanche.

Harry entendait les battements de son coeur, le coeur de Dolohov. Po-pom, po-pom, po-pom, de plus en plus rapides. Il entendait le sang battre dans ses veines, sentait le sang qui pulsait à ses veines, avait envie de le voir couler...
Rouge.
Il voyait rouge.

Harry serra les dents, les poings, ferma les yeux – ce n'était pas une bonne idée, vraiment pas, pas ici- sur un mangemort - devant la porte de Voldemort - pas tuer - il ne pouvait pas - il risquait de... de... il n'arrivait plus à se souvenir ce qu'il risquait et sa baguette sauta dans sa main sans qu'il y ait pensé.
-Sectusempra.
Le sang lui gicla au visage et il sourit comme un dément, la fraîcheur de la sensation du chaos imminent électrisant toute sa colonne vertébrale. Face à lui, l'homme tituba en arrière, la poitrine ouverte sur une longue coupure se sabre, et s'écroula. Il lui sauta sur l'estomac, récoltant une nouvelle éclaboussure de sang dans la figure. Il saisit la gorge de sa victime d'une main et de l'autre, enfonça son poing dans la bouche de l'homme. Il en retira une dent, arrachée à la force du bras. La bouche de Dolohov était un geyser de sang.
-Voyons, parodia Harry dans un murmure. Si ce n'est pas le petit Antonin qui a une quenotte en moins.
Il coinça la dent et sa racine rose entre ses lèvres et cogna encore de deux ou trois uppercuts puissantssur le visage méconnaissable du mangemort.
Puis il se leva d'un bond, et courut.


Les mangemorts, regroupés dans quelques piaules du rez-de-chaussée plus ou moins bordéliques se retrouvaient par groupes de trois ou quatre pour jouer, boire, fumer et discuter. Dans le repaire des serviteurs des Ténèbres, on comptait rarement plus d'une vingtaine d'hommes sur place au même moment.

Dans cette pièce, il y avait Crabbe, un nounours d'une incommensurable gentillesse, qui dorlotait son verre de Firewhisky, seul, l'œil dans le vague.
Assis à une table, Travers, Wilkes et Jugson se plumaient les uns les autres au poker, l'œil pétillant.
Chuchotant et jetant derrière leurs épaules des regardsmi-gênés, mi-curieux, n'attendant que de se faire inviter, deux nouvelles recrues, des gamins Ecossais, enroulaient des petits rubans de fumée rose fluo autour de leurs doigts avant longuement les aspirer par le nez.
A la fenêtre, un mangemort sans histoires et sans éclats dont personne n'arrivait à retenir le nom fumait une cigarette tout ce qu'il y a de plus ordinaire en pensant qu'il avait oublié de rentrer le linge avant de quitter la maison et que s'il pleuvait, il allait se faire engueuler comme du poisson pourri.

Répartis dans les deux autres pièces communicantes, douze autres fidèles serviteurs du Seigneur des Ténèbres se détendaient entre collègues. Il y avait Rookwood et Selwyn, perdus dans une conversation à battons rompus sur les employés soudoyables et non soudoyables du ministère McNair, Gibbon et Mulciber en plein concours de bras de fer deux femmes, chose rare, appuyées au bord de fenêtre, sirotant un kir et susurrant de sirupeuses acidités sur le système éducatif d'aujourd'hui et le mélange des classes deux jeunes mecs s'échangeant des devinettes assis à la table d'un débile qui jouait au morpion contre lui-même et riait très fort de leurs plaisanteries chaque fois qu'il le croyait opportun deux ou trois autres inconnus.

Lorsque la porte s'ouvrit brusquement, Crabbe, Travers, Wilkes, Jugson, les deux nouveaux et le mangemort à la fenêtre relevèrent la tête d'un air vaguement curieux sans interrompre leurs activités. Lorsqu'ils reconnurent l'ex-Héritier cependant, chacun afficha une expression différente, allant de la franche surprise à la grimace angoissée en passant par la moue mauvaise et le froncement de sourcils contrarié. Harry balaya la pièce d'un regard flou, puis ses lèvres s'étirèrent sur un sourire dangereux, laissant paraître la dent arrachée à Dolohov.

-Qu'est-ce que... fit Wilkes en commençant à se lever.

Harry lui cracha la dent au front, et d'un leste mouvement du bras, balança un Sectusempra général en tournoyant sur lui-même. Le rouge, le bruit et le chaos qui s'ensuivirent provoquèrent un éclat de rire délicieux, qui gargouilla dans son estomac avant de résonner dans la pièce et de rencontrer en écho les insultes des autres mangemorts accourus des pièces adjacentes.
Harry bondit sur eux à la façon d'un fauve.
-Mon époque est révolue, murmurait-il en boucle comme un fou, mon époque est révolue, mais oui bien sûr.

En proie à la même terreur mêlée de détermination que les autres, Selwyn tentait de juguler l'énergie destructrice du jeune homme à coup de sortilèges de contention, autant de Stupéfix que d'Impedimenta et Petrificus totalus causant aussi peu de dégâts au sorcier en proie à un accès de folie noire que des graviers à une monumentale statue de marbre. Leowine Selwyn envisageait de se rallier à la stratégie générale, c'est-à-dire s'enfuir à toutes jambes en jetant des sorts de torture par-dessus son épaule, et des coups de poings quand le gamin s'approchait trop, lorsque le Petit Lord se jeta sur lui et d'un sort inconnu, le transperça d'un éclair noir. Selwyn s'écroula avec la sensation de flotter quelque part en enfer. Il vit deux yeux rouges se pencher sur lui.
-Je vous réapprendrai à me respecter, bande de misérables enfoirés.
Un rayon bleu électrique cueillit le garçon sous le menton avant qu'il ne bouffe Selwyn ou quoi que ce fut qu'il s'apprêtait à faire, et Harry alla s'écraser contre le mur proche, pour aussitôt être secoué d'une incontrôlable rigolade. Jugson, à l'origine du rayon bleu, attrapa Selwyn par un bras pour le traîner hors de portée du psychopathe de douze ans occupé à se défendre des attaques de Rookwood et de l'une des femmes. Entre les sortilèges fusant devant ses yeux, il vit passer une oreille.


Thomas Johnson était un type ordinaire, mû par des forces ordinaires. Doté d'une intelligence ordinaire, il avait atteint sans trop de mal la mention acceptable à ses ASPICS ; titillé par une ambition tout ce qu'il y avait de plus tiède, il s'était élevé jusqu'au niveau de sous-chef de service au Département des Plaintes Magiques ; tenaillé par un désir ordinaire, il avait trouvé femme et porté par sa gentillesse ordinaire, l'avait gardée auprès de lui avec la constance de l'habitude. Animé d'une haine ordinaire, il avait rejoint l'Ordre des mangemorts, et c'est ce jour-là qu'il était un peu sorti de la platitude de sa joyeuse vie pour goûter aux montagnes russes de l'horreur occasionnelle. Il ne regrettait rien. Mais il avait conservé son recul naturel face aux forces du mal dont il était désormais un fantassin, car sa survie passait avant tout. C'est sans doute son réflexe sensé, le seul de la pièce, qui lui permit de s'en tirer sans une égratignure.
Il sauta par la fenêtre.

Il resta ensuite plaqué au mur, le cœur battant, lançant de temps à autre un sort pour aider ses compagnons d'armes, et sentant la terreur le paralyser peu à peu. Le garçon semblait possédé.
Ou simplement... Simplement aussi fou que le Seigneur des Ténèbres. Il avait les mêmes yeux rouges.
Mais le Maître, s'il les soumettait parfois au Doloris par caprice, ou même, plus rarement comme dans le cas de Bartémius, leur offrait une issue aussi dégueulasse que définitive en récompense de leur – stupide – trahison, ne cramait jamais un aussi gros fusible. Ou si, bien sûr que si, mais ce que voulait dire Johnson et ce qui lui flanquait des crampes d'estomac, c'était que Harry Potter, feu Monseigneur, s'était lancé dans un carnage total – ou du moins, était en bonne voie ; Johnson n'avait pas envie de rester pour vérifier. Quand le Maître pétait un câble, il passait ses nerfs sur quelqu'un, mais pas sur trente personnes. Du moins lui semblait-il. Thomas s'arrangeait avec un flair assez exceptionnel pour ne jamais se trouver dans les parages en de telles occasions.

La solution qui s'offrait à lui présentement n'arrangeait pas ses crampes d'estomac et le fit grimacer horriblement tandis qu'il tentait de se fondre dans le mur de pierre. La seule personne capable d'arrêter cette machine à massacrer qu'était devenu Harry Potter était l'autre machine à tuer qu'était constamment Lord Voldemort.

Thomas risqua un coup d'œil à l'intérieur, et vit une oreille voler à travers la pièce.
En cet instant, quérir l'aide de Lord Voldemort semblait l'option la plus raisonnable.


Le raffut du rez-de-chaussée lui avait déjà fait dresser l'oreille vingt minutes plus tôt, lorsqu'un abruti vint tambouriner à sa porte. Lord Voldemort, sans bouger de son fauteuil, leva les yeux de son parchemin et susurra d'une voix glaciale :
-Tu ferais bien d'avoir une exxxxcellente raison de frapper ssssi fort sur cette porte, Thomassss.
-Maître, votre... Votre euh... Votre Harry Potter, hésita une voix essoufflée à la porte, est en train de...
Tuer tout le monde ? C'était un chouilla exagéré, songea Johnson.
-Il est un peu...
Violent ? Le bel euphémisme.
-Il n'est plus ...gérable, Maître.
L'homme se tut et s'appuya au mur pour reprendre son souffle et ses esprits. Il sursauta violemment lorsque la porte s'ouvrit grand sur le Seigneur des Ténèbres. Celui-ci ne lui jeta pas un regard et, sous ses yeux, transplana au rez-de-chaussée dans un tourbillon de robes noires. Johnson l'aurait bien imité mais le verrou magique n'était levé que pour le maître des lieux et il lui était impossible de transplaner sur le domaine, il se remit donc à courir vers les escaliers.

HP-LV-HP-LV

Les mangemorts, rassemblés dans un coin de la salle du trône en un petit tas incrédule et exténué, comptaient leurs os cassés et les minutes qui défilaient depuis que leur maître était entré dans cette salle.
Le choc des sortilèges contre les parois de pierre faisait trembler le manoir des fondations aux tuiles des rires déments ricochaient contre les murs. En soi, cela n'avait rien de surprenant – sauf que c'était la voix d'un enfant.

Plus le temps s'écoulait, plus les mangemorts présents et en capacité de s'inquiéter se laissaient envahir par une visqueuse sensation d'incongruité – le Seigneur des Ténèbres aurait dû mettre K.O. ce gamin – tout fou dangereux qu'il soit – en un tournemain or, la lutte s'éternisait.

Dans les bras de Valmont Crabbe qui lui dispensait des soins attentifs, le jeune mangemort Maxwell exhala son dernier souffle. Après Bartémius, c'était le deuxième d'entre eux à succomber des suites du retour de Harry Potter. Crabbe, que beaucoup considéraient à raison comme bien trop naïf pour grimper dans la hiérarchie de l'organisation, avait suffisamment de présence d'esprit pour, tout comme Thomas Johnson penché sur un Wilkes tailladé de partout, décréter unilatéralement en son for intérieur que dorénavant, Potter ne recevrait plus un regard de travers et se verrait servir du Monseigneur. Le Maître pouvait interdire tout ce qu'il voulait, pour autant que Crabbe le décide, cela resterait son petit secret.

Ce fut en cet instant, alors que le gamin Max venait de mourir dans ses bras en tremblotant, le corps transpercé d'une horrible blessure noire, que Crabbe saisit, avec une clarté aveuglante, l'état des choses. Ils avaient deux maîtres à servir et à craindre.

A nouveau.

Voldemort apparut alors.
Essoufflé, blessé à en croire ses pas précautionneux, mais pas tâché de la moindre goutte de sang, contrairement au corps inconscient qu'il portait dans ses bras, le Seigneur des Ténèbres s'arrêta pour jeter un regard à la débandade ensanglantée qui lui faisait face. Les gémissements, soupirs et jurons des mangemorts se turent une seconde. La cause de tant de désordre et d'émoi reposait silencieusement sur les avant-bras de leur maître, tête et pieds pendant dans le vide comme ceux d'un enfant endormi.
Les ignorant, Lord Voldemort tituba presque jusqu'à son trône de pierre, où il déposa le corps du garçon, avant de lui-même s'appuyer sur les accoudoirs, un souffle chuintant s'échappant de sa gorge.
-Salazar le Grand, l'entendit-on murmurer.
Il resta, silencieux, face au visage bleui et ensanglanté de Harry pendant de longues minutes méditatives. Puis, s'adressant à ses hommes sans se retourner.
-Des morts ?
-Non, maître, murmurèrent confusément ceux qui n'étaient pas dans les pommes.
-Un, informa Crabbe.
Voldemort jeta un œil au corps sans vie que lui désignait son fidèle et demeura impassible.
-Jugson, Johnson, ordonna-t-il dans un froid murmure, nommant les deux hommes en meilleure condition – emmenez-le dans sa chambre et occupez-vous de lui.
Pris d'un doute, il précisa :
-Prenez soin de lui.
Sur le dallage taché de gouttes de sang de la salle, Nagini fit onduler ses anneaux jusqu'à venir frotter sa tête contre la jambe de Harry. Jugson, qui venait de s'approcher, fixa l'animal, mal à l'aise.

Voldemort se détourna, releva doucement la manche de sa robe et appuya son long doigt pâme sur la marque noire.
-Luciusss. Avery.

Les deux mangemorts apparurent à la porte du domaine quelques minutes plus tard. Sans un mot d'explication, Voldemort engloba la situation d'un mouvement de main :
-Arrangez-moi ça.

HP-LV-HP-LV

Il y avait bien longtemps que Lord Voldemort n'était pas sorti d'un duel dans un tel état d'épuisement. Certainement pas depuis son dernier duel avec Harry en tout cas. Pour ce qu'il en savait, le gamin était un bon sorcier, voir très bon, et certainement meilleur que la plupart de ses mangemorts - mais pas bon au point de lui donner le moindre mal.
Les yeux plissés sur sa cuisse glabre, Voldemort posa à nouveau un doigt curieux sur la blessure noire qui transperçait sa chair. Au niveau de la blessure, douleur aucune. Autour de la plaie, terrible. A la frontière de l'insoutenable. C'était comme si son corps était mort à cet endroit. Guère étonnant que le jeune Max ait succombé à l'attaque similaire qui l'avait touché en pleine poitrine.

Au bout de quatre heures d'un sommeil paisible et réparateur, Harry s'éveilla en sursaut, ses yeux verts grand ouverts. Voldemort baissa lentement la baguette qu'il avait tenu prête, au cas où. Il fixa sans mot dire le visage du garçon, à l'expression inquiète. Celui-ci regarda autour de lui, pantelant, et reprit progressivement son souffle, les yeux rivés à ceux du Seigneur des Ténèbres. Au bout d'un moment, il retomba surl'oreiller.
-Désolé.

Voldemort ne dit rien. Mais malgré l'usage entre eux qui proscrivait la légilimencie, il jeta un coup d'œil dans l'esprit du garçon.
Rien d'autre que Harry. Pas de possession.
Dans l'esprit du petit, il lut le souvenir intense, rouge et fulgurant que Harry avait de la violence qui avait précédé. Un souvenir empreint d'une vicieuse satisfaction.
Mais là, envolée la démence, il ne lisait qu'un égarement épuisé.
Il sentit la présence du garçon tentant d'ériger de minces barrières mentales. Voldemort les balaya.
-Tu es mauvais occlumens.
-Jamais appris, marmonna le garçon.

Harry se redressa soudain, une main sur la poitrine. Puis il palpa son crâne. Mâchonna un peu de salive ensanglantée.
-J'ai mal partout.
Il bondit hors du lit et ouvrit la fenêtre d'un mouvement de main, se pencha dans le vide et respira l'air à grandes goulées. Il connaissait cette sensation. Classique. Le reliquat d'énergie vive suscitée par le Symptôme Un. Sauf que là, il se cognait en parallèle le mal-être global dû à un tabassage en règle. Courbaturé des pieds à la tête, il passa doucement ses mains sur tout son corps pour vérifier qu'il n'avait rien de cassé.
-Regarde-moi, ordonna Voldemort.
Harry se retourna.

Le Seigneur des Ténèbres le fixa silencieusement, longtemps. Le temps qu'il fallait pour s'assurer que nulle trace de rouge ne subsistait dans ces prunelles émeraude. Puis il se leva brusquement et quitta la chambre du garçon.

Derrière lui, il laissa Nagini. Le serpent regarda Harry.
-Qu'est-ce que tu veux, toi ? siflla le garçon.
La langue fourchue du reptile vrilla dans l'air de la chambre.
-Veiller sur toi.

HP-LVHP-LV

De l'autre côté de la table d'échecs, Harry surprit Lord Voldemort crisper une main sur sa jambe gauche.
-Je ne voulais pas te blesser, murmura le garçon.
Il était sincère.
Il se souvenait des nombreuses fois où Claude s'était retrouvé pris dans le déchaînement de son Symptôme Un. Il se sentait aussi dégueulasse qu'alors.
Pire même.
-Je ne suis pas blessé, siffla Voldemort, froidement.
La reine noire décapita sauvagement le fou blanc.
-Je veux des explications.
Plus doucement il ajouta :
-Sois clair et concis.
Harry lui raconta les Symptôme Un.

HP-LV-HP-LV

-Quel désordre, lâcha – relativement poliment – le Lord.

Son regard incandescent était ombré d'un léger froncement de sourcil depuis son arrivée. L'assourdissant vacarme n'avait d'égal que la pagaille visuelle de fête foraine. Autant dire que Lord Voldemort n'était pas du tout dans son élément. Le seul fait qu'il soit demeuré froidement courtois et n'ait pas même tiré sa baguette de sa poche manifestait l'importance qu'il accordait à cette visite.

Insan Greek, habitué au chaos ambiant, tint tout de même à signaler :
-Ce n'est pas autant le bordel, d'habitude. C'est la journée découverte des métiers, expliqua-t-il en désignant une cour pavée émaillée de stands devant lesquels s'amassaient des adolescents tout vêtus de blanc.
Les élèves plus jeunes voletaient d'un stand à l'autre et se hissaient sur la pointe des pieds pour regarder et écouter par-dessus les épaules de leurs aînés.
-C'est une nouveauté, expliqua fièrement Insan. J'ai envoyé des émissaires un peu dans tous les sens pour proposer à mes élèves des débouchés autres qu'Auror ou professeur. Toutes les voies dont on ne les entretient pas dans les autres écoles. D'ailleurs, j'avais réservé un emplacement pour tes mangemorts, mais mon émissaire n'est jamais revenu…
-Tu m'as envoyé un émissaire ?
-Oui, un khazak.
-Il me semble que Jugson l'a tué, lâcha le Lord d'un ton indifférent.
Il se souvenait avoir vu – surtout entendu, à vrai dire – un khazak dans les cachots, il y avait de cela plusieurs semaines. L'homme ne devait pas avoir eu l'opportunité de délivrer son message.
-Peu importe, sourit chaleureusement Insan. Il était grassement payé pour la couverture des risques. Tu voudrais un stand ?
-Non.
-Bien bien bien. J'ai déjà les Vräsesins tchèques, un membre du Cercle Ecarlate…
Lord Voldemort, qui n'avait jamais vraiment été client des comparaisons, lui adressa un regard noir et Insan laissa mourir sa phrase.
-Donc le Symptôme Un, reprit-il en accélérant la marche. Johan en sait davantage sur la question que moi, il pourrait faire une thèse sur le sujet. C'est en fait la première étape d'un processus de… craquage magique, qui reste la plupart du temps sans suite. C'est une question de déséquilibre dû à des stimulis de magie noire. Par là.

Insan Greek tourna dans un couloir, suivi de Lord Voldemort. Silhouette blanche, silhouette noire. Deux petites filles de six-sept ansjaillirent d'une salle vide en courant, manquèrent de s'autopercuter dans leur précipitation pour éviter la collision avec le directeur, frôlèrent Lord Voldemort et, en chœur, dirent d'une petite voix :
-Bonjour Monsieur le Directeur !
Voldemort inspira profondément, se demandant très simplement comment il était possible de vivre dans un environnement pareil. Insan Greek se pencha vers elles en souriant de toutes ses dents :
-Lovely, Nikita, bonjour mes chéries. Faites-moi un bisou.
Les gamines s'exécutèrent avec un soulagement manifeste, smack, un sur chaque joue, et fusèrent hors du couloir en moins d'une seconde.
Insan les regarda partir avec un air d'excuse pour le mage noir qui l'accompagnait.
-J'aime bien les enfants.

Au bout du couloir, une porte blanche indiquait le bureau de JOHAN, Médecin Scolaire. Sous la pancarte dorée, le mot « Portà » avait été peint au doigt avec du sang. Lord Voldemort connaissait le sens du mot, aussi prit-il soin de laisser son hôte avancer le premier.
-Je l'ai ensorcelée, expliqua Insan. Toute Portà de mon école ne peut mener ailleurs que dans mon école. Je risquerais des réclamations – je veux dire, encore d'autre réclamations – si je me permettais d'égarer mes élèves aux quatre coins du monde.
Ses doigts effleurèrent l'écriture rouge.
-Les gamins les marquent de cette façon quand ils les ont repérées.
Dans un murmure complice, il ajouta :
-Je fais tout repeindre en blanc à chaque rentrée, c'est plus amusant.

A ce moment, la porte s'ouvrit et un garçon d'une quinzaine d'années sortit du bureau du médecin scolaire, le front disparaissant sous un épais bandage, l'air égaré.
-Bonjour Monsieur, dit-il en tirant la porte derrière lui.
-Bonjour Mister Croup, s'étonna Insan. Déjà de retour ?
-Je suis intuable, Monsieur. Intuable. Certaines personnes pourraient penser, vu ma propension à sécréter des liquides vitaux quand on me caresse les côtes, que j'ai une sorte d'énergie humaine épuisable. Mais elles auraient tort, Monsieur. Je repousse les limites du repoussable, je…
-Oui oui, Mister Croup, tu es formidable et j'en suis le premier épaté, mais je suis occupé. Retourne en cours.
Le garçon hocha la tête, passa devant Voldemort en s'effaçant sur le côté, puis après avoir fait quelques pas et alors que le Directeur allait frapper à la porte de Johan, s'arrêta et se retourna.
-Monsieur ? demanda-t-il d'un ton hésitant.

Voldemort tenta de se détendre en déserrant les mâchoires et en étant absolument, intégralement calme, mais les emmerdeurs, petits ou grands, ce n'était pas son truc. Au nom de la longue amitié qui l'unissait à Insan, il décida de compter jusqu'à cinq. Lentement.
Un.
-Oui ? s'enquit Insan.
-Cela m'ennuierait de vous ennuyer, surtout que vous semblez préoccupé par l'idée de ne pas faire perdre de temps à votre visiteur, qui doit revêtir un degré d'importance considérable compte tenu de votre propre importance phénoménale et en regard de votre préférence pour la compagnie des enfants –
Deux.
-…aussi je vous demande une exceptionnelle magnanimité à mon égard, je ne suis qu'un détestable petit vermisseau de crotte de musaraigne et ne mérite pas une once de la clémence que vous vous apprêtez dans votre immense et magnifique bonté à manifester, mais pourriez-vous, s'il ne vous est pas trop désagréable de dépenser quelques secondes de votre temps à converser avec moi, répondre à une petite question ?
Trois.
Insan, habitué aux tournures de cet indécrottable et épuisant lèche-cul, plissa les yeux.
-…Petite ?
-Minuscule, Monsieur, minuscule. Ridicule, lilliputienne, nanotique.
-Oui ?
-Votre visiteur, monsieur, c'est-à-dire la glorieuse personne qui vous accompagne, est-il le Mage Noir britannique que l'on dit être le plus épouvantable depuis –
-Veux-tu abréger ?
Quatre.
Le gamin enturbanné se tourna vers Lord Voldemort.
-Le Seigneur Des Ténèbres, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ?
Le concerné ne répondit pas, se contentant de le transpercer d'un regard incandescent.
-Euh, oui, Mister Croup. Maintenant, fiche le camp avant d'avoir droit à ton Doloris syndical.
L'adolescent hésita une seconde, puis fit apparaître une plume et un parchemin qu'il tendit à Lord Voldemort.
-Je peux avoir un autographe ?
Cinq.
-Tu désssires un ssouvenir de Lord Voldemort ? susurra le mage noir.

Johan jouait à Assassin's Creed sur sa Playstation lorsqu'un hurlement déchirant retentit devant sa porte. Il mit le jeu sur pause et chaussa ses grosses lunettes à montures dorées.
On toqua à son bureau, trois petits coups secs.
-Entrez, invita-t-il.
Son père franchit le seuil et jeta sur son bureau le corps sanguinolent d'un Mister Croup difficilement reconnaissable. Johan soupira profondément.
-Je viens à peine de le remettre en état. Quel abruti.
Il posa un doigt sur la marque noire en forme de serpent qui déformait le visage du jeune homme. Le retira aussitôt avec un frisson.
-Chair morte. On dirait…
Il grimaça.
-…le Petit Lord est-il de retour, Papa ?

Il releva les yeux, nota la présence d'un intrus. Un homme immense, vêtu d'une robe noire, le capuchon baissé laissant apercevoir un visage pâle comme la Mort, et certainement aussi sinistre que la Faucheuse.
-Oh.
Il se passa la langue sur les lèvres.
-Est-ce… ?
Insan le coupa.
-Non à ta première question, et oui à la deuxième. Nous avons des questions sur le Symptôme Un. Veux-tu sortir le dossier du Petit Lord ?
-Oui. Asseyez-vous, les invita-t-il en faisant apparaître deux fauteuils devant son bureau avant de se mettre à fouiller dans un tiroir.

Les deux sorciers s'assirent, et Lord Voldemort, se tournant vers Insan Greek, murmura :
-Je pensais avoir récupéré tous les dossiers à la fin de sa scolarité.
Insan, malgré son léger malaise dû à l'indicible menace perçant du ton du Lord noir – mais les mots de Voldemort étaient toujours couverts d'une indicible menace – roula des yeux ostensiblement :
-Tous les dossiers sauf le dossier médical. Les tuteurs ne réinscriraient jamais leurs gamins s'ils voyaient le détail de leurs séjours à l'infirmerie. C'est avec plaisir que je te l'aurais transmis, bien sûr, sourit-il nerveusement, mais cela m'est sorti de l'esprit.
Il omit bien évidemment de préciser qu'il conservait de toute façon des copies de tout, et en outre, que Dumbledore avait lui aussi sa propre copie des informations concernant la scolarité du Petit Lord.
Johan, farfouillant sous le bureau à l'aide de sa baguette magique, réapparut soudain, avecun fin dossier à la main, qu'il fit claquer sur la poitrine du Mister Croup étalé sur son bureau.
-Ça, ça ne va pas. Djinny ! appela-t-il.
Une silhouette enroulée des pieds à la tête dans des voiles noirs apparut à côté du bureau, sans qu'il soit évident à déterminer si elle s'était glissée de derrière une tenture ou purement matérialisée. Seuls deux yeux jaunes fendus d'une pupille noire étaient visibles sous le voile.
-Dépose-le sur un lit, ordonna Johan en désignant du menton l'élève esquinté qui encombrait les lieux.
Le djinn obtempéra en silence et en quelques gestes invisibles, le corps inconscient de Mister Croup eut disparu de la pièce.

-Nous disions donc, reprit Johan. Petit Lord. Deux ans de scolarité, arrivé ici avec la promo du 1er Juillet 1990 – 9 ans – et reparti en Juin 1992 – 11 ans. Quarante-sept entrées à l'infirmerie, dont –
Le garçon de quatorze ans lissa ses cheveux blonds impeccablement peignés, son index parcourant la liste des entrées tandis qu'il comptait muettement.
-…dont quatre pour blessures personnelles, huit pour consultations – dont six sur convocation de ma part – et trente-cinq pour visite libre, la plupart pour un dénommé Claude – me souviens pas de celui-là…

Il tourna une page.
-Symptôme Un... Objet de ses huit consultations et de trois de ses quatre passages ici.
-Quel était l'objet du quatrième ?
Johan releva la tête vers Lord Voldemort, cligna des yeux derrière ses verres épais.
-Intoxication alimentaire. A peu près toute l'école est passée me voir ce jour-là. J'ai distribué des vomitifs et dirigé tout le monde vers les toilettes. Suis pas Merlin. Bon. Symptôme Un. Dans le cas du Petit Lord, première manifestation lors de l'affichage des résultats des examens d'août 90, donc deux mois après son arrivée. Manifestation très violente.
-Inhabituellement violente, souligna Insan avec un large sourire à ce souvenir. J'ai eu beaucoup de mal à le maîtriser, malgré l'aide des djinns. Mon lieutenant s'est fait bouffer un orteil, signala-t-il en levant un doigt.
-Oui, et je n'ai rien pu faire à ce sujet, marmonna Johan. Enfin, il n'y a pas eu de morts.

Là, il fit une pause et se redressa pour faire face à Lord Voldemort.
-Il faut savoir que ce qu'on appelle le Symptôme Un ici est, disons, un signe de ce que les médicomages occidentaux appellent « démence dégénérative essentielle », qu'ils connaissent moins bien que moi de toute façon car ils rencontrent le cas une fois toutes les lunes bleues tandis que j'en vois une dizaine par an. Mais leur dénomination est plus parlante que la mienne : c'est l'essence magique qui dégénère et cause une démence. Passagère, la démence, s'entend. Mais la dégénérescence est définitive. La violence de la démence comme la progression du phénomène dépendent de l'historique de chacun, de leur pratique de la magie.

Johan croisa les doigts sur le dossier.
-Cette dégénérescence se déclenche, grosso modo, dans deux cas : soit chez un patient ayant un historique de pratique de la magie noire notable, parce qu'il se met soudain à la pratiquer très intensément, soit chez un patient totalement vierge de ce côté, parce qu'il se met soudain à en faire. C'est – étrangement – moins violent dans ce dernier cas, car l'apprentissage est généralement progressif et ces patients-là viennent d'un milieu où la pratique de la magie noire leur a été présentée comme mauvaise, et gardent leurs distances. On a donc rarement plus de six mois de suivi chez ces patients.

Il fit une pause.
-Le Petit Lord avait un historique de pratique de la magie noire très important.
Johan leva les yeux vers les deux adultes dans la pièce.
-Etonnant, murmura Voldemort.
-Sérieusement, Johan, renchérit Insan.
-Je dis ça comme ça. Je pose le cadre.

Il se redressa et réhaussa ses lunettes sur son nez.
-Historique important et intensification soudaine. Je me souviens bien de lui, il n'utilisait quasi que de la magie noire. Pour tous ses sorts, même les plus basiques, il avait un équivalent de magie noire, c'était assez impressionnant.
Il fit la moue.
-Y en avait que je ne connaissais pas.
Il se pencha à nouveau sur le dossier.
Je lui ai dit de ralentir sur l'usage de la magie noire…
Son index suivait les lignes manuscrites.
-…recommandation qu'il n'a… pas trop suivi…jusqu'à sa deuxième crise où il a commencé à faire attention… après quoi il a surtout appris à sentir venir le Symptôme Un et à en contrôler le déclenchement, sans changer grand-chose à ses habitudes.

Il se laissa tomber contre son dossier et leva les yeux vers ses interlocuteurs.
Après un moment de silence pendant lequel Insan guetta Voldemort pour tenter de déterminer s'il était satisfait de l'entrevue, le Lord se pencha en avant et, doucement, saisit le dossier ouvert sur le bureau.

Il le parcourut en silence quelques minutes.
-La façon dont il s'y prenait alors pour contrôler le déclenchement de ce Sssymptôme…n'est pas notée.
Il haussa un sourcil en direction de Johan.
-Euh. J'en ai un peu discuté avec lui mais – ahem – il ne répondait plus à mes convocations sur la fin. Je sais qu'il s'est plusieurs fois jeté dans la fontaine de la cour de récré, histoire de se refroidir, de calmer son besoin de sang. Basique, mais relativement efficace. Plusieurs autres fois, un camarade de dortoir a réussi à le calmer, le raisonner en quelque sorte. Cette technique est très aléatoire.
Voldemort attendit la suite puis, comme elle ne venait pas, se repencha sur le dossier médical.

Au bout de cinq minutes, il le referma.
-J'emporte ça.
-Bien sûr, fit Insan, commençant à se détendre.
Il sortit un chocolat enrobé de papier doré de sa poche.
Nous n'avons pas terminé, siffla sèchement Voldemort à son adresse. Johan, susurra-t-il, qu'est-ce qui vient après le Symptôme Un ?
-Euh, en fait, c'est…
Nerveusement, il jeta un coup d'œil à son père, puis se passa la langue sur les lèvres.
-C'est plus une expressionqu'un vraiun terme médical, et je ne suis pas sûr qu'il y ait de Symptôme Deux…
-Sois clair et concis, le coupa Voldemort d'un ton glacial. Je n'aime pas qu'on me fasse perdre mon temps.

Les joues de l'adolescent rougirent et il jeta à nouveau un coup d'œil à son père. Qui avait mine de rien tiré sa baguette de sa poche et tambourinait dessus du bout des doigts, le regard dans le vague. Au Diable s'il laissait Lord Voldemort, tout Seigneur des Ténèbres qu'ilfût, malmener son petit garçon.

-Ok, fit Johan après une grande inspiration. Le Symptôme Un, c'est de la pure violence passagère, et il peut se répéter pendant des années sans changer, comme il peut n'avoir lieu qu'une fois dans une vie. Le Symptôme Deux, si l'on peut dire, c'est quand cette violence, d'une part, s'accompagne d'absences – c'est-à-dire que le patient n'a aucun souvenir de ce qu'il a fait, et non pas seulement cette vague impression de ne pas avoir été maître de lui-même - impression qu'ils ont toujours après pareil accès de sauvagerie – et d'autre part, quand les crises deviennent de moins en moins facile à distinguer du comportement habituel du patient. Quand ils deviennent des fous instables ultra-violents la moitié du temps. Ça arrive rarement ici… il y en a eu deux, mais je n'étais pas encore médecin de l'école, et ils ont été tués, parce que c'est la seule façon de les gérer. Le Symptôme Trois, vous avez compris, c'est quand la 'crise' est perpétuelle, quand la personnalité du patient a été remplacée par celle qui lui donne soif de sang. Jamais vu ça mais il paraît que Genghis Khan souffrait d'un Symptôme Trois.
-Bien. Seconde question : comment arrête-t-on le processus ?
-Je vous demande pardon ?

En un battement de paupières, la baguette de Lord Voldemort fut sur la gorge du garçon, le visage du mage noir à deux millimètres du sien.
-Ne me fais pas répéter deux fois. Comment guérit-on de cette chose idiote ? cracha-t-il.
En temps normal, Insan Greek aurait déjà exécuté l'imprudent assez audacieux pour menacer son fils d'une baguette dansla gorge. Mais s'il y avait bien un duel dont il n'était pas certain de sortir vainqueur, c'était celui-ci. Avec quatre ou cinq autres personnes sur la planète actuellement, Voldemort devait posséder au moins une puissance et une expérience similaires à la sienne. Aussi se contenta-t-ild'enfoncer à son tour, très impoliment, sa baguettedans la gorge blanche du mage noir, histoire de lui rappeler de façon très concrète :
-On ne menace pas mon fils avec des rayons verts, merci, fit-il d'un ton suave.
Voldemort l'ignora, et des étincelles vertes jaillirent de sa baguette. Il sentit en retour une vive brûlure dans le cou.
-Johan, veux-tu bien répondre à la question de Lord Voldemort, mon chéri ?
Livide, le jeune médecin hocha la tête.
-Pour g-guérir du Symptôme Un, on p-peut faire du yoga, ça marche assez bien…
-Du yoga ?
-Pas que du hatha-yoga, se défendit le jeune médecin, pas seulement le yoga des postures, toute la partie méditation aussi euh, vous pourriez engager un expert venu d'Inde.
Insan, voyant le regard fou que jetait Voldemort à son fils, se racla bruyamment la gorge.
-Autre chose, Johan, par pitié.
-Il y a -il y a la musique aussi.
-La musique ? répéta Voldemort plus doucement.
-Oui. La pratique intensive de la musique...

Il y eut un instant de totale immobilité, puis Voldemort leva sa baguette, Insan la sienne, et tout le monde respira.
-Je te remercie, fit le mage noir à l'adresse du Directeur de l'école, avec un hochement de tête.
Insan désigna la porte.
-Je te raccompagne.

Une fois dehors, dans le calme d'une cour de récréation vide d'élèves, Voldemort s'arrêta devant le stand des Vräsesins, les fameux assassins tchèques.
-Des recrues intéressantes ?
L'homme haussa les épaules.
-Pour quatre-vingtspour cent d'imbéciles, vingt pour cent de jeunes gens talentueux.
Le Seigneur des Ténèbres se tourna vers Insan Greek, directeur de la plus improbable école de Magie du monde moderne, et annonça :
-Je veux un stand pour l'an prochain.
Et pour lui-même :
-Je t'enverrai les Lestrange.

HP-LV-HP-LV

Pauley versa un demi ballon de liquide sombre au Seigneur des Ténèbres. Harry essaya d'attraper son regard pour lui faire signe de le servir également – il n'aimait pas le vin, c'était juste pour l'emmerder. Le mangemort sentit le regard de Potter sur sa nuque et garda les yeux ostensiblement baissés le temps de servir son Maître avant de s'éloigner rapidement en tournant le dos. Harry l'aurait bien rappelé histoire de lui montrer qui commandait – mais si un simple geste de la main pour l'inviter à le servir serait passé, un ordre franc n'aurait sans doute pas été apprécié parLord Voldemort. Harry n'avait toujours pas regagné ses prérogatives d'Héritier . De Monseigneur. De Petit Lord. Il soupira discrètement et poursuivit la conversation :
-J'étais ami avec Goyle sinon.
Greggy.
Voldemort sirota une gorgée de vin.
-Goyle est mort, laissa-t-il tomber.
-Je sais, répondit Harry à mi-voix, avant de réaliser qu'ils ne parlaient pas du même.

Goyle père était mort ? Il se demanda s'il était tombé pendant l'attaque de Poudlard. Il se demanda s'il avait rendu son dernier souffle au même moment que son fils.

En vérité, Goran Goyle était mort de s'être trop plaint de la perte de son rejeton aux oreilles du Seigneur des Ténèbres, qui n'avait aucun besoin qu'on lui rappelle la défection du sien. Il avait fait taire son vieux fidèle, d'un geste sec, brusquement, se surprenant presque lui-même. Il regrettait un peu – autant que Voldemort puisse regretter ses meurtres.
Il avait ordonné à Lucius de répartir très inéquitablement les richesses volées à leur prochaine victime amoureuse des moldus, et la veuve de Goyle et son ami Valmont Crabbe s'étaient en conséquence retrouvés couverts de fourrures pour l'hiver à venir.
C'était sa façon de s'excuser.
Il s'était laissé guider, aveuglément, par la lancinante douleur de la trahison.

Les Horcruxes, étrangement, ne changeaient rien à cela. Harry était toujours là.
Plus il déchirait son âme plus, Harry la remplissait tout entière.

Harry fixait la main tremblante du Seigneur des Ténèbres serrée sur le pied de son verre.
Ces derniers temps, Voldemort passait par des phases étranges d'ennui et de fureur mêlés, comme s'il combattait une constante colère et n'en retirait que ce sentiment dépité. Harry se savait à l'origine du phénomène. Il ne désirait rien d'autre que d'y mettre fin, effacer toute cette inutile rancœur, respirer à nouveau le bon air glacial du manoir familial, aussi sain que peut l'être un repaire de mages noirs meurtriers. La douce monotonie de leur relation d'antan lui manquait.

Ils faisaient comme si. Ils discutaient, se retrouvaient, dînaient ensemble comme auparavant, et Harry y croyait, jusqu'au moment où il surprenait ce regard de haine, rouge, sanglant, accompagné le plus souvent d'une crispation générale, comme en ce moment.

Harry regardait toujours les doigts de Voldemort lorsqu'inévitablement, ceux-ci firent éclater le verre fragile. Alors que le Seigneur des Ténèbres sifflait le nom de son puissant ancêtre à la façon d'une malédiction, Harry, les yeux dans le vague, lui rappela dans un murmure :
-Je suis revenu.

Il ne reçut pas de réponse. Mais le regard que lui adressa Voldemort ne brûlait plus d'animosité comme un instant auparavant.
Les débris de verre et éclaboussures de vin furent nettoyés d'un sort informulé puis Pauley, sur un geste, revint servir le Lord.

-Ce sort, chuchota Voldemort d'un air pénétré, le regard dans le vide. Quand l'as-tu appris, Harry ?
-Le sort ?
Son esprit tourna à toute vitesse – quel sort – un sort qui intriguerait Voldemort – le sort qui l'avait blessé ?
-Le sort qui t'a touché à la jambe ?
-Le sort qui a tué Maxwell.
Maxwell. Harry n'avait pas eu l'occasion de réellement faire connaissance avec le type – qui s'était contenté de participer, par esprit de meute, aux séances d'humiliations quotidiennes accordées à sa personne par les mangemorts avant son Symptôme Un.
-Ben. Je ne sais pas trop. Je le connaissais déjà à l'époque de l'Ecole d'Insan Greek. Je crois. Je ne l'ai utilisé que pendant mes Symptôme Un je ne l'ai donc pas vraiment étudié ; à chaque fois c'est dans le feu de l'action. C'est un sort puissant.
-En effet. C'est un sort intéressant. Particulier. C'est moi qui l'ai inventé. Je n'ai pas souvenir de te l'avoir enseigné.

Harry, honnêtement surpris, fouilla en vain dans sa mémoire à la recherche du moment où il avait commencé à utiliser ce sort. Il finit par hausser les épaules d'un air navré.
Voldemort plissa les yeux dans sa direction
-J'aimerais regarder de plus près la blessure de Selwyn. Pauley, où est Léo ?
-A Sainte Mangouste, Maître. Vous l'avez envoyé là-bas parce qu'aucun d'entre nous n'était capable de le guérir.
-Envoie-moi Lucius.
-Lucius est... Maître, Lucius Malfoy est au ministère.
-Au mois d'Août ? Fais le venir, répéta sèchement Voldemort. Non, dis-lui de faire sortir Selwyn directement. Qu'il nous l'amène.
Le mangemort partit en pressant le pas nerveusement.
-Nous sommes fin Septembre, corrigea Harry.
Il retint le « Papa » affectueux au dernier moment.
Il écrasa méchamment une tagliatelle trop cuite.

-Certes, reconnut le Lord après un instant de réflexion, avant d'enchaîner sur un sujet complètement différent. Il me semble que tu n'es pas allé dans la salle du piano depuis ton retour.
Le garçon releva les yeux.
-Je…Non.
-Puis-je savoir pourquoi ?
Harry ouvrit et ferma la bouche muettement. Il gratta le bois de la table avec le bout de sa fourchette, nerveusement.
-J'avais imaginé… Vu l'état de ma chambre…
-Suffit, tu iras tous les matins à huit heures et y resteras jusqu'à midi. A pratiquer la musique.
Harry écarquilla les yeux.
-Le moindre retard et tu jeûneras pendant deux jours.
A ces mots le garçon écarquilla un peu plus les yeux.
-Très bien, accepta-t-il finalement, pas particulièrement malheureux de ce programme mais profondément perplexe quant à l'origine et l'objectif de cet entraînement.
-Très bien… ? répéta le Seigneur des Ténèbres dans un souffle froid, haussant un sourcil.
-Je voulais dire, oui, hésita Harry. Dois-je… t'appeler Maître ? demanda-t-il, quasi inaudible.
Le mage noir le fixa d'un regard noir pendant un long moment.
-Ne sois pas ridicule, siffla-t-il finalement entre ses dents. Lord Voldemort …c'est encore ce qu'il y a de mieux.

Il se mura ensuite dans un silence rageur, et le reste du repas se passa en mastications furieuses et malheureuses d'un côté et de l'autre de la table. Mais Voldemort ne se nourrissant que très peu – la qualité des plats n'invitait pas non plus à ingurgiter plus que nécessaire – le garçon de douze ans fut bientôt le seul à dîner, lentement et sans appétit, jetant des coups d'œil furtifs à son père de temps à autre, incertain de son sort, de leur relation, de sa place, de sa vie – et épuisé de demeurer dans cette douloureuse incertitude.

-Harry ?
Harry interrogea le mage noir du regard. Voldemort vida la moitié du ballon de rouge et fit une moue écœurée.
-Finis tes pâtes et allons nous battre, ordonna-t-il en se levant.
Ne tentant pas de dissimuler l'énorme sourire qui venait lui manger le visage, Harry se goinfra en quatrième vitesse de trois bouchées de nourriture insipide et courut rejoindre le Seigneur des Ténèbres à l'extérieur.

HP-LV-HP-LV

Arlington Arnelli pensait qu'on l'avait oublié.
Aussi, vautré sur le sofa, en chemise et chaussettes, la 'gazette du sorcier' – dont il ne comprenait toujours pas un traitre mot, mais il faut bien s'occuper – recouvrant son front ridé, il sursauta violemment lorsque la poignée tourna. Un filet de sueur apparut instantanément dans sa nuque, persuadé qu'il était de recevoir pour sa tenue la punition du Doloris par le terrible, étrange et très dérangé Maître des lieux. Mais ce fut un jeune garçon qui entra. D'une douzaine d'années, vêtu, comme tout le monde ici, de noir des pieds à la tête, et l'air singulièrement lugubre pour un gamin de cet âge, mais – mais, que diable, un jeune garçon tout de même.
Arnelli le fixa bouche bée pendant une dizaine de secondes, et se pinça même pour vérifier qu'il ne rêvait pas. Face à lui, le garçon lui renvoya une expression ahurie.

-Qui êtes-vous ? demanda-t-il soudainement d'un ton qui laissait entendre qu'il s'attendait davantage à rencontrer un dragon en ces lieux.
Ce qui était peut-être le cas, songea le moldu.
-Arnelli. Arlington Arnelli, se présenta le vieil homme par réflexe. Et toi petit ? Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
Le gamin ferma la bouche et fronça les sourcils.
-Harry. Je suis Harry. J'habite ici. Qu'est-ce que vous faites ici ?
-Je joue du piano pour cet homme que l'on appelle le Maître.

Harry le fixa avec des yeux de merlan frit.

-Tu habites ici ? demanda l'homme en se dirigeant vers son pantalon de costume. Tu habites vraiment ici ? Tes parents sont parmi les …mangemorts ?

Harry s'approcha du piano, caressa les touches du bout des doigts et grimpa à genoux sur le tabouret du pianiste.

Puis il joua.

Et Arnelli se figea au troisième bouton de son pantalon, se remplissant, des oreilles à l'estomac, de la délicate et limpide mélodie que faisaient éclore les doigts du petit.
Le gamin était doué.
Très doué.
En fait, il était tellement doué qu'Arnelli, au début, ne sut pas vraiment déterminer à quel point il était doué. Il n'avait jamais rien entendu de pareil.

Puis son âme reconnut l'air, l'émotion, son cerveau perçut les nuances et le tempo les petites erreurs se firent entendre tels de minuscules tourbillons dans un courant d'air, et, paisiblement, il s'assit. Bien sûr qu'il avait déjà entendu de meilleurs pianistes – bien meilleurs, il avait toute une vie de musique derrière lui – mais quelle jolie performance que la première belle chose qui lui arrivait depuis son enlèvement.

Lorsque les mains de Harry s'élevèrent brutalement au-dessus des touches comme s'il s'était brûlé à y aller trop brusquement, une voix s'éleva derrière lui.

-Tu es le garçon du piano.
Harry ne voyait pas quoi répondre à ça.
-Le garçon qui rend fou le… Maître.
-Ça, c'est moi, murmura Harry.
-C'est toi qui as écrit les morceaux manuscrits n'est-ce pas ?
Harry jeta un coup d'œil aux partitions empilées sur le pupitre et reconnut son écriture de cochon, et les notes grossières tracées par sa main d'enfant. De très petit enfant pour certaines.
-Oui.

Le moldu s'approcha, se pencha derrière lui, rectifia sa posture, aligna ses doigts au-dessus des touches.
-Reprends à la cinquième portée.
Harry sourit.
Il reprit.

HP-LV-HP-LV

Selwyn geignait faiblement tandis que, penchés sur sa poitrine, Lord Voldemort et Harry Potter testaient sa résistance à la douleur du bout de leurs baguettes curieuses, ici, ici, ici et puis là, ah tiens, rien là mais oh, tiens, nécrose ici.

Il regrettait beaucoup Sainte Mangouste.

Mais pas encore autant que lorsque, sur l'idée géniale du Seigneur des Ténèbres, le gamin se mit à exercer ses talents dans ce sort – Hora certa – sur ses pieds et mollets jusqu'ici intacts. Il se mit, évidemment, à crier.

Et à lire la lueur d'intérêt dans les yeux de ses tortionnaires, on aurait presque pu croire qu'ils s'amusaient.

HP-LV-HP-LV

Harry se demandait parfois si les choses redeviendraient jamais comme avant.

Voldemort passait le voir tous les jours un peu avant midi dans la Salle Monse. Il saluait Arnelli, le professeur du piano, d'un discret mouvement du chef – ce qui n'avait aucun sens, car Voldemort ne faisait pas preuve de ce genre d'attention envers les moldus – puis il restait silencieux, debout à côté du piano ou assis sur le sofa, une tasse de thé refroidissant à côté de lui. Quand Harry échangeait un regard avec lui, tentait de communiquer d'une façon ou d'une autre, le Lord ne détournait pas le regard mais le fixait d'un air tellement impassible que le garçon s'en retournait au piano sans avoir la moindre idée de ce qu'il devait penser.
Mais c'était presque mieux qu'il le traverse de Son absence plutôt qu'il le foudroie de cette haine indicible qui refaisait surface de temps à autre.

Leurs jeux d'échecs, leurs dîners et les discussions qui les accompagnaient donnaient au quotidien un goût doux-amer de déjà vu, comme des souvenirs de vacances. Dans ces moments où tout se passait bien, Harry se laissait parfois aller à discuter des affaires de Lord Voldemort comme s'il avait toujours son mot à dire. La plupart du temps, la remarque glissait sans commentaires, Voldemort répondait à sa question, sa suggestion, comme si de rien n'était. D'autres fois, non.

-Il faudrait mettre sous Impérium cet imbécile heureux de juge suppléant dont parlait Rookwood l'autre fois, comment –
-Bennett, fit Voldemort en envoyant son fou noir décapiter le cavalier blanc de Harry.
-Bennett merci, le mettre sous Impérium il serait moins crétin ainsi, progresserait dans les petits papiers du Président du Magenmagot, gagnerait en influence etc., et pourrait siéger en tant que juge principal dans le cas éventuel où l'un de nos – tes hommes se ferait prendre, puisqu'on sait que c'est déjà arrivé.
-Excellente idée, murmura Voldemort les yeux sur le plateau, et d'une naïveté touchante. Tu t'imagines que la progression de la carrière d'un juge se fait sur quelques mois ?
-Mais tu t'imagines que je suis aussi niais ? protesta Harry. Je voyais sur le long terme… Tes mangemorts vont continuer à ravager l'Angleterre pendant plus de quelques mois, que je sache ils auront toujours besoin d'une carte dans leur manche le jour où ils se feront attraper par… Dumbledore et ses sbires, vraisemblablement. Echec.
-Certes.
Voldemort posa le menton dans ses mains, son regard iridescent fixé sur le roi noir.
-Certes, Bennett pourrait être soumis à l'Impérium, dit-il au bout d'un moment.
-Je pourrais le faire ! se proposa soudain Harry, tout heureux que son idée soit retenue.
Voldemort leva sur lui un regard mauvais.
-Je veux dire, nuança le garçon, se rappelant un peu difficilement que la proposition était déplacée, je pourrais… non rien.
Puis, finalement, sur la défensive :
-Mon Impérium est très efficace, tu pourrais me laisser faire ça.
-Je ne peux pas, cracha le Seigneur des Ténèbres.
Ses dents grisâtres et acérées se serraient sur ses lèvres inexistantes et Harry sentait littéralement la vague de rancœur qui émanait de son père et venait l'étouffer. Il sentit sa poitrine se comprimer, baissa les yeux devant le spectacle monstrueux du visage déformé de colère de Lord Voldemort. Cette colère dégueulasse qui les rendait malades tous les deux.
Je ne peux pas. Te faire confiance.

Lorsqu'il ne jouait pas du piano ni ne tentait de renouer des liens usés avec Voldemort, il prenait un plaisir singulier à emmerder les mangemorts, qui le débectaient plus que jamais. Leur retournement de veste à la suite de son épisode meurtrier les avait fait descendre, dans son esprit, de « salopards d'opportunistes » à « putain de saloperie d 'engeance dégueulasse ». De la période où ils s'étaient alliés contre lui pour lui en faire voir de toutes les couleurs,ne restait plus que leurs airs froids en présence du Seigneur des Ténèbres, attendu que leur Maître n'avait pas rétabli son titre au Petit Lord et Héritier des Ténèbres. Le reste du temps, c'était tout miel et prosternations angoissées.
De fait, il aimait bien se rendre à l'improviste dans leurs quartiers, et s'installer à un rebord de fenêtre à vingt-cinq centimètres d'une table de poker pour faire semblant de bouquiner et les regarder transpirer. Il n'y avait apparemment que Lucius pour être suffisamment détendu pour feuilleter son journal à côté de lui.
Et puis Nott, Avery et Bellatrix, fidèles à la lettre aux ordres de leur Maître, ne supportaient pas de jouer les hypocrites - de rester en sa présence qu'ils n'étaient pas censés tolérer - et quittaient les lieux sans un mot dès que Harry se montrait.
Les choses étaient sournoises et compliquées.

Il avait beaucoup trop de temps libre pour la préservation de sa santé mentale. La moindre minute qu'il passait à ne rien faire se transformait en douloureux examen de sa relation avec Voldemort. Pour se distraire, il avait revisité le repaire dans son intégralité, pioché des instruments de potions dans les vieux laboratoires, dégoté deux ou trois cochonneries à droite et à gauche, trouvé le coin idéal pour pleurer tranquillement – un placard minuscule, sombre et poussiéreux sous l'escalier menant à une cuisine inusitée depuis son incendie spontané – ensorcelé avec grand soin le balai le moins esquinté des lieux pour voler un peu, et terrorisé quelques prisonniers avec davantage de torture psychologique que physique – activité dont il s'était lassé au bout de deux visites, les diables étant trop lessivés pour fournir un divertissement intéressant, vraisemblablement.

Il avait commencé à jouer avec Lucius un jeu qui consistait à lui pick-pocketter ses cigarettes, qu'il calait ensuite derrière ses oreilles en attendant que Lucius vienne les lui dérober à son tour. Mais il pouvait se passer plusieurs jours avant que Lucius reparaisse au manoir et Harry se baladait avec une cigarette derrière chaque oreille parfois jusqu'à ce qu'elle se désagrège pitoyablement. Ses cheveux se mirent à sentir le tabac. Il se dit pour la première fois depuis longtemps que Severus lui manquait. Severus manquait salement à ce repaire de couards, pensa-t-il amèrement.

Sa vie était un tel vrac.

HP-LV-HP-LV

-Tu les fumes ? finit par demander un jour Voldemort, qui savait pertinemment que non mais trouvait cette manie d'un mauvais goût étrange.
Il saisit l'une des cigarettes entre ses doigts et, d'un regard, la réduisit en cendres. Harry afficha une parfaite indifférence et posa une main sur l'accoudoir du trône. Il aurait voulu s'y asseoir, nonchalant, mais il ressentait d'avance le terrible regard comme un coup de poignard que lui vaudrait un tel geste. Venir déranger le Lord dans sa méditation relevait déjà d'une certaine audace.
Nagini apparut de derrière le trône et leva sa tête à hauteur des genoux de Harry.
-Salut, murmura celui-ci, sans répondre à la question de Voldemort.
Il posa machinalement une main sur la tête de l'animal.

Harry retira la deuxième cigarette de derrière son oreille gauche et la fit tourner entre ses doigts avant de l'y replacer.

-C'est mon anniversaire, lâcha-t-il dans un souffle, levant les yeux vers son père pour lire sa réaction.
Celui-ci eut l'air de s'apprêter à rétorquer mais demeura coi.
-J'ai relu la théorie des sortilèges de Marmaduke, à laquelle je n'avais rien compris quand j'étais petit. J'ai plein de questions, si tu as la patience d'en discuter avec moi, sourit-il doucement. Dîner ce soir ? Je pourrais aller effrayer quelques mangemorts pour que nous ayons quelque chose de joli à regarder dans nos assiettes. Si tu m'en donnes l'autorisation exceptionnelle. Même si je sais que la nourriture corporelle n'a pas grande importance. Pour mes treize ans.
Lord Voldemort, qui le regardait avec une expression d'une neutralité abominable, détourna ses yeux rouges vers le rien du tout de la salle du trône.
-Tu es né le 31 juillet. Tu n'auras pas treize ans avant neuf mois.

Harry ouvrit la bouche, horrifié.
-Mais arrête !
Il n'en pouvait soudain plus.
Le 31 octobre avait été arrêté par Voldemort lui-même comme son véritable acte de naissance. C'était le jour où Il l'avait enlevé à Godric's Hollow et aux cadavres encore chauds de ses parents. Le jour de son entrée dans Sa vie.
-Arrête !
Sa gorge se nouait et il continuait de protester face à un rejet aussi ignoble.
-Arrête d'être…
Ses mains serrées sur la pierre de l'accoudoir s'élevèrent et se crispèrent dans le vide entre leurs deux visages, vainement.
-…injuste.
-Cesse immédiatement de pleurer.
Harry se gifla presque en voulant effacer précipitamment les deux larmes solitaires qui avaient coulé sur chacune de ses joues. Il renifla et inspira puissamment.
-Je suis né le 31 octobre, dit-il férocement en clouant la date du doigt sur la poitrine de Voldemort. Il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas revenir.

Le mage noir restant sans réaction, Harry s'en alla, penaud, s'enfonçant les poings dans les yeux.

HP-LV-HP-LV

Voldemort décida de simplement faire taire sa raison et soulager le feu qui faisait hurler le muscle cardiaque atrophié. Peu importait qu'il ne pût plus lui faire confiance, peu importait Dumbledore, Poudlard et les quatorze derniers mois. Harry était en train de tomber en morceaux, et si le Seigneur des Ténèbres pouvait accepter le propre éparpillement de son âme, le cœur brisé du garçon était un spectacle qu'il ne pouvait supporter.

Il se détestait pour cela.
Il détestait cette faiblesse et détestait Harry pour en être à l'origine.
Mais, non, il ne détestait pas Harry.

Les choses étaient sournoises et compliquées.

Alors il relut Marmaduke et le lendemain, attendit Harry au piano. Arlington Arnelli gisait inconscient à côté du sofa, en robe de chambre et bonnet de nuit. Lorsque l'élève du pianiste parut à huit heures tapantes, Lord Voldemort joua l'un des morceaux qu'il avait appris. La Tristesse de Chopin parce qu'il savait que Harry l'aimait bien. Il joua avec une douceur et une précision millimétrée parce que le Seigneur des Ténèbres avait toujours fait preuve de talent dans toute chose qu'il entreprenait.

Harry resta figé, bouche bée près du Bechstein.

Lorsque le morceau s'acheva, Voldemort poussa du doigt, sans un mot, le petit livre noir qu'il avait posé sur le bord de l'imposant instrument.
-Bon anniversaire.
Harry s'en saisit, interdit, ses yeux ne cessant d'aller et venir entre son père, les touches du piano, et le livre. Il retourna ce dernier, caressa la couverture, l'ouvrit. La page de garde annonçait le journal intime de Tom Riddle.
-C'était mon journal lorsque j'avais seize ans. Fais-en bon usage.

C'était bien plus qu'un journal. C'était un Horcruxe. Harry l'ignorait, et Voldemort le lui remettait il lui faisait confiance.
Bien sûr, c'était un mensonge. Il ne lui faisait pas confiance.
Il choisissait néanmoins de se mentir - pour que les choses aient un sens.

Harry avait refermé le livre mais toujours pas la bouche.
Il reposa le journal où il l'avait pris. Fit le tour du piano.
Et serra fort son père dans ses bras.
Papa, chuchota-t-il dans un soupir étranglé.

Voldemort ne dit rien mais soupira également.

Fin du chapitre

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Biz,

Lupiot