Bring me to the light

Auteur : Shizuka Kurai

Genre : Dark fic, angst, YAOI !!! (Non, vous ne rêvez pas, même moi je l'ignorais au départ, qu'il y aurait du yaoi dans ce chapitre)

Série : Gravitation

Pairing : Yuki X Shûichi

Persos : Nakano Hiroshi, Fujisaki Suguru, K, Seki Tomokazu, Seguchi/Uesugi Mika, Sakamoto Tetsuya (le docteur de Shu), Sakano Hiromu, Rage Morgan, Kannô Midoriko (secrétaire de Tôma)

Disclaimer : Persos de Maki Murakami (sauf Tomokazu et Midoriko qui sont de moi)

Commentaires : J'ai encore mis du temps à poster ce chapitre, je sais, désolé. Donc, comme je suis persuadée que vous attendez la suite avec impatience, je vais clore très vite ce commentaire et je vous laisse à votre lecture. Bon chapitre ! Ah mince, j'ai oublié un truc. Je ne crois pas que dans le manga, un nom de famille soit donné à Rage, donc je me suis permise d'attribuer un nom de famille à notre patronne de XMR Japan : notre demoiselle sera donc la fille de George Morgan, fondateur et président-directeur-général de XMR dont la signification sera désormais X-tra Morgan Records.Je remanierai sans doute les précédents chapitres en incluant ce nom et la signification de l'acronyme XMR (à moins que je ne rajoute ça par la suite, je me tâte encore…). Vais y réfléchir pendant ce chapitre. Qu'est-ce que vous en pensez ? Y a aussi Sakano-san qui aura désormais le prénom de Hiromu. Bonne lecture !!!

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Résumé du chapitre précédent : Shu fait tout ce qu'il peut pour reprendre le chant et apprendre le braille, mais son acharnement désespéré le conduit à se froisser les cordes vocales…

(Note : toutes les dates sont prises en fonction de l'année 2007)

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Chapitre XVIII : Disparition

Jeudi 3 Mai

Les quatre jours suivants furent un calvaire pour Shuichi, autant que pour Yuki. Cela avait commencé par une longue visite à l'hôpital le jeudi matin aux aurores. La visite avait traîné en longueur à cause de l'écrivain qui réclamait toujours plus d'examens et contre-examens pour être sûr que Shuichi guérirait, mais aussi parce que le blond aboyait après chaque médecins et infirmières qui avaient le malheur de faire ne serait-ce que grimacer d'appréhension le musicien. Bref, une matinée un peu épique.

De retour à l'appartement, le chanteur avait fait tout ce qu'il pouvait pour paraître enjoué, et à défaut de pouvoir parler (il avait interdiction absolue de prononcer un seul mot d'ici la fin du weekend), il souriait à tout ce que Yuki lui disait. Le romancier, à qui ce petit manège n'avait pas échappé, en était même venu à engueuler son amant pour qu'il arrête de sourire bêtement. Shuichi s'était figé un instant, l'air étonné, avait détourné légèrement la tête avant d'adresser un nouveau sourire idiot à son amant et de rejoindre la chambre où il s'était allongé aussitôt. Le tout dans le silence le plus total.

C'était sinistre, pensait Yuki, et en plus ça sonnait faux. Il avait bien essayé de rejoindre son compagnon pour le consoler et s'excuser d'avoir été un peu brusque, mais celui-ci avait fait la sourde oreille et simulé un profond sommeil. Le blond n'était pas dupe, mais il était conscient d'avoir gaffé et, avec un soupir agacé, il avait laissé seul son compagnon en lui confiant une clochette qu'il pouvait utiliser s'il avait besoin de quelque chose.

Parti écrire dans son bureau, Yuki s'absorba tellement dans son travail que la journée défila sans qu'il s'en rende compte. Ce ne fut qu'en terminant le chapitre 17 de son nouveau roman qu'il ressentit le besoin de grignoter un petit quelque chose. Il avait écrit pas moins de quinze chapitres d'affilé et il était plutôt satisfait de sa performance. Cependant, en consultant l'heure au bas de l'écran de son pc, il eut un choc : 21h passées ! Comment le temps avait-il pu s'écouler si vite ? Il n'avait pas été dérangé de toute la journée. Pourquoi donc Shuichi n'avait-il pas utilisé sa clochette pour réclamer à manger ?

L'écrivain se précipita dans la chambre. Il y trouva le jeune garçon qui dormait profondément, réellement cette fois, dans une position incongrue dont lui seul avait le secret, la couette censé lui tenir chaud gisant à moitié sur le sol. N'osant dérangé un si intense sommeil, le blond vint relever la couette pour en recouvrir son compagnon, et alla se préparer un café à la cuisine. Là, il découvrit dans l'évier deux assiettes accompagnées de couverts, preuve que le chanteur s'était débrouillé seul pour manger au cours de la journée. Il n'avait visiblement rien fait cuire, mais s'était accommodé des quelques restes de poulet et de riz dans le frigo, qu'il avait dû manger froid. Le blond ignora le pincement de remord qui fit vaciller son cœur, et décida de souper.

Comme à chaque fois qu'il avait la flemme de faire la cuisine, l'écrivain commanda son repas chez son traiteur chinois habituel (heureusement qu'il livrait jusqu'à 23H), et il dîna rapidement installé devant la télé, tout en sirotant une canette de bière. Quand il eut fini, il renonça à son café et même à travailler un peu plus, ressentant le désir soudain de faire un câlinou à son sushi… (Shizu : Blaaaam ! Aieuuh ! Pourquoi encore le dico sur ma tête, Yukiiii ?)… ressentant donc le désir soudain d'être près de son amant (Shizu : là, ça te va mieux,Yuki ?).

Pendant qu'il prenait une douche rapide censée le délasser avant d'aller au lit, le blond ressentit un drôle de pincement dans la poitrine. Il se rappelait maintenant avoir entendu quelque chose sonner au cours de la journée, mais absorbé qu'il était dans son roman, il n'y avait pas prêté attention. Ou plutôt il avait tendu l'oreille un instant, puis il avait jeté un œil par-dessus ses lunettes pour apercevoir son amant dans l'encadrement de la porte, et vaguement grommelé qu'il arrivait dans cinq minutes, le temps de finir sa phrase. Le seul problème était que ce n'était pas sa phrase qu'il avait terminé de taper, mais son chapitre, et à ce moment-là, il avait déjà complètement oublié le chanteur, et avait enchaîné avec la suite de son livre.

_ « Kuso… jura-t-il à mi-voix en abattant un poing rageur sur le mur de la douche. Je suis vraiment un imbécile… »

Il réfléchit un instant, et se fit une autre réflexion.

_ « Et en plus, ça m'agace de gagatiser complètement pour ce sale gamin… »

Ce dernier point était vraiment le comble pour lui. Mais il ne pouvait rien y faire : il ne pouvait pas se passer de Shuichi et il voulait absolument le protéger. Seulement, il ne savait pas toujours comment s'y prendre pour ne pas blesser son compagnon avec sa possessivité excessive et un peu brutale, ce qui était d'autant plus difficile depuis que Shuichi était aveugle et s'effrayait d'un rien. Excédé par toutes ces prises de tête, le blond coupa la douche d'un geste brusque, se sécha vite fait et se dépêcha d'aller au lit.

« Au diable la réflexion, pensa-t-il au moment de se coucher. Je préfère l'action. »

Et le romancier s'allongea auprès de son amant (qui avait repris une position à peu près normale), en passant un bras autour de lui dans l'intention de lui faire un câlin. Cependant, le bonbon rose, dans son sommeil, n'eut pas la réaction escomptée. Le simple effleurement de la main du romancier sur son épaule le fit sursauter et il se recroquevilla aussitôt sur lui-même. Surpris, Yuki écarta une mèche de cheveux du visage du chanteur et fit doucement :

_ « C'est moi, Shuichi, c'est Eiri. Tu n'as pas à avoir peur. »

Rien à faire. Le musicien ne l'entendait pas dans son sommeil, et à présent, il tremblait de peur. L'écrivain était dépité. Il était si effrayant que ça ? Non, Shuichi savait déceler derrière sa froideur apparente son affection latente. Si l'adolescent tremblait, ce n'était pas par peur du romancier, mais par terreur de sa cécité et surtout de celui qui le tourmentait jusque dans ses rêves, Seguchi Tôma…Pourtant, même s'il savait cela, le blond se sentait blessé que son compagnon réagisse encore ainsi avec lui quand il le touchait sans le prévenir. Avec un « o-yasumi, watashi no tenshi » (= dors bien, mon ange) triste, Eiri s'allongea en tournant le dos à son amant et ferma les yeux en espérant trouver le sommeil lui aussi.

Quand le blond tira sur la couette pour en ramener un bout sur lui, une petite main, suivie d'une deuxième vint se poser sur son dos, et finalement, tout un corps vint se coller contre lui. Un instant étonné, l'écrivain esquissa un vague sourire et se retourna, laissant le petit musicien venir se blottir dans ses bras. Celui-ci avait ouvert quelques secondes des yeux embués de larmes. Était-ce des larmes de fatigue, ou bien une réminiscence de son cauchemar ? Peu importait maintenant que Yuki tenait son petit ange dans ses bras pour le réconforter et le protéger…

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Vendredi 4 mai

Le lendemain matin, Shuichi dormit très tard, et malgré la propension du romancier à se réveiller à des heures impossibles, ce dernier fut pourtant le premier éveillé sur le coup des 10 heures du matin (Shizu : Quel exploit ! BLAM ! Aieuuuuh… Mais que quelqu'un confisque l'encyclopédie en 25 volumes de Yuki !). Le chanteur avait sommeillé toute la nuit agrippé à son amant, et ce ne fut pas une mince affaire pour le blond que de se lever sans brusquer la petite marmotte aux cheveux roses. Opérant un savant échange entre son corps et un énorme coussin, l'écrivain réussit à s'éclipser discrètement de la chambre.

Après un rapide passage au petit coin puis à la salle de bain, Eiri téléphona à son jeune frère pour savoir s'il était toujours à Tokyo et s'il pouvait aller faire quelques courses pour lui, mais le combiné sonna longtemps dans le vide avant que la messagerie vocal du moine ne prenne le relais sur fond sonore de Sleepless Beauty des Nittle Graspers. « Étrange… », se dit le blond. Tatsuha avait pour habitude de toujours avoir son portable allumé à portée de main pour être joignable à tout instant. Supposant son cadet en galante compagnie, Yuki n'insista pas et se dirigea vers la cuisine pour préparer le déjeuner. Malheureusement, ce ne serait que bien plus tard que l'écrivain regretterait de ne pas s'être inquiété plus avant de ce silence fraternel…

Tant pis. Il ferait appel à Mizuki, sa responsable d'édition, à qui il rendrait son roman d'ici la fin de l'après-midi. Il allait d'abord s'occuper du repas de son compagnon, puis s'atteler à la conclusion imminente de son livre. Shuichi n'aurait qu'à se poser sur une chaise à côté de lui en écoutant de la musique le temps qu'il finisse, ce qui ne devrait pas prendre longtemps comme le supposait le romancier. Quand il alla chercher le musicien pour manger, celui-ci prit une nouvelle fois peur en se réveillant, et fit une crise d'asthme, heureusement bien vite résorbée par l'inhalateur acquis la veille à l'hôpital.

Le déjeuner se fit ensuite en silence, Shuichi picorant du bout des lèvres ce qu'il avait dans son assiette. Constatant le manque d'appétit évident du musicien (il venait à peine de se réveiller, il ne devait sans doute pas avoir très faim), le blond lui proposa un chocolat chaud accompagné de toasts beurrés, auxquels le chanteur fit plus facilement honneur qu'à son assiette de viande et de pommes de terre. Ce n'était pas vraiment un repas, mais c'était mieux que rien, et étant lui-même un lève-tard, Yuki reconnaissait que c'était sans doute la seule chose que pouvait supporter un estomac tout juste remis en marche après un réveil tardif.

Une fois sorti de table, le jeune Shindô obéit docilement à son compagnon, l'attendant sur le canapé tandis qu'il faisait la vaisselle, puis l'accompagnant jusqu'à son bureau où il resta sur sa chaise sans bouger ni faire un bruit jusqu'à ce que l'écrivain ait enfin achevé son roman. Après avoir sauvegardé une ultime fois son texte (on n'est jamais trop prudent), le blond s'étira avant de regarder l'heure. 19H passées. Yuki tourna la tête vers son amant. Celui-ci avait ramené ses jambes contre lui et, la tête appuyée sur ses genoux, il semblait somnoler. On pouvait même dire qu'il commençait à piquer sérieusement du nez, et il oscillait dangereusement sur sa chaise. L'écrivain le rattrapa de justesse avant que l'artiste ne tombe de sa chaise.

Shuichi resta quelques minutes un peu hébété, émergeant lentement de son état de somnolence, avant de réclamer muettement un câlin que le blond lui accorda aussitôt. Ils restèrent de longues minutes ainsi, jusqu'à ce que Shuichi daigne enfin lâcher son compagnon pour acquiescer vigoureusement de la tête quand Yuki proposa de préparer le dîner. Comme il était un peu trop tard pour appeler son éditrice et voulant se faire pardonner sa négligence des deux derniers jours, le blond fit une proposition pleine de sous-entendus à son jeune colocataire :

_ « Et si on se commandait une pizza ce soir ? » glissa l'écrivain à l'oreille du chanteur, se remémorant la dernière fois qu'ils avaient commandé une pizza (voir chapitre 12).

Le gamin rougit furieusement et détourna la tête en s'écartant légèrement son amant.

_ « Ne me dis pas que tu n'en a pas envie, je sais que tu mens… » insista le blond en venant faire glisser sa langue sur son cou, croyant que Shuichi refusait simplement par bouderie.

Cette fois-ci, le chanteur le repoussa plus violemment, manquant le faire tomber, et s'enfuit du bureau. Enfin, plutôt, essaya de s'enfuir du bureau, car dans sa précipitation et à cause de sa cécité, il embrassa durement le mur bien avant d'atteindre la porte. Le choc le précipita au sol, le nez en sang.

_ « Mais qu'est-ce qui te prend, abruti ? explosa le romancier en se portant à son secours. Si t'en as pas envie, t'as qu'à le dire au lieu de te jeter sur les murs ! »

Yuki voulut écarter la main de Shuichi pour voir les dégâts, mais l'adolescent se débattit avant de réussir à le faire tomber, puis d'aller s'enfermer à clé dans la chambre. L'écrivain ne comprenait pas la réaction du chanteur. Qu'il ne veuille pas faire l'amour parce qu'il était mécontent du comportement de son amant ou bien parce qu'il n'était pas en forme, il pouvait comprendre. Mais jamais Shuichi ne lui avait interdit l'accès de la chambre. Sans doute parce qu'avant, c'était plutôt une habitude du blond…

_ « Shuichi ? Shuichi, ouvre cette porte, sale gamin ! s'énerva en vain le blond devant la porte close. Je te jure que je vais la défoncer si tu n'obéis pas ! »

Un déclic se fit entendre. Shuichi venait de déverrouiller la porte. Pourquoi si vite ? Le romancier en resta tétanisé d'étonnement et d'incompréhension. Ce n'est qu'après quelques minutes de réflexion que Yuki réalisa ce qu'il avait dit. Non seulement, il avait engueulé Shuichi alors qu'il venait de se faire mal, mais en plus il avait fait référence à deux choses dont l'artiste souffrait en ce moment même : la perte de la vue et de la voix. Le chanteur ne se serait sans doute jamais cogner de la sorte s'il avait pu voir (quoique avec lui, on pouvait s'attendre à tout), et il ne pouvait exprimer son refus autrement que par des gestes qui, finalement, pouvaient être beaucoup plus mal perçus qu'un refus verbal. C'était donc en fait ces quelques mots qui avaient blessés Shuichi, plus que l'indifférence de l'écrivain pendant deux jours. De plus, l'écrivain comprit que si l'artiste avait si vite déloqué la serrure, c'était parce qu'il avait peur de la colère de son amant s'il n'avait pas ouvert à temps.

Yuki n'osait plus entrer. Shuichi devait pourtant trembler de peur en pleurant derrière cette porte, et il devait aller le consoler et lui demander de lui pardonner sa maladresse. Malgré tout, il n'osait pas franchir cette mince barrière de bois. Sa main restait désespérément figée au-dessus de la poignée de la porte sans qu'il puisse la tourner. Ce n'était pourtant pas si difficile. Agacé de son manque de détermination, le blond fit brusquement demi-tour, pénétra nerveusement dans la salle de bain pour attraper la trousse de secours, et revint à là chambre.

_ « Shuichi ? » appela-t-il sans ouvrir la porte.

Aucun bruit ne vint répondre à son appel.

_ « Écoute, sale goss… »

Le blond se reprit avant de prononcer des mots blessants.

_ « Shu, Je t'ai apporté des compresses avec un peu de désinfectant pour ton nez. Ouvre-moi, onegai. »

L'écrivain laissa s'écouler quelques minutes dans l'attente du moindre signe, mais l'adolescent ne se manifesta pas le moins du monde.

_ « Je peux comprendre que tu m'en veuilles pour ce que j'ai dit, mais je… je… »

Raaaah ! Pourquoi ces bêtes mots étaient-ils si durs à prononcer ?

_ « Je suis désolé… » lâcha le romancier d'une toute petite voix.

Après cinq minutes d'indifférence totale du chanteur, Eiri bouillait intérieurement d'une rage sourde. Il se retint pourtant d'ouvrir brutalement la porte pour pousser une gueulante digne de ce nom et faire passer à ce sale gamin toutes envies de caprice. Il avait pensé que faute avouée était à moitié pardonnée, mais apparemment il avait oublié le terme « à moitié ».

_ « Tu vas arrêter de faire la gueule pour un oui ou pour un non ? lança glacialement l'écrivain. Y en a marre de tes gamineries à la fin ! »

Les menaces ne marchaient apparemment pas mieux que les excuses.

_ « Pfff… pesta le blond. Je me demande bien pourquoi l'autre jour au studio, j'avais envie de te garder enfermé ici pour te protéger et ne t'avoir que pour moi. C'était vraiment stupide, parce t'es vraiment un gamin pénible. Depuis quelques temps, je suis devenu beaucoup trop gentil avec toi, et voilà où on en est aujourd'hui : tu te comportes comme un môme de cinq ans qui boude quand on le gronde. »

Yuki savait qu'il aurait dû se taire maintenant, mais il était trop tard : il ne pouvait plus empêcher ses lèvres de déverser son amertume intense…

_ « Je comprends pourquoi je ne me suis attaché à personne avant toi. Ça n'apporte que des emmerdements. Je sais que tu souffres beaucoup en ce moment avec tout ce qu'il t'est arrivé, mais tu n'es pas le seul. Moi aussi je souffre énormément de te voir dans cet état, de te voir t'obstiner à continuer ta carrière au risque de souffrir ou pire, que ça t'éloigne de moi. Je suis jaloux… Jaloux de ta patronne, de ton groupe, de tous ceux qui t'ont avec eux toute la journée, alors que moi, je reste ici à me faire du mouron pour toi ! »

Eiri avait envie de pleurer, mais sa rancœur lui permit de retenir ses larmes.

_ « C'était tellement plus facile quand je m'en tenais à de simples relations sexuelles avec mes partenaires. Tiens, t'as qu'à te soigner tout seul pendant que moi, je vais aller me taper la première greluche qui me tombera sous la main ! » cria-t-il en balançant violemment la trousse de secours contre la porte, avant se faire demi-tour pour aller mettre en pratique ses derniers mots.

Le romancier n'eut pas le temps de faire un pas que la porte de la chambre s'ouvrit brusquement. Surpris, le blond se retourna pour voir Shuichi lui foncer dessus. Eiri le vit soudain perdre l'équilibre en butant dans la trousse de secours, et il tendit le bras pour le rattraper. C'est alors qu'avec une force qui interloqua l'écrivain, l'adolescent le précipita au sol.

_ « Shuichi ? Mais que… ! »

Un baiser rageur lui cloua le bec. Une telle hargne ne ressemblait pas à Shuichi. Yuki réussit à le repousser par les épaules, mais l'artiste se dégagea d'une bourrade, frappant par hasard son amant au visage. Légèrement sonné par le coup qu'il avait reçu sur la tempe, le blond se fit à nouveau plaqué au sol. Shuichi, qui lui maintenait fermement les deux poignets, vint lui glisser ses quelques mots à l'oreille d'une maigre voix éraillée :

_ « T'as pas le droit… de me dire ça… Hugnn… Je t'ai… jamais obligé à t'occuper de moi… Et comment veux-tu que je prenne du plaisir… alors que je suis sur le point de perdre ma voix… ? »

L'artiste appuya un instant son front sur le sol en toussant. Il respirait fort, luttant contre la douleur que lui avaient arrachée ces quelques mots.

_ « … Essaie… de retenir ta voix… reprit le musicien après une grande inspiration. Tu vas voir… que c'est pas si facile… »

« Retenir ma voix ? pensa Yuki. Mais pourquoi ? »

_ « Arrête, Shuichi, intervint-il en chassant la vague crainte qu'il éprouvait. Ne parle pas, tu vas… Haaa !»

Le pressentiment du blond s'avérait exact. La langue chaude de son amant glissant le long de son oreille le fit frissonner en lui arrachant un cri de surprise. Puis deux lèvres humides entreprirent de suçoter le lobe sensible de cette même oreille, paralysant complètement le romancier. Yuki n'arrivait plus à penser correctement, et c'est presque inconsciemment qu'il frottait lentement son entrejambe contre la cuisse menue qui appuyait dessus. Obnubilé par cette douce torture, l'écrivain ne remarqua même pas que le chanteur avait lâché ses poignets pour ouvrir sa chemise et lui caresser le torse.

Quand Shuichi commença à lui pincer les tétons, tout le corps du blond se tendit, prêt à s'abandonner au plaisir, mais l'adolescent le lui refusa en retirant brusquement sa jambe et en délaissant son oreille et son torse. Le romancier en laissa échapper un grognement de dépit, mais encore groggy par l'excitation, Eiri ne put réagir quand le musicien lui abaissa prestement son pantalon et son boxer jusqu'aux genoux. L'écrivain poussa un bref râle de soulagement mais aussi de douleur tellement son sexe était durci de désir.

Dans le même mouvement, l'artiste culbuta soudain les jambes de son amant vers l'avant, et enfonça vigoureusement deux doigts dans son anus. Cette fois-ci, Yuki resta coi d'étonnement, surpris de ne ressentir aucune douleur à cette intrusion brutale. Un court ricanement du chanteur ainsi que son sourire narquois lui renvoyait l'écho de sa propre pensée : après un simple titillement de l'oreille, le romancier était déjà prêt à recevoir en lui son compagnon. Quelle déchéance !

_ « Aaah… Arrête… Shu… Non… »

Mais il était trop tard pour arrêter le musicien. Shuichi retira brusquement ses doigts avant d'introduire son membre d'un coup sec dans l'étroit orifice. Le chanteur réprima le hurlement de son amant en lui plaquant une main sur la bouche pour l'empêcher de crier. Coincé dans une position qui était à son désavantage total, l'écrivain commençait à se sentir mal. Il n'aimait pas ce sexe violent et sans amour.

Sans amour ? Violent… Eiri réalisait enfin ce que pouvait ressentir son compagnon quand il le prenait sans se soucier de ses supplications, comme c'était le cas au tout début de leur relation. Car depuis, le romancier avait appris à mettre de la douceur dans ses gestes pendant l'acte. Il avait appris à aimer. Et il se rendait également compte à quel point il était difficile d'apprécier un tel sexe et de ne pas crier.

Shuichi respirait fort en ahanant silencieusement, mais il était tellement concentré sur ce qu'il faisait qu'il n'aurait sans doute jamais crier même s'il avait eu toutes ses capacités vocales. Mais pour le uke qu'était Yuki en ce moment même, il était extrêmement ardu, voire même impossible de retenir sa voix. Le chanteur avait raison.

L'écrivain abandonna alors la lutte, et se concentra sur son propre plaisir, essayant d'oublier la douleur suscitée par ce quasi-viol. Il sentait quelque chose couler entre ses reins, mais il n'aurait su dire de quoi il s'agissait. Avec la main de Shuichi sur la bouche, il suffoquait mais peu importait car désormais une immense chaleur le gagnait depuis le bas-ventre. La sensation inonda bientôt tout son être pour parvenir jusqu'à son cerveau où ce fut l'explosion.

Un court instant, le blond eut l'impression de perdre connaissance tandis que son corps se raidissait d'un bloc et qu'une substance brûlante et blanchâtre jaillissait de son membre dressé, l'éclaboussant jusqu'au visage. Shuichi avait-il joui avant, après, ou en même temps que lui ? Yuki n'aurait su le dire avec précision, mais il supposait que c'était la jouissance précoce de son amant qui avait entraînée la sienne à peine quelques secondes plus tard.

Quand le blond ouvrit les yeux, il les leva vers son compagnon. Celui-ci avait le souffle saccadé, et prenait appui sur les jambes repliées de Yuki. Bien que l'adolescent se fut essuyé, il restait quelques traces de sang séché sur son visage. Le romancier remarqua alors qu'il y avait aussi des larmes qui souillaient ces joues pâles qu'il ne pouvait quitter du regard.

_ « Shuichi… » murmura le blond en posant sa main sur la joue du chanteur.

L'artiste sursauta et ouvrit les yeux, l'air égaré.

_ « Dis, c'est pas que ce soit pas agréable de t'avoir en moi, mais la position, elle, l'est beaucoup moins, fit Eiri après un silence. Alors si tu pouvais te retirer, s'il te plaît… »

Shuichi eut un hoquet de stupéfaction, manquant tomber à la renverse, mais le grognement que son léger mouvement arracha à son amant lui fit reprendre ses esprits, et il s'écarta doucement du romancier. Yuki en profita pour se redresser, et s'asseoir en essuyant son visage couvert de sperme avec une manche de sa chemise. Sur le sol, entre ses jambes, il aperçut des gouttes de couleur rouge vif.

_ « Aiiie… Et merde… »

Dans sa précipitation, le musicien l'avait légèrement blessé. C'était d'ailleurs pourquoi l'écrivain éprouvait encore une douleur sourde au niveau du postérieur. Il n'y avait rien de dramatique à la chose, mais cela restait malgré tout assez désagréable.

De son côté, Shuichi s'était recroquevillé contre un mur en sanglotant. Le romancier alla le rejoindre après avoir renfiler son pantalon, et sans lui demander son avis ni lui laisser le temps de se défiler, il l'attira dans ses bras. Surpris, le chanteur n'eut pas la moindre réaction. Ce ne fut qu'après quelques minutes passées dans cette position que l'adolescent se détendit et se pelotonna contre la poitrine de son amant.

Shuichi ne pouvait dire un mot, et Yuki gardait le silence, comprenant que c'était l'un de ces moments qui n'ont pas besoin de paroles, mais simplement d'une présence à ces côtés. Et puis de toutes manières, ce n'était pas dans les habitudes de Yuki de s'étaler en grands discours, et il savait pertinemment qu'avec son cynisme légendaire, il aurait encore réussi à fâcher son compagnon en voulant pourtant le réconforter, alors il préférait se taire. Arriverait-il un jour à faire comprendre à Shuichi à quel point il l'adorait, à quel point il l'aimait ? Et surtout à quel point il avait désespérément besoin de lui…

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Lundi 7 Mai, Hôpital Central

_ « Allez, Shu-chan, tu peux le faire, » encourageait le guitariste de Bad Luck.

_ « Le médecin a dit que tu étais guéri, Shindô-kun, renchérit le parolier, Seki Tomokazu. Tu n'as rien à craindre. »

_ « Aaaah ! Tout est fichu ! On a trop persécuté Shindô-kun avec la reprise de sa carrière et maintenant il ne voudra plus jamais chanter ! » se lamenta Sakano-san, toujours pessimiste comme à son habitude.

_ « Fermez-la un peu et foutez lui la paix, grommela l'écrivain assis à côté du chanteur sur la table d'auscultation, en passant ses deux bras autour de lui, l'air menaçant. De toute façon, il n'est pas question qu'il retourne au studio et qu'il fasse ce stupide concert. »

_ « Shindô ne peut pas refuser de donner ce concert ! intervint Rage. Il a signé un contrat avec XMR, il s'est engagé à le tenir alors il m'appartient ! »

_ « Shuichi n'appartient à personne d'autre qu'à moi ! » aboya le blond de plus en plus possessif.

_ « Ça suffit, maintenant ! Vous devriez tous vous calmer ! s'interposa Suguru. Vous ne faites que perdre votre temps en disputes stériles et vous n'arrivez qu'à effrayer ce pauvre Shindô. »

Le jeune claviériste avait raison. Chacun restait sur sa position sans pouvoir arriver à une entente quelconque, et Shuichi s'était réfugié dans les bras de son amant, en larmes. Yuki l'avait emmené à l'hôpital ce matin-là pour l'examen de contrôle qui devait déterminer si oui ou non il pourrait chanter à nouveau. Bien que constatant une légère rougeur de la gorge du chanteur, le diagnostic du docteur avait été excellent et ce dernier avait levé l'interdiction de parler du jeune homme.

Cependant l'artiste, déjà stressé par la présence du staff de Bad Luck au grand complet, avait complètement paniqué au moment de prendre la parole, terrorisé qu'il était à l'idée de décevoir tout ceux présents. Il craignait que cet incident ait altéré sa voix et que les autres le rejettent à cause de ça. Car après tout, n'attendaient-ils pas tous que la voix de Shuichi revienne pour qu'il puisse assurer ses concerts ? Cependant, s'il refusait de parler par peur d'un changement de sa voix, il ne saurait jamais s'il y avait un problème avec son timbre vocal et cela reviendrait exactement au même.

Pourtant, malgré tous les efforts du chanteur pour réussir à parler, une boule d'angoisse nouait sa gorge et empêchait le moindre son de franchir le seuil de ses lèvres. Il aurait voulu pouvoir être seul avec son Yuki pour ce moment crucial, mais il n'avait pu exprimer son avis, et avait été contraint d'accepter la présence de ses camarades. Le visage enfoui contre le torse de son amant, l'artiste ne se rendit même pas compte qu'il avait une nouvelle fois bloqué sa respiration et qu'il sombrait lentement dans l'inconscience. Yuki le remarqua tandis que Tomokazu et Hiroshi tentaient d'apaiser la directrice de XMR qui devenait légèrement hystérique.

_ « Hé, respire, baka ! » s'écria Yuki en l'allongeant aussitôt.

_ « Vite, écartez-vous ! fit l'infirmière qui était là. On fait un massage cardiaque, vite! » ordonna-t-elle à son collègue infirmier.

_ « Je m'en occupe, intervint Sakamoto-san, le médecin qui avait ausculté Shuichi. Prenez le ballon de ventilation. »

_ « Bien, docteur ! » répondit la jeune femme en prenant un drôle de ballon surmonté d'un embout un peu comme les masques à oxygène (1), qu'elle appliqua sur le nez du musicien avant de commencer à pomper pour envoyer de l'air.

À peine quelques secondes après le début de ce traitement, Shuichi ouvrit les yeux, avant de les refermer pour se mettre à tousser, le souffle retrouvé.

_ « Shuichi… » souffla l'écrivain, soulagé, en prenant la main du chanteur dans les siennes.

L'artiste voulut parler mais sa gorge resta nouée.

_ « Nous devrions en rester là pour aujourd'hui, je pense, fit Sakamoto. Shindô-kun est chanteur, il est normal qu'il appréhende d'avoir perdu sa voix. Il est complètement guéri, mais le mieux est d'attendre qu'il se sente prêt. »

_ « Mais c'est impossible ! protesta Rage. Le concert est dans à peine trois mois ! Et Shindô est loin d'être prêt, il doit encore trav… »

_ « Le docteur a raison, Rage-san, la coupa Tomokazu. Ça ne sert à rien de le brusquer. »

_ « Mais… »

_ « Même si cela m'ennuie autant que toi, Rage, je dois admettre que c'est la solution la plus censée, l'interrompit Fujisaki. D'ailleurs, si on en est arrivé là, c'est bien parce qu'on a été trop sévère avec Shindô. Il est vrai qu'il faut de la rigueur dans le travail, et que Shindô a besoin d'être cadré pour bien travailler, mais on n'arrivera à rien si on continue ainsi. »

_ « … Très bien, fit la présidente, à présent plus calme. De toute manière, je suppose que nous n'avons pas le choix, n'est-ce pas ? »

Résignée, la jeune femme se tourna vers Yuki.

_ « Yuki-san, je compte sur vous pour prendre soin de Shindô-kun. »

_ « Ça, tu n'as pas besoin de me le dire, gamine, répondit simplement l'écrivain. Allez viens, Shuichi. On rentre, » ajouta-t-il en aidant son compagnon à descendre de la table d'auscultation.

_ « Attendez, je vous accompagne ! » lança Hiroshi en les suivant hors de la pièce.

Les autres personnes présentes sortirent à leur tour, l'air abattu.

_ « Rage-san… » fit le comédien aux cheveux bruns.

_ « Oui, qu'y a-t-il ? »

_ « Vous l'avez peut-être déjà réalisé, mais je pense qu'il faudra sans doute envisagé une annulation du concert… »

_ « Q… Quoi ? Mais non, on a juste pris un peu de retard, mais il n'est pas encore question d'annuler le concert, répondit la jeune femme, manifestement convaincue que tout allait pour le mieux. Il ne faut pas s'inquiéter pour un petit rien comme ça. »

_ « Rage-san, intervint Suguru. La plus importante contrainte dans la reprise du groupe, c'est ce délai de temps. Shindô fait beaucoup d'efforts, il aime ce qu'il fait et il se donne à fond pour ça, mais il ne peut pas non plus aller au-delà de sa résistance physique et morale. Nous ne sommes malheureusement pas à sa place, et nous ne savons pas ce qu'il vit. C'est sans doute plus difficile pour lui que pour nous tous. »

_ « Mais… Mais… Il est impossible d'annuler, voyons ! s'insurgea la présidente. La succursale japonaise de XMR vient à peine d'ouvrir, et j'ai tout misé sur ce concert de Bad Luck ! Tu imagines les conséquences de l'annulation d'une série de trois concerts pour une société aussi jeune que la nôtre ? Je perdrai toute crédibilité dans le milieu, sans compter les bénéfices perdus, les investissements publicitaires gâchés et le remboursement des places et de tous les frais annexes ! »

_ « Calme-toi, Rage, tenta de l'apaiser son fiancé. On est parfaitement conscient qu'une annulation engagerait d'énormes frais, mais ce n'est encore pour le moment que la pire solution qui soit. On va tout faire pour aider Shindô et réussir ce concert, mais pour cela tu devras me laisser faire. J'ai un plan pour que Shindô sente moins stressé. »

_ « Un plan ? »

_ « Oui, mais pour cela, tu devras me donner carte blanche et me faire confiance à 100%. »

Rage réfléchit un instant avant de dire :

_ « Vas-y, je t'écoute. »

OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO

Un peu plus tard, appartement de Yuki Eiri.

_ « Mika ? » s'étonna l'écrivain en trouvant sa sœur devant la porte de son appartement.

_ « Eiri ! Mais où étais-tu, enfin ? fit la jeune femme brune. Personne ne répondait, je commençais à m'inquiéter. »

_ « Je ne passe pas mon temps enfermé dans mon appart', répliqua sèchement son frère en venant ouvrir la porte. On était à l'hôpital. Shuichi a un petit problème de voix. Vas-y, entre.»

_ « Oh ! J'espère que ce n'est pas trop grave, » s'enquit Mika en rentrant la première comme l'y invitait son cadet.

_ « Bah, c'est trois fois rien, lui répondit Yuki en l'accompagnant jusqu'au salon, tandis que Hiroshi aidait Shuichi à se déchausser dans l'entrée. Il s'est froissé les cordes vocales l'autre jour au studio, mais c'était sans gravité, et aujourd'hui le médecin a dit qu'il était guéri. Seulement, cet espèce de crétin d'andouille de Shuichi nous fait un blocage, il n'arrive pas parler, et pour couronner le tout, depuis quelques jours, il fait des crises d'asthme à chaque fois qu'il stresse trop. »

_ « Le pauvre garçon… » compatit la brune en prenant place sur le canapé.

_ « Pfff… Pauvre garçon, tu parles ! pesta l'écrivain. Depuis qu'il est aveugle, il fait tout pour qu'on le plaigne et ça m'agace au plus haut point. Mais en même temps, ça m'arrange. Comme ça, je peux le garder pour moi tout seul. Il n'a pas besoin de sortir, il est très bien ici. »

_ « Eiri… Tu te rends compte de ce que tu dis, là ? »

_ « … »

Le romancier garda le silence en jetant un œil vers le couloir menant à l'entrée, où Hiroshi venait de réussir à tirer un sourire au chanteur. Mika vit passer dans son regard une brève lueur de jalousie que le blond balaya d'un sifflement de dédain, avant de venir s'asseoir près de sa sœur avec une canette de bière dans la main.

_ « Tu roules toujours au jus de fruits ? » éluda finalement le blond en lui donnant la canette de jus d'orange qu'il lui avait apporté.

Mika esquissa un sourire tandis que l'écrivain s'adossait au canapé en sirotant sa boisson.

_ « Si tu veux t'enquérir de ma santé et savoir si je suis toujours enceinte, la réponse est oui. Le bébé et moi allons très bien tous les deux. »

_ « … Tu vas le garder alors ? » l'interrogea Eiri de but en blanc.

_ « Oui, je vais le garder, acquiesça la brune après un silence. Père ne nous a-t-il pas appris que toute vie est précieuse ? »

_ « T'as pas besoin de me le rappeler, Mika, bougonna le romancier. La vie est même tellement précieuse avec notre paternel que je ne serai même pas surpris d'apprendre que nous avons deux ou trois demi-frères et sœurs illégitimes. Maman a bien fait de le quitter. »

_ « Eiri ! Maman ne l'a pas quitté ! Elle est allée s'occuper de Grand-mère à Yokohama ! »

_ « Mouais, c'est tout comme. Ça fait quand même presque cinq mois qu'elle est là-bas. Et puis, ils font bien ce qu'ils veulent tous les deux, j'en ai rien à battre. »

_ « Eiri… » fit tristement Mika.

_ « Au fait, qu'est-ce que tu me voulais ? l'interrogea le blond. En général, quand tu viens, c'est que t'as un truc à me demander. »

_ « Ah oui ! C'est vrai ! s'exclama la jeune femme, se remémorant soudain le but de sa visite. Je voulais savoir si tu avais vu Tatsuha ces derniers jours ? »

_ « Tatsuha ? Non, je ne l'ai pas revu depuis la dernière fois, quand on t'a emmené à l'hôpital. Pourquoi cette question ? »

L'écrivain vit sa sœur pâlir brusquement avant de commencer à se ronger les ongles. Pressentant un événement grave, il se redressa, posa sa bière au pied du canapé et prit délicatement la main de Mika pour l'empêcher de continuer à se blesser.

_ « Mika, il s'est passé quelque chose ? » demanda-t-il avec une douceur dont il n'était pas coutumier.

La brune leva les yeux vers lui avant de balbutier :

_ « Je… Je l'ignore, Eiri… Ça fait trois semaines qu'on n'a pas vu Tatsuha, et que personne ne sait où il est… »

_ « … Quoi ? »

_ « J'ai essayé plusieurs fois de le contacter mais à chaque fois je tombe sur sa boite vocale. Même ses amis ignorent où il se trouve... »

_ « Il ne serait pas parti à un autre séminaire ? hasarda le blond. La dernière fois, il n'a pas donné de nouvelles pendant plusieurs semaines, vu qu'il était dans un temple complètement paumé au milieu de la nature en dehors de tout réseau téléphonique. »

_ « Si c'était ça, il nous aurait prévenu avant de partir, et papa aurait été au courant, puisque c'est lui qui s'occupe d'inscrire Tatsuha à ces séminaires. »

_ « Bah, tu t'inquiètes pour rien, Mika. Il doit sans doute traîner avec quelque fille qu'il aura séduit dans un bar. »

_ « Eiri, il est allé voir Tôma à N.G. le jour où il a disparu. »

L'écrivain manqua s'étouffer avec sa bière. Si la disparition de son frère coïncidait avec le jour où il avait failli se faire violer, il y avait fort à parier que Seguchi était là-dessous.

_ « C'était quand, Mika ? » demanda fébrilement Yuki.

_ « Le 14 avril, le lendemain du jour où j'ai été hospitalisé. »

_ « … »

_ « Eiri ? Qu'est-ce qu'il y a ? Tu es devenu tout pâle… »

Le romancier se trouvait devant un dilemme. Devait-il dire à sa sœur ce qu'il s'était passé avec Seguchi la veille de ce jour ? Il ne lui avait rien dit jusque là, jugeant l'événement de peu d'importance puisqu'il s'était juré de ne plus jamais voir Seguchi. Mais maintenant, la donne avait changé. Peut-être que cet événement si anodin avait eu une importance déterminante dans la disparition de son jeune frère.

_ « Kuso ! jura soudain l'écrivain. Mais qu'est-ce qu'il est allé foutre là-bas, cet imbécile ? »

_ « Eiri… »

_ « Attends un instant, Mika. »

Yuki rejoignit les deux musiciens qui se trouvaient encore dans l'entrée. Le blond glissa quelques mots à Shuichi, puis à Hiroshi, avant de revenir dans le salon.

_ « Viens, on décolle. »

_ « Hein ? Mais où veux-tu aller, Eiri ? »

_ « On file à N.G., je t'expliquerai dans la voiture. Nakano va rester avec Shuichi. »

_ « Mais… Eiri ! Attends un peu ! EIRI ! » s'exclama la jeune femme en emboîtant le pas à son frère.

OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO

Quelques minutes plus tard, en voiture…

_ « Bon, Eiri, maintenant, si tu m'expliquais pourquoi on va à N.G. ? »

_ « Et si tu m'expliquais d'abord pourquoi cet andouille de Tatsuha est allé voir Seguchi ? rétorqua le blond tout en passant les vitesses. Il sait tout ce qu'il s'est passé avec lui, alors je ne comprends pas ce qu'il pouvait bien avoir à faire là-bas. »

_ « Hé bien… heu… Comment dire… »

_ « T'inquiète, moi aussi j'ai une belle révélation à te faire, alors déballe. »

_ « … »

_ « Mika, fit Eiri en essayant d'être moins sec. Je te promets que quoi que tu me dises, je ne me mettrai pas en colère. »

La jeune femme hésitait encore à lui révéler le secret de Tatsuha. Après tout, le jeune moine s'était résigné à vivre un amour à sens unique et ne voulait pas nuire au bonheur de son frère. Si elle se contentait de répéter à l'écrivain le plan de Tatsuha pour arrêter Tôma, ce serait sans doute suffisant.

_ « Si on retrouve Tatsuha, tu me promets de ne pas lui faire de reproches ? » demanda-t-elle avant de dévoiler ce qu'elle savait.

_ « S'il a vraiment eu un problème, oui, acquiesça le blond. Si c'est parce qu'il a levé une minette et qu'il s'est enfui avec elle dans les îles, là, y va se recevoir un savon dont il se souviendra. Allez, accouche. »

Avec un sentiment d'appréhension quant à la réaction du romancier, Mika lui exposa rapidement le plan de Tatsuha pour obliger Seguchi à se compromettre. Atterré, Yuki ne put que se lamenter de la stupidité de son petit frère.

_ « Et toi, Eiri ? fit Mika une fois qu'elle eut fini son histoire. Quelle était cette révélation que tu voulais me faire ? »

_ « … Tu te souviens du jour où je t'ai laissée seule avec Shuichi pour aller voir Seguchi ? »

_ « Oui, quand il y a eu ce… petit incident avec Shindô. »

_ « Tôma a essayé de me violer. »

Mika mit quelques secondes à réagir.

_ « …Q … Quoi ? »

_ « Quand je suis allé voir Seguchi, il m'a sauté dessus et a tenté de me violer. »

Mika porta une main à la bouche et détourna la tête, se sentant soudain nauséeuse. Elle n'arrivait pas à croire ce qu'elle entendait. Elle connaissait l'attachement de son mari pour son frère cadet, mais son amour pour le président de N.G. Productions lui avait toujours fait rejeté l'idée qu'il puisse éprouver plus qu'une simple affection.

_ « Heureusement, je ne suis plus le gamin que j'étais à l'époque où Kitazawa (2) m'a vendu pour quelques dollars. J'ai pu le repousser et me casser avant que ça ne tourne mal pour moi. »

_ « Et tu attends seulement maintenant pour m'annoncer ça ? s'emporta la brune en martelant de ses poings l'épaule de son cadet. Franchement, tu es bien aussi stupide que ton frère ! »

_ « Hé, calme-toi ! J'essaie de conduire là ! répliqua l'écrivain en se défendant tant bien que mal. Je te rappelle qu'il s'est passé pas mal de choses ce jour-là. Tu peux me dire quand j'aurai pu te l'annoncer alors qu'il a fallu t'emmener d'urgence à l'hôpital, et qu'ensuite j'ai du m'occuper de Shuichi, et de sa petite famille tout le week-end ? Et puis, tu peux parler parce que tu as bien dissimulé ton adultère et ta grossesse à tout le monde et surtout aux parents. »

Mika se calma aussitôt.

_ « C'est bon, Eiri… lâcha la brune en réprimant un sanglot. Pas la peine de remuer le couteau dans la plaie. J'ai déjà assez honte de moi comme ça. »

Un court silence s'installa.

_ « … Excuse-moi, Mika, » marmonna le blond à mi-voix.

La sincérité de l'écrivain toucha la jeune femme, peu habituée à une telle douceur chez son frère.

_ « … Bah, peu importe, Eiri, fit-elle en raffermissant sa voix. Une seule chose doit nous inquiéter maintenant, et c'est Tatsuha. »

_ « Je suis entièrement d'accord avec toi, » acquiesça le romancier en écrasant l'accélérateur.

Quand ils arrivèrent devant le siège de N.G. Productions quelques minutes plus tard, Eiri ne s'embarrassa pas de trouver une place de parking et se gara directement au pied de l'entrée principale dans un retentissant crissement de pneus. En rentrant dans le bâtiment, les agents de sécurité leur firent quelques difficultés, mais en reconnaissant l'épouse et le beau-frère de leur patron, ils les laissèrent finalement passer, et c'est ainsi que peu après, les deux jeunes gens se retrouvèrent devant la porte du bureau du président. Cependant, un dernier chien de garde allait leur faire obstacle.

_ « Je regrette, leur objectait la secrétaire blonde comme une poupée Barbie tout en se limant les ongles, le président est en réunion. Il est indisponible pour le moment. »

_ « En réunion ? gronda l'écrivain en abattant violement son poing sur le bureau de la pauvre employée qui sursauta et se cassa un ongle. Comme si j'allais vous croire. Appelez-le et dites-lui que je le rejoins tout de suite, » ajouta-t-il en se dirigeant vers la double porte sur sa gauche.

_ « Vous ne pouvez pas entrer ! » tenta vainement de s'interposer la frêle Midoriko.

_ « Je vais me gêner, tiens ! rétorqua Yuki en écartant la blonde de son chemin et de pousser les portes. Sors de ton trou, Seguchi, espèce de sale pervers pédophile ! »

L'insulte du romancier trouva l'attention d'une vingtaine de paires d'yeux, organes oculaires appartenant à moitié moins de jeunes (et moins jeunes) cadres en costumes-cravates impeccables assis autour d'une longue table installée pour l'occasion. Le président était cette fois-ci réellement en réunion. C'était sans doute la raison pour laquelle la jeune idiote de secrétaire n'avait pas aussitôt contacté son patron, contrairement à la dernière fois où le blond était venu.

_ « Ah… Tu es vraiment en réunion… » remarqua l'écrivain, légèrement décontenancé.

_ « Effectivement, je suis en réunion, fit glacialement le président, contrarié de cette intrusion intempestive. Aussi je te prierai de bien vouloir quitter les lieux. Ma secrétaire va te raccompagner. »

_ « Je suis sincèrement désolé, Seguchi-sama ! s'excusa platement ladite employée en s'inclinant profondément, exposant son décolleté plongeant à l'assemblée qui rougit furieusement. Je n'ai pas pu l'empêcher de… »

_ « Taisez-vous, petite idiote ! tonna Seguchi. Et relevez la tête avant que ses messieurs ne se vident de leur sang dans mon bureau. »

En effet, certains hommes du groupe avaient discrètement porté un mouchoir à leur nez pour retenir le liquide rouge qui s'en échappait. La demoiselle se releva aussitôt, rouge de confusion, en dissimulant tant bien que mal ses attributs mammaires proéminents avec ses bras.

_ « Et maintenant, Kannô-san, ajouta l'ex-pianiste d'un ton plus calme, veuillez raccompagner mon visit… Ah, tiens, je constate que tu n'es pas venu seul, Eiri-san. Bonjour, Mika. »

_ « Ah… heu… Bonjour, T… Tôma… » balbutia son épouse qui avait un instant hésité à l'appeler « chéri ».

_ « Je vous verrai tous les deux un peu plus tard, trancha le président sans plus un regard pour sa femme. Kannô-san va vous montrer un endroit où vous pourrez m'attendre. »

_ « Attends une minute ! réagit aussitôt le romancier. Il n'est pas question d'attendre une seconde de plus. On va régler ça ici et maintenant. »

_ « Et moi, je t'informe que je n'ai pas de temps à t'accorder pour le moment, Eiri-san. Il serait temps que tu grandisses un peu, et que tu arrêtes tes caprices d'enfant gâté, rétorqua sèchement le musicien. Contrairement à toi qui peut s'accorder le loisir de flâner à longueur de journée entre deux pages d'un roman, j'ai un travail sérieux et une entreprise à faire tourner. »

_ « Où est Tatsuha, espèce de salopard ? » l'ignora totalement Yuki.

_ « Tatsuha ? Qu'est-ce qui te fait croire que je sais où il est ? »

_ « Il est venu ici il y a trois semaines, le lendemain de ce "fameux jour", si tu vois ce que je veux dire… » insinua l'écrivain, en jetant un œil vers le mur-bibliothèque qui, deux semaines auparavant, était escamoté et s'ouvrait sur une chambre à coucher et un lit deux places.

Le regard du président se fit incisif. Eiri faisait bien entendu référence au vendredi précédent la disparition supposée du jeune moine, jour où Seguchi avait agressé le romancier. Maintenant qu'il était ici en face de son beau-frère, Yuki ne pouvait plus se départir de ce pressentiment angoissant : malgré ses dix-huit ans, Tatsuha avait la même carrure que son frère aîné et lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, hormis la couleur de cheveux… Alors qui pouvait dire si, dans son obsession grandissante, Tôma n'aurait pas séquestré le cadet de la famille Uesugi en le substituant à Yuki ? Non, impossible… Seguchi n'aurait quand même été jusque là.

Pourtant, le jeune moine avait déjà réussi à se faire passer pour son frère aîné auprès de Shuichi, ainsi que lors d'une émission télé au côté de Bad Luck (cf volume du manga), alors cette explication aurait été tout à fait plausible. Mais dans ce cas-là, le président de N.G. était maintenant engagé dans une pente infernale de laquelle il allait sans doute être très difficile de le tirer. Tentative de viol, enlèvement et séquestration de mineur, chantage (il avait bien obligé son cousin Suguru à quitter N.G., ainsi qu'à se fiancer avec la directrice de XMR Japan)…

La liste de ce que Seguchi avait pu faire contre Shuichi et son entourage était sans doute longue, mais prouver toutes ses malversations devraient s'avérer compliqués, voire impossible. Mais pour l'instant, le tout était de l'empêcher autant que possible de nuire à son entourage dans ma monomanie destructrice. Shuichi était en relative sécurité, la situation de XMR s'était stabilisé, Bad luck sauvé. Un seul manquait désormais à l'appel : Tatsuha.

_ « Il me semble que Tatsuha-kun est votre frère, fit l'ex-pianiste à l'adresse de sa femme et de son beau-frère. C'est à vous de le surveiller et de savoir où il est. Moi j'ai bien autre chose à faire que de m'occuper d'un gamin irresponsable qui passe son temps en galante compagnie. »

_ « Tu confirmes bien que mon frère est venu ici le lendemain de ma visite, n'est-ce pas ? demanda l'écrivain. Comment expliques-tu alors que personne n'ait vu Tatsuha depuis ce jour précis ? »

_ « Je n'en ai absolument aucune idée, rétorqua sèchement le trentenaire. Tatsuha est effectivement venu, on a discuté un peu puis il est parti. Je l'ai fait raccompagné là où il le désirait par mon chauffeur personnel. Vous n'avez qu'à interroger l'intéressé, il vous dira où il a conduit votre frère. »

_ « Tu mens ! Je suis persuadé que tu sais parfaitement où il est ! Dis-nous ce que tu as fait de Tatsuha ! » s'emporta le romancier.

_ « Calme-toi, Eiri, » tenta de l'apaiser Mika.

Seguchi, qui était resté assis jusque là, se leva lentement puis vint rejoindre son beau-frère. La main du président vola brusquement sur la joue d'Eiri.

_ « Il me semble t'avoir déjà dit de grandir un peu, Eiri-san, le toisa glacialement l'ex-musicien. Venir faire un scandale ici alors que je suis en plein travail montre bien ton immaturité. Si nécessaire, je mettrai tous les moyens à ma disposition pour retrouver Tatsuha, mais pour l'instant, le moment est mal choisi. Alors maintenant, sortez tous les deux de ce bureau et attendez la fin de la réunion. »

_ « Je vais d'abord vérifier que mon frère n'est pas ici, fit le blond en guise de refus en se dirigeant vers la bibliothèque couvrant le mur gauche de la pièce. Comment ça s'ouvre ce truc ? » fit-il en cherchant un quelconque interrupteur.

_ « Le bureau, Eiri, intervint Mika. La commande d'ouverture est intégrée dans le bureau. »

Eiri se précipita vers le meuble et en quelques instants, il trouva le panneau caché et le bouton qui déclenchait l'ouverture de la pièce secondaire.

_ « Alors, fit sèchement Seguchi quand la bibliothèque laissa apparaître un lit vide. Content ? Tatsuha n'est pas ici, comme tu peux le constater. Et maintenant dehors. Et je ne vous conseille pas de revenir ici. Malgré toute l'affection que je vous porte, à toi et à Mika, vous n'êtes pas les bienvenus ici si c'est pour faire un esclandre. »

L'écrivain resta muet. Il devait admettre qu'il s'était un peu précipité, et que venir accuser le président d'enlèvement sans aucune preuve était stupide. Comme si l'illustre Seguchi Tôma allait se laisser intimider en lui montrant un peu les dents. Il fallait maintenant jouer la carte de la prudence.

_ « Je… Je suis désolé, lâcha le romancier en réprimant sa colère. Je suis inquiet pour mon frère, et comme tu es la dernière personne à l'avoir vu, je… »

Yuki se tût en serrant les poings. Une voix en lui criait que son beau-frère avait quelque chose à voir avec la disparition de Tatsuha. Malheureusement, il était impossible de le prouver.

_ « Viens, Mika, fit l'écrivain. On se casse. »

La jeune femme se laissa entraîner par son jeune frère, impuissante.

_ « Au fait, Mika, lança Tôma avant qu'ils ne quittent la pièce. Tu auras bientôt la visite de mon avocat. »

_ « Ton avocat ? Pour quelle raison ? » s'étonna son épouse.

_ « Pour le divorce, bien évidemment, ajouta le P.D.G, agacé du manque de compréhension de sa femme. Je n'ai pas besoin de t'en expliquer les raisons, je pense… »

Le ton du président s'était fait cassant, et son regard accusateur. Bouleversée, Mika porta la main à sa poitrine, puis à son ventre. Elle avait l'impression de suffoquer. Certes son ventre s'était un peu arrondi, mais des vêtements un peu amples suffisaient à la dissimuler. Tôma savait donc pour elle ? Pour ce qu'elle avait fait ? Pourquoi paraissait-il si en colère ? Pourtant, c'était lui qui l'avait délaissée en premier. Une telle déclaration publique, devant l'assemblée réunie, équivalait à une mise à mort.

_ « Ne t'avise plus de t'en prendre à ma famille, Seguchi… » grinça hargneusement le romancier, sortant la brune de ses réflexions.

_ « Ne t'inquiète pas, bientôt, je n'aurai plus rien à voir avec les Uesugi, » répliqua Tôma, menaçant.

_ « Ei… Eiri, s'interposa Mika, la voix tremblante de larmes. Partons, je t'en prie. »

_ « … Ok… » acquiesça son frère le regard toujours fiché dans celui de Seguchi.

Au moment où les portes du bureau se refermaient lourdement sur les pas des deux Uesugi, l'écrivain surprit un sourire cruel sur le visage du président. Les mots que ses lèvres esquissèrent silencieusement firent frémir le romancier : « Tu es à moi » . Eiri vit alors dans la main de son beau-frère un téléphone portable avec un sticker de Kumagoro. Celui de Tatsuha. C'était bien Tôma qui détenait le jeune moine. L'écrivain voulut se précipiter sur le président mais les vigiles qui venaient d'arriver l'en empêchèrent, se postant devant les portes pour prévenir toute nouvelle intrusion. Yuki ne put que se résigner à quitter les lieux, se laissant raccompagner avec sa sœur jusqu'à la sortie. En arrivant devant l'ascenseur, la jeune femme tomba à genoux, pâle comme un linge.

_ « Mika ! » s'exclama le blond en s'agenouillant aussitôt à côté d'elle pour la soutenir.

_ « Vous êtes prié de partir maintenant, » fit un des vigile d'un ton pressant.

_ « Vous ne voyez pas que ma sœur se sent mal, imbécile ? aboya Yuki. Apportez-lui plutôt un verre d'eau. »

_ « Heu… Je… » bredouilla le vigile, confus.

_ « Non, c'est bon… souffla la jeune femme d'une voix éteinte. Partons d'ici, je t'en supplie… »

Mika pleurait à présent à chaudes larmes. Eiri passa une main dans ses long cheveux d'ébène pour la réconforter, puis l'aida à se relever et la serra dans ses bras jusqu'à ce que l'ascenseur les dépose au rez-de-chaussée. Un vague sentiment de culpabilité l'envahissait lentement. Il était au centre de l'obsession de Seguchi et l'enchaînement de tous ces drames avait pour origine une seule et même personne : lui. S'ouvrir à l'amour de Shuichi avait été pour lui un bienfait, mais cela avait aussi entraîné un flot de désagréments qui remuaient l'écrivain plus qu'il ne l'aurait cru. Pourtant, même si ce bonheur avait sa part de douleur, Yuki voulait et allait le protéger contre le monstre qui le menaçait : Seguchi Tôma…

OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO

À SUIVRE …

AU PROCHAIN EPISODE : Le concert

(1) Alors j'ignore totalement comment on appelle ce genre d'instrument dans les hôpitaux mais j'ai déjà vu ça plusieurs dans les séries médicales comme « Urgences », « Dr House » et autres. Je sais pas trop si vous voyez ce que je veux dire, mais sinon, je trouverai une image ou je changerai un bout de l'histoire. = après recherches, on appelle ça un ballon de ventilation

(2) Eiri fait bien sûr référence à son viol quand il avait seize ans, sujet évoqué dans le manga plusieurs fois dans le manga, donc je ne pense pas avoir besoin de m'étendre sur le sujet.

Commentaires de fin : Voilà voilà, enfin un autre chapitre. Dans le prochain chapitre aura lieu le fameux concert de Shuichi, ainsi que plein d'autres choses. Et j'espère que celui qui suivra le chapitre 19 sera le dernier. Bientôt la fin des malheurs de ce pauvre Shu !!! Alors, à votre avis, fin heureuse ou non ? Hihihihi ! Comme si j'allais vous le dire. Ah ! Au fait, j'ai relu très rapidement avant de poster, alors s'il y a des incohérences ou des fautes, signalez-les moi, siouplaiiiiiit, merci d'avaaaance ! Gros bisous tout le monde !

Lexique :

Seme : le « dominant » dans un couple homosexuel, du verbe « semeru » = attaquer

Uke : le « dominé » dans le couple homosexuel, du verbe « ukeru » = recevoir, généralement plus petit et plus efféminé que le seme

Watashi no Tenshi : mon ange

Yaoi : genre apparu dans les années 70 au Japon, c'est un genre dérivé du shoujo manga (manga pour filles). Il dépeint les relations sentimentales et sexuelles entre 2 hommes.

- serait l'acronyme de « Yama nashi, Ochi nashi, Imi nashi » = « no climax, no point, no meaning » en anglais, ou en bon français = sans dénouement, sans utilité, sans sens » (en gros un PWP = Plot what plot)

- viendrait aussi de l'expression « YAmete Oshiri ga Itai » = littéralement « arrête j'ai mal au cul ». Les Japonais préfèrent d'ailleurs à cette expression un peu crue le terme « boy's love ». Personnellement, j'aime beaucoup la 2e définition, pas vous ? héhéhé…. Nyark nyark nyark…

- Le yaoi décrit une relation comportant des scènes sexuelles parfois trèèès explicites. Le « shonen-aï » en est une forme dérivé, mais ne comporte pas de scènes de sexe, juste un petit bisou par-ci par-là, mais surtout beaucoup d'amour.

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