Auteurs : Brisby & Anya

Disclaimer : Malgré tout ce qu'ils ont pu vivre avec nous, ils refusent obstinément de nous appartenir, allez savoir pourquoi !

Base: Gundam Wing.

Rating: Langage un peu cru par moments, petites tenues et ça chauffe vers la fin.

Genre : UA (monde plus ou moins médiéval), Angst, Yaoi, aventures, vampires.

Couples: Hé bien… L'aventure avançant (si, si !) certains personnages se rapprochent tout de même un peu… Ou pas XD Ca donne : 3+4, quant à un certain 1+2… 'Faut avoir l'œil ! Ah, et n'oublions pas le R+1 (ou R+les fesses de Heero, au choix).

Remarque : Mais non nous n'avons pas oublié cette histoire ! On espère que ce chapitre 12 vous plaira. Il est assez long encore, moins long que les derniers certes, mais… Enjoy ! :)


Once upon a bloody time…



Chapitre 12 : Sortez toujours couvert

La nuit touchait à sa fin. Il était près de quatre heures du matin et la majorité des prostitués était allée se coucher. Les serveurs finissaient de faire le ménage et s'en allaient peu à peu. Il n'y avait plus qu'un petit groupe assit au bar. Un petit groupe dont les quatre personnes au centre semblaient passablement éreintées.

_ « Alors ? Comment s'est passée votre soirée ? »

Trowa Barton. Mains « malencontreusement égarées » sur ses pectoraux : 19. Sur ses cuisses : 14. Et dans son dos : 24.

Wu Fei Chang. Billets glissés dans la poche arrière de son pantalon: 17. Sur le devant, directement dans son caleçon : 14.

Quatre. Propositions plus ou moins douteuses, dont régulièrement de venir jouer au « sugar boy » chez « papa » : 49.

Heero Yuy. Mains aux fesses : ...117.

Une série de regards dégoûtés, fatigués, pas encore blasés mais presque, outrés pour certain, complètement au bout du rouleau pour d'autres, répondirent à Réléna.

_ « Bon, tout va bien alors ! »

Elle leur fit un sourire radieux et ressortit tout joyeuse en fredonnant l'air d'une chanson inconnue. Ses nouveaux employés eurent l'air encore plus abattus qu'auparavant et l'ambiance morose qui régnait dans la salle s'en ressentit. Duo qui était assit avec eux adressa un petit sourire désolé à l'encontre du vampire qui lui jeta un regard désespéré. Quelques sièges plus loin, un ancien inspecteur de police s'agitait sur son siège en imitant la gérante :

_ « Tout va bien, alors !, minauda-t-il avant de poursuivre d'un air exaspéré, mais bien sûr que tout va bien, c'est d'ailleurs pour ça qu'on reste ici ! »

Le très respectable inspecteur de police Chang Wu Fei craquait. Il n'en pouvait déjà plus, de cette maison de dingue, avec cette folle à sa tête… Il se prit la tête entre les mains et commença à se lamenter à voix basse :

_ « Mais qu'est-ce que je fous ici…

_ Tu veux que je te refasse l'historique des dernières semaines ? »

Le policier ignora le ton agressif de Heero et continua à marmonner tout seul. Duo intervint :

_ « Pour Réléna, tout va bien tant que vous n'avez cassé un bras à personne et qu'aucun client ne s'est plaint, c'est aussi simple que ça. »

Une lueur d'espoir brilla dans les yeux de Wu Fei.

_ « Si je fais quelque chose d'incorrect je pourrais partir ?

_ Et t'irais te planquer où ? Tu te rappelles pourquoi on se trouve justement ici ? C'est la meilleure planque qu'on pouvait nous offrir. »

L'inspecteur se mordit les lèvres mais n'insista pas.

_ « Merci, Heero. »

Le chasseur de prime se leva brusquement de sa chaise et fixa Duo avec humeur.

_ « Je ne disais pas ça pour toi ou les autres… personnes qui travaillent ici. Je déteste autant que Wu Fei devoir être dans cette maison, mais on n'a pas d'autre solution, c'est tout. »

Les paroles froides et empreintes de colère du brun ne semblèrent pas toucher le châtain. Il se leva à son tour et se dirigea vers la porte de sortie.

_ « Je sais très bien ce que tu penses, Heero… »

Il se retourna vers le groupe au bar juste avant de passer le seuil, fixant plus précisément Heero :

_ « Bonne nuit… »

Dans le couloir de l'entrée, il retrouva Dorothy en grande conversation avec Réléna :

_ « Il a beau être un client régulier, son comportement avec les nouveaux n'est pas correct ! »

La gérante eut un soupir et se massa la nuque.

_ « Je sais que le Baron Vondjoivsky n'a aucun tact, mais c'est un vieux client et une personne respectueuse, Dorothy, je peux te l'assurer. »

Devant l'air peu convaincu de la blonde, elle répéta d'un ton plus ferme :

_ « J'ai vu ce qui s'est passé ce soir, et… Il est très maladroit, j'en suis consciente, mais ce n'est pas une mauvaise personne, crois-moi… Je lui en toucherai un mot, Dorothy, ça va s'arranger. »

La prostituée hocha la tête et se retourna, rencontrant alors le regard de Duo.

_ « Un problème avec un client ? S'informa ce dernier. »

Réléna ne répondit pas, mais la blonde agita sa main dans le vide et lui répondit d'un air las :

_ « Non, c'est réglé, Réléna s'en occupe. »

Elle dépassa Duo et alla fermer les longs rideaux en velours rouge qui tombaient sur le vieux parquet couleur caramel. Il ne faisait pas encore tout à fait jour, même si le ciel noir semblait commencer à délaisser son manteau foncé et que la lune brillait un peu moins qu'une heure plus tôt. Elle caressa le tissu carmin d'un air absent et murmura plus pour elle-même que pour Duo :

_ « J'ai tendance à oublier parfois que Réléna est les yeux et les oreilles de cette maison en plus de la faire tourner comme il faut. »

Duo pouffa alors que Dorothy finissait de fermer les deux rideaux de l'entrée. Puis elle ôta ses talons aiguilles pour soulager ses pieds et elle grimpa silencieusement les escaliers, disparaissant en haut en leur souhaitant une bonne nuit. Le châtain fixa sa gérante perdue dans ses pensées.

_ « Alors quoi, on a des doutes quant à sa clientèle, Réléna ? »

La jeune femme leva la tête, un sourire ironique aux lèvres.

_ « Je me méfie de tous les nouveaux venus qui entrent dans ma propriété et j'ai toujours défendu cette maison becs et ongles, même contre les habitués qui se permettraient un peu de trop de liberté suite à leur ancienneté. Mais je sais aussi à qui je peux réellement faire confiance, surtout que j'ai eu un entretien avec presque tous les clients qui passent la porte de ma maison, tu le sais, Duo.

_ Je le sais... C'est quoi le problème cette fois-ci ?

_ Le Baron Vondjoivsky. Il se comporte un peu étrangement ces dernières semaines. Il est un peu brutal avec les nouvelles. Il a toujours été très maladroit et il s'y prend assez mal avec les femmes. Mais je dois bien dire que lors de ses dernières visites, il a tout de même atteint un certain seuil…

_ Je t'avoue que je n'ai pas vraiment fait attention.

_ Moi, si. Et Dorothy, bien sûr… Si je suis la gérante ici, elle est sans aucun doute le chien de garde. »

Duo éclata de rire. L'idée lui plaisait énormément. Il se rapprocha de sa gérante et posa sa main gauche sur son épaule, serrant le tissu de sa robe dans un geste se voulant réconfortant.

_ « Allez, pense à autre chose pour le moment. Ca te dit un chocolat dans la cuisine pour bien finir la nuit ? »

La jeune femme lui adressa un sourire fatigué mais amusé.

_ « Je veux bien t'accompagner pour un chocolat. Mais je te préviens, je ne tiendrai pas longtemps, tu devras attendre le lever du jour sans moi. »

Duo sourit, fit une courbette, et lui présenta son bras. Elle rit et accepta son invitation. Tel un gentleman, Duo la mena jusqu'à la cuisine, refermant la porte derrière eux.

Au bar, cinq personnes avaient assisté de loin à la scène, la porte étant restée ouverte. Ils étaient bien plus intrigués qu'ils ne voulaient l'avouer… Finalement, ce fut Hilde qui dit tout haut ce que les trois chasseurs de prime et le policier pensaient.

_ « J'aime pas ce qui se passe dans cette maison et j'aime pas leurs histoires… Qu'est-ce qu'elle voulait dire par « attendre le lever du jour » ? Il peut pas se coucher maintenant comme tous les autres, lui ? Et puis qu'est-ce qu'elle entend par « entretien » avec chacun de ses clients ? Elle couche avec, elle aussi ? »

Wu Fei fit tourner lentement son verre, les glaçons se déplacèrent en créant un petit bruit cristallin.

_ « Je ne pense pas que Réléna fasse la même chose que ses employés. Elle est différente.

_ Ah ouais ? Elle est aussi atteinte qu'eux.

_ Je ne remets pas en question son état mental, je dis simplement qu'elle n'est pas une prostituée. Je l'ai croisée plusieurs fois tout au long de la soirée et il semblerait que la seule chose qu'elle vende, ce soit sa compagnie.

_ Qui voudrait payer pour passer du temps avec elle… »

Ils se mirent à rire à la remarque de Heero, même si Quatre protesta pour la forme en disant qu'il allait un peu loin. Wu Fei finit son verre et soupira.

_ « En tout cas, je vais me coucher parce que si on doit vivre la même chose les jours qui suivent, il va me falloir toute mon énergie. »

Trowa esquissa un sourire et dit :

_ « Oui, on le saura que s'il te manque du sommeil, t'es encore plus chiant qu'à l'ordinaire. »

L'ancien policier leva les yeux au ciel. Heero et Trowa se mirent à débattre d'un air laconique des sujets possibles de conversation entre Réléna et ses clients, caricaturant par moments le dialogue au maximum. Quatre les laissa faire, il n'y avait que ça qui semblait les détendre pour le moment et lui était bien trop crevé pour avoir envie de s'en mêler.

Wu Fei quitta la pièce en baillant et passa devant la porte fermée de la cuisine. De là où il était, il entendait le rire clair de leur gérante. L'ancien policier s'autorisa un sourire. Bah, après tout, cette femme était aussi un être humain. Elle avait beau être un peu barje, Wu Fei se demandait bien quel genre de personne elle était en privée.


La porte de la maison close s'ouvrit sur une belle jeune femme. Elle portait un long manteau rouge qui se refermait au [montait jusqu'au] cou ainsi que des bottes noires. Ses longs cheveux châtains étaient relevés en une queue de cheval. Elle fit un pas à l'extérieur et son manteau qui n'était fermé que jusqu'à la taille s'entrouvrit largement, laissant apparaître deux longues jambes ainsi qu'une minuscule jupe noire.

_ « C'est indiscutable Duo. Je suis plus sensuelle que toi et c'est tout. »

La jeune femme qui avait prononcé ces mots sortit à la suite de Réléna. Elle avait laissé ses cheveux blonds lâchés, comme à son habitude, et portait un long manteau noir fendu des deux côtés jusqu'en haut des cuisses. Le col ainsi que le bout des manches et l'extrémité du manteau étaient en fourrure rose fushia.

Juste derrière elle se trouvait un jeune homme aux longs cheveux châtains rassemblés en une tresse. Il portait un minuscule manteau orange foncé qui s'arrêtait à mi-dos, laissant voir la moitié de son sous-pull noir. Il portait également un pantalon de la même couleur coupé large mais ajusté comme il fallait sur ses hanches ainsi que des baskets en toile oranges également.

_ « Tu parles ! Quand les clients te voient arriver, ils sont persuadés que tu vas enfiler une combinaison en latex et sortir le fouet. »

Trois autres personnes les suivaient, l'air complètement blasés, beaucoup plus discrets au niveau du style vestimentaire.

_ « Bonne promenade ! »

Réléna et Dorothy se retournèrent en faisant un signe de la main à Hilde. Duo continua à marcher sans se retourner. Heero, Trowa et Wu Fei lui jetèrent eux un regard larmoyant, comme pour la supplier de trouver une excuse pour les faire rester eux aussi.

_ « C'est dans ces moments que vous vous posez des questions existentielles... Qu'est-ce qui est le pire entre rester pour nettoyer entièrement la maison et devoir faire les courses avec ces... »

Trowa et Heero se tournèrent vers Wu Fei qui regardait d'un air exaspéré Duo et Dorothy qui se disputaient déjà. Hilde avait été exemptée de corvée de courses parce qu'après avoir fait tous les parquets de la maison, tous ses muscles étaient courbaturés et elle était censée faire les vitres avant la fin de l'après-midi. Réléna, toujours aussi magnanime, lui avait accordé quelques heures de pause. Elle restait donc sur le palier à les regarder partir.

_ « Qu'est-ce que tu fais, Quatre ? Ils vont partir sans toi. »

Le blond restait à l'intérieur, encore plus pâle qu'à son habitude. Il fixait les pavés baignés de soleil à l'extérieur, les yeux grands ouverts.

_ « Il ne devrait y avoir aucun problème, non ?
_ C'est ce que Duo dit...

_ ...Tu ne lui fais pas confiance ?
_ Là question n'est pas là Hilde. Ca fait à peu près quatre cent ans que je n'ai pas été en contact avec les rayons du soleil... Comment veux-tu que je sorte comme si de rien n'était ?

_ Ca va, excuse-moi, j'essaye juste de t'aider. »

Quatre cligna des yeux et relevant la tête, il aperçut que Duo les fixait depuis la rue. Il soupira et maudit le mauvais caractère du châtain et le lien entre eux.

_ « Excuse-moi, Hilde. Je suis un peu angoissé, c'est pour ça... »

Quatre, grand vampire à la force et aux techniques surnaturelles de renommées, vieux de quatre siècles, aîné de tout ce groupe et sûrement personne la plus dangereuse de la ville... Avait été l'origine d'un fou rire chez les trois prostitués qui avaient couru un peu partout quelques heures auparavant. Réléna voulant faire des courses, elle avait réquisitionné ses quatre nouveaux serveurs pour qu'ils les accompagnent et portent ce qu'ils ramèneraient. Elle, Duo et Dorothy ne pouvaient sûrement pas tout porter et ils devaient faire attention à ne pas surmener leurs muscles, abîmer leur peau ou faire toute autre chose qui pourrait laisser des marques. Quatre n'avait pas pensé à mal, mais ce n'était pas comme s'il avait pu laisser passer ça. Il avait rit, il avait fanfaronné et avait déclaré qu'il passait son tour. Quatre était un vampire, et les vampires ne pouvaient pas sortir le jour. Il avait déclaré, un sourire railleur aux lèvres, que Duo, Dorothy ou même Réléna devraient mettre la main à la pâte et porter des choses. De toute manière ils pouvaient dire ce qu'ils voulaient, sortir reviendrait à mourir, et ce n'était sûrement pas le but de la patronne. Ca avait été là son erreur. De trop fanfaronner. De faire hausser très haut un sourcil à Duo alors qu'il souriait sarcastiquement. De faire apparaître le même genre de sourire sur les lèvres de Dorothy.

Réléna s'apprêtait à abandonner l'idée quand Duo avait fait remarquer qu'il suffisait que sa peau ne soit pas en contact avec la lumière du jour pour que tout aille bien. Quatre avait frissonné devant le sourire de Duo. Il avait bien essayé de protester : les vampires ne pouvaient pas sortir sous le soleil, ça les tuait. Duo avait souri encore plus largement. Oui, ça les tuait d'être en contact avec la lumière du jour, mais pour avoir connu de très nombreux vampires vivant en ville, Duo savait qu'il suffisait de faire en sorte qu'aucune parcelle de peau ne soit exposée aux rayons du soleil pour qu'ils puissent sortir sans aucun problème. C'était contraignant parce que ça nécessitait une surveillance constante ainsi qu'être habillé de la tête au pied, c'était contraignant parce qu'on ne pouvait faire aucun mouvement brusque qui écarterait les différents vêtements. C'était désagréable, car les vampires n'étaient pas habitués à voir les rues à la lumière du jour. Mais c'était possible. Et Quatre avait su que rien qu'à cause de son sourire un brin trop sarcastique, il n'y échapperait pas.

Avait suivi une séance d'habillage absolument extatique pour les trois prostitués sous la complète passivité du blond, à la fois blasé et dégoûté. Ils avaient mis du temps à se décider parmi la multitude de vêtements qu'ils avaient, à choisir leur thème comme ils disaient. Ils avaient choisi quelque chose qui les faisait à la fois rire et apportait une sécurité totale à Quatre. C'était Duo qui avait lancé l'idée. C'était Duo qui avait parlé de la façon dont s'habillait les gens sur le continent dont était issu sa famille. En réalité, il n'avait jamais vu les tenues en question, mais on lui en avait énormément parlé durant son enfance… Les coutumes vestimentaires du continent de l'ouest.

Quatre se retrouvait donc affublé d'une chemise aux tons terre avec par-dessus un petit gilet sans manches en vieux jean poussiéreux. Il portait un pantalon en cuir brut et usé, marron, limé sur les genoux, et très évasé au niveau des chevilles. Des bottes en cuirs pointues dépassaient sous les replis du pantalon. Elles avaient un petit talon en fer qui faisait résonner métalliquement les pas du vampire. Ses mains étaient enveloppées dans des gants de cuirs marron. Par-dessus, il portait un très long manteau en cuir si usé qu'on aurait pu le croire en daim. Il descendait jusqu'à ses chevilles, était fermé du col jusqu'à l'entrejambe et légèrement fendu à l'arrière. Et comme tout gâteau avait sa cerise, Quatre portait un large chapeau en cuir foncé cuit par le soleil. Il était enfoncé jusqu'aux oreilles et était si large que ses bords arrivaient juste au-dessus de ses épaules. En dernier accessoire, il avait des lunettes rondes aux verres fumés et un foulard marron foncé noué autour du cou qui remontait jusqu'à son menton pour protéger sa peau.

Quatre ne savait pas s'il devait haïr le prostitué ou tout simplement ses origines. Comment appelait-on ce continent, quatre siècles plus tôt, quand il l'étudiait avec ses précepteurs déjà... ? Ver West...

_ « Bon allez Quatre ! Fais pas ta fillette ! Dépêche toi ! »

Le vampire releva la tête pour fixer Duo qui l'attendait, planté au milieu de la rue. Il prit une profonde inspiration et fit deux pas, passant le seuil de la porte, se retrouvant exposé à la lumière du soleil. Ses muscles se tendirent et il se sentit nauséeux. Quatre porta la main à sa tête, prit d'un léger vertige, avant d'aller rejoindre Duo. Le châtain posa la main sur son épaule.

_ « Ca va ? »

Quatre releva lentement la tête, plus pâle que jamais.

_ « Ca fait quatre cents ans Duo... Tu croyais que ça allait être naturel pour moi ?
_ Tu vas t'y faire...
_ Ouais... C'est ça ou te tuer pour cette stupide idée...
_ Tu vas t'y faire je te dis. Il n'y a aucune raison pour que ça se passe mal. C'est juste que tu appréhendes.

_ Parce que toi tu serais parfaitement serein à ma place, bien sûr... »

Duo tapota le dos du vampire.

- « Ca va de soi. Allez, viens mon pote. Ou il y a un prince charmant qui va être tenté de venir te sauver. »

Il lui fit un clin d'œil.

- « J'ai pas peur de tes envies de me tuer, chouchou. Par contre celles de ton soupirant c'est autre chose.

- Duo ce n'est pas…

- Oui je sais, il n'est pas question de relation entre vous. C'est pas possible, vous êtes pas du même monde, bla bla bla…Bon relève la tête Juliette et montre lui que tout va bien, parce que si tu gardes cet air au bord du malaise, il va me décalquer. Et ça va pas être possible, je bosse moi. »

Quatre mit une claque sur le crâne du prostitué et s'écarta de lui. Il se mit à marcher d'un pas encore à peine assuré, ses nausées toujours bien présentes. Il leva les yeux vers Trowa qui le fixait et lui fit un petit signe de la tête, plissant les yeux à cause de la luminosité. Le brun lui emboîta le pas, se rapprochant de lui.

- « Ca va ?

- Oui c'est bon. Il faut juste le temps de s'habituer.

- Hm, hm…

- …

- …

- … Ca fait un peu bizarre mais c'est tout.

- Sûrement. Cela dit, ça fait aussi bizarre de te voir comme ça. »

Quatre observa son manteau en vieux cuir avant de pouffer, jetant un regard en coin au brun en souriant.

- « Ca, je veux bien te croire. »

Trowa le regardait avec un petit sourire. Duo passa à côté d'eux, dissimulant ce qu'il disait sous une toux.

- « Flirt… »

Quatre continuait de sourire mais ses yeux s'assombrissaient de rouge alors que son ton devenait froid.

- « Duo… Je sais que tu as du mal à comprendre le sens du mot « lâcher » mais face à un vampire, tu devrais vraiment l'apprendre. Et l'utiliser. »

Le châtain se contenta de hausser un sourcil, ironique, avant de les devancer pour aller rejoindre Réléna et Dorothy, arrêtées un peu plus loin.

- « Eh bien… Vous prenez votre temps… Dépêchez-vous, on a beaucoup de courses à faire.

- Oui chef. Au fait Rel, il faudra qu'on s'arrête acheter des bandeaux pour les mains. Mon stock est épuisé.

- Moi il faut que je me rachète des strings. J'ai déjà épuisé mon quota de la semaine. »

Wu Fei fronça un sourcil.

- « Comment pouvez-vous avoir des quotas et des stocks épuisés pour ce genre de choses ? »

Réléna le regarda avec un petit sourire supérieur, empli de fierté.

- « Mais parce que je n'engage que des prostitués excellents. Et que ce soit quand Duo attache des mains à son lit avec ses bandeaux, ou quand Dorothy met ses strings… Les clients finissent toujours par les arracher. »

Après un dernier sourire, les trois prostitués firent volte face et se mirent à marcher, Dorothy et Duo partant dans une conversation animée sur la lingerie et les lubrifiants.

Heero passa à côté de Wu Fei, les lèvres pincées.

- « Je vais finir par me demander sérieusement… Comment ils font pour être aussi énervants. »

Il soupira et allait se mettre à marcher quand il sentit quelque chose de froid sur son bras droit. Il se retourna immédiatement, plongeant la main vers l'intérieur de sa veste à la recherche d'un flingue qu'il ne trouva pas. Il resta figé à fixer la personne face à lui.

Sorti de nulle part, un petit grand-père aux cheveux grisonnants tombant jusqu'aux épaules en ondulant le fixait derrière de petits lorgnons ronds à verres bleus. Il avait une longue moustache grise doublée d'un bouc et portait une vieille blouse blanche. Une main métallique à trois doigts était tendue vers Heero. Il était replié sur lui-même et un petit rire le secouait.

- « Je te retrouve enfin, 01… »

Le brun fit un pas en arrière, le visage fermé et les muscles tendus. Le vieil homme tendit un peu plus sa main vers lui.

- « Viens, 01. Ensemble, nous ferons de grandes choses. Tu seras un soldat parfait. Mon soldat parfait. »

Heero pinça les lèvres, les sourcils froncés.

- « Bon sang mais où est-ce qu'il est passé ? »

Une porte s'ouvrit derrière le vieillard et un deuxième grand-père avec un brushing au volume impressionnant et un nez à faire pleurer Cyrano de Bergerac sortit prestement.

- « Ah ! J ! Mais qu'est-ce que tu fais encore ?! »

Il s'approcha du vieillard et posa la main sur son épaule, puis s'adressa au chasseur de prime :

- « Excuse-le, gamin, il est complètement sénile. Allez viens Joseph, on rentre. »

Réléna jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, fronçant un sourcil en les voyant à la traîne.

- « Mais dépêchez-vous, enfin. Je ne vous ai pas demandé de venir pour que vous soyez constamment derrière. »

Elle s'arrêta et se retourna complètement en voyant les deux grands-pères. Une voix nasillarde se fit alors entendre, de l'intérieur de la maison.

- « Non ! Laisse-moi passer, S ! Cette fois je vais lui dire ma façon de penser alors maintenant, Stanislas, lâche-moi !

- Sois raisonnable Hubert… Tu sais bien comment ça se finit à chaque fois… »

Un petit homme replet, à la moustache bien lisse et aux cheveux noirs sortit furibond de la maison. Ses poings étaient crispés et ses joues rouges. G l'accueillit d'un signe de main, un grand sourire aux lèvres.

- « Salut H. Tu as fini ta sieste ?

- Ferme-la Geoffroy ! »

Il jeta un regard courroucé à Réléna qui l'observait d'un air las.

- « Vous… ! Vous… !

- Que se passe-t-il encore, monsieur H ?

- Votre infâme maison et vos résidents m'empêchent de dormir depuis trois nuits maintenant ! C'est plus qu'un homme de mon âge ne peut supporter ! »

Réléna soupira.

- « C'est toujours la même histoire… Changez donc de pièce. Cela fait trois ans que vous me harcelez à ce sujet et je ne peux rien y faire.

- Vous pourriez tout simplement faire attention à la pollution sonore dont vous nous envahissez ! »

Le ton de la gérante se fit sec.

- « C'est une maison de passe, pas un couvent. Il s'agit d'un détail que je ne peux contrôler.

- Et bien vous avez plutôt intérêt à la contrôler car si ça se renouvelle, je n'hésiterais pas à appeler la police !

- Oh je vous en prie, ne prenez donc pas cette peine. Je vous les enverrai directement… Après leur passage quotidien chez moi.

- Vous… ! Vous… !

- Ca suffit, H. »

Un énième grand-père sortit de la petite maison. Il dépassait de plusieurs centimètres tous ceux autour de lui. Son crâne lisse, sa petite moustache noire et la carrure qui lui restait à son âge le rendaient imposant. Il posa une de ses grandes mains sur l'épaule du prénommé H.

- « Arrête avec cette histoire. Cela fait des années que ça dure, il serait temps d'être raisonnable. Elle était là avant nous. C'est nous qui n'avons pas été assez attentif quand nous avons acheté la base.

- Oswald, ne t'en mêle pas ! »

G, à côté de Heero, se mit à pouffer.

- « O a raison. Même s'il est lui aussi sénile. Je me demande où il voit une base dans cette bicoque. »

Le brun accorda un regard au grand-père dont les cheveux ne laissaient guère apercevoir que son nez et son sourire.

- « Viens 01. Tu seras mon soldat parfait et ensemble, nous… »

Wu Fei regardait d'un air hébété ce petit grand-père aux longs cheveux dont la main en acier venait d'attraper son épaule lui déblatérer son speech.

- « Mais tu as fini oui, J ! Et puis d'abord lâche ça ! »

G tira fortement sur la main en acier jusqu'à la faire sortir de la manche de J, laissant apercevoir, à son extrémité, une main parfaitement humaine qui la retenait. Ils se chamaillèrent un moment puis celui qui avait les petites lunettes de soleil finit par la lâcher en grognant. G soupira, lui jetant un regard réprobateur, avant de se mettre à se gratter le dos avec la main. Heero décida de ne leur accorder aucune attention, faisant rapidement un constat entre le peu de patience qui lui restait et le fait qu'ils n'avaient pas encore commencé la montagne de courses qu'ils avaient à faire. Il se demanda un instant s'il pouvait espérer s'enfuir maintenant sans que personne ne le remarque.

Il regardait distraitement autour de lui pour évaluer les chances qu'il avait quand il aperçut Duo, une vingtaine de mètres plus loin, qui regardait dans sa direction. Un ricanement saccadé se fit entendre à sa droite.

- « Oh oh… Le gamin est revenu… »

Il jeta un regard curieux au grand-père à côté de lui. G leva lentement les yeux vers le brun, un sourire sardonique aux lèvres. L'idée qu'il était lui aussi sénile traversa l'esprit de Heero. Mais cette lueur au fond de ses yeux noirs prouvait le contraire.

- « Tu devrais faire attention à lui, petit. Ne reste pas trop à ses côtés. Il va finir par t'arriver quelque chose. »

Ce ne fut que grâce à la façon dont le grand-père avait penché la tête que le brun put apercevoir une cicatrice qui traversait sa paupière pour descendre jusqu'à sa joue.

Heero se demanda s'il devait interpréter le silence en fin de phrase comme un « à toi aussi », avant de décider qu'il n'en avait rien à faire.

- « Ce gamin a pactisé avec la mort. »

Le sourire de G s'agrandit alors que Heero n'arrivait pas à se décider d'arrêter d'écouter. Oui il n'en avait rien à foutre, mais c'était la première fois qu'il entendait quelqu'un qui connaissait le prostitué parler de lui en mal. Et il ne pouvait s'empêcher d'être un peu curieux…

- « C'est une mort ambulante… Qui se promène tranquillement parmi nous. »

G laissa son regard dévier tranquillement vers le châtain.

- « Mais qui suis-je pour parler, hein Duo ? »

Il apparut clairement alors à Heero que celui que fixait le prostitué était sans conteste le grand-père à ses côtés. Il n'avait pas pu entendre ce que G avait dit, mais vu son regard, il n'avait pas trop de doute quand au ton de la conversation.

Le châtain sortit une main de ses poches, les doigts légèrement repliés. Il leva lentement le poing, pointant son majeur au ciel, en direction du grand-père. Amenant son doigt jusqu'à hauteur du visage, il tira longuement sa langue hors de sa bouche avant de lécher son majeur.

Il y avait un tel mélange de vulgarité, d'insulte et de violence dans l'attitude de Duo que Heero en resta interdit l'espace de quelques secondes. Puis un sourire railleur vint enfin étirer les lèvres du prostitué et il déposa un baiser sur le bout de son majeur. G répondit d'une geste de la main amical, un sourire de patriarche aux lèvres.

- « Rigole, Duo, rigole… En attendant, nous savons tous les deux que je vivrai plus longtemps que toi. »

Après un dernier signe de la main, le grand-père fit demi-tour, attrapant J avec la main en acier et disparut à l'intérieur de la maison. Wu Fei se rapprocha de Heero.

- « Ils ont l'air d'être une belle brochette de vieux séniles… Qu'est-ce qu'il te racontait ? »

Le brun haussa les épaules en toute réponse. Il observait d'un air détaché l'altercation entre Réléna et un autre grand-père.

- « Tu as remarqué ? Ils portent tous une blouse blanche. »

Heero acquiesça silencieusement.

- « Ca, c'est parce que ce ne sont que des vieux fossiles qui ne savent pas vivre avec leur temps. »

Wu Fei jeta un coup d'œil à Dorothy qui s'était approchée.

- « Tu les connais bien ?

- Non. Ce sont justes des voisins chiants. Mais je sais qu'ils ont été de grands savants et qu'ils ont inventé pleins de trucs pour l'Etat. Après, s'ils se sont fait piquer leurs brevets ou s'ils se sont eux-mêmes retirés, j'en sais rien. Tout ce que je sais c'est qu'aujourd'hui ils sont plus ou moins fauchés et qu'à part devenir de plus en plus séniles, ils font pas grand-chose de leur temps… «

Elle soupira de lassitude, plaçant ses poings sur ses hanches.

- « Bon. On décolle, oui ou non ? J'aimerais bien arriver au grand marché avant qu'il n'y ait plus rien. Je dois acheter une crème pour mes jambes et j'aimerais autant en trouver quand on arrivera. »

Réléna sembla elle aussi en avoir marre des geigneries de son voisin, car elle coupa court à la conversation et fit volte-face, allant rejoindre Duo. Les autres suivirent, se remettant en route. Les deux grands-pères restant disparurent à leur tour dans la maison, l'un continuant à grommeler.

Heero se demanda si le châtain se préoccupait de ce que G avait pu lui dire, mais celui-ci était en grande conversation avec Réléna et semblait ne pas en avoir grand-chose à faire. Il suivit alors d'une oreille distraite la conversation entre Trowa et Quatre. Le brun, après s'être enquit longuement de son état et après que le vampire ait fini par avouer à demi-mot que ça ne lui déplaisait pas tant que ça de pouvoir sortir, avait finit par demander timidement s'il se souvenait de sa dernière sortie en tant qu'humain. Avec un enthousiasme non feint, Quatre s'était alors mis à tout raconter à grand renfort de détails.

- « Il faisait beaucoup plus chaud sur mon continent d'origine et nous ne pouvions pas sortir aux heures de zénith, alors nous… »

Heero entendait sans vraiment écouter tandis qu'il essayait de faire rapidement le point sur leur situation et sur le temps qu'ils devraient passer ici. Les mains dans les poches, il fixait ses pieds d'un air absent, ses yeux revenant de temps à autres sur la natte qui s'agitait plusieurs mètres devant lui.

Duo éclata de rire, faisant lever le nez au brun. Il posa sa main sur l'épaule de Réléna, continuant à rigoler avant de s'arrêter et de se retourner en les fixant. Il attendit qu'ils soient à sa hauteur pour se remettre à marcher, s'insérant entre Heero et Quatre.

- « Alors ? Comment ça se passe cette grande première, Quatre ? »

Le vampire haussa un sourcil.

- « J'ai l'impression que mon sang est glacé. J'ai des sueurs froides. Et je crève de chaud sous cet attirail.

- Ca c'est pas une impression mon cœur, c'est juste que t'es un peu un mort-vivant quoi. Et puis quoi, on devait bien te couvrir pour éviter le moindre contact avec le soleil, non ? Surtout que ça ne te va pas si mal que ça, hein Heero ? »

Le brun accorda un regard au prostitué avant de hausser les épaules. Duo lui donna une tape dans le dos.

- « Hey 'ro, il a besoin d'être rassuré ton pote là. Tu peux sûrement faire mieux que ça. »

Heero haussa un sourcil avant de regarder Quatre.

- « Il a raison Quatre, c'est pas si mal que ça.

- Ah tu vois…

- Et puis relativise : il ne t'a pas si mal habillé… Quand tu vois comment lui, il s'habille. »

Le châtain eut un moment d'arrêt, avant de sourire à pleines dents.

- « Mais va te faire mettre ! »

Il posa une main sur son épaule, s'approchant de son oreille.

- « Fais gaffe, tu pourrais voir l'affaire des affreuses baskets jaunes ressortir. »

Heero répondit par un regard peu concerné. Le châtain ne retint ni son sourire ni son éclat de rire avant de les laisser pour aller rattraper Dorothy, plusieurs mètres devant eux.

Tu devrais faire attention à lui. Ne reste pas trop à ses côtés. Il va finir par t'arriver quelque chose.

Heero se demanda brièvement s'il n'en avait tout simplement rien à foutre de ce que ce vieux avait dit ou si c'était tout bonnement son esprit de contradiction.


- « Rapproche-toi un peu, Trowa… Encore… Plus ouvert, le sac… »

Trowa était un peu trop surpris par la scène à laquelle il assistait pour faire autre chose qu'obéir docilement aux directives de Dorothy.

- « Non, ouvre-le plus dans la largeur, ça ne rentrera jamais sinon. »

Ils venaient d'entrer dans un énorme marché couvert qui devait bien recouvrir un ou deux hectares de terrain. Une multitude de boutiques de diverses tailles se trouvaient un peu partout. Sitôt entrés, Duo et Dorothy s'étaient précipités dans un recoin du marché assez isolé, suivit plus tranquillement par Réléna. Le brun avait rapidement compris ce que pouvait vendre la boutique en voyant divers objets phalliques de tailles et formes différentes présentés en vitrine. Alors que les deux prostitués s'étaient rués au fond de la boutique, Réléna était restées sur le seuil, à côté de la caisse, adressant un sourire poli au gérant qui répondit en inclinant la tête. Tous les murs du magasin étaient recouverts d'étagèrent où s'entassaient divers produits. Sur des tables au centre se trouvaient diverses promotions. Réléna avait donné un sac à Trowa et l'avait envoyé aider les deux prostitués. Duo et Dorothy s'étaient arrêtés face à l'étagère tout au fond de la boutique et fixaient un rayon particulier, sourcils froncés, semblant en pleins calculs. Ils finirent par échanger un regard entendu et escaladèrent l'étagère en s'accrochant aux rayons, jusqu'à atteindre celui qu'ils observaient.

- « Vas-y, ouvre le un peu plus encore. »

Accrochés à l'étagère d'un bras, gardant l'autre libre, ils jaugeaient l'angle de chute, la distance avec le sac et son degré d'ouverture.

- « Bon ça devrait le faire. T'es prêt, Duo ?

- Yep. »

Ils ratissèrent le rayon avec leur bras libre, ramenant ce qu'il contenait vers son centre avant de tout faire tomber dans le sac. Trowa regarda d'un air hébété la multitude de paquets de préservatifs tomber dans son sac. Une fois le rayon entièrement vide, les deux prostitués lâchèrent l'étagère et sautèrent au sol. Ils ramassèrent les quelques paquets tombés à côté, les enfouissant également dans le sac, qui débordait presque. Duo regarda le monticule d'un air satisfait.

- « Bien, avec ça on devrait pouvoir tenir une petite dizaine de jours. »

Le brun ne put s'empêcher de hausser les sourcils. Dorothy passa une main sur son front, l'air ennuyé.

- « Oui enfin, tu tiendras peut-être dix jours mais j'espère que moi, ça me suffira pour la semaine… »

Trowa s'éloigna des deux prostitués d'un air las, les laissant se disputer. Ils restèrent une vingtaine de minutes encore dans le magasin, Duo et Dorothy furetant parmi les étalages, ajoutant dans un autre panier divers onguents, huiles, bougies, encens, quelques produits alimentaires pour le moins étranges, des rubans de satin et de velours… Ils s'arrêtèrent un long moment devant un fouet en cuir brun soldé avec lequel ils s'amusèrent, le faisant claquer dans la boutique, avant de se disputer pour savoir qui l'aurait. Réléna finit par couper court à la dispute, déclarant qu'ils partageraient le fouet, leur rappelant qu'ils avaient une multitude d'autres boutiques à visiter.


_ « Y'a quoi d'autre sur la liste en dehors des… Préservatifs ? » Demanda Trowa en voulant sortir de sa tête l'image qu'il venait d'avoir et dont il se serait bien passé. Surtout Duo et Dorothy faisant des démonstrations de leur maniement du fouet, en fait.

Réléna sortit plusieurs bouts de papiers qu'il identifia comme une série de listes de sa poche et parcouru d'un air sérieux ce qui était écrit.

_ « J'aurais besoin de trois nouveaux draps pour un grand lit. Duo, tu t'en occupes ?

_ Sans problème… »

Elle tendit quelques billets au châtain et se tourna alors vers sa proie favorite :

_ « Heero ? »

Sa voix se fit un peu plus douce et elle s'approcha assez près du chasseur de prime qui lui ne semblait pas voir ce rapprochement d'un bon oeil, un sourire charmant sur ses jolies lèvres roses :

_ « Ca te dérangerait d'aller chercher de quoi manger ? »

Elle lui détailla les aliments de régime cités et même si Heero grimaça tout au long de l'énumération, il prit le papier qu'elle lui tendait sans faire de remarque et fit demi-tour, partant en direction d'un magasin d'alimentation vu quelques instants plus tôt pour trouver les produits. Il marchait à la manière d'un automate, tous ses membres semblaient être tendus sous son manteau. Mais il obéissait sans broncher. Duo doutait que ce soit par envie de rendre service. En réalité, il se demandait si le brun ne fuyait pas tout simplement Réléna.

L'idée qu'elle l'effraie l'amusait énormément.

Bon, il fallait avouer qu'elle lui faisait un rentre-dedans monstre et vu les réactions du brun envers le monde des prostitués, Duo commençait à se demander s'il ne craignait pas plus l'être humain et en particulier tous ceux qui étaient un peu hors norme que les vampires… !

_ « Ah, Duo ! Roses les draps, roses ! »

Duo leva un sourcil. La gérante écarquilla les yeux, semblant se rappeler brusquement d'un détail.

_ « Oh… Pardon, Duo. Hm… Quatre, tu l'accompagnes ? Rejoignez-nous à la boutique des produits de beauté au bout de la rue quand vous aurez fini. »

Elle fit volte-face, suivie de près par Dorothy, embarquant en même temps Trowa et Wu Fei par le bras. Les deux hommes, pris de court, n'eurent d'autre choix que de la suivre, non sans jeter un regard un peu inquiet au prostitué et au vampire.

_ « … Elle est toujours comme ça ?

_ Ouais, bienvenue dans mon monde… Réléna est passée maître dans le jeu de la charmante jeune femme à la poignée de fer cachée derrière son sourire ultra-brite et ses tenues rose bébé.

_ Un sacré tempérament...

_ Et encore, tu n'as pas tout vu, crois-moi. »

Quatre eut un sourire compatissant en sentant l'air blasé du châtain.

_ « Au fait, pourquoi je dois absolument t'accompagner ? »

Duo eut un petit sourire mystérieux. Il tourna les talons en faisant signe de la main au vampire de le suivre. Ils marchèrent encore quelques mètres puis prirent une ruelle étroite sur leur gauche. Les boutiques semblaient serrées les unes contres les autres, et les enseignes miteuses rivalisaient de pauvreté. Ils arrivèrent finalement dans une petite boutique où se trouvaient suspendus de nombreux tissus, aussi bien aux motifs imprimés que simplement de couleurs unies. La pièce, toute en longueur, possédait un plafond immense, et Quatre se demanda comment les propriétaires du magasin faisaient pour y accrocher leurs tissus. Il y avait aussi des rouleaux de tissus encastrés dans le mur par endroits ainsi que quelques étagères. Un peu ébloui par ce festival de couleurs vives, Quatre suivit Duo sans rien dire, attendant de comprendre ce que le prostitué semblait vouloir lui montrer. Ils arrivèrent face à une étagère emplie de draps posés les uns sur les autres, et enfin, Duo reprit la parole :

_ « Maintenant, j'ai besoin de ton aide, Quatre.

_ … Pour quoi précisément ?

_ Je n'arrive pas à distinguer certaines couleurs, dont le rose.

_ … Tu es… Daltonien ?

_ Plus ou moins… Je n'ai pas de problème particulier avec le rouge mais il y a certaines couleurs que je ne distingue pas. Le rose entre autre. Ou alors je les regroupe. Par exemple, je ne perçois pas de différence entre le violet et le bleu. Enfin c'est un peu compliqué…

- Oui. C'est bizarre.

- Je sais. Mais je suis né comme ça, donc j'ai fini par m'y faire. »

Quatre acquiesça, ne sachant pas trop quoi dire tant il était surprit. Il sortit trois draps de la couleur demandée et suivit le châtain jusqu'à la caisse où une petite vieille peu aimable s'occupa d'eux.

_ « Tu es né comme ça ? C'est de famille ?

_ Si on veut… On va dire que ma famille traîne quelques traits de caractère dont je me passerais bien, si tu vois ce que je veux dire.

_ Et t'en as d'autres, des « traits de caractère » dans ce genre ? »

Duo éclata de rire.

_ « Quoi ? T'insinue que ma famille a quelques problèmes pas nets ? »

Quatre fronça des sourcils.

_ « C'est pas ce que j'ai dit, Duo.

_ Dommage, tu serais pas tombé loin. »

Le vampire sentit au ton tranchant de Duo que la discussion était close. Il ne savait pas vraiment comment interpréter ses paroles et n'était pas sûr de vouloir le savoir pour l'instant. Il se rendit compte que malgré le lien étrange qui s'était créé entre eux et le fait qu'ils vivent dans la même maison, il n'en apprenait pas forcément plus sur le jeune homme. Il avait le sentiment qu'il n'était pas au bout de ses surprises et que Duo cachait encore de nombreux secrets derrière son assurance et son attitude provocatrice. Le châtain semblait penser à autre chose qu'une simple « hérédité » et Quatre n'osa pas le questionner plus. Duo semblait ne pas vouloir aller plus loin dans ses explications.

Mais sa curiosité avait été piquée au vif. Et Quatre avait bien l'intention de lui en reparler plus tard. Après tout, il lui avait confié des choses très personnelles… Duo n'allait sûrement pas s'en tirer comme ça, oh que non.


_ « Wu Fei ?

_ Mh ? »

L'inspecteur de police semblait accaparé par sa recherche du « démaquillant senteur roses pour peaux très sensibles », un peu perdu toutefois dans la rangée de flacons. Trowa interpella à nouveau son ami qui ne semblait pas trouver le produit demandé par Réléna.

_ « J'y comprend vraiment rien à ces produits…

_ J'ai une course à faire aussi, je dois te laisser un instant, Wu Fei.

_ Mh… Ouais, c'est ça… HEIN ? »

Le chasseur de prime leva un court instant les yeux au ciel – enfin, il avait son attention !

_ « Non, mais tu peux pas me laisser seul avec elles ! »

Trowa leva un sourcil.

_ « T'as peur d'elles ?

_ Non mais c'est pas la question, c'est juste qu'elles me demandent plein de produits et que je m'y retrouve pas, j'ai pas l'habitude d'acheter ces… ces… Ca, quoi ! » Fit-il en désignant la rangée de flacons. Une femme au bout de la rangée lui jeta un regard méprisant.

Le chasseur de prime eut envie de sourire mais se retint de faire un commentaire.

_ « On n'a pas besoin d'être deux pour chercher un produit. »

Et devant l'air désespéré du policier, il lui tapota l'épaule, ajoutant :

_ « Bon courage, inspecteur… »

Il le planta au beau milieu du rayon et partit, ignorant les protestations qui s'élevaient dans son dos. Il sortit de la boutique puis continua de marcher jusqu'à la grande porte du marché couvert qui se trouvait à gauche de la Marktplein – la place centrale, le cœur de la ville.

Il aurait pu dire à Wu Fei qu'il n'en n'avait pas pour très longtemps, mais il aimait bien faire cogiter son ami. Et puis il n'avait pas à se justifier de toute manière…

Il entra dans ce qui ressemblait à un immense hangar, regarda autour de lui, puis vit ce qu'il cherchait. Il arriva en face d'un stand qui vendait exclusivement de la viande et attendit juste derrière la vieille femme qui occupait le boucher avec sa demande de « morceaux de steak bien tendres ». Quand vint enfin son tour, le boucher sembla très surprit par sa demande.

_ « Vous ne voulez pas un bon morceau de viande plutôt ? »

Le regard intransigeant de son client ne souffrait pourtant aucun commentaire, mais le commerçant essaya tout de même de lui vendre d'autres « morceaux choisis ». Le regard du chasseur de prime se fit plus alors dur.

_ « Je n'ai besoin de rien d'autre, merci. Je suis pressé, par contre. »

Le boucher n'insista pas plus, tout de même un peu vexé que le client soit aussi obtus à ce qu'il considérait comme de bonnes affaires et surtout… Quelle idée de demander ce genre de produit ! Il lui fit son paquet, prit sa monnaie, un peu renfrogné, et marmonna un bref « au revoir » à l'homme qui repartit aussitôt. Il secoua la tête. Les gens avaient des demandes étranges ces derniers temps…

Le chasseur de prime de son côté partit retrouver son collègue et les deux femmes. Il entra à nouveau dans le magasin de produits de beauté et les retrouva en pleine discussion au rayon « bien-être ». Quand Wu Fei l'aperçu, il paru très soulagé et Trowa se demanda bien ce qu'il s'était encore passé. Ces derniers jours, leurs « aventures » devenaient de plus en plus rocambolesques, mais pas vraiment dans le genre qu'ils connaissaient jusqu'alors...

_ « Pourquoi le bain mousse à la myrtille ? L'odeur est beaucoup trop forte, Lena !

_ La plupart des filles ne s'en plaignent pas à ce que je sache ! Et puis le dernier qu'on a essayé, à la pêche je crois, ça c'était vraiment trop fort !

_ Ouais mais là tu prends un exemple extrême, aussi… En tout cas la myrtille, j'en peux plus !

_ Et bien tu t'achèteras ton propre bain mousse, Dorothy ! »

La grande blonde soupira profondément mais n'insista pas. Elle se tourna alors vers Wu Fei qui se tenait d'un air crispé au milieu des deux blondes :

_ « Et ce démaquillant, alors ? »

L'inspecteur de police n'apprécia pas le moins du monde son ton dédaigneux et leva un sourcil. La femme ne se démonta pas pour autant et attendit calmement, posant même ses poings sur ses hanches. Trowa commença à s'impatienter alors que Réléna suivait la scène avec beaucoup d'intérêt. Au bout d'une longue minute, Dorothy sourit et posa sa main sur l'épaule de Wu Fei :

_ « Bon, au moins on n'est pas entouré de dégonflés, ici ! On va peut-être en tirer quelque chose, Réléna ! »

La gérante se mit à rire alors que les yeux de Wu Fei s'étrécissaient peu à peu. Trowa sentit la tension monter chez son collègue et se prit à souhaiter très fort que quelque chose arrive pour éviter une dispute en plein lieu public.

_ « Je doute qu'on tire quoi que ce soit de bien chez vous, par contre… »

Wu Fei mit le démaquillant demandé dans les mains de Dorothy et s'apprêtait à quitter le rayon quand une voix retentit dans son dos :

_ « On n'a pas le sens de l'humour chez les flics ? »

Le policier se retourna brutalement vers Réléna et lui lança d'une voix glaciale :

_ « Si, il est même très développé. Mais vous deux et moi n'avons pas la même conception de l'humour, j'imagine.

_ Ou alors le nôtre est trop complexe pour ton cerveau bien pensant.

_ Eh bien, j'attends de voir ça…

_ Oh tu ne seras pas déçu… Et puis avec ta susceptibilité, nous aurons de quoi faire rire un très large public.

_ Susceptible ? Moi ?

_ Oui, toi. A qui d'autre veux-tu que je m'adresse ? »

Duo et Quatre revinrent au moment où Réléna et Wu Fei étaient en plein échange de regards hostiles. Ils observèrent la scène d'un air désabusé et rejoignirent Trowa.

_ « Qu'est-ce qui se passe encore ? Demanda le châtain.

_ Réléna et Wu Fei apprennent à… s'apprécier. »

Quatre eut un léger sourire et non loin d'eux, Dorothy qui avait attrapé la remarque au vol rit franchement. Trowa se pencha alors vers le vampire et lui murmura quelques mots, lui tendant discrètement un paquet emmailloté dans un sac en plastique. Le blond ne réagit d'abord pas tout de suite, clignant des yeux aux mots de Trowa. Duo qui suivait la scène du coin de l'œil vit les lèvres de Quatre murmurer un « merci » inaudible.

Réléna et Dorothy finirent par se diriger vers la caisse, laissant les hommes se retrouver à l'extérieur où Heero se trouvait déjà, attendant en retrait de la foule.

_ « Tiens, Heero… Tu as rempli ta « mission » sans encombres ? »

Le chasseur de prime lui jeta un regard noir.

_ « Tu le vois, le sac plein dans mes mains, non ?

_ Mais… Mais oui ! Bravo, Heero !! Tu fais de sacrés progrès, dis donc ! »

Heero roula des yeux mais ne semblait pas aussi énervé qu'il voulait en donner l'air.

_ « Ca t'as donné faim ?

_ Parce que t'appelles ça de la nourriture ?

_ Oh la la, quel difficile tu fais… Tu sais, avec l'habitude -

_ Les tiennes peut-être, mais moi j'ai besoin d'aliments mangeables.

_ Il est certain que se nourrir uniquement de haricots, à n'importe quelle heure ou sur le pouce dans un van pourri, c'est plus sain.

_ C'est dingue… Je vais finir par croire que tu aimes me chercher, Duo. »

Le châtain leva un sourcil et lui fit un grand sourire sarcastique.

_ Hum. Trowa et Wu Fei, ça a été sinon ? »

Le policier répondit à Quatre, appréciant son effort pour cesser ces conversations sans queue ni tête qui se suivaient depuis leur entrée au marché. C'était de plus en plus tendu entre depuis leur arrivée dans cette maison de fous. Alors certes, ils n'avaient pas trop le choix, mais on ne leur facilitait pas la vie non plus, fallait bien le dire !

Les deux femmes les rejoignirent peu de temps après, elles s'empressèrent de leur tendre leurs sacs remplis. Enfin, ils prirent lentement le chemin du retour. Duo en profita pour se rapprocher de Quatre et il lui glissa à l'oreille :

_ « Trowa a changé de comportement avec toi, on dirait… »

Le blond lui fit un léger sourire.

_ « J'en reviens pas qu'il m'ait acheté ça…

_ C'est quoi exactement ? »

Le vampire leva un instant les yeux vers Duo et se lécha les lèvres malgré lui.

_ « C'est un cœur de veau…

_ Romantico-trash à souhait… »

Malgré ses sarcasmes, Duo ne put empêcher un sourire de fleurir sur ses lèvres. Bon. Marlaguette avait compris le message lui semblait-il… Son regard rencontra celui de Trowa à sa gauche et il lui fit un sourire, peut-être un brin sardonique, mais qui en disait long sur ses pensées.

Le brun détourna le regard sans faire le moindre commentaire. Duo se retint pour ne pas rire.

_ « Vous en avez profité pour faire d'autres achats ? », demanda Réléna en s'adressant à Heero.

Le brun se tendit et répondit un simple « non » avant de presser le pas et de partir devant, au grand bonheur de la jeune femme. Il dû sentir son regard sur son postérieur car il finit par marcher tout devant, devant même Dorothy qui constituait jusque là à elle seule le peloton de tête.

Duo se mit à rire – les « fuites » de Heero l'amusaient de plus en plus. Il posa la main sur l'épaule de Quatre.

- « Je reviens. Je vais embêter Heero. »

Le vampire soupira.

- « Ne viens pas te plaindre après… »

Le châtain accéléra le pas pour se retrouver peu à peu au niveau du chasseur de prime. Il avança sans rien dire, les mains dans les poches et la tête baissée, cachant son sourire. Le brun resta silencieux un moment avant de froncer les sourcils dans un tic d'agacement.

- « Va te faire foutre, Duo.

- J'ai rien dit !

- Va te faire foutre. »

Duo releva la tête, un sourire encore plus grand aux lèvres.

- « Ouais… Mais par qui ? »

Le brun roula des yeux.


Le retour à la maison close fut aussi chaotique que l'avaient été les courses. Dorothy partit en courant vers sa chambre, plusieurs sacs aux mains, pressée d'essayer ses nouveaux produits. Réléna eut un peu plus de retenue mais il ne faisait aucun doute que sa prétendue douche ressemblerait plus à une séance de réessayage de tous les vêtements qu'elle avait achetés. Quatre se retira plus discrètement, les mains serrées sur son futur repas. Trowa alla s'allonger dans sa chambre. Wu Fei parla de s'aérer la tête et de s'éloigner de « tous ces cinglées ». Heero, lui, parcourut les pièces du rez-de-chaussée à la recherche de Hilde.

- « Arrête de me suivre.

- Arrête d'être parano. On va juste dans la même direction. »

Heero soupira mais ne fit pas plus de commentaire au prostitué. Et effectivement, arrivé au salon, Duo se dirigea vers la partie réservée aux employés tandis que Heero, apercevant la brunette sur un canapé, sillonna entre les tables. La jeune fille était recroquevillée dans un coin d'un grand canapé en cuir, profondément endormie. Le brun la regarda dormir avec, au fond des yeux, quelque chose qui ressemblait à de la tendresse. Il s'assit sur la table basse en face d'elle et l'observa. Il hésita à utiliser la nappe sur laquelle il était assis comme d'une couverture en la déposant sur ses épaules au cas où elle aurait froid avant de se raviser. Si jamais le mouvement la réveillait, il ne saurait pas quoi lui répondre. Leurs relations étaient déjà suffisamment compliquées comme ça. Elle n'avait sûrement pas besoin de croire voir de l'ambiguïté dans son comportement. Ils avaient eu cette discussion trop souvent déjà.

Il avait grandi en ayant l'habitude de voir dans ses yeux de fillette des regards d'amoureuse éperdue et ça l'avait toujours beaucoup touché. Il avait toujours eu une grande tendresse pour elle. Mais il avait fini par comprendre que la tendresse ne suffisait pas. Et les fiançailles avaient été rompues.

Puis il avait quitté la police. Il avait changé. Et elle était restée une intouchable fillette à ses yeux. Trop pure et trop entière pour avoir quelque chose à voir avec un chasseur de prime.

Il l'idéalisait certainement, mais il n'arrivait pas à s'en empêcher. Et il ne voulait pas la mêler au monde dans lequel il se trouvait maintenant. Bien sûr, c'était sans compter sur son caractère à elle… Mais il arrivait réussi à limiter leurs rencontres, ces dernières années. Jusqu'à maintenant…

- « Et sinon, vous comptez remettre les fiançailles pour quand ? »

Heero sursauta et fusilla Duo du regard. Celui-ci buvait ce qui devait être du lait, les observant, appuyé au bar. Le brun se leva brusquement et entraîna le prostitué dans le salon des employés.

- « Tu fermes ta gueule. Elle bosse comme une dingue depuis qu'elle est ici et tu le sais. Alors tu fermes ta gueule et tu la laisses dormir.

- Oh c'est bon, du calme, je vais la laisser roupiller, ta fiancée.

- Tu… Putain… La ferme. »

Le brun s'accouda au plan de travail, se pinçant la base du nez. Duo soupira de lassitude et se servit un autre verre de lait, posant la bouteille à côté du chasseur de prime. Heero haussa un sourcil en regardant la bouteille. Duo remarqua son regard.

- « …

- …

- …

- Oh ça va. Je dois boire toute la nuit avec mes clients, je vais pas me mettre à boire la journée aussi. Et puis j'aime bien le lait. Ca me fait dormir. Je pourrais peut-être espérer faire une sieste avant de commencer ma nuit.

- Je n'ai rien dit… »

Le brun roula des yeux, agacé, avant de fixer à nouveau la bouteille. Il aperçut alors une petite étiquette collée dessus. « Propriété de Doth'. Touchez-y et je vous égorge ». Il soupira.

- « Quoi ? »

Il pointa l'étiquette.

- « Oh, c'est pas grave ça. »

Heero haussa les sourcils.

- « C'est quoi ce regard ? On s'est toujours arrangé avec le lait, elle et moi. C'est mon amie, ça la gêne pas que je lui en prenne.

- Quelle toute-puissance…

- … Tu sais Heero, ça va peut-être t'étonner, mais j'ai des amis. J'irais même jusqu'à dire qu'en général, les gens qui me connaissent m'apprécient.

- Oui, preuve en est ton voisin. »

Le brun se demanda un moment s'il devait regretter d'avoir laisser échapper ça, avant de décider qu'il n'allait pas plus se prendre la tête au sujet du prostitué.

- « Oh, oui mais G c'est spécial. Il a jamais réussi à décider s'il devait me pourrir la vie ou être une figure paternelle. Du coup il oscille toujours entre les deux. On finit par s'y faire. »

La désinvolture du châtain étonna un peu Heero.

- « Quoi ? Ca t'a perturbé ce qu'il t'a dit ?

- Comment tu peux être sûr de ce qu'il m'a dit ?

- Oh ça devait être comme d'habitude. Je suis peu recommandable et il vaut mieux s'éloigner de moi, tout ça, tout ça… Enfin, rien que tu ne saches pas déjà, quoi… »

Le chasseur hésita à apporter plus de détails quant à ce qui avait été dit, puis il se ravisa, n'en ayant foncièrement rien à foutre des paroles du grand-père. Il avait d'autres chats à fouetter.

Ca faisait déjà une semaine qu'ils étaient ici et à part se remettre de leurs blessures, ils n'avaient pas fait grand-chose. Ils pouvaient profiter encore un peu de la planque mais il n'allait pas falloir rester statique trop longtemps. Il faudrait qu'il trouve un moyen de se procurer des armes. Et puis retrouver un van, à défaut de retrouver le leur. Il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir un pincement au cœur à cette idée mais il allait bien falloir qu'il en prenne un autre.

Et une fois armés… Qu'allaient-t-ils pouvoir faire contre ces vampires… Les attaquer ? C'était une idée mais il faudrait frapper au bon endroit étant donné leur nombre. La police, il ne valait mieux ne plus compter sur elle, ce qui réduisait considérablement leur effectif… Et puis il leur faudrait un plan d'attaque… Il allait falloir qu'il commence à en parler à Quatre d'ici quelques jours…

- « Heero ? Hé ho ? Base à Heero, vous nous recevez ? Ho, Heero ? »

Le brun cligna des yeux, reprenant contact avec la réalité. La maison close, la cuisine, Duo, la main sur son épaule, le visage penché à côté du sien si près qu'il pouvait sentir les mèches de cheveux s'échappant de sa frange. Le léger chatouillement. Le frisson. Le problème.

Heero sursauta et recula vivement, repoussant le châtain d'un coup de coude. La douleur fit lâcher la bouteille de lait à Duo et elle vint s'écraser au sol. Le châtain eut d'abord un regard hébété puis il fronça les sourcils et se regard se fit plus froid. Il contourna la flaque de lait et les morceaux de verre.

- « Putain… Soyez sympa avec les gens… »

Il écarta les bras, s'approchant du chasseur de prime une dernière fois.

- « Nan mais t'as raison hein. Déjà je suis prostitué, mais peut-être qu'en plus je mange les gens. Garde une distance de sécurité, hein. Fait chier… »

Duo sortit de la cuisine en claquant la porte. Heero ferma les yeux, soupirant profondément. Il observa un long moment la flaque de lait sans oser bouger. Il finit par se baisser et ramassa lentement les morceaux de verre.


Duo avança d'un pas assuré dans le salon. Il observa avec attention les clients, ne se gênant pas pour s'attarder sur certains en leur lançant un regard charmeur. En réalité, il n'avait même pas spécialement besoin d'attirer volontairement l'attention, les regards se tournaient presque tous vers lui à son passage. Visiblement, son costume était un succès. Eh ouais, on avait la classe ou pas, hé hé…

De loin, il vit Wu Fei servir deux clients d'un air renfrogné et extrêmement mal à l'aise, alors que Trowa et Heero semblaient sur le point de partir en courant à chaque fois qu'un prostitué passait à côté d'eux. Duo aurait bien eu envie rire de tout son saoul, mais bon, c'était pas vraiment le moment. Mais ça le faisait quand même énormément rire de voir ces chasseurs de primes plus effrayés par des prostitués que des vampires et autres criminels.

Bah, chacun son métier après tout…

Une main gantée noire se posa alors sur son épaule et il vit une magnifique blonde au regard perçant lui lancer un grand sourire. Elle portait un bustier rouge sang cintrée à la taille et nouée par un ruban de velours noir dans le bas du dos. Le nœud était lourd et tombait avec élégance. Son généreux décolletée attirait les regards, et son pantalon de satin noir moulait sans complexe ses fesses rondes en retombant élégamment sur ses bottines à bout rond laquées rouges. Elle mit ses mains sur ses hanches, laissant le temps aux invités d'admirer sa tenue extravagante. Ceux qui préféraient s'attarder sur son visage semblaient hypnotisés par le masque rouge et or qu'elle portait et qui faisait ressortir ses grands yeux bleus entourés de khôl noir. Ses sourcils étaient aussi longs que d'habitude et Duo aurait pu jurer qu'elle les avait brossés avec soin pour les rendre encore plus voyants. Le masque sur son visage donnait un effet à la fois très étrange et indéniablement sexy. Sa bouche aussi rouge que le sang contrastait avec son teint naturellement pâle, lui donnant définitivement quelque chose de tentateur… Pour une fois, elle avait ramené ses cheveux en un haut chignon et une grosse fleur en dentelle noire retenait le tout, avec quelques plumes de la même couleur qui lui donnaient un air baroque.

Rien à dire. C'était du Dorothy tout craché : provocateur, un peu barje, sexy à mourir. Bon sur toute la ligne, quoi. Cependant… Elle ne lui volerait pas la vedette, pas aujourd'hui en tout cas… Il lui rendit son sourire et se caressa la gorge d'un air blasé mais bien trop suggestif pour bien des clients qui se tournèrent vers lui avec intérêt. Une fine chaîne d'argent brilla à son poignet. Une des branches du bracelet descendait sur quelques centimètres en dessous de la fermeture, faisant tinter trois petites billes d'onyx qui gravitaient autour d'une améthyste à peine taillée.

Dans son mouvement, il attrapa sa natte et la fit tomber sur son épaule. Plus sophistiquée que celle qu'il se faisait d'ordinaire, elle se composait de quatre mèches, sa forme rappelant celle d'un épis de blé. Elle tombait sur une longue tunique de soie blanche qui descendait jusqu'à mi-fesses, fendue sur quelques centimètres sur sa hanche droite. La manche gauche était remontée jusqu'au coude, maintenue par un bouton, tandis que la droite était parfaitement ajustée au poignet. Une cravate noire dont le motif donnait de la brillance et de la profondeur, entourait sa gorge. Elle était attachée par un noeud de Windsor, ce fameux prostitué qui avant tant bouleversé les codes de la société quelques siècles plus tôt… Un pantalon noir fait d'un mélange de soie et de coton venait rappeler la cravate et tombait élégamment sur des bottes de cuir noir. Le talon, doublé de fer, faisait résonner chacun de ses pas.

_ « Pas mal ta tenue, beau gosse

_ Je te retourne le compliment, beauté… »

Ca aurait pu ressembler à un vrai échange de politesses si seulement le ton n'avait pas été aussi mielleux et faux. De loin, Réléna leur jeta un regard et réprima l'envie de soupirer très fort. Visiblement, il y allait encore avoir des étincelles ce soir… En même temps, à chacun de leurs face-à-face, elle avait une recrudescence de visiteurs… Elle se concentra à nouveau sur les paroles de son interlocuteur, lui faisant un magnifique sourire, et pensant avec délice aux bénéfices qu'elle allait réaliser et donc à la jolie robe fushia qu'elle pourrait sans doute s'offrir sous peu…

L'homme lui tint la jambe encore un bon quart d'heure avant d'aller s'asseoir dans le salon rejoindre les autres clients et prostitués.

Réléna entendit la sonnette de l'entrée résonner, et elle s'empressa d'aller ouvrir au nouveau venu. Au même instant, Wu Fei descendit le grand escalier du couloir pour aller rapporter les verres vides de son plateau. Il écarquilla grand les yeux en découvrant la tenue de sa gérante.

Réléna portait une longue robe bleue nuit en satin découvrant entièrement son dos. Elle était attachée dans le cou par un col mao avec deux boutons argentés, laissant deviner une jolie poitrine ferme sans donner cependant un effet vulgaire car le tissu lâche donnait un effet drapé. La robe moulait sans complexes ses hanches et ses fesses avant de retomber gracieusement sur de petites chaussures de la même couleur que sa robe avec des motifs argentés. De là où il était, Wu Fei pouvait admirer sa tenue sage de face et le côté plus osé que permettait son dos dénudé. Son chignon parfait lui donnait un air sérieux qui ne contrastait pas le moins du monde avec sa tenue. Quelques mèches libres flottaient autour de son visage peu maquillé, sauf ses yeux habillés de bleus.

Elle était sublime, et dans son rôle d'hôtesse, absolument parfaite. Elle n'avait pas besoin des tenues extravagantes de certains de ses employés pour attirer l'œil, et d'ailleurs, Wu Fei vit que les hommes présents lui jetaient des regards admiratifs. Elle n'était pas regardée comme un bout de viande, il semblait clair pour le policier que cette femme avait acquis un certain respect chez ses clients.

Il arriva enfin au bas des escaliers et son regard attrapa celui de Réléna alors qu'elle quittait le nouveau venu. Elle s'approcha de lui et lui sourit.

_ « Ca se passe bien ? »

Wu Fei fixa un instant son joli sourire, déconcerté.

_ « Oui, je pense que je commence peu à peu à m'y faire.

_ C'est bien. »

Elle sourit un peu plus.

_ « Tu es ce qu'on appelait autrefois une courtisane, n'est-ce pas ? »

La jeune femme sembla sincèrement surprise de sa remarque mais elle lui répondit assez vite :

_ « Si tu veux. Mes clients à moi sont des hommes qui recherchent une compagnie galante pour une conversation ou encore pour danser, ou écouter un morceau de musique. Mais la plupart du temps, c'est moi qui joue pour eux. Dans certains cas spéciaux, je fais des massages ou je donne des bains.

_ Mais tu ne rends aucun… Service sexuel.

_ Oui. C'est pour ça que je ne suis pas tout à fait une courtisane. Je ne vends que ma compagnie pour ainsi dire. Ou mes arts. D'ailleurs je ne pourrais pas me permettre ce genre de services, je suis la gérante et je tiens à garder une certaines différences avec mes employés.

_ Tu veux dire que tu dédaignes leur… métier ? Demanda Wu Fei d'un air surprit. »

Réléna fronça des sourcils.

_ « Jamais ! Ils ont un métier plus dur que le mien – physiquement parlant, mais sur le plan humain aussi, car chaque client est différent et il faut savoir cerner la personne en face pour pouvoir espérer le satisfaire. Je ne mépriserai jamais leur travail, Wu Fei. D'ailleurs il n'y a pas à en avoir honte, c'est le plus vieux métier du monde, et c'est un moyen de gagner sa vie d'une manière beaucoup moins sale que beaucoup de gens le font actuellement, tu sais de quoi je parle… »

Wu Fei lui adressa un petit sourire blasé. Oui, il savait très bien de quel genre de boulot elle parlait, après tout, c'était son job il n'y a pas si longtemps de mettre ces types sous les verrous…

_ « Tu as choisi ce métier, Réléna ? »

La jeune femme lui adressa un nouveau sourire mais ne lui répondit pas directement.

_ « Nous en parlerons une prochaine fois si tu le veux bien, le jour où tu ne sursauteras plus dès qu'un client te jettera un regard appréciatif… »

Elle se pencha vers lui et chuchota à l'oreille :

_ « Je ne voudrais pas te choquer alors que tu commences à t'habituer à ton nouveau quotidien… »

Elle partit en riant. Wu Fei leva les yeux au ciel en se faisant la réflexion qu'il aurait dû savoir que ça se terminerait de cette manière… Il la regarda s'éloigner, haussa un sourcil, et son plateau glissa légèrement sur sa paume. Il le rattrapa de justesse et se redressa très lentement, décomposant chacun de ses mouvements. Ses yeux étaient légèrement écarquillés, mais ce qui était le plus frappant était sa raideur. Réléna s'éloignait d'un pas tranquille, roulant légèrement des hanches. Le décolleté de sa robe, finissant en pointe, laissait apercevoir le haut de ses fesses. Le tissu glissait sur sa peau, suivant le mouvement de ses hanches, et dévoilait un peu plus une fesse à chaque pas. La lumière tamisée faisait ressortir les deux fossettes au creux de ses reins.
Wu Fei, à présent entièrement redressé, ferma les yeux un court instant en laissant échapper un petit soupir. Et dire qu'il l'avait un instant vraiment cru plus sobre que ses employés… Au moins dans l'accoutrement. Un instant, il avait vraiment pensé qu'elle n'était pas vêtue de manière aussi extravagante que les autres… Il y avait naïvement cru.

L'inspecteur en lui fut vexé de réussir si peu à la cerner.


Plusieurs heures plus tard, Duo et Dorothy, debout l'un en face de l'autre dans l'entrée, tous les deux courbaturés à des endroits peu conventionnels, étaient en plein échange de politesses.

_ « Tu sais chéri, tu avais beau être canon ce soir, le décolleté est encore ce qui marche le mieux…

_ Que tu dis, que tu dis… Le regard, la posture, le cul, non pardon… Le charisme. La classe, quoi, ça fait la différence… »

Dorothy leva un sourcil et fit claquer sa langue sur son palais.

_ « En effet. Mais je suis bien plus classe que toi. Et je suis glamour. »

Duo haussa un sourcil.

- « Dorothy… Tu n'es pas glamour. Tu es trash.

- En tout cas ça marche. Pour moi, au moins…

_ Tu te crois irrésistible ?

_ Exactement. Et en plus de ça, absolument sexy.

_ Devrais-je me croire antisexy alors ?

_ Je n'ai pas dit ça… Juste le niveau en dessous. »

Duo lui lança un regard de défi.

_ « Je peux plaire à n'importe qui, même sans être sur mon 31.

_ Personne ne m'a jamais résisté.

_ Moi non plus.

_ Pourtant tu n'avais pas l'air de manquer à tes anciens clients quand je me chargeais d'eux.

_ C'est parce qu'on ne vexe jamais une dame, question de galanterie. »

Dorothy pinça les lèvres et haussa un peu le ton.

_ « J'ai eu Treize !

_ C'est vrai… Et il s'est empressé de demander mes services quand je suis revenu.

_ Ca ne veut rien dire… C'est l'effet « nouveau produit ». Il se lassera, mon chéri… »

Duo leva un deuxième sourcil et se mit à rire.

_ « Je ne crois pas, non. D'ailleurs dans d'autres circonstances… Je pense qu'on aurait été amants, très chère. »

Dorothy éclata de rire.

_ « Bien sûr. Fais gaffe, tes chevilles enflent.

_ Tu es jalouse.

_ Non, réaliste. Et ça ne veut rien dire, je sais que je suis la plus sexy. »

Duo leva les yeux au ciel.

_ « Tu ne me crois pas.

_ Non. Répondit le châtain en fixant ses ongles. »

Elle se planta en face de lui et chuchota :

_ « Je suis sûre de ce que je dis…

_ Ah ouais ? Et tu veux me prouver ça comment au juste ?

_ La prochaine personne qui passe, je la séduirai juste sous ton nez.

_ Avec moi dans les parages ? Mais tu rêves ?

_ Tu ne pourras rien faire, Duo…

_ Vous êtes dans le passage bordel, poussez-vous ! »

Heero les bouscula sans plus de manière avec un plateau rempli de verres d'alcool vides, suivit de près par Hilde qui tenait un seau et deux balais. La jeune fille semblait complètement déprimée mais elle ne paraissait pas pour autant sur le point d'abandonner. Elle attrapa les produits d'entretien dont elle avait besoin dans le salon et ressortit presque aussitôt.

Duo détaillait Heero dans son costume de serveur, tandis qu'il s'affairait derrière le bar d'un air mécontent. Le châtain remarqua derrière son air blasé un certain soulagement d'avoir fini sa journée, et un grand sourire étira ses lèvres. Pas encore tout à fait finie, non…

Il n'eut pas le temps de l'interpeller que Dorothy s'approchait déjà du brun, marchant avec l'élégance et l'assurance d'une personne sachant exactement ce qu'elle veut. Elle s'accouda au bar, découvrant encore plus son décolleté.

_ « Tu me donnes une coupe, Heero ? »

Le chasseur de prime lui tendit un verre sans même la regarder.

Duo éclata de rire et s'approcha à son tour de Heero.

_ « Hey, tu pourrais être un peu plus attentif à ta clientèle… »

Le brun leva les yeux vers lui, lui jetant un regard las.

_ « Vous êtes des employés, comme moi. J'ai pas besoin d'être aimable et… »

Sa phrase resta en suspend et il cligna des yeux alors que Duo se caressait la gorge en le fixant avec intensité, un sourire gourmant aux lèvres. Heero eut un temps d'arrêt en comprenant qu'il était bel et bien le centre d'intérêt des deux prostitués. Son visage pâlit.

_ « … Tu fais quoi là au juste ?

_ Oh, rien, Heero… C'est juste que… Etrangement, ton air froid me donne subitement très, très chaud… Tu sais ce qu'on dit… Suis-moi, je te fuis. Fuis-moi…»

Les yeux de Duo descendirent le long de sa mâchoire avant de fixer d'un air outrageusement sexy ses lèvres entrouvertes.

_ « Hmm, Heero… »

Dorothy en avait profité pour se cambrer et exposer ses magnifiques courbes à la lumière tamisée du bar tout en s'éventant avec la carte des cocktails, la bouche à demi-ouverte.

Le regard du brun allait de l'un à l'autre, n'osant pas se poser. Il ne savait pas exactement ce qu'il se passait, mais il y avait définitivement un problème. Il recula précautionneusement tout en prenant son plateau, avant de partir pour aller chercher le reste des verres vides du salon.

_ « Farouche… »

Duo sourit d'un air canaille.

_ « Et tu n'as encore rien vu, ma belle. Heero, c'est… »

Il laissa sa phrase en suspens, semblant très amusé. Ses dents mordillèrent sa lèvre inférieure. Dorothy se cambra un peu plus, toujours accoudée au bar, attendant que le brun revienne.

Duo attrapa un verre à moitié vide face à lui et fit le tour du rebord avec ses doigts.

Quand Heero dut revenir, il ne put ignorer les deux regards tournés vers lui, le dévorant sans plus de complexes. Un long frisson le parcouru. Venant de Dorothy à la limite, il pouvait s'imaginer qu'elle s'intéresse à lui vu qu'il ne la connaissait que depuis peu. Mais Duo… Il y avait définitivement quelque chose qui clochait. D'autant plus qu'ensemble, quand ils ne se disputaient pas ou qu'ils n'avaient pas de discussions bizarres… Il valait vraiment mieux rester en dehors de leurs plans tordus. Heero décida de les ignorer et alla dans l'arrière salle pour entreposer les bouteilles d'alcool vides.

A peine était-il rentré que les deux prostitués fermèrent la porte derrière eux. Il se retourna pour leur dire de dégager et tomba sur deux yeux bleus myosotis cerclés d'eye-liner. Il n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche que Dorothy le poussa gentiment mais fermement contre le mur en s'approchant près, très près. Trop près. Elle n'avait en tout et pour tout fait qu'un pas, mais il pouvait sentir ses seins plaqués contre son torse et son parfum épicé l'envahir.

Il la regarda avec un mélange de colère et d'incompréhension, incapable pourtant de bouger. Elle restait plus petite que lui malgré ses talons et même si ses courbes généreuses lui ôtaient tout air frêle, il n'y avait aucune comparaison possible avec sa carrure. Il avait envie de l'écarter de lui et utiliser plus de force que nécessaire pour ça le titillait légèrement. Il ne fallait pas trop le chercher non plus…

Pourtant, ce qui l'énerva le plus sur le moment, fut la légère contraction au creux de son bas-ventre alors qu'il sentait deux tétons durs sous son bustier, lui rappelant doucereusement que ça faisait longtemps qu'une femme ne l'avait pas touché. Ses muscles se crispèrent alors qu'il mettait un point d'honneur à la regarder dans les yeux. Sans réussir pour autant à ignorer la mèche de cheveux blonds qui venait caresser son menton, les deux mains aux doigts fins qui effleuraient plus qu'elles ne retenaient ses poignets et également ses hanches juste en face des siennes qui, loin de s'appuyer, le frôlaient à peine.

Le mot « professionnelle » résonna dans sa tête.

_ « Tu as des yeux magnifiques, Heero... Oooh, arrête de me fixer de cette manière, détends-toi tu veux, hmm ? Il faut savoir prendre du bon temps des fois, beau brunHeero… »

Il haussa au sourcil avant de trouver enfin la présence d'esprit de la repousser. Il lui semblait que sa température corporelle devait avoir légèrement augmenté et son ventre restait contracté malgré ses efforts. Cette femme était dangereuse. Il n'avait jamais été intéressé par des prostitués et ça n'était pas prêt d'arriver. Même si elle avait de sacrés atouts. Il ne pouvait pas les ignorer, surtout vu la manière dont elle les exposait.

Résolu à quitter la pièce, il avait presque la main sur la poignée de la porte quand il se sentit saisi à la taille par une main bien trop ferme pour être celle d'une femme. Il fut poussé beaucoup plus brutalement contre le mur. Les bouteilles qu'il tenait tombèrent au sol dans un bruit strident. Duo se trouvait face à lui, sa main ayant à présent glissé sur sa hanche... Heero se sentit crispé d'une toute autre façon.

_ « Dégage ! »

Le ton de Heero était sourd et vibrant. Une rage profonde bouillonnait en lui et le tétanisait en même temps. Duo le fixait intensément, sans la moindre trace de sourire ou de malice. Loin de l'écouter, il s'approcha encore plus près de lui, franchissant souplement les centimètres qui les séparaient. Il n'ôta pas sa main, mais osa au contraire poser l'autre sur la hanche encore libre. Il écarta les jambes de Heero avec une jambe et sa cuisse trouva sa place entre celles du brun.

Complètement choqué, Heero était statufié sur place. Les dents blanches de Duo apparurent pour finalement laisser voir un sourire cannibale.

_ « Tu crois faire quoi au juste, finit par articuler le chasseur de prime.

_ J'essaie de te détendre, Heero… »

Le brun plissa les yeux et agrippa les bras du prostitué, serrant à lui faire mal. Il était prêt à le repousser quitte à le frapper si nécessaire lorsque la porte s'ouvrit, se refermant sur eux. Elle s'arrêta une dizaine de centimètre avant de toucher le dos de Duo.

- « Heero ?

- Réléna ?

- Ah Dorothy, tu n'aurais pas vu Heero ? »

La prostituée se garda bien de jeter un coup d'œil derrière la porte où Duo venait de plaquer sa main contre la bouche du brun.

- « C'est quoi ce sourire, mademoiselle la gérante ? Vous lui voulez quoi, à ce pauvre Heero ? »

Réléna gloussa et baissa les yeux avec un sourire canaille.

- « Oh, rien de bien méchant. Je veux juste voir si sa soirée c'est bien passée. S'il s'acclimate bien à la maison, tout ça…

- Et tu lui arraches ses vêtements avant ou après ? »

Le rire de Réléna envoya des frissons glacés dans le dos de Heero. Il écarta la main de Duo, résolu à ne pas donner le moindre signe de sa présence. Il ne fit pas vraiment attention à la main de Duo qui glissait de la sienne, ni à celle qui quittait sa hanche. Il n'y fut attentif que lorsqu'elles virent se poser de chaque côté de sa tête, alors que le corps de Duo se rapprochait lentement du sien.

Il fusilla le châtain du regard qui lui répondit par un grand sourire. Duo avança la tête, approchant ses lèvres de son oreille.

- « Tu devrais vraiment te détendre Heero… »

La voix de Duo était entièrement couverte par les babillements de Dorothy et Réléna mais Heero ne se risqua pas à parler.

- « Tu sembles sur le point… »

La cuisse du châtain vint appuyer un peu plus fort contre l'entrejambe de Heero.

- « D'exploser… »

Bien qu'à l'état de murmure, c'était impressionnant de voir à quel point la voix de Duo pouvait rester indécente. Fuyant le contact du prostitué, le brun se colla contre le mûr comme s'il voulait passer à travers. C'était assez dur d'ignorer certaines pressions et d'essayer de contrôler l'afflux sanguin que votre cœur venait subitement d'augmenter à certains endroits.

Heero gardait les yeux fixés sur l'épaule dénudée de la gérante et du peu qu'il pouvait apercevoir d'elle derrière la porte. Il valait mieux se concentrer sur ce à quoi il échappait, plutôt que sur certains contacts.

- « Si tu continues à te montrer autant tendu avec les clients, tu vas te faire allumer par Réléna. »

Une des mains de Duo alla caresser du doigt sa gorge puis son menton tandis que l'autre descendait le long de son corps, effleurant ses vêtements. Heero attrapa fermement les deux poignets, les serrant avec force. La seule réaction du prostitué fut un soupir amusé.

- « Ou pire… Elle voudra un entretien privé avec toi pour discuter de tes problèmes… D'adaptation… Très privé, l'entretien… »

Heero pinça les lèvres de mépris, écrasant les poignets jusqu'à en avoir lui-même mal. Duo eut une inspiration coupée dont l'absence totale d'innocence fit se contracter un peu plus le ventre du brun. Il se demanda brièvement comment le prostitué faisait pour attacher une telle connotation sexuelle à tout quand il s'y mettait.

Duo se redressa lentement, venant placer son visage face au sien, la bouche légèrement entrouverte tandis qu'un sourire venait étirer ses lèvres. Heero lâcha un des poignets pour passer son bras en travers du torse du prostitué, l'empêchant d'approcher trop près. Le sourire du châtain s'agrandit.

- « Décidément, tu as toutes les tares, Heero… Non seulement tu as failli te marier à une Schbeicker et pour ça tu dois être un gosse de riche… En plus, tu as été policier… Tu es maintenant chasseur de prime… Et comble de tout… »

La main libre du prostitué vint caresser le ventre de Heero, augmentant la pression de ses doigts au fur et à mesure que sa main descendait.

- « Tu es bi. »

Le brun attrapa la main de Duo avant qu'elle ne descende trop bas et lui lança un regard plein de fureur. Il sentait le sang battre contre sa tempe mais ça n'était pas dû à l'excitation.

Le sourire du châtain ne faisait que grandir. Il s'approcha lentement du brun et, ne le quittant pas des yeux, fit claquer d'un coup sec sa mâchoire, le bruit de ses dents s'entrechoquant résonnant légèrement. Heero se tendit un peu plus, éloignant encore son visage du prostitué.

- « Quoi ? Je te fais peur ? »

Le brun haussa un sourcil, plus livide que jamais. Il fit claquer sa langue contre son palais, plissant légèrement les yeux.

La porte se referma brusquement lorsque Duo dut reculer pour éviter le poing de Heero. Il eut à se baisser plusieurs fois pour éviter les coups du brun.
Réléna, qui avait d'abord été surprise par le bruit, eut un grand sourire en apercevant Heero, puis se décomposa au fur et à mesure que les secondes passaient. Ce ne fut que lorsque Duo fut bloqué contre le mur et que Heero arma un poing destiné à lui être envoyé en pleine figure qu'elle réagit.

- « Non ! Pas le visage ! »

Son ton avait été dur, intransigeant et sa voix avait fortement résonné dans la pièce. L'autorité qu'elle avait dégagé à ce moment avait suffit à stopper le brun mais il gardait son poing toujours prêt à frapper. Face à lui, Duo le fixait sans la moindre trace de sourire, acculé contre le mur.

- « Et que des coups qui ne laissent pas de traces. Après, tu fais ce que tu veux. »

Heero lui lança un regard par-dessus son épaule avant de fixer à nouveau le châtain. Il déplaça rapidement son bras et Duo ferma les yeux pendant une ou deux secondes mais Heero ne fit que s'éloigner. Il ignora royalement Réléna et jeta des regards méprisants à Dorothy et Duo.

_ « Je ne rentre pas dans vos petits jeux. Ni aujourd'hui, ni demain, jamais. Et le premier qui m'approche de trop près se prendra mon poing. »

Duo, toujours acculé contre le mur, eut un sourire suffisant et marmonna :

- « Fist fucking… ? »

Heero le regarda d'un air glacial.

- « Pardon ?

- Rien…

- Tu cherches vraiment à te faire éclater ?

- Oh oui Heero, fais-moi mal… »

La lèvre du brun se retroussa légèrement sous l'effet d'un mépris intense.

- « Je ne préfère pas. Tu serais susceptible d'aimer ça. »

Il rouvrit la porte, fixant le prostitué avec la même colère glacée.

- « N'ajoutons pas « masochiste » à tes tares. »

Il sortit de la pièce, laissant la porte ouverte. Réléna resta un moment silencieuse avant de le suivre.

- « J'y crois pas Léna… T'as même pas essayé de l'empêcher de me frapper. »

La gérante s'arrêta et regarda Duo d'un air posé mais détaché. Lui souriait d'un air sarcastique.

- « …Du moment qu'il ne laisse pas de marque.

- Tu aurais pu me défendre, au moins. »

Elle se tourna complètement vers lui.

- « Je ne suis pas là pour te défendre Duo. Je ne suis pas ta nounou et tu ne pourras jamais te cacher dans mes jupes. Heero est un employé au même titre que toi, je n'ai pas de raison de prendre plus ton parti que le sien.

- Ca, c'est parce que tu craques pour lui. »

Son sourire était de plus en plus sarcastique. Elle plissa les yeux.

- « Fais attention à ce que tu dis, Duo. »

Il cessa de sourire.

- « Je reste ta patronne. »

Le châtain haussa un sourcil.

- « Oui, mademoiselle. »

Réléna le fixa encore un moment avant de sortir de la pièce.

- « C'est dégueulasse. Pourquoi je suis le seul à me faire engueuler ? Heero a failli me frapper et tu étais autant dans le coup que moi. Mais je suis le seul à m'en prendre plein la gueule. »

Dorothy eut un éclat de rire et se rapprocha de Duo, venant poser sa main sur son épaule.

- « C'est parce que tu ne sais pas fermer ta gueule.

- J'avais une revanche à prendre… Au fait, il a cassé ta bouteille de lait.

- … Je ne veux pas savoir ce que vous faisiez… De toute manière, vous êtes toujours en train de vous gueuler dessus. »

Elle fixa la porte ouverte.

- « Enfin… Passionné le beau brun, hein. »

Un large sourire étira les lèvres de Duo.

- « Passionnant tu veux dire.

- Amusant.

- Mais pas amusé.

- Intéressant.

- Mais pas intéressé. »

Les deux prostitués se regardèrent avec un grand sourire.

Duo finit par se décoller du mur.

- « En tout cas, c'est moi qui ai gagné… »

Tsukusu…


Notes des scribouilleuses : Nous aimerions faire passer un petit message au sujet d'une personne ayant laissé deux review (anonymes, vive le courage) nous faisant comprendre que nous n'étions que des grosses paresseuses qui n'updataient jamais leur fic et d'ailleurs, cela prouve que nous n'avons aucun respect pour nos lecteurs. Nous n'allons pas répéter ce que nous avons déjà dit à la fin du chapitre précédent, mais pour ceux qui auraient des réclamations, nous les incitons vivement à lire la note de fin.

Donc nous nous excusons, mais oui, nous sommes lentes, oui, il n'y aura jamais d'update hebdomadaire. On est à deux, ça demande de l'organisation. On n'aime pas faire les choses dans la précipitation. On suit un plan assez complexe, y'a plein de choses à écrire, plein de situations à expliquer, tellement de thèmes qu'on a envie d'aborder, que oui, ça prend du temps. En plus on a toutes les deux un style propre mais il faut suivre une même ligne, il faut « rééquilibrer » là où l'une a fait un oubli ou une erreur, et après y'a tout le travail de relecture, relecture, relecture (quand on atteint les cinquante pages ça prend du temps !). Encore une fois, on s'en excuse. On sait qu'on devrait aller plus vite, mais on peut pas faire beaucoup plus que ce qu'on fait déjà actuellement. On est les premières à être déçues de notre lenteur, et d'ailleurs nous sommes aussi lectrices, on sait ce que sait d'attendre des mois, une année pour un chapitre. On se ballade toutes les deux dans le monde de la fanfic depuis un long moment déjà, on en a vu, des fics qui mettaient des années à se finir, on en a vu, des fics géniales qui étaient abandonnés. Donc s'il vous plaît, un peu de compréhension de votre côté aussi.

Les tous premiers chapitres ont été écris ensemble d'une traite parce qu'on était ensemble en vacances, on a donc pu aller assez vite au tout début. Mais c'était assez exceptionnel, on ne sait pas quand une telle occasion se représentera… On continue cette histoire parce qu'on y prend un réel plaisir. Pas de panique, on ne laissera pas tomber, même s'il faut attendre des mois pour un chapitre, on en est sincèrement désolée. Nous n'avons encore jamais abandonné l'une de nos histoires en cours (et pourtant, des fois c'est très dur). Nous vous demandons donc de nous excuser mais le rythme de parution ne sera sans doute jamais très régulier. Nous vous demandons de prendre en compte notre situation, on pense à vous, nous le répétons, nous sommes aussi lectrices, on sait ce que c'est d'attendre. Et oui, deux ans pour un chapitre, c'est long, nous en convenons. Mais on continue d'écrire cette histoire.

Nous voulons aussi vous remercier, vos reviews nous soutiennent beaucoup, c'est un réel plaisir d'avoir des retours (négatifs également, la review sert à commenter, n'hésitez pas à critiquer !). Sans le soutien de tous ceux qui prennent le temps de nous laisser un message, on aurait peut-être été moins motivées à mettre la suite de cette histoire en ligne. On ne remercie sans soute jamais assez ses lecteurs, c'est certain. Mais ayez aussi un peu de compréhension pour ceux qui sont derrière l'écran à taper cette aventure pour vous…

On espère que ce nouveau chapitre vous a plu, et on vous donne rendez-vous au prochain pour plus… d'action et d'émotions ;p

See u !

A&B