Titre :Rédemption

Auteur : Kashiira

Genre : Angs, POV, blog-like

Source : Saint Seiya

Couple : Shiryu + surprise !

Note de l'auteur : Je pensais en avoir fini avec ma série Rédemption lorsque je me suis rendue compte que – ô horreur ! – je n'avais pas parlé de Shiryu… Si j'ai réussi à pondre quelque chose sur Hyoga, je peux bien le faire aussi sur notre Shiryu national… Donc voici le dernier opus de Rédemption… sauf surprises de dernière minute, bien entendu ;ppp – Ah ! Eh vous remarquerez peut-être un clin d'œil au dernier film Saint Seiya en date… ;

Rédemption

I

28 avril

Jamais je n'aurais imaginé un jour en être réduit à tenir un journal personnel. Jamais non plus je n'aurais imaginé me retrouver réellement seul. Coupé des autres… J'ai tout perdu au final.

Perdu l'amour d'une femme qui n'en pouvait plus de m'attendre avec au ventre la peur que mon prochain combat ne soit le dernier. Shunrei n'était plus là lorsque je suis revenu, notre petite maison vide, délabrée. Trois ans s'étaient écoulés depuis Hadès, notre retour avait tardé et tout ce temps, elle m'avait cru mort. Je n'ai pas compris immédiatement le message et ai retrouvé sa trace, certain de la voir m'accueillir comme avant, un sourire rayonnant d'amour aux lèvres et les yeux embués de larmes de bonheur. Elle a levé la tête de la rizière dans laquelle elle pataugeait en compagnie d'autres femmes et m'a jeté un regard douloureux, presque résigné. Dieux qu'elle paraissait lasse !

« Tu es revenu, » m'a-t-elle dit comme on discute du temps qu'il fera demain.

Elle n'a rien ajouté et a repris son travail, me traitant en quantité négligeable.

« Oui, » ai-je soufflé. « Je suis revenu pour de bon, cette fois, Shunrei. »

Elle a secoué la tête presque tristement.

« Non Shiryu. C'est trop tard maintenant. Il vaut mieux que tu partes, ça nous fait du mal inutilement. Va-t-en. »

J'en suis resté comme deux ronds de flanc. Jamais auparavant ne m'avait-elle parlé ainsi. Avec tant de maîtrise, tant de fermeté. Je suis descendu à ses côtés dans la boue.

« Laisse-moi t'aider… Donne-moi une chance, je me rachèterai… »

« Ta chance ? Je te l'ai donnée à plus d'une reprise mais j'ai arrêté de compter les fois où tu m'as abandonnée pour te battre. Je ne serai jamais assez importante à tes yeux pour passer avant ton Athéna. Et si nous avons un jour des enfants, ce sera pareil pour eux aussi. Je ne veux pas de cette vie là. Va-t-en, Shiryu ! »

Il y avait des larmes dans sa voix mais aucune n'a coulé sur ses joues. Je n'ai rien répondu à ses accusations, elle avait raison. Je suis revenu souvent aux rizières après ça, cependant elle n'était plus là. Une des femmes m'a appris qu'elle s'était mariée le lendemain de ma visite et qu'elle avait déménagé dans un village plus au nord. Shunrei m'est perdue à jamais désormais. Elle me refuse son amour et l'avoir comme simple amie… ce n'est pas assez. Je ne supporte pas de l'imaginer dans les bras d'un autre. Comme quoi, le proverbe a raison : on ne se rend compte des richesses que l'on possède que lorsqu'on les a perdues.

Perdu aussi l'affection paternelle que je me croyais acquise. Non que Roshi ne m'ait renié, la mort s'est chargée de nous séparer. Hadès ne nous a pas rendu les chevaliers d'or. Mon vieux maître me manque, ses conseils et sa tendresse muette, compréhensive. Lorsque je ne traîne pas près des rizières dans un vain espoir de m'apercevoir que finalement Shunrei a changé d'avis, je me force à méditer sous la chute d'eau. Mon séjour dans les limbes m'a affaibli, mon cosmos reste vacillant mais forci parfois légèrement. Je ne désespère pas de redevenir un jour digne de mon armure. Cependant, Rozan sans sa vieille présence n'et plus pareil et je me dis parfois que je n'arriverai à rien. Je suis comme un gosse perdu. Il était le père que je n'ai jamais eu, il me semblait qu'il serait toujours là que rien ne pourrait jamais l'ébranler.

Je me relis et l'impression de n'être qu'une lopette geignarde et égoïste me percute, m'obligeant à me remettre en question. Peut-être n'était-ce pas inutile de poser mes pensées sur papier, ça me permet de mieux les analyser. Shunrei a assez souffert par ma faute, je l'ai fait attendre, espérer en vain. Elle mérite mieux qu'un époux sans cesse sur le pied de guerre, elle mérite mieux que l'incertitude et les nuits glacées et solitaires. Je lui dois tant, elle m'a sauvé la vie, m'a guidé hors du gouffre du désespoir… Nous espérions tant de la vie, nous n'étions que des enfants. Elle a grandi. Je dois me forcer à faire de même, à la laisser partir, vivre sa propre existence, loin de moi. Ca fait mal, j'ai envie de me rouler en boule et de pleurer comme un tout-petit. Je voudrais que mon maître soit là mais la réalité est tout autre. Il ne m'a pas élevé pour que je m'apitoie sur mon sort mais pour que je devienne un homme honorable et digne de confiance. La dernière fois que je l'ai vu, il m'a parlé et traité en égal et non plus comme un disciple. Je vais m'efforcer de continuer dans la ligne de son enseignement.

Je me sens mieux maintenant. Se confier libère, dit-on. C'est vrai. J'aurais pu parler à mes amis mais Hadès a brisé ce que nous avions connu. Shun a dérivé dans une folie imprévisible et destructrice. Seiya s'esquinte la santé à veiller sur lui, à essayer de le ramener. Hyoga s'est enfermé peu à peu dans son enfer personnel, peuplé de ses morts et est parti trois jours avant mon départ. Quant à Ikki… il a disparu à nouveau, comme d'habitude. J'aurais voulu rester, me rendre utile mais je ne servais à rien. Au contraire, ma présence gênait Seiya et semblait effrayer notre petit frère. Je me suis senti blessé et dépité. Inutile. Avant, ils cherchaient mon conseil. A présent, je les encombre. Comment me confier à eux dans ce cas ? A moins de vouloir alourdir leurs fardeaux respectifs ? Non, il vaut mieux que je me retrouve d'abord, que je redevienne le Shiryu en qui l'on peut faire confiance avant de repartir à leurs côtés. Je ne veux plus être un poids !

Je me sens mieux désormais. Je crois que je vais vraiment dormir, ce soir, pour la première fois depuis des mois.

°°

29 avril

Lorsque je me suis levé ce matin, mes résolutions de la veille ne s'étaient pas estompées mais les rêves de la nuit m'avaient laissés une impression de malaise angoissé bien que je ne m'en sois rappelé aucun. Je me suis passé de l'eau froide sur le visage, ça a atténué la sensation mais à peine. Néanmoins, je me suis attelé à une tâche que je n'avais jamais accomplie à ce jour. Le ménage. Cela paraissait si simple lorsque Shunrei s'en chargeait ! La première demi-heure, j'ai davantage étalé la poussière avec le balais que la rassembler avant de trouver le truc. J'ai passé la plus grande partie de la matinée à nettoyer les deux pièces de la maison qui avait bien besoin de ce nettoyage de printemps. A vrai dire, ladite matinée s'est prolongée bien après midi, au diable mon orgueil masculin égratigné. Par la suite je me suis attaqué aux fuites du toit et ai remplacé quelques planches abîmées. Je ne serai peut-être jamais un véritable homme d'intérieur mais bricoler, ça, je sais faire. Fin d'après-midi, la cabane brillait comme un sou neuf et, très honnêtement, je me suis senti un peu minable à côté. Depuis combien de temps ne m'étais-je plus lavé le cheveux – voire lavé tout court ? Ils pendaient en mèches filandreuses et je devais bien m'avouer que je puais. Pas étonnant que je n'ai pas fait grande impression sur Shunrei !

Ma destination suivante a été la rivière. Ca m'a fait du bien de me laver après m'être dépensé, l'eau fraîche sur mon corps semblait me tirer d'un long cauchemar. Finalement, peut-être Hadès a-t-il laissé en moi des blessures plus profondes que je ne le pensais au départ. Je n'aime pas songer à cette époque. Celle entre notre combat final et notre retour sur terre. A vrai dire, je ne me souviens pas ce qui s'est passé alors mais lorsque j'essaye de me rappeler, je ne peux m'empêcher de frissonner d'effroi et je me dis que, peut-être, vaut-il mieux rester dans l'ignorance.

Je n'arrive pas à croire à quel point je me suis négligé ! Je me sens mieux sans toute cette crasse. J'ai aussi lavé mes vêtements et suis rentré à la maison entièrement nu. J'étais resté dans le cours d'eau plus longtemps que je ne l'avais pensé, il faisait nuit noire lorsque je suis arrivé à destination. Je n'ai pas beaucoup mangé ce soir, mes provisions étaient presque inexistantes. Il faudra que je descende au village demain pour acheter des vivres. Peut-être aussi devrais-je reprendre les cultures que j'avais commencées des années plus tôt. Je n'en ai pas vraiment l'utilité, aucune famille ne dépend de moi, mais je ressens le besoin de m'occuper, de faire quelque chose. La peur de devenir inutile peut-être…

En tout cas, ce soir, je sens que je vais bien dormir pour la première fois depuis… longtemps.

Je reprends le carnet pour consigner… quelque chose d'important, je crois. Il est tard ou tôt selon le point de vue où l'on se place. J'ai encore rêvé cette nuit. De statues. Des statues couleur albâtre aux expressions torturées et pourtant familières. J'ai eu l'impression qu'elles essayaient de me dire quelque chose mais je n'ai pas compris. Je n'arrive pas à me rappeler qui elles représentaient et pourtant je sens que je devrais. Que c'est important.

Je me suis réveillé pantelant, presque terrifié. Il exsudait du rêve une impression de malaise malsain, d'angoisse. Je me suis relevé, agité, anxieux. L'impression d'être oppressé ne me quittait pas, je suis sorti un moment dans l'espoir de me calmer. Le ciel était étoilé, sans la moindre trace de nuages. Et puis, j'ai vu… Une comète ? Je ne sais pas au juste. Un point brillant, trop gros pour n'être qu'une étoile filante, a traversé le ciel pour terminer sa course dans les montagnes. Une lueur dorée a alors baigné la nuit, éclairant les versant comme si un incendie s'était déclaré. Ca a duré une bonne heure avant de s'estomper. Je suis resté un long moment dehors à scruter les ténèbres dans l'espoir de voir luire à nouveau cette sorte de halo mais en vain.

Je ne peux m'empêcher de me demander si cela n'a pas un rapport avec mes rêves ou plutôt si cela n'annonce pas quelque chose que j'espère depuis longtemps. Et si mon maître ?

S'il y a un dieu à l'écoute ce soir, faites que cela soit ça ! Faites que Roshi revienne. J'ai tant de choses à lui dire…

Demain à l'aurore, je partirai dans les montagnes.

A suivre