Il suffit d'une fois…

Me voilà de retour pour une autre fic, très courte celle-là (au maximum cinq chapitres que je publierai très rapidement, un tous les deux jours sans doute). C'est plutôt un one-shot découpé en plusieurs parties qu'autre chose, mais j'espère que ça vous plaira ! Les flash-back et les pensées d'Hermione sont en italiques.

« Là, ma chérie, tu es superbe… »

Hermione leva la tête vers le miroir qui lui faisait face. La voix fatiguée de sa mère résonnait de fierté comme une cloche un peu grave, un peu fêlée, une cloche qui sonnait pourtant plus claire encore que celles qui battaient au-dehors à toute volée. Oui, elle était belle en ce jour, elle le savait à en souffrir. Ces longs cheveux sombres bouclés en anglaises avaient été ramassés en un lourd chignon un peu flou qui retenait le voile de tulle blanc dissimulant faussement ses traits délicats. Blanche aussi, la robe, le bouquet de roses à peine écloses qu'elle tenait entre ses mains, les rubans de satin accrochés aux poignées des portes dont le cuivre bien astiqué brillait autant que l'or le plus pur, et aux bancs qui fleuraient bon la cire d'abeille. Blanc son teint de porcelaine, blanche ses lèvres dont toute couleur semblait avoir fui. Les orientaux ont choisi le blanc comme la couleur du deuil. Et pour nous autres, c'est la couleur que portent les femmes le plus beau jour de leur vie, pensa la jeune femme. Du haut de ses dix-neuf ans tous neufs, elle portait déjà sur le monde le regard un peu égaré de ceux qui en ont trop vu et que la vie n'avait pas épargnée.

De ce côté-là, en effet, il n'y avait rien à dire. Combien de temps avait-elle lutté pour cette cause qui lui semblait plus juste qu'aucune autre ? Combien d'amis avait-elle perdu, combien de larmes amères avait-elle retenues pour ne pas que son regard soit aveuglé au moment fatidique ? Personne n'avait pensé à en tenir le compte. Elle était une héroïne, c'est tout. Une jolie petite statue de marbre au sourire un peu triste que les enfants montraient du doigt à leurs parents, sur qui les hommes se retournaient avec respect et désir, et qui cachait des blessures bien plus profondes que les cicatrices qui couraient comme des serpents argentés sur son corps… Sa mère les avait regardés avec horreur, semblant comprendre tout à coup ce que sa fille avait encouru pendant les sept ans qu'elle avait passés loin d'elle. La brunette se mordit les lèvres pour ramener un peu de couleur, et quelques perles d'eau montèrent dans les grands yeux chocolat sous le coup de la douleur. Mais le miroir lui renvoya une toute autre image où d'autres larmes se mêlaient…


Flash-back :

« Hermione, Hermione, lâche-le, maintenant ! Lâche-le, je te dis ! Mione… »

Les mains de Harry tentaient de toutes leurs forces de détacher les siennes de celles de Ron. Ron… Sous la couche de sang et de terre, il en était presque méconnaissable. Même les folles boucles couleur de feu étaient maculées de cette boue sanglante qui semblait tout recouvrir. Qu'il était froid…Mais il était vivant, encore, elle le savait. Elle le sentait. Même si son torse dénudé barré de marques écarlates ne se soulevait plus qu'à peine.

« Mione… Je t'en prie, Mione, parle-moi ! »

Elle n'entendait plus rien, elle ne sentait plus rien, ni le froid à la limite du supportable, si étrange en ce début du mois de juin, ni les gouttes d'eau qui s'écrasaient sur son dos comme autant de poignards de glace, se mêlant sur ses joues aux larmes qui coulaient sans barrages. Merlin… Ron…Merlin…Merlin, ne le laisse pas mourir. Prends tout ce que tu veux, prends ma vie s'il le faut, mais pas lui, pas Ron…Ron ! Pas encore, pas maintenant…

Les paupières bleuies du garçon battirent, pour s'entrouvrir sur ses iris azurs. « Ron.. », appela t'elle dans un souffle entrecoupé de sanglots, « Ron, amour, je t'en supplie, réponds-moi… »

Mais que disait-elle ? La vérité, celle qu'elle aurait dû lui avouer depuis bien longtemps, depuis deux, trois, quatre ans, si ce n'est plus.

« Hermione… »

Que sa voix était faible ! La jeune fille se pencha sur la tête rousse qui reposait sur ses genoux comme pour aspirer le moindre souffle du garçon, indifférente au reste du monde. « Je suis là, Ron, je suis là, je serai toujours là. »

« Comme tu l'as toujours été. Oh, Mione… »

Elle tenta un pauvre sourire qui lui sembla rester coincé dans ses joues. Depuis quand n'avait-elle pas souri pour de vrai ? Sans ces arrière- pensées qui minaient chacun des instants qui auraient pu emmener un semblant de bonheur. Une larme brûlante vint s'écraser sur le front du plus jeune des fils Weasley.

« Chut, mon aimé, ne te fatigue pas… Reste-là, n'essaie pas de parler… je t'aime, Ron, je t'aime comme je n'aurai jamais cru pouvoir aimer personne ! »

Il poussa un soupir douloureux à la limite du râle, et ce soupir déchira le cœur de la jeune fille penchée sur lui comme une mère sur son enfant. Pourtant, en dépit de la souffrance qui semblait se distiller dans chacun de ses mouvements si légers fusent-ils, il s'évertua à articuler comme s'il s'était agi là de la chose la plus importante au monde : « Moi aussi…Je t'aime…Mione…C'est pour ça… Pour ça que…Harry… »

Il se tu, épuisé par ces paroles. D'un geste impatient, la jeune Griffondor appela le dernier membre du trio doré auprès d'elle. Le Survivant s'était éloigné pour laisser un peu d'intimité au couple que formaient ses deux meilleurs amis. «Ron ! Vieux, je suis là, tiens bon, on va te sortir de là… »

« Non… Tu le sais…Voldemort ? »

« Mort. Il est mort, il ne reviendra plus cette fois. »

« Harry…Mione…C'est à toi de t'en occuper, maintenant. »

Celle qui n'était déjà plus la frêle adolescente dont elle avait pourtant encore le corps se redressa. « Non, Ron, je refuse que tu dises ça ! Tu seras là, et on se mariera, et on aura des enfants. Ils iront à Poudlard et ils joueront avec ceux d'Harry. Ron, dis oui… »

« Non, Mione…Te marier, avec Harry…Je t'en prie, mon ange, je t'en supplie… »

Incapable d'articuler un seul mot, elle se contenta de secouer négativement la tête, et les sanglots qui l'agitaient lui déchiraient la gorge et l'âme. La lueur azuréenne qui vibrait dans les yeux de Ron baissait d'instants en instants comme une flamme que le vent tourmente jusqu'à l'éteindre. « Mione…Dis oui…Je suis désolé…Je t'aime, je t'aime, je… »

Un dernier soubresaut agita le corps mince et meurtrie de celui qu'elle avait désespérément aimé pendant des années. Que de temps gâché…

« Roooooooooooooooooooooooooooooooooon… »


« Hermione, ma fille, tu n'es pas heureuse ? »

« Ce n'est rien, maman… Je pense seulement à ceux qui auraient du être là aujourd'hui. »

« Oh… Je suis désolée, ma chérie. Je ne les connaissais pas, mais je suis sûre qu'ils seraient heureux, s'ils te voyaient aujourd'hui. »

« Oui, oui, sans doute… C'est ce qu'ils auraient voulu. »

La porte grinça doucement, laissant passer une petite femme toute en rondeurs maternelles, vêtue d'une robe de sorcière mauve un peu éculée. Les Weasley avaient reçu bien des compensations financières après la mort de Ginny, Ron, et Bill, mais Molly avait toujours refusé de toucher à cet argent de la mort. Aucun gallion ne peut peser plus lourd que les larmes d'une mère, d'un père ou de frères, d'épouses… Quoique le ministère puisse en penser. Madame Granger se redressa, encore un peu gênée face à la sorcière qui avait donné tant d'elle pour cette guerre. La mère de celui qui aurait du attendre sa fille auprès de l'autel. Alors il n'y aurait pas eu de larmes, de robes mauves ou d'yeux rougis. Juste la joie, les rires et les chants. Si seulement Hermione n'avait pas été une sorcière, si seulement elle n'avait pas été si courageuse, si seulement elle n'avait pas choisi de se battre aux côtés de son ami, si seulement elle était montée dans un autre wagon le jour de son arrivée à Poudlard, si seulement un mage à côté de qui ses pires cauchemars n'étaient rien que contes pour enfants n'avait pas décidé de s'en prendre à ce monde dont elle ignorait tout, si seulement…

« Oh, madame Weasley, quelle joie de vous voir ! La cérémonie va-t-elle bientôt commencer ? », demanda la mère d'Hermione d'une voix pleine de respect et de pitié contenue.

« Dans un petit moment. Et combien de fois devrai-je vous dire de m'appeler Molly ? Après tout, Hermione est un peu ma fille, puisqu'une partie de son cœur est restée avec mon fils… Oh ! Ma chérie, tu es magnifique ! »

Les deux femmes se sourirent avec gentillesse. Elle ne se connaissaient pas encore très bien, et la gêne liée à leurs origines existait encore entre elles, mais elles s'appréciaient chaque jour davantage. Molly Weasley considéra la jeune femme aux yeux un peu rougis d'un œil critique.

« Quelqu'un demande à te voir, Hermione. Je crois que tu devrais accepter, ne serait-ce que par simple bienséance. Tu es la reine, aujourd'hui, et certaines choses doivent être dites tant qu'il en est encore temps ».

Hermione eut à peine le temps d'acquiescer avant que la petite sorcière sorte rapidement en entraînant la mère de la jeune fille, un sourire un peu crispé sur ses lèvres fines. La jeune fille secoua sa longue robe fourreau d'organdi brodé de perles et de dentelle afin d'en faire tomber parfaitement les plis. Sa mère avait longuement insisté pour qu'elle se marie en robe moldue, les capes sorcières des Aurors et de ses camarades de Poudlard devant passer pour une sorte de thème… A vrai dire, les sorciers en avaient été passablement amusés à l'idée de se fondre dans la masse des moldus de la famille d'Hermione, ces gens qui ignoraient tout de la menace qui avait pesé sur eux pendant des années. Elle se retourna avec un sourire engageant, prête à accueillir son visiteur si important, alors que la porte de la sacristie s'ouvrit dans un léger grincement.

« Et bien, Granger, cherches-tu à fuir ton destin ? » se fit entendre une voix bien connue, basse et soyeuse à présent, mais qui ne s'était jamais départie de cet accent traînant qui la caractérisait…

« Malefoy ! »

La suite d'ici deux jours ! Enfin, si vous trouvez que ça en vaut la peine, ce que vous me ferez savoir en m'envoyant un gentil petit message aussi court soit-il grâce à ce petit bouton en bas à gauche… Gros bisous !