Disclaimer : Harry Potter est à Rowling, pas à moi. Vous reconnaîtrez facilement mes apports à l'univers pré-cité.
Spoilers : Tome V (ne tient pas compte du tome VI, donc pas d'Horcruxes, pas de Reliques de la Mort, etc.), il y a des références au tome VII en revanche, vu que le contexte anglais est très semblable...
Rating : T

Voici le chapitre de juillet... 7e chapitre de l'année. Encore un beau petit de plus de 21.000 mots. Ça fait du boulot !
Un grand remerciement toujours à ma béta qui parvient à suivre quotidiennement.
Je n'ai pas répondu à toutes les reviews, désolée. L'écriture me prend tellement de temps que je n'en ai plus pour vous répondre, mais j'apprécie toujours autant vos encouragements. Donc, n'hésitez pas !

Petit rappel (ou pour plus d'info, allez faire un tour sur la Liguopédia) :
Axelle Messidor : Sénéchale de France, chef des Aurors et mère de Junon
Théodora Malfoy : esprit qui possède Luna Lovegood. Elle s'est servie de Pansy Parkinson pour assassiner Lucius Malfoy
Aimé Zéphir : professeur de vol et de sport. C'est un ancien joueur professionnel de Quidditch
Le Marcou : infirmier de Beauxbâtons. On ignore son vrai nom, il a la particularité d'être le septième fils d'un septième fils, ce qui en fait un guérisseur hors pair.
Mnémosyne Dencour : professeur d'histoire de Beauxbâtons. C'est une vampire, ses goules veillent à ce que les élèves ne se baladent pas après le couvre-feu
Michel de Nostradame : aussi appelé "Nostradamus". Professeur d'astronomie et d'astrologie, vieux sorcier qui a payé sa longévité de la perte de sa magie.
Pythagora Maimonide : professeur d'arithmancie. Est responsable des psychométristes à Beauxbâtons et enseigne l'occlumencie à Harry

Et toujours nos chers Beauxbâtonneurs...
Alexis Bombaste : alchimiste de génie et délégué de 1ère A.
Marc-Horus Volauvent : la star de Beauxbâtons, alter de Ron.
Anne-Bastet Volauvent : sa soeur. Élève de Seconde.
Diane Flamel : élève de 2nde, une descendante des Flamel
Tristan Sévrin : alter et cousin de Diane
Tina Moiré : élève de 1ère B, joueuse de Quidditch.
Julie Sésame : élève de 1ère C, attrapeuse de Quidditch et petite amie d'Olivier Nestor
Fatima Kasser : élève de 1ère C, on l'a vu brièvement lors du match amical opposant les anglais aux français dans le chapitre "un long dimanche à Beauxbât"
Et bien entendu, Junon Sorlimus : tutrice de Harry et fille de la Sénéchale de France.


Le garçon qui valait 3 milliards

Quand Draco reçut un soir une convocation pour le Sénéchalat, par le biais de Sorlimus, il n'eut pas d'autre choix que de s'y rendre. Primo, il ne doutait pas de la capacité de la fille de la Sénéchale à le ligoter pieds et poings et le balancer dans la cheminée. Secundo, il n'était pas en position de refuser.
« Est-ce que ma tante sera là ? » demanda-t-il tout de même, histoire de ne pas être en position de faiblesse. « C'est ma tutrice légale. Elle est censée m'accompagner quand je quitte Beauxbâtons, n'est-ce pas ? »
La jeune fille hésita une seconde :
« Je l'ignore. Tu peux lui passer un coup de cheminée, » dit-elle finalement.

Draco ne se fit pas prier. Une fois arrivés devant l'âtre de Beauxbâtons, il dépensa un crédit voyage sur sa carte pour appeler Andromeda Tonks à Avallon. Et glissa sa tête dans les flammes vertes.
« Oh, Draco ! Bonsoir ! » fit son oncle aussitôt en l'apercevant. « Tu veux parler à Droma ? »
« Bonsoir mon oncle. Oui, s'il vous plaît. »
Bientôt, Andromeda se glissa dans la pièce à la place de son mari.
« Bonsoir Draco. Comment vas-t... Il y a un problème ? » demanda-t-elle soudain en voyant son visage anxieux.
« Je suis convoqué au Sénéchalat, tante Andromeda. Pourriez-vous m'y accompagner ? » dit-il tout à trac.
Madame Tonks fronça les sourcils.
« Bien évidemment, Draco. Je m'étonne de ne pas avoir été informée au préalable... J'appelle la Sénéchale tout de suite. Tu peux y aller, je te rejoins dès que possible. Et tu n'es pas forcé de répondre tant que je ne suis pas là, » lui donna-t-elle comme consigne.
« Entendu, merci ma tante. »
Il retira sa tête de la cheminée, soulagé.
« Elle va appeler ta mère et nous rejoindre là-bas, » informa-t-il Junon.
La jeune fille fronça les sourcils, irritée, mais Draco n'aurait su dire ce qui en était la cause. Il n'avait rien fait qui mérita la mauvaise humeur de Sorlimus.
« Bon, assez perdu de temps comme ça ! » lança-t-elle finalement. « Direction le Sénéchalat ! »
Elle glissa sa carte de transport dans la machine et les flammes verdirent à nouveau à l'énoncé de la destination. Draco n'eut pas d'autres choix que de la précéder. Elle le suivit de près.

Arrivés au Sénéchalat, elle le mena immédiatement au bureau de la Sénéchale, que Draco connaissait déjà. Il avait espéré ne jamais revenir sur les lieux où on l'avait soumis au veritaserum, mais visiblement l'Univers avait d'autres intentions à son égard. Il se raccrocha à l'espoir que, tôt ou tard, sa mère trouverait un endroit suffisamment sécurisé pour le faire venir auprès d'elle et ce jour-là, rien, RIEN ne le retiendrait dans ce pays de malheur ! Sorlimus toqua à la porte et laissa passer Draco sans entrer elle-même. Elle referma la porte derrière lui. Andromeda Tonks n'était pas encore là, mais Draco ne laissa pas filtrer de réaction. La Sénéchale pouvait prendre l'air aussi glacial qu'elle le voulait, il n'avait rien à se reprocher... Enfin tout du moins récemment... L'affaire Théodora Malfoy le préoccupait tout de même un peu, mais Sorlimus avait promis de ne rien dire à sa mère et la "symbiose", comme la nommait Luna, entre cette dernière et l'esprit de son arrière-grand mère était harmonieuse. Théodora Malfoy n'était plus l'esprit assoiffé de vengeance qu'elle avait été. Ce qui arrangeait bien Draco, qui avait longtemps figuré en haut de la liste des proies de sa bisaïeule.

« Bonsoir Monsieur Malfoy, asseyez-vous, je vous prie. Votre tante ne devrait pas tarder, » fit la Sénéchale, en levant à peine le nez de ses papiers.
« Bonsoir Sénéchale, merci bien, » répondit Draco. Il hésita une seconde à poser des questions sur la raison de sa convocation, mais s'en abstint finalement. Son apparente docilité convaincrait peut-être Axelle Messidor de le laisser tranquille par la suite. Le jeune Malfoy n'aurait jamais pensé qu'un jour il ferait tout son possible pour se tenir au plus loin des réseaux du pouvoir, mais c'était pourtant bien le cas aujourd'hui. Ironie du sort...
Une minute plus tard, Andromeda frappa à la porte à son tour et pénétra dans le bureau.
« Désolée de mon retard, » s'excusa-t-elle. Elle eut un geste en direction de Draco qu'elle suspendit, comme si elle hésitait sur la manière de se comporter envers lui. Puis sa main se posa délicatement sur l'épaule de son neveu, le temps d'un battement de cœur.
« Vous vous posez sans doute des questions, c'est pourquoi j'irai droit au but, » fit la Sénéchale en guise d'introduction. « Nous savons de source sûre que Monsieur Malfoy ici présent est le filleul de Severus Snape, le nouveau directeur d'Hogwarts. Monsieur Snape, vous ne l'ignorez sans doute pas, a une certaine réputation. Cette entrevue informelle a donc pour but d'obtenir un portrait plus détaillé de sa personnalité et de récolter des informations sur son compte. Vous êtes un de ses proches, Monsieur Malfoy, que pouvez-vous nous dire de lui ? »
Draco la dévisagea, interdit. C'était pour ça qu'on l'avait fait venir ?!
« Monsieur Malfoy, je vous écoute, » insista la Sénéchale.
« J'ignore ce que vous voulez exactement que je vous dise... » commença-t-il, hésitant. « Je ne suis pas proche de lui comme l'était mon père. Il reste, avant toute chose, mon directeur de maison. »
« Un proche de votre père, donc, » répéta la Sénéchale. « Venait-il régulièrement chez vous ? »
« Pas très régulièrement... Et quand il venait, Père et lui s'enfermaient dans la bibliothèque ou dans le bureau. Je n'ai jamais été autorisé à assister à leurs entretiens. Ni à poser des questions, » ajouta-t-il.
« Severus Snape est-il un Mangemort, d'après vous ? »
Draco lança un regard d'appel à l'aide à Andromeda.
« Dis ce que tu penses, Draco. Cet entretien est informel, donc rien de ce que tu diras ne pourra t'être reproché et personne ne pourra te forcer à les répéter sous serment. Je l'ai exigé et la Sénéchale a accepté ces termes, » expliqua Madame Tonks, alors que Axelle Messidor hochait la tête en assentiment.
« Pour moi, Severus Snape est un Mangemort, » révéla finalement Draco après un soupir. « Le Maître de Potions personnel de Vous-Savez-Qui. Il fait partie du premier cercle, sans aucun doute possible. »
« Et que pensez-vous de sa nomination à la tête d'Hogwarts ? » poursuivit la Sénéchale.
« Ce n'est que le prolongement logique de la politique britannique actuelle, non ? ... En contrôlant Hogwarts, le gouvernement sorcier va contrôler ce qui y est enseigné, et cela ne peut que lui être profitable. »
« Vous pensez donc qu'aucun élève ne va se rebeller ? »
Draco hésita, avant de répondre :
« Si Potter était encore là-bas, je suis sûr qu'il lancerait une révolution. L'an dernier, c'est ce qu'il a fait, contre la directrice Dolorès Umbridge. Mais sans lui... »
Draco laissa sa phrase inachevée, comme si l'absence du Survivant suffisait à elle seule à ruiner toutes les tentatives de rébellion. La Sénéchale ne le lâcha pas du regard et il finit par compléter :
« Enfin... Ça dépend surtout des Gryffindors, tout ça... Et s'ils arrivent à convaincre des Hufflepuffs de les suivre. Les Ravenclaws sont souvent trop timorés, mais si les changements de programme sont trop drastiques, ils pourraient aussi prêter l'oreille à des idées de résistances plus ou moins actives. Les Slytherins soutiendront Severus Snape, en revanche. »
« Mais des Slytherins ont pourtant participé à la libération d'Hogwarts... » fit remarquer Axelle Messidor.
« C'était différent. Severus Snape est notre directeur de maison. Nous lui devons obéissance et fidélité, » conclut-il avec conviction.
La Sénéchale échangea un regard rapide avec Andromeda Tonks, dont Draco ne parvint pas à saisir le sens.
« Ne parlez pas trop rapidement de fidélité ! » s'exclama-t-elle finalement. « Bien que vous soyez un membre de sa maison, croyez-vous qu'il hésiterait à vous livrer à Voldemort, si ce dernier vous réclamait ? »
Draco eut une courte inspiration à l'annonce du nom de Vous-Savez-Qui. Il croyait que seul Potter et sa petite bande l'employaient. Apparemment, certains français le faisaient aussi... Il se concentra ensuite sur la remarque de la Sénéchale et fronça les sourcils.
« Vous vous trompez. Je crois qu'il essayerait plutôt de trouver un moyen de me garder en sécurité... Il chercherait un compromis. »
La remarque de Draco sembla un peu surprendre la Sénéchale, qui inscrivit alors quelques phrases sur un parchemin.
« Severus Snape est un homme très secret... » remarqua-t-elle finalement. « Il n'a plus de famille proche, et aucun ami intime, semble-t-il. Votre père le connaissait sans doute mieux que quiconque. A-t-il jamais dit quelque chose à son sujet ? Quelque chose de banal, ou qui vous aurait interloqué ? »
Draco se creusa la tête. Pour tout dire, la seule chose qui lui venait en tête dans l'immédiat était les histoires que Blaise avait raconté sur Snape et la mère de Longbottom. Est-ce que révéler cela à la Sénéchale lui apporterait quelque chose ? Peut-être se rabattrait-elle alors sur le Gryffindor ? Mais Draco avait calculé que l'échange scolaire finissait dans cinq ou six semaines et que, toujours sans nouvelles de sa mère, il aurait peut-être besoin de la belle position de Longbottom en France pour éviter d'être rapatrié en Angleterre avant qu'elle ne lui sécurise une sortie de secours. Il y avait aussi Alexis, mais les Bombaste n'avait pas beaucoup d'influence politique... Quoi qu'il en soit, l'autre dadais de Longbottom serait infiniment plus facile à manipuler, et c'était exactement pour ça que Draco comptait plus ou moins lui apporter son aide. Ce n'était donc pas le moment de le vendre à Axelle Messidor.
« Père disait souvent de lui que c'était un être à sang froid, mais qu'il existait de multiples manières de l'influencer... » dit-il finalement.
« Auriez-vous un exemple ? »
« Père ne se montrait jamais très explicite. Il préférait que j'apprenne par mes propres moyens, » expliqua le Slytherin pour échapper aux questions inquisitrices de la Sénéchale.
« Et vous, Madame Tonks ? » fit Axelle Messidor en se tournant vers Andromeda. « Connaissez-vous Severus Snape ? »
« Lui et moi n'avons pas fréquenté Hogwarts à la même période. Mes jeunes sœurs l'ont mieux connu, d'autant qu'elles étaient l'une et l'autre élèves à Slytherin. La maison des serpents avait à l'époque une réputation encore pire qu'aujourd'hui. Ce n'était pas un endroit où il faisait bon grandir, voyez-vous, et Vous-Savez-Qui y recrutait abondamment... Il ne recrutait pas que à Slytherin d'ailleurs... » répondit Andromeda Tonks, d'une voix sombre.
« Vraiment ? » interrogea la cheffe du Sénéchalat.
« Oh, il savait s'y prendre. Il trouvait toujours quelque chose à offrir, ou une menace à proférer quand l'offre ne suffisait pas, » expliqua Andromeda. « Si vous étiez brillant ou de la bonne famille, il devenait extrêmement difficile de lui échapper... »
« Vous parlez en connaissance de cause, j'imagine ? »
« Dans un premier temps, oui. Mes parents ne cachaient d'ailleurs pas leur sympathie pour les idées de Vous-Savez-Qui. Ils étaient très traditionnels, vous savez, et détestaient les nés-moldus... Et puis, par la suite, mes choix personnels m'ont fait exclure de la famille et m'ont valu la haine inextinguible de ma sœur Bellatrix. La première guerre a été une période difficile, pour moi et mes proches. Nous étions sans cesse menacés, » se remémora-t-elle avec une grimace douloureuse.
Draco s'était crispé en entendant le nom de sa deuxième tante. Il avait aperçu quelques fois Bellatrix Lestrange au Manoir Malfoy au cours de l'année passée, lorsqu'il rentrait pour les vacances, et cette femme lui avait paru à moitié folle. Andromeda Tonks ressemblait physiquement à sa sœur cadette, mais elle avait l'air nettement plus saine d'esprit, elle. Un coup d'œil à la Sénéchale lui apprit qu'elle avait perçu son malaise et cherchait déjà une manière d'exploiter cette faiblesse. Merlin, il était beaucoup trop transparent depuis qu'il vivait dans ce fichu pays !
« Monsieur Malfoy, nous savons que votre père était un Mangemort avéré. L'accusation ne s'étend pas à votre mère, cependant, ni à vous, bien entendu, qui êtes encore mineur. Je vais néanmoins vous poser une question à laquelle je souhaite vivement que vous répondiez : avez-vous déjà rencontré Lord Voldemort ? Que ce soit à votre domicile ou en dehors. »
« Il n'a jamais été au manoir Malfoy quand je m'y trouvais, » répondit Draco, rassuré que la question ne porte pas sur Bellatrix Lestrange. « Je crois, sans en avoir la preuve, que ma mère faisait en sorte que je n'aie pas à rencontrer de personnes douteuses. » Il inspira et tenta une nouvelle ligne de défense : « Bien entendu, j'étais trop stupide à l'époque pour comprendre qu'elle cherchait sans doute à me préserver... »
« Vous souhaitiez donc être un Mangemort ? » demanda Axelle Messidor, en levant un sourcil.
« Je souhaitais faire ce que mon père attendait de moi. Le rendre fier. »
« Enfin, Sénéchale ! Vous ne pouvez pas reprocher à un adolescent de 15 ans d'avoir voulu marcher dans les traces de son père ! » intervint vivement Andromeda. « Je sais personnellement combien de courage il faut pour s'élever contre sa famille. »
« Ce n'était pas mon intention, » rectifia Axelle Messidor. « Je suis heureuse que vous soyez revenu à des opinions plus modérées et plus démocratiques, Monsieur Malfoy. »
Le "en admettant que vous soyez sincère et je n'en suis pas persuadée" paraissait sous-entendu dans son ton. La Sénéchale avait une manière toute particulière de mettre en doute la moindre parole sans en dire un mot. Elle ne laissa pas le temps à Andromeda de protester et pressa un bouton sous son bureau.
« Monsieur, Malfoy, ce sera tout pour aujourd'hui, » déclara-t-elle. « Un Auror va vous sécuriser une cheminée pour Beauxbâtons. Madame Tonks, pourriez-vous rester encore un instant ? »
Draco remercia sa tante d'avoir pris le temps de l'accompagner, puis fila sans demander son reste, même s'il aurait bien aimé savoir de quoi la Sénéchale voulait entretenir Andromeda.


Une fois rentré à Beauxbâtons, Draco appela Luna par leurs tatouages d'alter. Elle l'informa qu'elle l'attendait dans la salle de travail d'Alexis. Depuis que Théodora avait pris vie en elle, Bombaste la laissait traîner là autant qu'elle le voulait. Elle n'avait pas changé radicalement d'attitude ou de comportement, mais sa nouvelle obsession pour les potions la faisait ressembler à un clone rêveur du jeune alchimiste. Non pas que Draco n'apprécia pas les potions, mais avoir deux fanatiques du sujet dans son entourage proche pouvait être pesant, par moment.
Et puis, il y avait la question du grimoire de Théodora. Draco ne s'en était toujours ouvert à personne et n'osait pas aborder la question avec sa bisaïeule, qui ne semblait tolérer sa présence que parce que Luna insistait. Le grimoire n'était pas à proprement parler un sujet urgent, mais Draco ignorait combien de temps Théodora avait l'intention de rester sur terre. Après tout, elle pouvait décider du jour au lendemain de partir pour l'au-delà et Draco se retrouverait alors bien embêté pour le décrypter... Quoi qu'il en soit, pour décoder le grimoire, encore fallait-il l'avoir sous la main et, aux dernières nouvelles, il se trouvait toujours quelque part au Manoir Malfoy, dans la bibliothèque familiale ou le bureau de son père.
De ce que Draco avait compris, Andromeda, en gagnant sa tutelle, avait aussi gagné la gestion des biens de la famille Malfoy jusqu'à sa majorité. Le Manoir Malfoy compris. Mais hélas, le domaine n'était pas incartable ou protégé par un gardien du secret. Bellatrix Lestrange, ou n'importe quel Mangemort de la connaissance de son père, voire Celui-qu'on-ne-doit-pas-nommer en personne, pouvait s'y trouver à l'heure qu'il était. Et ni la bibliothèque, ni le mobilier n'étaient à l'abri d'un pillage en règle. Le Lord devait être furieux d'avoir perdu le financement des Parkinsons et des Malfoys. Se vengeait-il en ce moment-même en revendant les biens du Manoir à son profit ?
Ce serait terrible de perdre ainsi tout leur patrimoine, les tableaux ancestraux de la famille Malfoy, les bijoux de sa mère, le mobilier magique et tous leurs objets de valeur, de l'argenterie aux tissus précieux. Il y en avait sans doute pour des millions et des millions de galléons ! Heureusement que le coffre familial restait inaccessible... Draco se demanda furtivement s'il avait suffisamment bien caché dans sa chambre toutes les montres moldues anciennes qu'il collectionnait en secret. La latte de plancher sous laquelle elles étaient dissimulées lui paraissait tout à coup totalement ridicule et dérisoire face à des Mangemorts assoiffés de richesse... Enfin, il n'y pouvait rien dans l'immédiat...
En revanche, le grimoire, c'était une toute autre histoire. Le jeune Malfoy savait que des Mangemorts comme Severus Snape ou Evan Rosier - l'oncle de Longbottom - avaient tenté d'en percer les mystères, sans succès. Le Lord lui-même s'y était cassé les dents ! Il ne le vendrait certainement pas. Draco jouissait donc d'un petit répit.

Le Slytherin entra dans le petit labo privé d'Alexis, où ce dernier était en train de préparer une nouvelle décoction sous l'œil critique de Luna. La jeune fille, les poings sur les hanches, semblait davantage lui donner des ordres que l'assister.
« Non, non ! » disait-elle. « Tu tournes dans le sens inverse des aiguilles d'une montre trois fois, et quand une légère écume se forme sur les bords, tu tournes dans le sens des aiguilles. C'est une question de doigté ! De la délicatesse avant tout... »
Alexis fronça le nez et suivit cette fois-ci les consignes que Luna - enfin Théodora, selon toute vraisemblance - venait de lui donner. Les deux jeunes gens levèrent le nez, quand Draco referma la porte avec un peu plus de force que nécessaire.
« Draco, mets ces gants et coupe-moi ce chou mordeur ! » ordonna-t-elle aussitôt à Draco, en désignant l'inoffensif - ou presque - morceau de verdure qui était posé non loin, à côté d'une paire de gants en peau de dragon.
Malfoy se demanda si tout le monde s'en fichait, de sa convocation au Sénéchalat, puis il soupira et fit ce qu'on lui demandait. Ce n'était pas qu'il avait peur de sa bisaïeule - Luna ne la laisserait certainement pas s'en prendre à lui - mais s'il espérait un jour avoir de bons rapports avec elle et obtenir des infos sur le grimoire, il n'avait pas d'autres choix que jouer au gentil garçon obéissant. Heureusement pour lui, Draco savait très bien faire.
Il évita adroitement les dents du chou mordeur, qui tentèrent de lui happer les doigts au passage, et enfila les gants protecteurs. Dès qu'il rapprocha la main, le chou planta sa dentition dans le cuir du dragon. Sans attendre, Draco en profita pour immobiliser la plante et, d'un coup précis de couteau, coupa les muscles qui reliaient les mâchoires supérieures et inférieures.
« Attention, il va sécréter de la chlorophylle amère ! » le mit en garde Luna.
« Je sais, » répondit Draco, en excisant la glande en question du bout de sa lame. Il vida le pus qui s'en échappa dans une bassine.
« Hmm... On ne t'a pas trop mal enseigné, à ce que je constate... » répartit Luna avant de retourner son attention vers Alexis.
Draco eut un demi-sourire et commença à couper le chou mordeur, maintenant inerte, en tranches fines.


Au fur et à mesure que les jours s'écoulaient sans aucune nouvelle du Sénéchalat, Harry commençait à s'inquiéter. Pourquoi Axelle Messidor ne le contactait pas ? Jusqu'à il y a peu, il était convoqué trois fois par semaine au Sénéchalat et il participait à presque autant de réunions que Sorlimus. Mais, depuis Halloween, Axelle Messidor ne l'avait pas appelé une seule fois. Il avait d'abord mis cela sur le compte des vacances, puis de la libération d'Hogwarts, mais quinze jours, ça commençait à faire long ! D'autant que Sorlimus, elle, continuait à y aller de temps à autres. Harry se sentait injustement mis à l'écart, alors qu'il était au cœur du conflit tout de même ! Les gouvernements anglais et français s'entredéchiraient à son propos, il avait de multiples contacts dans les réseaux de Résistance à Voldemort, ses amis proches menaient une politique active de lobbying auprès de la presse française... Mais bien entendu, il n'y avait toujours que Pythagora Maimonide et Nicolas Flamel à être au courant de la Prophétie. Il ne pouvait pas parler de ça à la Sénéchale... Ce serait... Non, il ne pouvait pas en parler, tant qu'il n'aurait pas une meilleure compréhension des tenants et aboutissants de ladite Prophétie.

Pour se distraire, et aussi parce que Ron n'arrivait pas à parler d'autre chose, il réfléchissait de plus en plus à cette affaire d'équipe binationale. La perspective de rejouer enfin au Quidditch et de jouir d'un peu de liberté personnelle contrebalançaient le silence de la Sénéchale. Mais bien entendu, très vite, il ne songea qu'aux différents points qu'elle ne manquerait pas de soulever pour s'opposer au projet.
Premièrement, et surtout : la sécurité des lieux. Comment assurer la sécurité des matchs auxquels participerait cette fameuse équipe binationale ? Comment empêcher une attaque des Mangemorts sur un tel événement lourdement médiatisé ? Harry savait que la Sénéchale ne manquerait pas de mentionner l'incident lors de la Coupe du Monde de Quidditch en Angleterre deux années auparavant.
Deuxièmement, gérer la surmédiatisation. Si l'on devait s'attendre à une grande implication des médias, notamment sportifs, comment maintenir l'incartabilité de Beauxbâtons face aux assauts des journalistes qui voudront assister aux entrainements de l'équipe binationale et interviewer ses joueurs ?
Troisièmement, comment négocier avec les différents clubs le départ de certains de leurs joueurs pour l'équipe binationale ? Et là, la Sénéchale citerait sans aucun doute le cas de Marc-Horus Volauvent, qui était l'un des joueurs centraux de l'équipe des Béliers de Pietralba. Enfin, Harry n'était pas du tout sûr que Marcus veuille jouer dans leur équipe, cela dit... Pas plus que Annet, qui ne quitterait certainement pas les Morvach's, même si elle soutenait l'initiative de Ron.
Enfin, point particulièrement épineux : qui serait chargé des sélections ? C'était bien gentil à Ronald Weasley de vouloir tout organiser, mais encore fallait-on être sûr qu'il ait les capacités, le talent, pour jouer au niveau national. Et on ne pouvait absolument pas laisser un des joueurs potentiels faire les sélections, ce serait risquer les choix de copinage et ruinerait toute l'idée d'une vraie équipe pré-professionnelle, comme l'étaient les équipes junior de Quidditch françaises. Bref, il leur faudrait un sélectionneur et un entraîneur. De l'avis de Harry, Aimé Zéphir, le professeur de vol, pourrait faire l'affaire pour ces deux rôles, vu qu'il enseignait à Beauxbâtons, mais le Ministère des sports et la Fédération de Quidditch accepterait-elle ce choix ? Aimé Zéphir était lui-même un ancien joueur pro, encore intimement lié à l'équipe des Phoenix d'Avallon. Il pourrait être suspect d'avantager ou de désavantager certains joueurs sous l'influence de son ancienne équipe.

Ron n'avait pas l'air inquiet. Le soutien des deux principales personnalités du monde du sport sorcier en France avait l'air de lui suffire. Il ne voyait pas du tout les aspects pratiques ! Et sans proposition concrète de leur part pour les gérer, le Sénéchalat n'accepterait jamais ce projet qui ne présenterait alors pour eux qu'une énorme charge de travail supplémentaire. Non, Harry devait trouver ce qui pourrait convaincre la Sénéchale, quelque chose qui serait au bénéfice direct de la France. Son image internationale ? Les retombées commerciales de ces événements ? Harry avait beau se creuser la tête, il ne voyait pas. Et ce n'est pas comme si il pouvait demander à Hermione de réfléchir à la question, vu qu'il s'agissait d'un projet de Ron ! Quelle casse-tête !


Au final, Harry ignorait comment Ron avait réussi son coup. Mais ce vendredi-là, tous les cours de l'après-midi avaient été annulés et les élèves invités à venir regarder le duel d'attrapeur entre Harry et Julie Sésame, en présence du président de la Fédération de Quidditch, Julien Moiré, un cousin de Tina, et du Ministre de la santé et des sports, Bixente Sempière. Ce dernier arriva, flanqué d'Omer Piéhellé, le chef du bureau des sports, qui était l'un des principaux contacts de Ron et qui avait beaucoup plaidé sa cause auprès du Ministre. La Sénéchale les avait escortés tout trois jusqu'à Beauxbâtons et elle se trouvait à présent à leurs côtés, dans la tribune couverte mise en place pour l'occasion. Harry l'avait saluée de loin et n'avait pas cherché à lui parler. Il avait d'ailleurs mieux à faire pour le moment, notamment se préparer pour le fameux duel d'attrapeur. Il avait déjà affronté Julie Sésame lors du match amical de leur premier week-end à Beauxbâtons. Elle maniait plutôt bien son balai et était légère et rapide ; de ce que Ron avait laissé entendre, c'était tout bonnement la meilleure attrapeuse de Beauxbâtons, ce qui voulait probablement dire la meilleure semi-professionnelle française de son âge, vu que dans ce pays, les clubs recrutaient systématiquement les lycéens prometteurs. Ce serait donc à qui repérerait le vif en premier.
Harry remarqua Ron, qui s'avançait vers les trois officiels pour leur serrer la pince et les remercier d'être venu. Il fit signe à Harry et Julie de les rejoindre. Les trois hommes semblaient ravis de mettre à nouveau les pieds dans leur ancien lycée, comme ils le répétèrent à deux reprises, tout en tentant de temps à autres d'entraîner la Sénéchale dans leurs discussions nostalgiques sur leurs vertes années.
Axelle Messidor salua Harry d'un :
« J'ignorais jusqu'à peu que vous étiez du projet, Potter. »
« Je vous en aurais parlé, sans aucun doute, si j'avais eu l'opportunité de vous voir Sénéchale... »
Le reproche dans sa voix était soigneusement dosé pour ne pas irriter Axelle Messidor, tout en faisant passer sa déception. Elle ne s'y trompa pas :
« Ces deux dernières semaines ont été compliquées, » répondit-elle avec sobriété, sans doute pour ne pas alourdir l'ambiance. « Mais je suis sûre que vous avez trouvé à vous occuper. C'est l'impression que vous donnez, d'ailleurs ! » remarqua-t-elle en montrant sa tenue et son balai de Quidditch.
Harry n'eut pas d'autre choix que d'acquiescer. Il aurait été de mauvaise foi de prétendre qu'il n'était pour rien dans la démonstration d'aujourd'hui. Ron avait certes tout organisé, mais Harry l'avait beaucoup soutenu et encouragé.

Une petite pluie fine se mit à tomber. Ce n'était pas particulièrement gênant, mais l'humidité de l'air s'en ressentait encore davantage. Harry se fit la réflexion que le vif serait sans doute plus glissant que d'habitude et qu'il ne faudrait surtout pas oublier de le prendre en compte. Puis, comme à chaque fois que le temps le réclamait, le garçon lança un sort d'imperméabilité sur ses lunettes.
Après un bref rappel de l'enjeu du duel d'attrapeur, soit démontrer le niveau anglais et encourager des français à postuler pour les futures sélections, le signal du début de la démonstration fut donné. Harry et Julie s'élancèrent dans le ciel, sous les vivats du public. Quasiment tout Beauxbâtons s'était déplacé, et on voyait autant d'élèves du collège que du lycée. Même les professeurs les moins concernés étaient présents, et avaient rejoint les trois invités sur la tribune. Harry aperçut plusieurs personnes faire une grande place à Circé de Lusignan, sans qu'elle parut même la réclamer. En attendant le lancé du vif, les deux attrapeurs redoublaient d'audace, enchainant figures et piqué, accélération, tonneaux... Harry fit une feinte de Wronski qui fut beaucoup applaudie. Julie Sésame elle-même lâcha le manche de son balai pour applaudir des deux mains.
Enfin, un coup de sifflet indiqua que le vif allait être prochainement lâché. Julie et Harry remontèrent en hauteur pour avoir un bon aperçu du terrain. Pour corser un peu le duel, Ron lâcha au préalable deux cognards, qui commencèrent aussitôt à pourchasser les deux joueurs. Tout en gardant un œil sur son adversaire et la position des cognards, Harry se courba sur son balai et décrivit plusieurs grandes courbes visant à ratisser la zone la plus large possible en cas d'apparition du vif. Par jeu ou pour l'irriter, Julie Sésame fit plusieurs figures qui laissaient penser qu'elle avait aperçu le vif, alors qu'il n'en était rien. Harry se laissa prendre à la première, certain qu'il avait dû manquer l'arrivée de la balle, mais se rendit vite compte de la supercherie. A la seconde tentative, il fit son propre piqué pour distraire Julie. Il remontait en chandelle quand un éclat doré attira son attention vers la gauche. Le vif était lâché ! L'air de terminer sa figure, il fit virer son balai vers l'endroit où se dirigeait la petite balle. Mais il ne fut pas assez rapide et le vif fila plus loin. Julie arrivait en face, elle aussi déterminée à s'en saisir. Ils s'évitèrent au dernier moment, sous les hourras du public.
La chasse au vif se poursuivit. De nombreux spectateurs avaient leurs multiplettes fixées sur les deux attrapeurs, ou aux quatre coins du terrain, à la recherche de la balle dorée. Julie accéléra brusquement, en se couchant sur son balai, et Harry se demanda pendant une demi-seconde s'il s'agissait d'une nouvelle feinte. Une demi-seconde de trop, car la jeune fille semblait déjà fort près du vif qui filait à vive allure. Elle tendit la main, alors que Harry arrivait à peine dans la zone. Il grimaçait déjà de déception, quand soudain le vif, rendu glissant par la pluie, échappa à la main gantée de Julie. Le Gryffindor, dans un moment de pur instinct, fit une brusque volte arrière et saisit la balle trois mètres plus bas, sans que quiconque ait le temps de comprendre ce qu'il venait de faire. Il serra fortement la balle bruissante, afin de ne pas la laisser s'échapper comme Julie venait malencontreusement de le faire, et redressa son balai juste avant de heurter le sol. Il remonta en chandelle vers le ciel en brandissant le vif.
Un hurlement de joie retentit des gradins, tous les Gryffindors, Hermione compris, s'étaient levés, tapaient dans leurs mains, tapaient des pieds ou trépignaient d'enthousiasme en s'accrochant les uns aux autres ! Dean tomba au sol, entrainant avec lui Neville et Seamus. Ils se relevèrent aussitôt pour courir vers Ron, qui courait lui-même vers l'endroit où Harry allait atterrir. Julie se posa la première, reconnaissant avec un petit soupir qu'elle avait commis une erreur et avait cherché à saisir le vif trop tôt. Elle repoussa légèrement Olivier Nestor, qui tentait déjà de la consoler à sa manière particulière, et se tourna vers les Gryffindors qui avaient rejoint Harry et le lançaient à présent dans les airs. D'autres se joignirent à eux pour le porter en triomphe en direction de la tribune.

Les trois officiels semblaient ravis de la prestation de Harry et applaudissaient chaleureusement. La Sénéchale, elle-même, paraissait impressionnée et hochait la tête comme si elle entrevoyait déjà une utilité concrète à ce nouveau talent. Olympe Maxime avait l'air prodigieusement contente, au grand étonnement de Harry, qui ignorait qu'elle fut passionnée de Quidditch.
« Bravo, monsieur Potter... Harry, si vous me permettez de vous appeler par votre prénom, » fit le Ministre des sports magiques, en lui serrant la main. « Il faut absolument faire connaître votre talent. J'entrevois de grandes choses pour cette équipe binationale ! Qu'en dites-vous, Monsieur Moiré ? »
« Tout à fait, Monsieur le Ministre, » répartit l'autre avec enthousiasme. « Et je vous approuve sans réserve. Ce jeune homme va devenir la perle de notre championnat ! Et je ne doute pas que tous les attrapeurs de nos équipes de la Ligue se feront une joie d'avoir un adversaire d'un tel niveau ! »
« Enfin... » intervint Harry. « Je ne suis pas encore sélectionné... »
Les trois hommes esquissèrent de concert un geste désinvolte, comme quoi sa sélection ne serait probablement qu'une formalité à présent, puis reprirent la conversation où ils l'avaient laissé :
« Le championnat de cette année va être mémorable, » se félicita Omer Piéhellé, en se frottant les mains.
« Et bien, je vais de ce pas faire une note pour notre Premier Ministre, qui montre ma pleine adhésion à ce projet, je n'hésite pas à le dire, » conclut le Ministre.
Les trois hommes serrèrent à nouveau la main de Harry et celle de Julie Sésame, qui dominait sa déception du mieux qu'elle pouvait, puis se dirigèrent en compagnie de la Sénéchale et de la directrice, vers l'âtre de Beauxbâtons, pour rentrer à Paris.


Neville se sentait un peu emprunté dans la tenue que lui avait sélectionné Simon, mais il devait reconnaître qu'elle lui allait bien. Et lui donnait juste l'air de décontraction soignée qu'il souhaitait montrer.
Il avait dans ses bras un petit bassin de faïences blanches, bleues et vertes savamment agencées. Le motif mettait en valeur les liserons d'eau blancs et bleus que Neville y avait disposé. D'un sort, il l'avait allégé afin de pouvoir le transporter aisément. Il n'avait pas encore mis d'eau, attendant d'être arrivé à destination pour le remplir d'un sort d'aguamenti contrôlé. La perspective du voyage par cheminette angoissait un peu le jeune Longbottom qui craignait de casser le bassin, d'abîmer les fleurs, ou de salir sa tenue au-delà du nettoyable. Un bon sort de protection appliqué sur le bassin et les fleurs lui tranquillisa l'esprit. Bref, tout était parfait.
Neville avait refusé que Zabini vérifie quoi que ce soit et le jeune noir s'était drapé dans sa dignité, vexé de ne pas avoir été consulté.

En revanche, Neville avait fait fini par faire appel à Malfoy pour l'aider à se préparer. Ce n'était pas que Simon ignorait les sujets de conversation mondaine que tout un chacun était censé abordé dans ce genre d'occasion, mais plutôt qu'il ne connaissait pas assez bien la bonne société anglaise. Malfoy était donc l'interlocuteur idéal, d'autant qu'il avait eu l'air de se porter volontaire... Les raisons du Slytherin étaient en réalité fort simple, comme il le reconnut lui-même, dans un curieux élan de franchise, quand Neville le questionna à ce propos :
« Ne te fais pas d'illusion, Longbottom ! Je ne fais pas ça par sympathie pour toi, » avait-il dit en mettant de l'emphase sur le "toi". « Mais il s'avère que tu jouis, par un curieux hasard de circonstances, d'une excellente position sociale en France. Tellement bonne que des ressortissants britanniques, telle Madame Zabini, commencent à te vouloir dans leurs cercles de connaissance... Je suis, quant à moi, dans l'impossibilité de rentrer dans notre pays, que ce soit aujourd'hui ou plus tard. Je dois donc reconstruire tout mon réseau social ici. Le problème est qu'à cause du meurtre de mon père, je suis assigné à résidence à Beauxbâtons et dans l'impossibilité de le quitter. La meilleure chose à faire, à mon sens, est donc de t'aider maintenant à te faire une belle situation en France et auprès des sujets britanniques. Et peut-être plus tard, quand j'aurai de nouveau recouvré ma liberté, tu pourras m'aider à ton tour, et peser de ton poids en ma faveur si je me retrouvais dans une position difficile. »
« Hmm... Je ne sais pas, Malfoy... Je crois que tu surestimes mon influence... » hésita Neville.
« Pour l'instant, ce sont peut-être juste des espérances, mais avec mon aide, cela pourrait devenir très réel. Tu aurais alors moyen d'influer sur les personnes décisionnaires. Et cela pourrait avoir son importance, au vu de la situation catastrophique en Grande Bretagne, sur quasi tous les plans. »
« Qu'est-ce qui te fait penser que je t'aiderais vraiment par la suite ? » questionna Neville après un court moment de réflexion. « Si tu mises sur ma bonne volonté de Gryffindor, alors permets-moi de te... »
« Parce que je te propose un marché. Une alliance. Qu'ils soient Slytherin ou Gryffindor, les sorciers respectent les alliances. Les briser iraient à l'encontre de leur magie... »
Malfoy eut un petit soupir. On voyait bien que la conversation lui coûtait.
« Pour tout dire, je ne te proposerais jamais cela, si je n'avais pas appris que ta mère était une proche de la mienne. Ce genre de choses a de l'importance pour moi. Comme elle en aurait pour ma mère... Si je la retrouve un jour, je veux pouvoir lui dire que j'ai fait quelque chose pour le fils de son amie. »
« Ce serait bien la première fois... » ne put s'empêcher de grincer Neville.
« La situation a changé, » se contenta de répondre Malfoy.

Aussi dubitatif qu'il l'ait été, grâce à l'aide de Malfoy et de Simon, Neville se sentait à peu près prêt. Même s'il n'était pas persuadé qu'il aurait les capacités pour parler de la saison d'opéra ou des dernières courses d'hippogriffes de Brocéliande, il ferait de son mieux.
Quelques minutes après l'heure dite, Neville prit la cheminée pour la demeure de Madame Zabini. Il fut accueilli par une dame habillée d'un uniforme entre l'orangé et le rose. Malfoy lui avait dit de s'attendre à du personnel de maison, et de s'en tenir à la stricte politesse, toute familiarité envers eux étant réservée à la maîtresse de maison. Neville salua la domestique et énonça sobrement son nom. Alors qu'elle s'éloignait pour l'annoncer à Madame, il vérifia sa tenue et emplit d'eau le bassin aux liserons. Ceci accompli, il regarda autour de lui. La pièce était spacieuse, mais peu meublée. C'était sans doute davantage un endroit de transit qu'une pièce de réception. Neville commençait à connaître les intérieurs des sorciers aisés et il n'était pas rare que la cheminée principale débouche sur une pièce neutre, telle que celle-ci.
« Madame va vous recevoir, » fit la voix de la domestique dans son dos.
Il réprima de peu un sursaut et la suivit vers un élégant jardin d'hiver, aménagé dans une véranda. Quelques oiseaux exotiques volaient sous le vaste dôme de verre et venaient se désaltérer à la fontaine centrale. Neville se sentit soudain pris de doute, avec son bassin à la taille ridicule. Son regard tomba sur la maîtresse de maison à moitié allongée sur un sofa. Son fils était assis dans un fauteuil auprès d'elle. Zabini se leva :
« Maman, permettez-moi de vous présenter mon camarade Neville Longbottom, » dit-il d'un ton suave, en faisant signe à un homme de venir prendre le présent de Neville. Présent qu'il contemplait d'un air très dubitatif.
Le jeune Gryffindor essaya de ne pas se laisser démonter et, comme le lui avait indiqué Simon, inclina la tête devant elle en guise de salut.
« C'est un honneur d'être votre invité, Madame. Je suis tout à votre service. »
Victoria Zabini le remercia d'un sourire, avant de s'intéresser au présent que le jeune homme avait apporté et que le domestique venait de poser sur une petite table devant elle.
« Qu'est-ce donc ? Ces fleurs sont fort jolies, » remarqua-t-elle, en se penchant pour en humer le parfum.
« Il s'agit de liserons aquatiques, » commenta Neville, « et si vous me permettez... »
Il sortit sa baguette et lança un sort qui activait les courants circulaires. Les liserons frémirent, puis une douce musique résonna dans le bassin.
« Oh ! » s'exclama-t-elle. « Quelles merveilles ! C'est... » Madame Zabini s'interrompit. « C'est une délicate attention. Je vous remercie, mon jeune ami. »
Neville réussit à masquer son expression de triomphe, mais il ne put s'empêcher de jeter un œil vers Zabini fils qui le regardait, incrédule. Madame Zabini l'invita à s'asseoir et ils écoutèrent le concert floral pendant quelques minutes encore, puis le courant s'apaisa et les fleurs se turent.
« Un présent vraiment délicieux... » commenta-t-elle à nouveau. « Puis-je vous offrir une tasse de thé, mon cher ? »
« Avec plaisir, Madame, » acquiesça-t-il.
La domestique entra au même moment, faisant léviter devant elle un charmant plateau à étages garni de macarons multicolores et un service à thé, aux formes si extravagantes, qu'il n'avait pu être conçu que par un artisan sorcier. Alors que Madame Zabini servait elle-même le thé, elle demanda à Neville de relancer le chant des fleurs.
« Est-ce que la mélodie suit le sens du courant et se modifie, quand ce dernier change ? » questionna-t-elle en tendant sa tasse au Gryffindor.
« La mélodie est la plus harmonieuse quand le courant est circulaire. Changer le sens abruptement peut engendrer quelques dissonances, mais elles ne sont que passagères. Un mouvement alterné donne l'impression de deux mélodies se fondant l'une dans l'autre... » répondit-il et il en fit aussitôt la démonstration. Ses longues heures d'entraînements en magie aquatique portaient enfin leurs fruits.
« Oui, c'est tout à fait charmant... » commenta Victoria Zabini, en hochant la tête. « Et cela a l'heur de plaire à mes favoris, » ajouta-t-elle alors qu'un minuscule oiseau exotique se posait sur le rebord du bassin pour accompagner la mélodie de son chant.
Neville eut un sourire et attendit que son hôtesse porte le thé à ses lèvres pour boire à son tour.
« Mesdames Nestor et Piccolo m'ont parlé de vous, savez-vous ? ... Le séminaire de magie aquatique que vous suivez est très prisé, et il est bien connu parmi les parents d'élèves que Madame de Lusignan, le professeur, n'accepte que des sorciers naturellement doués dans ce domaine... »
Neville rougit. Il n'imaginait pas que des personnes - des dames - avaient parlé de lui entre elles. Encore qu'il s'agissait probablement encore des effets de sa fable avec Siri Piccolo. Le garçon en était encore à se demander si cela avait été une bonne idée.
« Ces dames sont trop aimables... » répondit-il enfin. « Il existe un tel choix de séminaires à Beauxbâtons qu'il a été bien difficile de se décider... Quel séminaire as-tu choisi, Zabini ? » demanda-t-il en se tournant vers Blaise.
« Le séminaire d'enchantement portant sur les envoûtements et ses objets, » répondit nonchalamment le jeune noir. « Un domaine passionnant pour qui s'intéresse aux magies anciennes. »
« Quel genre de magie ancienne ? » questionna-t-il, plus pour détourner la conversation de lui-même que par réel intérêt.
Blaise le dévisagea une seconde avant de répondre.
« Et bien, de la magie apotropaïque de l'Égypte antique, ou encore certaines formes anciennes de Vaudou, bien que ce ne soit pas le nom qu'on lui donne. En majorité, des envoûtements de figurines et la création de talismans. Un cours fascinant... » précisa le Slytherin avec un petit sourire en direction de sa mère.
« Blaise aurait pu être un Ravenclaw, comme moi, » commenta sa mère. « Il s'intéresse à tant de choses... Mais revenons, plutôt à vous, Neville... Vous permettez que je vous appelle Neville, n'est-ce pas ? » ajouta-t-elle avec un sourire éblouissant.
Le Gryffindor acquiesça en se morigénant intérieurement : il s'était promis de ne pas se laisser intimider, par Merlin !
« Alors, que pensez-vous de la France, mon cher Neville ? » reprit-elle presque aussitôt. « Avez-vous le sentiment d'avoir été bien accueilli ? Blaise a émis quelques réserves... »
Neville se tourna vers son condisciple de Slytherin pour avoir des précisions, mais celui-ci ne s'expliqua pas, le laissant se débrouiller. Le jeune Longbottom haussa imperceptiblement les épaules. Il commençait à s'habituer aux manières fuyantes de Zabini.
« Il me semble que les français ont fait au mieux au vu des circonstances, » répondit-il finalement. « Même s'il est vrai qu'ils ont plutôt cherché à nous intégrer à leurs programmes, au dépend des nôtres, et nous ont fortement encouragé à nous plier à leurs méthodes d'enseignement, sans chercher à tirer profit de notre expérience. »
Ce dernier argument reprenait un bout de la lettre de Ginny qu'il avait trouvé pertinent.
« Difficile d'attendre autre chose de la part des français ! Leur administration est, je me suis laissé dire, un tantinet rigide... » commenta Victoria avec humour. « Et hors du cadre strict de l'enseignement à Beauxbâtons ? » insista-t-elle.
« Et bien... J'ai trouvé la plupart des personnes que j'ai pu fréquenter très intéressées et très... ouvertes sur les questions internationales. »
« Ils se soucient donc de la situation politique de notre cher pays ? »
« Tout à fait. Les français, ai-je compris, apprécient les grands combats démocratiques... Encore que, bien évidemment, l'argument économique prévaut toujours... » récita Neville, en se remémorant certaines explications fournies par Simon.
« Bien entendu... » commenta Madame Zabini, un léger pli barrant son front. « Ils dissimulent leur pragmatisme derrière tant de faux-semblants... »

Neville hocha la tête, sans rien ajouter de plus. Merlin ! Il commençait déjà à sécher et cela ne faisait qu'un quart d'heure à peine qu'il parlait avec les Zabini. Simon lui avait dit qu'il ne pourrait pas s'en tirer à moins d'une heure de conversation mondaine. Deux, si son hôtesse était d'humeur bavarde. Mais Neville, lui, voulait entendre parler de sa mère ! Pourquoi ne parlait-elle pas d'Alice Rosier, à la fin ?! Bien entendu, il savait que son hôtesse avait son propre agenda en l'invitant et ne parlerait du sujet qui l'intéressait qu'en temps et en heure, mais le Gryffindor commençait à se sentir impatient !
« Madame Piccolo m'a dit tantôt avoir été immédiatement conquise par votre gentillesse, » reprit Madame Zabini. « et c'est tout à votre honneur... Mais, » nuança-t-elle avec une pointe d'agacement, « il me semble qu'elle vous considère un peu trop facilement comme un acquis. Vous n'êtes pas sans savoir que vous êtes un parti enviable, un allié de poids pour n'importe quelle famille qui souhaiterait s'implanter économiquement en Grande Bretagne. Les Piccolo sont familiers de ce genre de pratique, et cela me ferait de la peine de vous voir exploité ainsi pour leurs simples intérêts. »
Neville ouvrit grand les yeux. Un parti enviable ? Il n'avait effectivement jamais trop compris pourquoi il était si bien vu des sorciers français... D'accord, Simon leur avait expliqué, à Ron et lui, que les français de la bonne société étaient toujours à la recherche d'alliances avec des sang-purs qui ne soient pas leur cousin au premier ou au deuxième degré. Mais le côté économique de la chose lui échappait... A sa connaissance, sa grand-mère n'était pas excessivement fortunée. Et vu que sa mère Alice avait été reniée par son propre père, il y avait peu de chances qu'elle ait hérité de quoi que ce soit des Rosier. Peut-être était-ce enfin le moment de demander des explications.
« Madame Zabini, » commença-t-il. Il chercha un moyen de formuler sa question sans paraître trop stupide, mais n'en trouva pas : « Je vais vous paraître très ignorant, mais en quoi suis-je un parti enviable pour quelque famille que ce soit ? » finit-il par demander franchement.
Victoria Zabini échangea un regard interrogateur avec son fils. Blaise haussa les épaules d'un air indifférent.
« Je vois... » dit-elle finalement. « Laissez-moi vous resservir une tasse de thé, puis je vais tâcher de vous éclairer... »
Neville plongea le nez dans sa tasse avec appréhension.
« Je dois pour cela, vous conter certains événements tragiques de ma vie, j'espère que vous m'en excuserez... » dit Madame Zabini en introduction. « Voyez-vous, après la mort de mon premier mari en 1979, j'étais désemparée. Vous imaginez une jeune veuve, seule avec un nouveau-né, au milieu d'une abominable guerre civile. Et c'est à ce moment-là que j'ai rencontré David Rosier. Il était veuf lui aussi et j'ai songé qu'il pourrait être, pour moi, un refuge et un appui. Je savais de source sûre qu'il s'était éloigné de Vous-Savez-Qui, surtout depuis la mort tragique de son fils Evan. Bien entendu, je n'aurais jamais envisagé de m'unir à quelqu'un à la moralité douteuse. »
Neville hocha la tête. Ainsi Madame Zabini avait envisagé de devenir sa belle-grand-mère. Curieuse idée...
« Hélas, quelques temps plus tard, David Rosier a été empoisonné par Bellatrix Lestrange. Cette femme a fait tant de mal à votre famille, c'est vraiment abominable... » dit-elle d'un ton douloureux. « Et alors que beaucoup s'inquiétaient, y compris Vous-Savez-Qui, du devenir du patrimoine des Rosier, une indiscrétion de son homme de loi m'a informé qu'il avait, peu avant sa mort, tout légué à son petit-fils. A savoir vous, Neville. Bien entendu, tout cela ne sera officiel que quand vous serez majeur. »
Neville resta totalement pétrifié par toutes ces révélations. Madame Zabini en profita pour poursuivre :
« Évidemment, tout cela reste entre vous et moi. Vous n'avez pas à vous faire de souci... Mais il est certain que moult familles françaises ont dû chercher du côté de vos ascendances maternelles et se poser la question de vos espérances, en terme d'héritage... Les dames de la famille Piccolo n'ont pas dû s'en priver... J'ai entendu dire que vous étiez au mieux avec la fille de Philémon Piccolo, la jeune Sirène. Mais... Il me semble que cette jeune personne n'est pas vraiment... Comment dire ?... Blaise, que disais-tu de Mademoiselle Piccolo, déjà ? » interrogea-t-elle son fils.
« Qu'elle était une catastrophe en société et était dépourvue du moindre tact, attitude inconciliable avec son milieu social, » répondit le Slytherin, comme s'il parlait de la pluie et du beau temps.
« Ce n'est pas très courtois, Blaise, » remarqua Victoria Zabini avec toutefois un fin sourire amusé, qui contredisait complètement la faible réprimande de ses paroles. Elle se tourna à nouveau vers Neville : « Il faut vous épargner cela, mon ami ! Vous ne pouvez pas sérieusement envisager de convoler avec une jeune fille si rétive à la vie mondaine. Il est évident qu'elle ne saurait tenir votre salon ! Qui plus est, cette Sirène est de la branche cadette des Piccolo. Dans l'avenir, elle n'aura aucun pouvoir au sein de sa famille. Non, vraiment. Ce ne serait pas raisonnable... Vous pouvez faire tellement mieux. »
« C'est à dire... » parvint à placer Neville. « Il y a comme un malentendu... Sirène n'est qu'une amie... »
« Vraiment ? Vous me surprenez. Madame Piccolo a l'air persuadé du contraire ! » s'exclama Madame Zabini. « Enfin... Quoi qu'il en soit, vous ne devriez pas vous précipiter. Les perspectives d'avenir sont multiples et florissantes pour un jeune homme de votre qualité, et je me fais fort de vous apporter mon aide. »
Neville allait secouer la tête en signe de dénégation, mais Victoria ne lui laissa pas le temps de la contredire :
« Avant toute chose, et surtout avant de prendre une décision trop hâtive, laissez-moi vous parler de votre mère... » dit-elle.
Le Gryffindor se figea, puis acquiesça lentement. Une petite voix dans sa tête, qui avait curieusement le timbre d'Hermione, lui criait qu'il était en train de se faire manger tout cru et qu'il jouait complètement le jeu de Madame Zabini. Il l'ignora. Il avait besoin de savoir.


Neville rentra à Beauxbâtons, complètement sonné. Il essayait de concilier l'image qu'il avait de sa mère, internée à Saint Mungo depuis quinze ans, avec tout ce que lui avait raconté Victoria Zabini. Pas que cette dernière ait réellement fréquenté sa mère, la différence d'âge entre elles était tout de même de 4 ou 5 ans, mais elle connaissait beaucoup de petits faits sur Alice Rosier et, Neville l'avait bien perçu, sur son frère ainé, Evan. Les Rosier faisaient partie des quatre grandes familles influentes britanniques, avec les Malfoy, les Black et les McKinnon. Des Malfoy et des Black, il ne restait aujourd'hui plus que Draco, et les McKinnon avaient disparu. Bref, Neville était, avec Malfoy, le dernier membre d'une des plus éminentes familles de son pays. Il comprenait mieux maintenant de quoi sa grand-mère avait tenté de le protéger, même si cette dernière ne pouvait pas être au courant pour l'héritage. Ou peut-être l'était-elle en tant que tutrice ? Il l'ignorait totalement.
Madame Zabini avait également mentionné le lien de parenté, lointain certes, mais tout de même existant, entre les Rosier et Voledmort, qui se clamait l'héritier de Salazar Slytherin. Neville le savait déjà par la lettre de son père, mais l'idée que d'autres personnes soient également au courant le terrifiait. Que dirait Harry ? Et Hermione ? Merlin soit loué, Victoria Zabini ne savait rien de la Prophétie. Il allait devoir en parler à ses amis. C'était trop important !
Le lien du sang entre Rosier et Riddle était d'ailleurs l'une des raisons au haut grade dont jouissait Evan Rosier chez les Mangemorts, et de la haine particulière que tous les partisans de Voldemort vouaient à Alice Rosier, qui avait renié son sang. Qu'elle ait en outre embrassé la carrière d'Auror pour lutter ouvertement contre les Mangemorts n'avait fait qu'empirer la situation. L'assassinat de David Rosier avait été imputé à Bellatrix Lestrange, la même qui avait torturé ses parents, mais les raisons de ce crime restaient obscures, d'après Madame Zabini. C'était peut-être dans l'espoir de récupérer l'héritage... Mais le coffre des Rosier était déjà solidement légué au petit Neville Longbottom à l'époque. Durant ce passage, Neville avait espéré de toutes les fibres de son être qu'il ne laissait rien paraître d'autre qu'une surprise sans bornes.
Madame Zabini avait ensuite longuement parlé de Severus Snape et de l'intérêt sentimental unilatéral qu'il avait éprouvé pour Alice Rosier, la brillante préfète-en-chef qui lui avait préféré le préfet-en-chef de l'époque, Frank Longbottom. La chose avait beaucoup amusé la bonne société sorcière. On y racontait qu'Alice traitait Snape comme un animal de compagnie et que le pauvre garçon était assez pathétique pour se réjouir des miettes d'attention qu'elle condescendait à lui laisser. Les Snape étaient si pauvres, à l'époque, que les sentiments de leur rejeton pour l'un des meilleurs partis d'Angleterre passaient aux yeux de tous pour le comble de la présomption, voire de la stupidité.
Beaucoup avait pensé à l'époque que la curiosité d'Evan Rosier envers Severus Snape tenait plus de la pitié pour l'amoureux transi que d'un réel intérêt pour ses capacités. L'histoire ne leur avait pas donné raison, Snape était bientôt devenu le potioniste personnel de Vous-Savez-Qui et s'était taillé une jolie place dans la hiérarchie des Mangemorts. Et la quête de pouvoir du jeune Snape avait fini par tuer son affection pour Alice Rosier, qui avait commis la grave erreur de devenir Auror et de s'opposer donc frontalement à Vous-Savez-Qui.
Et pour l'affaire qui concernait Neville plus directement, Madame Zabini supputait que, pris de remords par les événements atroces qui étaient survenus et avaient fauché les époux Longbottom, Severus Snape avait tenté de se racheter en élevant leur unique enfant. Peut-être également pour se refaire une virginité. Élever le fils de deux héros de la société sorcière n'aurait pu que lui être profitable, pour faire oublier ses propres crimes.

Neville voyait également une autre raison, mais il s'était bien gardé de l'énoncer devant Madame Zabini. Si Severus Snape doutait de la disparition définitive de Voldemort et s'il avait eu vent de la Prophétie qui concernait Neville, peut-être avait-il souhaité entreprendre ce que sa mère n'avait pu faire. Soit, l'élever pour accomplir la Prophétie et éliminer Voldemort pour de bon. Ça aurait bien été le genre d'action en sous-main qu'un Slytherin aurait pu accomplir.
Bref, toute cette histoire de Prophétie lui donnait des frissons dans le dos. D'un autre côté, Harry avait déjà tellement souffert de l'obsession de Voldemort pour lui qu'il serait peut-être temps que Neville prenne ses responsabilités et fasse ce que cette Prophétie attendait de lui. Le problème est qu'il n'avait pas le contenu de ladite Prophétie. Son père était resté très vague dans sa formulation, et n'avait pas eu l'air de dire que quiconque était au courant. Bien entendu, il y avait toujours Dumbledore, qui était toujours mieux informé que la plupart, et peut-être Severus Snape, donc, si sa dernière hypothèse se vérifiait. Neville fronça les sourcils, un peu irrité par tous les mensonges et secrets qui entouraient son existence. C'était quand même un monde que personne - avant son père - n'ait jamais songé à lui dire la vérité !

Il monta dans sa chambre et fouilla dans le coffre pour lire à nouveau la lettre de Frank Longbottom. Peut-être que le plus simple serait de faire lire cette lettre à Harry. Vu l'épée de Damoclès qui semblait avoir élu domicile au-dessus de la tête du Survivant, il n'y avait pas de doute que ce dernier accorderait son plein soutien à son ami. Neville se mordit la lèvre en réfléchissant. Leurs vies à tous les deux avaient tellement de points communs, que ça ne semblait pas être une coïncidence. Ils avaient tout deux perdus leurs parents dans d'horribles conditions à cause de Voldemort ou de ses Mangemorts... Encore que Bones aussi avait perdu ses parents à cause des Mangemorts, mais Neville n'était pas bien sûr des circonstances. Et il ne se voyait pas interroger la pauvre Susan à ce sujet...
Il se replongea une dernière fois dans la lettre. Peut-être qu'une Prophétie l'avait élu pour soutenir Harry dans ses épreuves ? Ce serait plus juste, après tout. Neville devait maintenant prendre ses responsabilités. Il s'était tu sur toute cette affaire depuis fin juillet, avait tenté d'oublier, mais Zabini et sa mère avaient achevé de le rappeler à ses devoirs. Il était sans doute temps d'arrêter de fuir.


Le dimanche après-midi, Harry se dirigeait d'un bon pas vers les jardins arrières, son balai sur l'épaule, pour participer à la sélection de Quidditch organisée par Ron et Aimé Zéphir, le professeur de vol. D'après le jeune Weasley, la démonstration avait porté ses fruits et de nombreux élèves seraient là aujourd'hui pour tenter leur chance.
Soudainement, Harry ressentit une présence derrière lui - trop proche de lui - et se fit plus attentif, même si son corps ne trahit aucun changement. C'était peut-être juste Sorlimus qui essayait de le tester, comme elle le faisait souvent, ou encore Sacha qui tentait de le surprendre en traitre. Il faisait cela, parfois, autant avec lui qu'avec Junon, d'ailleurs. Puis Harry sentit l'air bouger près de son oreille gauche. Comme un réflexe, sa jambe fusa en arrière, fauchant l'inconscient qui s'était un peu trop approché sans manifester ouvertement sa présence. Un corps tomba lourdement au sol.
« Ça va pas bien dans ta tête ?! » gueula Tristan Sevrin, assis dans la poussière, son balai à ses côtés, signe qu'il se rendait lui aussi à la sélection de Quidditch. Eurk... Harry n'avait pas envie d'avoir Tristan Sévrin dans son équipe... « Tu attaques souvent les gens sans raison ? »
Harry fronça les sourcils. Il n'avait pas non plus envie de s'excuser, vu la manière dont le garçon le traitait habituellement.
« Il y a quelque chose qui s'appelle l'espace vital, » remarqua-t-il, acide. « Si tu te permets de franchir mes limites sans t'annoncer, il ne faut pas t'étonner de te prendre un bleu ou deux ! »
Sur ces mots, Harry se détourna et reprit son chemin.
« T'es vraiment un psychopathe, mec ! Déjà que ton sang est pas très net... » lança le jeune Sevrin après lui.
Harry s'arrêta. Il ne supportait ces allusions qui le mettaient on-ne-peut-plus mal à l'aise. Il allait répondre quand retentit une voix féminine non loin :
« Tristan ? » appela-t-elle. « T'es où ? »
« Ne t'avise pas te t'approcher à nouveau de Diane derrière mon dos ! » siffla Tristan, menaçant, en direction de Harry .
Au moment où il se détournait, la jeune fille le rejoignit. Elle dut immédiatement sentir l'ambiance électrique entre les deux garçons.
« Dis donc, Potter ! » s'exclama-t-elle d'un ton de reproche. « C'est pas parce que tu es une sorte de génie du Quidditch ou je ne sais quoi que tu peux faire ta loi ! »
« Exactement ! » renchérit Tristan, surexcité. « Tu sais qu'il m'a mis par terre, juste parce que je marchais trop proche de lui ?! C'est un malade, je te dis. Un malade ! »
« Essaye d'approcher dans le dos d'un autre solo, » grommela Harry en évitant le regard de la jeune Flamel, « tu verras si ça se passe mieux ! »
Diane poussa un soupir et entreprit de tirer son alter par le bras dans la direction opposée.
« Attends Diane, je vais aux sélections de Quidditch ! » protesta Tristan en résistant à la poigne de sa cousine. « Je vais quand même pas me priver de Quidditch pour un malade pareil ! »
Harry n'entendit pas la réponse que prononça la jeune fille à mi-voix, mais elle entraîna prestement son alter à sa suite et, les deux adolescents ayant tourné derrière une charmille, les récriminations de l'insupportable Tristan Severin s'éteignirent rapidement.

« Tu as vraiment des problèmes relationnels, Potter ! » commenta une voix sur sa droite. « Mais je croyais que la liste de tes détracteurs se limitait à la Grande Bretagne... »
Harry fit un bond. Comme d'habitude il n'avait pas entendu Junon arriver. Il y parvenait quand il était sur ses gardes, mais pour peu qu'il soit distrait par autre chose, il devenait incapable de percevoir sa présence. C'était rageant !
« Je n'ai pas de problème relationnel... » répartit Harry, en dominant sa déception de s'être encore une fois laissé prendre. « Ce Tristan Sevrin a juste une dent contre moi... »
« C'est ce qui arrive quand on se fait tout le temps remarquer... » fit-elle acide, en se rapprochant de lui. Puis, elle l'observa une seconde : « En tous cas, il a l'air d'arriver à t'affecter... Qu'est-ce qu'il te reproche ? » demanda-t-elle avec une certaine curiosité.
Harry hésita. Il n'avait pas très envie de parler de ça avec Sorlimus, mais bon, pour une fois, elle n'avait pas l'air de chercher un nouveau défaut dans sa cuirasse.
« Il pense que je suis responsable de la mort de Nicolas Flamel... » révéla-t-il finalement.
Junon ouvrit grand les yeux.
« On se demande en quoi ça le regarde... » remarqua-t-elle en regardant dans la direction où les deux alters avaient disparu. « Ce n'est même pas un Flamel lui-même ! Pourquoi ne se mèle-t-il pas de ses propres affaires ? »
« A cause de son alter... Tu connais Diane Flamel ? » lui demanda Harry.
« Hmmm... Vaguement. De ce qu'en dit mon cousin Cori, qui est dans sa classe, c'est une taciturne, curieusement moins douée en alchimie que son alter... » se remémora Junon. « Tout le monde était aux petits soins pour elle quand Nicolas et Pernelle Flamel sont décédés... Mais c'était il y a plus d'un an, déjà ! » ajouta-t-elle comme si elle trouvait qu'un an c'était bien assez pour une période de deuil.
Harry n'était pas vraiment d'accord avec elle sur ce point, mais il se garda bien de l'exprimer. Il ne savait trop quoi penser de la hargne de Diane Flamel et de son cousin à son égard.
« Ne les prends pas trop au sérieux... » lui recommanda finalement Junon. « Ce sont des gamins. Et ce n'est pas comme s'ils pouvaient se mettre à ta place... »


A cause de Tristan, Harry arriva un peu en retard aux sélections. Une série d'élèves, anglais comme français, se tenait en file indienne devant une table où était assis Aimé Zéphir. Chacun d'entre eux donnait son nom et sa motivation pour intégrer l'équipe. Ron, qui observait les concurrents d'un œil critique, aperçut Harry et se précipita immédiatement au devant de lui.
« Pourquoi tu as ton balai, Harry ? » demanda-t-il surpris. « Tu n'as pas besoin de participer aux sélections, tu sais... »
« Ben... Comment ça ? »
Ron leva les yeux au ciel.
« Par moment, je me demande si tu as conscience de ton talent... Harry, tout le monde était là lors du duel d'attrapeur entre toi et Julie Sésame. Elle est considérée comme une attrapeuse de talent, et tu l'as vaincue presque sans difficulté. Bien évidemment, personne depuis n'envisage d'entrer en compétition avec toi ! ... Tu as le poste, Harry ! » annonça-t-il en conclusion. « Je croyais que tu le savais déjà... »
« Oh... » fit Harry, en voyant que tout le monde le dévisageait d'un air curieux. « Et bien... Je suppose que je peux regarder, alors... »
« Excellente idée ! » s'exclama Ron. « Nous allons avoir beaucoup de choix, comme tu peux le constater... »

Bien d'autres personnes étaient venues ce dimanche après-midi pour observer les sélections, notamment un certain nombre de joueurs titulaires des équipes juniors françaises. Harry vit Julie Sésame, Olivier Nestor juste derrière elle, qui salua le Gryffindor sans rancune. Comme elle le lui avait dit, peu après le duel d'attrapeur qui les avait opposés, rien ne valait une victoire de Quidditch, et elle avait maintenant hâte de se retrouver à nouveau face à lui lors d'une vraie rencontre. Tina était là aussi bien entendu, en pleine discussion avec Anne-Bastet Volauvent et les jumelles Piéhellé. Deux grands types, probablement des Terminales, bavardaient en regardant les élèves avec intérêt. Quant à Marc-Horus, il se tenait non loin d'Aimé Zéphir et écoutait les différents concurrents énoncer leurs expériences de joueurs.
« Marcus est venu encourager cette fille, là-bas ! » expliqua Ron, en désignant une jeune joueuse dans la file. « Elle n'est que remplaçante chez les Béliers et espère se faire connaître en participant à notre équipe bi-nationale. »
« Je pensais que ce serait surtout nous, les anglais, qui tenterions notre chance... » commenta Harry.
« L'équipe va être très médiatisée, » expliqua Ron en souriant. « Alors, bien entendu que des joueurs français peuvent être intéressés ! Ils n'ont pas tous la chance d'être titulaire, ou même de jouer en équipes junior. Et vu que la seule condition pour les français est d'être élève à Beauxbâtons et d'avoir une autorisation parentale, presque tout le monde peut tenter d'intégrer notre équipe ! ... Et nous recueillons également les avantages de ta démonstration, Harry. Tu as carrément collé une bavboule au bouchon baveux (1) vendredi, donc seuls les éléments les plus doués vont essayer. On va avoir une équipe du tonnerre de Zeus, Harry ! » s'enthousiasma le jeune Weasley, en se frottant les mains.
Harry hocha la tête et regarda qui se présentait côté anglais : il y avait Bulstrode et Midgen, Dean Thomas et Brocklehurst. Curieusement, Malfoy n'était pas là. Harry aurait pourtant juré que le Slytherin était prêt à faire n'importe quoi pour améliorer son image, qui avait pas mal souffert depuis qu'il avait été accusé du meurtre de son père.
Côté français, Harry reconnut un grand type blond qu'il avait déjà affronté lors du match qu'il avait disputé peu après la rentrée. Ça paraissait si loin, maintenant... Ron lui souffla son nom : Guillaume Avril.
« Je m'étonne qu'il tente, il est titulaire cette année chez les Sternes... Enfin, il a sans doute ses raisons, » remarqua le jeune Weasley.
« Tu connais la composition de toutes les équipes juniors ? » s'étonna Harry.
« Monsieur Piéhellé, du Ministère, m'a donné des documents. J'ai eu tout le temps de les étudier. Il faut aussi que nous connaissions nos futurs adversaires ! Et sans ces documents, nous serions partis avec un gros handicap. Toutes les équipes se connaissent bien entre elles. »
Harry hocha la tête. Cela faisait sens, en effet.

Les deux garçons se rapprochèrent d'Aimé Zéphir pour écouter ce que disaient les différents candidats.
« Alors, Fatima, » disait le professeur de vol, « d'où te vient l'envie de participer aux sélections ? »
Une jeune fille brune à la peau hâlée, que Harry avait aperçu quelques fois dans le réfectoire - preuve qu'elle était en 1ère - répondit d'un air motivé :
« Comme vous le savez, je n'ai pas été prise dans une équipe pro lors de mon année de 2nde, » expliqua Fatima. « Je me suis alors beaucoup entrainé ici, sous votre direction, pendant toute l'année dernière et j'avais bon espoir d'entrer chez les Falkes ou les Dracs, voire même les Ogres, quand je me suis bêtement blessée au moment des sélections annuelles. Je suis totalement remise maintenant et cette équipe binationale, c'est pour moi une opportunité en or de montrer ce que je vaux à un niveau semi-pro, » déclara-t-elle avec conviction. « Sans compter que j'ai déjà joué contre certains joueurs anglais ici présent et que leur niveau est excellent. Cela présage d'une équipe au fort potentiel. »
« Brigues-tu ton poste habituel ? Poursuiveuse champ droit ? » demanda ensuite Aimé Zéphir.
« N'importe quel poste de poursuiveur, même si le champ droit est ce qui me convient le mieux, vu que je suis gauchère. »
Il hocha la tête et prit quelques notes sur un parchemin.
« Va te préparer avec les autres, tu es le numéro 21. »
« Il y a beaucoup de personnes pour les postes de poursuiveurs ? » demanda-t-elle avec une certaine inquiétude, qui contrastait avec son discours déterminé de la minute précédente.
« Pour le moment, vous êtes onze... »
La jeune fille s'éloigna en secouant sa masse de cheveux noirs ultra frisés. Harry la vit se frapper les joues comme pour s'encourager à ne pas perdre sa motivation.

Un garçon s'approcha ensuite.
« Charles, ça par exemple ! » s'exclama Zéphir d'un ton surpris. « Que fait ici un joueur des Phoenix ? »
Le jeune homme baissa la tête et commença à s'expliquer :
« Je comprends votre étonnement, M'sieur... Mais l'entraîneur a dit qu'il y avait presque aucune chance que je reste chez les Phoenix au niveau pro... C'est à se demander pourquoi il me garde ! »
« Si tu candidates ici par dépit, tu as peu de chances d'avoir la bonne motivation, » remarqua Zéphir d'une voix concernée.
« Ce n'est pas ma seule raison ! » s'écria le garçon. « Je me dis que j'ai peut-être juste besoin d'un changement d'environnement après cinq années chez les Phoenix ! C'est peut-être parce que je suis toujours au même endroit que mon niveau stagne ainsi... »
« Je comprends ce que tu veux dire, mais ce n'est pas très juste envers les joueurs sans équipe. Toi, si tu échoues, tu auras tout de même ta place chez les Phoenix jusqu'à la fin de l'année ! »
« C'est peut-être vrai, mais je veux quand même essayer ! » protesta Charles avec force. « Tout le monde a les mêmes chances quelle que soit son expérience passée, n'est-ce pas ? »
« Tout à fait, » reconnut Zéphir. « Tu brigues un poste de batteur, j'imagine ? »
« Oui, M'sieur. »
« Parfait, tu es le numéro 37. Va rejoindre les autres... »

Il ne restait plus que quatre personnes à se présenter aux sélections, dont Dean Thomas, qui fit un sourire anxieux à Harry doublé d'un petit salut de la main. Dean n'était pas un mauvais joueur, mais l'attrapeur se doutait qu'il serait difficile pour son camarade de faire ses preuves face à tant de joueurs désireux d'entrer dans l'équipe. Ce n'était pas qu'il manquait de motivation, mais le Quidditch était juste une passion, pour lui, pas un futur choix de carrière.
« Je compte sur toi, Dean ! » lui dit-il au passage. « N'oublie pas que ta taille est un atout pour le poste de poursuiveur que tu brigues, » lui dit-il avant de se diriger vers le terrain de Quidditch, qui était aménagé entre le plan d'eau et la forêt.
« Merci Capitaine ! » retentit derrière lui la voix reconnaissante de son coéquipier de Gryffindor.
« Il va faire de son mieux... » commenta Ron, en rattrapant Harry. « Je ne sais pas si ça suffira, mais il fera de son mieux, j'en suis sûr ! »
Harry fit un vague bruit d'assentiment, puis se tourna vers son camarade :
« Et toi ? Tu passes quand ? »
« Les gardiens sont les premiers à passer, j'ai le numéro 2... » lui glissa Ron, en se passant la main dans les cheveux. Il n'arrivait pas totalement à masquer son anxiété.
« Ne te fais pas de souci, Ron. Souviens-toi du match de l'an passé, où tu as arrêté presque tous les souaffles ! Tu as le talent pour y arriver ! »
« Merci, vieux... Tu sais, je me suis beaucoup entraîné, récemment, avec cette sélection en ligne de mire. Marcus est confiant et Annet aussi. Je pense que je peux me fier à eux... »
« Ils ont parfaitement raison, » approuva Harry. « Tu mérites amplement d'intégrer cette équipe et on a besoin de tes capacités, en tant que joueur et en tant que tacticien ! »
Ron souffla un grand coup.
« Ouais, ouais, je vais le faire ! Pff... Ouais. Je me sens prêt. »
« Allez, vas-y rejoins les autres ! Je compte sur toi ! » fit Harry en le propulsant vers les autres gardiens, qui étaient tout aussi nerveux.

Les sélections commencèrent. Le premier gardien à passer fut un garçon de seconde, fortement encouragé par les jumelles Piéhellé. Il était alerte et agile, mais Harry lui trouva un certain manque de résistance physique. Un souaffle envoyé avec une force suffisante transperçait ses défenses, même si il parvenait parfois à le dévier. Il est vrai que couramment les gardiens étaient plutôt des individus trapus ou grands et présentant une bonne force musculaire. Ce n'était pas une condition sine qua none - il suffisait de voir le talent de Tina - mais c'était souvent le cas. Ron lui succéda et fut bien plus brillant, encore qu'il laissa passer une feinte, qu'en temps normal il aurait probablement reconnu comme telle et stoppé. Une fille de Terminale, remplaçante de l'équipe des Ogres - celle de Julie Sésame - tenta ensuite sa chance. Elle était grande, avec des épaules larges et plutôt athlétique. Probablement une concurrente sérieuse pour Ron.
« Allez Nathalie ! »
« Go, go, Nath ! »
« Tu peux le faire, t'es une sorcière ! » retentirent plusieurs voix.
Aux diverses exclamations, Harry finit par comprendre que la fille était née-moldue, ce qui lui valait deux fois plus d'encouragements que les autres. Elle était bonne, c'était sûr, mais Harry trouvait qu'elle avait un moins bon contrôle de son balai que Ron, alors que pourtant elle avait un balai de meilleure qualité, donc plus maniable. Avait-elle ses chances ? Harry n'aurait su dire si Aimé Zéphir verrait la petite différence de maîtrise. Il espérait quoi qu'il en soit que la petite erreur du jeune Wealsy sur la feinte ne lui coûterait pas le poste.

Les deux autres gardiens qui suivirent étaient nettement en deçà. Harry ne regarda pas plus de quelques minutes leurs tentatives et tenta plutôt d'intercepter le regard de Ron, qui avait l'air encore plus angoissé qu'avant. La prestation de la fameuse Nathalie avait dû l'impressionner. Un dernier concurrent, lui aussi remplaçant d'une équipe junior, mais chez les Chevaux-Gauvins, se présenta ensuite.
« Eh, mais c'est Lulu ! » s'exclama Tina, qui avait fait partie de cette équipe. « C'était mon remplaçant, » expliqua-t-elle à Harry qui se trouvait à côté d'elle. « Pas le caractère le plus agréable du monde... » ajouta-t-elle en conclusion.
« Et il est bon ? » questionna Harry.
« Il n'a jamais réussi à être titulaire... Même quand j'ai abandonné mon poste pour intégrer les Dragonarres. Ça a dû être un coup dur pour lui... Mais il préfère rester dans une des meilleures équipes du championnat comme remplaçant, plutôt que de se trouver une équipe qui veuille de lui comme titulaire. Et ça, vraiment, je comprends pas... Je suis surprise qu'il essaye l'équipe binationale aujourd'hui, » commenta-t-elle, en hochant la tête.
Le garçon - Lulu - s'avança vers les anneaux et s'envola d'un geste souple. Il était à l'aise et on voyait qu'il maîtrisait parfaitement son balai, probablement aussi bien que Ron. Il arrêta beaucoup de souaffles, mais semblait avoir plus de difficultés à défendre son flanc droit. Plusieurs fois, la balle passa l'anneau de droite.

On passa ensuite aux poursuiveurs, qui furent les sélections les plus longues, vu que six joueurs, titulaires et remplaçants, devaient être choisis. Les anglais encouragèrent tour à tour Dean Thomas, puis Eloise Midgen. Aucun autre anglais ne tenta sa chance.
Les batteurs leur succédèrent et, sans surprise, Millicent Bullstrode impressionna tout le monde par sa carrure athlétique. Ce n'était pas qu'elle représentait un choix évident, mais les batteurs puissants étaient généralement des alliés de poids dans une équipe, même s'ils pouvaient parfois manquer de mobilité. D'après Harry, un second batteur plus mobile pourrait parfaitement compléter la puissance de frappe de Bulstrode. Mais le choix de Aimé Zéphir se porterait peut-être sur des types de joueurs totalement différents. C'était toujours difficile d'évaluer quels batteurs seraient les plus adaptés pour une équipe donnée.
Enfin, deux personnes seulement se présentèrent comme attrapeur suppléant, tout deux encore au collège. Probablement deux jeunes joueurs qui essayaient de se faire remarquer d'ici leur entrée au lycée.


Le fait est que Harry n'avait pas l'intention de prendre Diane et Tristan trop au sérieux, mais les propos qu'ils avaient l'un et l'autre tenu sur son sang l'inquiétait et le perturbait. Longtemps après la fin des sélections de Quidditch, alors qu'il avait rejoint la chambre désertée par les autres Gryffindors, il continuait d'y penser. Sa mère l'avait protégé par un rituel lié au sang, qui, d'après Diane et Tristan, pouvait être considérée comme de la magie noire. Lily Potter aurait-elle vraiment fait appel à une magie ténébreuse pour protéger son enfant à tout prix ? Pour le protéger d'un mage encore plus ténébreux ? Était-ce pour cela que Harry était l'enfant de la Prophétie et pas Neville ? D'un autre côté, Hermione soutenait souvent qu'il n'y avait pas de magie blanche ou noire, mais uniquement l'usage qu'on en faisait... Ron, au contraire, se souvenait Harry, avait un avis plus tranché sur la question. Il est vrai qu'avec deux oncles victimes d'un Avada Kedavra, le jeune Weasley n'allait certainement pas plaider pour un usage pacifique du sortilège de mort ou d'un autre sort impardonnable. Mais bien sûr, la magie noire ne se limitait pas aux Impardonnables.
Et puis, il y avait l'auto-consumation de Quirrell quand il l'avait touché et ça, c'était définitivement étrange... Dumbledore lui avait dit, en première année, que c'était l'amour de sa mère qui l'avait sauvé du professeur renégat et de Voldemort. Mais les choses n'étaient peut-être pas aussi claires qu'il l'avait sous-entendu à l'époque, ou même en juin dernier. Dumbledore parlait toujours de sacrifice et d'amour, une magie que Voldemort mépriserait et que Lily Potter aurait employé pour le garder en vie. Mais s'il s'agissait de sacrifice et d'abnégation, alors pourquoi certains y voyaient un acte de magie ténébreuse ? Sa mère avait donné sa vie pour lui. Sans son sacrifice, il n'aurait pas survécu. Une vie pour une vie... Était-ce vraiment de la magie blanche ? Et si son contact brûlait Voldemort, alors pourquoi le sang de Harry lui avait justement permis de renaître ? Il aurait dû au contraire être un poison pour lui ! Tout cela n'avait pas de sens... Et enfin, pourquoi le sacrifice de sa mère avait-il empêcher les Mangemorts d'attaquer le domicile de son oncle et sa tante ? Ils n'avaient d'ailleurs eu aucun mal à les éliminer, dès que Harry avait quitté le territoire... Y avait-il également un rapport ?

Harry se frotta la tête à deux mains. Il n'y voyait toujours pas plus clair ! Du doigt, il traça sa cicatrice, le cadeau de Voldemort, doublé du privilège d'avoir des visions réelles ou trafiquées de ce que voyait le mage noir et le pouvoir de parler aux serpents. Est-ce que cela aussi se trouvait inscrit dans son sang ? Était-ce à cause du sacrifice de Lily que sa cicatrice, la trace d'un sort impardonnable, lui faisait si mal ? Deux forces étaient-elles en lutte dans son propre corps ? Quelle part de lui-même lui appartenait-elle vraiment ? Quelle était celle de Lily ? Quelle était celle de Voldemort ?

Un bruit au niveau de la porte interrompit net ses réflexions. Son premier réflexe fut de bondir silencieusement de son lit pour se préparer à toute attaque, puis quand la porte s'ouvrit, il se souvint qu'il n'était plus en chambre individuelle et que ce pouvait être n'importe quel camarade de maison. Effectivement, c'était Neville. Il avait l'air curieusement essoufflé.
« Ah, Harry, tu es là ! Je voulais te parler après les sélections de Quidditch, mais tu es parti si vite, et Ron faisait tellement de volume pour encourager, féliciter ou réconforter tout le monde, que je ne t'ai pas vu t'éclipser ! Félicitations, au fait ! C'est officiel, n'est-ce pas ? »
« Oui. Je pensais que quelques personnes essayeraient quand même de postuler comme attrapeur, mais les seuls qui ont tenté leurs chances, briguaient le poste de remplaçant. Enfin bref... Alors, tu me cherchais ? » demanda Harry, heureux d'interrompre ses réflexions, qui ne le menaient à rien d'autre que davantage d'anxiété.
« Oui, je ne pensais pas que tu étais là... J'aurais dû t'écrire un pneu au lieu de te chercher partout dans les jardins, puis aux Arènes... » remarqua Neville. « Pas mal de gens m'ont envoyé sur des fausses pistes, j'espère que ce n'était pas par malice... Enfin bref ! ... Je voulais te parler, Harry. »
« Oui. De quoi s'agit-il ? » demanda Harry avec curiosité.
De tous ses amis, Neville était le moins susceptible de lui parler d'un sujet déplaisant. Même Luna, ces temps derniers, avait tendance à s'adresser à Harry avec la personnalité de Théodora Malfoy et c'était particulièrement déstabilisant.
« Est-ce que tu accepterais de lire cette lettre ? » demanda le jeune Longbottom, en lui mettant sous le nez un vieux parchemin. Il hésita, déglutit et poursuivit avec moins d'assurance : « C'est... Il s'agit d'une lettre de mon père, écrite il y a quinze ans. Elle a été envoyée à la Poste du Temps. De fait, je ne l'ai reçue que l'été dernier... »
Harry saisit le parchemin en questionnant néanmoins :
« La Poste du Temps ? »
« C'est un service postal qui conserve les lettres jusqu'à une date bien précise indiquée sur le parchemin. Tu vois le sablier et la date au dos ? Ce n'est pas un service beaucoup utilisé. La plupart des gens envoient des lettres pour qu'elles soient lu au plus vite, par pour qu'elles soient conservées, mais dans certains contextes... Lis, s'il te plaît, » insista-t-il.
Harry était un peu gêné de lire une missive aussi personnelle, mais Neville avait un air très sérieux.
« Soit, » acquiesça-t-il, en se plongeant dans la lecture.

Le jeune Longbottom s'était détourné pendant que Harry parcourait la lettre d'abord rapidement, puis en la lisant à nouveau plus attentivement. Toute la vie des parents de Neville se trouvait concentrée en deux pages. Jusqu'à la Prophétie encore incomplète. En découvrant le contenu de cette lettre, Harry ne cessait de penser à la vision qu'il avait eu de sa propre famille dans le Miroir du Risèd. Ce devait être quelque chose de très semblable pour Neville qui ne connaissait de ses parents que leurs formes défaillantes à Saint Mungo, à peine un pâle reflet de ce qu'ils avaient été. Le garçon ne regardait toujours pas Harry. Sans doute était-ce difficile pour lui de partager tout cela... Mais s'il avait fait, c'est qu'il en avait sans doute besoin. Ou qu'il désirait des éclaircissements sur la Prophétie... Et qui de mieux que le Survivant pour répondre à ses interrogations légitimes ?

Harry se racla la gorge. Neville essuya quelques larmes qui perlaient au coin de ses yeux avec sa manche et se tourna courageusement vers son camarade de maison.
« Je... Tu... Tu dois te demander pourquoi je te fais lire quelque chose d'aussi personnel, n'est-ce pas ? » commença bravement Neville. « Et bien, la raison principale c'est... »
« La Prophétie, » coupa Harry d'une voix sans affect, qui désarçonna son camarade.
Neville fronça les sourcils et scruta ses traits, guettant une réaction, avant de reprendre :
« Oui, c'est pour ça. Depuis que j'ai reçu la lettre, j'ai essayé de toutes mes forces de ne pas tenir compte de ce que disait mon père à propos de cette prophétie. J'avais... peur, » avoua-t-il d'une voix plus faible.
Harry le saisit brusquement par les épaules :
« Neville, tu n'as aucune, aucune raison d'avoir peur. Je connais la Prophétie et elle ne te concerne pas. Ou plutôt, elle ne te concerne plus, » lui dit-il avec force.
« Tu connais la prophétie ? Tu veux dire que tu connais son... contenu ? »
Harry soupira, puis récita de mémoire :
« Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres approche... il naîtra de ceux qui l'ont par trois fois défié, il sera né lorsque mourra le septième mois... et le Seigneur des Ténèbres le marquera comme son égal. »
Neville répéta les mots lentement : « ... Et le Seigneur des Ténèbres le marquera comme son égal. »
Son regard se fixa sur la cicatrice de Harry.
« Je suis né le 31 juillet 1980, Neville. Soit, un jour après toi. La Prophétie nous concernait tous les deux à l'origine, mais le jour où Voldemort a cherché à me tuer, il m'a marqué comme son égal et je suis alors devenu le garçon de la Prophétie. »
« Le garçon qui a survécu. Je suis désolé, Harry ! » s'écria Neville.
« Pourquoi es-tu désolé ? Ce n'est pas toi qui a choisi. Personne d'autre que Voldemort n'a pris cette décision. Ni nos parents, ni nous, ne sommes responsables... »
« Tu sais, je me sens super mal depuis que je connais l'existence de cette Prophétie... » expliqua Neville, en faisant nerveusement craquer ses doigts. « L'idée que je pouvais être - que je devais être - le moyen de venir à bout de Voldemort, c'était vraiment terrifiant ! Alors, le fait que tu vives avec ce poids au-dessus de ta tête depuis si longtemps, je me rends compte à quel point ça doit être horrible ! Je suis vraiment de tout cœur avec toi, Harry. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'importe quand, même quelque chose dont tu n'oses pas parler, même quelque chose d'incompréhensible ou d'injuste... »
Harry apprécia le soutien de son camarade, tout en sentant au fur et à mesure la gêne l'envahir face à cette nouvelle sollicitude. Jusqu'à présent, tous ses amis croyaient que Voldemort faisait une fixation sur lui parce qu'il avait survécu, par hasard. Maintenant, Neville savait qu'il y avait davantage là-dessous et il lui offrait une loyauté aveugle.
« J'apprécie beaucoup ! » le coupa finalement Harry. « Mais je veux aussi que tu me dises quand tu penses que je ne fais pas ce qu'il faut. Je ne veux pas prendre des décisions pour toi et t'imposer une conduite, surtout si tu ne la comprends pas... »
Harry avait caché la fin de la Prophétie à Neville. Ce serait malhonnête de sa part d'abuser du dévouement de son ami et de lui imposer ses décisions.
« Alors si on en arrive là, Harry, je compte sur toi pour m'expliquer en amont pourquoi tu agis de telle ou telle manière et j'envisagerai alors ce que je dois faire, » déclara fermement Neville.
Harry approuva de la tête et tapota l'épaule de son camarade en remerciement.
« Je ne suis certainement pas sorti d'affaire avec Voldemort au pouvoir en Angleterre, mais avec ton soutien et l'aide de tous, j'espère qu'on arrivera un jour à se débarrasser pour de bon de ce mage noir et de ses suiveurs. »


Harry se tourna et se retourna dans son lit. Son sommeil était étrangement pesant et inquiet, comme si quelque chose refusait de lâcher prise. Son rêve était granuleux et indiscernable, remplis de tâches colorées qui heurtaient ses yeux, sans pourtant rien laisser deviner. Une large étendue rougeâtre devant lui attira son regard. Peu à peu, l'étendue colorée se précisa. Il en voyait maintenant nettement les contours. Elle se découpait sur un fond brun-noir plus vaste. Le focus changea brusquement et Harry ne vit plus rien pendant un instant. Puis il discerna une large forme sombre, qui semblait tournoyer sur elle-même, comme une toupie infiniment lente. La lenteur du mouvement était exaspérante et la forme restait bizarrement indéfinie. Tout à coup, la chose tressaillit, comme frappée par un sort, puis une nouvelle tâche rouge se forma cette fois-ci sur une zone plus claire. Peu à peu, la tâche commença à goutter, et ces multiples gouttes rejoignaient la large tâche rougeâtre qu'il avait aperçu au tout début de ce rêve étrange. Harry inspira brusquement. C'était... C'était du sang ! Une fois cette prise de conscience faite, la scène devint totalement nette. Il reconnut, installés tout autour d'une grande table noir, tout un groupe de Mangemorts. Harry se trouvait à un bout et présidait la scène. Au-dessus de la table était accrochée le professeur Burbage, professeur d'études des moldus. Elle saignait abondamment de la tête et des mains, sa robe de sorcière était complètement déchirée sur le flanc droit et laissait apparaître une large plaie sanguinolente. Elle ne regardait aucun de ses tortionnaires, ses yeux embués de larmes. Un rire lugubre et satisfait retentit aux oreilles d'Harry. Le rire de Voldemort. Son propre rire.

Harry se leva d'un bond de son lit pour aussitôt retomber à quatre pattes sur le plancher et rendre l'intégralité du contenu de son estomac.
« Harry ? » fit une voix ensommeillée, celle de Dean. « Qu'est-ce qui se passe... »
Les nausées du Survivant et les bruits de régurgitation achevèrent de réveiller l'ensemble du dortoir. Neville fut le premier à courir jusqu'à la salle de bains, pour en ressortir muni d'une serviette mouillée d'eau fraîche qu'il posa sur la nuque de Harry. Puis il lui massa le dos avec des mots de réconforts. Dean et Seamus étaient d'abord restés à distance, ne sachant comment se rendre utile, puis le premier avait filé vers l'infirmerie pour trouver le Marcou. Harry n'avait pas fait une telle crise depuis le début du mois de septembre... Pourquoi ça recommençait maintenant, bon sang de Merlin !?
Au bout de dix longues minutes, les nausées du Survivant s'étaient calmées et il avait pu s'allonger sur le dos. Neville, toujours efficace, fit disparaître toutes les traces du malaise de Harry d'un coup de baguette, puis se pencha sur lui :
« Comment tu te sens, Harry ? Est-ce que... Est-ce que ta cicatrice te fait mal ? »
« Je ne me sens pas bien du tout... » marmonna le garçon, sa main sur son front. « Et, oui, j'ai mal à la tête. »
« Je peux voir ? »
Seamus s'approcha et éclaira la pièce d'un sort. Harry enleva la main de son front et se cacha les yeux à la place. Neville toucha doucement la cicatrice.
« C'est chaud... » dit-il. « Mais au moins, elle ne luit pas comme la dernière fois... »
« La dernière fois ? » questionna Harry.
« Tu sais, début septembre, juste après notre arrivée ici... » précisa Neville.
« Et ta cicatrice brillait, toute verte comme un Avada Kedavra. C'était ultra flippant ! » s'écria Seamus, sans trop de tact.
Neville lui jeta un regard de reproche, mais Harry n'eut aucune réaction. Il revoyait le corps du professeur Burbage suspendu au-dessus de la table. Il ne put s'empêcher de se demander depuis combien de temps ils l'avaient mise là.
Sur ces entrefaites, Dean revint accompagné du Marcou, qui grommelait dans sa barbe qu'il s'y attendait et qu'un mal non soigné correctement ne pouvait qu'empirer.
« Est-ce qu'on prévient Madame Maxime ? » demanda Seamus, qui se mordillait nerveusement les ongles. « Depuis que McGonagall est rentrée, c'est elle notre responsable légale, non ? »
« Attendons un peu ! » répondit très vite Neville, avant que quiconque ne rebondisse sur la suggestion. Puis il ajouta aussitôt, pour adoucir son refus : « Du moins pour le moment... Ça n'a pas l'air aussi grave que la dernière fois... »
« Vous n'avez rien besoin de faire, » maugréa le Marcou. « Je parlerai moi-même à la directrice, quand j'y verrai plus clair sur cette affaire... Maintenant, taisez-vous, tous autant que vous êtes ! » les menaça-t-il d'un doigt.
Les trois garçons se turent. La dernière fois, Harry avait perdu connaissance, alors il ne savait pas trop comment cela se passait... Il supposait que le vieil homme allait lui poser des questions. Mais les questions ne venaient toujours pas. C'était... Bizarre. Quel genre de médecin ne posait pas de questions à son patient ?

Le Marcou tâtait, tour à tour, sa cicatrice, l'arrière de son crâne, son cou et ses mains, comme s'il cherchait quelque chose. Il avait une expression très concentrée. Harry sentit une douce chaleur l'envahir, assortie de petits picotements. Le vieil homme le vit réagir et hocha la tête, comme s'il avait obtenu certaines réponses qu'il cherchait. Il appuya sur un point douloureux en plein centre de la paume de Harry, envoyant une décharge de douleur dans tout son bras, puis quelque chose se débloqua et le Survivant se sentit presque immédiatement mieux.
« Vous avez fait quoi ? » demanda-t-il, curieux, au Marcou.
« Vous aviez un canal énergétique bloqué. Cela a dû perturber votre sommeil et vous rendre plus... réceptif aux... aux influences extérieures... si vous me suivez... » marmonna le vieux, en fixant Harry par en-dessous.
Ce dernier hocha la tête lentement.
« Dois-je faire quelque chose ? Prendre un traitement ? » demanda-t-il aussitôt.
« Je sais ce que vous faites, mon petit... Continuez, vous êtes sur la bonne voie. »
Et sur ces paroles cryptiques, il quitta la pièce.

« Qu'est-ce qu'il a voulu dire, Harry ? » demanda Dean.
« C'est en rapport avec les leçons privées que tu prends avec Madame Maimonide ? » questionna Seamus sur un ton suspicieux. « Je sais que tu es souvent dans son bureau, Bones me l'a dit ! »
« Je ne crois pas que ce soit lié... » répondit rapidement Harry, puis il poursuivit en mêlant le vrai au faux : « Je prends juste des cours d'occlumencie avec elle. J'avais commencé à apprendre, l'an dernier, dans le but de l'enseigner aux membres de l'AD, mais avec Umbridge, c'était devenu trop compliqué. Alors, une fois arrivé ici, je me suis dit que c'était une bonne opportunité de reprendre, vu que Pythagora Maimonide est une spécialiste. »
Harry croisa le regard de ses amis. Dans celui de Neville, il ne lut qu'un soutien sans réserve.
« Et bien, n'hésite pas à filer un coup de main à Bones dans le domaine ! » s'écria Seamus. « Dans le cadre de sa formation de psychométriste, elle doit bosser sa légilimancie et c'est quasi pareil que l'occlumencie, à ce que j'ai compris ! »
« Pas exactement pareil, mais c'est le même domaine, oui, » reconnut Harry, content que la conversation ne porte pas sur son cauchemar nocturne.
« Bon, c'est pas tout ça, mais si on se recouchait ? » suggéra Dean, en baillant. « Harry, tu penses pouvoir te rendormir ? Ou on t'assomme à coup de batte de Quidditch pour te faciliter la tâche ? » plaisanta-t-il.
« Je vais mieux. Inutile de m'envoyer à l'infirmerie par la force ! » répondit Harry d'un ton faussement plaintif.
Les Gryffindors se recouchèrent. Neville garda un œil sur Harry autant qu'il le put, mais finit par céder au sommeil avant que le Survivant ne se rendorme. Malgré la boule d'inquiétude qui se formait dans sa gorge et son estomac, Harry eut un petit sourire. Il se sentait moins seul. Une fois que tout le monde se mit à ronfler, le jeune Potter sortit à nouveau de son lit. Précautionneusement, il ouvrit son coffre pour s'emparer de sa cape d'invisibilité, puis saisit deux bouts de parchemin qui traînaient sur la table, ainsi que sa baguette, et sortit très doucement de la chambre. Arrivé dans le couloir, il alluma sa baguette et rédigea rapidement deux lettres racontant les éléments qu'il avait vu lors de son cauchemar. Bien entendu, il ne pouvait pas être sûr de la véracité de ce qu'il rapportait, Voldemort ayant pu lui envoyer une fausse vision, mais il tenait tout de même à en informer l'Ordre. Eux, auraient les moyens d'enquêter et de vérifier que le professeur Burbage avait bel et bien disparu et ils pourraient, si l'enlèvement était avéré, mener une opération de sauvetage.

Une fois ces lettres rédigées, il descendit sur la pointe des pieds les escaliers menant aux salles de cours. La vision d'une ombre sortant d'une salle lui rappela abruptement que les goules de Madame Dencour faisaient leur travail de surveillance une fois le couvre-feu passé. Harry n'avait pas la moindre idée si les goules pouvaient le repérer sous sa cape ! Se fiaient-elles à autres chose que leurs yeux ? Pourrait-il les éviter jusqu'au pigeonnier qui, comble de malchance, n'était pas exactement à côté ? C'était urgent, bon sang ! Au pire, s'il se faisait prendre, il pourrait toujours tenter de parlementer avec l'une d'entre elles pour obtenir un laisser passer, le temps d'envoyer ses lettres !
Il attendit donc quelques minutes que la goule s'éloigne et se glissa dans les couloirs, aussi silencieusement qu'il le put. Par chance, une grande part de l'instruction que lui avait donné Axelle Messidor portait justement sur le déplacement discret, l'ajustement de la démarche et des mouvements. Selon elle, beaucoup trop de sorciers comptaient sur les sorts pour se rendre imperceptible, alors que ces mêmes sorts étaient magiquement détectables. Harry avait pris ces conseils très à cœur, car il avait conscience d'avoir été horriblement bruyant par le passé sous sa cape d'invisibilité. Il la resserra autour de ses épaules et avança prudemment le long des corridors, se cachant dans des renfoncements du mur dès qu'une goule apparaissait dans son champ de vision. Il atteignit le grand Hall sans trop de difficulté et emprunta le grand escalier quand soudain, une marche, puis une autre, s'enfoncèrent sous son poids et laissèrent échapper chacune une note de musique. Il bondit sur le palier à la vitesse de l'éclair, mais le mal était fait. Il recula, comprenant que les volées de marches des grands escaliers se transformaient en piano musical la nuit. Il n'y avait donc pas que les goules qui empêchaient les élèves de se balader ! C'était bien sa veine !
Il s'éloigna rapidement du hall qui risquait sous peu d'être envahi par les serviteurs de Madame Dencour et se souvint d'un raccourci que Junon lui avait montré pour sortir du bâtiment, au tout début de son apprentissage. Il ne s'en était jamais resservi, car il n'était pas très pratique, mais c'était sans doute la seule issue qu'il avait à sa disposition. Au bout d'une dizaine de minutes, il releva le coin de tapisserie et se glissa derrière pour se retrouver un moment plus tard dans l'humidité et le froid de la mi-novembre. Il allait atteindre le pigeonnier quand une poigne de fer se referma sur son épaule. Une poigne si ferme que Harry ne songea même pas à se débattre. Il était complètement à la merci de son adversaire.
« Vous avez bien tardé, damoiseau... » retentit la voix dépassionnée de Mnémosyne Dencour. « Madame Maxime vous attend. »


Deux heures du matin sonnait à l'horloge. Olympe Maxime ne dormait pas. Elle ne dormait jamais beaucoup, et elle dormait encore moins dans les situations de crise. Et ces dernières ne manquaient pas, depuis le début de l'année ! Elles s'enchainaient avec une grâce et une rapidité qui rappelaient à Olympe les heures sombres qui avaient suivi l'annonce du retour de Voldemort, deux ans auparavant.
« Chère Olympe, ne devriez-vous pas vous reposer ? » intervint Nicolas Flamel depuis son tableau. « Cette équipe de Quidditch binationale est une opportunité en or pour garder Harry Potter et Ronald Weasley sur le territoire français, une fois l'échange terminé. Le championnat dure de décembre à mai. Une fois qu'ils auront disputé leurs premiers matchs, plus personne n'acceptera de les laisser repartir... Je me demande tout de même si nous n'aurions pas dû encourager le jeune Malfoy à postuler également, ça nous aurait facilité la tâche pour le garder, lui aussi, en France... »
Olympe soupira et repoussa son large dos contre le dossier de son fauteuil.
« Ce n'est pas ce qui me soucie, Nicolas. Le jeune Malfoy représente trop de galléons pour que le gouvernement le laisse filer ! Tant qu'il ne quitte pas Beauxbâtons, il ne risque rien. »
« Oh, ce sont les matchs eux-mêmes qui vous soucient ? »
« Il y a ça... » admit la directrice. « Et je m'inquiète aussi pour Junon Sorlimus... Voyez-vous, Harry passe de plus en plus de temps au Sénéchalat - encore qu'un peu moins ces deux dernières semaines - et on dirait que Axelle Messidor s'occupe elle-même de sa formation. C'est sans doute très bien pour Harry, je le reconnais, mais cela m'inquiète pour Junon. Il semblerait qu'elle ait totalement cessé son tutorat. Cela veut-il dire que la Sénéchale compte la retirer de Beauxbâtons, comme elle menaçait de le faire en début d'année ? Je voudrais tant que cette jeune fille puisse terminer sa scolarité... Mais avec la sécurité des matchs à assurer, la Sénéchale va fatalement avoir besoin de toutes ses équipes, sa fille compris. »
Nicolas se tapota le menton une ou deux fois avant de répondre :
« Vous savez Olympe, ce n'est pas la première héritière de Sénéchal de France que nous avons à Beauxbâtons. Et ils ont tous, je dis bien tous, terminé leur scolarité. Y compris Ivan Messidor, dont le cas était un peu particulier. La Sénéchale peut menacer autant qu'elle le veut de retirer sa fille du lycée, je doute qu'elle le fasse réellement, ou tout du moins de manière pérenne. Ce serait du plus mauvais effet auprès de la population. »
« Vous n'avez pas tort, » admit la semi-géante. « Je me fais peut-être du souci pour rien... Quoi qu'il en soit, j'insisterai auprès de Mademoiselle Sorlimus afin qu'elle poursuive plus activement le tutorat de Harry. »
Sur ces mots, la directrice se leva de son fauteuil, prête à aller goûter un repos bien mérité.

Elle allait éteindre la lampe sur le bureau quand un coup retentit à la porte. Nicolas Flamel grimaça dans son tableau.
« Entrez ! » fit Olympe.
« Je suis désolée de vous déranger si tard, Madame la Directrice. Le Parchemin m'a indiqué que vous étiez encore dans votre bureau... »
« Ah ! C'est vous, Marcou. Y a-t-il une urgence ? »
« Il s'agit du jeune Harry Potter... » annonça le vieil homme. « Il vient de faire une nouvelle crise, mais moins forte que la dernière fois, » tempéra-t-il aussitôt.
La directrice eut un hoquet de surprise ;
« Il... Il a va bien ? Est-il à l'infirmerie ? » fit-elle en se levant vivement, prête à se précipiter à son chevet.
« Il n'est pas à l'infirmerie... Mmmm... Son état n'était pas vraiment préoccupant... Il faut dire que... Ses défenses sont bien meilleures qu'au mois de septembre... »
« Vous a-t-il parlé ? A-t-il dit ce qui avait provoqué cette crise ? » demanda-t-elle, en hésitant visiblement sur la conduite à tenir.
« Je n'ai pas voulu l'interroger devant ses camarades... Mmmm... c'est toujours très gênant tous ces témoins... Surtout quand il s'agit de questions médicales, » remarqua le Marcou, en fronçant les sourcils.
« Je vois, je vois... Il faudra donc que je le convoque demain, » fit Madame Maxime, en se pinçant l'arête du nez. « A moins que... »
Elle baissa sa main.
« A quoi songez-vous, Olympe ? » demanda Flamel, curieux.
« A rien de particulier... » répondit-elle, avant de se lever : « Merci beaucoup, Marcou, d'avoir soigné Harry Potter. Je m'occupe de la suite... »
Le vieil homme salua la directrice et l'ancien directeur d'un geste courtois de la tête, puis quitta la pièce.

« Olympe, vous ne croyez tout de même pas que le jeune Potter est en train d'errer dans les couloirs ? » demanda Flamel, sans masquer son amusement.
« Et bien, si, Nicolas. Je l'en crois parfaitement capable ! ... Je crois que je vais devoir demander de l'aide à Mnémosyne... »
Elle envoya aussitôt un pneu à destination du professeur d'histoire, reçut peu après sa réponse et attendit.


Harry soupira, autant de contrariété que de soulagement. Il s'était certes fait choper, mais ce n'était en définitive que pour rejoindre le bureau de la directrice de Beauxbâtons. Il ne doutait pas que cette dernière comprendrait l'urgence qu'il y avait à envoyer des courriers à l'Ordre, une fois qu'il lui aurait expliqué la situation. Il jeta un œil à la professeur vampire qui l'accompagnait. C'était la première fois qu'il la voyait hors de sa crypte. Elle portait une robe blanche et noire somptueuse, mais probablement trop légère pour être de saison, encore qu'il y avait une sorte de fourrure au niveau du col... Cela dit, Harry n'avait jamais entendu dire que les vampires souffraient du froid ou du chaud. Sous les pas du Gryffindor, les feuilles mortes crissaient, sous ceux de Madame Dencour, on n'entendait rien. Comment pouvait-on avoir une telle force physique et une telle agilité ?
« Madame, je peux vous poser une question un peu personnelle ? » demanda-t-il, alors qu'ils entraient dans l'aile byzantine où se trouvait les bureaux des professeurs.
Les minces sourcils noirs de Madame Dencour se haussèrent d'un petit centimètre sur son front d'albâtre.
« S'il est en mon pouvoir de satisfaire votre curiosité et que mon humeur s'y prête, j'y répondrai peut-être... »
« Est-ce que tous les vampires sont aussi forts que vous ? »
« N'avez point suivi d'enseignement sur les créatures magiques, damoiseau ? Sachez que le pouvoir des vampires se fortifie avec le passage du temps, mais je ne suis pas encline à révéler à un jeune oison le nombre de nuits dont j'ai été témoin. »
Harry hésita, il aurait bien aimé poser une question un peu politique, savoir de quel côté se rangeraient les vampires si Voldemort les appelaient dans son camp. Mais il ignorait même quelle était la position exacte du Mage noir à propos des vampires. Certes, il avait des gens comme Greyback dans les rangs de ses Mangemorts, mais cela ne voulait pas dire qu'il acceptait les vampires, en sus des loups-garous.

Arrivés devant la porte du bureau de la directrice, Harry arrêta le geste de Madame Dencour qui allait frapper.
« Est-ce que... » commença-t-il, avant de reprendre d'une voix plus ferme : « Est-ce que vous pourriez garder secrète l'existence de ma cape ? Je... C'est l'un des seuls souvenirs qu'il me reste de mon père... Et je ne voudrais pas qu'on me la confisque... »
« Vous me demandez de fermer les yeux alors que vous en avez fait un usage abusif ? » demanda le professeur d'une voix totalement neutre. Harry n'aurait su dire si elle était en colère ou pas.
« Je vous le demande, oui... Mais je ne l'utiliserai plus de nuit. Elle ne m'a d'ailleurs pas été très utile face à vous... »
« Nous verrons... » fit Madame Dencour, d'un ton qui ne portait pas à davantage de pourparlers.
Elle frappa deux coups, puis fit signe à Harry de passer le premier. Elle le suivit.
« Ah, Monsieur Potter ! ... Bonsoir, Mnémosyne, et merci infiniment. Je suis navrée de vous avoir dérangée pour un élève dont je suis responsable... »
« La finesse de votre hypothèse m'a fort facilité la tâche. Le sieur Potter se trouvait à l'endroit exact où vous l'aviez anticipé. J'ai ainsi donné ordre à mes servants de ne point le pourchasser après l'épisode de l'escalier-piano, » expliqua le professeur avec un léger sourire qui découvrit ses canines pointues.
« Je me doutais bien que je m'étais fait repérer à ce moment-là, » commenta Harry avec un petit haussement d'épaules, « mais je pensais avoir été plutôt silencieux par la suite... »
« Les sens des vampires sont plus fins que ceux du commun des mortels, » se contenta de répondre la vampire. « Nous entendons les cœurs battre, savez-vous ? »
Oh, alors c'était comme ça qu'elle l'avait perçu ! La cape d'invisibilité ne représentait donc aucun défi pour elle. Mais l'était-elle pour ses goules ? Ça c'était une autre question... Madame Dencour en resta là et ne mentionna pas l'existence de la cape d'invisibilité. Harry lui adressa un regard reconnaissant, alors que Madame Maxime prenait la parole :
« Monsieur Potter, je n'ai pas jugé bon d'informer le Marcou des escapades nocturnes de son patient. Il vous avait certes recommandé du repos, mais je comprends ce qui vous a poussé hors de votre lit. Cependant, au lieu de courir les couloirs et de jouer à cache-cache avec les serviteurs de Madame Dencour, n'aurait-il pas été plus simple de m'écrire un pneu ? Je suis en contact avec l'Ordre et Nicolas Flamel, ici présent, a des moyens rapides de communication avec l'Angleterre. »
Harry les regarda tour à tour, sans répondre. C'était peut-être vrai, mais comment être sûr qu'un tableau n'était pas surveillé ?
« Enfin bref, accepteriez-vous de nous confier la lettre que vous aviez l'intention d'envoyer ? Vous écriviez à Minerva McGonagall, n'est-ce pas ? »
« Oui. Et une autre lettre aux Weasley. J'espérais qu'ils soient en contact avec le directeur Dumbledore. Savez-vous où il se trouve, d'ailleurs, et ce qu'il fait ? » demanda Harry qui comptait bien tirer quelques informations de cette discussion.
« Il ne nous a pas encore contacté, » répondit Olympe Maxime. « Mais je ne doute pas qu'il est en train de rassembler les opposants à Voldemort et de reprendre contact avec tous ses alliés internationaux. »
Elle tendit la main vers les courriers que le Gryffindor avait toujours en sa possession. Il poussa un soupir las, fatigué de son cauchemar et de la crise qui avait suivi et qui commençait à réclamer son dû. Il rendit les armes et déposa les deux lettres sur le bureau. Madame Maxime saisit la première et la lut de telle manière que Nicolas Flamel puisse également en voir le contenu.
« Excellent ! » remarqua ce dernier. « C'est admirablement synthétique... Une qualité si rare, chez les jeunes d'aujourd'hui ! »
« Nicolas, ceci ne prête pas à rire ! C'est une vie qui est en jeu ! » gronda Olympe Maxime. « Pouvez-vous aller enquêter discrètement auprès des tableaux de Saint Mungo ? Tâchez au passage d'obtenir des nouvelles de Dumbledore... Je vais de suite envoyer ces lettres à Minerva et aux Weasley, comme Monsieur Potter en avait l'intention. »
« J'y vais de ce pas, » s'exclama Flamel, en disparaissant de son cadre.
« Même si je n'approuve pas vos méthodes dérobées, Harry, » lui dit la directrice, en fronçant les sourcils, « envoyer ces deux lettres au plus vite était néanmoins la décision la plus judicieuse. Nous allons prendre le relais et j'espère que l'Ordre parviendra à secourir le professeur Burbage. »


L'annonce, le lundi midi, des résultats des sélections de l'équipe de Quidditch binationale apporta une distraction bienvenue à l'esprit inquiet et morose de Harry. C'était Tina qui lui avait bondi dessus au diner :
« Harry ! Ca y est ! Ils sont tombés ! » lui cria-t-elle, en se jetant presque à son cou. « Et tu sais quoi ? Hein ? Hein ? Mon cousin Martin est sélectionné ! Youhou ! C'est la fête ! Nectar ! »
« Tina, calme-toi un peu, » la tança un peu Miranda, qui arrivait plus lentement. « Si tu veux, tu peux voir les résultats sur ton parchemin, Harry... Tu es sélectionné, bien sûr ! » ajouta-t-elle par acquis de conscience.
« Comme si il y avait un doute à ce propos ! » s'exclama Tina.
Harry sortit son parchemin de sa poche et afficha la liste, assez anxieux de voir si Ron y serait. Une série de noms apparut, mais il fila directement en fin de document où l'identité du gardien titulaire était annoncé, ainsi que son remplaçant. Il poussa un gros soupir de soulagement : Ron y était.
« Gardien : Ron Weasley (titulaire), Nathalie Blondeau (remplaçante) » lut-il.
« Nathalie, c'est une joueuse non titulaire de l'Olympique des Grands Roseaux. Mais elle a parlé à Zéphir et elle préfère être remplaçante pour votre équipe que pour les Ogres, » précisa Tina, avant d'ajouter d'un air fin : « Plus de chances de jouer, plus de médiatisation ! »
« Pourquoi, plus de chances de jouer ? » demanda Harry d'un ton suspicieux. « Ron va très bien s'en sortir. »
« Évidemment, mais Nathalie est une joueuse de la Ligue de Quidditch depuis trois ans déjà. Elle est plus expérimentée que Ron, et connait les autres équipes, leurs forces et leurs faiblesses. Il y aura peut-être des matchs où elle sera mieux armée que Ron... » expliqua Tina, avant d'ajouter en haussant les épaules : « Ce sera à l'entraîneur de décider. »
Harry fronça les sourcils et se replongea dans la liste des sélectionnés.
« Attrapeur : Harry Potter (titulaire), Monique Ranaimason (remplaçante). C'était la fille noire de quatrième, n'est-ce pas ? »
« Oui. D'après moi, c'est une future espoir du Quidditch. Elle veut sans doute se faire connaître des clubs juniors... Ça ne m'étonne pas que Zéphir ait encouragé les élèves d'origine étrangère afin d'avoir une équipe vraiment internationale. »
« Elle est originaire d'où ? » demanda Harry, curieux.
« Madagascar. Il y a plein d'écoles sorcières en Afrique, mais parfois les sorciers préfèrent venir en France quand ils sont issus de pays francophones. »
Harry hocha la tête et passa aux batteurs :
« Batteurs : Millicent Bulstrode et Charles Mulot (titulaires), Mandy Brocklehurst et Matthieu Sollan (remplaçants) »
Dommage pour Brocklehurst, mais Bulstrode était sans nul doute bien meilleure pour ce poste. Harry se réjouissait d'avoir dans son équipe la seule Slytherin qui faisait de vrais efforts pour se rapprocher des autres maisons.
« Charles a enfin gagné sa chance de vraiment jouer ! » commenta Tina avec son enthousiasme habituel. « Je ne l'ai presque jamais vu participer à un match officiel. J'ai hâte de le voir face à nos batteurs ! »
« Il est... » Harry hésita, son regard fixé sur le parchemin. « Il est de la famille du bibliothécaire de Beauxbâtons ? »
« Faut croire... » répondit-elle d'un ton indifférent.
Harry stocka cette information dans un coin de son cerveau pour plus tard, bien qu'il soit certain que Hermione se pencherait sur la question à la minute où elle en serait informée. Il passa aux poursuiveurs, le plus gros morceau. Plusieurs anglais avaient participé aux sélections pour ces postes :
« Poursuiveurs : champ droit : Fatima Kasser (titulaire), Rosaria Aznar-Julien (remplaçante) ; central : Martin Grangier (titulaire), Dean Thomas (remplaçant) ; champ gauche : Eloise Midgen (titulaire), Sandro Castri (remplaçant). »
« Tu vois, Martin Grangier, c'est mon cousin. Le fils de la sœur de mon père ! » insista Tina. « Il est en 3e, mais déjà il promet beaucoup ! »
Harry s'abstint de remarquer que le fameux Martin avait pris la place de titulaire au nez de son camarade Dean Thomas. Il espérait que Dean n'était pas trop déçu et qu'il aurait quand même l'opportunité de jouer. En revanche, la sélection d'Eloise Midgen le réjouit franchement. La jeune fille, qui s'était découvert une passion commune avec son alter Bulstrode pour le Quidditch, s'était beaucoup entraînée en vue des sélections. Cette nomination était la récompense de ses nombreux efforts.
« Sans vouloir vous vexer, je trouve que le niveau de votre Midgen est un peu leg'... » tiqua Tina avec un froncement de sourcils. « Je comprends que Zéphir ait voulu vous mettre en valeur au sein de cette équipe, mais ce genre de favoritisme risque de déséquilibrer le jeu général de votre équipe. Enfin... C'est lui l'entraîneur, j'imagine qu'il a déjà des idées assez précises de plans de jeu... »

Harry fronça les sourcils : "Et ben, ça s'annonce bien, si les gens se mettent à critiquer avant même qu'ils aient commencé à s'entraîner..."


La fin de journée s'écoula beaucoup trop paisiblement au gré de Harry. Il avait conscience qu'il ne recevrait pas de réponse à ses courriers avant plusieurs jours, mais ne pouvait s'empêcher de penser au sort du professeur Burbage. Que lui était-il arrivé ? Cherchant un dérivatif à son inquiétude, il avait fait une bonne heure d'exercice après les cours, seul, dans les Arènes, avant de renoncer. L'entraînement de Sorlimus avait porté ses fruits, il pouvait désormais enchaîner cent tractions et deux cents pompes, avec un parcours d'obstacles à cible mobile, sans redouter des crampes paralysantes le lendemain. Ron l'avait cependant mis en garde contre une trop brutale prise de muscles et par conséquent, de poids, pour sa pratique du Quidditch. Harry avait effectivement senti la différence quand il était remonté sur son Firebolt et il avait dû s'alléger magiquement avant le duel d'attrapeur. C'était autorisé, mais ce n'était pas idéal non plus.
Il prit donc le parti d'aller voler un peu, ce qui l'aidait toujours à se vider l'esprit. Il alla chercher son balai et se dirigea vers le fond des jardins. D'autres élèves étaient déjà sur le terrain et Harry en reconnut quelques uns des sélections. Ron était là aussi. Harry se demanda s'il avait raté le mémo sur un éventuel entrainement, mais il semblait que le jeune Weasley se contentait d'observer, pour le moment. Harry lui fit signe de la main et décolla presque aussitôt. Il vola jusqu'à l'heure du dîner, auquel Ron l'entraîna avec son enthousiasme des grands jours. Annet se joignit à eux et, bientôt, le jeune couple ne parla plus que de Quidditch, à croire que Ron avait complètement oublié le professeur Burbage, dont Harry lui avait pourtant parlé le matin même. Ça dépassait l'entendement...
Il les abandonna après le dîner, avec dans l'idée de traquer Junon pour travailler encore un peu sa coordination sortilèges et boucliers. Il ne la trouva pas et son pneu lui revint quelques secondes après qu'il l'ait envoyé. Elle n'était pas à Beauxbâtons ! Ça dépassait vraiment l'entendement...


Harry était assis, morose, sur un muret dans un coin des jardins quand une voix rocailleuse le tira de ses réflexions :
« Mais c'est vous, Harry ! Que faites-vous dehors par ce temps humide ? » s'exclama-t-il. « C'est dans ces moments là que je regrette ma Provence natale ! » ajouta-t-il en roulant les r à qui mieux mieux.
« Rien de particulier, » soupira Harry, qui pensait toujours au lien qui l'unissait à Voldemort. « Monsieur, pensez-vous que deux vies puissent être irrémédiablement liés par le Destin ? Et que le ciel en soit témoin ? »
« Hmm... Chaque ciel est unique. Et pourtant de nombreuses personnes naissent exactement sous le même ciel. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il partage le même destin... Bien sûr, Mars brillant est toujours annonciateur de grande puissance ou de conflit, mais il s'agit de destin collectif, pas de destin individuel... Vous posez des questions bien singulières. Est-ce parce que j'ai parlé de votre thème astral la dernière fois ? Ce qu'il contient vous inquiète-t-il ? » demanda le vieux sorcier - Harry peinait à le voir comme un cracmol - en le sondant d'un regard perçant.
« Oui... Enfin, non. Pas exactement... » hésita Harry, avant de poursuivre : « Vous connaissez mon histoire personnelle, n'est-ce pas ? Tout du moins, la partie où j'ai survécu au sortilège de mort de Voldemort ? »
Nostradamus hocha la tête. Tout le monde, au moins jusqu'aux confins de l'Europe, connaissait l'histoire de Harry.
« Oh, c'est pour cela que vous parliez de deux vies liées par le Destin ?! » s'exclama-t-il en comprenant soudain. « Croyez-moi bien Harry, j'ai tout particulièrement étudié le ciel de cette fameuse nuit d'Halloween à la recherche de piste, d'indices... Tout le monde cherchait la preuve que Voldemort était bel et bien mort, voyez-vous... »
« Et il ne l'était pas, bien entendu... » soupira Harry d'un ton fataliste.
Michel de Nostredame tira sur ses poils de barbe, le signe de sa perplexité, lui avait révélé en confidence Pythagora Maimonide.
« Les astres ne parlaient ni vraiment dans un sens, ni vraiment dans un autre... Il y aurait dû y avoir une véritable éclipse de Mars par un autre astre, mais Mars est resté... "brillant" serait un peu exagéré, mais tout de moins, présent dans le ciel. Parfois, cet astre reste brillant tant que le pouvoir maléfique demeure. Et il peut parfois demeurer bien après la mort de celui qui en a fait l'usage. »
« Alors ainsi, un pouvoir maléfique peut... survivre à celui qui l'emploie ? » résuma Harry.
« Eh bien...» hésita le vieil homme comme s'il cherchait ses mots. « Vous avez connaissance de l'existence des fantômes, n'est-ce pas ? Vous savez bien que leurs esprits, leurs essences, restent sur terre après leur décès. Voyez-vous, c 'est un peu la même chose avec certaines forces magiques... qu'elles soient positives ou négatives d'ailleurs... » expliqua le vieil homme avec patience.
Harry hocha la tête. Cela faisait sens, même si c'était assez inquiétant. Le pouvoir maléfique était demeuré, même lorsque Voldemort avait perdu son corps. Pas étonnant qu'il ait eu si peu de mal à retrouver toute sa puissance, une fois son corps recomposé.
« Mais Mars n'est pas toujours brillant, n'est-ce pas ? » demanda Harry. « Il faut qu'il se passe quelque chose de particulier pour qu'il brille ainsi, non ? »
« Certes, certes... » toussota Nostradamus. « Un conflit, un duel de magie, des décès en grand nombre, ou même juste une puissance maléfique qui se manifeste sous une forme ou sous une autre... » le sorcier marqua une pause. « Mars brillant a de multiples significations, mais il y aura toujours une connexion avec des forces magiques malfaisantes. »
« Toujours ? » questionna Harry.
« Toujours, » assura le vieil homme, avec un aplomb soudain.


Durant les deux jours suivants, Harry avait souvent repensé à sa conversation avec Nostradamus. Il avait trouvé ses conclusions décourageantes, mais n'y avait-il pas autre chose à en tirer ? Après tout, le même homme lui avait aussi assuré, une fois précédente, que n'importe quel destin pouvait être changé. Harry avait failli demander son avis à Junon sur la divination - le Sénéchalat utilisait-il des prophéties ? - mais avait renoncé in-extremis. Il savait sa tutrice très perspicace et les questions qu'il voulait lui poser en aurait sans doute révélé un peu trop.
Il aurait aussi pu se tourner vers Neville. Depuis les révélations du jeune Longbottom, le Survivant puisait un certain réconfort à le savoir près de lui ; mais il ne voulait pas l'impliquer davantage. Son ami avait l'air d'être toujours secoué par ce qu'il avait récemment appris sur ses parents et, de toute façon, Harry avait fait un choix, en ne lui révélant qu'une partie de la Prophétie, sur lequel il aurait du mal à revenir. Et puis, Neville avait déjà bien assez de soucis : Harry l'avait aperçu se faire alpaguer le matin même par Sirène Piccolo, qui l'avait assailli d'un déluge de cris dans lequel il était question de millions, d'héritage, et de pressions familiales concernant - et là Harry espérait avoir mal entendu - des fiançailles.
Le Survivant restait donc seul avec ses inquiétudes, et particulièrement à l'approche de chaque nuit. Il devait dormir, il le savait bien et n'avait pas besoin d'Hermione pour le lui rappeler de sa voix inquiète. Après avoir appris l'existence de son cauchemar, elle lui avait préparé de la potion de sommeil sans rêve avec l'aide efficace de Luna, mais Harry avait la constante impression que ce ne serait pas suffisant, que Voldemort parviendrait toujours à l'atteindre. C'était un sentiment particulièrement oppressant. L'impression de ne jamais être en sécurité ou en paix.

Harry ne pensait donc guère à autre chose qu'à son lien psychique avec Voldemort. Il avait fini par conclure que le blocus des frontières avait rompu leur connexion, et que leurs réouvertures avaient rétabli la situation d'origine. Si Voldemort ne tenterait probablement plus guère de s'introduire dans son esprit, de peur de ressentir les états d'âmes de Harry, il ne se priverait certainement pas de le torturer de visions aussi horribles les unes que les autres. Son cauchemar de dimanche - qui n'en était peut-être pas un d'ailleurs - en était la preuve. La guerre mentale avait repris.
C'est dans cet état d'esprit inquiet qu'il toqua à la porte du professeur Maimonide, à son horaire habituel du mercredi après-midi. S'il n'était plus tout à fait aussi détendu qu'il l'avait été avec le professeur par le passé, il n'avait pas abandonné ses cours d'occlumencie pour autant. Il devait discipliner son esprit et renforcer ses défenses. Bref, Harry était prêt à tout pour ne pas être à nouveau le jouet du mage noir.

Sorlimus sortit du bureau et invita d'un geste Harry à prendre sa suite. Elle semblait satisfaite, sans doute faisait-elle davantage de progrès en occlumencie que dans sa pratique des Patronus. En effet, si elle réalisait un Patronus sans difficulté dans de bonnes conditions, face à l'épouvantard-détraqueur de Harry, elle avait perdu son sang-froid et s'était avérée incapable de conjurer le sort. Le Gryffindor avait dû faire d'urgence le sortilège de "Riddikulus" et transformer son épouvantard en serpillière dégoulinante dans un seau pour que la jeune fille se calme et que cessent ses tremblements nerveux. Suite à cela, elle ne lui avait pas adressé la parole pendant deux jours, lui envoyant juste les cousins Piscies de temps à autres pour lui "ficher une raclée", selon les mots de Sacha.
Bref, Harry n'était donc pas mécontent de la voir de meilleure humeur. Si cela pouvait lui épargner les duels avec les deux Piscies, c'était tout ce qui comptait.

Il entra dans le bureau du professeur Maimonide où l'attendait sa - maintenant traditionnelle - tasse de thé à la menthe.
« Bonjour Harry, comment allez-vous ? » lui demanda-t-elle aussitôt. « Faites-vous bien toujours vos exercices ? »
« Bien, professeur. J'essaye de pratiquer tous les jours la perception de mon "estomac" mental et j'ai l'impression que je suis plus rapide pour y dissimuler des souvenirs… En revanche, pour ce qui est de les empêcher de sortir… »
Il laissa sa phrase interrompue. La professeur hocha la tête d'un air pensif :
« Je comprends bien que c'est ce qui vous préoccupe le plus… Nous allons travailler ce sujet aujourd'hui, si vous le voulez bien, » répondit-elle.
Harry lui sourit, en acquiesçant. Pythagora Maimonide avait vraiment le don de s'attaquer aux problèmes, sans en minimiser l'importance, mais sans non plus dramatiser ou les rendre insurmontables.
« Une chose que je remarque depuis les quelques semaines que je vous suis, Harry, est que même si vous avez un esprit naturellement inquiet, vous gagnez jour après jour en détachement et en sang-froid. Ce sont justement ces deux qualités qui peuvent vous permettre de ne pas vous laisser influencer et de conserver vos souvenirs là où vous voulez qu'ils se trouvent, soit dans votre estomac mental, comme vous le surnommez si bien… »
« Que dois-je faire ? Pratiquer la méditation ? » fit Harry, sans parvenir à cacher l'ironie dans sa voix.
« Un peu de médiation ne vous ferait certainement pas de mal, Harry ! » lui répondit-elle du tac-au-tac, sur un ton faussement désapprobateur. « Je vois bien que vous vous moquez, mais vous ne devriez pas… Quoi qu'il en soit, je ne vous parle pas de méditation, mais plutôt d'apprendre à donner à ceux qui farfouillent votre esprit ce qu'ils souhaitent voir. »
« Vous voulez dire de cacher ce qui est important derrière des révélations sans importance ? » hasarda Harry.
« C'est un peu ça, en effet. La plupart des gens qui fouilleront votre esprit dans l'avenir le feront pour une raison bien précise. Il y a donc des souvenirs bien précis que vous pouvez placer en surface de votre estomac. Si vous deviez céder face à un esprit plus fort que le vôtre - et sachez-le Harry, il existe toujours un esprit plus fort - autant que vous cédiez un secret que vous avez choisi de céder. »
Harry ignora sa dernière remarque.
« Que voulez-dire par "il existe toujours un esprit plus fort" ? » demanda-t-il.
« Que vous pouvez fortifier votre esprit et votre estomac mental toute votre vie, mais que viendra toujours un esprit plus fort ou plus habile qui saura vous faire céder. Il existe des maîtres en légilimencie, dont vous ne pourriez même pas imaginer le pouvoir Harry… »
Harry déglutit mal à l'aise. Il ne doutait pas que de nombreux sorciers devaient être bien meilleurs que lui dans tout un tas de domaine. Le professeur Maimonide elle-même semblait de première force en légilimencie. C'était, d'après elle, un pré-requis à la pratique de la psychométrie.

Elle pria d'abord Harry de commencer par les exercices de respiration habituels, ainsi qu'à la visualisation de son estomac mental, puis l'invita à y placer deux souvenirs précis :
« Souvenez-vous Harry, vous devez choisir un leurre, quelque chose que je serai à même de chercher en vous. Vous cacherez votre souvenir important plus en profondeur dans votre estomac. Le secret est de trouver un souvenir qui serait stimulé par les mêmes mots. Par exemple, » proposa-t-elle, « si l'on vous interrogeait dans le but de savoir si vous aviez déjà contracté une maladie particulière, le souvenir du cours où cette maladie avait été évoquée pourrait faire l'affaire. On supposera que le premier souvenir qui vous viendra en mémoire sera forcément le plus signifiant. »
Harry réfléchit un moment. S'il cherchait à masquer, disons, la Prophétie, il devait trouver quelque chose de suffisamment crédible pour laisser croire au legilimens qu'il ne cachait rien d'autre. Le choix du leurre était donc crucial.
« Je suis prêt, professeur, » annonça-t-il finalement après quelques minutes de réflexions.
Elle hocha la tête :
« Nous allons travailler de la manière habituelle. Si vous sentez que mon esprit commence à percevoir vos souvenirs avalés, concentrez-vous à masquer votre leurre. L'idéal, bien entendu, serait que je n'atteigne même pas le souvenir leurre... »
Harry fixa son regard dans celui du professeur en gardant sa respiration la plus unie possible.
« Et si nous parlions un peu de la Prophétie, Harry ? » demanda Madame Maimonide. « Par exemple, des circonstances où vous l'avez entendue... » suggéra-t-elle.
Au lieu de se concentrer sur les paroles du professeur, il s'appliqua à associer l'idée de la Prophétie avec un autre souvenir. Madame Maimonide continuait de fouiller son esprit et sembla trouver ce qu'elle voulait quand Harry chercha à repousser son leurre au plus profond de son estomac. Elle plongea ses yeux dans le souvenir et entendit le cri déchirant d'une femme :
"Non, pas Harry, je vous en supplie, tuez-moi si vous voulez, tuez-moi à sa place..."
"C'est mon dernier avertissement..." retentit une voix glacée.
"Non, pas Harry ! Je vous en supplie... Ayez pitié... Ayez pitié... Pas Harry ! Pas Harry ! Je vous en supplie... Je ferai ce que vous voudrez..."
Un Avada Kedavra acheva le souvenir.

Madame Maimonide ferma les yeux un instant.
« Je suis navrée, Harry. Je ne pensais pas que vous utiliseriez quelque chose d'aussi douloureux... »
« Si je veux que mon leurre soit crédible, je dois accepter de montrer même des choses qui me blessent. Il n'en paraîtra que plus vrai, n'est-ce pas ? »
« Certes... » acquiesça le professeur. « Attention de ne pas vous faire inutilement souffrir cependant... »


1) coller une bavboule au bouchon baveux : expression sorcière pour "placer très haut la barre", en référence au jeu des bavboules où dans l'une des variantes il faut placer ses boules au plus proche d'une boule appelée bouchon baveux.


Et voilà, mon chapitre 44... Un peu chaotique, je vous l'accorde, mais c'est qu'il s'en passe des choses dans tous les sens !

A bientôt

Ruth