Petite histoire : Comme expliqué dans l'intro, je vais essayer d'écrire une fiction particulièrement documentée. J'adore le true crime, j'adore la criminologie et tout ce qui entoure les tueurs en série. J'ai eu la chance de vivre 2 ans en colocation avec une future profiler et je peux vous dire que j'ai passé des heures à l'écouter parler de ses cours. À côté de ça, j'ai évidemment lu pas mal de bouquins officiels sur le sujet. Mais j'ai toujours été déçue, face à un roman à succès, de lire des énormités sur les criminels. Je préfère ne pas vous citer d'auteurs, mais pour résumer, il n'est pas rare qu'ils prennent des énormes raccourcis dans leurs fictions (pour l'exemple évident : tueur en série n'est pas égal à psychopathe ou sociopathe). Du coup, j'espère pouvoir vous enseigner quelques trucs à travers ce récit qui me tient beaucoup à coeur. Ma seule question, avant que vous continuiez, est d'ordre « éthique » : voudriez-vous des passages décrivant les agissements du tueur (dont ses meurtres) ou vous préférez vous en tenir à l'enquête ?
En attendant, je vous souhaite une bonne lecture pour ce nouveau Swanqueen :) Prenez soin de vous !


Vancouver - 4 octobre 2022, 1h47

Magdalena posa maladroitement sa main sur la cuisse de la jeune femme blonde à côté d'elle. Les yeux de la blonde semblèrent immédiatement briller plus ardemment, alors qu'elle mordillait sa lèvre inférieure d'un air aguicheur. Motivée par cette visible invitation, la brunette fit lentement remonter ses doigts sur la cuisse dénudée de l'inconnue. Tandis qu'elle atteignait le tissu de son short en jean, la blonde sourcilla, comme si elle la défiait. Magdalena se perdit un instant dans son regard océan, se demandant si elle apprécierait revoir la jeune femme après cette rencontre.

Au début, Magda ne voulait pas participer à cette soirée organisée par ses amis. Sa meilleure amie de toujours l'avait en fait invitée à les rejoindre dans l'un des clubs les plus huppés de la métropole canadienne. Toutefois, la brunette était particulièrement harassée par les journées de stage qu'elle enchainait. Quelques mois auparavant, elle était sortie première de sa classe d'une prestigieuse école de cuisine du pays. Elle avait obtenu un stage dans l'un des restaurants étoilés de la ville, nommé The Other Side. Évidemment, cette période d'apprentissage était censée l'amener à un poste permanent par la suite et une expérience exceptionnelle sur son curriculum vitae. Elle savait d'ailleurs qu'elle pourrait aisément voyager et trouver sa place dans d'autres enseignes de renom grâce à cette opportunité. Mais le patron de ce restaurant étoilé n'était pas des plus tendres avec la jeune femme de vingt-quatre ans. Il l'obligeait à enchainer les services de midi et de soirs, six journées par semaine. Aussi, la brunette se sentait plus épuisée qu'enrichie par ce stage dont elle rêvait tant, quelques mois plus tôt.

Néanmoins, plus la soirée avançait, moins elle regrettait d'avoir suivi les conseils de ses amis. Une jeune femme blonde aux cheveux courts avait immédiatement jeté son dévolu sur la brunette. Évidemment, Magda s'était laissée aller au flirt sans hésiter. La blondinette faisait une tête de moins qu'elle, mais son sourire et ses yeux bleus océans étaient des plus irrésistibles. Aussi, les deux femmes s'étaient rapidement éloignées du groupe pour discuter tranquillement sur une des banquettes, à l'arrière du club. Rapidement, leurs corps s'étaient rapprochés et la conversation dépassait la simple courtoisie. Alors qu'elle observait avec attention le regard ardent de la jeune femme, Magda se sentait d'ailleurs brûlante de désir. Elle approcha sa main de sa gorge pour entreprendre un rapprochement plus intime, quand une détonation se fit entendre.

Le bruit venait d'une des principales salles du club, proche de l'entrée. Il fut rapidement suivi d'une dizaine d'autres coups. La musique s'était évidemment interrompue et des cris effrayés résonnèrent dans les murs de la discothèque. Sans vraiment réfléchir, Magda attrapa immédiatement le poignet de la jeune femme et se jeta sous la banquette. Le coeur battant à ses tempes, il lui sembla se remémorer les sensations d'une autre époque. La blondinette la suivit en silence, les yeux humides. Les deux se retrouvèrent ainsi dissimulées dans la pénombre, sous l'imposant divan de la petite salle du club. À quelques mètres d'elles, un couple d'hommes avait eu la même initiative. Comme dans un élan désespéré, Magda remarqua que la blondinette saisit la main de l'un d'eux.

De son côté, l'apprentie-cuisinière attrapa son téléphone dans la poche de son jeans et composa les trois chiffres d'urgence. Alors que la blondinette saisissait son propre appareil, Magda lui fit signe de le mettre sur silencieux. Pendant ce temps, les détonations et les cris se multipliaient dans les autres salles du bar. Bientôt, les clients ne purent percevoir que de lourds pas de bottes. Une seule personne, songea la brunette alors que les pas se rapprochaient de leur petite salle secondaire. De nouvelles détonations suivirent, et on ne put percevoir bientôt que la vibration de certains téléphones dont les messages et appels resteraient sans réponse.

Alors que la personne approchait, la blondinette en compagnie de Magda commença à haleter légèrement. Habituée à gérer ce genre de situation, la brunette lui intima en silence de prendre de grandes inspirations. Elle serra sa main dans sa paume et tacha de se rapprocher le plus possible de son corps. La chaleur pouvait toujours aider lorsqu'une personne était en proie à une crise d'angoisse. Toutefois, les pas du tueur ralentirent légèrement lorsqu'il entra dans la petite salle du club. La blondinette ferma les yeux de terreur et Magda eut l'impression qu'on pouvait entendre les battements saccadés de son propre coeur jusqu'à l'entrée du bar. Cependant, la personne parut interrompue dans sa tuerie, puisque ses pas accélèrent soudain et un claquement de porte se fit entendre.

Les quatre jeunes gens s'immobilisèrent, tandis que le silence paraissait désormais prendre toute la place dans ce club de la métropole. Magda rouvrit ses yeux en essayant de se convaincre que c'en était fini, lorsque de nouveaux pas résonnèrent dans les salles. Cette fois, il s'agissait de plusieurs personnes. Leurs pas étaient rapides et on pouvait percevoir les bruits de froissements de leurs vêtements. Au bout de quelques minutes, une voix s'éleva dans la pièce et se présenta comme celle d'un membre de la police. Les lumières furent rallumées moins d'une seconde plus tard. Rassurée, Magda commença à percevoir des sons de radio-émetteurs.

C'est à ce moment qu'elle réalisa que son corps s'était entièrement crispé sous la terreur, mais parvint toutefois à s'extirper d'en dessous de la banquette. Elle rampa sur près d'un mètre, afin d'être visible par les policiers, quand deux bras vinrent instinctivement se placer sous ses épaules. Une jeune femme vêtue d'un pare-balle et d'un casque l'aida à se relever, alors qu'elle faisait signe à ses collègues de venir la rejoindre. D'autres agents s'occupèrent de la blondinette ainsi que des deux hommes, tandis que des voix s'élevaient dans leurs radios-émetteurs. Pourtant, ni Madga ni sa compagne d'un soir ne parvenaient à discerner réellement ce que disaient les voix. La brunette entendait toujours les battements de son coeur dans son crâne. Brutaux, sourds et incessants.

Elles furent accompagnées à travers les différentes salles du club, désormais désertes. Titubantes, presque inconscientes, elles ne purent enfin reprendre leur souffle que lorsqu'elles sortirent dans l'air frais de la nuit. Rapidement, d'autres bras les prirent en charge. Des couvertures furent placées sur leurs épaules et des personnes vêtues de jaunes les accompagnèrent jusqu'à un véhicule dont les lumières rouges semblaient danser dans la nuit glaciale. Alors qu'elle marchait comme elle le pouvait jusqu'à l'ambulance, Madga se retourna instinctivement vers la blondinette, juste derrière elle. Leurs regards se croisèrent et la brunette sut que leurs destins étaient désormais scellés.

2h10

Regina sortit de sa berline en claquant la porte et referma immédiatement les pans de son duffle coat sur sa poitrine. Elle s'avança en soupirant, son expiration s'évaporant en une fumée légère. Cette année, l'automne était véritablement arrivé plus vite qu'à l'ordinaire. Le mois d'octobre débutait à peine, mais les températures avaient chuté en même temps que les premières feuilles colorées. Tandis qu'elle marchait vers le club, la rouquine à ses côtés lui tendit une cigarette, par habitude. La brunette refusa poliment, se demandant si elle allait pouvoir tenir le coup malgré son état de fatigue très avancé. Elles arrivèrent enfin au niveau du fourgon des forces spéciales et une jeune femme d'une vingtaine d'années les accueillit. Elle se présenta comme l'agent Prentiss et serra les mains des deux femmes avec respect.

« On n'a que cinq survivants, » indiqua la policière. « Deux femmes et trois hommes. L'un d'entre eux est un barman qui était sorti jeter des sacs de recyclage dans la ruelle en arrière. Il a choisi de rester à l'extérieur dès qu'il a entendu les coups de feu…

-Et les quatre autres ? » demanda la rouquine.

« Simplement des clients du bar, mais on n'a pas encore récolté leurs informations.

-Demandez aux paramédics de le faire, comme ça je vais pouvoir les questionner, » ajouta Kelly en prenant une nouvelle bouffée de sa cigarette. À ses côtés, Regina lui adressa un regard sombre.

« Pas la peine, » souffla la brunette. « Ils viennent de vivre une véritable boucherie et ils n'auront rien à nous dire de plus. Ils pourront passer au poste dans les prochains jours pour leur témoignage mais je ne pense pas que ça nous serve à grand-chose. L'essentiel, pour le moment, c'est de retrouver le tueur.

-Le tueur ? » questionna l'agent Prentiss d'un air intrigué. Comme de fait, Regina lui adressa un sourire quelque peu méprisant.

« La majorité des terroristes de ce genre sont des hommes, agent Prentiss, » rétorqua la brunette. « Si vous voulez mon avis, j'opterai même pour un suspect caucasien entre 25 et 40 ans, certainement assez isolé et n'ayant pas de compagne ou de compagnon. Il s'est attaqué à un club réputé pour être l'un des plus prisés de la communauté LBGTQ+ de la ville, donc je vous laisse imaginer ses motivations. Contentons-nous de le retrouver et de le mettre derrière les barreaux. Même si nous savons tous que ses jours, voire ses heures, sont à présents comptés.

-C'est assez… direct… » souffla la policière d'un air surpris.

« Les terroristes ne font pas partie de ma catégorie de criminel. Et dans la majorité des cas, ce type de tueur est imprévisible et finit sa vie sous les balles des policiers. Il est inutile de faire quelque profilage que ce soit sur ce genre d'individu. L'important est plutôt de savoir où il a pu se procurer de telles armes et éviter que des personnes de son genre puisse en acheter aussi facilement. »

Kelly acquiesça en souriant, comme pour confirmer les propos de sa collègue. Comme de fait, elle finit sa cigarette et l'écrasa sous sa chaussure à talon avec détermination. Saluant la policière, Regina prit tout de même le parti d'entrer dans le club pour observer la scène de crime. Il était clair qu'elle ne pourrait rien faire que la cellule anti-terroriste ne ferait. Mais il était de son devoir de passer par différentes étapes afin d'analyser la scène et peut-être voir des détails que l'identité judiciaire ne percevrait pas. Toutefois, lorsqu'elle pénétra dans le club, rien ne lui parut anormal. La seule chose qui la troubla fut un profond haut-le-coeur qu'elle ressentit lorsque l'odeur des cadavres pénétra enfin ses narines. Elle indiqua à sa collègue qu'elle devait s'absenter et courut jusqu'aux toilettes du club, qu'elle connaissait par coeur, pour pouvoir vomir. Gé-ni-al, ça s'annonçait assez mal finalement…

2h35

« Je t'ai connu plus résistante que ça, » ricana la rouquine alors que les deux jeunes femmes rejoignaient la voiture de Regina. « Me semble que d'habitude, les cadavres ne te font ni chaud ni froid.

-Ouais, » soupira la brunette. « J'imagine que c'est la fatigue ou le fait que ça soit si intense. Je suis rarement appelée pour des scènes de ce genre…

-Parce que madame est la reine des homicides, mais pas des actes terroristes, » remarqua Kelly en refermant la porte de la berline.

Regina acquiesça et démarra sans lui donner de réponse. Alors qu'elle entendait d'autres appels sur son propre radio-émetteur, elle songea qu'il lui fallait vraiment adopter un mode de vie plus sain. Elle ne pourrait décemment pas continuer à ne dormir que deux ou trois heures par nuit ou sauter des repas. Il fallait vraiment qu'elle sache mieux gérer sa vie professionnelle et arrêter de lui donner toute la place dans son existence. Surtout avec le projet dans lequel elle venait de se lancer…

9h11

Regina refusa poliment la tasse de café que lui tendait l'homme aux cheveux bruns avant de saisir un petit sac de tisane dans la boite métallique. Elle saisit un mug à l'effigie de l'insigne de police de la ville et plongea le petit élément dedans. Elle accrocha aisément le fil à la poignée avant de verser de l'eau brûlante dans le contenant. Alors qu'elle songeait à la longue journée qui l'attendait, une main familière vint se poser sur son épaule.

« On a bien dormi, Sergent Mills ? » ironisa la rouquine en attrapant à son tour une tasse. À côté d'elles, dans la salle de relève, l'homme brun sirotait son propre café en silence. Dès l'arrivée de Kelly, son visage parut s'illuminer.

« Longue nuit, Hogarth ? » demanda-t-il d'une voix amusée.

« M'en parles même pas, » soupira la rouquine. « On a à peine eut le temps de finir un dossier, que le téléphone a sonné pour un attentat…

-Oh ouais, c'est la tuerie de la Green Room, c'est ça ? » questionna le dénommé Robin d'un air détaché. Regina observa ses traits et se demanda s'il allait un jour essayer d'avouer ce qu'il ressentait à sa partenaire.

Le sergent détective Robin Sanders était arrivé au poste de police quelques mois plus tôt, suite à un transfert. Cet homme de 35 ans se spécialisait dans le crime organisé et sa réputation le précédait. Il avait des sources dans toute la métropole, mais avait également conduit à l'arrestation de bien des criminels. Aussi, lorsque son prédécesseur avait été arrêté pour trafic humain, il avait rejoint le district 4 suites aux recommandations de son commandant. Regina ne l'appréciait guère, mais elle reconnaissait qu'il était un enquêteur hors pair. D'ailleurs, elle se demandait s'il pourrait faire un bon compagnon pour la rouquine, puisqu'il semblait l'apprécier tout particulièrement. De son côté, Kelly était une personne plutôt volage, qui ne s'attachait généralement pas aux hommes qu'elle fréquentait. Si la brunette n'approuvait pas nécessairement son mode de vie, elle appréciait la rouquine comme une véritable sœur. Depuis l'école de police, les deux jeunes femmes étaient les meilleures amies du monde. Kelly avait d'ailleurs pu aider Regina à se relever à chaque fois qu'elle avait touché le fond dans les dernières années. Et Dieu savait que la latina n'avait pas connu que des beaux jours dans sa vingtaine. Alors qu'elle venait d'avoir trente-deux ans, elle espérait simplement que sa vie serait plus joyeuse qu'auparavant.

Soudain, une jeune femme se présenta devant la salle de relève du poste. Les trois détectives interrompirent leur conversation, la dévisageant sans mégarde. Apparemment intimidée, la petite brunette leur indiqua qu'elle cherchait le sergent détective Mills, spécialisé dans les homicides.

« Tu l'as devant toi ! » s'exclama Kelly en faisant un geste en direction de Regina.

Toujours aussi réservée, la jeune femme s'approcha en silence pour lui serrer la main. Regina remarqua ses yeux bleus perçants, ses pommettes enfantines et quelques taches de rousseur. Évidemment, elle paraissait aussi candide que sa timidité le laissait deviner. Elle se présenta comme un agent enquêteur qui venait tout juste d'être promue par son commandant, au district 12. Elle avait ainsi été transférée pour pouvoir apprendre le métier sous les conseils d'une personne de renom.

« Mon nom est Mary-Margaret Blanchard, » bredouilla la jeune femme en osant enfin regarder la portoricaine dans les yeux. À son attitude réservée et son air insouciant, Regina devina que cette apprentie lui donnerait bien du fil à retordre. Elle savait d'ailleurs que la jeune femme risquait de l'agacer au plus haut point si elle ne changeait pas rapidement de comportement. Toutefois, elle lui présenta rapidement ses deux collègues avant de l'entrainer vers son bureau en bougonnant. La détective avait l'habitude de travailler seule ou en partenariat avec Kelly. Elle avait complètement oublié le fait qu'elle devrait prendre une simple agent enquêtrice sous son aile et l'idée ne lui plaisait certainement pas. Alors qu'elle lui présentait les autres membres du poste, elle se demanda si elle ne pourrait pas rapidement la confier à Kelly ou Robin…

11h14

Regina étira ses bras au-dessus de son crâne d'un geste las, alors qu'elle observait la pluie battante depuis la fenêtre de son bureau. Face à elle, la jeune agente semblait perdue dans la contemplation d'un rapport d'enquête. Évidemment, la portoricaine avait décidé de commencer par lui apprendre les bases du métier. Cela débutait nécessairement par le fait de comprendre toute la paperasse qui était associée à un tel poste. Toutefois, la jeune femme de vingt-sept ans semblait particulièrement perspicace. Depuis son arrivée, elle traitait des rapports d'enquête et des affidavits sans aucun problème. Son côté trop insouciant et timide serait peut-être compensé par son efficacité, finalement…

Le téléphone sonna, interrompant la détective dans ses pensées. Regina décrocha sans hésiter et s'annonça directement à la personne qui la contactait.

« Sergent détective Mills, ici l'agent Killian Jones de la Gendarmerie Nationale.

-Euh bonjour… » hésita la brunette, pas vraiment sûre de comprendre pourquoi un homme d'une autre division la contactait. La police et la gendarmerie ne communiquaient généralement pas, sauf quand leurs territoires étaient impliqués dans une histoire complexe.

« Je vous contacte concernant une affaire d'homicide assez sérieuse, » déclara l'homme d'une voix assurée. « On a découvert une grosse scène de crime ce matin et… euhm… mon commandant m'a dit qu'il nous fallait une experte du domaine pour se mettre là-dessus.

-Est-ce que c'est sur mon territoire ? » soupira Regina en songeant que les gendarmes étaient de véritables incapables.

« Non… » admit l'agent. « Mais mon commandant a directement contacté le vôtre pour que vous preniez l'affaire. C'est quelque chose de très grave et il faudrait que vous nous rejoigniez sur place dans les plus brefs délais…

-Grave comment ? » interrogea la brunette en se demandant si elle pourrait au moins dîner au poste avant de partir sur une nouvelle affaire.

« On pense qu'il s'agit d'un tueur en série, Sergent Mills, » lâcha le gendarme. « On a retrouvé douze corps près d'un chalet dans une forêt et on pense qu'il y en a d'autres… »

En écoutant le constat de l'homme, Regina comprit qu'elle ne pourrait pas échapper à une telle affaire. Elle fit évidemment signe à Mary-Margaret d'interrompre ce qu'elle faisait et se leva en silence.

« Envoyez-moi l'adresse sur mon téléphone portable, » souffla-t-elle sans hésiter. « Mon numéro est le 604-555-2314. Je pars du poste dans quelques minutes.

-Merci Sergent Mills, à tout à l'heure, » parvint à articuler le gendarme avant qu'elle ne raccroche. Comme de fait, Regina enfila rapidement sa veste et expliqua à son apprentie ce dont il s'agissait. La jeune femme mit également son manteau et observa la brunette alors qu'elle s'équipait de son revolver et attrapait son gilet pare-balles. Si les scènes de crime n'étaient généralement pas dangereuses, on n'était jamais assez prudents. Aussi, Regina quitta le poste en toute hâte en indiquant à ses collègues qu'elle ne serait sûrement pas disponible d'ici la fin de l'après-midi…

17h49

« Bon, Sergent Mills, éclairez-moi sur la situation, » déclara la quinquagénaire d'un air las. Ingrid Länders était la commandante du poste de police du district 4, dans la métropole de Vancouver. Ancienne spécialiste du crime organisé et ex-agente des services secrets, elle était reconnue pour s'entourer des meilleurs détectives de la ville. Aussi, elle appréciait particulièrement le fait qu'une enquêtrice comme Regina fasse partie de son district. Elle avait d'ailleurs attendu le retour de la jeune femme avant de pouvoir songer avec elle à la marche à suivre pour procéder à cette enquête. Évidemment, la brunette était revenue de la scène de crime déclarée par les gendarmes en compagnie de son apprentie du moment, l'agent-enquêtrice Blanchard. La commandante les avait invitées à la rejoindre dans son bureau pour lui en dire plus sur la situation.

« La réserve autochtone de Lax Kw'allams a récemment réussi à obtenir la protection exclusive de la forêt de Manahawinn, qui entoure leur site. Aussi, ils ont engagé de nombreux gardes forestiers pour assurer la sécurité du domaine et éviter l'affluence touristique. Ce matin, l'une de leur nouvelle recrue a découvert un chalet inhabité sur la route 448. Son chien s'est alors mis à fouiller dans la petite clairière qui l'entoure et le garde a vu une main enterrée dans le sol. Il a tout de suite appelé la gendarmerie et la Garde Royale a contacté l'identité judiciaire. Au final, ils ont retrouvé dix-sept corps autour du chalet. Tous étaient réunis par groupes de trois cadavres et à divers endroits autour de la maison, » expliqua Regina d'un air légèrement troublée.

« Dix-sept cadavres ?! » répéta Ingrid comme pour confirmer l'information. « J'imagine qu'ils ont fouillé le chalet ?

-Un véritable lieu de torture, » déclara la brune. « Chaises électriques, chaines de suspension, scies, couteaux… On se croirait dans un film Saw

-Vous avez des pistes ?

-Tout a été entièrement nettoyé au javel, » souffla la portoricaine. « Quoi qu'il se soit passé dans cet édifice, il est clair qu'il ne reste aucune trace d'ADN. L'identité judiciaire n'a d'ailleurs trouvé aucun effet personnel, aucune trace de pneus sur le chemin ni rien. Un vrai travail de professionnel…

-Vous pensez que c'est lié aux ind…

-Aux autochtones ? » la corrigea Regina d'un ton autoritaire. « Non, parce que la majorité des cadavres sont des personnes caucasiennes.

-Ça pourrait justement être un acte discriminatoire, » avança la commandante d'un ton de défi.

« Les tueurs en série ne changent généralement pas d'ethnie dans leurs crimes, » rectifia la Sergent Enquêtrice. « Sauf en cas de crimes racistes. Mais dans ce cas-là, les victimes seraient toutes issues de minorité. Il n'y a aucune chance pour que le tueur soit autre chose que blanc.

-Vous avez déjà décidé de son genre ? » ironisa sa supérieure.

« Vous savez comme moi que la majorité des tueurs en série sont des hommes, » répliqua la brunette. « Si c'était une femme, d'ailleurs, toutes ses victimes seraient certainement des hommes. Du moins, tout porte à croire que le responsable de ces crimes soit de genre masculin ou s'identifie à ce genre-là.

-Bien, » soupira la commandante en réalisant qu'elle n'aurait pas le dernier mot. « Vous pouvez rester sur cette affaire, avec Blanchard. Mais il vous faudra un profiler, vu le nombre de victimes, la situation géographique et la gravité du problème…

-C'est ce que je me disais, » assura Regina. « Je vais contacter Gold dès ce soir pour qu'il puisse prendre le premier avion depuis Edmonton…

-Non, Regina, » la coupa sa supérieure d'un air mesquin. « Je ne veux pas un profiler, je veux la meilleure dans le domaine. »

Instinctivement, la brunette déglutit et eut un léger mouvement de recul. Elle se redressa et sentit les muscles de ses bras se crisper face à la supposition. Son regard changea immédiatement et sa commandante n'eut pas de mal à deviner qu'elle savait à qui elle faisait allusion.

« Gold est un excellent profiler, » se défendit Regina. « Il a même aidé le FBI dans ses jeunes années. C'est lui qui a réussi à retrouver le meurtrier de la jeune fille au Québec, qui a su tracer la piste de...

-Regina, » soupira la blonde d'un air apparemment amusé. « Soit tu la contactes, soit je refile l'enquête au district 8, mais tu peux dire adieu à tes concours pour passer lieutenant d'ici deux ou trois ans, » trancha-t-elle.

Évidemment, la brunette fit claquer sa langue d'un air agacé avant de soupirer. Ingrid remarqua qu'elle paraissait bien moins assurée qu'auparavant et observa un instant ses traits pour essayer de cerner ses émotions. La jeune femme était-elle en colère ? Déçue ? Ou appréhendait-elle seulement ?

« Ok, » céda la portoricaine. « Je vais essayer de l'appeler demain matin…

-Mmmh… Je pense que les cours d'université finissent vers 18h45, non ? » suggéra Ingrid. « Tu ferais mieux d'aller la voir ce soir. Je suis sûre qu'elle sera agréablement surprise de te voir...

-Vos désirs sont des ordres, mon commandant, » rétorqua Regina d'une voix ironique. Elle quitta le bureau d'un air déterminé, sans même prendre la peine de saluer sa supérieure. Intimidée, Mary-Margaret la suivit en silence. Alors qu'elle trouvait ce stage de plus en plus intéressant, elle se demandait tout de même ce qui pouvait autant troubler la jeune femme...