Chapitre un peu plus long que je ne l'avais supposé ce qui explique le jour de retard (encore déso) ^^ mais j'espère qu'il vous plaira ^^ les prochains chapitres sont ceux que j'attendais le plus puisqu'on va entrer dans le « domestique ». Je crois que je viens reprendre un rythme de 7 jours par chapitre à partir de celui-ci histoire de ne pas devoir me dépêcher et d'éviter les retards. Donc le chapitre 6 sera pour le lundi prochain ^^ comme d'hab, merci pour vos lectures et merci à ma chère relectrice dont le travail n'est décidément pas facile (car en plus de me corriger elle doit aussi me supporter). Si ça vous plait, un petit com ça fait toujours plaisir ;)

Merci et bonne lecture :3


Cinq jours avaient passé depuis le départ de Bilbon. Il avait déjà dû rejoindre la Comté et sa maison. C'était bien, se répétait Thorin. C'était ce qu'il fallait.

De son côté, Thorin commençait à prendre son rôle de souverain en supervisant la reconstruction de la cité minière. Il reprenait ce que Dáin avait commencé pendant son repos. Le rôle de monarque était bien différent de ce qu'il avait imaginé et surtout bien moins divertissant. Mais c'était le métier pour lequel il avait été élevé et formé toute son enfance. C'était aussi son devoir en tant que petit-fils de Thrór et fils de Thráin. À aucun moment, il ne devait montrer à son peuple, qui doutait encore de lui, qu'il pourrait ne pas avoir envie de ce rôle. Et surtout pas à cette messagère qui habitait encore les lieux en attendant son seigneur. Il préparait également son futur couronnement et y avait invité les rois nains et les grands dirigeants de la terre du milieu. Il n'était pas seulement question de son couronnement, pensait Thorin, c'était aussi l'occasion de prouver à tous ceux et celles qui n'étaient pas venus l'aider qu'il avait pu récupérer la ville et que le futur d'Erebor ne pouvait être que radieux.

Pourtant, si la ville et ses habitants avaient repris leurs habitudes avec joie, Thorin, lui, n'allait pas bien. Cette nuit où il avait cru que son cœur allait exploser n'avait pas été la seule. Depuis que Bilbon était parti, sa santé semblait doucement décliner. La plupart du temps, il semblait simplement un peu fatigué et distrait. Mais il y avait ces moments aussi soudains que violents. Des bouffées de chaleur et un rythme cardiaque s'accélérant n'étaient que les principaux symptômes de ces mal-êtres fulgurants. Il pouvait également en perdre l'équilibre, ses mains se mettaient à trembler violemment. Il en devenait de plus en plus pâle et certains nains de la compagnie semblaient commencer à le remarquer. Mais il était fier et il tentait de faire bonne figure pour ne pas soulever des inquiétudes, pas encore. Jusque là, il avait su tenir bon. Dès qu'il se sentait un peu faiblir, il demandait pour se retirer et attendait que les battements de son cœur ralentissent. Son cœur… c'était lui qui semblait le tuer. Mais ce n'était pas possible. Ça devait être ses anciennes blessures de guerre. Il avait failli y passer lors de son combat avec Azog et il était possible qu'il souffre encore de séquelles. Pourtant, bien qu'il gardait une importante cicatrice sur tout son flanc, la blessure avait su se résorber. Ses douleurs intenses et ponctuelles semblaient gagner en intensité et en fréquence. Il ne pouvait plus le nier. Et pourtant, malgré ses souffrances, il pensait encore à lui en se demandant si tout allait bien pour lui.

Aujourd'hui, il ne devait pas y penser, ni à Bilbon ni à sa maladie. Car c'était le jour de la venue de Barûsar, seigneur de Grimelva, celui qui avait demandé son éviction au trône d'Erebor. Sa messagère avait annoncé la future arrivée de son maître à Thorin, mais surtout au reste des habitants de la montagne. Il était attendu par bien plus de monde que Thorin ne l'aurait voulu.

Quand il arriva en pleine après-midi, une foule immense de nains était déjà prête et impatiente de l'entendre. Thorin n'était pas aussi impatient qu'eux, mais il avait eu le temps de réfléchir à ce que celui que l'on nommait « l'audace-rouge » aurait à ajouter aux propos déjà bien audacieux de sa messagère.

Barûsar arriva dans le hall avec une démarche noble et pleine d'assurance et fut rejoint par sa représentante. Il portait une riche et imposante armure dorée. Il n'était pas étonnant de la part d'un seigneur connu pour ses talents de commerce de vouloir montrer sa richesse. Mais porter une armure naine aussi imposante et peu pratique pour une simple rencontre n'était pas commun même pour un guerrier. Thorin n'était pas dupe au message que le seigneur tentait d'envoyer à la population. Carha, sa messagère, se trouvait à sa droite, mais quelque chose avait changé dans son expression. Il se souvenait encore du petit sourire victorieux de sa première visite. Ce sourire avait laissé place à un visage rempli d'inquiétudes et presque de terreur. Elle ne semblait jamais croiser son maître du regard et baissait la tête quand il se tournait vers elle. Elle ne portait plus sur elle sa sacoche hors de laquelle elle avait sorti l'arkenstone.

Barûsar « l'audace-rouge », un surnom qui avait toujours laissé pantois ceux qui ne l'avait jamais rencontré en personne. Mais pour ceux qui en avaient eu l'occasion, son visage témoignait explicitement de la moitié de ce surnom. Malgré son imposante carrure, c'était son visage qui attirait toujours l'attention. Il était l'un des très rares nains qui ne portaient pas de barbe. Et si ce premier élément avait de quoi choquer la plupart des nains qui le croisait, la raison derrière cette absence sautait aux yeux. Il avait la moitié du visage brûlé et ne lui laissant qu'une peau rouge vif. Tout le côté gauche ainsi qu'une partie du bas de son profil droit semblaient avoir difficilement survécu à un incendie mortel, lui laissant ainsi seulement son œil droit, une partie du nez et le côté droit de ses lèvres intacts. Il ne portait qu'un épais sourcil et une moitié de moustache rousse, seul endroit de son visage qui lui permettait encore de la pilosité.

Barûsar s'avança avec un large sourire et d'un pas confiant vers Thorin assis sur son trône.

— Thorin Ecu-de-Chêne, fils de Thráin et petit-fils de Thrór, futur roi sous la montagne.

— Barûsar L'audace-rouge, fils de Barûl, et seigneur de Grimelva.

Un grand silence régna entre eux quelques temps.

— Ton message m'est parvenu par les soins de ta représentante, Barûsar. Mais est-ce que tu es venu réitérer ta requête devant moi ?

— Hélas… je crains que oui.

La foule commença à chuchoter. Mais Thorin frappa du poing sur son trône en pierre et le bruit résonnant dans l'immense hall sembla faire taire tout le monde.

— Mais ce n'est pas de bon cœur, Thorin. Oh non… J'aurais aimé qu'il en soit autrement. J'aurais aimé que tu aies eu l'honnêteté de t'écarter toi-même du trône. J'aurais aimé ne pas être celui qui aurait à te le dire, mais… Erebor court à sa perte avec un roi comme toi.

Thorin s'était préparé à ce que Barûsar aurait pu lui dire, mais il devait bien avouer qu'il dépassait de très loin ses attentes. Il inspira profondément pour ne pas recréer le scandale de la dernière fois. Cependant, il commença à sentir piquer une lointaine douleur en lui. Ce n'était vraiment pas le bon moment, pensait-il en tentant de garder son calme alors qu'il sentait doucement vibrer ses mains.

— Hé bien… Je dois reconnaitre que tu fais honneur à ton titre d'audacieux. Et ce sont de bien belles paroles pour un homme ayant refusé la quête qui a permis de reconquérir cette ville. Mais mis à part l'arkenstone, qu'as-tu d'autre à me reprocher en tant que futur roi ?

— Je crois savoir que Carha, ici présente, a déjà réussi à te faire avouer que cette fameuse quête pour reconquérir Erebor a été un succès. Mais pas un succès de ta part. Le dragon a été vaincu par les hommes, la pierre volée par un semi-homme et..

Dáin intervint pour couper le seigneur :

— Smaug n'est pas la seule menace à notre race que Thorin a aidé à terrasser. Azog, c'est lui qui l'a vaincu.

— Azog vaincu par Thorin… Ce n'est pas la première fois que l'on entend ça. Il était censé l'avoir vaincu déjà auparavant aux mines de la Moria. Espérons que ce soit… définitif. Bien que… je pense qu'il l'a véritablement vaincu cette fois-ci… grâce à l'intervention de son cher semi-homme.

Dáin tourna son regard vers Thorin et celui-ci put y lire qu'il l'avait prévenu. Thorin se leva, utilisant toutes les forces qu'il pouvait. Il comprit l'erreur de son geste quand le monde sembla tourner autour de lui et que son cœur se mit à battre trop fort. Mais la rage qui l'avait transporté lui permit de crier :

— Où étais-tu quand ce semi-homme a sauvé Erebor ? Terré dans ta ville à compter ton si précieux or !

Thorin sentit son cœur s'accélérer d'un coup et la chaleur de son corps le faisait bouillir. Il avait encore perdu son sang-froid en voulant défendre Bilbon. Sa tête tournait si fort qu'il ne pouvait pas se concentrer. Mais il continuait de le fixer avec un regard noir.

— Si c'est ce sous-homme qui a sauvé cette ville, pourquoi ne pas lui donner le trône. Toi qui aimes tant chanter ses exploits tu n'y verras aucun mal. À moins que je ne propose une autre personne plus méritante…

— Tu n'oserais pas...

— Je me porte candidat au trône d'Erebor.

— Toi ? dit-il avec un sourire qui cachait une haine grandissante.

— Je ne vois pas pourquoi ce serait étonnant. Après tout, ne suis-je pas le propriétaire du « joyau du roi » ? Et même si cette légende ne suffisait pas, je dirais que la cité de Grimelva est une preuve à elle toute seule de mes qualités de monarque. Mon nom d'audacieux, comme tu l'as si bien dit, mon cher Thorin, vient de là. Quand la ville d'Erebor est tombée entre les griffes du dragon, c'est moi qui ai proposé à ton grand-père de fonder une nouvelle ville, Grimelva. L'endroit était lui aussi infesté d'orcs, mais c'était un lieu bien plus prometteur que ces vieilles mines. Mais il a refusé ma requête et a même préféré s'attaquer à Azog et ses orcs à la Moria. Il y a perdu sa vie et celles de ses hommes. Mais ceux qui m'ont suivi ont pu bâtir une belle et grande cité. Ils m'ont dit « fou », mais, moi, je me suis dit « audacieux ». Et c'est cette audace que j'aimerais proposer aux habitants d'Erebor. Après tout, si mon titre n'est que celui de « seigneur », c'est seulement par modestie. Je ne revendique pas mes origines royales. Ma grand-mère, feu Mezzynthir, était la fille d'un des grands rois nains.

Barûsar ne s'adressait même plus à Thorin, tenant à peine et tentant simplement de ne pas s'effondrer. Mais il s'adressait au public de nains qui semblait de plus en plus enclin à écouter ce seigneur.

— Je n'ai pas une histoire si différente de ce cher Thorin Ecu-de-Chêne. Moi aussi je porte le lourd héritage d'une famille brisée par ces faiblesses. Mais à la différence de votre soi-disant roi, j'ai su briser ces chaînes et prouver ma valeur à mes habitants. La cité de Grimelva est une riche et florissante cité marchande qui est partie de rien. Si j'ai pu, en partant d'une pauvre route commerciale, bâtir une cité puissante, imaginez ce que je pourrais faire avec Erebor et son trésor. Un trésor qui ne m'effraie pas, un trésor qui ne me corrompt pas, un trésor que je chérirais, un trésor que je pourrais même augmenter au lieu de le donner à tous les peuples humains aux abois ou le laisser prendre par n'importe quel voleur. Notre ville doit être reconstruite et notre trésor s'amenuise. Il ne fait que dépenser ce trésor parce qu'il en a peur. Moi, je n'en ai pas peur !

— Tu crois que le mérite d'un nain se compte en or ? lui dit Thorin en serrant les dents avec rage. Tu penses que j'ai gagné mon titre d'Ecu-de-Chêne comme tu as gagné le tien ? Sur un coup de chance ?

Cette remarque de la part de Thorin ne fit pas plaisir au nain.

— C'est pour ça que je suis venu. J'ai bien compris que le peuple de cette belle cité pense encore qu'il te doit un trône parce que tu aurais prouvé ta valeur en combattant Azog, deux fois. Et bien que tu te sois cloîtré comme un lâche derrière ces murs ou que ta victoire contre Azog n'a été possible que grâce à un sous-homme... Je voudrais définitivement prouver aux habitants de la montagne que mes qualités de marchand n'ont rien à envier à mes qualités de guerrier. C'est pourquoi je vous propose d'organiser, le jour avant celui de ton couronnement, un combat.

— Un combat ?

— Un duel entre toi et moi.

— Parce que tu penses que je vais mettre en jeu mon trône dans un pauvre duel ?

— Il ne sera pas question de ça. Je veux simplement prouver aux habitants de cette ville ce que tu vaux réellement comme guerrier. Je les laisserai tirer les conclusions qu'ils souhaitent… Alors qu'en dis-tu, Thorin ?

Thorin faillit tomber. Son crâne allait exploser. Le public criait dans tous les sens, soit pour soutenir les dires de Thorin, soit pour l'appeler à combattre. Dáin ne disait rien et ne fit rien pour calmer cette agitation. Thorin n'entendait qu'un brouhaha infernal. Il avait tellement chaud. Il avait les mains solidement fixées sur les accoudoirs de son trône et tremblantes, le regard se perdant dans le décor. Son cœur semblait lui déchirer la cage thoracique. Sa rage ne pouvait même plus le guider. Il aurait dû partir il y a bien longtemps. Il fallait qu'il mette fin cette discussion. Il s'assit lourdement sur son trône et rassembla ses dernières forces pour lui dire.

— C'est d'accord… Tu l'auras ton duel. Nous nous battrons la veille de mon couronnement. Le peuple et les seigneurs invités en seront témoins. Mais quand je t'aurai battu, je n'aurai pas la même compassion que mon grand-père quand il vous a accueilli toi et ta famille. Tu retourneras pourrir dans ta ville !

À ces mots, Barûsar lui sourit et le remercia. Tous les nains furent tétanisés par la surprise et leur brouhaha cessa d'un coup. Thorin somma tous les nains de retourner à leurs occupations et partit.

Il se sentait mourir. Il avait déjà eu ces crises, mais celle-ci était bien plus forte que les fois d'avant. Son cœur battait encore et encore. Pourquoi son cœur le faisait-il tant souffrir ?

Il pensa à Bilbon. Il n'avait pas pu accepter qu'on s'en prenne encore à lui. Parce qu'il était un hobbit ? Après tout ce qu'il avait fait pour eux. Il pensait tellement à lui, peut-être même trop. Avait-il seulement passé un moment de ces 5 jours sans se demander s'il allait bien, s'il était bel et bien rentré chez lui ? Le cœur des nains… est-ce que cette légende est vraie ? Cette douleur si intense à son cœur, cette chaleur épouvantable, ses tremblements. Et malgré tout, il se tracassait encore pour lui.

Il entendait frapper à sa porte, mais il n'avait pas encore la force de se lever ni l'envie de répondre. Son esprit était encore trop embrouillé et confus pour pouvoir formuler quoi que ce soit. Il ne réalisait même pas encore ce qu'il venait de faire alors en parler. Mais les bruits violents sur la porte s'intensifiaient et Thorin se dirigea pour les faire cesser.

— Laissez-moi ! hurla-t-il les poings serrés contre le bois de la porte.

Des réponses bruyantes et inaudibles pour son esprit brumeux se mélangeaient aux tapages. Il fallait que ça cesse. Il ouvrit la porte. Balin et les autres nains s'y trouvaient le visage apeuré par ce qu'ils voyaient : leur ami, le visage couvert de sueur et tenant à peine debout. Thorin voulut leur sommer de s'en aller, mais il finit par s'effondrer. Il pouvait à peine comprendre ce qu'il se passait, mais il sentit qu'on le souleva et le porta jusqu'à son lit.

Il passa plusieurs heures allongé dans ce lit avec cette épouvantable fièvre qui lui mangeait l'esprit et son cœur qui s'emballait sans merci. Mais il s'en sortit encore une fois et put se lever à nouveau, comme si tout cela n'avait été qu'un cauchemar. Balin se trouvait à son chevet avec un regard aussi déçu qu'en colère :

— Pourquoi as-tu fait ça, Thorin ? Tu n'avais pas besoin d'accepter ce combat ! Tu es Thorin Ecu-de-Chêne ! Tu as prouvé mille fois ta valeur à cette ville et à ses habitants. Tu ne fais qu'entrer dans son jeu.

— Je sais… Je ne sais pas ce qui m'a pris.

— Et c'est dans cet état que tu veux te battre ? Ne crois pas que les autres et moi n'avons pas remarqué que tu t'absentes de plus en plus. Et maintenant ça… Depuis ton réveil, tu agis bizarrement. Tu avais l'air épuisé et ça semble s'empirer ! Tu as besoin de te reposer, pas de te battre. Tu ne lui dois rien ! Ni à lui ni à personne. Alors, pourquoi avoir accepté ?

— Parce qu'il n'a pas tort… murmura-t-il abattu. Je n'ai jamais pu venir à bout de mes peurs, de mes angoisses… Sans vous… sans Bilbon… Je n'aurais rien fait… Je ne mérite pas plus le titre de roi que chacun d'entre vous… Et pourtant, c'est moi qui le suis, même après avoir failli perdre cette ville et après avoir sombré… Peut-être que lui n'aurait pas sombré… Peut-être qu'il a raison… Cette ville mérite mieux…

— Tu ne sais plus ce que tu dis Thorin… Tu es malade… Tu as besoin de repos… beaucoup de repos…

— Peut-être…

Balin souffla lourdement et se leva. Il posa une main sur son épaule :

— Je te laisse y réfléchir, mon garçon…

Il sortit des quartiers en fermant la porte derrière lui. Thorin se laissa tomber sur le lit et passa ses mains sur son visage en tentant de reprendre tout ce qu'il s'était passé en si peu de temps.

Et si c'était vrai… Le poème était resté dans la poche de sa veste depuis des jours et il l'avait relu un nombre incalculable de fois. Il le connaissait par cœur, mais il ne pouvait pas s'empêcher de le sortir encore une fois d'une main tremblante. C'était sa mère qui lui avait lu ce poème la première fois et c'était elle qui parlait le plus d'amour et du cœur des nains. Son père était un nain beaucoup plus introverti qui s'amusait à penser que ses histoires de sentiments n'étaient pas dignes de sortir de la bouche de guerriers. La seule fois où il lui avait véritablement parlé de ce qu'il ressentait pour elle, ce fut le jour après la mort de sa mère. Il lui avait dit que le jour où elle est morte, une partie de lui était morte avec elle. Pourtant, alors qu'il lui tenait la main, il ne l'avait jamais vue avec un si grand et si beau sourire. Ce détail avait toujours frappé Thorin. Imaginer sa mère sourire à l'homme de sa vie alors qu'elle savait sa mort imminente. Et pourtant, il se souvenait lui aussi de ce moment où il pensait qu'il allait mourir, ce moment où il l'avait à ses côtés, pleurant. Et la pensée fut de s'excuser et de lui attraper la main. Lui aussi à ce moment-là, sans même s'en rendre compte, il s'était mis à sourire. Il s'en souvenait maintenant. Comme si même sa propre mort n'avait eu aucune importance, tant qu'il avait été près de lui et qu'il sentait dans son regard noyé de larmes à quel point il comptait pour lui.

Thorin ouvrit la porte de sa chambre et se retrouva devant tous les nains de la compagnie, qui s'arrêtèrent de chuchoter quand ils le virent sortir. Ils se levèrent et attendaient sa réponse.

— Vous avez raison… Je crois que j'ai besoin de repos et de réfléchir… de prendre un peu de recul.

— Oui… C'est pour ton bien, dit Ori rassuré.

— J'ai besoin de partir d'ici pendant quelques jours.

— Partir où ? demanda Bifur.

Thorin prit quelques secondes pour répondre, comme s'il espérait qu'ils ne devineraient pas qu'il avait la réponse à cette question en tête depuis des jours.

— Je partirai demain dans la Comté.

Les nains de la compagnie furent abasourdis suite à cette annonce.

— Avant de partir, Bilbon nous a invités chez lui et je pense que la quiétude et la paix de sa petite bourgade ne pourront pas me faire de mal. Bilbon est un ami dont les conseils me seraient précieux. Je crois qu'il a toujours été… le plus sage d'entre nous.

Les nains de la compagnie eurent un petit sourire à la suite de cette remarque. Mais il était étonné que leur guerrier de roi choisisse un endroit qu'il avait tant dénigré à son arrivée.

— Je dirai à Dáin que j'ai des affaires à régler hors d'Erebor et le laisserai poursuivre mes directives. Je ne voudrais pas que lui ou les autres nains sachent que je me rends dans la Comté. Est-ce que je peux compter sur vous ?

Ils acquiescèrent tous presque en même temps comme si la question n'avait même pas à se poser. Thorin reconnaissait bien ses compagnons et amis. Il voyait bien qu'ils ne comprenaient pas vraiment ce choix, mais, en réalité, lui non plus. C'était pour ça qu'il partait, pour comprendre.

Dwalin et Balin proposèrent de l'accompagner jusque là. Il préféra refuser. Le chemin n'était pas très long ni dangereux depuis que les plaines de la terre du milieu avaient été débarrassées des orcs et depuis qu'ils étaient en paix avec les elfes. Il ne restait que quelques jours chez Bilbon. Mais pour rassurer ses compagnons, il accepta qu'ils viennent le chercher dès que son séjour aurait pris fin pour accomplir le voyage inverse et revenir à temps pour le combat. Lui aussi, ça le rassurait parce qu'il ne savait pas encore si un tel voyage de retour serait possible…

Cette maladie quelle qu'elle fût était en train de le tuer à petit feu. Son cœur ne tiendrait peut-être même pas jusqu'à ce fameux combat qu'il avait eu le malheur de promettre à son peuple. Alors, si cette légende était vraie et s'il l'aimait vraiment, il n'y avait qu'une seule chose qu'il pouvait faire : trouver des réponses, quelles qu'elles soient. Il ne savait pas s'il l'aimait mais il voulait le voir. Si Bilbon ne pouvait lui donner ce dont il avait besoin pour guérir, alors il mourrait à ses côtés et, ça, c'était la seule manière dont il voulait mourir.