Premier O.S

Le sanatorium

Quelle idée d'entrer dans ce bâtiment en ruine, désinfecté et dans un endroit isolé de la ville la plus proche. Il n'y a que la nature qui entoure le lieu. Les meubles ont quasiment tous disparu des bâtiments. Seul le vent s'engouffre dans les ouvertures et s'engouffre dans les moindres recoins. Cela suffit à faire fuir les plus curieux. Mais les plus téméraires ne se laissent pas abattre aussi facilement. Ils veulent en savoir plus.

On dit que la curiosité est un vilain défaut. Le bâtiment est immense. Seule la lumière se diffuse dans les pièces qui longent le couloir très long qui se présente. Un escalier doit mener au premier étage. Il faut prendre le temps de s'imprégner des lieux avant d'explorer la nuit. La fin d'après-midi s'écoule rapidement. Contempler le lieu, imaginer de la vie est étrange au premier abord. Le lieu est vide et isolé.

Les sanatoriums étaient des établissements de santé qui recevaient des patients de tous les âges touchés par la tuberculose. Le lieu est isolé pour permettre aux patients de suivre une cure d'air et de soleil.

Seul le bruit du vent est audible si on ne compte pas le bruit des pas. L'atmosphère est très particulière. Ce n'est pas juste un bâtiment destiné à la santé dans les années 1900, c'est un lieu qui a abrité des patients malades. Au fur et à mesure de la maladie, il y a eu des larmes, de la souffrance. Quant à la Mort, elle a règne en maitre quand les patients n'étaient plus en capacité de vivre plus longtemps. Il faut quand même rappeler le taux très élevé de contagion de la tuberculose. Par simple respiration, la tuberculose s'est répandue aussi vite que possible. On a pensé à l'époque qu'un environnement plus sain, loin des ville était un remède. Un remède non efficace et utopique pour les pauvres patients. Sans soute fallait-il mieux mourir ici que seul. Au moins, ici il y a eu une surveillance. Minime mais une surveillance quand même.

Être ici est une expérience à vivre. Ce lieu froid à cause du vent qui circule dans tous les bâtiments, l'absence de meubles, des documents éparpillés au sol comme si une tornade avait fait envoler les feuilles de papier dans la pièce, des éléments qui laissent imaginer l'avant de ce sanatorium. Des souvenirs gravés entre ces murs qui ne pourront jamais s'échapper. Des âmes y sont sûrement encore coincées. Personne ne le sait.

L'atmosphère froide du lieu me donne des frissons. Le lieu n'est pas le plus rassurant. Non que je ne m'y sente mal mais l'atmosphère change dès que je me dirige vers le couloir très long qui mène à l'escalier. Quelle idée de se retrouver seul dans un tel lieu. J'ai eu envie de réaliser une expérience seul. Je mets en route un enregistreur pour pouvoir enregistrer des sons inaudibles à l'oreille humaine, on appelle ça « les phénomènes de voix électroniques ». Cet appareil va enregistrer ces phénomènes et me permettre d'en apprendre plus sur l'entité qui viendra parler avec moi. Mon téléphone portable est éteint afin de ne pas perturber les ondes émises par mon enregistreur. Aucune onde ou bruit susceptible d'erroner l'expérience ne doit gêner l'entité ou les entités qui sont encore entre les murs du sanatorium. Je ne connais pas leur attention envers moi non plus.

Pour aujourd'hui, je sais que l'expérience va durer une partie de la nuit, des lampes à plasma me permettront de pallier à un manque d'énergie important. Il est logique de ressentir quelque chose quand on pratique ce type d'expérience paranormale. Je suis quand même dans un lieu inhabité depuis des années par les humains.

Il faut que je récolte le maximum de données sur cette expérience de ce soir. Je souhaite bien entendu que les esprits se manifestent le plus rapidement possible. Les chasseurs de fantômes agissent seuls mais j'aime tout autant travailler en équipe. Cette fois-ci, Ben ne m'accompagne pas. J'ai envie de travailler seul et dans un sanatorium, je ne risque pas grand chose. En général, les âmes dites « perdues » ne restent pas mais bien entendu, cela dépend de la réputation de l'établissement. On sait que certains ont une réputation plus horrible que d'autres mais on peut être surpris. L'esprit qui accepte de répondre à une question peut ne pas se sentir à l'aise et se montrer ferme en se manifestant d'une quelconque manière. Une fois, un esprit a essayé de me frapper. Ma question n'a pas été appréciée ce jour-là. Ben a eu la merveilleuse idée de lui répondre. L'esprit n'a pas aimé et nous a dirigé vers la sortie.

Après quelques jours de recul, Ben en a beaucoup rit auprès des autres chasseurs.

Mais ce soir, ce n'est pas Ben et Jack, Jack agit en solo ce soir.

Je monte les escaliers sans ressentir une présence supplémentaire au-dessus de ma tête.
Être seul dans un lieu isolé n'est sans doute pas la meilleure idée du siècle mais en tant que chasseur de fantômes, c'est mon métier. Ben est au courant de mon excursion nocturne. Si j'ai un problème, un coup de fil et quelques minutes plus tard, il sera là. De toute manière, je n'ai pas que mes caméras et micros, des armes blanches sont prêtes à l'emploi dans mon sac à dos.

Ma tablette n'indique pas de présence. Ma caméra SLS est branchée depuis le début. À croire que je vais passer toute la nuit sans rien trouver dans ce sanatorium. Il y a forcément un esprit qui rôde dans les parages. J'ai entendu dire que nombre d'enfants ont perdu la vie ici. J'imagine qu'il y en a bien un qui erre encore entre les murs de ce sanatorium.

Ça y est, un son a été perçu par mon enregistreur. D'habitude, un esprit attend que quelqu'un se présente à lui. Rare sont les fois où c'est le contraire. Juste une phrase prononcée. Ce n'est pas une voix d'adulte mais une voix d'enfant.

« Une chanson douce ».

« Je m'appelle Jack » dis-je dans un premier temps. « Je viens avec des appareils technologiques pour communiquer avec vous. Il n'y a que moi ».

J'arrive au premier étage où les chambres des patients, en l'occurence les enfants ont dormi. Les chambres sont vides à première vue. Je parcours rapidement les deux premières et rien à signaler. Je vais essayer d'entrer dans l'une d'elle un peu plus tard dans la soirée. Depuis mon premier échange, non concluant puisque l'esprit n'a pas pris le temps de se présenter ni moi. Il a juste prononcé cette phrase « Une chanson douce ». Cela m'a un peu surpris. On ne s'habitue pas aux prises de paroles d'un esprit. Je sais que ce n'est pas la première fois mais c'est rare. La première fois m'a coûté des bleus sur le corps, des points de suture au bras gauche. La douleur me tire un peu de temps en temps. Par exemple, je viens d'y penser et la douleur commence à me signifier sa présence. Ce n'est pas le moment de me laisser distraire par autre chose. Ce fantôme enfant ne va pas s'en aller sans avoir manifester son attention sur ma caméra. Je longe le couloir en ouvrant des portes fermées, rien à l'intérieur. Ce sont les premières pièces que je vois ici complètement vides. Rien, pas même un meuble et cela me surprend un peu. Ce n'est pas le sujet de ce soir. Je balaye ma lampe de poche partout. Des traces de rouille se profilent sur les coins des portes.

Le bâtiment est inoccupé mais la détérioration est bien avancée. Je ne relève pas tous les détails étant dans le noir. La nuit est tombée depuis une heure. Les bruits de mes pas sont les seuls que j'entends. Je ne suis pas tranquille dans ce sanatorium.

Je pense à la phrase de la petite fille « Une chanson douce ». Que veut dire cette phrase ? Je n'ai pas envie de jouer aux devinettes ce soir ni de réfléchir. Des moments aussi étranges, je n'en ai pas vécu beaucoup. J'ai bien envie de contacter Ben pour lui demander conseil. Mon téléphone est éteint, c'est indispensable pour ne pas que les ondes électromagnétiques puissent interagir avec celles des esprits. L'esprit en question de ce soir semble seul.

« Je ne connais pas ton prénom mais si tu es là, manifeste toi en donnant un coup pour « Oui » sur le mur à côté de toi ».

Premier vrai contact de ma part. Demander une manifestation de sa part est important dans ce type d'expérience paranormale. Je suis quand même sur le territoire de l'esprit. C'est à moi de m'adapter et non à lui ou elle je ne sais pas. J'ai l'impression que ce couloir ne mène à rien. La lumière de la lampe de poche se reflète sur un miroir. Je crois apercevoir une silhouette dans celui-ci mais ce n'est qu'une impression, il n'y a que moi physiquement parlant. À cet instant, Ben m'aurait dit de lui parler à nouveau. Établir un autre contact semble une bonne idée. De toute façon, je ne vais pas visiter ce sanatorium tout seul.

« Pauline » murmure la voix d'enfant.

Ma caméra détecte une faible présence à l'image. On dirait un voile. D'ailleurs, la température descend encore. Quand je suis entré, la température était de dix sept degrés depuis l'apparition fantomatique de Pauline. Elle accepte de se montrer alors un lien de confiance peut se tisser. Je reste prudent sur ses attentions. Impossible de dire si ses attentions sont bonnes. Je ne connais pas son âge. D'après mes recherches, les plus jeunes patients avaient quinze ans ici. Je peux supposer que Pauline puisse être âgée de quinze ans. Je ne sais pas non plus si elle est seule. Il est possible de douter, elle peut être accompagnée sans que la seconde entité se manifeste.

« Pauline, es-tu coincée ici ? ».

Une autre question pour tenter de créer un lien.

Un courant d'air.

Rien.

Pauline ne souhaite pas discuter ce soir. J'entre sur son territoire et elle n'apprécie pas du tout mon attention.

Je décide d'entrer dans une chambre pour en apprendre plus sur cet esprit. J'installe un détecteur de mouvement en bas de la porte. Si un fantôme passe, l'alarme du détecteur va se déclencher.

« Pars » chuchote une voix supplémentaire.

Comment ma caméra n'a t-elle pas détectée une autre présence ?

« Tu es amie avec Pauline ? Vous étiez ensemble ici ? Pourquoi ? » demandais-je.

« Pars » répète t-elle plus sèchement.

La porte claque. Je me demande comment elle a pu m'enfermer d'un simple courant d'air. Je n'espère pas être enfermé. Pour sortir, je vais devoir enfoncer la porte ou briser une fenêtre. Sortir dehors ne m'enchante pas car ce qui m'attends, c'est une chute dans le vide.

Dans la pièce, j'ai l'impression que la température descend encore. Je commence à avoir plus froid aussi. Je ne vais pas me laisser intimider par un fantôme, c'est mon métier. Étant chasseur de fantômes, j'en ai eu des expériences. Pourtant, j'appréhende celle de ce soir. Je n'ai quasiment rien fait ce soir. Si je récapitule un peu, le détecteur de mouvement est mis en place et prêt à être déclenché. Ma caméra a détecté un voile qui serait celui du fantôme de Pauline qui a bien voulu me donner son identité. Autant dire que je ne suis pas avancé et que ma chasse de ce soir ne risque pas de m'aider dans mon enquête.

La température descend encore et de la buée se dessine sur les vitres à cause de ma respiration mais une seule personne ne peut en émettre autant. Cela signifie que je ne suis pas seul enfermé dans cette pièce.

Le mot qui s'écrit sur la vitre pleine de buée « pars » m'indique et me confirme que je ne suis pas seul dans la pièce et pour n'avoir parlé qu'à une personne ici, Pauline est là.

Me voilà donc coincé avec un fantôme dans la même pièce que moi. Autant dire que je ne m'y suis pas attendu ce soir. Je suis quand même un chasseur expérimenté et il semble que les esprits jouent encore des tours que je ne connais pas. Un débutant. Je me suis fais avoir comme un débutant. Pathétique. J'ai vraiment froid maintenant. Je me mets à penser que ce fantôme veut me faire partir d'ici d'une quelconque façon. D'un côté, je suis sur son territoire. Ce sanatorium abrite beaucoup d'âmes. Sans doute sont-elles en errance et elles sont simplement surprises de croiser des humains sur un territoire inoccupé depuis longtemps. Je peux concevoir sa réticence.

Je doute qu'un chasseur de fantôme tel que moi soit un obstacle à quoique ce soit. Mais je ne vais pas contredire Pauline au risque de rester plus d'une nuit entre les murs de cet établissement de santé.

Le détecteur n'a pas été déclenché, ce qui signifie que Pauline n'est pas passée devant, elle a attendu que je vienne. Un piège. Elle est douée. Son message s'efface de la vitre car la buée s'accentue dans la pièce. Si je ne veux pas me retrouver dans un hammam par inadvertance, il faut que je sorte d'ici assez vite. Ce fantôme est malin. Il ne veut pas de ma présence au sein du sanatorium.

« Une chanson douce » entendis-je de nouveau.

C'est la deuxième fois que je l'entends et je ne sais pas comment l'interpréter. Je ne comprends toujours pas et je commence à ne pas me sentir bien ici. Pauline y veille et c'est son objectif. Elle veut que je parte du sanatorium mais je veux déchiffrer les secrets avant.

« Tu peux m'expliquer ? » demandais-je vexé.

Ma tablette indique un faible mouvement depuis la porte. Un voile se dessine sur l'écran. En réalité, Pauline est en face de moi. Elle ne bouge pas beaucoup. Sa respiration s'accélère. Je ressens alors une sensation d'oppression sur le bras et je ne suis pas sûr que ce soit rassurant. La douleur me tire vraiment puis elle s'intensifie. La force du fantôme me surprend. Si elle continue, mes os vont se briser. Je n'ai pas prévu de terminer à l'hôpital après cette chasse aux fantômes. Je grimace de douleur une nouvelle fois quand Pauline appuie une nouvelle fois sur la blessure qu'elle vient de m'infliger. Je ne sais pas si elle cherche à me faire du mal volontairement pour que je meurs ici ou que je sorte du sanatorium écorché de partout, blessé en mon intérieur aussi. Pauline a dû m'infliger un gros bleu sur le bras. Hors de question que ce fantôme continue de me martyriser. Mon estomac se serre, j'ai envie de renvoyer mon dernier repas.

Je relève la tête et un point rouge attire mon attention. Je me mets à penser que c'est une lumière d'un de mes équipements qui est allumé mais non. Je pousse de mon bras quelque chose d'invisible à mes yeux. Quelques secondes plus tard, je comprends que le point rouge en question est la lumière émise par le détecteur de mouvement installé quelques minutes auparavant. Elle est plus dangereuse que je ne le pensais. Pauline tient le détecteur cassé dans sa main. Elle l'a détruit. Volontairement. Cela ne m'indique rien de bon pour le reste de la nuit.

Je serre les dents et quitte la pièce. L'air frais du couloir me fait vraiment du bien.

« Une chanson douce » entendis-je à nouveau chanter près de mon oreille.

Pauline vient de me toucher une nouvelle fois sans que je ne sente une sensation quelconque. Pas même un souffle d'air sur ma peau. Le murmure de Pauline à mon oreille disparait aussi vite qu'il est apparu.

Je cours jusqu'aux escaliers que je descends rapidement. J'ai besoin d'air et je vais aller explorer une autre partie de l'immense bâtiment qu'est le sanatorium. Arrivé en bas des escaliers, je ne réalise pas que je suis suivie par une entité qui ne me veux pas du bien. Ce n'est pas la première fois qu'une expérience paranormale ne se déroule pas comme je veux. Je crois que celle-ci sera un mauvais souvenir. Cela me fait un peu mal de le dire mais être seul à faire ce type d'expérience paranormale nocturne est une mauvaise idée. Je vais m'éloigner de ma position actuelle pour continuer l'expérience dans une autre aile.

Mon bras me fait mal. Pauline y est allée fort, je n'ai pas senti de contact, comme si rien n'avait touché ma peau. Je n'ai pas eu la sensation d'avoir été touché par une autre peau, de sentir quelque chose tout simplement. C'est très étrange. Je me sens manipulé par un fantôme jeune. Les fantômes ont une force différente et cela a laissé des traces sur mon bras. Ses empreintes restent sur ma peau. L'image me glace le sang. C'est quelque chose que je ne pensais pas vivre ce soir. J'ai toujours froid et j'ai besoin d'air avant de continuer. Ma veste tombe un peu sur mes épaules, je la remets correctement tout en reprenant mon souffle. Si je veux sortir de ce sanatorium, il va falloir être rapide. Si Pauline a détruit un premier détecteur de mouvement, elle va s'en prendre à d'autres appareils.

J'arrive à l'aile Est du sanatorium. Ici, j'ai l'impression que l'humidité est plus présente dans cette aile. Je me demande si Pauline va me suivre. Je continue de marcher sans me préoccuper que deux possibles entités ne planent pas au-dessus de ma tête en riant. Si Pauline a bien voulu me donner son identité, l'autre fantôme à ses côtés est réticent. En principe, ce n'est pas bon signe car ils ne veulent pas coopérer et je n'en espère pas tant venant de créatures paranormales. Elles veulent être tranquilles. Mon enquête risque de tomber à l'eau et Ben sera déçu. J'avance dans la pénombre, toujours avec ma lampe de poche à la main qui éclaire un long couloir.

« Pars » annonce une voix ferme.

Pauline.

Je suis désormais seul dans cette aile Est. Mes appareils ne détectent pas de présence.

L'humidité fait effet de condensation sur certaines vitres. Plus je m'avance dans la pénombre plus je me dis que c'est une mauvaise idée. Pauline doit forcément être en train de rire au-dessus de ma tête. Je continue d'avancer, des frissons me parcours le corps, à cause du froid et de la peur m'envahit peu à peu. Cette expérience est spéciale. Je ne pensais pas être pris à partie par un fantôme de cette façon. Si je résume les choses: Pauline doit être coincée entre les murs de ce sanatorium depuis longtemps et elle n'est pas seule. Elle a détruit un détecteur de mouvement. Elle est déterminée à me faire comprendre de ne plus revenir ici. Je ne peux pas lui en vouloir car à sa place, les rares visiteurs ne seraient pas les bienvenus.

Des formes m'intriguent et la lumière de ma lampe de poche commence à faiblir. La pile faiblit et je n'ai pas le temps de la changer. Un animal volant arrive dans l'aile et seule le bruit de ses ailes résonne. Autant dire que ce n'est pas le plus rassurant. Mes frissons doublent d'intensité en cet instant où je me demande pourquoi je suis là. Ma mission n'est pas terminée.

L'animal est une chauve souris. J'entends encore le bruit de ses ailes quelques secondes avant que le silence revienne. Pas le silence total puisque ma respiration s'accélère, que mes frissons me font claquer des dents par moment. Les battements d'ailes cessent d'un coup. J'arrive au bout du couloir, il y a deux pièces, l'une n'a qu'une fenêtre et l'autre est un puits de lumière. La lune éclaire la pièce grâce à ce puits. La pièce est vide. J'ai l'impression que ce sanatorium n'est pas dans le même état selon les bâtiments.

Je remarque des traces d'humidité au sol, comme si on avait marché dans de l'eau. Je regarde mes chaussures, elles sont sèches donc j'imagine qu'il a plu ici. Cette partie du sanatorium va tomber en ruine dans quelques temps. Ce qui attire aussi mon attention sont les gouttes qui tombent sur le sol. Ploc. Ploc. Ploc. Comme s'il y avait une fuite d'eau alors que la pièce dans laquelle je me trouve ne comporte pas de sanitaires. Il y a peut-être une fuite d'eau au plafond à cause de la condensation, du poids de l'eau de pluie dans une gouttière ou sur le toit du sanatorium. Mais ce n'est pas de l'eau qui coule du toit, je remarque des ailes noires collées au mur. La chauve-souris qui a volé au-dessus de ma tête tout à l'heure est collée au mur. Le mot étalé est plus approprié puisque son liquide vital rouge a été utilisé pour écrire un mot. Pas n'importe lequel car je l'ai déjà entendu au creux de l'oreille.

« Pars ».

Pauline a écrit « Pars » en lettres de sang sur le mur.

Le résultat me glace le sang.

Jamais un esprit n'a fait ce type d'actes lors de mes précédentes chasses. Je suis expérimenté. J'ai pourtant l'impression de ne plus l'être. Je me sens pathétique et pris au piège, un peu comme cette pauvre chauve-souris sacrifiée sur le mur. Pauline est allée un cran plus loin. Je ne sais pas ce qu'elle veut exactement.

Je laisse ma caméra SLS tourner et je regarderais les images de cette chasse aux fantômes plus tard. Elle capture des éléments qui doivent constituer une forme qui va devenir une sorte de squelette. Je n'ai vu qu'une forme sous l'aspect d'un voile de Pauline.

Ma caméra infrarouge à vision nocturne a eu des plans de Pauline dans la pièce. J'espère pouvoir avoir quand même des éléments de réponse. Je ne sais pas si les images et le son seront de bonne qualité.

Je m'approche du mur rouge, les lettres dégoulinent encore le long de la surface blanche. Quelque chose ne va pas. Et ce n'est pas le sacrifice de cette pauvre chauve-souris. Jamais un esprit ne réalise ce type d'acte ainsi. Je pense que Pauline ne s'adresse pas à moi directement. Je n'ai pas le temps de songer à autre chose, ma douleur au bras me fait grimacer. Pauline a appuyé là où ça fait mal. Quelle idée d'être entré dans un bâtiment pareil.

Ma caméra enregistre l'image du mur rouge. Les lettres ne sont pas droites. Un détail. Je souffre au bras, j'ai froid, l'ironie du sort est de songer à la droiture des lettres.

Je ne sais plus quoi penser. Cette expérience n'est pas productive. Elle me dit de partir. Je persiste à rester au sanatorium. Elle n'est pas contente. Je ne vais pas rester sur un échec quand même. Pauline veut me faire partir. Je suis blessé et ça l'arrange bien.

D'après l'heure indiqué sur l'écran de la caméra, il est quatre heure du matin. Il semble que je suis resté toute la nuit au sein du sanatorium. Si je suis marqué physiquement, je suis sûr que ma caméra a capturé ce moment. Avec un peu de chance, j'aurais une image nette ou du moins correcte de Pauline.

Je m'accorde un moment pour reprendre le cours de mes pensées. Cette chasse au fantôme de ce soir n'est pas logique, rien ne parait logique.

« Une chanson douce » entendis-je de nouveau chanté près de mon oreille.

Je n'arrive pas à croire qu'un fantôme me chante cette même phrase puis le début de la chasse. Avec toutes ces péripéties, je n'ai pas analysé cette phrase.

Une chanson douce.

À première vue, je songe à une comptine pour enfant. Pauline est jeune. Logique mais cela ne répond pas à mes interrogations.

« Ça veut dire quoi une chanson douce ? » demandais-je dépité.

La chasse a duré toute la nuit. Je serre les dents suite à la blessure de Pauline, j'ai froid et je ne suis pas accompagné de Ben ce soir. Mon téléphone est éteint. Je ne peux contacter personne sans mettre fin à la chasse et quitter les lieux. Ma fierté est touchée.

C'est ce que Pauline souhaite depuis le début.

C'est ce que Pauline souhaite depuis le début.

À croire que son souhait est de me torturer. Elle réussi bien son pari. Je me fais manipuler tel une marionnette, si elle tire les ficelles je ne vais pas sortir du sanatorium intacte. Elle m'a infligé des bleus énormes au bras. Je reprends ma respiration, consulte ma tablette. Il y a un voile dans un coin de la pièce. Ce voile n'est pas dans mon champ de vision ni sur mon passage. J'ai donc l'occasion de sortir de la pièce. Soit elle me laisse une chance ou elle attend pour agir. Je me pose beaucoup trop de questions pour que Pauline écrive « Pars » en lettres rouge sur un mur. Elle a osé me le chuchoter à l'oreille. Sur le moment je n'ai pas réagi car sa démarche ma surpris. Je n'ai pas répondu. Mon souffle s'est coupé quelques secondes. Elle s'est approchée et ce détail est à souligner.

Avant même que je ne puisse réaliser, je sens ma tête qui tourne. C'est décidé, je quitte cette pièce complètement glauque. M'enfuir est la meilleure solution. Ma tête tourne, si je reste plus longtemps je ne vais jamais sortir. Je ne prends pas la peine de regarder derrière moi et cours vers la sortie. Descendre les escaliers ne m'a jamais pris aussi peu de temps. L'air frais circule dans les pièces, des chauves - souris volent au-dessus de ma tête. Plus rien ne va quand je vois une sorte de fumée arriver de la pièce d'où je suis sortie. Je n'ai pas eu le temps d'arriver au rez-de-chaussée. Il me reste un couloir à traverser pour sortie de ce cauchemar. Ma chasse aux fantômes a été lamentable et je suis déçu de le reconnaître.

D'habitude, j'obtiens les informations que je veux. Ce soir je me suis laisser prendre au piège comme une pièce dans une partie de jeu d'échec. Lamentable. Je sais que les quelques images enregistrées ce soir ne donneront pas beaucoup d'éléments. Ce fantôme est déterminé à m'éliminer et si ce n'est pas par la peur ce sera par la force. Bien entendu, nombreuses sont les péripéties les plus improbables qui se sont passées à travers le monde qui circulent dans notre métier. Toutes plus effrayantes les unes que les autres, sans doute pour faire monter l'adrénaline pendant les chasses ou faire planer une sorte de challenge à atteindre. Ce n'est pas le bon moment d'y songer mais je peux classer la chasse de ce soir dans la liste des plus improbables que j'ai vécu dans ma vie.

La fumée blanche s'échappe de la pièce. Elle s'étend de plus en plus au sein de la pièce que je fuis et elle se dirige vers le couloir. Je vois la suite venir. Ce qui me surprends, c'est les crépitements que mes oreilles perçoivent.

Pauline sait jouer avec l'électricité.

Courir est la meilleure solution. Mes jambes doivent me porter jusqu'à la sortie du sanatorium. La fumée blanche me poursuit encore. Mon souffle devient difficile et à part courir le plus vite possible je n'ai pas d'autre option. Il faut que n'atteigne le bout de ce fichu couloir. Plus j'avance plus j'ai l'impression que le couloir s'allonge. Alors je cours quand même. Il ne me reste que ça à faire. Lorsque je parviens au bout du couloir je peux enfin imaginer une sortie, un moyen de m'échapper. Ma respiration est encore coupée quand je vois de la fumée blanche derrière moi. Elle s'éparpille dans l'air. Cela forme un brouillard épais. J'ai beau regarder autour de moi, il n'y a pas de présence supplémentaire.

Ma vision devient floue. Mes yeux s'ouvrent et se ferment. Je ne vois personne autour de moi. Ma tête me fait vraiment mal. Un souffle me parvient sans que je ne puisse identifier la source, je tombe sur le sol. Je commence à fermer les yeux. Mes muscles s'endolorissent. Ce n'est pas ainsi que je voulais terminer l'expérience. J'ai encore de quoi apprendre au sujet des esprits malgré mon expérience. En réalité, j'ai sous estimé ce sanatorium quand j'ai décidé d'y mener mon enquête. Je me sens trahie. Ridicule. Non que je regrette, ma naïveté a fait que je n'ai pas mesuré les attentions de l'esprit qui n'a fait que me jouer des tours ce soir. Me voilà au sol, pris au piège tel un débutant. Je porte ma main à ma tête car je sens que de l'eau y coule. Un mouvement près de moi attire mon attention et secrètement je souhaite que ce soit Ben. Sans nouvelles de ma part depuis des heures, il a dû se poser des questions. Mais ce n'est qu'une supposition personnelle. Personne ne viendra me chercher. Je vais mourir ici, pris au piège par un esprit malin dans un sanatorium isolé. Avec un peu de chance, un article paraitra dans le journal quand mon corps aura été découvert. Triste fin. Mes amis chasseurs vont me manquer. En tout cas, je peux dire que quand on meurt, on sombre dans un état second. Je ne sens rien du tout. Mes yeux se ferment doucement mais avant qu'ils ne soient clos, une phrase sera la dernière que je vais entendre avant une phase de sommeil à durée indéterminée.

« Une chanson douce que me chantait ma maman ».

C'est sur ces dernière paroles que je m'endors. Ce silence n'est pas si mal finalement. Au moins, plus rien de grave ne peut m'arriver. Pauline peut planer au-dessus de mon corps inerte mais pas mort pour autant sans que je ne puisse réagir. Si Ben me trouve, hé bien tant mieux mais je ne veux pas rester ici pour le restant de mes jours et devenir un fantôme aux côtés de Pauline. Je ne veux pas devenir aussi cruel et hanter le lieu. Mourir ici est donc ma destiné après cette expérience. Je n'ai pas appris grand chose, je me suis retrouvé dans un piège sans avoir eu la possibilité de me retrouver dehors et d'être en vie.


Hey !

Merci d'avoir lu ce premier O.S d'horreur jusqu'au bout ! C'est le premier d'une série je pense. J'ai aimé le concept. Cet O.S me sort complètement de ma zone de confort puisque ce n'est pas un O.S issu de mes fanfictions en cours d'écriture mais issu de mon imagination. Pour être honnête, j'ai envie d'écrire une histoire d'horreur (oui, vous avez bien lu) et ce challenge va me sortir de ma zone de confort. Je crois en avoir besoin. Beaucoup penseront que ce n'est pas original car il y en a pleins et je suis d'accord. Mais je n'en ai jamais écrit, je crois que je peux tenter d'essayer et en attendant je poste des O.S dont voici le premier ici

Qu'en avez-vous pensé ?