Bonjour,

Voici ma première participation à l'Event d'été du Forum Francophone MHA, pour le défi n°1 : "Ecrivez un cross-over entre My Hero Academia et un fandom de votre choix".

J'ai choisi comme deuxième fandom Kurosagi, Livraison de cadavres. Puisque ce n'est pas un fandom très connu (il n'a même pas de catégorie à lui sur ffnet, pour vous donner un ordre d'idée), voici un petit résumé : Kuro Karatsu a le pouvoir de communiquer avec les cadavres qu'il touche. Avec ses amis de la fac bouddhiste, qui possèdent eux aussi pouvoirs et capacités hors du commun, de monter l'entreprise Kurosagi qui exauce les dernières volontés des cadavres en échange d'une petite compensation financière (même s'ils finissent par faire du bénévolat les trois quarts du temps).

Bonne lecture !


Ce n'était pas un rencard. Ils se retrouvaient simplement pour réviser, en tout bien tout honneur, parce que Tête d'Orties n'était pas fichu de s'en sortir tout seul. Si Bakugou le laissait dans la panade, il serait capable de se planter aux examens et alors, quoi ? Il redoublerait ? Pour le laisser tout seul en troisième année avec cette bande de crétins qui lui servaient de potes ? Pas question.

Les clients leur jetaient de temps en temps des regards agacés, qui n'avaient rien à voir avec le fait que Bakugou poussait des cris de bête enragée à chaque fois que son ami se trompait et tout avec le fait qu'ils n'étaient qu'une bande d'imbéciles qui ne savaient pas se mêler de ce qui les regardait. De toute manière, il était grand temps de partir, décida Bakugou qui voyait l'heure tourner. Ils avaient beau être en week-end, s'ils rataient le couvre-feu de Yuei, ils seraient bons pour rentrer dormir chez la vieille et c'était hors de question. Depuis la dernière fois, quand il lui avait présenté Kirishima, sa mère s'était mise en tête que son fils craquait pour cet ahuri à cheveux rouges et il s'en était fallu de peu avant qu'elle les traîne tous les deux dans la mairie la plus proche pour les marier de force. Ils s'en étaient sortis de justesse et n'avaient jamais mentionné l'incident depuis.

En dehors du café, la nuit était tombée depuis un moment mais il faisait encore chaud, une chaleur lourde qui annonçait des orages à venir. Le bus qui les amènerait directement devant les portes de Yuei passait dans dix minutes à peine, mais Kirishima insista pour qu'ils marchent jusqu'à la gare de Sateyama, à une bonne demi-heure de là, prétextant un impérieux besoin de se dégourdir les jambes après ce long après-midi à étudier sans bouger. Bakugou finit par se ranger à ses arguments ; lui aussi se sentait tout mou à force de rester immobile. Et force fut de constater, après avoir un peu avancé, que ce n'était pas si désagréable de se retrouver seul avec Kirishima. D'habitude, Mina, Sero et Kaminari s'arrangeaient toujours pour lui taper sur le système mais Kirishima seul, c'était différent.

— Attends, Katsuki !

Il arrêta net alors qu'ils traversaient un petit pont, en dessous duquel coulait un mince filet d'eau prisonnier d'une gadoue épaisse. Même s'il lui avait donné l'autorisation de l'appeler ainsi, Kirishima s'en était toujours tenu jusque-là à son nom de famille ou à un « mec » qu'il voulait décontracté, mais dans lequel Bakugou percevait toujours une étrange gêne. Toujours était-il qu'il ne repartait pas et, qu'à cette allure-là, ils finiraient par louper leur train.

— Euuh, hmm, voilà, le moment est sans doute mal choisi mais…

Il se tortillait les mains, nerveux, devant un Bakugou de plus en plus impatient de se remettre en route. Qu'est-ce qui pouvait bien être si important pour qu'il ne puisse pas le lui dire en marchant ?

— J'ai passé une super journée avec toi et je voulais te dire, enfin, j'avais envie de…

Il s'interrompit, chercha ses mots, en bafouilla quelques-uns que Bakugou ne comprit pas. Au moment où il éleva la voix de nouveau, un cri la couvrit, émanant de la rivière en dessous de leurs pieds. Bakugou tourna la tête à droite, puis à gauche, se demandant s'il ne venait tout simplement pas de rêver.

— Fais attention où tu marches, merde ! dit une voix d'homme, dont l'écho se réverbérait dans la tôle qui recouvrait le dessous du pont. Je suis couvert de boue, maintenant !

Bakugou se pencha au-dessus de la rambarde. Non, il ne s'y trompait pas, des gens se trouvaient là-dessous. Et son instinct lui disait qu'ils n'y faisaient pas des choses très honnêtes.

— Chut ! intima une autre voix. Mon pendule s'agite, le cadavre doit être tout près.

Sitôt qu'il eut entendu le mot « cadavre », Bakugou sauta du rebord, suivi de près par Kirishima. L'eau fraîche, qui lui arrivait un peu plus bas que la cheville, s'infiltra tout de suite dans ses chaussures et imbiba ses chaussettes, lui arrachant une grimace de dégoût. Deux silhouettes se découpaient dans la pénombre du tunnel.

— Eh, vous ! cria Bakugou. Qu'est-ce que vous foutez là ?!

En civil, il en imposait moins que dans son costume de héros, mais les deux types parurent tout de même intimidés par sa présence. Ils levèrent les mains pour montrer qu'ils n'étaient pas armés et avancèrent lentement vers les deux lycéens. A la lumière des lampadaires, ils purent enfin distinguer leurs visages. L'un était un colosse barbu aux longs cheveux noirs et lunettes de soleil, qui portait à un doigt une bague à laquelle pendait une croix. L'autre, chauve, était aussi plus petit et mince, mais il s'en dégageait une force qui fit reculer Bakugou d'un pas. Ils portaient tous les deux la même veste ornée d'un héron noir.

— C'est bon, les enfants, on ne fait rien de mal, dit le géant, on venait juste récupérer quelque chose qu'on a fait tomber dans la rivière.

— Quelque chose comme un cadavre ? répliqua Kirishima.

Les deux inconnus se regardèrent, ne sachant plus où se mettre maintenant qu'ils étaient découverts, ce qui donna tout le temps à Kirishima et Bakugou de sortir de leur poche leur carte de héros.

— Écoutez, fit le chauve après un pourparler silencieux avec son ami, c'est moins suspect que ça en a l'air, d'accord ? On va vous expliquer tout en détail mais il faut qu'on voie le corps qui se trouve là-bas.

Bakugou réfléchit un instant. Ces deux-là étaient étranges, à n'en pas douter, mais ils n'avaient pas encore essayé de fuir et ne semblaient pas prêt à se battre non plus. Tout ce qu'ils avaient l'air de vouloir, c'était voir ce fichu cadavre sous le pont. Qu'est-ce qu'ils étaient, au juste ? Un duo de tarés accros à la mort ? En tout cas, ils n'étaient clairement que des civils, Bakugou et Kirishima auraient sans doute facilement le dessus s'ils devaient se battre. Mieux valait rentrer dans leur jeu pour le moment et aviser quand la situation serait clarifiée. Bakugou mourait d'envie de leur casser la gueule et de ne plus en parler, mais s'il se trompait sur leur compte, une bavure de ce genre les suivrait longtemps, Kirishima et lui.

— Ok, Crâne d'Oeuf, je vais aller voir avec toi, à condition que ton pote reste dehors avec le mien.

Ledit Crâne d'Oeuf, après avoir maugréé dans sa barbe sur ce choix de surnom, accepta. Armé d'une lampe torche, ils s'enfoncèrent dans le court tunnel. Un homme aux cheveux noirs y gisait sur le ventre. Des mouches tournaient autour de son corps et il s'en dégageait une odeur abominable, preuve qu'il devait être là depuis plusieurs jours déjà. Crâne d'Oeuf lança la lampe dans les mains de Bakugou, qui la rattrapa in extremis et se jeta sur le cadavre, qu'il retourna d'un simple geste, comme s'il faisait ça tous les jours. D'un geste de la main, il fit signe à Bakugou de s'approcher et celui-ci braqua le faisceau de la lampe sur le visage du mort. Il n'avait pas l'habitude de ce genre de spectacle mais s'efforça de ne pas le faire ressentir. Aussitôt, toute la nervosité qu'il avait pu percevoir chez le chauve s'envola.

— Tu permets que je dise quelque chose à mon ami ? demanda-t-il après un long soupir de soulagement.

Encore une fois, Bakugou soupçonna le coup tordu, mais hocha tout de même la tête. L'autre type avait beau être une montagne de muscles, jamais il ne ferait le poids contre Kirishima.

— Numata ! s'exclama Crâne d'Oeuf. C'est bon, c'est pas lui !

A l'extérieur, Numata poussa à son tour un grand cri de soulagement. Mais ils n'en restèrent pas là. Le chauve examina brièvement la dépouille, fronça les sourcils en voyant la longue plaie écarlate qui lui barrait la gorge et, enfin, posa la main sur son torse.

— Allez mon pote, c'est le moment de me dire si tu sais quoi que ce soit sur Asawara. Qui es-tu ?

Dans un ricanement, Bakugou s'apprêtait à rétorquer que, vu son état, le gars n'allait certainement pas dire grand-chose mais se tut quand les alentours se chargèrent d'une puissance mystérieuse, qui le mit encore plus mal à l'aise. Il s'agissait de la même énergie qu'il avait senti émaner de ce type quand il avait avancé vers lui, mais cent fois plus puissante.

— Je m'appelle Hideki Okamura. Je faisais partie de la secte Ananda. J'ai été enfermé pour avoir remis en doute le pouvoir du prophète mais j'ai réussi à m'enfuir avec un autre membre après avoir volé la machine.

— Shohei Yoshida ?

— C'est bien cela. Nous voulions examiner la machine pour prouver que tout ça n'était qu'une supercherie, mais nous n'en avons pas eu le avons réussi à nous cacher pendant quelque temps, mais les envoyés d'Asawara ont retrouvé Yoshida et m'ont pourchassé moi aussi. Ils m'ont attrapé et torturé pour que je leur révèle l'emplacement de la machine.

Crâne d'Oeuf continua à poser des questions, auquel le cadavre répondait d'une voix caverneuse, sans jamais que ses lèvres ne bougent. Bakugou, lui, observait sans bouger, partagé entre la fureur d'être ainsi ignoré et la terreur de se retrouver face à une telle aberration de la nature.

— C'est bon, j'ai appris tout ce que je voulais savoir, dit Crâne d'Oeuf en se relevant. Toi et ton ami pouvez appeler la police pour que ce pauvre gars puisse enfin reposer en paix.

— Tu crois pas qu'on va en rester en là ? C'est quoi, ce délire ?! Comment tu peux faire parler un corps, t'es quoi ? Melinda Gordon ?

Le chauve ricana, tout en époussetant le bas de sa veste. Il sortit de la poche un paquet de cigarette et en alluma une, dont le bout incandescent semblait flotter au milieu des ombres.

— Je m'appelle Kuro Karatsu. Et mon Alter, c'est Résurrection, il permet de faire parler les cadavres et de les faire bouger pendant un court moment.

— C'est dégueu.

Karatsu rit de nouveau et sortit du tunnel, Bakugou sur ses talons. Dehors, Kirishima était en pleine discussion avec le fameux Numata et se jeta sur Bakugou dès qu'il le vit.

— Il faut absolument qu'on les aide ! s'écria-t-il en l'empoignant par le col.

Manquait plus que ça. Bakugou n'était déjà pas aux anges à l'idée de fermer les yeux sur leur activité douteuse, mais il était prêt à faire comme s'il n'avait rien vu juste pour prendre le train au plus vite et éviter de passer par la case « Chez Maman ». Et maintenant, il faudrait en plus les aider ? Tâchons de ne rien exagérer non plus.

— On est des héros, continua Kirishima voyant que son camarade était plus que sceptique. On ne peut pas les laisser se débrouiller tout seuls alors que la vie de leur ami est en danger !

— Qu'est-ce que tu m'as encore caché, Lex Luthor ? demanda Bakugou en se tournant pour faire face à Karatsu.

— On a pas le temps pour ça, répliqua ce dernier. Montez dans la voiture, on charge le corps et on vous dira tout en chemin.

— Puisque je vous dis que je ne peux parler qu'à Cereles !

La femme fit claquer sa langue sur son palais. Depuis qu'il s'était réveillé, elle avait tenté par tous les moyens de lui montrer comment son pouvoir se manifestait, mais sa marionnette était tombée de sa main pendant qu'il luttait pour se dégager de l'emprise des deux gorilles qu'Asawara avait envoyé pour le kidnapper. Sans elle, il ne pouvait rien faire, il n'était qu'un humain comme les autres. Et de toute manière, comme il s'échinait à lui répéter depuis des heures, il ne choisissait pas l'alien avec qui il discutait. Sinon, pourquoi ce serait-il encombré de cette chaussette impertinente qu'était Cereles depuis toutes ces années ?

— Tu ne sembles pas comprendre le sérieux de la situation, répliqua la femme tandis qu'elle se levait pour s'approcher de lui.

Yata jeta un bref coup d'oeil aux alentours. La pièce dans laquelle il était détenu n'avait qu'une issue, gardée par un des grands types qui étaient venus le cueillir chez lui en plein milieu de la nuit. Il songea, mortifié, qu'ils n'avaient pas pu manquer les trois robes à froufrous avec perruque et chaussures assorties que Makino lui avait laissées après le concours Cool Japan. Non seulement il allait y laisser sa peau mais en plus, ses ravisseurs devaient se faire des idées bizarres à son sujet.

La femme s'accroupit devant lui. De près, elle semble plus vieille, ses rides sont plus marquées, sa peau plus flasques. Entre ses lèvres fines, Yata distingue une rangée de dents décolorées par le tabac.

— Tu viens de devenir essentiel pour l'avenir planète, mon cher petit Yata. Puisque Okamura n'a pas voulu nous dire où se trouve la machine avant de mourir, c'est toi qui va nous servir d'intermédiaire pour la prochaine Grande Cérémonie Stellaire.

Elle enfonça son ongle dans le sternum de Yata, qui grimaça de douleur. Puis, sans crier gare, elle le gifla.

— Tu devrais être flatté, ce n'est pas donné à tout le monde de communiquer directement avec le Christ Cosmique. De toute manière, nous avons peu de temps avant que les planètes arrivent à leur alignement optimal. Si tu résistes encore quand le Grand Prophète se réveillera, il n'aura d'autre choix que de te dévorer le coeur pour absorber ton pouvoir.

Elle le poignarda encore de son ongle parfaitement verni, mais abandonna quand elle vit qu'il ne réagissait toujours pas. Yata tira sur ses menottes. Même si le radiateur auquel on l'avait attaché n'était pas de toute première jeunesse, il ne serait pas aisé de le faire céder. Il ferma les yeux, se concentra. Jamais il n'avait essayé de communiquer à distance avec Cereles, c'était le moment de tenter l'impossible.

— Donc si je comprends bien, résuma Bakugou, votre business à vous, c'est d'exaucer les derniers souhaits des morts et ensuite de leur piquer leurs affaires. Ça ressemble quand même grave à du racket.

— Je vois plus ça comme un arrangement à l'amiable, répondit Karatsu en tirant une bouffée de cigarette. Numata, tu vas tourner à droite à la prochaine.

La camionnette de l'entreprise Kurosagi fonçait dans la nuit. Bakugou n'en revenait pas de faire confiance à des types pareils. Il peinait encore à croire tout ce qu'on venait de lui raconter, comme si de rien n'était qui plus est. Donc ces types, qui faisaient partie d'une entreprise de racket de morts, avaient perdu leur pote, enlevé par les membres d'une secte ultra-dangereuse, qui voulaient se servir de lui pour accomplir un rituel qui consistait à demander à une entité extraterrestre soi-disant omnipotente sa protection contre les Forces du Grand Mal. Cerise confite sur le gâteau du nawak, le pote en question, du nom de Yuji Yata, parlait véritablement aux aliens. Enfin, à un alien, nommé Cereles, qui séjournait habituellement dans l'affreuse marionnette verte qu'il tenait en ce moment entre les mains. Et lui, Katsuki Bakugou, allait les aider. Déjà parce qu'un héros ne refusait jamais d'accorder son aide à ceux qui en ont besoin, mais aussi parce que Kirishima avait insisté jusqu'à ce qu'il craque et il ne pouvait rien lui refuser quand il lui faisait ces yeux-là.

Numata se gara devant un immeuble vétuste et, à peine eut-il arrêté la voiture que Karatsu en sortit pour courir vers la porte. Les trois autres l'attendirent dans un silence total. Pour l'instant, le plan était simple : retrouver la machine, l'échanger contre Yata et appeler la police pour dénoncer les agissements de la secte et les faire arrêter. Les deux héros n'étaient là que pour corroborer leur version des faits et se battre si besoin était. Bakugou continua à triturer la marionnette, de plus en plus agacé. Quitte à les embarquer dans une histoire complètement folle, autant leur promettre un adversaire à leur hauteur, non ? Là, c'était à peine s'ils jouaient les figurants.

— Ku… ro… soupira la marionnette.

— AH !

Dans un grand cri, Bakugou envoya valser la chaussette dans le pare-brise. Elle tomba sur le tableau de bord et fut rattrapée par Numata juste avant de tomber au sol.

— Ce truc… Il a parlé !

— Tu as dû rêver, dit Numata en la chaussant sur sa propre main. Il ne parle que quand il est connecté à Yata.

Il fit bouger la marionnette, lui fit claquer une ou deux fois la bouche.

— Ku… ro… murmura-t-elle de nouveau.

— AH !

Une fois de plus, Cereles vola à travers l'habitacle, et tomba sur le siège de Karatsu pile au moment où celui-ci revenait, la machine sous le bras. Il la passa à Kirishima, qui la cala sur le siège arrière entre Bakugou et lui, avant de remarquer la marionnette qui gisait sous ses yeux.

— Vous lui avez fait quoi, à ce pauvre Cereles ? demanda-t-il tandis que la voiture redémarrait.

— Il a parlé, on a flippé, répliqua Numata.

— Comment ça, il a parlé ? Il ne peut pas san…

Excédé, Bakugou se leva de son siège pour plonger vers la banquette avant.

— Puisqu'on te dit que ça cause, bordel ! Je l'ai entendu me parler, je suis quand même pas barjo !

Numata confirma et Karatsu passa le reste du trajet à fixer la poupée de chiffon comme si elle allait se remettre à parler s'il la regardait assez longtemps. Pendant ce temps, Katsuki observait Kirishima du coin de l'oeil. Il venait de terminer de rédiger un SMS et fixait l'écran de son portable. Il n'avait presque rien dit depuis qu'il avait réussi à le convaincre de les suivre et se contentait de regarder par la fenêtre d'un air absent, détournant le regard à chaque fois que ses yeux croisaient ceux de Katsuki, qui commençait à sérieusement en avoir marre. Pas tant parce qu'il ne s'était pas laissé convaincre de les suivre pour que Kirishima boude tout du long que parce qu'il n'arrêtait pas de se faire des films depuis. S'arrêter, comme ça, pour dire quelque chose de trop important pour en discuter en marchant… Ça ressemblait drôlement à une déclaration. A chaque fois qu'il y pensait, un étrange gargouillis lui tordait l'estomac mais il les repoussait vite. L'heure n'était pas à prendre ses désirs pour des réalités.

— Qu'est-ce que tu voulais me dire, tout à l'heure, au fait ? demanda-t-il en prenant bien soin de ne pas regarder Kirishima.

— Rien de très important, on pourra en discuter après.

Il allait répliquer mais ils arrivaient déjà au domaine géré par Asawara et sa secte d'illuminés cosmiques. C'était une immense demeure au style traditionnel, sur un seul étage. Tout autour s'étendait un parc qui semblait encore plus grand dans la pénombre. Bakugou repéra tout de suite, de sa fenêtre, une voiture qui roulait au pas, tous phares éteints et qui se dirigeait vers l'arrière de la demeure. Il fit signe à Kirishima, qui hocha la tête quand il la vit lui aussi et, le plus discrètement possible, informèrent ensuite les deux membres de Kurosagi.

— Vous allez passer par l'arrière, les suivre discrètement et nous, on va arriver la grande porte pour détourner leur attention, proposa Bakugou en sortant de la voiture.

Tous acquiescèrent et se séparèrent en deux groupes. Une fois les deux membres de Kurosagi disparus derrière le bâtiment, leur cadavre sur l'épaule et la machine sous le bras, Bakugou et Kirishima s'élancèrent par la grande porte d'entrée. Ils arrivèrent rapidement à l'intérieur d'une immense salle de prière où étaient rassemblés une centaine de fidèles de la secte en pleine méditation. Assis en tailleur sur un coussin, chacun disposait d'une tasse dans lequel on avait versé un liquide rose clair. A leur tête, installé sur une estrade, un homme au visage lunaire, qui ne pouvait être qu'Asawara, menait la prière.

— La fête est finie, bande de connards ! hurla Bakugou.

Toutes les têtes se tournèrent vers lui, mais personne ne se leva, ni ne leur intima l'ordre de partir. L'homme sur l'estrade ouvrit les yeux avec un calme à toute épreuve et invita ses fidèles à boire une gorgée dans leur tasse, ce qu'ils firent tous sans broncher, dans une synchronisation parfaite.

— On sait que vous retenez Yuji Yata, c'est fini pour vous ! cria Kirishima, prêt à bondir au moindre signe d'agression.

— Vous croyez ? répondit-il dans un sourire.

Il s'apprêtait à continuer quand l'un des panneaux derrière lui tomba, laissant apparaître une femme d'une cinquantaine d'années dans un état de panique manifeste. Quelques secondes plus tard, le cadavre qu'ils avaient trouvé sous le pont suivit, aussi rapide et alerte que s'il avait été encore vivant. La femme se jeta aux pieds d'Asawara, éplorée.

— Grand Prophète ! C'est terrible ! La machine, ils l'ont détruite !

Le calme apparent sur le visage de l'homme passa à la fureur en l'espace d'une seconde. Il jeta un regard glacial aux deux héros, puis à Karatsu et Numata qui émergeaient également de l'autre pièce, Yata à leurs côtés. Il esquissa un geste de la main et, comme un seul homme, tous ses disciples se levèrent, hommes, femmes et enfants. Leur corps se métamorphosait pour laisser place à des créatures à peine humaines, qui fondirent sur eux.

Ils se retrouvèrent vite submergés par cette véritable marée humaine, qui parvint à les repousser à l'extérieur de la bâtisse. Tandis que les créatures les encerclaient, leurs yeux rouges comme seul moyen de les dénombrer, Bakugou songea qu'à peine deux heures plus tôt, il passait un rencard des plus tranquilles avec Kirishima et que rien ne l'avait préparé à cette folie. Il repoussa un assaillant. Puis deux. Dos à Kirishima, il faisait de son mieux pour les tenir à l'écart mais sans les blesser. Ils avaient beau faire partie de la secte, ses adversaires restaient avant tout des civils. Bientôt, résister ne suffit plus. Le cercle se refermait autour d'eux, toujours plus étroit. Ils allaient se faire engloutir.

Une des goules fondit sur eux. Elle attrapa Kirishima à la cheville et ouvrit grand la mâchoire. Bakugou, sans réfléchir, abattit son pied sur le poignet à portée, qui se brisa sous la force du coup. La chose se recroquevilla et, dans un fin nuage de fumée, reprit petit à petit apparence humaine. Au bout de quelques secondes, il n'y avait plus à la place de la goule qu'une minuscule femme frêle et tremblante. Ses congénères ne lui laissèrent pas le temps de souffler. A coups de dents et de griffes, ils déchiquetèrent cette proie facile, qui n'eut même pas le loisir de se débattre.

Un coup de klaxon détourna l'attention des deux adolescents de ce macabre spectacle. Numata et Karatsu avaient réussi à échapper au carnage et les attendaient au volant de la voiture. Kirishima attrapa le poignet de Bakugou et l'entraîna à l'intérieur.

— Laisse-moi ! Je vais me les faire, ces connards !

Mais Kirishima ne céda pas. Il parvint à le tirer dans la camionnette et à en fermer la portière au moment-même où une goule se jetait sur eux. Pied au plancher, Numata sortit du domaine mais leurs assaillants n'abandonnèrent pas pour autant.

— Ils nous suivent ! hurla Karatsu en jetant un coup d'oeil dans le rétroviseur. Accélère !

— Je peux pas, je suis au maximum !

Étalé dans le coffre, ballotté par les virages et autres aléas de la route, Bakugou fulminait. Il n'avait qu'une hâte, sortir de là et leur faire regretter d'être né.

— J'ai appelé du renfort avant qu'on arrive, dit Kirishima à l'adresse des trois autres à l'avant. Ils suivent notre position avec le GPS de mon téléphone, ils devraient être là d'ici…

Il eut à peine le temps de terminer sa phrase qu'une gerbe de flammes embrasa le ciel. La masse informe de leurs poursuivants en fut ralentie mais continua tout de même de courir à une allure inhumaine, sur le point de les rattraper. Une silhouette fendit l'air, prodigieusement rapide et asséna un grand coup de pied au visage d'une des goules, qui se retrouva projetée hors du groupe, sonnée. La silhouette, d'un autre coup habile, se projeta en arrière et atterrit sur le toit de la camionnette.

Quand Bakugou ouvrit les portières arrière pour avoir une meilleure vue d'ensemble de la situation, il se retrouva nez à nez avec une paire d'oreilles de lapin.

— Eh bien alors, rugit Mirko, prête à repartir à l'assaut, vous venez nous aider ou vous faites la sieste ?

Bakugou lui adressa un grand sourire carnassier, qui lui parut être une réponse suffisante, puisqu'elle s'élança de nouveau dans la mêlée, où s'étaient déjà jetés plusieurs autres héros. Kirishima intima aux membres de Kurosagi de continuer à foncer, qu'ils s'occuperaient du reste et se tourna de nouveau vers Bakugou.

— On va peut-être y rester, alors je dois quand même te dire… cria-t-il pour couvrir le vacarme mêlé du vent et de la bataille.

Bakugou ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase. Il l'empoigna par le col et l'embrassa à pleine bouche, puis le laissa, hébété, tandis qu'il se lançait à l'extérieur du véhicule.

— Je vais tous vous crever ! hurlait-il, tandis que ses explosions secouaient la masse de corps monstrueux.

Kirishima, après un instant d'absence, sauta avec joie à sa suite.