Face au miroir de la salle de bain, assit dans un fauteuil qu'il ne pourra plus jamais quitter, il fixe les cicatrices qui couvrent sa peau. Il sait que d'autres se trouvent là où ses yeux ne peuvent se poser. Certains jours, il les sent. Mais il ne sait pas d'où elles viennent.

Il essai de ne pas y penser, la plupart du temps, il y arrive. Mais, d'autres fois, face à un miroir ou à une vitre, quand seul le silence et l'absence l'entourent, il ne voit qu'elles. Il se retrouve incapable de les ignorer. Il passe ses doigts sur certaines et, inévitablement, ses yeux s'arrêtent sur ses jambes.

Il n'a pas souvenir d'avoir un jour marché. Mais ses jambes sont autant couvertes de marque que le reste de son corps.

A-t-il un jour marché ? Il l'espère, même s'il ne peut avoir de réponse.

Ses doigts s'approchent de sa pire blessure. Il les arrête. Cette cicatrice là fait plus mal que les autres. Plus récente, peut-être aussi moins bien soigné. En plein sur le cœur. Il imagine une lame transperçant sa chair. Qu'a-t-il bien pu se passer ?

Il jette un regard sur une photo posée sur le rebord de la fenêtre. C'est lui, plus jeune, avec quatre garçons de son âge. Tout le monde sourit. Mais rien, pas de reconnaissance, pas de sentiment associé. Il a l'impression de regarder une photo prise chez un inconnu. Même son propre visage lui paraît étranger. Sans les signatures au dos, il aurait jeté la cliché.

Mais il a vu les signatures et il a gardé le cliché. C'est idiot. Il le sait. Mais s'il retrouve l'un des garçons de la photo, peut-être pourra-t-il avoir quelques réponses. D'où viennent les cicatrices ? Pourquoi a-t-il oublier toute sa vie ?

Il n'a aucun nom, et il est si conscient qu'il n'obtiendra jamais de réponse que dès qu'il quitte son foyer, il oublie. Les cicatrices, le passé disparu, la photo.

Au début, il pleurait, tant de rien savoir était douloureux. Dix ans se sont écoulés depuis. Il ne pleure plus. Il a sa vie, ici, à Tokyo. Le reste n'est que secondaire.

Son téléphone sonne, il quitte la salle de bain. Il attrape le t-shirt sur sa jambe et l'enfile, il ne pensera plus aux cicatrices jusqu'à son prochain instant de solitude devant un miroir.

Il arrive dans le salon, décroche, et entame la discussion.

Près de lui, sur la table basse, au milieu des factures, des magasines et des coupons de réductions, une lettre en grecque est oublié. Deux mots sont notés au dos.

À Seiya