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Harry roula de l'autre côté du lit et eut l'audace d'être essoufflé.

« C'était littéralement le pire orgasme du mois. » lui fit platement savoir Pansy.

« Nous sommes le 2 septembre. » rétorqua Harry avant de tâter la table de nuit à l'aveuglette. « Où est ton briquet ? »

« Sous tes yeux. »

Potter se redressa, mèches brunes en bazar et lunettes portées disparues. Il zieuta longuement le meuble, plissa des paupières puis :

« Oh. » réalisa-t-il, l'objet enfin localisé.

Pansy roula bien fort des yeux. Puis plus fort encore en le regardant piquer sa cigarette post-coït, celle qu'elle laissait exprès juste à côté du lit, pour la percher entre ses lèvres gercées. Il secoua le briquet et la flamme jaillit si soudainement qu'elle manqua de lécher l'extrémité de ses longs, longs, longs cils noirs. Des cils que Pansy mourait d'envie de lui arracher un à un.

« Donc tu ne vas même pas t'excuser ? » siffla-t-elle en le voyant tranquillement rejeter une volute grise vers le plafond.

« M'excuser de quoi ? » demanda son voisin entre deux taffes.

« De m'avoir fait perdre quarante-cinq minutes de mon temps ? Pour commencer ? Je t'ai fait expressément venir ici ce soir pour que tu me détendes, pas pour être plus stressée, énervée et frustrée encore qu'avant. Je t'ai même fait du thé. »

« Eh bah ça arrive, qu'est-ce que tu veux. » commenta Harry, assez peu concerné.

« …c'est tout ? »

« Quoi, tu voulais une disserte ? » pouffa-t-il avant que le regard noir de sa voisine ne vienne y couper court. « Ecoute, j'en sais rien. J'ai la tête un peu ailleurs, ces temps-ci. »

« Est-ce mon problème ? Non. Non, ce n'est pas mon problème. Mon seul souci actuel, Potter, est l'orgasme absolument médiocre que tu viens de… »

« Bon, allez. » souffla Harry, blasé.

Il avorta sa cigarette dans le cendrier en verre surplombant la table de nuit puis vint se positionner entre les jambes de Pansy comme s'il s'agissait d'une corvée. Au moment d'abaisser la tête, la brune l'arrêta cependant à deux doigts du but, un pied contre son visage.

« T-t-t. » refusa-t-elle, l'éloignant très loin d'elle. « Demi-tour, merci beaucoup. Je ne suis plus du tout d'humeur. »

Harry leva les yeux au ciel et se rassit sur le lit, cueillant au passage ses lunettes échouées sur la moquette.

« Est-ce que c'est un truc pour lequel je vais encore t'entendre râler jusqu'en mai ? » devina-t-il sans peine.

« …peut-être. » pondéra Pansy, pensive, avant de hocher la tête avec vigueur. « Très certainement, même. »

« Fabuleux. Je vais pisser. » annonça-t-il sans cérémonie.

Quel gâchis.

Pansy se redressa d'un bond furieux, récupéra string et babydoll puis renfila le tout avec hargne. Elle fixa ensuite le reflet misérable que lui renvoyait son miroir mural. Figure dépitée, cernes de quatre jours, micros repousses châtains, carré trop long, jambes trop courtes, boutons de stress, mascara fuyant — parce qu'elle s'était maquillée en plus, gag du siècle — et gâchis de lingerie. Un ensemble en délicate dentelle vert bouteille acheté le quart de la peau des fesses lors d'une vente privée. Que Potter n'ait su apprécier à sa juste valeur une telle oeuvre d'art était passible de prison.

Dans le cendrier reposait toujours sa cigarette post-coït et Pansy la porta promptement à ses lèvres, déjà un peu consolée. Mais comme l'univers entier fomentait apparemment sa chute, elle eut beau appuyer et appuyer et appuyer et supplier : le briquet ne coopéra pas. Fantastique. Absolument fantastique. Seule la vibration soudaine de son portable sur la table de chevet la retint de jeter l'objet défectueux par la fenêtre du huitième étage. Après une profonde inspiration, elle coinça la cigarette au coin de sa bouche et attrapa son téléphone.

Pour se rendre compte que ce n'était pas son téléphone mais celui de Potter. Trop tard. Ses yeux lisaient déjà les six mots composant le nouveau texto reçu, incapables de s'arrêter. J'ai toujours du temps pour toi, coeur bleu, signé : « Ginny ».

Les doigts brûlés, Pansy lâcha l'appareil.

« T'as pas vu mon jean ? »

J'ai toujours du temps pour toi.

Sursaut.

Derrière elle, Harry sillonnait la chambre en boxer à la recherche de ses vêtements éparpillés. Il repêcha son t-shirt, déterra son pull, repéra ses chaussettes, attrapa sa ceinture puis releva la tête vers sa voisine.

« Oui ? Non ? »

« De, hum. Q-quoi ? » bégaya Pansy.

« Mon jean. » répéta extrêmement lentement Harry. « Est-ce que tu l'as vu ? »

Mutique, Pansy pointa la boule de denim échouée tout près de la porte. Puis elle remarqua les tremblements de son index tendu et rabattit manu-militari l'entièreté de son bras le long du corps.

Déglutit.

J'ai toujours du temps pour toi.

« C'est quoi cette tête ? » commenta Harry qui enfilait sa ceinture cran par cran.

« Quelle tête ? » paniqua immédiatement Pansy.

« Celle-ci. » répondit Harry avant d'imiter l'expression d'un animal agonisant. « C'est n'être montée qu'au troisième ciel qui te fout autant en rogne ? »

Pansy reposa sa cigarette éteinte dans le cendrier avec plus de délicatesse que nécessaire, les paumes affreusement moites. Elle reposa le briquet également, s'affaira à le faire maintenir debout et entendit Harry pousser un bruyant soupir.

« Parkinson, je te laisserai m'attacher les poignets aux barreaux de lit et t'asseoir directement sur ma figure pendant une heure entière la prochaine fois si ça peut te faire plaisir. » promit-il, nouant cette fois-ci son bracelet de montre.

Pansy haussa des épaules avec un je-m'en-foutisme parfaitement dosé et regarda son voisin rouler encore des yeux, à présent tout habillé.

« Okay, bon. On s'appelle. » lança-t-il avant de s'éclipser.

Puis revenir huit secondes plus tard.

« Hum, juste : tu aurais vu mon portable ? »

Pansy pointa cette fois-ci le Samsung échoué en bordure de lit mais ne fit aucun mouvement ni pour l'attraper, ni pour le lui tendre. Progressivement exaspéré, le brun finit par venir le chercher de lui-même. Et lorsqu'il disparut pour de bon, Pansy fixa d'un oeil vitreux l'espace vide qu'il venait de laisser. Ses mains traîtres tremblaient encore un peu, révélant ce qu'il restait d'elle une fois tous les artifices tombés.

Une pauvre conne.

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Pansy n'était pas amoureuse.

Ce n'était ni un mensonge inconscient, ni une phase de déni. Ce n'était pas non plus le genre d'affirmations aussitôt contredites par un 'mais ça, c'est ce que l'héroïne croyait' en voix-off — non.

Elle n'était pas amoureuse.

Elle n'en avait ni le temps, ni l'énergie. Elle avait des croquis à esquisser, des patrons à tracer, des pièces à coudre, des silhouettes à habiller, une troisième année à entamer et une moyenne optimale à maintenir. Ses journées étaient des shots d'adrénaline créative sur fond d'anxiété perfectionniste. Qu'est-ce que tomber amoureuse allait lui faire gagner ? Du fric ? Un poste chez Giambattista Valli ? Aucun des deux ? Alors non merci.

Cet arrangement lui convenait à la virgule près. Pansy avait besoin d'un punching-ball hormonal pour évacuer son stress constant. Harry avait besoin d'un bon coup régulier — et fort heureusement pour lui, elle en était un excellent. Alors ils se voyaient quelques jours par semaine, parfois deux, parfois trois, six en période de crise, parfois pas du tout pendant un mois, et chacun faisait sa part du boulot puis retournait à son quotidien respectif. L'accord parfait.

Elle n'était pas amoureuse.

Juste intensément, férocement compétitive. Elle ne pouvait être aussi excellente dans son domaine sans être habitée d'une certaine rage de vaincre. Il fallait être à l'affut de tout, surveiller soigneusement ses arrières, avoir l'esprit du détail, savoir parfaitement analyser ce qui était pour mieux anticiper ce qui sera et toutes ces qualités, Pansy les maîtrisait depuis la primaire. L'observation était un don inné chez elle et tous ses commentaires de carnets de notes le prouvaient.

Ce qui ne la faisait se sentir que plus idiote, à présent.

Car elle n'était pas amoureuse. Elle n'était pas jalouse non plus. Harry pouvait bien coucher avec The Weeknd et Bella Hadid en même temps, si cela lui chantait. Pansy demanderait même à voir et filmer. Non ; ce qui la froissait dans son égo, ce qui l'humiliait à en grincer des dents, c'était de s'être fait dribbler sur son propre terrain.

Elle qui observait mieux que personne n'avait cette fois-ci rien vu arriver.

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« Déshabillé ! » déclama Professeur Ombrage avec toute la théâtralité du monde.

L'instant d'après, un vent de pure panique traversa la classe toute entière. Pansy passa lentement sa langue sur sa rangée de dents supérieure, pensive. Deux croquis prenaient déjà forme dans sa tête.

« Pour votre création fin d'année, je ne veux voir que des corps nus. Des habits déshabillés. » continua Professeur Ombrage en sillonnant lentement les tables espacées. « Je veux un tissu qui ne soit que de la peau ! Un textile invisible ! Je veux voir de la chair, des os, du sang ! » murmura-t-elle férocement à deux centimètres du visage terrifié de Londubat. Puis elle tapota sa joue et s'éloigna. « Je veux des corps qui soient plus tabous couverts que dévêtus. Je veux des cicatrices qui se voient à l'oeil nu. Je veux un habit qui dévoile ! Qui trahit ! Qui déconstruit ! Qui libère ! Un instant. »

Et elle descendit un demi litre d'eau de source au milieu de la classe, son index maintenu en l'air, le bruit régulier de chaque gorgée entrecoupant le silence tendu.

« Vous aurez donc à préparer quatre pièces accessoirisées sur le thème 'Déshabillé', le tout bien sûr épaulé d'un dossier de style complet. » reprit-elle en vissant sa bouteille recyclable rose. « L'évaluation se déroulera devant un jury qui jugera de la qualité de votre travail, de sa conformité avec les consignes données ainsi que de son potentiel à être réutilisé lors du Grand Défilé annuel de l'Institut Beauxbâtons. À l'instar des années précédentes, ce jury sera à la fois composé de professeurs de l'Institut et d'éminents professionnels du milieu de la mode. Pour le bien de votre note finale et celui de votre futur carnet d'adresses, je vous conseille donc vivement de vous surpasser. Après deux années de stylisme-modélisme intensif et une troisième spécialisée en Haute Couture, il serait embarrassant de ne pas être sélectionné pour le Grand Défilé. »

Son regard chirurgical balaya les vingt-six élèves en filière Haute Couture avec une lenteur insidieuse et lorsqu'ils en arrivèrent à Pansy, la brune demeura parfaitement impassible. Pensa : palette neutre, tons chairs, teintes graduelles, noirceur-pâleur. Pensa : tissus texturés, tissus lisses, zéro motif, trompe-l'oeil. Pensa : silhouettes en mouvement, drapé minimal, cellophane teinté, appeler Luna. Ne pensa pas : stress, stress, stress, stress.

« Excusez-moi, Madame, mais j'ai un peu de mal à comprendre. » intervint Hermione Granger.

Pansy ferma brièvement les yeux et entendit pas moins de trois soupirs étouffés en périphérie. Sans surprise. Si Granger n'allait pas au moins une fois à contresens du discours d'un prof, elle mourait.

« Qu'est-ce qui ne parvient pas à être assimilé par votre si brillant cerveau, Mademoiselle Granger ? » s'enquit Professeur Ombrage d'une voix enfantine. « Dites-moi tout. »

« Eh bien je pensais que pour notre projet final, étant donné qu'il s'agit de la concrétisation de trois riches années d'apprentissage et que beaucoup d'entre nous se réorienteront par la suite ou intègreront directement le marché du travail, nous aurions la liberté de choisir un thème qui nous était tout à fait personnel. » expliqua Granger et Pansy se haït d'être d'accord à 67,4%. « Cela pourrait être un excellent moyen de voir les différentes façons dont peuvent se conjuguer le savoir qui nous a été transmis et nos sensibilités individuelles propres. J'avais d'ailleurs déjà choisi un concept et commencé à établir une banque de données en fonc… »

« Mademoiselle Granger, avez-vous demandé à être née ? » la coupa Professeur Ombrage.

Hermione cligna plusieurs fois des yeux, prise de court.

« Je… de… non ? »

« Précisément. Mais vous êtes née. Et vous avez continué à vivre par choix, ensuite. » poursuivit-elle en approchant sa table d'un pas félin, sa bouteille pointée droit sur elle. « Considérez donc cet Institut comme l'utérus dont vous avez été expulsée par voie naturelle une vingtaine d'années plus tôt avec beaucoup trop de cheveux sur la tête. Ce cours est votre vie. Soit vous choisissez d'en suivre les règles jusqu'au bout, soit vous abandonnez le navire dès maintenant. » termina-t-elle quasiment nez à nez avec Granger. « Est-ce que cela répond à votre question, très chère ? »

La brune déglutit et Pansy l'entendit depuis son bureau pondérer mentalement la nécessité d'inaugurer un conflit le jour même de la rentrée. Pour ensuite choisir de s'enfoncer.

« J'ai pourtant des amis en troisième année à l'École de Poudlard qui ont la possibili… »

« Mais vous n'êtes pas à Poudlard, Mademoiselle Granger. Vous êtes ici à l'Institut Beauxbâtons. » rugit alors Professeur Ombrage. « Si vous vouliez d'un manoir hanté à la décoration kitsch bordé d'escaliers grinçant et présidé par un vieillard à seize minutes seulement de la tombe, il ne fallait pas s'inscrire dans nos locaux. Ceci dit, rien ne vous empêche de changer de camp. Notre liste d'attente est longue et vous n'êtes absolument pas irremplaçable. »

Ce qui sembla taire une bonne fois pour toute Granger, joues roses et lèvres pincées. Professeur Ombrage se redressa quant à elle pour baptiser la classe entière d'un regard réfrigérant.

« Est-ce que quelqu'un d'autre a sa petite doléance à partager ? Son petit 'ouin-ouin' de la semaine ? » demanda-t-elle à la volée, un grand sourire aux lèvres. « Parce que je suis parfaitement d'humeur. »

Un silence de cimetière nocturne lui répondit.

« Bien. » décoléra-t-elle, la télécommande du rétroprojecteur en main. « Revenons-en donc à nos moutons. »

Pansy rouvrit son ordinateur mais n'écouta le reste du cours que d'une seule oreille.

Comme après chaque annonce de projet, son cerveau était en progressive ébullition. Déshabillé. Sur un coin de table, son index traçait des débuts de silhouettes à l'aveugle, brouillons invisibles des prototypes terminés qui dansaient déjà sous ses yeux. Thème imposé ou non, la réussite serait au rendez-vous. Et elle ne viserait rien de moins que le chef-d'oeuvre.

Ils la connaissaient déjà tous, ici. Professeurs comme élèves, chacun savait ce dont elle était capable. Mais dehors, dans l'industrie, personne n'était encore familier avec le nom de 'Pansy Parkinson'. Il n'y avait donc pas meilleure opportunité que ce projet pour se construire un début solide de réputation. Faire bonne impression ne suffisait pas : il fallait qu'elle arrive, qu'ils la voient et qu'elle vainque. Il lui fallait se démarquer et éblouir. Ce n'était…

« Et vos portables sont éteints. » s'interrompit Professeur Ombrage. « Première et dernière fois. »

Pansy plaqua sa paume sur son téléphone, feutrant temporairement la vibration. Elle laissa passer deux minutes, attendit que l'enseignante tourne le dos puis jeta un coup d'oeil à l'écran sous son bureau. Trois appels manqués de Potter suivis de quatre textos consécutifs :

t en cours ? ?

passé une journée de MERDE

dispo ce soir ? ? genre vers 19h ? ?

stp dis oui

Si je dis non, tu pleures ?

nan

mais très d humeur à faire pleurer qqun

donc dis oui

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Potter ne s'embarrassa pas des règles de politesse ; à peine eut-elle ouvert la porte que Pansy se retrouva plaquée contre.

Dans un dernier éclair de lucidité, la brune rabattit l'entrebâilleur du verrou juste avant d'être soudainement transportée du sol au meuble de l'entrée et embrassée comme si l'apocalypse débutait dans huit minutes. Son souffle rendu, elle fut sur le point de proposer qu'ils se relocalisent dans sa chambre ou au moins sur le sofa du salon mais les mains avides de Potter remontaient déjà sous son haut et ses lèvres oeuvraient le long de son cou, léchant, suçant, mordillant juste ici, juste à la jonction de sa mâchoire et oh, oh. Pansy croisa des jambes, faisant du garçon un prisonnier. Ils allaient tout terminer ici et maintenant.

L'affaire fut rapide et extrêmement efficace — car Harry savait l'être, lorsqu'il le voulait. Barbare aussi, à en juger la brassière crûment remontée de Pansy et le jean que son voisin n'avait même pas pris la peine de bien descendre. Le cadet de leur soucis. Un sein dans la bouche, Harry bataillait avec l'emballage froissé du préservatif que Pansy finit par lui arracher des mains, agacée. Donnez à un homme deux tâches simultanées et c'était le court-circuit. Le carré de plastique enfin ouvert, elle prit donc les choses en mains — littéralement — et se fit un plaisir de dicter une cadence de départ. Ni trop lente, ni trop rapide, juste assez divertissante pour se délecter de l'expression frustrée de Potter.

Il la fixait de cet air très, très concentré qui rendaient ses yeux plus verts, son regard plus perçant. Sa mâchoire se contractait d'un cran supplémentaire chaque fois que Pansy décidait de ralentir encore un peu, juste pour tester gratuitement ses limites. Elle se mordit la joue, contenant un sourire de justesse. C'était drôle de le voir comme ça, à bout mais toujours si obéissant. C'était grisant, excitant. Mais ça ne durait jamais très longtemps car Potter n'était pas une créature patiente. Quelques fois, il suffisait juste d'un regard. D'autres fois, d'une brève pression à la hanche. Pour cette fois, le seul warning qu'eut Pansy fut un haussement de sourcils. Puis il la retourna sans ménagement contre le meuble et l'empoigna par les cheveux, maintenant sa tête droit devant le miroir de l'entrée.

Très joli miroir, soit dit en passant. Ovale, encadré de moulures en torsades et agrémenté d'un fronton en — ah ah ah ah — en bois doré représentant une coupe. Ou bien était-ce une couronne ? Difficile à déterminer lorsque Potter réaménageait littéralement vos entrailles. Mais c'était une belle trouvaille vintage. Pansy recevait de fréquents compliments à ce sujet. Elle l'avait — ahhh ah ah — acheté à une… elle l'avait acheté… à une brocante l'été dernier et elle — ohh ohohohohoh — elle n'avait vraiment pas… pas payé… elle… elle n'avait vrai—

Pansy vit son reflet convulser debout, bouche entrouverte et yeux blancs. Puis trou noir.

Lorsqu'elle revint à elle-même, ce fut écroulée sans grâce contre la commode, plus un seul gramme d'énergie restant. Contre son dos résonnaient les battements cardiaque en désordre de Potter, tout aussi exténué qu'elle. Pansy ne sut combien de temps ils restèrent immobiles dans le vestibule, corps en surchauffe, respirations en tandem, mais au bout d'une éternité, Potter lui embrassa la nuque puis s'éloigna.

Le soleil avait déserté les cieux, plongeant l'appartement dans un début bleuté d'obscurité. Depuis le miroir, Pansy observa passivement son voisin ajuster son boxer, remonter sa braguette et jeter le préservatif noué dans la poubelle de l'entrée. Beurk. Elle la descendrait dans la soirée. Revenant à la silhouette de Potter, Pansy le vit contempler le vide un long moment puis murmurer un juron. Il annonça ensuite, comme pour se l'entendre prononcer à voix haute.

« Je me suis fait virer. »

Pansy cligna très lentement des yeux, le cerveau embrumé.

« Mazeltov. » hasarda-t-elle.

Avec un rire las, Harry se frotta l'oeil du talon de la main.

« Thé ? » proposa-t-elle car c'était leur rituel, après tout.

« Ouais. » accepta Harry, les épaules affaissées. « Thé. »

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Ce ne fut que six minutes plus tard, attablés dans la cuisine, deux Darjeeling fumants en mains, la tasse de Pansy à mi-chemin de ses lèvres, que la brune fronça des sourcils.

« Viré de quoi ? » demanda-t-elle soudainement.

À côté d'elle, Harry sortit de sa propre torpeur pour la zieuter, dérouté.

« …quoi ? »

« Tu as été viré de quel job ? » précisa Pansy.

Le regard que lui adressa Harry fut cette fois-ci long et perplexe.

« C'est encore important ? »

Ce à quoi Pansy haussa des épaules. Pas faux. Elle souffla tout doucement sur son thé et y trempa ses lèvres, inaugurant une timide gorgée. Mmh, un peu trop infusé.

« Je ne savais même pas que tu bossais. » commenta-t-elle, distraite.

« Tu t'en souciais ? »

Le 90 degré qu'opéra son cou fut instantané. Net. Assis à sa droite, Potter la fixait déjà avec un air de défi.

« Qu'est-ce que c'est censé signifier ? » articula froidement Pansy.

« Est-ce que tu m'as une seule fois interrogé à ce sujet ? » demanda Harry.

« Je viens à peine de le faire. » lui rappela-t-elle.

« Parce que j'en ai parlé juste avant. Rien d'autre. » répliqua-t-il.

« Tu ne m'as jamais questionné sur quoi que ce soit de personnel, à ce que je sache. »

« Pas besoin de poser des questions sur ce que je connais déjà. »

« Alors là, laisse-moi rire. » ricana sincèrement la brune. « Que sais-tu même de moi, Madame Irma ? »

Harry prit le temps de s'humecter les lèvres, paré à l'attaque. Il se pencha ensuite vers l'avant et débita d'une seule traite :

« Pansy Sofia Parkinson. Prénom allemand. Nom de famille britannique. Âge : 22 ans. Anniversaire : 16 novembre. Signe : scorpion. Très peu surprenant. Études : stylisme-modélisme à l'Institut Beauxbâtons. But : fonder ta propre marque appelée Sofia, si j'en crois les quatre designs accrochés aux murs de ta chambre. Job : pas le temps d'en maintenir. Caractéristiques physiques : née châtain, yeux en amande, deux grains de beauté sur la hanche gauche, une seule fossette, chatouilleuse du nombril, téton droit percé. Caractéristiques sexuelles : flexible, assez dominatrice, sensible du cou, ponctuellement excitée par l'idée de 1) coucher dans un lieu public et 2) manquer de se faire surprendre, agressive les semaines paires, extrêmement docile celles impaires, rancunière si insatisfaite. Caractéristiques personnelles : control-freak, souvent méchante, assez drôle, très bornée, indubitablement créative, anxieuse, aléatoirement affectueuse, intense. Fan de Gilmore Girls. Allergique au gluten. Et probablement fille unique. »

Pansy déposa très lentement sa tasse tremblante sur la table, nauséeuse. Face à elle, Potter arborait le sourire satisfait le plus insupportable qu'il lui ait été donné de voir. Et comble de l'horreur : elle ne trouvait absolument rien pour contre-attaquer.

« J'ai une soeur. » essaya-t-elle quand même.

Un bien piètre dernier mot que Potter accueillit en penchant la tête de côté, apparemment intrigué.

« Grande ou petite ? » demanda-t-il.

« Jumelle. » se fit un plaisir de le contredire Pansy.

Harry haussa des sourcils. Pour le peu d'importance que cette information représentait, il avait l'air méchamment hébété.

« Jumelle. » répéta-t-il. « Et comment est-ce qu'elle s'appelle ? »

« C'est crucial ? »

Potter ne se contenta que de la fixer, stoïque, jusqu'à ce qu'elle soupire.

« Rose. » offrit-elle, agacée.

« Rose. » répéta-t-il encore avec un lent demi-sourire. « Rose et Pansy. »

Le brune roula des yeux. Il n'y avait absolument rien d'intéressant à développer là-dessus. Elles étaient nées à quinze minutes d'intervalle et ce fossé n'avait fait que s'agrandir avec les années. The end.

« Bref. » coupa court Pansy car elle était en situation de faiblesse et comptait bien y remédier. « Dis-moi quelque chose sur toi. »

« Ok. » acquiesça aussitôt Harry. « Qu'est-ce que tu voudrais savoir ? »

« Le nom de ta soeur. »

« J'en ai pas. »

« Celui de ton frère ? »

« Non plus. »

« Ton père ? Ta mère ? » s'impatienta Pansy.

« Jamais vus, jamais connus. » répondit du tac au tac Potter.

« Tes... ta... ton parrain ? »

« Mort. »

« Qu'est-ce que je peux savoir de toi, alors ? » craqua la brune.

« Pas grand chose, maintenant que j'y pense. » réalisa-t-il tout en attrapant sa tasse par la hanse.

Pansy le regarda siroter pensivement son thé, avaler une petite gorgée, grimacer sous le coup de la chaleur puis reprendre une gorgée un peu plus longue, serein.

« Donc tu as le droit de tenir une encyclopédie entière sur mon état civil, mes aspirations, mes activités et mes fantasmes mais le contraire m'est interdit ? » récapitula-t-elle en tâchant de rester le plus calme possible.

Harry haussa des épaules.

« Ce n'est pas que c'est interdit. C'est qu'il n'y a rien d'important à connaître. »

« Oh, très bien. Parle-moi de Ginny, alors. » lâcha sans crier gare Pansy.

Elle en fut la première surprise, la réplique lui échappant sans même que son cerveau n'en ait donné le feu vert, mais la figure de Harry se déformait déjà en une expression de fureur alors il fallut jouer le jeu.

« …tu lis mes textos ? » fulmina Potter.

« Oh, pitié. » répliqua la brune, le coeur battant. « Tu ne t'es pas gêné pour espionner mes designs. »

« Ils sont accrochés à tes murs, Parkinson. Je peux littéralement baiser et les contempler en même temps. Mais toi, tu lis mes textos. Deux choses différentes. » rugit-il.

« De un, je l'ai fait par accident en pensant qu'il s'agissait de mon portable. Aucun cambriolage de tes données Facebook et Candy Crush n'a été effectué. Redescends d'un cran. De deux, s'énerver pour un tel non-évènement est assez hilarant lorsqu'on considère tout ce que tu as dû fouiller pour récolter autant d'informations sur moi. » tonna-t-elle à son tour.

Et Harry lui rit au nez.

« Tu es la personne la plus transparente qui soit. » déclara-t-il. « Pourquoi m'embêter à fouiller quoi que ce soit te concernant si tout est déjà en surface ? »

Pansy se le prit comme une gifle. Ses paroles implacables, son regard désabusé, le ton irrévocable, la pointe de pitié. Une douche glacée.

Car si c'était dit, peut-être que c'était vrai. Peut-être qu'elle commençait et terminait ici, dans cette cuisine, sur cette chaise. Elle n'était pas plus, elle n'était pas moins. Elle n'avait jamais été ce mystère, cette étoile, ce brin d'exception qui lui faisait affronter le monde comme s'il lui devait quelque chose. Elle était banale. Personne ne vous rendait des comptes lorsque vous étiez banale. Elle était transparente, un espace vide que l'on traverse, une créature nue, tout en relief. Sans grand intérêt.

Elle était déshabillée.

« Bref. On s'appelle. »

Au loin, la porte d'entrée claqua.

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En espérant que vous ayez aimé ce début ! :) Ceux qui me suivent sur Twitter savent que je voulais exploiter ce couple et ce scénario depuis fort longtemps, hihi. Je pense donc prendre mon temps pour vraiment développer tous les aspects de cette relation comme il le faudra. D'ici là, je vous dis à très bientôt sur une autre histoire, peut-être, et vous remercie infiniment d'avoir lu ! :)

xo.

PS : Et un grand merci à Amelia qui a vaillamment supporté mes 5368 questions concernant les écoles de mode. Une sainte.