Fin du périple ! Navrée pour l'attente.


DIMANCHE – AMOUR ME TUE

Le temps égrena impitoyablement ses minutes dès les premiers éclats du jour. Billy ouvrit les yeux sans chercher à rattraper le sommeil, bien décidé à ne pas perdre une seconde de sa dernière journée avec son 'mari'.

Il commença par se repaître de l'image adorable de Steve endormi, convaincu que cette opportunité ne se représenterait plus de sitôt. Le joli garçon avait rarement aussi bien porté son surnom : il dormait sur le côté, face tournée vers Billy, sa bouche était légèrement entrouverte et son nez était enfoui dans son oreiller blanc. Ses cheveux étaient en batailles, du fait du sommeil, de la douche qu'ils avaient prise avant de dormir, ou encore de leurs efforts sexuels de la veille. L'effet aurait pu être ridicule, mais Billy ne se souvenait pas d'avoir déjà vu quelque chose d'aussi plaisant.

Ce n'était certes pas la première fois qu'il avait l'occasion de voir Steve Harrington endormi. Cela avait même été un de ses hobbys favoris de la semaine passée. Dans un premier temps, il avait essayé de ne pas prêter attention au joli brun endormi dans ses draps, ce qui s'était révélé très difficile, puis il s'était résolu à esquiver les yeux de Steve lorsqu'il se réveillait, continuant ses étirements en feignant de ne pas l'avoir regardé dormir. Il s'était lui-même trouvé aussi flippant que Byers, par moments. Et il y avait eu ce matin, se rappela-t-il, ce matin où il n'avait pas réussi à se concentrer sur son haltère tant les petits bruits que son camarade faisait dans son sommeil étaient érotiques. Il s'était branlé dans la douche en imaginant être dans les mêmes draps que lui, et pouvoir le réveiller par ses propres moyens.

Ses vœux étaient désormais exaucés. Tout comme lui, Steve était nu. Billy souleva les draps pour contempler pleinement son mari étendu à portée de main. Le soleil éclaira alors la peau laiteuse et constellée de grains de beauté pour le plaisir de ses yeux. Une trainée de poils bruns descendait en dessous de son nombril – Steve était plus poilu que lui, nota-t-il – qui s'épaississait à mesure qu'elle descendait pour entourer son sexe au repos. Le tout était, bien sûr, parfaitement entretenu, donnant envie à Billy de réveiller l'autre en mettant ses lèvres autour de lui. La jambe supérieure de Steve était encore posée sur une des siennes, et elle se déplaça lorsque Billy bougea encore pour apprécier la vue.

Il entendit Steve marmonner quelque chose d'étouffé dans son oreiller, et eut juste le temps de lâcher les draps avant de voir papillonner les beaux yeux bruns.

"Déjà réveillé", marmonna-t-il vaguement après s'être contorsionné pour regarder par la fenêtre.

Ses yeux étaient encore embués, et peinaient à rester ouverts plus d'une seconde, Billy eut pitié de lui.

"Oui, je ne suis plus fatigué", répondit-il.

C'eût été trop sentimental de lui avouer qu'il voulait juste profiter de lui, même aux vues de ses débordements de la veille. La gêne l'envahit lorsqu'il se rappela de ce qu'il avait demandé à Steve quand il était encore en lui, et ce que l'autre lui avait demandé à son tour avant de s'endormir.

Steve s'approcha de lui et s'étala à moitié sur son torse indemne, ses cheveux brossant le menton de Billy.

Billy resta alors là à lui caresser le bas du dos d'une main et ses cheveux soyeux de l'autre, profitant de sa présence, de son odeur... quand ses doigts s'attardèrent sur une petite ligne courbe fendant la base de ses cheveux épais. Dans un premier temps, il joua distraitement avec le relief sur son cuir chevelu, le traçant et le grattant du bout des doigts, puis Steve se crispa sur lui et il se rappela.

Il se rappela la sensation d'une assiette épaisse entre des doigts se brisant sur le crâne de son adversaire. Il revoyait Steve tomber à terre sans les éclats de céramiques ; il s'en fichait, alors, que le joli ex-roi de Hawkins High puisse se vider de son sang.

Cependant, ce même garçon était désormais allongé sur son flanc, prenant garde de ne pas toucher son côté blessé. Billy était certain de ne pas le mériter.

"Arrête d'y penser", croassa Steve.

Ignorant son conseil, Billy se redressa assez pour voir cette cicatrice sur la jolie tête de son amant. Il écarta soigneusement ses cheveux pour apercevoir la fine ligne blanche qui traçait un sillon tordu, puis posa ses lèvres dessus, espérant pouvoir faire disparaître la marque et le souvenir dans un même geste.

Steve soupira doucement sur la peau de son cou.

"Je vais me rattraper", promis Billy.

En son for intérieur, il doutait sincèrement de pouvoir apporter moins de souffrances que de plaisir à l'autre garçon, mais il promit tout de même.

Il continua de caresser le brun avec une tendresse accrue tandis que ce dernier se battait avec les fantômes du sommeil.

oOo

Plus tard, après quelques caresses taquines et un petit déjeuner taquin, Steve guida Billy dans la salle de sport pour un entraînement tout aussi taquin.

Bill, qui arrêta rapidement d'essayer de se muscler sans geindre, se contenta de s'assoir sur Steve dans les mains duquel il plaçait des poids de plus en plus lourds. Ses côtes, son dos, et les muscles de son ventre, étaient encore trop courbaturés, mêmes pour une simple série de pompes – ce à quoi s'ajoutait désormais un rappel plus ou moins douloureux qu'il avait été pénétré la veille, chose qu'il n'avouerait pour rien au monde. Le brun était donc allongé sur un siège de musculation, et soulevait une barre portant des disques de fer noirs à chaque extrémité. Billy ne lui rendait pas la chose facile, en s'étant ainsi assis sur lui à califourchon au niveau de ses hanches, et en le regardant essayer de soulever sa charge en mordant ses lèvres, les cils baissés.

Steve haletait à chaque fois que Billy changeait la charge de la barre, ou frottait intentionnellement son entrejambe au sien, puis il perdait encore son souffle lorsque le garçon assis sur lui, profitant qu'il avait les mains prises, caressait son torse en sueur en s'attardant sur ses tétons.

Lorsque il ajouta des poids de trop, les bras de Steve tremblèrent, alors Billy l'aida à les reposer avant de s'étendre sur lui pour l'embrasser à perdre haleine.

"Tu es insupportable", haleta le brun entre deux baisers.

Steve exprima alors l'envie de se laver, mais au lieu de le conduire à la salle de bain, il guida Billy à travers les couloirs du rez-de-chaussée jusque dans une pièce à moitié vitrée, attenante à la piscine.

Billy regarda autour de lui bouche bée.

Dans un coin, un grand bac dépassait du sol d'à peine quelques centimètres ; son pourtour se composait de latte de bois clair qui se confondaient avec le plancher, mais son intérieur était revêtu de blanc nacrée parsemé de buses noires visible à travers l'eau. Sur les deux murs du coin où se situait le jacuzzi était plaqués de grands miroirs semblant étendre encore la surface de l'eau, le reste des murs de la pièce étaient recouverts de bois percé de portemanteaux. Des bancs matelassés étaient disposés le long du mur de gauche, une porte vitrée donnant sur l'extérieure composait le mur du fond. Billy regarda sur sa gauche et vit une petite douche délimitée par deux plaques de bois ajourées.

"Fils de pute", siffla-t-il, admiratif.

Un coin des lèvres de Steve se recourba, puis il alla pianoter sur des boutons du jacuzzi. Instantanément, l'eau se mit à frémir, puis le temps que Billy se dévêtisse une couche de buée avait commencé à courir le long des miroirs.

Le brun se passa sous l'eau de la petite douche pour chasser le gros de sa sueur tandis que Billy appuyait sur toutes les touches du bassin pour voir lesquelles des jets d'eau se mettaient à agir. Enfin, lorsque l'eau fut à la bonne température, Billy plongea dans le bac plein de bulles avec ravissement.

"Tu veux un élastique pour tes cheveux ? Ma mère en garde dans cette commode."

Billy ne lui fit pas l'honneur d'une réponse, se fichant bien que ses boucles les plus longues flottent autour de son cou. Il était, de toutes façons, trop occupé à savourer les jets d'eau massant son dos. Steve alla alors s'asseoir sur le côté à sa droite, dos aux miroirs. Billy se perdit dans la contemplation de la neige tombant sur Hawkins et dans la sensation de ses muscles douloureux se relâchant, tout en profitant du contact de ses jambes avec celles de Steve.

C'était une très belle journée.

Quand la pression des buses sur le bas de son dos devint douloureuse, il tapota les boutons jusqu'à trouver un mode n'appuyant pas sur ses hématomes, et s'enfonça dans l'eau chaude jusqu'au menton en soupirant de quiétude.

"Si j'étais toi, je passerais ma vie ici, ronronna Billy.

— On s'en lasse vite, lorsqu'on est seul", répondit-il.

Billy ravala le : 'pauvre garçon riche', qu'il avait au bord des lèvres. Malgré la façon dégagée dont Steve avait parlé, il comprenait la situation dont avait fini par souffrir Steve. Il tuerait toujours pour être dans sa situation – riche, seul, deux parents passables – mais il pouvait comprendre que la solitude ait fini par devenir pesante.

Il attrapa Steve et l'amena à s'asseoir devant lui, entre ses jambes. Steve appuya précautionneusement son dos contre son torse, mais la pesanteur de l'eau le rendait aussi léger qu'une plume. Il ne sembla pas fâché le moins du monde d'être privé des jets d'eau, mais, au contraire, se détendit entre ses bras en souriant de bonheur.

"Mieux, Roi Steve ?

— Oui, mon lapin.

— J'ai mon mot à dire sur ce surnom ? feignit-il de grogner.

— Pas plus que moi sur les tiens."

Il pinça ses hanches fines en représailles, alors ils se chamaillèrent en riant avant de reprendre leur position.

" Si je suis un roi, qu'est-ce que tu es, Cendrillon ?

— La ferme. Je suis roi aussi, rétorqua Billy.

— Je croyais que ce n'était pas très protoclolesque, railla Steve.

— Protocolaire.

— C'est pareil. Mais tu pourrais être mon chevalier servant, proposa-t-il

— Tiens donc... répondit Billy en haussant les sourcils derrière Steve.

— Ou mon esclave."

Billy le pinça de nouveau et Steve se tordit pour lui échapper. Il repassa ensuite ses bras autour de son mari – car il l'était encore pour quelques heures ! – et se mit à tracer de petits cercles sur son ventre tonique alors que Steve étendait son cou pour reposer totalement sa tête sur son épaule.

"Je ne serai l'esclave de personne, déclara Billy.

— Je te traiterais bien.

— Je t'étranglerais dans ton sommeil.

— Tu ne le ferais pas, assura paisiblement le brun.

— Et pourquoi cela ? continua négligemment Billy sans cesser de le caresser.

— Parce que je te manquerais...et que tu serais attaché au lit."

Billy émit un son de gorge intéressé.

"Ah, tu veux la jouer comme ça, Roi Steve ? Qui l'eût cru, ouais, qui l'eût cru... Un si joli garçon...

— Boucle-là, répliqua-t-il en riant.

— Et à quoi j'occuperais mes journées, mon Roi ?

— A être beau, et serviable.

— Un peu comme maintenant ?", répondit-il en descendant sa main, plus bas que son ventre.

Steve se cambra dans ses bras lorsqu'il alla saisir son sexe qui commença instantanément à se durcir. Il caressa légèrement la peau douce sous l'eau, gardant ses doigts assez lâches pour n'apporter aucune réelle satisfaction, et descendit son autre main pour palper et pincer ses cuisses et ses testicules.

— Ouais, gémit Steve.

— Hm, ça pourrait éventuellement me plaire, Roi Steve.

— Je ferais tout pour, gazouilla Steve en essayant de bouger son bassin pour rencontrer la friction.

— Tu me gâterais ? murmura Billy dans on oreille.

— Tout ce que tu veux, soupira Steve d'une voix nécessiteuse.

— Alors je te rendrais esclave de moi, Roi Steve. Tu ne pourras plus te passer de moi, ni désirer personne d'autre. Quelle honte, pour un roi, vraiment..."

Steve tordit son cou pâle pour attraper sa bouche. Il ne perdit pas de temps pour écarter ses lèvres douces, pour aspirer sa langue, salement. Billy oublia tout de leur petit fantasme et se perdit dans la réalité tangible du joli garçon désireux assis contre lui. Il dévora sa bouche pendant que sa main gauche se resserrait autour du sexe de Steve, et que la droite émergeait pour aller se perdre sans la masse douce de ses cheveux.

Il passerait volontiers sa vie à prendre soin de Steve de cette manière, se dit-il. Il serra sa main dans les racines des cheveux bruns en se rappelant intempestivement tout le mal qu'il avait déjà causé à Steve ; la cicatrice dissimulée là en témoignait. Des excuses ne suffisaient pas, il fallait lui montrer, effacer la douleur par plus de plaisir. Il embrassa Steve le plus passionnément qu'il le pouvait en souhaitant tout effacer de ses erreurs avec ses lèvres, en espérant se rendre digne. Il entreprit d'appliquer un vrai mouvement de va-et-vient sur sa queue, mais Steve tentait de se retourner, ce qui rendait sa prise difficile.

Un besoin vital de respirer les amena à lâcher leurs lèvres, Billy regarda alors le brun reprendre son souffle en le dévorant du regard, paraissant animé du même désir que lui de se fondre dans l'autre. Lui aussi voulait prendre soin de Steve, et le besoin de se rendre indispensable était réel.

Ils s'embrassèrent encore, Billy ne put empêcher ses mains de descendre pour pétrir la chaire des fesses de son 'mari' puis voyant que celui-ci l'appréciait très visiblement, il écarta et resserra ses fesses plusieurs fois avant de s'aventurer vers l'entrée qu'il taquina d'un doigt.

Steve poussa un gémissement qui le fit vibrer, tout son sang déserta son cerveau et prit l'autoroute vers sa bite que Steve se mit à caresser d'une main ferme. S'il continuait à gémir et à le toucher comme cela, Billy allait venir avant d'avoir exploré quoi que ce soit.

Il poussa Steve jusqu'à la paroi contre laquelle il s'était d'abord assis, le retourna en ignorant l'air étonné du brun, et le fit s'agenouiller sur l'assise du jacuzzi, le penchant sur son bord boisé afin de faire dépasser son cul de l'eau tremblante. Même avec toute la buée accumulée, Billy discernait l'expression étonnée sur le visage trouble de Steve. Il aurait pu se plaindre d'être positionné dans une position si vulnérable, il n'opposa pourtant aucune résistance lorsque Billy écarta encore ses belles cuisses pâles et musclées pour découvrir un peu son muscle de chaire rose entre ses fesses offertes.

"Billy ? Qu'est-ce que tu-"

Il n'arriva jamais à terminer sa phrase, car Billy avait cédé à l'envie impérieuse de lécher son entrée découverte. Steve cria. Billy laissa une longue trainée de salive allant de la base de ses couilles jusqu'à l'endroit où ses fesses se séparaient. Il se recula ensuite pour regarder l'anus frémir sous l'attention inattendue.

"Merde, Billy !", s'exclama Steve avec quelque chose comme de l'indignation dans la voix.

Mais Billy savait au fond de lui qu'il ne lui avait fait aucun mal, et que Steve apprécierait. Il maintint les cuisses tremblantes écartées et plongea encore pour poser sa langue contre l'entrée si tentante de Steve. Le garçon cria à nouveau, en étouffant cette fois-ci vainement le son contre son bras. Il se pencha plus avant sur le bord du jacuzzi pour échapper au toucher de Billy, mais celui-ci attrapa fermement ses hanches pour le ramener jusqu'à sa langue.

"Détends-toi, intima-t-il d'une voix rauque.

— Fa-facile à - ah !"

Il écarta les fesses avec ses deux mains et contempla son objectif en se léchant les lèvres à la manière d'un gros félin avant de retourner à la tâche. Il lécha le muscle rose avec le plat de sa langue, lapa les plis en contournant le trou, puis en mordilla même le bord tout en massant la chaire du cul écarté. Steve se répandait en gémissement fort qui rebondissaient entre les murs de la pièce.

Il lécha encore et encore l'anus, le rendant glissant et humide sans le pénétrer. Il voulait entendre Steve mendier, le vouloir. Peu à peu, les hanches arrêtèrent d'essayer d'échapper à sa prise, restant en place, les cuisses larges, offert pour la bouche de Billy. Les cris de Steve devinrent plus aiguës, ses muscles se détendirent, il se cramponna finalement aux bords du bassin et fit basculer ses fesses vers lui.

"Je suis assez bon, Roi Steve ? taquina-t-il.

— Billy, dit-il d'une voix étranglée.

— Oui ?", demanda-t-il avant d'appuyer la pointe de sa langue contre le centre de son muscle tremblant.

Steve haleta, secouant la tête de gauche à droite comme pour se défaire d'un envoutement, refusant de regarder son visage défait dans le miroir devant lui.

Pour répondre, il balança de nouveau son bassin en arrière à la rencontre de la langue espiègle.

Cela ne suffit pas à Billy qui remonta sa fente pour disposer de chastes baisers sur le bas du dos de Steve.

"Billy ! protesta-t-il.

— Oui, mon Roi ? demanda-t-il avec légèreté, bien qu'il soit presque aussi désespéré de se voir donner le feu vert.

— Merde, allez ! Plus..."

Il aurait voulu lui en faire dire plus, mais sa propre patience était arrivée à son terme – sans compter que son sexe lui faisait mal, tellement il était dur. Il plongea de nouveau et perça l'entrée humide et disposée de la langue.

"Ah !", s'égosilla Steve.

Billy le mangea scrupuleusement, le faisant trembler. Steve avait le goût du savon et de sa propre peau – Billy s'en moquait. Il était incapable de s'empêcher d'aller plus loin, aussi loin que possible. Les parois de Steve s'ouvraient et pulsaient autour de son muscle. La bave coulait sur le menton de Billy alors qu'il essayait de baiser Steve sur sa langue ; le brun eut tôt fait de balancer rythmiquement ses hanches pour rencontrer ses mouvements.

Une main passa même dans ses cheveux pour le coller plus près de son entré, Steve avait semble-t-il abandonné toute pudeur comme il empêchait le visage de Billy de s'écarter de son trou gourmand. Il balbutiait des paroles inaudibles pour Billy qui entendait les remous du jacuzzi et son sang pulser dans ses oreilles. Il n'entendait que des bribes, des : "Mon cœur", "Billy !", "Oui !", "S'il te plaît", Oh...", et autres appels semblables.

Il s'écarta de Steve pour prendre de grandes bouffées d'air. Le joli garçon tremblait tout entier, accroché désespérément au bord du bac comme un naufragé à un rocher.

"Steve...regarde-toi."

Steve secoua la tête, prenant visiblement la phrase au pied de la lettre et refusant de se regarder dans le miroir en face de lui.

"Allez, joli garçon, demanda-t-il en ouvrant le trou lâche avec son pouce. Tu es tellement agréable à regarder. Regarde-toi prendre du plaisir, regarde à quoi je te fais ressembler", incita-t-il la voix rauque.

Quand il vit Steve relever fébrilement les yeux vers le miroir embué, Billy replongea sa langue dans le trou rougit. Steve glapit, sa main retrouva ses cheveux bouclés ; Billy savait qu'il se regardait gémir et bouger pour rencontrer sa langue.

"S'il te plaît, s'il te plaît, Billy...touche-moi", plaida-t-il en geignant.

Billy avait envie de sentir le muscle se resserrer autour de sa langue, mais son sexe lui faisait mal. Il s'écarta encore de Steve en cherchant son souffle.

"Comment ?", demanda-t-il, essoufflé.

Steve regarda vers lui, mais Billy ne pouvait pas en voir beaucoup plus. Il hésitait certainement entre ses options, maintenant que Billy les mettait sur la table. Il ne savait pas lui-même ce qu'il désirait le plus ; la décision de Steve serait la sienne.

"Le lit, haleta Steve. Emmène-moi au lit."

Son sexe palpita en entendant la demande. Il aida Steve à se redresser, celui-ci chancela sur ses pieds comme un faon nouveau-né. Billy n'était pas dans un bien meilleur état que lui. Ils s'essuyèrent vaguement avant de se déplacer à travers les couloirs, vers les escaliers. Là, Steve, le visage rouge et les yeux noirs de désirs, réclama ses lèvres, et Billy attrapa ses fesses pour les soulever.

Steve eut une exclamation de surprise mais croisa vite ses jambes autour de sa taille, s'appuyant sur ses épaules pour se rendre plus léger et plus stable. Steve était plus grand que lui – et assez lourd, finalement – cependant Billy n'eut aucun mal à le porter jusqu'en haut des marches, malgré les baisers de Steve, puis jusqu'à la chambre du brun où il le laissa tomber sur le matelas moelleux.

Ses côtes apprécièrent le retour à la normale. Billy regarda le beau brun encore humide rebondir sur son lit, puis s'étendre en tendant les mains vers lui.

"C'était chaud", murmura Steve d'un air appréciateur en caressant ses épaules qu'il savait musclées.

Billy se contenta de piller sa bouche, puis, imitant les mouvements du brun de la veille, il attrapa un oreiller pour le placer sous les hanches de son partenaire.

"La commode", indiqua Steve.

Billy se retourna vers le meuble sur lequel était posé le tube de crème qu'ils avaient utilisé la veille. Il se leva pour l'attraper, puis se repositionna entre les cuisses que Steve avait écartées.

"Il va falloir penser à investir dans un lubrifiant", commenta Billy en étalant de la crème sur ses doigts.

Steve n'eut pas l'air concerné par la remarque, il se contenta de lever ses fesses, relevant ses genoux vers son torse pour rendre son anus plus accessible.

"Gourmand, susurra Billy.

— Tais-toi, c'est de ta faute. Tu es fou, faire ça...", répondit Steve d'une voix pressante.

Billy lécha brièvement son muscle de nouveau exposé pour le contredire, puis remplaça sa langue par des doigts réchauffés.

Le premier doigt passa sans encombre, et Steve se cambra en l'accueillant en lui. Le second ne posa pas beaucoup plus de problème, tant son orifice était humide et détendu par ses soins. Il était serré, et Billy pouvait sentir les parois pulser autour de ses doigts : Steve était déjà si proche de venir, et il n'avait même pas trouvé sa prostate. Il chercha un moment, puis dans un mouvement particulièrement vif, il la trouva. Le brun cria et se cambra en crispant ses doigts sur ses cuisses relevées.

Billy profita d'avoir le lieu sous ses doigts avant d'en rajouter un – il allait mourir si sa queue ne trouvait pas vite quelque chose pour l'enserrer. Steve se crispa et prit du temps à le laisser passer, se détendant lentement. Billy attendit malgré la torture.

Le trou de Steve offrait une vision terrible : rouge, humide, étiré autour des doigts de sa main. Il fallut qu'il mobiliste toute sa volonté pour prendre le temps de le préparer, de le détendre autour de ses doigts. Puis, enfin, Steve le réclama.

Il regarda avidement son sexe pénétrer l'enceinte de Steve, étirer son intérieur et finir par disparaître totalement. Le visage de Steve n'était pas mal non plus, sa peau laiteuse était rouge jusqu'à son torse, sa bouche grande ouverte et tremblante. Il avait l'air ravagé par l'effort et le désir, et c'était quelque chose à voir : le voir se tordre volontairement pour s'accoutumer à l'étirement, jusqu'à l'apprécier, en vouloir plus.

Steve était magnifique. Billy s'étendit sur lui en écartant lui-même les cuisses du brun, puis testa sa résistance en commençant à bouger lentement. Steve hocha la tête pour l'encourager, descendant ses mains jusqu'aux fesses de Billy pour les presser vers lui. Billy le gracia de coups qui firent se révulser ses yeux.

Billy ne savait même plus qui d'eux deux gémissait, il n'était même plus sûr d'arriver à différencier leurs corps – si ce n'est que ses côtes et son dos lui faisaient mal d'être sollicités. En essayant de suivre le rythme de Steve, qui réclamait plus en pressant ses fesses et ses épaules, il déclencha une douleur vive sur son flanc gauche qu'il ne parvint pas à dissimuler tout à fait.

Steve s'arrêta net, le balayant des yeux.

"Merde, désolé !

— Non..."

Billy regarda, impuissant, le joli garçon s'échapper de dessous lui, se maudissant pour ne pas avoir réussi à cacher sa douleur – elle n'était rien à côté du plaisir ! Mais Steve ne l'écouta pas, il allongea Billy à l'endroit où il était étendu il y a quelques minutes, et Billy faillit hurler de frustration.

Puis Steve le surprit en chevauchant ses hanches.

"Reste comme ça, d'accord ? Laisse-moi faire."

Le brun prit soin de s'appuyer sur ses parties indemnes pour se soulever, attraper la bite dure de Billy, la placer contre son entrée mouillée, puis se laisser lentement tomber dessus.

Billy gémit en se cambrant pour ne pas bouger son bassin. Il sentit sa queue glisser lentement dans la chaleur serrée du brun, retournant là où était sa place, avec délectation.

"Ah, Steve !"

Il vit Steve s'arquer et se détendre doucement. L'angle devait être différent, la pénétration plus profonde – Billy se promit d'essayer...Quand il plongea de nouveau ses yeux dans les siens, Steve avait l'air parfaitement heureux. Il se mit à chevaucher sensuellement Billy, s'empalant sur son sexe en gémissant, sans le lâcher de ses yeux noirs de désir.

Steve était plus beau que jamais, et Billy se sentait absolument possédé. A ce moment, il aurait bien pu être l'esclave du Roi Steve, abandonné pour son plaisir. Steve accéléra, se laissant tomber plus durement, prenant Billy jusqu'à la garde en gémissant ; Steve lui faisait l'amour comme il faisait tout le reste : pleinement, entièrement – alors il sentit qu'il allait venir.

"Steve, je vais-

— Oui, vas-y, touche-moi !", exigea-t-il une nouvelle fois.

A peine avait-il posé la main sur la bite du brun qu'il éclaboussa son torse, se serrant tout autour de lui en une étreinte infernale, alors il arriva à son tour loin, loin, en Steve.

Son esprit erra en dehors de son corps pendant un temps indéfini. Il ne reprit le contrôle de ses membres lourds que lorsque le corps de Steve s'éloigna du sien pour s'effondrer à côté de lui. Ils reprirent tous les deux bruyamment leurs souffles, dans un état similaire d'hébétude.

"Tu es fou", haleta Steve.

Billy était encore trop submergé pour réagir. Tout son corps était détendu et satisfait, mais il était hors de question qu'il s'endorme.

"Mais ça t'a plu", affirma-t-il.

Steve tourna sa tête dans sa direction pour le regarder, semblant peser les mots de Billy. Il voyait son torse se soulever et s'abaisser rapidement, ses cheveux à semi mouillés de l'eau du jacuzzi tremper son oreiller. Les yeux de Steve étaient toujours si pénétrants, lorsqu'il s'apprêtait à dire quelque chose de troublant. Cela ne manqua pas :

"Oui, avoua-t-il dans un souffle. Je ne savais même pas que c'était possible...je crois que je ne vais plus pouvoir me passer de toi."

Le souffle de Billy se bloqua momentanément, il ne savait pas s'il devait rire ou se laisser consumer par l'alégresse.

"Enfin, c'était déjà le cas avant que tu décides de mettre ta langue dans mon cul."

Ce fut finalement l'embarra qui l'emporta, à la surprise générale. Il se sentit rougir jusqu'aux oreilles, puis toussa pour dissimuler sa gêne. Son cœur tambourinait malgré tout dans sa poitrine pour manifester son ravissement : Steve ne pouvait plus se passer de lui.

"Eh bien, tu sais qui venir voir, désormais", se moqua-t-il avec un faux détachement que l'on pourrait réserver à un partenaire de passage.

Il ne trompa personne, car un baiser chaste se posa sur le haut de sa joue.

"Je n'y manquerai pas", chuchota Steve.

oOo

Billy avait faim. Il mangerait un cheval vivant si on lui en présentait un. Mais Steve avait voulu attendre avant de commander la foutue pizza qui prenait un siècle à arriver, tout cela pour les motiver à en finir avec leur devoir de gestion le plus rapidement possible – comme s'il était incapable de faire deux choses à la fois.

Ils s'étaient assis à même le sol sur des coussins – ils avaient désormais tous les deux besoins de ménager leur derrière... – autour de la table basse du salon et avaient étalé la somme de leur travail de gestion devant eux. Il était désormais treize heures dix, ils étaient encore en train de rattraper leur retard dans la rédaction de leurs livres de bord respectifs, et Billy avait faim.

"Tu leur a bien dit de retirer les champignons ?

— Oui", répéta Steve avec exaspération.

Ils avaient fait le tri pour organiser leur dossier. Somme toute, il était plutôt complet. Il leur restait à mettre au propre le détail de leur organisation, de leur budget, et de leur projet d'avenir ; le reste était fait. Pour le moment, ils se consultaient pour être cohérant sur leurs descriptions des tâches accomplies au jour le jour : "Disons que tu as cuisiné le matin et le soir du jeudi, et qu'on a commandé le vendredi soir", "Et pour le ménage ? On parle du lave-vaisselle ?", "Disons c'est toi qui es allé chercher ces chiffres, c'était toi l'homme", et cetera.

Encore heureux qu'ils s'y étaient pris avant aujourd'hui pour faire des recherches et tracer les plans de leur maison – même si cela restait pénible de gâcher des heures de son dernier jour avec Steve pour ce foutu devoir. Bien sûr, sans ce devoir, il ne serait pas assis avec Steve autour d'une table. Peut-être devrait-il penser à envoyer des chocolats et une carte de remerciement au vieux Hold ? Il imagina Tommy jouer avec son crayon en regardant bêtement Holligan rédiger l'entièreté de leur travail pour deux, cela lui fit monter un rire. Il avait de la chance, songea-t-il en regardant le brun mordre son crayon en relisant ses calculs, beaucoup de chance.

Il était occupé à rédiger les détails monotones de ses fonctions de femme au foyer lorsque son ventre gronda.

"Elle a intérêt à être bonne. Qu'est-ce qu'ils foutent, bordel ?

— Si ça ne te plaît pas, tu peux toujours aller nous cuisiner quelque chose, chéri. C'est encore ta semaine."

Billy lui jeta un regard noir chargé de mépris, puis retourna à sa rédaction. Steve avait même refusé d'allumer la télévision pour éviter les distractions. Billy devait admettre que plus vite cela serait terminé, mieux cela irait. Dix-huit heures s'avançait à grands pas, et il avait encore des projets.

Quand la sonnette résonna enfin, il courut à la suite de Steve pour réceptionner la très grande boîte pendant qu'il payait – c'était lui l'homme, après tout. Il avait englouti une part avant d'être arrivé à la table.

"Ne tache pas les papiers du garage", prévint Steve en voyant Billy manger au-dessus de ses feuilles.

Il lui laissa manger trois quarts de la pizza géante sans manifester le moindre agacement. C'était une des nombreuses choses qu'il aimait chez Steve.

Quand sonna quatorze heures, il ne leur restait plus qu'à remettre tout dans l'ordre et à rédiger leur conclusion.

"Des idées ?", demanda le brun en classant les papiers.

Il y en avait bien une qui tournait dans l'esprit de Billy depuis des jours, mais il n'était pas sûr de vouloir la formuler. Ce qui était certain, c'est qu'il ne pouvait pas la formuler dans être ridicule.

Il regarda Steve, penché au-dessus de ses notes, une mèche s'échappant de ses cheveux laqués tombant au coin de son œil. Ses épaules larges, son cadre svelte, ses lèvres...Il se rappela de ce à quoi il avait ressemblé en apprenant à Dustin à jouer – à essayer de jouer – ou en répondant à ses questions perturbantes dans la voiture, ou encore à cet air qu'il avait eu en voyant le petit Byers maltraité, ou quand il leur payait leur nourriture sans rechigner ; tant d'images de Steve qui lui firent ouvrir la bouche plusieurs fois pour aussitôt la refermer.

Il allait peut-être oser parler lorsque Steve releva les yeux, et qu'il perdit tout son courage.

"Bien, acheva Steve, alors contentons-nous de résumer nos impressions, qu'est-ce que tu en dis ?

— Bonne idée."

Le brun lui tendit leur papier et son crayon.

"C'est toi qui écris le mieux.

" Ok, alors...commença Billy en saisissant la page, que dis-tu de : 'Ce devoir nous a appris qu'un tube de crème pouvait faire office de lubrifiant' ?"

Le visage de Steve passa au rouge en un temps record. Billy se mordit la joue pour ne pas éclater de rire.

"Je ne suis pas certain que monsieur Hold apprécie, répondit Steve en souriant.

— Même si on partage le prix du tube et qu'on fait un devis pour une utilisation quotidienne sur vingt ans ?"

Steve éclata d'un rire clair. Ils durent ensuite se résoudre à faire des propositions sensées.

"Alors, essaya Steve, j'ai appris que la communication était importante au sein d'un ménage.

— C'est bien, on ajoute ça...Quoi d'autre ?

— Que le prix de la vie était cher.

— Oui...acquiesça Billy en écrivant. Une belle leçon pour un garçon riche.

— Boucle-la. Il sera content si on le dit. Et...que le partage des tâches...

— ...que c'est par le partage raisonné des tâches ménagères et des frais de vie commune nous sommes parvenus à élaborer un plan de vie cohérant, ce sans quoi la difficulté de la vie active nous aurait exposé à la précarité, marmonna Billy en couchant rapidement les mots sur le papier.

—Oui, euh, c'est ce que je voulais dire, répondit le brun. Si c'est déséquilibré, eh bien, ça s'effondre, ou un des deux subit...

— ...nous avons réalisé que la durabilité d'un ménage et de sa situation dépend de la stabilité de ses deux parties, reformula Billy sans relever les yeux de sa feuille.

— Voilà ! C'est fou, tout semble bien dans l'ordre et intelligent quand tu le dis."

Billy ponctua sa phrase et leva les yeux vers le brun qui le regardait avec la tête appuyée sur la paume de sa main, comme hypnotisé – ou comme une élève amourachée.

" Oui, je suis la preuve vivante qu'on peut n'avoir que des qualités.

— Ouais, répondit Steve en levant un sourcil à la fois sceptique et amusé.

— Et pour l'ouverture ? demanda Billy. Hold en veut une..."

Billy avait bien une idée, mais il préférait toujours la garder pour lui.

"On pourrait proposer un agrandissement du garage ? proposa Steve.

— On a déjà proposé que tu quittes ton emploi pour travailler avec moi.

— Alors de la maison ?

— Pourquoi pas, répondit Billy en mordant on crayon. Mais elle est déjà grande.

— C'est vrai, hm...on n'a qu'à juste dire qu'on essaye de mettre assez de côté pour aller en vacances."

Ils ne trouvèrent pas de meilleure idée, alors ils conclurent leur devoir et agrafèrent leurs pages à la hâte, pour enfin apposer leurs deux noms sur la page de garde. Billy resta fixé un moment sur leurs deux noms se suivant : "Billy Hargrove et Steve Harrington", ne sachant pas bien quelle impression cela lui causait, et puis reposa leur devoir au centre de la table.

Steve regarda leur dossier, puis Billy, avec le même air de finalité.

"Et maintenant ? demanda-t-il doucement.

— Va chercher ton manteau", répondit Billy.

Steve se retourna pour lancer un regard effrayé à l'horloge, Billy savait qu'il s'était attendu à voir l'aiguille bien plus basse qu'elle ne l'était en réalité.

"Pas pour ça", intervint Billy avec plus de tendresse que prévue.

Steve lui adressa un regard étonné, il s'était sûrement attendu à passer leurs dernières heures pelotonnées ensemble en essayant d'oublier la trotteuse, mais Billy avait un autre plan pour eux. Il haussa les sourcils en regardant le brun qui lui adressa un sourire avant de se diriger vers le portemanteau de l'entrée.

Billy enfila son manteau épais, ses gants en cuir et sa putain d'écharpe, puis ouvrit la porte d'entrée.

"Ma Camaro", dit-il quand Steve eut ouvert le garage.

Steve ne discuta pas, mais ouvrit des yeux étonnés en le voyant se diriger vers la portière côté passager. Sa surprise s'aggrava lorsqu'il regarda Billy ouvrir la portière et la tenir ouverte dans faire un geste pour rentrer. Il regarda Billy, la portière, puis encore Billy, et ainsi de suite jusqu'à ce que son étonnement se creuse avec la compréhension. Il marcha lentement vers le siège passager et ne manqua pas d'adresser un regard stupéfait à Billy avant de s'assoir avec hésitation. Billy regerma la portière en savourant le fait d'avoir réussi à tenir une porte à Steve sans que celui-ci proteste ou l'insulte.

Il sifflota jusqu'à ce qu'il soit installé et ait finit de reculer jusqu'à rejoindre la route.

Steve le regardait toujours avec les sourcils levés tandis que Billy conduisait en sifflant avec légèreté l'air qui passait à la radio, faisant semblant de ne pas voir son expression interdite.

"Billy ?

— Hm ?

— Est-ce que tu m'emmène à un rendez-vous ?

— Tout à fait", répondit-il sans marquer de temps d'hésitation.

Billy lui jeta un regard, les joues de Steve s'étaient légèrement teintées et ses yeux pétillaient d'amusements, ses yeux passaient et repassaient sur son profile rapidement comme s'il y cherchait quelque chose.

"Billy ?

— Oui, joli garçon ? demanda-t-il lentement sans quitter son air guilleret.

— Tu me sors comme un petit-ami ?"

Ah. Il fallait toujours compter sur Steve pour ne rien laisser se passer simplement. Billy serra spasmodiquement ses doigts que le cuir bosselé de son volant en se forçant à déglutir ; il pouvait presque sentir de la sueur perler à ses tempes. Mais à quoi servait de se voiler la face ?

Si Steve était quelque chose pour lui, c'était au minimum un petit-ami – même ces mots semblaient faibles pour nommer la place que prenait désormais Steve dans sa vie. N'avaient-ils pas été mariés ? se demanda-t-il ironiquement. Mais tout le problème était là, et Steve devrait le comprendre, maintenant : son père ne le laisserait pas conserver cette place dans l'esprit – et le cœur – de Billy.

Un petit-ami, cela entendait des responsabilités, non ? Une présence, un soutien, une fidélité, et tout un tas de petites attentions que Billy serait bientôt incapable d'avoir ouvertement. Alors qu'est-ce que cela pouvait bien signifier, de se dire petits-amis ?

Son pied gauche battait le plancher de la Camaro sans qu'il puisse s'en empêcher. A sa droite, Steve gardait le silence et le regardait sans ciller ; comme toujours lorsqu'il exigeait que Billy formule quelque chose qu'il n'avait aucune envie de dire.

"C'est ce que tu veux ?", demanda-t-il sans parvenir à feindre la légèreté.

Steve soupira en penchant la tête. Billy n'osa pas regarder son expression qui devait indubitablement être teintée de déception.

"Je te le demande, Billy. Est-ce que, toi, tu le veux ?

— Ce que je veux ne compte pas", déclara-t-il avec le ton de celui qui explose des faits, mais échouant à garder l'amertume loin de sa voix.

Le brun le jaugea longtemps, en silence, puis reprit doucement :

"Ça compte, pour moi. Oublie tout le reste, s'il te plaît : est-ce que tu veux sortir avec moi ?"

Le cœur de Billy martelait ses côtes, ses tempes, l'empêchait de réfléchir. Oublier tout le reste...ne garder que ses envies – c'était vain et dangereux.

Vain, et dangereux.

"Oui."

Steve passa une main sur sa cuisse qui ne tremblait pas de nervosité. Billy le regarda esquisser un sourire difficile, montrant autant de joie que de chagrin. Puis il vit les yeux bruns qui, eux, étaient déterminés, inflexibles.

"Alors on fera notre possible, ensemble."

Les mains de Billy étaient moites contre le volant. Cela lui rappelait le début de leur devoir : déjà, alors, Steve insistait pour qu'ils affrontent les difficultés ensemble. Il eut le sentiment qu'ils avaient réellement vécu ces deux semaines de mariage en tant qu'époux ; maintenant que Steve et lui étaient vraiment ensembles, ils allaient devoir faire face à bien plus que de simples aléas, mais celui qui avait été son mari resterait égal à lui-même. Il ne laisserait pas Billy faire face tout seul à ce qui l'attendait, à toutes les impossibilités qu'il allait rencontrer : et s'ils échouaient, ce serait ensemble.

Son pied s'était arrêté de frapper le sol. Il libéra une de ses propres mains pour la poser sur la cuisse de son petit-ami.

"Bien, alors, tu m'emmènes où ?", demanda Steve avec la voix chargée d'émotions.

Billy prit soin de se racler la gorge avant de répondre.

"Là où je t'ai dit que je t'emmènerai", dit-il, énigmatique.

Il pouvait voir les rouages tourner dans la joie tête brune à sa droite. Steve se demandait probablement s'il avait manqué quelque chose ; il lui faudrait chercher plus loin. Mais le visage de Steve montra étonnamment vite des signes de compréhension.

"Au cinéma ? avança-t-il avec vivacité.

— Bingo.

— Tu t'en es souvenu, constata Steve en exprimant surprise et bonheur.

— Ouais, dit Billy en remuant sur son siège. Je te préviens, c'est sans Holligan."

Steve s'esclaffa et Billy eut la nette impression que sa possessivité ne passait pas inaperçue, pas plus que sa vielle rancœur de les avoir laissés ensemble mardi soir.

oOo

Holligan était là.

Holligan était là, avec Tommy. Billy n'en croyait pas ses yeux. Ses efforts pour que Steve ne les aperçoive pas furent vains.

Le footballeur avait le nez violacé, souvenir du poing de Billy. Il ne savait pas bien s'il le regrettait, mais il savait en revanche que si Steve l'apprenait, il le lui ferait regretter.

"Yo, vous aussi vous venez fêter la fin de cette merde ?", demanda Tommy.

Etonnamment, il avait compris Steve dans sa question au lieu de se contenter de l'ignorer. Ils se gardèrent cependant bien de répondre.

"Salut, c'était un joli match, vendredi, salua Blaise en regardant Steve, le sourire aux lèvres.

— Ouais, répondit Steve en jetant des regards à Billy. On a fait de notre mieux.

— Heureusement que tu es revenu à temps", répliqua le footballeur.

Billy regarda Tommy qui échangea avec lui un regard de dégoût. Steve rigola bêtement sans trop savoir quoi répondre.

"Vivement que ce putain de devoir se termine, grommela Tommy.

— Vous avez tout terminé ? s'enquit Steve.

— A l'instant, répondit Blaise.

— Nous aussi."

'Ça vous fait tellement de points communs !', cria une voix hystérique dans la tête de Billy. Tommy regardait ailleurs avec lassitude, bien qu'il n'ait certainement rien fait pour aider Blaise à terminer le devoir.

"Bon, eh bien on est contents pour vous, intervint Billy en passant un bras autour des épaules de Steve, mais on va finir par louper la séance, alors, bon film !"

Il commença à tirer le brun vers le guichet mais cela ne pouvait évidemment pas être aussi simple.

"Vous allez voir quoi ?", demanda Tommy.

Si Billy avait été moins idiot, il l'aurait demandé avant Tommy, afin de pouvoir choisir un autre film qu'eux. Il balaya rapidement la liste des films du regard, et remarqua que Les griffes de la nuit était encore à l'affiche et passait bientôt. Billy l'avait déjà vu, et Tommy aussi si sa mémoire était bonne. Mais un film d'horreur était un choix idéal pour un rendez-vous, et il espérait sincèrement que le fait que Tommy l'ait déjà regardé l'empêcherait de le choisir.

"Les griffes de la nuit", répondit-il en essayant de ne pas regarder la tête brune collée à son épaule.

Blaise Holligan avait son nez violet pointé sur le bras possessif de Billy ; un instant, leurs yeux se croisèrent. Il était impossible qu'il imagine ce regard noir qu'il lui lançait, aussi bien Billy lui rendit-il.

"Et vous ? demanda Steve.

— La même chose, répondit Holligan.

— Ah ?", interrogea Tommy qui venait visiblement de l'apprendre.

Tommy aussi les regardait étrangement. Il n'était pas observateur, mais Billy n'était pas subtil non plus. Il essaya de ne pas toucher Steve plus qu'avec son bras pour que l'étreinte puisse paraître plus ou moins amicale.

"Je peux te dire un mot, Steve ? demanda le footballeur.

— Euh, oui ?"

Blaise lui fit un signe de tête pour lui demander de s'éloigner avec lui. Billy résista à la tentation de le retenir lorsque Steve s'écarta avec un sourire navré.

"Je paye en attendant, s'exclama Billy assez fort pour que Blaise puisse entendre qu'il invitait Steve.

— Vous êtes vraiment bizarres", remarqua Tommy qu'il avait oublié.

Billy lui jeta un des regards les plus menaçant qu'il avait en stock, mais Tommy sembla peu impressionné.

"Ce mec me monte les nerfs, grogna Billy dans l'espoir de détourner l'attention de Tommy.

— Et encore, tu n'as pas vu comment il range ses chaussettes. Un vrai maniaque. Il m'a sauté à la gorge parce que j'ai déplacé un de ces putain de trophée."

Billy était heureux que sa tentative fonctionne et de s'entendre confirmer à quel point Blaise Holligan était merdique. Il ne pouvait cependant pas s'empêcher de regarder du coin de l'œil la discussion qu'avait ce type avec son petit-ami-et-encore-époux.

Blaise avait les mains dans les poches et était penché vers Steve. Il était plus grand que lui, bien que Steve ne soit pas petit – nulle part, d'ailleurs, mais ça, Holligan ne le saurait jamais – et avait un peu baissé la tête comme pour échanger des messes basses avec lui. Steve avait l'air absorbé par ce fils de pute ; lorsqu'il lui dit quelque chose avec un air gêné, il vit les sourcils de Steve se plier d'incompréhension.

"XL", dit Tommy au vendeur en plaquant un billet sur le comptoir.

Billy prit la taille du dessus au cas où Steve soit du genre à manger des popcorns. Billy espérait qu'il aurait la chance de le voir sursauter et éparpiller du maïs soufflé, ce serait adorable et il aurait alors une bonne raison de le toucher pour le rassurer.

"Hors de question que je paye pour lui", souffla Tommy lorsque Billy acheta deux places.

Steve avait désormais les joues rouges, Billy le voyait d'ici. Il faillit intervenir en le voyant, mais Tommy voulait aller s'installer dans la salle. Il jeta un dernier regard sur le visage empourpré de son petit-ami en s'enfonçant dans la salle obscure.

Ils choisirent la dernière rangée, celle des gens cool – et des amants. Tommy était à sa droite, occupé à dévorer son pot à pleines mains.

"Pourquoi ta nana n'est pas là ? demanda Billy.

— Shopping, répondit-il le bouche pleine. On s'emmerdait alors Holligan a parlé de ciné, et j'ai suivi. Maintenant que tu es là, ma journée s'améliore ! Quelle putain de devoir..."

Billy renversa sa tête sur son fauteuil de velours rêche en soupirant. Sa journée à lui serait bien meilleure sans eux. Pendant les pubs, Tommy lui raconta la manière qu'avait Blaise de souligner les mots importants à la règle, de trier son linge par couleur comme une gonzesse, et même de se sécher après la douche en passant trois fois sa serviette sur l'intégralité sa peau pour ne pas laisser une seule goutte. Ces détails semblaient horripiler Tommy au plus haut point, mais Billy trouvait cela flippant qu'il les ait même remarqués.

Enfin, Steve vint s'assoir à sa gauche, Hooligan choisissant évidement de se mettre à côté de lui plutôt qu'à la droite de Tommy.

"Qu'est-ce qu'il voulait ? demanda-t-il à voix basse.

— Rien", répondit Steve trop rapidement.

Billy tourna complètement sa tête dans sa direction et le fixa sans relâche jusqu'à obtenir une autre réponse.

"Je te le dirai après, chuchota alors Steve. Tu nous as pris des popcorns ?"

Il plongea sa main dans le sceau pour changer de sujet. Billy allait faire un scandale quand Steve fut sauvé par le gong : le film commença.

oOo

Billy était déçu. Outre le fait qu'ils soient cernés de toutes part par deux connards, il avait espéré que Steve émettrait des réactions intéressantes en découvrant Freddy Krueger ; mais Steve restait anormalement stoïque, même aux moments où Billy avait sursauté la première fois qu'il avait vu le film.

"Tu l'as déjà vu ? lui avait-il demandé.

— Non."

Impossible, avait-il songé. Toute la salle sursautait et Steve restait impassible, regardant tranquillement l'écran en grignotant ses popcorns. Même ce connard de Holligan avait eu des mouvements de reculs très visibles, au grand bonheur de Billy.

Il nota mentalement de ne pas sous-estimer le self-control de son petit-ami. Peut-être avait-il vu un tas de films bien plus flippants ?

En résumé, Billy qui regardait Steve plus que le film en maudissant la présence des deux autres – songeant avec mélancholie à tout ce qu'ils auraient pu faire assis seuls au dernier rang – n'avait même pas le réconfort de voir Steve se tordre sur son fauteuil.

Il mourrait d'envie de passer son bras autour de Steve, guettant vainement l'occasion de pouvoir le faire. Il n'y a qu'au moment de la scène de la baignoire que Billy avait noté un changement d'expression chez son partenaire : La fille avait lutté pour ne pas s'endormir dans son bain, mais elle avait fini par céder, alors, une main pleine de lames avait émergé de l'eau et l'avait entrainé vers des profondeurs paranormales pour la noyer ; ses cris n'avaient servi à rien quand le monstre l'avait tiré loin de la surface – le visage de Steve s'était durci.

Il avait froncé les sourcils avec un air grave, et les muscles de sa mâchoire avaient sailli. Il n'avait paru ni terrifié ni fasciné, mais animé d'une consternation dévorante.

C'était étrange, il semblait prendre à cœur les intérêts de cette fille et prêt à passer de l'autre côté de la toile du film pour aller la sauver lui-même ; Billy en aurait presque été jaloux : était-ce cette nana qui était assez irrésistible pour faire naître chez son compagnon des pensées chevaleresques ? Il avait sur le visage cet air qu'il avait eu en éloignant Billy de l'obscurité de son terrain.

Sans penser à passer un bras possessif autour de lui, il glissa silencieusement sa main jusqu'à celle de Steve qui reposait sur ses jambes. La main de Steve eut un sursaut, puis se détendit lentement dans celle de Billy qui l'entraîna alors entre leurs sièges pour plus de discrétion. Steve le regarda en laissant peu à peu ses traits s'adoucir. Il passa ses doigts tendrement entre ceux de Billy en le regardant régulièrement avec un doux sourire.

Ils passèrent alors le reste du film à partager secrètement quelques caresses et des regards complices.

oOo

La lumière brula les yeux de Billy en même temps que le vent froid s'engouffra dans ses cheveux.

"On va chez Jerry's ?", proposa Tommy.

— Nan, mon époux et moi devons nous faire nos adieux."

Steve rougit et Holligan détourna son regard vers l'horizon.

"Il faut qu'il prépare ses affaires, expliqua Steve.

— Tu rentres ce soir ? questionna Tommy. Mes parents ont pris leur week-end et ont demandé aux parents de Blaise de me garder jusqu'à lundi."

Quel fils de pute chanceux. L'ingrat ne semblait cependant pas ravi par la décision. A en croire l'expression du footballeur, le sentiment était partagé.

Ils prirent alors congé les uns des autres et Billy nota que Blaise était moins chaleureux envers Steve qu'en temps normal. Il se contenta de lui dire au revoir à lui seul sans adresser un regard à Billy, mais sans le sourire mièvre qui l'accompagnait habituellement.

Steve le suivit jusqu'à la Camaro, désormais aussi blanche que les autres voitures du parking, et ils partirent sans tarder pour réchauffer le moteur.

Billy s'arrêta à l'épicerie pour acheter quelques bières, non sans vérifier que la voiture verte de son paternel n'était pas dans le coin, puis emmena Steve à travers les chemins sinueux des environs d'Hawkins.

"La carrière ? demanda Steve.

— Ouaip.

— Je ne me souviens pas d'un rendez-vous qui n'ait pas fini là-bas, plaisanta-t-il.

— Je reste traditionnel."

Ils se garèrent face au précipice enneigé bordé de sapins gelés. Billy se contorsionna pour attraper deux bières, ils trinquèrent alors en restant bien au chaud dans la voiture.

"A ces deux semaines de cohabitation forcée, clama Billy.

— Aux idées conservatrices de monsieur Hold !"

Ils burent en riant. Billy se fendit d'un sourire en songeant que, désormais, le souvenir de la soirée que Steve avait passée avec Holligan devait être éclipsé par le sien.

"Qu'est-ce qu'il te voulait, alors ?"

Steve avala de travers et toussa. Difficile de dire si ses joues étaient devenues rouges à cause du manque d'oxygène.

"Qui ?", demanda-t-il d'une voix haut perchée.

Le regard las et de plus en plus méfiant de Billy le fit continuer.

"Ah, Blaise ! Euh, juste me parler de choses et d'autre, rien d'important."

La défiance s'aggrava encore en lui, il sentit ses traits se crisper peu à peu. Le brun en lâcha presque sa bière lorsqu'il se précipita pour répondre.

"D'accord, mais s'il te plaît, promets-moi que tu ne lui feras rien !

— Certainement pas !

— Billy, reprit Steve gravement, je ne lui ai pas demandé qui l'a frappé au visage, ne m'oblige pas à devoir m'inquiété de sa santé."

Ils se lancèrent des regards de défis. Si Steve se doutait que Billy avait frappé son cher Blaise, pourquoi ne l'avait-il pas soulevé plus tôt ? Il se rappela ensuite la manière dont il avait frappé Holligan, ce qu'il lui avait dit, ce que cela lui avait fait en pensant à la réaction que Steve aurait. Pourtant, Steve avait pansé ses plaies, s'était donné à lui, sans rancœur. Billy n'avait aucune envie de retenter sa chance ; Steve venait de le prévenir : il ne laisserait pas couler deux fois.

Cependant, il refuserait catégoriquement de laisser Blaise s'approprier en toute impunité ce qui était désormais son petit-ami. Billy oserait-il rappeler à Steve la promesse qu'il lui avait faite ?

"D'accord, cracha-t-il. Maintenant, je veux savoir tout ce qu'il t'a dit."

Il laissa toute sa possessivité transpirer par tous les pores de sa peau, espérant que son aura ferait comprendre à Steve qu'il y avait des lignes à ne pas dépasser si l'on demandait à Billy Hargrove de se contenir.

Steve soupira faiblement, la gêne regagnant son langage corporel.

"Bien, il m'a demandé ce qu'il y avait entre nous."

Il lui fallait rester calme ; aussi calme que la surface d'un lac, ou que Steve face à la nullité de Dustin. Ce n'était pas une mince affaire. De quel droit ce mec mettait-il son nez dans leur histoire ? De plus, c'était un sportif qui détestait Billy. Il lui serait simple comme bonjour de détruire la vie de Billy si Steve avait avoué.

"Je ne lui ai rien dit, poursuivit-il, mais il a compris, je crois."

La peur s'insinua dans ses veines.

"Non, il ne faut pas s'en faire, reprit-il précipitamment.

— Et comment tu peux en être sûr ?

— Eh bien..."

Steve se mordit les lèvres, hésitant à poursuivre. Billy allait craquer qu'il ne brisait pas bientôt le suspens.

"Euh, c'est-à-dire qu'il m'a en quelques sortes proposé de passer plus de temps avec lui.

— Quoi !

— Seulement lui et moi, expliqua Steve avec embarra.

— Et tu me demandes de ne rien faire ? gronda Billy. Je croyais que, je croyais qu'on avait dit -

— Je n'ai pas accepté !", s'écria Steve avec fermeté.

Steve passa sa main sur la sienne qui était agrippé à son siège, puis approcha son visage du sien jusqu'à ce qu'ils respirent le même air.

"Que toi", murmura-t-il.

Alors Billy se détendit. Leurs nez se frôlèrent doucement à la manière des oiseaux s'apprivoisant de leurs becs. Leurs bouches se trouvèrent, et Billy soupçonna le brun d'essayer de le noyer de plaisir pour lui faire oublier toute leur conversation.

Billy s'écarta pour reprendre des grandes bouffées d'air, bien décidé à ne pas se laisser charmer.

"Qu'est-ce qu'il a dit d'autre ?"

Steve écarta les lèvres, puis abandonna ce qu'il était sur le point de dire. Il enlaça de nouveaux leurs doigts et Billy comprit que ce qui allait suivre n'allait pas être agréable.

"Il m'a mis en garde contre toi, avoua-t-il en regardant le paysage enneigé par-dessus l'épaule de Billy. Il m'a dit que tu étais violent et instable, qu'il était dangereux de te faire confiance."

Les mots tournèrent dans sa tête ; bien qu'ils ne lui fussent pas étrangers, Billy se rendit compte qu'il avait craint de les entendre. Il savait qu'à tout moment, Steve pourrait recommencer à le voir tel qu'il était, et cesser de l'apprécier.

"Il dit vrai", grinça Billy.

Steve retrouva ses yeux.

"Non.

— Tu sais très bien que si, retorqua-t-il avec un rire amer. Tu l'as déjà vu."

La main de Billy se leva fébrilement vers la zone de cheveux bruns sous laquelle il savait qu'était dissimulée la fine cicatrice qu'il lui avait laissé, se demandant s'il avait encore le droit d'aller la toucher.

Steve le regardait avec les pupilles tremblantes.

" Je l'ai vu, confirma Steve, et j'en vois d'avantage, maintenant. Billy, je sais de quoi tu es capable."

La main de Billy retomba lourdement sur son jean, pourtant, Steve s'en saisit aussitôt.

"Tu es capable d'être protecteur, et gentil-

— Tu nous confonds-

— Non. Je te vois beaucoup mieux qu'avant, et j'ai confiance en toi."

'Tu as tort', les mots planaient au-dessus d'eux, et Steve sembla les entendre. Billy quant à lui sentait résonner les mots blessant de Nancy sans pourtant jamais ne les avoir entendus.

Les mots manquèrent à Billy qui serra sa main autour de celle de Steve.

N'en finiraient-ils jamais de toutes ses conversations épuisantes ? Billy avait espéré emmener Steve à un rendez-vous, il avait voulu leur créer un souvenir qu'il pourrait invoquer lorsqu'il en ressentirait le besoin – ce qui, du reste, ne saurait tarder.

Une main passa sur sa mâchoire et l'entraîna vers les lèvres de Steve, il ne résista pas. Son cœur battit à tout rompre tandis qu'il se sentait aussi proche de Steve, et aussi désespéré de se rapprocher encore, que la nuit dernière quand Steve l'avait pris devant le feu de cheminée. Il sentait les secondes s'écouler tout en s'abandonnant dans le baiser comme un mourant.

Il ne cachait plus rien à Steve qui l'acceptait avec toutes ses imperfections, ses tendances, l'incertitude de son avenir proche. Billy n'avait jamais pensé pourvoir être aimé autrement qu'en surface. D'une certaine manière, ce rendez-vous laisserait bel et bien sa trace.

Ils ne parvinrent pas à s'empêcher de se toucher davantage, se caressant en n'ayant la patience que de baisser leur bargette, et sans jamais lâcher leurs lèvres.

Steve le remercia entre deux baiser pour l'avoir emmené au cinéma, comme s'ils étaient des amants normaux, puis continua de lui murmurer des encouragements et des compliments en frottant la paume de sa main contre le bout de son sexe de manière experte.

Billy haletait contre les lèvres humides en serrant sa propre main autour de Steve de la même façon qu'il l'appréciait lui-même, mais ce n'était pas dans sa main que son sexe fuyait. Il sentait son joli garçon partout dans sa voiture – pourvu qu'il y laisse son odeur ! Il se sentait s'anéantir et s'en fichait lorsqu'il balbutiait entre les baisers des mots incompréhensibles.

Il vint en même temps que Steve, étouffant son nom contre ses lèvres, le mordant même.

Steve glapit sous la morsure mais ne le lâcha pas, continuant d'étreindre sa queue en se moquant d'être taché de sperme ; Billy s'évertua à faire de même.

Son esprit retrouva soudainement son corps et il eut conscience d'avoir la main salie. Il écarta son front moite de celui de Steve et lui tendit un chiffon qu'il gardait dans la portière de sa voiture pour pouvoir la dépoussiérer. Mais quand il se retourna il fut saisi par le regard pénétrant du brun qui suçait le bout de ses propres doigts maculés sans le lâcher des yeux.

Le cœur de Billy ne battait plus assez vite pour l'afflux de son sang.

"Merde", s'étrangla-t-il.

Steve lui arracha le chiffon des mains pour achever d'essuyer ce que sa langue avait manqué et le balança négligemment à l'arrière avant de se jeter à nouveau sur ses lèvres.

"Ne fais pas comme si j'étais le plus pervers dans cette voiture", souffla Steve en souriant contre ses lèvres.

Il fallait avouer que sa scène dans le jacuzzi plaçait la barre assez haute. Il ne laissa pas à Billy l'occasion de répondre, il l'embrassa.

"Tu n'en as jamais assez ? railla Billy en parvenant à s'écarter d'un centimètre.

— Non.

— Gourma-

— Répète-le", exigea Steve en lui coupant la parole.

Les baisers que Steve parsemait partout sur son visage ne l'aidaient pas à comprendre.

"Tu n'en as jamais assez ?", répéta-t-il avec interrogation.

Steve étouffa un rire contre sa peau. Il glissa ses lèvres le long de sa joue et vint laper la bordure de son oreille.

"Allez, s'il te plaît, susurra-t-il en passant une main dans les boucles tombant sur sa nuque.

— Quoi ?", demanda-t-il, interloqué.

Les dents de Steve tirèrent doucement sur sa boule d'oreille – le faisant frissonner – puis sa langue laissa une trace humide tout le long de son cou jusqu'à l'endroit où il avait laissé son suçon il y a quelques jours. Billy sentit le souffle d'un soupir s'écraser contre sa peau, des lèvres le frôler. Tout son corps était incroyablement plié pour répondre au contact de Steve alors qu'il venait de jouir i peine une minute. C'était toujours comme cela, avec Steve : il se sentait aussi sensible qu'avant de s'être touché, il était avide de contacte, se sentant presque incapable de se lever pour saisir une cigarette comme il avait l'habitude de le faire après avoir baisé.

C'était encore le cas maintenant que Steve déposait des baisers sur sa nuque accueillante tout en passant ses doigts entre ses cheveux, il n'avait pas d'autre envie que de se prélasser entre les mains du brun.

"Tu ne t'en rappelle pas, hein ?", la voix de Steve semblait plutôt amusée qu'autre chose.

Malgré ses efforts de concentration, Billy n'arriva pas à comprendre ce que Steve lui demandait. Il ne se souvenait pas avoir dit la moindre chose valant la peine d'être répétée.

La main droite de Steve avait retrouvé l'emplacement de ses côtes contusionnées sous son manteau épais, et le caressait à travers le tissu de sa chemise. Il devait connaître l'endroit désormais, il lui avait encore passé de la crème avant qu'il ne s'habille. Il ne sut pas pourquoi la caresse délicate faisait voler des papillons partout dans son ventre.

"Ce n'est pas grave, reprit Steve en s'écartant pour lui adresser un sourire charmé. Tu me le rediras."

Les yeux pétillants de Steve ne contenaient visiblement aucune déception, ce qui le fit s'inquiéter : aurait-il dit quelque chose de mortifiant dans le feu de l'action ? Le sourire tendre de Steve ne présageait rien de bon, pas plus que le baiser chaste qu'il posa ensuite sur ses lèvres comme s'il embrassait à nouveau une putain de princesse.

Steve laissa échapper un petit rire en le regardant froncer les sourcils. Après s'être rhabillés, ils reprirent leurs bières et contemplèrent à nouveau l'étendu du paysage blanc qui se dessinait à travers les vitres embuées.

"Vingt minutes, déclara sombrement Billy en apercevant les aiguilles de la montre de Steve.

— Oui. On se revoit lundi matin, déclara Steve avec une voix aussi enjouée que possible.

— Ouais, on n'aura pas le temps de se manquer, joli garçon."

La deuxième bière de Billy était déjà presque vide.

"Dire que si le sort ne nous avait pas mis ensemble pour ce devoir, on ne s'adresserait même pas la parole !

— Tu n'es pas facile à approcher, Roi Steve.

— Tu plaisantes ?

— Une vraie porte de prison, affirma Billy en hochant gravement la tête.

— Ça n'a pas eu l'air de t'impressionner.

— Détrompes-toi, joli garçon, détrompes-toi."

Il détourna la tête lorsque Steve essaya d'attraper son regard.

"Tu...tu avais envisagé ? Je veux dire : toi et moi ?

— Je n'avais envisagé personne, répondit-il sincèrement. Je ne t'appréciais pas : tu me regardais à peine ou avec dégoût, et tu étais trop...intéressant."

Steve le regarda longuement avant d'hocher la tête.

"Je n'ai vraiment rien de spécial, rétorqua-t-il.

— Ouais, Roi Steve, rien, acquiesça-t-il ironiquement. Je me souviens de cet autre gars en Californie qui s'est battu contre moi parce que je voulais récupérer ma sœur."

Steve le regarda en pinçant les lèvres, ce n'était peut-être pas le genre de souvenir à invoquer. Steve n'était pas banal, pas pour lui : personne ne l'avait jamais défendu comme lui en s'interposant face à son père, personne ne l'avait jamais méprisé puis protégé comme Steve. Les deux semaines qu'ils avaient passés ensemble l'avaient rendu unique au monde.

"J'ai une idée pour l'ouverture de notre travail", engagea Billy.

Il espérait que la suggestion effacerait les souvenir de cette nuit de combat de la tête de Steve. Quelque part, il voulait lui montrer qu'il avait changé. Il ne voulait plus être associé au fou dangereux qui menaçait de frapper des gamins et qui éclatait des assiettes sur la tête de Steve, qui étranglait Sinclair contre un mur...

"Une idée ? interrogea Steve. Encore une en rapport avec un usage déviant du tube de crème ?

— Nan, souffla Billy en riant. A moins que tu veuilles transformer notre futur 'A' en 'Z'.

— Tu penses qu'on aura un A ? s'enquit Steve avec entrain.

— Ouais, notre travail est presque parfait.

— Génial ! s'exclama-t-il avec des yeux pétillants. Et ton idée ?"

Billy hésita maintenant que Steve avait repris son sourire. Mais de quoi avait-il peur ? Au point où il en était.

"Je me disais qu'on pourrait avoir un enfant."

Steve pressa rapidement sa main contre sa bouche et son nez pour éviter de recracher sa gorgée de bière dans la Camaro – Billy lui en fut reconnaissant. Son expression valait presque la peine d'avoir lui-même l'air ridicule.

"Un enfant ? répéta Steve en toussant. Pour le devoir ?

— Peu de chance que je t'aie mis enceinte tout à l'heure, grommela Billy avec un regard noir. Evidemment, pour le devoir !

— Oui, évidement, bégaya Steve en tentant de reprendre contenance. Tu veux qu'on prévoie un enfant dans le projet ?

— C'était juste une idée", répondit sèchement Billy, vexé par l'incrédulité de Steve.

Steve se rapprocha tellement de lui que Billy se demanda s'il n'allait pas simplement lui grimper sur les genoux.

" C'est une super idée ! s'exclama Steve. On pourrait même dire qu'on l'adopte, pour éviter de devoir choisir lequel de nous deux joue la femme et prend les congés maladies, qu'est-ce que tu en dis ? Mais il faudra quand même qu'on revoit le planning pour s'en occuper, poursuivit-il sans attendre de réponse. Je pense que ça pourrait plaire à Hold ! Avec le garage, je pense qu'il faudra que je m'en occupe la plupart du temps, mais si l'affaire est déjà lancée..."

Billy regarda Steve babiller gaiement en oubliant d'être vexé. Steve était beau aussi lorsqu'il se perdait dans ses phrases, il se laissait rarement parler aussi librement. Il pouvait l'imaginer avec un enfant comme il l'était avec sa bande de gamins – sauf que cette fois-ci, ce serait le leur ! Steve s'occuperait de celui de Billy. Cette idée impossible était tout à fait agréable.

"Fille ou garçon ? demanda Steve tandis que Billy se décidait à démarrer la voiture.

— Euh, je ne sais pas...

— Pas de préférence ? Ce serait plus réaliste si on lui donnait un prénom.

— Pas si c'est un projet, en ouverture d'un devoir.

— Ouais, peu importe, accepta Steve en semblant ne l'avoir entendu qu'à moitié. Tant qu'il a tes yeux."

Il manqua de faire un écart sur la route en entendant la remarque. Steve lui-même semblait surpris de son audace, ses joues avaient pris une jolie teinte rose et il lui jetait de petits regards rapides.

"Enfin, je veux dire que- c'est pour le devoir, ahah, enfin, quitte à choisir-

— Tout va bien, joli garçon."

Steve arrêta de gigoter et tenta de lister les choses qu'il faudrait rajouter à la fin de leur devoir pour former cette ouverture. Billy lui dicta des phrases que Steve s'efforça de retenir pour pouvoir les écrire une fois Billy parti.

Une fois rentrés, il ne leur restait plus que huit minutes avant que Billy n'arrive en retard chez Neil. Ses valises étaient déjà prêtes, il ne fallut que les descendre et les mettre dans le coffre. Il refusa l'offre de Steve de l'accompagner, sachant pertinemment que cela ne rendrait les choses que plus difficiles.

"Est-ce que ça ira ? demanda Steve sans cacher son inquiétude.

— Oui, évidement", répondit Billy sans hésiter.

Neil s'était déjà défoulé vendredi, après tout. Ce serait inhabituel qu'il s'attaque deux fois à son fils dans un laps de temps aussi court – bien que la situation elle-même soit exceptionnelle, se rappela Billy.

Steve l'accompagna jusqu'à la Camaro. Billy avait l'impression d'être un marin partant en mer pour une période incertaine ; Steve, lui, restait figé le long de son embarcation avec une mine inquiète.

"Demain, neuf heures, cours de gestion, répéta Billy. Ne soit pas en retard, joli garçon, et ne laisse pas Dustin manger notre devoir."

Steve força un sourire, puis regarda alentour. Billy vit en suivant son regard que les volets des voisins étaient grand ouverts : le baiser d'au revoir était donc exclu. Steve sembla en penser autant.

"Bon, euh, à demain, déclara Steve. Merci pour le rendez-vous."

Billy cligna un œil avec un sourire charmeur qu'il réservait à ses conquêtes habituelles, ce qui cette fois fit rire Steve. Il démarra la Camaro et avança de quelques mètres avant que Steve ne l'appelle depuis sa pelouse :

"Billy !

— Quoi ? cria-t-il en retour, baissant la radio.

— Moi aussi !"

Billy tordit son cou pour regarder Steve qui lui souriait.

"Toi aussi quoi ?"

Steve haussa les épaules d'un geste énigmatique avant de reculer vers la maison.

Une partie de Billy n'avait rien compris – il s'accrocha à cette partie. La plupart de ses organes semblaient planer en apesanteur mais Billy les ignora bravement. Il sortit une cigarette, et roula jusqu'à chez lui.

oOo

Billy se garda bien de crier un "je suis rentré" en passant les portes de la maison Hargrove-Mayfield à dix-huit heures trente précises. Ceci dit, il n'en eut pas besoin. Neil l'attendait de pied ferme dans la cuisine, accoudé au comptoir en buvant une tasse de café. C'était presque comme s'il était resté là durant deux jours à l'attendre.

Neil prit soin de regarder l'horloge du mur avant de poser les yeux sur son fils.

"Tu n'es pas en avance.

— Je suis à l'heure, rétorqua Billy sombrement.

— Tu n'étais visiblement pas pressé de rentrer chez toi."

Billy ne répondit pas. Il replaça la lanière de son sac de sport sur son épaule et recula pour se diriger vers l'escalier menant à sa chambre.

"Je ne t'ai jamais vu aussi investi dans tes devoirs, commenta Neil d'une voix presque chantante.

— C'est mon nouveau moi, je pensais que ça te plairait."

Le visage de son père resta de marbre, c'était pour Billy le signe qu'il pouvait partir. Il monta alors les marches quatre à quatre et referma la porte de sa chambre en silence.

Le matelas de Steve était là où il l'avait laissé, ce qui faisait paraître sa chambre incroyablement vide. Un petit bruit étrange, continu et étouffé, se faisait entendre, mais il ne parvenait pas à en cerner l'origine ; peut-être que Maxine avait oublié d'éteindre son poste radio. Maintenant qu'il y pensait, il n'entendait pas d'autre bruit dans la maison, et les lumières semblaient éteintes. Neil était-il le seul présent chez lui un dimanche soir ? Peu probable.

Il balança son sac dans un coin puis s'écrasa sur son lit. L'oreiller qui y était portait encore leurs deux odeurs mêlés, Billy y plongea le nez pour se rappeler que cela n'avait pas été un rêve.

Alors qu'il balayait sa petite chambre du regard, ses yeux tombèrent sur sa petite commode sur laquelle reposait normalement son tourne-disque. Il se redressa pour regarder l'endroit de plus près : l'album de Scorpions que lui avait laissé Steve était en parfait état, mais un carré sans poussière se dessinait sur le bois où était habituellement posée sa machine.

"C'est quoi ce bordel ?", grogna-t-il entre ses dents.

Il se leva pour tirer le disque noir de sa pochette : il était en parfait état. Mais il n'avait désormais plus de quoi le faire tourner. Il soupira avec dégoût en reposant le disque. Son père n'avait pas brisé l'album car il avait dû penser que Steve le lui avait peut-être prêté, mais il s'était assuré qu'il ne puisse pas en profiter pour autant.

Le tourne-disque avait appartenu à sa mère.

Billy retourna s'allonger lourdement en se promettant d'aborder le sujet avec son père lorsqu'il sentirait une ouverture.

Son esprit voguait sur l'onde du son étouffé qui agaçait ses oreilles. Il se laissa divaguer en pensant sans le moindre regret aux jours qu'il avait passés avec Steve, aux mots qu'ils avaient échangés, aux gestes – à son goût qu'il pouvait encore sentir. Demain viendrait avec ses difficultés, mais il y aurait Steve dans l'équation. Il aurait pu se demander si Steve l'effacerait de son esprit sitôt parti – loin des yeux, loin du cœur – mais c'était beaucoup trop se mentir, même pour lui. Même dans cette chambre vide, il voyait Steve. Ne lui avait-il pas dit ce matin qu'il ne pouvait plus se passer de Billy ?

Il sentit un sourire doux étirer ses lèvres. Advienne que pourra.

D'où venait ce bruit – ce grésillement ? Il se souvint de la présence de son petit lecteur cassette dans son sac lorsque des bruits de pas lourds montèrent les marches de l'escaliers.

Que faisait Neil ? Cette nouvelle préoccupation effaça toutes les autres. Il se redressa sur ses bras lorsque son père entra sans frapper dans la chambre qu'il laissait son fils occuper, et la referma derrière lui.

"Papa ?"

Neil ne répondit pas, il avait quelque chose dans la main qu'il n'arrivait pas à discerner. Billy s'assit sur le bord de son lit pour être moins vulnérable.

"C'est toi qui as pris mon tourne-disque ?", demanda-t-il pour briser le silence.

Neil regarda vers la commode d'un air hautain.

"Ton tourne-disque ? demanda-t-il.

— Ouais.

— Tout ce qui es dans cette maison m'appartient, fils."

Neil se fendit d'un sourire sinistre, paraissant étrangement satisfait de la tournure que prenait la conversation.

La colère enfla en Billy aussi rapidement que la peur l'avait consumé la dernière fois.

"Je veux le récupérer. C'était à maman."

Il venait de prononcer le mot interdit, et cela eut l'effet escompté : Neil perdit son sourire.

"Tu n'as rien à exiger, gronda-t-il derrière une moustache frémissante. C'est à moi de m'occuper de ce qu'elle laisse derrière elle."

Le venin de la dernière phrase se dilua dans son sang à une vitesse éclaire. Billy savait très bien qu'il parlait de lui, bien qu'elle ait laissé Neil aussi bien que lui derrière elle, en s'en allant. Billy serait-il du genre à faire payer tout le monde si Steve l'abandonnait ? Probablement...

"Et c'est justement à ce sujet qu'il faut que l'on ait une petite conversation."

Neil posa lourdement une paire de ciseaux sur le bureau de Billy. L'élan de pure peur qui le saisit le fit se relever rapidement.

"Qu'est-ce que c'est ?"

Billy n'avait pas eu le temps de poser la question, elle venait de Neil qui regardait par-dessus son épaule. En se levant, Billy avait fait tomber son oreiller. Un boitier noir reposait sur son lit, entouré d'un élastique vert.

Billy alla le prendre. Il s'agissait du talkie-walkie de sa sœur – en témoignait des autocollants horribles "D&D", de George Michael et d'une planche à roulette miniature ; l'élastique appuyait sur la touche du micro qui permettait de se faire entendre. Qu'est-ce que ça foutait là ?

Son père lui arracha des mains. Il examina à son tour le petit objet avant d'emmètre un rire glacial.

"Tu ne peux déjà plus te passer de lui ?

— Hein ? Non, je ne sais pas ce que ça fout là.

— Bien sûr. J'imagine qu'encore une fois, il s'agit de travail pour un cours."

Neil retira l'élastique et balança le boitier qui fendit l'air pour s'éclater en morceau contre le mur derrière Billy. Il ne comprenait pas ce que le talkie-walkie faisait là, c'était forcément Max qui l'avait laissé dans sa chambre, mais pourquoi ?

"Où sont Max et Susan ? demanda-t-il d'une voix peu assurée.

— Parties manger entre filles."

Neil tira la chaise de son bureau qui racla le parquet jusqu'aux pieds de Billy.

"Assieds-toi."

Billy recula d'un pas, le cœur battant. Neil prit un air de fausse patience qui eut fort peu d'impact après la destruction de la radio de Maxine.

"Non ? demanda l'homme. Tu préfères me parler du nouveau Billy, peut-être ? De l'impact positif qu'a eu ce garçon sur toi ?"

Il avait craché le mot "garçon" pour montrer toute la répugnance que Steve suscitait chez lui. Billy comprenait très bien pourquoi. La façon dont il parlait du nouveau Billy, en revanche, était inédite et inquiétante.

"On en a déjà parlé, déclara Billy en tentant vainement de paraître nonchalant.

— De nouveaux vêtements ?", interrogea Neil en retour.

Billy baissa sur lui-même son regard, notant le manteau et l'écharpe qu'il portait toujours.

"Ouais.

— Payés avec quel argent ?

— Le mien, répondit-il précipitamment.

— Joli, très joli. Tu t'es donc trouvé un nouveau travail à Hawkins ?"

Il savait très bien que non, mais Billy estima qu'il aurait aussi bien pu se les être payés en ayant laissé de l'argent de côté. Son père le regardait avec des yeux perçant, Billy se sentait de moins en moins sûr de ce qu'il savait ou non.

"Non."

Son père attrapa le menton de Billy qui se dégagea rapidement avec un geste brusque. Cette petite résistance ne plut pas du tout à son père. Il poussa la chaise entre eux qui bascula, puis fit tomber aussi Billy assis sur son lit. Sa main large alla de nouveau à son menton qu'il souleva pour attraper de l'autre main son écharpe qu'il tira violemment. Le nœud de tissus autour de son cou se défit en laissant une sensation de brulure désagréable. Bientôt, Neil avait une vision dégagée du cou de Billy, et lui penchait durement la tête vers la droite.

Un liquide acide explosa dans son ventre lorsqu'il réalisa ce que son père admirait.

"Charmant, déclara-t-il en posant un doigt rugueux à l'emplacement de son suçon. Tu as trouvé le moyen de prendre un peu de plaisir durant ces semaines de labeur.

— Une fille-"

Une gifle puissante le coupa dans son balbutiement. Il craignit un instant que la force du coup, couplée à la prise qu'avait eu Neil sur sa mâchoire, lui ait brisé la nuque. La gifle avait été tellement forte qu'il se sentait étourdi.

Il entendit un bruit de déchirement, puis les deux morceaux de son écharpe lui furent balancés au visage. Neil le regardait avec un regard noir de toute sa hauteur, sa silhouette menaçante éclairé par la lumière du jour vacillante. Billy, lui, était à demi allongé sur son lit en contrebas, la mâchoire et la nuque douloureuse. Il se sentait de nouveau comme un petit garçon de cinq ans face à son père.

Il sait, se disait-il, il sait tout. Il ne parvenait plus à ressentir autre chose que de l'angoisse, tous ses sentiments d'adulte s'étaient envolés face à son père qui le regardait de haut.

Neil se pencha pour empoigner le col de la chemise de Billy, la déchirant presque. Avec un visage écœuré qu'il se souvenait d'avoir déjà vu lors de son dernier passage à tabac de Californie, Neil le frappa au visage, le faisant tomber au sol, où il lui administra quelques coups de pieds qui lui coupèrent le souffle.

"Voilà que mon fils se fait entretenir comme une salope", cracha Neil au-dessus de lui.

Son père fit quelques pas et la lumière de sa chambre éclaira la scène. Ses cheveux furent empoignés et tirés vers le haut, le soulevant tout entier – Billy ne put se retenir de hurler. Il fut balancé sur la chaise que Neil avait vraisemblablement redressée pour lui.

"Il est grand temps de voir apparaître ce nouveau Billy dont tu me parles."

Neil tira encore les cheveux sur sa nuque pour lui faire plier le cou, la tête tellement en arrière que c'en était une torture, et Billy devait décoller ses fesses de la chaise pour s'arquer. Il vit passer la paire de ciseaux dans son champ de vision, son père les tenait de son autre main.

"Non, non ! balbutia-t-il. Qu-qu'est-ce que tu fais ?"

Il fut étonné de s'entendre geindre avec une voix aussi grave, il y avait longtemps qu'il n'avait pas supplié son père. Pourtant, en comprenant très bien ce qu'il comptait faire, il glapit encore :

"Non, s'il te plaît, non, papa !"

Mais ces suppliques n'arrêtèrent pas la main de son père. Il cisailla grossièrement les cheveux de Billy à la base de sa nuque. Billy sentit des larmes déborder de ses yeux en sentant la poigne de son père s'écarter de sa tête, à mesure que ses cheveux cédaient sous la lame.

Son père n'avait jamais aimé ses larmes.

Quand Billy, paralysé, sentit ses fesses se poser à nouveau sur le siège de la chaise, des boucles dorées tombèrent en pluie sur son visage ruisselant de larmes. Son père les avait lâchés au-dessus de lui sans aucune pitié pour la tristesse de son fils.

"Tu n'es pas une fille, rassures-moi, fiston ? Tu ne vas pas chialer pour une nouvelle coupe de cheveux ? Laisse-moi mettre les choses au clair : le nouveau Billy n'a pas un look de gonzesse."

Billy entendit les ciseaux émettre un bruit sourd contre le bois de son bureau.

"Il ne se fait pas acheter de fringues, il ne se balade pas avec des suçons grotesques, il s'implique dans ses cours et dans sa vie de famille. En un mot, le nouveau Billy est responsable."

Neil vint s'accroupir devant Billy, mettant son visage satisfait en face du sien. Billy voyait entre ces cils mouillés le regard inflexible de son père.

"Et surtout, le nouveau Billy ne fréquente pas des tapettes comme Steve Harrington."

Une fureur comme il n'en avait jamais ressenti prit le contrôle de son être, résonna dans la moelle de ses os, le faisant trembler comme une feuille de telle manière que la peur l'avait rarement fait. Il n'arriva même pas à desserrer les muscles de sa mâchoire lorsqu'il parla à son père.

"Qu'est-ce que tu viens de dire ?", demanda Neil sans le quitter des yeux.

Cette fois, Billy détacha bien chaque mot pour être sûr que son père les entende.

"Va te faire foutre", répéta-t-il, la voix vibrante de colère.

L'homme grimaça sous sa moustache ; ils se relevèrent en même temps. Billy se sentait prêt à se défendre, à se battre ! Mais il était fébrile, et son père, vicieux : il abattit un coup de poing puissant dans les côtes déjà meurtries de Billy.

Billy se plia en deux, la douleur aiguë éclatant de manière insupportable dans torse. Son père ne lui laissa pas le temps de respirer, il frappa Billy au visage, puis dans le ventre.

Avant de s'en rendre compte, Billy était de nouveau étendu au sol, tremblant de douleur. Il sentit un craquement sinistre dans ses côtes avant que la douleur ne l'aveugle - cette fois-ci, elle était bel et bien cassée. Pourtant Neil ne faiblissait pas, il frappait son fils de ses pieds, et ses coups tombaient de temps en temps sur ses côtes cassés. Billy hurlait de douleur en tentant de se recroqueviller, songeant follement qu'il ne fallait pas que ses côtes ne percent ses poumons. Son père ne pourrait pas aller aussi loin, si ?

Dans sa détresse et sa douleur, son esprit invoqua l'image de Steve, pansant ses plaies, puis celle du petit talkie-walkie laissé par sa sœur. Cela se pouvait-il qu'elle l'ait laissé intentionnellement en prévision de ce moment ? Était-elle au courant ? Avait-elle deviné ? Mais tout cela ne lui était plus d'aucune aide, maintenant que Billy était de nouveau seul avec son père. Demain, il s'assiérait en tremblant pour le petit déjeuner, et son père commenterait sa nouvelle coupe de cheveux avec désinvolture, sa sœur se tairait. Ensuite, se dit-il pour se rassurer, il retrouverait Steve. Steve...

Steve...Il invoqua se nom encore et encore pour résister à la douleur sans perdre son souffle.

"Tu ne le reverra plus, je te l'interdis."

Un rire hystérique passa les lèvres de Billy. Avait-il prononcé son nom à voix haute ? Son père pouvait bien interdire, que ferait-il pour l'en empêcher : déménager une nouvelle fois ? Il se sentait baver sur le sol tandis que son rire s'amplifiait. C'était sans doute du sang qu'il recrachait, mais il s'en fichait. Tout était parfaitement clair dans l'esprit de Billy, il était clair que Neil devenait violent car il ne pouvait rien maîtriser. Billy allait fréquenter Steve qu'il le veuille ou non. Le tuer serait le seul moyen de l'en empêcher, il le verrait à l'école, la ville était petite, et il aurait dix-huit ans dans un an.

Des rires douloureux s'échappaient encore de lui quand ses cheveux furent de nouveau empoignés et tirés vers le haut.

"Tu te moques de moi ? Tu oses prendre ça à la légère ? Regarde-moi ! hurla son père.

— Va te faire foutre", cracha Billy.

La douleur l'avait fait atteindre son point de rupture, semble-t-il. Mais au moment où il se disait que son père ne pouvait rien faire de pire, les doigts de celui-ci trouvèrent sa boucle d'oreille, et Billy ressentit une douleur horrible lorsque la chaire de son oreille se fendit. Son père tira sans lâcher ses cheveux, si bien qu'il se retrouva avec son petit bijou en argent sanguinolent dans sa main.

Billy hurla de douleur.

Neil lui balança la boucle d'oreille au visage comme il l'avait fait pour l'écharpe et ses cheveux. Billy plaqua sa main sur son oreille, ne riant plus du tout. Il s'effondra au sol lorsque ses cheveux furent relâchés.

"Tu veux me répéter ça, mon garçon ?"

Billy savait que ses lèvres murmuraient silencieusement le nom de Steve. Un nouveau coup de pied dans son torse fit craquer une nouvelle côte, et sa vision se blanchit, avant de se noircir.

oOo

Tout était noir autour de lui. Il était étendu en position fœtal par terre – sur le sol aussi noir que le reste – et suffoquait. Des pieds apparurent face à lui, trop petit pour appartenir à son père. Il leva difficilement la tête pour regarder les genoux, le ventre, le cou et la tête de l'étrange fille du shérif. Que faisait-elle ici ? Et où était-il ?

"Où", corassa-t-il.

La fillette ne répondit pas. Elle se contentait de le regarder d'un air sinistre.

"Tu n'es pas seul."

Sa voix résonnait – dans sa tête ou dans l'espace, il ne saurait le dire. Mais comme les mots de la fille le pénétraient jusqu'au tréfond de son esprit, des images diverses de son enfance, des différents moments où son père l'avait battu, se succédèrent devant ses yeux.

Ces souvenirs ajoutaient tous à son supplice, il sentit qu'il n'aurait plus jamais la force de se relever. Il ne voyait plus que l'obscurité devant ses yeux mouillés, et ses os, et ses muscles, et puis son cœur, lui faisaient mal.

"J'ai vécu longtemps seule dans le noir. Tu n'es pas seul", répéta la voix de la fille.

Mais il était bel et bien seul. Personne ne se tenait entre son père et lui. Des visages lui apparurent tour à tour : Maxine, Dustin, Steve. Des absents, des songes...

"Ton père aura ce qu'il mérite."

Il releva péniblement les yeux vers ceux de la fille.

oOo

Neil se tenait au-dessus de lui. Il l'avait frappé tellement fort que Billy avait dû halluciner. Maintenant, son père le regardait avec mépris du haut de sa stature. Sa face tordue par une expression de répugnance se détourna, puis il le contourna de ses pas lourds. Il allait laisser Billy dans sa chambre, comme il l'avait déjà fait. Il allait laisser Billy seul sur le sol et fermerait la porte pour que personne ne le voit étendu là, puis il prétendrait que son fils s'était encore battu. Billy lui en était reconnaissant – il voulait être laissé tranquille – mais il savait au fond de lui que ce n'était pas comme les autres fois.

Neil avait frappé trop fort, cette fois-ci. Il avait besoin de soins. Son père ne s'en rendait pas compte, ou s'en fichait. Billy savait que quelque chose s'était brisé en lui, que s'il était laissé seul toute une nuit, il ne se réveillerait pas. L'angoisse – la vraie angoisse, la dernière – coula en lui en rependant un froid glacial.

Il ferma les yeux. Une larme solitaire courut le long de sa joue tuméfiée. Il voulait se réveiller demain, il voulait revoir Steve.

"Papa."

Le son grinçant ne passa que difficilement ses lèvres. Neil n'avait pas pu l'entendre. Il avait peut-être déjà refermé la porte. Billy n'entendait plus que son pouls battant anarchiquement dans ses oreilles.

Son dernier espoir s'était envolé. Lorsque sa vision recommença à se noircir, il essaya de se convaincre qu'il ne faisait que s'endormir, et qu'il se réveillerait dans quelques heures pour voir Steve. Ils présenteraient leur devoir de gestion. Steve aurait cet air effrayant et attirant lorsqu'il regarderait les blessures de Billy, mais il les lui ferait oublier. Il sentirait à nouveau son odeur, et l'emmènerait manger quelque part. Il lui expliquerait Shakespeare, et Steve lui paierai des gaufres. Steve aurait cette autre expression, ce sourire satisfait...

L'obscurité s'étendit jusqu'au centre de sa vision. Il s'endormait, il s'endormait...Le mur devant lui se teintait de rouge, de bleu, de rouge...puis tout devint noir.

oOo

Un bruit sourd le tira du néant. Il entendait son père crier, et une autre voix d'homme résonnait dans la maison. Il était toujours sur le sol quand il entendit la porte de sa chambre s'ouvrir à la volée, puis quelque chose s'écraser sur le parquet à côté de lui.

"Billy !"

Une main attrapa on épaule pour le déplacer en douceur sur le dos. Billy avait l'impression de se faire écarteler jusqu'à ce que son dos soit complètement en contact avec le sol.

"Billy", répéta une voix affolée.

Le visage de Steve émergea du brouillard de sa vision. Le brun, penché au-dessus de lui, le regardait avec des yeux inquiets. Une tempête semblait agiter tous les traits de son visage. Billy ne l'avait jamais trouvé aussi beau – mais c'était peut-être dû à ses doutes de le revoir un jour.

Ses lèvres formèrent le nom de Steve deux fois avant qu'un bruit ne sorte.

"Steve. Qu'est-ce que tu-

— Je suis venu aussi vite que possible ! Hopper est là pour ton père.

— Quoi ?

— Est-ce que tu peux te lever ?"

Billy fut secoué d'un rire étouffé qui lui arracha des halètements de douleurs. Il doutait sincèrement de pouvoir se relever, même avec l'aide de Steve. Il essaya de se redresser, le bras du brun sous son aisselle, mais même se mettre en position assise était trop douloureux.

"Ok, ok, ne bouge plus ! s'exclama Steve d'une voix paniquée.

— C'est un ordre, joli garçon ?"

Il essaya de tordre ses lèvres en un sourire que Steve tenta de lui rendre. Il tendit une main le long de son oreille sanguinolente et vers sa nuque aux mèches courtes et hirsutes, puis balaya ses yeux partout sur lui.

"On n'a appelé une ambulance, elle ne devrait pas tarder... qu'est-ce qu'il t'a fait ?"

C'était moins une question qu'une lamentation, ses yeux brillaient de tristesse et de colère. Billy, lui, peinait à rester éveillé. Il leva difficilement une main pour attraper celle que Steve avait posé sur son ventre douloureux.

"Tu es là", chuchota-t-il en se sentant partir.

Steve serra sa main et tapota sa joue.

"Reste éveillé, il ne faut pas que tu t'endormes, Billy.

— Comment ? demanda-t-il pour se distraire.

— Comment on t'a trouvé ? Grace à El', la fille de Hopper. Je lui avais demandé de te surveiller."

Rien de cela n'avait de sens.

"Maxine avait laissé son talkie-walkie ici, poursuivit-il. Dustin et les autres surveillaient la ligne. Lorsque le signale s'est arrêté, ils m'ont prévenu et je suis allé chez Hopper, c'est là que El' t'a cherché.

— Je pige rien à ce que tu racontes, répondit Billy d'une voix faible.

— Je t'expliquerai, mais pour faire court, El' à des pouvoirs."

D'accord, donc, Billy était mort. Ou il rêvait, et c'était ces dernières pensées avant de trépasser. Au moins, Steve était là.

"Ne cherche pas à comprendre. Je suis là."

Il resserra sa main autour de la sienne, et caressa son visage en faisant attention de ne pas appuyer sur ses blessures. Les lèvres de Steve se posèrent chastement sur les siennes, puis murmurèrent des mots doux difficiles à entendre.

La conscience de Billy tanguait en essayant de se raccrocher à la voix et à la main de Steve lorsqu'il fut soulevé et allongé sur un brancard.

Le vent froid lui apporta un peu clarté, il se rendit alors compte qu'il était emporté dehors. La neige poudroyait sur son visage et sur les cheveux sombres de Steve.

"Billy !", cria une voix aiguë qui appartenait certainement à Maxine.

Le visage plein de taches de rousseurs apparut bientôt dans son champ de vision. Les yeux bleus larmoyants le contemplaient avec agitation. S'il en avait eu la force, il se serait détourné.

"Billy, t-ton père ! Comment a-t-il pu ?", bégaya-t-elle.

Justement, la voix de Neil retentissait non loin de lui.

" Vous n'avez pas votre mot à dire dans l'éducation de mon fils !

— Vous raconterez cela à un juge ! répondit une voix bourrue.

— Vous êtes rentrés sans mandat !

— Nous avons le droit d'intervenir si l'on présume un danger immédiat, et quelqu'un a signalé des cris.

— Qui ? C'est des conneries !"

Steve lâcha sa main, la peur s'empara de lui, mais Maxine s'empara rapidement de la main qu'avait laissé le brun. Il distingua également la silhouette de Susan à ses côtés : elle le regardait avec un visage blafard et stupéfié d'horreur.

"Il va très bien, je ne l'ai pas touché, hurla Neil.

— Il va bien ?", cria le shérif.

Le grand homme barbu en tenu de flic apparut dans son champ de vision et, sous sa lourde main, le visage consterné de son père. Hopper força le visage de Neil à se pencher vers lui et lui cria :

"Regardez-le, bon-sang, regardez votre fils ! Est-ce qu'il a l'air d'aller bien ?"

Les médecins ouvrirent les portes de l'ambulances derrière lui tandis que les yeux de son père le balayaient vaguement. Le regard de Neil croisa le sien ; tout le monde se tut, attendant qu'il reconnaisse tout le mal qu'il avait causé à son fils. Un moment, Billy espéra que son père se rende compte de sa propre violence. Il détourna sa moustache, et parla enfin d'un ton placide :

"Il a encore dû se battre, c'est un délinquant. Allez donc voir son casier."

Aussitôt, Steve arriva en levant entre ses mains une batte de base-ball – il reconnut avec stupeur celle qui avait failli l'émasculer ce fameux soir. Son Steve avançait à grand pas vers celui qui venait de parler, paraissant prêt à le tuer. Tous pouvaient voir la colère noire qui défigurait les traits naguère paisibles de son visage de joli garçon lorsqu'il leva haut son arme, avec la détermination du bourreau, et sous les cris du shérif abattit le manche en bois sur le crâne de son père qui s'écroula sous la force du coup.

Susan cria, le shérif repoussa le brun loin de l'homme à terre, Maxine plaqua sa main libre sur sa bouche. Le cœur de Billy battait la chamade alors qu'il regardait le visage vengeur de Steve, réalisant difficilement qu'il ne rêvait pas, que son petit-ami – le garçon qu'il aime – venait de cogner son père avec une batte de base-ball.

Heureusement, le brun, dans sa fureur, avait réussi à se maîtriser et à n'abattre sur son père que le manche non-clouté de son arme cauchemardesque. Si Billy haïssait son père, il ne souhaitait pas sa mort – et n'avait aucune envie de voir Steve derrière des barreaux.

Son père fut menotté sans plus de protestations et emmené à l'arrière du 4x4 du shérif Hopper, pendant que des infirmiers faisaient monter le brancard à l'intérieur de l'ambulance. Billy reprit conscience de sa faiblesse une fois au calme de l'habitacle. Une femme s'affaira aussitôt à palper ses blessures ; Steve avait jeté sa batte pour monter à ses côtés. Billy tentait de lui serrer la main, mais le deuxième infirmier le repoussait en parlant d'hémorragie interne. Une nouvelle vague de protestation arriva lorsque Maxine bondit à côté de lui.

"Je viens avec lui !", déclara-t-elle d'un ton qui ne souffrirait aucun refus.

Steve échangea avec les infirmiers des mots qu'il n'entendit pas ; il se sentait dériver, impuissant, loin du monde de la conscience.

"Steve", appela-t-il faiblement.

Le brun fut au-dessus de lui en une fraction de seconde, une main dans ses cheveux grossièrement taillés.

"Je suis là, Billy. Je reste avec toi quoiqu'il arrive.

— Moi aussi !", s'exclama sa demi-sœur en serrant sa main.

Il perdit connaissance en sentant la présence de Maxine et Steve l'entourer. Il se réveillerait, il en était sûr, et il ne serait pas seul à ce moment-là.