EN TERRE ÉTRANGÈRE


Texte original par sailaway (AO3)

Traduction par LeiaHill (AyrenFramdreorig sur AO3)

Note de LeiaHill : Et voici l'épilogue de la traduction de la superbe fiction de sailaway : "Strangers in a Strange Land". ✩◝(◍⌣̎◍)◜✩

L'histoire de Dyn et Harper est une vraie merveille, j'espère que vous l'aurez appréciée autant que moi. ✧٩(•́⌄•́๑)و ✧


ÉPILOGUE

Dyn rendit visite au clan Rill de temps en temps. Au moins une fois tous les deux mois. Harper trouvait toujours une réparation à faire ou un loisir quelconque pour s'occuper en attendant son retour (elle avait découvert des sources chaudes publiques très relaxantes dans une bourgade au Nord d'Ostagat). La plupart du temps, il s'absentait pendant un jour ou deux. Elle savait qu'il était important qu'il passe du temps avec son peuple. Avec un Mandalorien plus âgé comme Yoran. Il avait la sagesse de son âge, bien sûr, mais surtout, il y avait dans sa mémoire un trésor : le souvenir des coutumes et de l'histoire des Mandaloriens, dont une grande partie avait été perdue depuis la Purge.

Dyn semblait pensif à chacun de ses retours, mais il ne montrait aucun accablement ni aucune colère. Harper se doutait qu'il était en train de méditer calmement sur quelque chose qu'il avait vue ou entendue.

Il avait évidemment été autorisé à rendre visite aux membres du clan Rill, mais ils étaient naturellement méfiants à l'égard des non-Mandaloriens, et donc de Harper. Elle n'avait pas spécialement besoin de leur rendre visite (après tout, ce n'étaient que des gens), mais elle aimait écouter Dyn parler d'eux le soir, quand ils étaient allongés ensemble dans le noir. Bien qu'il ne dévoilait que peu de détails, elle avait compris que ce qu'il partageait avec elle n'était pas de simples banalités, mais des choses importantes qui semblaient le laisser songeur. Il lui avait notamment dévoilé qu'au temps de l'Empire, la politique de Mandalore, en tant que planète mais aussi en tant que culture, était d'une complexité qui dépassait l'entendement. Il avait aussi parlé de la demi-douzaine d'enfants du clan Rill qui jouaient librement, sans casque ; du fait que la plupart des adultes ne portaient pas de casque non plus. Un couple s'était marié, un concept apparemment inexistant au sein de la Tribu qui l'avait recueilli alors qu'il était orphelin.

Il lui avait parlé de tout ça un peu dans le désordre, sans logique apparente, comme s'il pensait à voix haute, cherchant à comprendre l'inexplicable. En tandem avec ses pensées sinueuses, le bout de ses doigts dessinait des motifs sur sa peau alors qu'elle était allongée contre lui. Parfois, elle lui posait des questions sur ce qu'il avait dit, et il lui répondait ; d'autres fois, il se plongeait dans un silence méditatif qu'elle préférait ne pas interrompre.

Le travail de chasseur de primes était toujours aussi lucratif. Certes, les clients avaient de plus en plus tendance à se détourner de la guilde et à faire appel à des chasseurs de primes indépendants et moins onéreux, au risque que le travail soit moins soigné ou abouti… mais, compte tenu de la réputation de Dyn et son statut au sein de la guilde, il ne connaissait personnellement pas la crise et n'était encore jamais rentré à la maison sans une bourse pleine de crédits.

À la maison. Un mot lourd de sens. Et pourtant, dans l'esprit de Harper, les choses semblaient plutôt simples, finalement. « Ta maison est l'endroit où tu n'as pas à dormir avec un œil ouvert » lui avait-on dit un jour. Jadis, elle avait été trop jeune pour comprendre ce que cela signifiait. Mais elle comprenait, désormais. Le Razor Crest était devenu sa maison ; la sienne et celle de Dyn. Ils ne faisaient pas qu'y coexister, ils y vivaient ensemble. C'était aussi simple que cela.

Elle s'était attachée au Razor Crest. Pas pour ses moteurs ou ses performances, mais pour ce qu'il représentait pour elle. Il était en bon état et bien entretenu mais, comme tous les vieux vaisseaux, il ne pouvait pas traverser une galaxie sans connaître une avarie ou deux.

Elle n'avait pas besoin de luxe, mais elle gardait quand même en tête une liste assez détaillées de toutes les optimisations nec plus ultra qu'elle rêvait d'installer sur le Razor Crest ; malheureusement, la plupart de ces optimisations étaient encombrantes il n'y avait que trop peu d'espace libre à bord.

Un jour pluvieux que Dyn était parti avec Yoran - cela faisait même déjà trois jours qu'il était parti, son absence était plus longue que d'habitude, mais elle avait décidé de ne pas s'inquiéter avant le quatrième jour -, elle avait prévu de remplacer le vieux rembourrage et le cuir des sièges du cockpit. Une futilité, mais le cuir en était craquelé et usé, et ils passaient la majorité de leurs sauts galactiques dans ce cockpit… Pourquoi ne pas faire en sorte qu'ils y soient plus confortablement installés ?

Elle acheta une agrafeuse à cuir dans son magasin de pièces détachées préféré d'Ostagat, et le tenancier lui indiqua comment se rendre jusqu'aux halles à textile où elle trouva quelques rouleaux d'un cuir robuste et foncé. De retour au Razor Crest, elle les déroula sur le sol de la soute, essuyant les gouttes de pluie qui lui mouillait le visage et demandant nonchalamment au Rodian cryocarbonisé dans le cadre de carbonite le plus proche : « D'après vous, c'est plutôt marron ou brun ? » Avant de commencer à découper le cuir, elle devait prendre les mesures précises des sièges du cockpit.

En grimpant l'échelle qui menait au cockpit, elle fut prise d'un doute. Elle aurait peut-être dû en parler avec Dyn avant. Sauf pour les réparations coûteuses ou compliquées, elle ne lui avait jamais demandé la permission pour faire quoi que ce soit dans le vaisseau. Elle se contentait de faire ce qu'il y avait à faire, et il n'y avait jamais rien trouvé à redire. Mais il était exigeant au sujet du cockpit. Quoique, cela n'aurait aucune incidence sur la fonctionnalité, c'était purement esthétique et -

Il y avait un homme assis dans le siège du pilote.

Harper fit un bond en arrière et fit tomber son décamètre au sol. Ses veine se gonflèrent d'adrénaline. Sa main attrapa la poignée du blaster qu'elle portait à la ceinture, une habitude que Dyn l'avait encouragée à prendre et qui avait fini par prendre racine en elle.

L'homme consultait les holo-messages réceptionnés pendant l'absence de Dyn, comme s'il était parfaitement en droit de le faire. Au-dessus du dossier du siège, elle ne pouvait voir qu'un col de chemise taupe et l'arrière d'une tête auréolée de cheveux bruns ébouriffés ; ils bouclaient légèrement sur la peau hâlée de sa nuque, vit-elle, alors qu'il se penchait en avant pour appuyer sur un bouton, plus haut sur le tableau de bord.

Elle fut prise d'une drôle d'impression.

« Retournez-vous, » exigea-t-elle.

Il était possible que l'homme ne l'ait pas entendue entrer à cause de la pluie battante qui arrosait la carlingue ; mais elle savait que, cette fois, il l'avait entendue. Il se redressa sur le siège, d'une manière qui lui laissa encore une drôle d'impression, et se leva.

Des yeux foncés, avec une paupière profonde et des coins légèrement tombants ; une peau d'olive, un nez de faucon, une mâchoire carrée solide parsemée d'une barbe noire naissante. Harper décela tous ces détails à une vitesse fulgurante. Des nœuds indéfinissables lui tordaient l'estomac. Le visage de cet homme n'était pas celui d'un intrus : il la regardait avec un air sobre et réservé mais, quelque part au milieu de tout ça, il exhalait une sorte d'incertitude inquiète, prudente.

« Je préférerais que tu ne retombes pas de cette échelle, » dit-il avec sérieux.

Harper retint un cri de surprise et cacha ses yeux derrière une main tremblante. Entre ses doigts, elle fixait, choquée et stupéfaite, le décamètre qui gisait au sol entre ses pieds.

Des mains qu'elle connaissait prirent les siennes et lui serrèrent les doigts.

Elle leva les yeux et regarda Dyn à travers ses cils.

C'était le visage d'un inconnu : un visage qu'elle n'avait jamais vu et qu'elle connaissait pourtant, des traits qu'elle avait embrassés et touchés un nombre incalculable de fois sans jamais les voir. Immédiatement, sa mémoire commença à associer ses souvenirs tactiles avec ce qu'elle voyait : elle connaissait la sensation de ces lèvres sur les siennes et sur son corps, avait caressé cette mâchoire avec son pouce.

Complètement bouleversée, le regard voilé de larmes brûlantes et la gorge nouée par un curieux besoin de lâcher une volée de rires hystériques, elle balbutia : « Et tu ressemblais à ça depuis tout ce temps ?! »

Il la fixa un temps sans comprendre. Pendant un moment, il sembla penser qu'elle était en colère. Mais lorsqu'il comprit le compliment qui se cachait sous ses balbutiements, il sourit, et son visage en fut transformé. Il avait une fossette sur sa joue gauche ; l'homme énigmatique qui avait conquis son cœur et qui la regardait avec un sourire timide, mais resplendissant, avait une fossette. Qui avait besoin d'armes avec un sourire pareil ?

Elle se mit à pleurer.

Le sourire de Dyn s'évanouit. « Oh, » lâcha-t-il, un peu perdu.

« Je suis désolée », bredouilla-t-elle, cachant à nouveau son visage dans ses mains. « Je suis en train de tout gâcher alors que je devrais te faciliter la tâche - »

« J'ai beaucoup réfléchi avant de l'enlever. J'ai eu le temps de m'y préparer. »

Il y en avait au moins un sur deux qui était prêt.

« Harper, » poursuivit-il d'un ton cajolant. « Cyar'ika. (1) »

En l'entendant lui chuchoter ce mot Mando'a plein de tendresse, elle leva les yeux vers son visage et le laissa prendre ses mains dans les siennes pour les serrer contre son torse - sans son plastron, vêtu simplement d'un haut taupe et de son gilet pare-balles. Il était exactement comme elle l'avait imaginé, et pourtant rien ne l'avait préparée à ce visage-là.

Il avait une vieille cicatrice qui lui traversait un sourcil et dont elle n'avait jusqu'ici jamais soupçonné l'existence ; ses cheveux étaient ondulés, chose qu'elle n'avait jamais réussi à déterminer si c'était naturel ou à force de porter un casque. Ses doigts n'avaient pas été suffisamment sensibles pour deviner les petites ridules qu'il avait aux coins des yeux - des yeux si doux, presque réconfortants, brillants et perçants mais pas du tout féroces. C'était un visage intrigant, et plus elle le regardait, plus elle l'appréciait.

« Mais tu... qu'est-ce que cela signifie ? » commença-t-elle quand elle sentit que le nœud dans sa gorge s'était enfin délié. « Tu disais qu'une fois qu'on retirait son casque… ç'en était fini de la Voie. »

« C'est ce que j'ai dit. » Une ride apparut entre ses sourcils. « C'était comme ça qu'on me l'avait enseigné. Mais ça n'a pas toujours été comme ça. La première fois que nous avons rencontré Yoran, il a dit que les choses étaient différentes d'autrefois. Je n'avais pas compris ce qu'il voulait dire. Mais je sais, maintenant. »

Le visage de Dyn était remarquablement expressif ; elle supposait qu'il n'avait jamais eu à cacher ses pensées et ses réactions.

« Je serai éternellement redevable à ceux qui m'ont sauvé et élevé, » poursuivit-il d'une voix lente. « Mais je ne connaissais qu'un seul chemin, et je pensais que c'était la route principale, alors qu'en réalité ce n'était qu'une voie secondaire. »

« Je t'aurais bien demandé si tu étais sûr de vouloir le faire, » dit Harper, « mais il est un peu trop tard pour revenir en arrière. »

Il ne souriait pas tout à fait, mais ses yeux se plissaient aux coins. « Je ne vais pas circuler en public sans mon casque. Je ne le ferai qu'en privé. »

« Je suis... honorée que tu me fasses confiance. »

Il inclina la tête. « Surprise ? »

« Pas surprise, c'est juste que... depuis le début, je m'étais faite à l'idée que ce jour n'arriverait jamais. »

« Je sais. » Son ton était monocorde, mais grave. Comme s'il avait du mal à choisir ses mots. « Une des nombreuses raisons pour lesquelles je te fais confiance. »

Harper leva une main pour toucher sa joue - avec hésitation, comme la première fois qu'elle l'avait fait dans cette grotte sombre et glaciale. Le fait de pouvoir le toucher et le voir en même temps était d'une intimité et d'une intensité à couper le souffle, même pour elle, et Dyn cligna rapidement des yeux, comme s'il s'adaptait à une sensation encore déconcertante.

« Ça te fait bizarre ? » demanda-t-elle, « de ne pas le porter ? »

« Oui. » Il baissa les yeux, incapable de soutenir plus longtemps son regard. C'était trop intense, trop nouveau. Après une longue inspiration, il pencha la tête et appuya sa joue contre la paume de Harper. « Mais comme je te l'ai dit, j'y ai beaucoup réfléchi. Et... même si nous étions dans le noir, j'ai déjà passé du temps avec toi sans porter mon casque. L'étape que j'ai franchie est donc plus facile que si nous n'avions pas… fait ce genre de choses ensemble. »

« Ce genre de choses, » répéta-t-elle avec un petit air facétieux.

Sans que sa joue ne quitte la chaleur rassurante de la main de Harper, les yeux de Dyn s'accrochèrent aux siens. Il serra les lèvres et piqua un fard.

Pour lui offrir un moment de répit après avoir été si étroitement observé, et aussi parce qu'elle en avait envie, elle se mit sur la pointe des pieds et, entourant le cou de Dyn avec ses bras, elle pressa son visage contre la colonne hâlée de son cou. Sa peau avait une odeur chaude et pure, et un léger parfum ozoné de blaster imprégnait ses vêtements.

« Je t'aime. » Ce n'était pas la première fois qu'elle le disait, mais c'était encore assez nouveau pour le faire réagir, et il glissa ses bras autour de sa taille pour la serrer contre lui. Ses cheveux ondulés lui chatouillèrent le front, son torse se gonfla alors qu'il soupirait profondément.

« Avant de décoller d'ici, » murmura-t-il dans ses cheveux, « tu veux… qu'on aille dans ma cabine ? »

Pour un homme aussi pragmatique et courageux, la timidité continuelle de Dyn concernant les rapports sexuels - pour en parler du moins - était incongrue mais attachante.

« Non. »

Son étreinte se relâcha, ses mains se posèrent prudemment contre la courbe de sa taille. « Non ? »

Elle recula. Elle coula un regard vers la chaise du pilote derrière lui, puis revint à son visage. Son visage, non seulement chaleureux dans son expression mais aussi intrinsèquement. Tout dans ses traits et dans la structure de son visage était profondément chaleureux, comme les rayons d'un soleil d'été, caché sous l'hiver rigoureux de son armure, et pourtant, cette chaleur était parfaitement conforme et représentative de l'homme qui se trouvait en dessous.

« Non, » répéta Harper. « Je veux te regarder voler. »

Le front de Dyn se plissa de perplexité face à la banalité de sa demande. « Si tu veux. »

Combien de fois, au début, s'était-elle assise derrière Dyn - Mando, comme elle le connaissait à l'époque -, l'observant silencieusement, rivée à ses mouvements habiles et aux reflets bleus de l'hyperespace ondulant dans son casque ? Elle avait passé tant de temps dans ce cockpit qu'il ne lui inspirait plus aucune nouveauté, et elle pilotait même le vaisseau de temps en temps, bien qu'elle était meilleure pour la mécanique que pour le pilotage. Mais elle voulait voir ses mains nues prendre les commandes, admirer son regard d'encre parcourir les écrans du tableau de bord et se concentrer sur l'immensité noire et infinie de l'espace au travers du pare-brise. Pour contempler les lignes saillantes de son profil pendant qu'il les arrachait à la gravité de la planète et les emmenait, hors de l'atmosphère, jusqu'à l'autre bout de l'univers s'ils le voulaient.

Elle se tenait à côté de lui tandis qu'il initiait le décollage, se tenant au siège pour garder son équilibre bien qu'elle avait terriblement envie de le toucher, de jouer avec ses cheveux, fascinée par la façon avec laquelle leurs épaisses ondulations encadraient ses oreilles.

Alors que le Razor Crest traversait la nappe dense de nuages dans un ciel bleu clair, qui s'estompa rapidement en un indigo profond et finalement en un noir étoilé, elle se pencha par-dessus son épaule et glissa ses mains jusque sur son torse.

« Satisfaite ? » demanda Dyn, avec un air faussement renfrogné.

Harper pressa ses lèvres contre sa joue. De surprise, il tourna la tête vers elle, et elle déposa un baiser sur ses lèvres. Un court gémissement résonna dans la gorge de Dyn et elle recula, juste assez pour pouvoir le regarder dans les yeux. Les siens étaient fixes, sans un battement de cils. Si sombres qu'ils reflétaient tout.

« Bien sûr, » le taquina-t-elle, enroulant ses deux bras autour de ses épaules. « Tu as bien volé. »

Avec la main qui n'était pas sur le levier de l'accélérateur, il serra les mains de Harper contre son cœur. S'il avait été quelqu'un d'autre, un autre homme, il aurait pu dire quelque chose de profondément romantique ; mais il n'était pas cet autre homme, il était simplement lui-même, et tout ce qu'il dit fut : « Tu veux bien rester un peu avec moi ? »

Il y avait encore tant de choses à faire, des tâches inachevées qu'elle devait terminer et d'autres qu'il voulait faire. Mais son désir de passer un peu de temps en sa compagnie l'emportait sur son pragmatisme habituel, et surpassait même la légère anxiété qu'il pouvait ressentir en restant si longtemps sans son armure. À cet instant, la quiétude et le réconfort que lui procuraient Harper lui suffisaient.

Bien sûr, elle resta avec lui.


(1) « Ma chérie/Ma bien-aimée » en Mando'a.