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Depuis les limbes de sa gueule de bois, Blaise ne vit aucune des dix heures de vol passer. Il se souvint avoir titubé jusqu'à sa banquette, commandé un doigt de whisky et senti sa conscience abandonner le navire. Lorsqu'il rouvrit les yeux, le ciel était gris et maussade comme seul Londres savait en fabriquer.

Home sweet home.

Exactement sept secondes après son réveil, Abdul aspergea son visage d'une brume rafraîchissante à l'aloé vera, percha une paire de lunettes de soleil noire sur son nez, lui fit avaler cul sec cinq différentes gélules vitaminées puis repassa sa chemise à grands coups de défroisseur à vapeur. Il lui présenta enfin son manteau que Blaise enfila manche par manche d'une gestuelle ralentie. À l'entrée du jet, Agent Weasley se tenait debout, prête à ouvrir la marche.

« Avez-vous fait bon voyage, Votre Altesse ? » s'enquit Ernest en ouvrant la porte du véhicule royal.

« On a connu mieux, pour être tout à fait honnête. » marmonna le brun.

Ernest rit puis, une fois l'héritier et son entourage installés, ferma la portière de la Mercedes avec énergie. Clac ! Blaise esquissa une méchante grimace, l'ouïe encore sensible, et trouva refuge auprès de sa vitre teintée, front chaud contre surface glacée.

« Quel est le programme. » murmura-t-il.

Abdul débita sans aucune antisèche une liste interminable de rendez-vous, de visites, d'évènements, de conférences, d'inaugurations, d'apparitions, d'accords, de déjeuners, de dîners, de responsabilités, d'engagements et Blaise souhaita, pria, supplia que le sol s'ouvre et l'avale tout entier. Il n'y avait pas meilleur fantasme que celui de retourner au néant. À défaut de ne pouvoir le réaliser, le brun contempla l'extérieur d'un oeil vitreux.

La menace de pluie annoncée par les nuages sombres n'en était à présent plus une. Blaise vit une goutte, deux gouttes, trois, dix puis un torrent ruisseler le long de sa vitre. Sur le trottoir trempé, les passants marchaient au trot jusqu'au prochain abris, leurs manteaux et sacs de course se substituant aux parapluies qu'ils avaient dû oublier chez eux.

Quelques fois, Blaise imaginait la scène.

Quelques fois, il se détachait de son titre, de son corps, de son être pour se projeter complètement sur un profil anonyme, sur une vie simple et anormalement banale qu'il aurait pu boire jusqu'à la dernière goutte. Sur ce jeune en veste noire et Converse mouillées qui traversait actuellement la chaussée sous ses yeux, en toute illégalité. Peut-être qu'il avait oublié son parapluie, lui aussi. Blaise imaginait l'objet acheté à la hâte chez Primark un précédent jour de pluie. Il imaginait le jeune homme se rendre à un entretien d'embauche et, la météo changeant d'humeur sur le trajet, se tourner vers le premier magasin alentour— Topshop, Waitrose, Tesco, H&M… ah, Primark.

Peut-être qu'il achetait systématiquement un parapluie de dépannage lorsqu'il pleuvait. Peut-être qu'il les oubliait tous chez lui à chaque nouvelle averse. Peut-être qu'il avait à présent un placard entier de parapluies oubliés. Peut-être qu'il songeait à vendre la majorité d'entre eux mais paressait encore à s'exécuter. Peut-être que c'en était devenu une blague récurrente dans son groupe d'amis. Peut-être qu'ils le surnommaient tous Mary Poppins. Peut-être qu'il racontait cette anecdote pour briser la glace en soirée face à une jolie fille. Un joli garçon ? Une jolie porte. L'alcool pouvait quelques fois vous faire halluciner. Peut-être qu'il trouvait des—

« Votre Altesse. »

Blaise sursauta et regagna son propre corps. À sa gauche, Abdul le fixait, en l'attente vraisemblable d'une réponse. Il avait sorti sa tablette de travail et maintenait le stylet en l'air, son geste en suspens.

« Huh. » ne fut capable que d'articuler Blaise.

« Je demandais si vous souhaitiez que je déplace votre séance d'ostéopathie de ce samedi, dix-huit heures quinze, à un créneau ultérieur. » répéta son assistant, patient comme un saint.

« Oh. Pourquoi ? »

« Vous aviez exprimé le souhait de garder au moins une journée mensuelle entièrement vide pour votre programme personnel. Cette journée tombe ce samedi. » expliqua-t-il. « Si je déplace ce rendez-vous, vous n'aurez rien de prévu jusqu'au lendemain, huit heures vingt. »

« Quand sera mon prochain jour de libre ? »

« Mmh, potentiellement… » vérifia Abdul et Blaise le vit faire défiler, défiler, défiler les semaines sur l'écran tactile. « Dans trois mois, quatorze jours et cinq heures. » Il dodelina de la tête. « Et ce sera plutôt une demi-journée. De quatorze heures cinq à dix-neuf heures trente. »

Blaise appuya son front contre la fenêtre. Lorsqu'il rouvrit les yeux, Agent Weasley dévisageait son reflet de profil.

« Laissez le rendez-vous. » décida-t-il. « Je trouverai… un moyen. Quelque chose. Un moment. »

« C'est noté. »

Agent Weasley tourna la tête et Blaise clôt ses paupières. Se concentra sur les bruits. Celui sec des gouttes s'écrasant par milliers sur sa vitre. Celui sourd de sa migraine en écho dans sa boîte crânienne. Celui familier d'Abdul se chuchotant des directives pensives au fil de son aménagement de planning. Celui ambiant du 'I wanna be / I wanna be where you are' que diffusait la radio à bas volume.

Agent Weasley tapait légèrement du pied. C'était un mouvement discret, presqu'imperceptible. Blaise ne le détecta qu'après vingt secondes d'intense contemplation. Ses lèvres bougeaient également — discrètes, imperceptibles —, vocalisant en silence les paroles que la chanteuse déclamait d'une voix languissante.

« Ernest. » s'entendit prononcer Blaise.

« Oui, Votre Altesse ? » répondit aussitôt le chauffeur.

« Pourriez-vous augmenter le son ? »

« Tout de suite. »

À l'avant du véhicule, Agent Weasley se figea sur son siège, prise sur le fait. Son regard vint instinctivement trouver celui de Blaise à travers le rétroviseur intérieur et elle fronça légèrement des sourcils. L'héritier répondit par un simple rictus. Il cligna ensuite des yeux une fois, fit une pause, deux fois de plus, nouvelle pause puis quatre fois de suite. Agent Weasley secoua la tête, un rire dans le regard — c'était leur ancien code. Lorsqu'elle s'en retourna à sa fenêtre, Blaise revint à la sienne, l'ombre d'un sourire sur les lèvres.

Déjà, sa migraine diminuait.

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Trois semaine après son retour, Blaise fut gracieusement mis au fait de deux choses :

1 - Dans très exactement deux années et huit mois, Son Altesse Princesse Carla Perucito de Valence deviendrait Son Altesse Royale Princesse Carla Zabini. Leur période de fréquentation débuterait officiellement dans trente jours et s'étendrait sur un an et onze mois. Blaise demanderait ensuite sa main, inaugurant une saison de fiançailles de neuf mois. Un mariage finaliserait le tout, d'abord à Buckingham Palace puis au Château de Valence, et dans les dix prochains mois, un enfant devait avoir vu le jour. Puis un second, sur les trois années qui suivraient le premier.

2 - Selon les services secrets, un possible attentat contre lui (pas contre la Reine d'Angleterre, non, contre lui) était à prévoir dans les semaines à venir. Sauf conditions exceptionnelles, aucun déplacement hors des grilles de Buckingham ne devait donc être envisagé jusqu'à ce que la menace soit localisée puis neutralisée. Ses activités princières pouvaient être maintenues, du moment qu'elles se déroulaient au sein du palais. Blaise passait en attendant de un à sept gardes du corps permanents, de jour comme de nuit, sept jours sur sept. Trois caméras allaient également être placées dans sa chambre ainsi qu'une dans chacune des pièces de son aile, à l'exception des salles d'eau pour préserver ses trois grammes restants d'intimité.

Des questions ?

Blaise secoua négativement la tête — dos droit, épaules symétriques, figure neutre. Non, il n'avait aucune question. Une fois la réunion terminée, il salua les responsables des services secrets, salua l'équipe de sécurité royale, salua le comité stratégique, salua Sa Majesté. Puis il traversa l'aile Est jusqu'à la piscine du palais et s'y noya tout habillé.

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Mais la vie continuait. Quand cessait-elle ?

« Astoria Greengrass, duchesse du territoire de Highsboro. Soeur de la Princesse de Suède, Daphné Greengrass. Vous aviez inauguré ensemble la danse d'ouverture du Bal des débutants de 2011, au château de Versailles. » le briefa sans même bouger des lèvres Abdul.

« C'est un véritable honneur de vous compter parmi nous ce soir, Madame la duchesse. » la salua Blaise juste avant d'embrasser ses longs doigts gantés. « Comment se porte votre soeur ? »

« Baron Kingsley O'Connor du Pays de Galles, ancien ami proche de votre père, grand collectionneur de voitures d'époque. Très porté sur les produits de soin cosmétique. »

« Teint immaculé, sourire radieux… Monsieur le Baron, je crois être parvenu à percer votre secret. » déclara Blaise sur le ton de la confidence. « Vous avez enfin fait l'acquisition d'une Bentley Continental des années soixante. Savez-vous depuis combien de temps je recherche ce modèle ? »

« Gabrielle Delacour, vicomtesse du domaine de Beauxbâtons. Nouvellement nommée Ambassadrice d'Unicef France. Pour une raison qui très honnêtement m'échappe, je crois qu'elle vous déteste. »

« Madame la Vicomtesse, lorsque j'ai appris votre admirable statut à l'Unicef, j'avoue ne pas avoir été surpris une seule seconde. » s'exclama Blaise, son grand sourire rivalisant avec la figure froide et stoïque de son interlocutrice. « Vous êtes toujours si cordiale, si bienveillante et chaleureuse. Ce n'était véritablement qu'une question de temps. »

« Draco Malfoy, Duc de Serpenta… »

« Préservez votre précieuse salive, Abdul. » roula des yeux Draco. « Je connais Son Altesse depuis son embarrassante phase Vans-quadrillées-skateboard-psychédélique. »

« Hélas. » souffla Blaise et il détendit ses épaules, un peu moins sur ses gardes. « Déjà revenu d'Irlande ? »

« Vous avez presque l'air déçu. » ricana Draco tout en claquant des doigts à l'adresse d'un serveur. « Godrick's Hollow est une ville divertissante pour une semaine, pas plus. La pollution londonienne me manquait. L'hypocrisie générale aussi. »

« Ah, ça. » fut forcé d'admettre Blaise.

« Mais parlons de nouvelles croustillantes. » bifurqua Draco avant de lui tendre une flûte de champagne, gardant la seconde coupe pour lui-même. « Il paraîtrait que votre tête est mise à prix. »

« À une bonne somme, j'espère. »

« Trente mille Livres sur le dark net, d'après ce que j'ai pu entendre. »

« Trinquons à cela. » décréta Blaise.

Ils firent entrechoquer leurs coupes et lorsque Draco but une gorgée, Blaise tendit son verre à l'Agent Weasley. Le regardant faire, son voisin roula des yeux.

« Je ne suis pas suffisamment bête pour vous empoisonner à votre propre réception. »

« Simple protocole. » répondit Blaise avec un simple haussement d'épaules. « Et tel que je vous connais, vous en seriez parfaitement capable. »

« Que faites-vous d'ailleurs dans une pièce si peuplée, sans indiscrétions ? Il s'agit certes d'une réception donnée par Son Altesse Royale mais n'êtes-vous pas censé être en quarantaine, barricadé dans un bunker, une rangée de militaires bloquant l'entrée ? »

« Oh mais je le suis. Constamment. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Sans répit. » lui assura Blaise. « Ils servent juste du champagne et des toasts, aujourd'hui. Demain, ce sera probablement du caviar et des macarons. »

Draco secoua la tête.

« Quelques fois, je vous jalouse. » admit-il sur un ton rêveur. « Vie de luxe et de pouvoir depuis le berceau, mille deux-cent cinquante serviteurs pour vous aider à inspirer et expirer, extraordinaire capital sympathie auprès du peuple que vous aurez à gouverner, père décédé, mère qui vous laisse tranquille, palace qui ne tombe pas à l'abandon, garde-robe affreusement impeccable. » finit-il d'énumérer. « Et puis le reste du temps, j'essaie de deviner le dosage exact de vos antidépresseurs. »

Blaise eut un début de rire sans joie. Draco Malfoy était une vipère qui ne savait pas cacher son venin. Et leur amitié, une ligne extrêmement fine que le blond menaçait de dépasser à chaque interaction.

« En parlant de suicide, le bruit court que l'on vous a enfin passé la corde au cou. » embraya-t-il avec tact.

« La corde au cou. » répéta Blaise. « Tiens donc. »

« Il paraîtrait que la future Princesse d'Angleterre a été désignée. » explicita Draco, un rictus impatient aux lèvres.

« Je crains d'avoir un peu de mal à vous suivre. »

« Vous mentez mal, Votre Altesse. »

« Aucun projet de mariage me concernant n'a, à ma connaissance, été formé. » récita Blaise de sa voix la plus diplomatique. « Navré de vous décevoir. »

« Carla est très, très belle mais alors très, très conne. » poursuivit Draco comme s'il n'avait pas parlé. « Nous étions dans le même pensionnat suisse, au lycée. Elle pourrait placer la Colombie en Asie Centrale. »

« Que suis-je censé faire de cette information ? »

« Pas grand chose. Votre destin marital semble déjà scellé, après tout. » jugea Draco, fataliste. « Mais au moins, vous saurez la nature de l'engin qui vous rejoindra à l'autel. »

« Engin. » articula Blaise. « L'élégance vous siéra toujours à merveille »

« Mâcher mes mots n'est pas un sport que je pratique, vous le savez bien. » lui rappela Draco avant de désigner les alentours d'un mouvement de poignet négligeant. « N'importe quelle bourgeoise bas de gamme se dandinant ici ce soir détiendrait le triple du QI de Perucito. N'importe quel prolétaire attrapé au hasard dans la rue. Même un larbin des cuisines la battrait aux mots fléchés. » Il pointa un index soudain sur Agent Weasley qui le toisa en retour, impassible. « Même votre chien de garde, tenez. »

« Oh, je sais que vous n'êtes pas en train de parler d'Agent Weasley en ces termes, Malfoy. » siffla glacialement Blaise. « Parce que si c'était le cas, les conséquences seraient tristement regrettables pour vous et votre famille. »

Draco ravala un rire, sa paume en avant en signe de drapeau blanc.

« J'oubliais votre éternel talon d'Achille. » s'exclama-t-il en se mordillant la lèvre, visiblement amusé. « Mes plus plates excuses. »

« Mon personnel n'est en rien un point sensible pour moi. Le respect qui leur est dû, en revanche, sera toujours une exigence primordiale. » continua Blaise.

« Jamais je ne me permettrais de critiquer les, hum… quel pourrait être le bon terme ? Les accessoires de la royauté ? Le mobilier ? Enfin, toutes ces choses. Loin de moi cette idée, Votre Altesse. »

« Comment se porte Harry, dites-moi ? » éluda Blaise. « Toujours aussi amoureux et épanoui, à Godrick's Hollow ? »

L'amertume tomba comme un voile opaque sur la figure de Draco. Il soutint le regard du prince quelques secondes avant de prononcer, polaire :

« Toujours. »

« Excellent, excellent. » se réjouit Blaise. « Je m'y suis rendu à l'automne dernier pour une rencontre et le souvenir que mon esprit a gardé de ce petit coin de verdure côtière est, je dois dire, fort agréable. L'endroit idéal pour s'établir, surtout lorsqu'on souhaite fonder une famille. D'ailleurs, si je ne me trompe pas, son épouse attend toujours leur premier enfant ? »

« Toujours. »

« Il me tarde d'en faire la connaissance. Leur mariage était tout ce qu'il y avait de plus émouvant. Les voeux, la chorale, les discours, surtout celui de Harry… vous qui étiez son témoin, vous avez pu expérimenter la beauté de ce moment aux premières loges. Une chance, vraiment. » soupira Blaise avant de poser une main amicale sur l'épaule de Draco. « Ils forment un très beau couple ensemble, vous ne trouvez pas ? »

Joues creusées, regard tranchant, Draco ne se contenta que de fixer silencieusement Blaise dont le sourire lumineux s'accentuait. Et sur l'épaule du blond, sa paume se resserra fort, jusqu'à ce que ses ongles menacent la matière italienne de sa veste de smoking.

« Vous ne trouvez pas, Malfoy ? » répéta-t-il, chaque syllabe bien détachée.

Car Blaise était une vipère, lui aussi. Il ne pouvait pas avoir grandi au sommet de cette pyramide sans développer son propre poison. Mais à la différence de certains, on lui avait appris quand et comment le distiller. C'est pourquoi il attendit que Draco déglutisse et que ses jolis yeux bleus vacillent pour rendre à son épaule meurtrie sa liberté.

« Toujours un plaisir d'échanger avec vous. » conclut Blaise, léger.

Et lorsqu'il tourna des talons, Agent Weasley ferma la marche.

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Il y avait la folie qui foudroie. Celle qui prenait possession de l'esprit après un choc, comme pour lui venir en aide. Celle qui ne rongeait pas mais croquait, broyait et tuait la moindre parcelle de vie sur son passage. Durant ses derniers instants, Son Altesse Royale Piers Zabini n'avait été qu'une carcasse vide, un corps qui n'attendait que d'être libéré. Blaise ne se souvenait de lui qu'en souvenirs flous et pâles. Il était son portrait craché, lui disait-on continuellement, et debout devant son miroir, photo en main, il avait pu lui-même constater que, oui, en effet. Il avait pu aussi comprendre pourquoi sa mère ne le regardait jamais plus de trois secondes.

Et puis il y avait la folie douce. Elle était lente mais vous la sentiez quand même arriver.

Vous la sentiez dans votre propre chambre, silencieusement épié par des caméras dont on ne vous avait jamais révélé l'emplacement. Vous la sentiez dans le couloir, une présence constante dans votre dos vous indiquant que jusqu'au tombeau, vous serez suivi. Vous la sentiez en mangeant seul à une grande table vide, la caméra dissimulée dans le miroir d'en face pour unique compagnie. Vous la sentiez dans votre propre foutue salle-de-bain en enlevant précautionneusement vos vêtements, des coups d'yeux paranoïaques à gauche puis à droite puis à gauche encore. Vous la sentiez en tentant de vous faufiler dans le jardin à trois heures seize du matin en enjambant la fenêtre de la buanderie juste pour souffler, juste pour respirer, juste pour une minute, une seule, mon Dieu, et qu'un agent de sécurité apparaissait dans la nuit pour se planter devant vous. Puis vous le voyiez porter son talkie-walkie à sa bouche pour prononcer :

« Poste 7 à l'équipe B2. Sujet retrouvé secteur Ouest. Raccompagnement immédiat du sujet dans ses appartements. Incident clos. Terminé. »

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Blaise courut, courut, courut, manqua de glisser sur le parquet, ouvrit la porte de la piscine à la volée, détacha sa ceinture, arracha son jean, déchira son encolure de t-shirt, jeta sa montre puis sombra dans l'étendue chlorée jusqu'à en toucher le fond.

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« Je vous ai cherché partout. »

L'intonation était factuelle, égale, comme si l'évènement n'était pas matière à réprimande. Comme si Agent Weasley ne s'était pas tenue debout devant l'échelle de la piscine, patiente, jusqu'à ce que Blaise décide de refaire surface. Le brun nagea vers la bordure et y percha ses avant-bras pour s'y maintenir en équilibre.

« Vous avez vérifié la caméra numéro soixante-treize, pour voir ? » demanda-t-il, plus d'aigreur que de sarcasme.

« Il n'ont une qu'une seule caméra dans cette pièce et vous nagiez dans un angle mort. » l'informa Agent Weasley.

Elle leva brièvement la tête pour vérifier quelque chose au plafond puis vers la porte avant de poursuivre d'une traite :

« Il y a un autre angle mort dans votre cuisine, près de la porte. Un autre dans le couloir menant à votre bureau. Un autre encore aux toutes premières rangées de votre salle de cinéma. Un dernier dans le coin gauche de votre salle à manger, entre le miroir et la fenêtre. »

Blaise haussa lentement des sourcils. Fixa un peu plus longtemps la rousse, intrigué malgré lui. Elle n'avait toujours pas l'air énervée par sa petite escapade. Que ce soit dans sa posture comme dans son inflexion de voix, Blaise ne décelait pas la moindre petite trace de frustration. Voici même qu'elle lui listait de nouvelles façons d'échapper à leurs radars.

« Je note. » retint-il néanmoins.

« Tout ce que je vous demande, c'est de me prévenir. » ajouta-t-elle.

« Je le ferai. » assura aussitôt Blaise. « Pardonnez-moi. Je le ferai. »

Agent Weasley hocha la tête une seule fois, scellant leur accord tacite. Il y eut des grésillements dans son talkie-walkie et Blaise l'observa attraper l'objet et déclarer d'une voix forte et distincte :

« Poste 1 à l'équipe B18. Sujet retrouvé. Menace inexistante. Incident clos. Retour aux activités habituelles. Terminé. »

« Équipe B8 au Poste 1. Bien reçu. Terminé. » lui répondit-on immédiatement.

Blaise reposa son front contre la bande antidérapante de la piscine et relâcha toute l'anxiété qui gardait son être en apnée. Lorsqu'il releva la tête, Agent Weasley le regardait déjà.

« Merci. Vraiment. » souffla le brun, reconnaissant comme il l'avait rarement été.

« Ne nagez que du côté gauche. » répondit-elle simplement avant de marcher vers la sortie.

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Chanson diffusée dans la voiture : Where U Are x Rina Sawayama.

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Merci beaucoup d'avoir lu ! Je ne sais pas pourquoi j'ai eu autant de difficultés à l'écriture cette fois-ci, sans doute l'apathie créative dans laquelle nous plonge tous cette quarantaine. Either way, j'espère que l'histoire vous plaît toujours ! Il ne reste plus que deux chapitres à présent (tout est maintenant planifié, yay) donc je croise les doigts pour finir les choses en beauté.

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Rar :

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Maelys : C'est vrai que l'univers peut donner des airs de LC ! Je n'y avais pas pensé avant mais maintenant, je ne vois plus que ça haha. Peut-être est-ce une version un peu moins scintillante et beaucoup plus désabusée. En tout cas, je suis très heureuse de pouvoir te faire lire d'autres pairings que le dramione ! Merci pour ta review :)

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Ilybryry : Ginny est effectivement une personne (la seule, probablement) spéciale dans la vie de Blaise. Elle le connaît mieux que quiconque et sait donc lorsqu'il a besoin d'espace et de temps pour lui-même. Ils se connaissent mutuellement mieux que quiconque, en fait, comme tu le remarques si bien. Ils n'ont même pas besoin de communiquer à voix haute pour se comprendre, par moments. Quant à la tombée des masques, ça ne saurait tarder, héhé. Je peux confirmer que Blaise éprouve beaucoup de regrets concernant la tournure amère de leur relation. Les détails seront un peu mieux expliqués dans les prochains chapitres mais... oui, beaucoup de culpabilité et de non-dits persistent entre eux. Honnêtement, tu me laisses toujours des mots gentils mais sache que tes deux derniers paragraphes (surtout l'avant-dernier) m'ont plus particulièrement touchée. J'écris autant pour moi que pour les autres donc lire de si jolies choses me donnera toujours l'impression d'être (enfin) utile. :)

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Marine : Merci infiniment ! Très heureuse que tu aimes ce petit duo. :)

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Je réponds aux reviews enregistrées dans la foulée, pas de panique ! Merci beaucoup de prendre le temps de me laisser vos impressions, j'en suis toujours très reconnaissante. See you soon ! :)