Suite d'une amitié peu commune : Enrique.

J'ai appelé la première Enrique, car cela concernait l'évolution de Monastario auprès de Diego. Maintenant, passons à Diego. :)


Monastère de Saint Espérance

Après le départ des militaires, le père Hugues avait ordonné à ce qu'on vérifie les alentours afin de tenter de vérifier que les deux jeunes gens s'étaient bien éloignés d'ici. Il ne s'attendait pas à ce qu'on lui ramène des hommes blessés, dont ces deux anciens hôtes et 5 morts.

Les moines avaient donc creusés des tombes pour les malheureux, comme le voulait leur religion, tandis que d'autres avaient pris en charge les blessés à l'infirmerie du Monastère. Ce n'était pas de grosses blessures graves mais ils devaient rester immobilisés pendant quelques jours. Il fut surpris de voir des notables de Los Angeles dans cet état mais quand on lui expliqua la situation, il comprit rapidement. Il se doutait que la complexité de l'histoire allait au-delà qu'une simple poursuite à l'homme, mais préféra ne pas trop s'y immiscer, les patients avaient besoin de soins et non de questions.

Le père Hugues avait ainsi donc retrouvé Enrique Monastario et Diego de la Vega. L'ancien militaire qui avait été touché par balles à la jambe fut transféré dans son ancienne chambre quant à Diego, il était allé panser son cheval dans les écuries. Le padre avait froncé les sourcils quand il croisa le regard du jeune don. Quelque chose avait changé en lui, il ne saurait que dire devant ce mystère et la curiosité l'avait pris au dépourvu. D'ailleurs, il était le seul rescapé à être indemne physiquement.

Ainsi il était allé rejoindre le jeune homme dans les écuries pour l'accompagner et vérifier s'il n'avait pas besoin d'autres matériels.

Diego avait réussi à enlever la balle de la jambe de Tornado et tenter de réconforter les deux chevaux, toujours tendus à cause des évènements. Phantom qui avait fui la bataille à la demande d'Enrique avait rejoint le Monastère par un autre chemin si bien qu'il l'avait retrouvé assez facilement.

Étant de dos à l'entrée des écuries, il ressentit néanmoins la présence du prêtre qui ne cacha pas sa venue.

« -Buenas Tardes, padre, salua Diego, je vous remercie d'avoir essayé de nous couvrir et je regrette qu'on ait encore à abuser de votre hospitalité.

-Je suis au contraire très heureux de pouvoir de nouveau vous accueillir, s'inclina l'homme d'Eglise, nous devons toujours aider notre prochain quel qu'ils soient.

-Même le diable, padre ? Lança Diego d'un ton neutre.

Le père Hugues se figea fixant le jeune don, qui continuait à caresser les deux animaux. Il avait dit cela d'une façon qui lui paraissait comme étant une évidence, comme s'il savait qui était le diable. Son expression de visage dégageait une souffrance qu'il ne pouvait définir, comme un profond mal-être, un sombre sentiment, une confusion et un désespoir. Le père Hugues se souvint alors des paroles de Diego.

« -Mais je crains…que ce soit moi qui suis désormais sur la mauvaise voie, Padre. »

Cette enfant de Dieu n'est pas tombé dans son monastère pour rien, il se devait de l'aider, si Dieu l'avait choisi pour aider ce fils perdu, ce fils qui ne trouve plus son chemin, sa voie, sa lumière.

« -Si le diable était parmi nous, je prierais pour lui, finit par dire le padre.

Diego émit un ricanement moqueur qui prit de court du moine.

« - Prier…répéta-t-il amusé, les prières ne servent qu'à maintenir un espoir qui n'est plu. Des prières qui n'ont servi à sauver personne.

-C'est ainsi qu'est la foi, rétorqua-t-il sèchement.

-Pardonnez-moi, padre, se reprit Diego d'un ton qui se voulait sincère, je crains que ces jours m'ont été difficile. »

Il murmura quelques mots à ces chevaux et porta son attention entièrement vers le padre qui put alors discerner un peu mieux les traits de Diego. Oui, quelque chose avait changé, mais il ignorait quoi. Il avait l'impression de parler à une autre personne et pourtant c'était la même voix, le même physique, la même carrure…Non, ce n'était pas le Diego qu'il avait connu quelques heures auparavant.

« -Qui êtes-vous ? Souffla le padre dans l'incompréhension totale.

Diego lui adressa un sourire malicieux et répondit :

« -Je suis El Zorro. »

Le cœur du moine fit un bon. El Zorro ? Le justicier masqué dont toute la Californie parlait ? Il avait entendu qu'il avait disparu brusquement sans laisser de traces. Zorro serait donc Diego de la Vega ? Qu'est-ce que cela voulait dire ?

« -El Zorro ? Répéta-t-il sous le choc.

-Lui-même.

-Vous dévoiler ainsi risquerait de vous nuire, remarqua-t-il.

-Je le sais bien, mais je ne peux pas vous dire que je suis Diego. Je ne suis pas lui et lui n'est pas moi. Nous sommes deux personnes distinctes.

-Où est Diego ? Se risqua-t-il de demander en tenter de suivre la logique du renard.

-Je crois qu'il est… »

El Zorro se tut, incapable de prononcer quoique ce soit. Il ouvrit la bouche sans qu'un mot ne sorte, comme étouffer par quelque chose.

« -Señor ? » S'inquiéta le moine.

Le jeune homme porta sa main à sa tête, se recroquevillant.

« -Je crois…je suis…Diego…balbutie-t-il étranglé, je suis…Diego…Je suis…el Zorro…Padre, je… »

Le moine vint le soutenir, le saisissant par les épaules, tentant de l'aider.

« -Je…n'arrive pas…je n'arrive plus…je ne contrôle plus rien…Continua Diego, je ne suis plus le même, padre, je vous…en prie… »

Il s'arrêta, repoussa le padre et plaça sa main sur la moitié de son visage. Son expression troublée se transforma brusquement, laissant place à une folie sombre qui glaça le sang du prêtre. Lui qui pensait avoir tout vue de l'horreur humain était face à l'inexplicable.

« - Quand je les ai tué…je me sentais si bien, c'était le bonheur…La mort entre mes mains, ils le méritaient, il devait mourir, je devais les tuer…Il n'y avait que moi pour les tuer. Je suis la Justice, je suis la mort, je suis le Renard, El Zorro…Et pourtant… »

Il déglutit croisant les yeux du prêtre, qui gardait son calme et attendit qu'il finisse.

« -Et pourtant, je sais que c'est mal, padre, termina-t-il, le Diego que j'étais n'existe plus, il n'y a plus rien qui lui ressemble, je suis El Zorro, le vengeur, le tueur, le démon. Je ne suis plus Zorro, le justicier.

-Diego, murmura le prêtre, vous êtes toujours Diego.

-Non, Diego est mort, j'ai pris sa place. »

Le rire du renard résonna dans la grange. Il se redressa et écarta les bras, inspirant profondément.

« -Plus jamais, je ne fuirai, je les tuerais tous, un par un.

-Ce n'est pas à vous de choisir qui va mourir, dit le père Hugues en ressentant une peur sourde qui le terrifiait de l'intérieur, Dieu est seul juge.

-Où était Dieu quand Diego était seul, acculé et au bord du désespoir ? Rétorqua El Zorro, je suis le seul qui ait pu l'en sortir, padre, votre foi en ce Dieu m'impressionne mais je crains que je ne crois pas en ce Dieu. »

El Zorro lui adressa un sourire amusé et moqueur et se dirigea de nouveau vers ses chevaux.

« -Phantom, Tornado, vous êtes les seuls qui m'êtes restés fidèles, leur murmura-t-il, et je vous en remercie. »

Les deux montures posèrent leurs museaux sur chaque épaule du jeune homme.

Non, cet homme qui était devant lui n'était pas une mauvaise personne. Ces animaux l'aimaient et avaient ressenti la bonté en lui. Le padre en était persuadé. El Zorro n'avait rejoint entièrement le coté du mal. Il pouvait encore être sauvé.

« -Laissez-moi seul, padre et ne soyez pas choqué par ce que je viens de vous dire, lança-t-il à son attention, je sais que je peux compter sur votre discrétion. »

Le moine ne dit rien et s'inclina. Il n'avait jamais imaginé rencontrer le célèbre justicier, mais encore moins, de voir que son âme s'apprêtait à s'enfoncer dans l'obscurité, se laissant consumer entièrement.

Lorsqu'il sortit des écuries, il remarqua la présence d'Enrique qui était contre une des grandes portes. Il leva les yeux bleus et intenses sur lui montrant qu'il avait tout écouté. Enrique avait la cuisse bandé et se déplaçait avec béquille, bien qu'il en jugeait inutile.

« -Padre, je vous remercie, dit-il doucement pour ne pas manifester sa présence auprès de Diego.

-Je n'ai rien pu faire, le garçon est…perdu, mais il a raison. Dieu ne peut le sauver, avoua-t-il en baissant les yeux.

-Vous avez donc perdu la foi ?

-Je n'ai pas perdu la foi, mais je crains que Dieu ne délaisse cette tâche à quelqu'un d'autre.

-Que voulez-vous dire ?

-N'êtes-vous pas son frère ? »

L'ancien soldat émit un essoufflement agacé, détournant son regard du prêtre.

« -Je ne peux sauver un homme qui a deux personnalités différentes, il n'est plus…Diego, j'ai l'impression qu'il est devenu fou. Le Diego que je connaissais était juste et ce n'était pas un meurtrier.

-La folie peut cacher une souffrance très profonde. Quand quelqu'un a mal et ne peut soulager cette douleur, il en devient fou.

-Pourquoi moi ? Je ne suis...qu'un homme.

-Diego vous a sauvé, il vous a guidé et vous êtes devenus quelqu'un de bon. Vous avez retrouvé la bonne voie à suivre."

Enrique rit doucement devant cette vérité, oui, autrefois il aurait tué sans se préoccuper de sa conscience, ni de ce que les autres ressentaient. Aujourd'hui, il n'avait tué personne...C'était l'inverse. Il se risqua à œil dans la grange : Diego était toujours en train de parler avec ces destriers comme si ces deux-là faisaient partie de son univers, de sa famille. Cela attendrit Enrique. Le padre avait raison, Diego était encore là. Il pouvait le sauver. Non, il allait le sauver. Il se l'était promis. Il savait que la tâche allait être compliqué, il savait que cela n'allait pas se faire en quelques jours.

"-Je vais ramener cet idiot, déclara-t-il, je vais retrouver le véritable Zorro...même si cela doit me prendre toute ma vie entière."