Miou tout le monde !

Bon, j'ai pas vraiment le temps ni l'inspi pour faire un Inktober, du coup je propose ça à la place parce que j'ai envie de le poster.

Disclaimer : Hélas, cent fois hélas, Hetalia est toujours la propriété de Himaruya et pas la mienne


Chez lui, Alfred jubilait.

- Il craque… The hero is victorious !

L'année 1991 était bientôt écoulée. L'URSS était en train de s'effondrer sur elle-même, signant ainsi sa défaite et la suprématie absolue des States sur le monde. On était à la fin du mois de décembre et les accords de Minks avaient établi la constatation officielle que « L'URSS n'existe plus ». La démission de Gorbatchev n'était plus qu'une question de jours.

Cette victoire politique mettait fin à presque un demi-siècle d'affrontements et de tensions entre Ivan et lui. Le seul point sur lequel ils étaient tombés d'accord depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, c'était qu'il n'y avait pas de place pour deux grands sur cette planète.

Et Alfred avait gagné.

Le monde était à lui.

-oOo-

Le 24 décembre, Arthur, Francis, Matthew et Alfred s'étaient réunis chez le français pour la veille de Noël. Une des rares traditions familiales qu'ils avaient réussi à maintenir malgré les différents chefs d'Etat des uns et des autres.

Cette année, il était cependant sous-entendu que la victoire définitive d'Alfred dans sa lutte contre l'URSS était également à l'honneur.

- Je crois que tu es le premier à obtenir une victoire pareille sur Ivan depuis… Depuis que je lui ai fait le coup des emprunts russes en fait, s'amusa Francis.

- Et voilà qu'il reprend la grosse tête… grommela Arthur. Frog, on s'en fout.

- Toujours aussi adorable, mon lapin. Ne t'en fait pas Alfie, poursuivit le français avec un clin d'oeil, il va faire pareil avec toi, mais c'est juste parce qu'il est jaloux.

- What did you say !? explosa l'anglais.

Les jumeaux nord-américains se mirent à rire en voyant leurs parents recommencer à se chamailler. Une bonne soirée en famille passait toujours par au moins une ou deux disputes franco-britannique. Toutefois, Alfred nota un détail étrange. Le rire de son frère semblait ne pas être naturel. Comme s'il se forçait.

Il rangea l'information dans un coin de sa tête pour plus tard.

-oOo-

Quand Francis et Arthur allèrent se coucher, les jumeaux manifestèrent leur envie de rester encore un peu éveillés et leur souhaitèrent bonne nuit. Ils sortirent sur le balcon pour profiter des lumières de la ville. Sur le toit d'un immeuble, le vent qui soufflait renforçait l'impression mordante du froid de décembre.

Un sourire ironique aux lèvres, Alfred alla se mettre à l'abri du vent et s'assit face à son frère.

- Alors, de quoi tu voulais me parler ?

Matthew ne montra même pas un semblant de surprise. Il avait délibérément envoyé à son jumeau des indices pendant toute la soirée pour lui faire comprendre ce message.

- Tu as vu Ivan, récemment ?

Légèrement surpris par la question, Alfred n'hésita cependant pas.

- Pas depuis juin, au moment de l'élection d'Elstine.

- Plus personne ne l'a vu depuis. Il n'était même pas présent à la signature des accords de Minsk. Natalya est complètement affolée.

- Elle est cinglée de base, je vois pas ce que ça change à d'habitude, ricana l'américain.

Le regard froid et sérieux de son frère le coupa vite dans son envie de rire, et il reprit avec plus de sérieux.

- Où tu veux en venir, bro ?

- Il a évolué en profondeur pour devenir l'URSS, et maintenant son territoire se disloque en quelques mois sans qu'il puisse rien y faire. Ça ne te rappelle rien ?

Alfred pâlit. Evidemment que ça lui rappelait quelque chose. Il n'y avait que quelques mots à changer pour que la phrase de son frère puisse être adaptée à sa propre guerre civile. Ses poings se serrèrent en comprenant où Matthew voulait en venir.

- T'es en train de me dire qu'il va mal, c'est ça ? Et que c'est de ma faute ?

- J'essaie de te dire qu'il doit être en train, au mieux, de se déchirer de l'intérieur depuis des mois. Et oui, je considère que tu as ta part de responsabilité là-dedans. C'est toi qui as insisté pour que tout aille plus vite.

- Manger ou être mangé, bro, répliqua l'américain en haussant les épaules. Je pouvais pas lui laisser une chance de retourner la situation.

Matthew se tut et un silence glacial s'installa entre eux. Il dura une bonne vingtaine de secondes au bout desquelles Alfred releva enfin un mot que son jumeau avait prononcé.

- Au mieux ?

- Tu as pris ton temps.

- Qu'est-ce que tu voulais dire exactement ? demanda l'aîné en fronçant les sourcils.

- Toi, tu as failli te déchirer définitivement mais tu en es sorti unifié. Ivan a passé les quarante dernières années à se construire une nouvelle unité, et tu l'as brisée en quelques mois.

- Abrège.

- Il pourrait mourir avec l'URSS.

Alfred s'immobilisa. Autour d'eux, le froid s'intensifiait, comme renforcé par la noirceur de la nuit parisienne. L'américain n'avait jamais envisagé la mort de son adversaire. En fait, il n'avait jamais envisagé la mort d'aucun de ses adversaires. Il gagnait, leur apportait la liberté et sa vision du monde, et c'était tout. Il envisagea un instant une plaisanterie ou un piège, mais renonça rapidement à l'idée. Matthew pouvait être bon acteur s'il le souhaitait, mais il lui suffisait de le regarder pour savoir qu'il lui avait dit la vérité.

La plus puissante nation du monde prit une grande inspiration, puis releva la tête vers son frère.

- Qu'est-ce que tu attends de moi ?

- Trouve-le.

- What ? Pourquoi moi ?

- Il a refusé de voir tout le monde. Quand il a compris que ses sœurs ne lâcheraient pas l'affaire, il s'est barré. Tu es le seul à pouvoir le retrouver.

Alfred réfléchit un instant, puis regarda son jumeau. Il soupira, puis répondit avec un sourire ironique.

- Tu me laisses le choix ?

- Pas vraiment, non.

- C'est ce qu'il me semblait. Je dois le localiser pour quand ?

- Avant la démission de Gorbatchev.

L'américain siffla.

- T'es au courant que c'est plus qu'une question de jours avant qu'il le fasse ?

- De ce que j'en sais, c'est plutôt une question d'heures, répliqua Matthew en tournant la tête vers la ville.

Le canadien contemplait les lumières sans les voir. Il avait été un intermédiaire crucial entre Russie et Etats-Unis sur les dernières décennies. Une défaite de l'un ou l'autre camp était inévitable, et il le savait. Mais la violence avec laquelle Alfred avait poussé les nations de l'URSS à déclarer leur indépendance avait fait mettre un genou à terre à Ivan. Et maintenant, il craignait le pire pour le russe. Il craignait, même en le retrouvant à temps, qu'il ne soit plus possible de le sauver.

Une main se posa sur son épaule, le faisant sursauter. Son frère planta ses yeux bleus dans les siens.

- C'est si important pour toi ?

- Ivan est mon ami.

- Alors je le retrouverai. Et je l'obligerai à rester en vie, qu'il soit d'accord ou non ! Parole de héros !

La pose triomphale de l'américain, sourire de cinéma et pouce en l'air, arracha un sourire à Matthew. Celui-ci posa sa main sur celle de son frère et la serra.

- Merci.

Un clin d'œil lui répondit.

- Je vais rentrer, poursuivit le canadien. Tu viens ?

Alfred lui fit signe que oui.

- Si c'est une question d'heures, je vais m'y mettre maintenant, ajouta-t-il en faisant craquer ses doigts.

Il retourna avec son frère à l'intérieur, et se dirigea vers sa propre chambre. Une fois dedans, il ouvrit un coffre qui aurait pu accueillir des jouets d'enfants, mais qui contenait en réalité tout le matériel électronique de pointe dont il pouvait avoir besoin dans sa lutte contre l'URSS.

- Alors… murmura-t-il en allumant les divers engins. Où est-ce que tu es allé te planquer, ruskof ?

-oOo-

Le lendemain matin, quand Arthur, Francis et Matthew se levèrent, ils trouvèrent un mot sur la table.

- Alfred dit qu'il avait un truc important à faire et qu'il est parti tôt, lut le français. Il nous souhaite un joyeux Noël.

- Plus de deux cents ans et il se comporte toujours comme un gamin capricieux, ronchonna Arthur.

- Ah ça, fallait pas l'élever en enfant pourri gâté…

- I beg your pardon !?

Pendant que le couple franco-britannique échangeait sa traditionnelle dispute matinale, Matthew tourna la tête vers la fenêtre.

- Faites qu'il n'arrive pas trop tard, murmura-t-il.

-oOo-

Loin de là, dans ce qui n'était désormais plus que la Russie, Alfred cherchait l'endroit qui correspondait aux coordonnées qu'il avait réussi à déterminer comme étant celles où Ivan devait se trouver. Et accessoirement, il était en train de grelotter. Même en invoquant la part de lui qui représentait l'Alaska et en utilisant sa résistance accrue au froid, il était gelé. Fallait-il qu'il aime son frère pour se lancer dans une aventure pareille le jour de Noël. Et qu'il soit doué en auto-persuasion pour éviter la complexe question de son inquiétude pour son bientôt ex-adversaire.

Au bout d'une heure de marche, il aperçut une petite maison en bois. Il nota aussitôt qu'en dépit de sa modeste apparence, la construction était bien plus résistante qu'il n'y paraissait.

Il entra sans même prendre la peine de toquer. Sans qu'il en soit vraiment surpris, il n'y avait personne à l'intérieur.

Pas de fenêtre non plus. Juste un poêle qui ronflait en diffusant une chaleur bienvenue, une cheminée dans laquelle rien ne flambait, et quelques meubles et équipements divers. Tout semblait signaler que quelqu'un vivait ici.

Tout, sauf un petit détail. Tout était trop bien rangé. Alfred connaissait les habitudes du russe, à force de l'observer et de s'être introduit dans ses diverses demeures pendant les dernières décennies. Et si Ivan aimait les choses ordonnées dans son travail, il laissait plus volontiers quelques affaires personnelles traîner ici et là dans son espace privé. Hors, dans cette maisonnette, tout était parfaitement rangé.

Alors qu'il finissait son tour d'exploration, il remarqua une enveloppe sur la table. L'américain grimaça en reconnaissant l'alphabet cyrillique. Dire qu'il avait fini par se mettre à apprendre les langues slaves juste pour ne pas être grillé pendant ses missions d'espionnage... Son cerveau traduisit automatiquement les caractères. Sur le dessus de l'enveloppe était simplement écrit « Pour les nations ».

Alfred fronça les sourcils et déchira le papier pour arriver à la lettre. Qui était plus une note qu'une lettre.

« J'ai passé un bon moment avec vous tous.

Ivan »

Les yeux de l'américain s'écarquillèrent. Son adversaire avait vraiment prévu de disparaître avec l'URSS. Une poussée d'adrénaline explosa dans son cerveau et ses muscles, et il se rua à l'extérieur en claquant la porte. Son esprit analysait la situation à toute vitesse. Le poêle qui fonctionnait toujours et l'eau qui restait au fond de l'évier. Il n'était pas parti depuis longtemps. Comment une nation mourait-elle ? Il serra les dents en constatant qu'il n'en savait rien. Ceux qui avaient assisté à la mort d'une nation évitaient d'en parler.

Toujours à toute vitesse et en commençant à courir, il analysa les diverses possibilités de suicides qui étaient envisageables dans l'environnement actuel.

Se laisser mourir de froid. Trop long et le ruskof résistait trop aux basses températures pour espérer que ce soit efficace en moins de deux jours.

Autres causes naturelles comme la faim ou les animaux. La poubelle de la maison démontrait une consommation récente de nourriture, et les animaux craignaient Ivan.

Une arme. Autant le faire à l'intérieur.

Les pensées s'enchaînaient à une vitesse folle mais Alfred avait malgré tout l'impression de réfléchir trop lentement. Le temps lui était compté, et il avait fait une promesse à son frère. Il enjamba un ruisseau d'un bond et se surprit à penser qu'il y avait peut-être plus que la promesse qui le poussait en avant. Alors qu'il allait reprendre sa course, il s'arrêta et se retourna pour regarder le ruisseau.

- What an idiot... se fustigea-t-il en se frappant le front.

Et il se mit à courir le long du ruisseau. Vue sa position géographique actuelle, la logique voulait que celui-ci se jette dans la Volga, l'immense fleuve qui parcourait la Russie. La Volga et son eau glaciale.

-oOo-

Alfred courut jusqu'à rejoindre le fleuve, puis continua jusqu'à trouver un petit chemin qui menait à une colline que la Volga contournait.

Il s'arrêta lorsque ses yeux lui permirent de voir l'autre moitié. Le chemin descendait sur l'autre versant de la colline enneigée, et menait à un pont qui traversait le fleuve. Un pont sans parapet, avec tout juste un minuscule rebord au cas où un piéton imprudent glisserait sur du verglas.

Et au centre de ce pont, il y avait Ivan.

Le russe était debout, face à l'eau, les deux mains refermées sur un tournesol. Le bas de son manteau flottait au vent, à l'instar de son écharpe et de ses cheveux.

Il ne l'avait pas remarqué. Pas encore. L'américain souffla un bon coup pour se détendre, puis se composa un air décontracté et entreprit de parcourir d'un pas nonchalant le reste du chemin.

Ivan était ailleurs. Il commençait à éprouver une curieuse sensation de dualité, comme s'il se détachait de son enveloppe physique. Ses yeux n'arrivaient plus à se concentrer sur autre chose que la couleur de son tournesol et l'eau bouillonnante sous ses pieds.

Un bruit imprévu finit cependant par briser ce semblant d'harmonie, et il revint à la réalité. Sa tête tourna lentement, et ses yeux violets purent contempler la raison du bruit malvenu. Un sourire triste étira ses lèvres, provoquant un étirement désagréable. Depuis combien de temps n'avait-il plus souri ? Son regard retourna à la rivière.

- Tu es venu assister à ma chute ?

- Pas exactement, répondit l'américain en restant à environ trois mètres.

Ne pas provoquer une réaction de panique incontrôlée en s'approchant trop. Règle de base en présence d'une personne s'apprêtant à se donner la mort.

- Je passais dans le coin et on m'avait demandé de prendre de tes nouvelles, poursuivit-il.

Parler calmement et instaurer une discussion. Autre règle de base. Ivan redirigea toutefois son regard vers la rivière.

- Qui t'envoie ? demanda-t-il après un silence.

- Mon frère. Et probablement tes soeurs à travers lui.

- Ça ne m'étonne pas. Tu leur diras que je vais bien.

- Tu pourrais leur dire toi-même.

Une nouvelle fois, Ivan releva la tête vers son interlocuteur.

- Tu as gagné. Ça devrait te suffire.

- Ça me suffit si tu restes en vie.

- Depuis quand ma vie a autant de valeur à tes yeux ?

L'américain grimaça intérieurement. La discussion se dirigeait vers un terrain particulièrement glissant.

- Mon frangin n'a pas beaucoup d'amis et tes soeurs sont perdues sans toi, tenta-t-il.

- Gilbert est à fond sur Matthew et mes soeurs savent se gérer seules. Aucun d'eux n'a besoin de moi, répondit le russe en secouant doucement la tête.

- Et si je te disais que moi j'ai besoin de toi ?

Alfred se mordit aussitôt la langue. Il avait répliqué sans réfléchir. Et il était maintenant sous le feu de deux prunelles améthystes. Ivan feula presque sa réponse.

- Je sais pourquoi tu es là. Je ne te donnerai pas le plaisir de m'humilier.

- Dude, calme-toi. C'est pas du tout ce que je...

- Je sais parfaitement ce que tu as en tête. Gagner ne te suffit pas, il faut que tu montres que j'ai perdu. Que le pays qui a tenu tête à Napoléon et à Hitler a fini par plier devant toi.

- C'est pas du tout ce que j'allais...

- Menteur.

- Tu vas me laisser parler, merde !?

Un silence lourd lui répondit, qu'il interpréta comme une autorisation. Ravalant une partie de sa fierté, il finit par s'exclamer avec de grands mouvements de bras.

- Fuck ! T'as été un super adversaire, le meilleur que j'ai jamais eu ! Sans la compétition qu'il y avait entre nous, j'aurais jamais autant progressé ! J'ai jamais eu autant l'impression de vivre qu'en t'affrontant !

Ivan tourna lentement sur lui-même. Il était désormais dos à l'eau, mais ses pieds collaient presque le rebord. Un instant de déséquilibre et il tombait.

- Shit ! Je t'interdis de sauter de ce pont !

- Sinon quoi ?

L'ironie était pratiquement palpable tant ces deux mots en étaient chargés. Alfred fut perdu quelques instants face à la réplique, puis ses yeux se durcirent et il serra les poings.

- Sinon je saute avec toi.

Sans que son visage en montre rien, Ivan fut estomaqué par la réponse. Alfred était donc prêt à aller jusqu'à de telles extrémités simplement pour le garder en vie ? Il devait vraiment avoir envie de claironner sa victoire. Ou alors il bluffait.

D'un coup d'oeil, il remarqua la position du soleil dans le ciel, malgré l'épaisse couche nuageuse. L'heure approchait.

- Alfred.

- Yes ?

- Laisse-moi partir.

- Nope.

- Ton frère s'en remettra et mes soeurs aussi. Une nouvelle nation prendra ma place. Le monde continuera à tourner sans moi.

- Dude, t'es la Russie ! T'as survécu à tout, tu t'es toujours remis de tout ! C'est pas une défaite politique qui va te tuer !

Un pâle sourire éclaira le visage d'Ivan.

- C'est la première fois en cinquante ans que tu es aussi gentil avec moi.

Les joues d'Alfred prirent une jolie couleur pivoine, sans que le froid y soit pour grand-chose. Le sourire d'Ivan s'élargit et il regarda le ciel.

- Moi aussi j'ai aimé me battre contre toi.

- Reste en vie et on pourra continuer si tu veux. On arrêtera peut-être juste de mettre le reste du monde en danger nucléaire, plaisanta le plus jeune en souriant.

Le russe resta un instant sans répondre, paupières mi-closes, comme s'il hésitait à révéler quelque chose. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il fixa son tournesol plutôt que l'américain.

- Alfred ?

- Yes ?

- Je ne voulais pas seulement te battre.

- Je sais, domination idéologique, rayonnement de ta culture chez moi, on avait le même objec...

- Je voulais que tu sois à moi. De toutes les manières possibles.

L'américain resta une seconde sans comprendre, puis ses joues virèrent au rouge vif en réalisant la signification des mots du russe. Avant qu'il puisse répondre, Ivan se mit soudainement à tousser.

Pas seulement à tousser. La main qu'il avait mis devant sa bouche par réflexe laissa échapper quelques gouttes d'un liquide rouge.

- Il est dix heures, finit-il par dire.

- Et tu veux me faire croire que c'est parce qu'il est dix heures que tu te mets à cracher du sang ? Dude, bouge pas, j'ai toujours du matos de secours dans mes...

- Gorbatchev vient de démissionner.

Alfred se figea pendant une seconde, qu'Ivan utilisa pour lui parler en souriant malgré le filet de sang qui coulait au coin de ses lèvres.

- Au revoir, Alfred.

Et il se laissa tomber en arrière.

-oOo-

La chute est courte, et pourtant le temps semble s'allonger et s'étirer. Ivan sourit. Il sourit comme quand il regardait Alfred sans que celui-ci le sache. Il veut que cet américain indomptable se souvienne de ce sourire. Il aurait voulu pouvoir le lui montrer plus tôt ou plus souvent. Dans ce sourire, il met tous les sentiments, toutes les émotions que cet insupportable gamin lui a fait ressentir.

Avec ce sourire, il lui dit qu'il l'aime.

Ses paupières se ferment sur ses prunelles améthystes, sa main se referme sur son tournesol, la seule touche de lumière qu'il ait jamais pu garder auprès de lui.

Il crève la surface de l'eau. La Volga l'attaque aussitôt, de ses millions de gouttes qui sont autant d'aiguilles gelées s'enfonçant dans sa chair. Son manteau et ses vêtements l'emportent au fond du fleuve. Ivan ne se débat pas. Le froid commence à le saisir et ses poumons commencent à réclamer de l'oxygène. Un dernier instinct de survie fait vaguement remuer quelques-uns de ses muscles, mais sa volonté les réduit rapidement à l'immobilité. Une part de son cerveau panique à cause du manque d'air, et la notion de temps commence à se distordre dans son esprit.

Ses paupières se soulèvent une dernière fois par curiosité, pour voir à quoi ressemble la Mère Volga d'en dessous. Pour voir ce fleuve qui a permis à son peuple de vivre pendant si longtemps sur cette terre inhospitalière.

Il distingue la surface. Elle est plus lumineuse que le reste, mais en partie cachée par une masse sombre et floue qui semble s'approcher de lui.

Ivan n'a pas le temps de l'identifier.

Asphyxié par le manque d'oxygène et incapable de retenir plus longtemps le peu d'air vicié qui reste dans ses poumons, son corps laisse partir les dernières bulles d'air qu'il contient et son esprit sombre dans l'inconscience.

-oOo-

Sur une rive de la Volga, après le pont.

- Allez, respire !

L'américain applique toutes les méthodes de secours qu'il connait pour sauver une personne de la noyade.

- Dude, respire !

Ivan reste sans connaissance.

- Fuck ! Je te jure que si tu te réveilles pas, je vais te rejoindre pour avoir des explications !


Voilà pour ce premier chapitre, j'espère qu'il vous a plu, et rendez-vous dimanche prochain pour celles et ceux qui auront envie de lire la suite !

Plein de sorbets aux fruits pour vous !