CHAPITRE XXXV - Le Monstre.


Hello hello.

(ou devrais-je dire Olà ?)

Voici la suite de notre histoire… Désolée, j'ai mis du temps à l'écrire… ce Chapitre était plus long que ce je pensais !

On se retrouve à la fin, bonne lecture !


… et puis, vous êtes arrivés.

Le terrible récit de la nuit passée venait de s'achever, porté depuis quelques longues minutes par la voix morne de Faucett.

Cette dernière, assise dans le lit de Freya, grimaçait alors que Gideon badigeonnait sa plaie au front avec une substance rougeâtre. La couleur de cette concoction se mêlait d'ailleurs presque parfaitement à sa chevelure ébouriffée de couleur rouille. Ses petits yeux sombres retombèrent vers ses mains, étroitement liées sur ses genoux.

Le silence retomba dans la pièce.

Epais.

La cabine de Freya était illuminée d'un doux soleil matinal, un soleil qui avait vaincu les nuages sombres de la tempête, et qui trônait au-dessus de l'infini bleu qui les entourait.

Et alors que Gideon s'affairait avec une mine aseptisée, au chevet de Romilda, Dragonneau était assis dans un fauteuil, le dos largement relâché dans le dossier de velours. Il avait porté sa main devant sa bouche, sûrement pour cacher une amère courbure de ses lèvres, et ses yeux sombres étaient fixés vers un point invisible, droit devant lui.

Dans un coin de la cabine, la Nott, elle, était rigide sur ses deux pieds.

Elle était paralysée, droite, à quelques pas à côté du fauteuil qu'occupait Dragonneau.

Et lorsque ses yeux se détachèrent finalement de Romilda, qui grimaçait encore, ils tombèrent vers le petit miroir, au dessus du secrétaire en acajou, où la vision de son reflet aurait dû l'alarmer.

Mais à vrai dire, cela lui fit ni chaud ni froid.

Elle n'avait même pas eu le temps de se changer après les sombres évènements de la nuit dernière, et se revêtait encore de sa robe bleue nuit, et de ses gants écrus abîmés.

Ses cheveux noirs étaient tout aussi défaits que ceux de Romilda, et sa robe tombait négligemment d'une de ses épaules, déstructurant le reste pailleté en pagaille. En dessous des quelques franges de sequins bleus, à moitié arrachés et branlants, le sang sur ses genoux avait séché, créant des plaques craquelantes et négligées.

Quant à son cou, il était devenu bleu, presque autant que lorsque Grimmson l'avait attrapée par la gorge, juste avant son escapade du Ministère. Le rouge de sa bouche s'était défait et avait asséché ses lèvres, closes dans une ferme ligne droite. Et son expression… elle était glaçante.

A vrai dire, elle n'en avait pas vraiment.

Son visage reflétait exactement ce qu'elle ressentait à l'intérieur.

Du vide.

Elle avait l'impression qu'on lui avait arraché une partie de son âme.

Une partie d'elle.

Mais elle ne ressentait aucune douleur.

Aucune tristesse.

Aucune peur.

Elle ne ressentait plus rien.

Après une minute à fixer son visage dans le petit miroir, Freya trembla presque en réalisant quelque chose de terrible. Elle ne ressentait aucun regret non plus.

Ses yeux bleus, las, tombèrent vaguement vers la valise ensorcelée de Dragonneau, où lui et Gideon avaient dissimulé le corps inerte de MacDuff. Et ensemble, ils avaient convenu qu'ils le livreraient aux autorités Brésiliennes dès leur arrivée à Rio.

Oui, elle l'avait tué.

Elle avait tué.

Et elle ne ressentait rien.

Aucun regret.

Une sensation étrange naquit dans le creux de son estomac. Il se tordit, se crispa.

Elle avait commis un crime.

Elle avait jeté un sort impardonnable.

Un sortilège de Mort.

Et elle ne ressentait absolument rien.

Freya passa de la valise de Dragonneau à ses mains, qui jusque là, avaient été rigides le long de ses cuisses. Elle tourna ses paumes vers le ciel, vers ses yeux. Ses mains abîmées ne tremblaient même pas.

Inconsciemment, les sourcils de Freya se froncèrent un peu.

Elle commençait à réaliser quelque chose.

Elle était devenue…

- …Nott ?

Sa tête se releva d'un seul coup, et toute sa rigidité fut secouée comme si elle avait été frappée par un éclair. Ils la regardaient tous. Tous.

Et leurs expressions étaient étranges. Froncées. Sombres. Inquiètes.

Et Freya y décrypta exactement ce qu'elle était en train de penser.

Elle était devenue un Monstre.

Romilda reprit avec une expression presque agacée devant son manque de réaction :

- Cela fait plusieurs fois que nous vous appelons.

C'était étrange de la voir adopter ces expressions hautaines et exaspérées avec sa véritable apparence. La dernière fois qu'elle l'avait vue ainsi, Romilda devait avoir environ 17 ans, et elle était plus chétive et timide que froide et orgueilleuse.

Au bout de quelques secondes, les lèvres de Freya s'entrouvrirent pour la première fois depuis leur retour à sa cabine. Elles se détachèrent difficilement, comme si elles avaient été jusque là verrouillées. Bien consciente de tous ces regards braqués sur elle, elle finit par lâcher simplement :

- Oh…

La main se détacha du visage de Thésée, dont les yeux gris la balayaient de haut en bas, comme pour la scanner pour la énième fois depuis qu'ils les avaient retrouvées. Sa mâchoire se contracta distinctement, et puis, il finit par dire :

- Vous devriez aller vous passer de l'eau sur le visage Nott, et nous irons prendre l'air sur le pont.

Il y avait une certaine rigidité dans sa voix.

Mais Freya resta immobile, et se mit à le fixer, à moitié consciente de ce qu'elle était en train de faire. Thésée ne la lâcha pas des yeux non plus, mais la fronce de ses sourcils s'accentua.

« Je suis un Monstre. »

Cette phrase était en boucle dans sa tête, comme un éternel écho, qui ricocherait sur toutes les parois de son crâne. Comme elle ne réagissait pas, et qu'elle n'avait toujours pas bougé, Dragonneau s'était relevé du fauteuil dans un mouvement vif. Il s'était élevé de toute sa hauteur, et fit un pas dans sa direction ; l'expression sombre était devenue à la fois inquiète et inquiétante.

- Nott, vous devriez vous asseoir.

- Je vais bien.

Sa réponse, au timbre de voix morne et maîtrisé, avait jailli du tac au tac.

Dragonneau avait déglutit, et son expression était comme s'il ne comprenait pas sa réponse. Ses deux yeux gris oscillèrent vivement entre les yeux de la Nott, et puis il finit par dire :

- Je ne pense pas.

- Je vous dis que si.

Freya fut surprise de la maîtrise avec laquelle elle lui avait rétorqué cela.

Thésée rétorqua avec une voix douce et patiente, bien qu'elle sentait très bien que cela lui demandait un énorme effort :

- C'est pour votre bien, Nott. Vous vous sentirez-…

- Comment pouvez-vous prétendre savoir ce que je ressens ?

Les mots lui avaient encore une fois échappé, ils avaient filé de ses lèvres, et son expression était restée la même, comme si son visage avait été fait de plâtre.

Thésée eut un petit mouvement de recul, un peu stupéfait et interdit devant une telle pique. Du coin de l'oeil, Freya vit distinctement Gideon reposer son coton teinté de rouille, et diriger vers eux un regard anxieux.

L'air de Thésée devint presque las, mais il était clair qu'il ravalait tant bien que mal une certaine impatience. Il secoua la tête lentement, et, en lâchant un petit soupir, il fourra ses deux mains dans ses poches de pantalon.

Freya balaya les autres regards dans la pièce, se sentant soudainement sur le point d'étouffer. Elle poussa Dragonneau sur le côté, le cognant sévèrement dans les côtes avec son épaule. Ignorant sa plainte agacée, elle fila vers la porte.

- Nott… Nott-…

Elle avait claqué la porte derrière elle, et traversa le couloir rouge sang en furie.

Elle se sentait oppressée tout à coup, comme si elle manquait d'air.

Arrivant au bout du long couloir, elle poussa la porte de toutes ses forces et…

De l'air.

Une brise marine, tiède, et le doux soleil du matin la réchauffèrent instantanément.

Elle prit une grande bouffée d'air, comme si elle avait été en apnée tout ce temps. Encore pantelante, et blême, elle passa sa main sur son visage, essuyant négligemment une partie de son rouge à lèvres dessèche au passage. Une large marque rougeâtre se dessina sur son gant écru. Mais très vite, ses yeux se détachèrent de sa main, car des chuchotements avaient attiré son attention.

Des moldus, apparemment outrés de son apparence, la fixaient avec un air scandalisé. Ils murmuraient des choses, bien qu'elle ne puisse pas franchement les entendre avec le bruit de la brise marine.

Elle remit vaguement la bretelle de sa robe à sequins, droite sur son épaule, mais cela ne suffit apparemment pas à calmer les regards désapprobateurs et apeurés qu'on lui lançait. Apeurés.

Oui. Les mêmes regards sombres, inquiets et inquiétants que Faucett, Gideon et Thésée lui avaient lancé à l'instant.

Ses viscères se tordirent encore.

Elle était un Monstre.

Ses pieds la portèrent lentement vers une rambarde blanche, en plein soleil. Elle s'y posta avec absence, et remarqua à peine le couple de Moldus, installés non loin d'elle, s'éloigner non sans regards dédaigneux dans sa direction.

Elle posa ses deux avant-bras sur la rambarde, avec un calme extérieur qui ne lui ressemblait pas. Si elle n'avait pas eu cette douloureuse sensation, dans le creux de son estomac alors elle-même aurait pu croire qu'elle n'avait jamais été aussi calme.

Après avoir tué quelqu'un.

Quelle ironie.

Le visage de MacDuff, figé dans la Mort, lui revint comme dans un flash.

Mais au lieu de ressentir ce désarroi, et ce dégoût, un autre sentiment resurgit.

De la colère.

Ce n'était pas son premier Sort Impardonnable.

Non.

C'était son deuxième.

Et quant au premier…

Les images douloureuses de la torture de Phineas lui revinrent.

Sa torture au Ministère, par Grimmson.

Grimmson.

Elle crut vider son estomac pour de bon, recrachant tout le champagne et l'euphorie qu'elle avait ressenti la veille, alors qu'elle dansait dans les bras de Dragonneau. Quelle idiote elle avait été. Lui, avait raison, comme d'habitude. Elle ne se méfiait pas assez.

Et voilà ce qui en était advenu.

La Mort.

Les cris de douleur de Phineas résonnèrent encore.

Encore et encore.

Si bien qu'elle dût s'agripper aux barreaux blancs devant elle pour ne pas passer par dessus bord. Ses jambes s'étaient mises à flageoler. Les paroles acerbes d'Abernathy lui revinrent.

Que Grimmson la voulait, elle.

Qu'il voulais charger de son cas.

Qu'il prendrait son temps.

Et puis, ce furent les images de Phineas alité à Ste Mangouste qui la giflèrent réellement.

De ses jambes, détruites, mutilées dans leur chair, jusqu'à l'os.

De cet horrible système de poulie et de métal qui entourait son lit branlant.

Plus jamais il ne pourrait marcher comme avant.

Plus jamais.

Tout ça, à cause de Grimmson.

« Miss Nott n'est-elle pas charmante ? Comme une Rose ».

Sa voix rocailleuse et vicieuse la hantait.

Elle ravala sa nausée, s'étouffant presque sur le peu de dignité qu'il lui restait, dans cet accoutrement, sur ce pont et devant tant de Moldus curieux.

Sa propre voix résonna dans sa tête.

« AVADA KADAVRA ! »

La colère revint de plus belle.

Accompagnée d'une… certaine assurance.

Et d'une envie de vengeance.

Amère.

Très amère.

Elle pourrait recommencer.

Elle pourrait le refaire.

Oui.

Elle pourrait tuer à nouveau.

Et même si cette idée la terrifiait tout à coup, une partie d'elle même s'était assombrie, s'était étrangement endurcie. Freya sentit ses yeux trembler vers l'horizon bleu devant elle.

Et elle se le jura.

Elle s'en fit la promesse.

Dès que l'occasion se présenterait, Grimmson… serait à elle.

Freya lui ferait payer.

Tout ce qu'il lui a fait.

Tout ce qu'il a fait à Phineas.

Tout le mal qu'il a fait.

Les yeux sombres et rougis de Freya retombèrent vers ses mains, cramponnées si fort sur les barreaux de la rambarde, que ses articulations se confondaient avec le blanc de cette dernière.

Elle déglutit de nouveau.

Etait-elle un monstre de penser cela ?

Sûrement que oui.

On recouvrit ses épaules d'un doux tissu, mais elle ne sursauta même pas.

A vrai dire, la Cologne mentholée avait trahi le propriétaire de la veste, désormais fermement calée sur ses épaules. Elle ne bougea pas d'un poil de Licorne.

Derrière elle, Dragonneau semblait réajuster sa veste dans le haut de son dos. Et puis, il s'approcha encore un peu, et calant presque son torse contre son dos, il plaça ses mains de part et d'autre de celle de Freya, l'encerclant fermement, comme s'il s'attendait à ce qu'elle s'échappe de nouveau.

La voix de Freya quitta ses lèvres avant même qu'elle ne puisse vraiment y penser :

- Je n'ai pas froid.

Celle de Thésée fut grave et presque quelconque. Et elle sentit son inquiétude vibrer contre sa colonne vertébrale :

- Ce n'est pas pour le froid. Ne voyez-vous pas comment tous ces Moldus vous regardent ?

- Si.

Elle se tourna un peu, et elle regarda par dessus son épaule, apercevant une autre dame en train de la regarder avec un air outré. Freya ravala son amertume et marmonna vaguement :

- Si, je le vois.

Elle se pinça les lèvres et continua, non sans reproche :

Ils me regardent, comme vous me regardez.

Ses yeux se relevèrent vers les gris au-dessus des siens.

Et malgré le regard en apparence composé de Thésée, elle cracha presque avec amertume :

- Comme si j'étais un Monstre.

Le regard gris au-dessus d'elle se durcit un peu, et elle sentit aussi qu'une certaine tension s'était installée dans sa posture, surtout dans ses bras, où elle aurait juré sentir l'étau contre elle se resserrer un peu.

Il démentit du tac au tac :

- Je ne vous regarde pas comme cela.

Freya secoua la tête :

- Tout à l'heure, vous-…

- Vous vous persuadez de choses qui ne sont pas réelles.

Thésée lui lança un regard désapprobateur qu'elle n'apprécia pas.

Mais malgré cette expression, sa voix s'était radoucie :

- Vous n'êtes pas un Monstre.

Freya repensa au fait qu'elle venait de se jurer de tuer Grimmson.

Elle martela :

- J'en suis un.

Avant même qu'il ne puisse dire quoique ce soit, elle répliqua avec une voix plus tremblante que ce qu'elle n'aurait souhaité :

- Je ne ressens aucun regret, aucune culpabilité pour hier, je ne-…

- Avez-vous ressenti du plaisir en tuant MacDuff ?

Freya fut si surprise d'entendre cette question qu'elle avait plaqué son dos contre la rambarde blanche, dans un mouvement de recul. Elle le regarda à deux fois, et balbutia :

- Du-…

Elle secoua instantanément la tête, soudainement habitée par un certain dégout :

- …par Merlin, non.

La voix grave de Thésée lui rappela sévèrement :

- Vous l'avez fait pour sauver Faucett.

Comme l'expression de la sorcière devant lui n'avait pas changé, il insista :

- Vous lui avez sauvé la vie.

Il se pencha un peu vers elle, avec une fronce préoccupée dans ses sourcils châtains :

- Me perceviez-vous comme un Monstre lorsque j'ai abattu Thorne à Bruxelles ?

Freya se crispa un peu à la mention de ce sombre évènement.

Mais comme elle ne montrait pas de véritable réaction, il tenta de lui rappeler avec une grimace qui ressemblait à de l'aigreur :

- Lorsqu'elle était sur le point de vous-…

- Non.

Freya ne voulait pas y repenser. Elle ferma ses yeux, et serra ses paupières si fort qu'elle en vit des étoiles. N'avait-elle pas aussi froidement assassiné Abbott ? Le visage figé du vieil auror lui revint, comme un coup de tonnerre.

Son estomac se tordit encore.

Et le visage tout aussi si figé de Thorne. Thorne, qui avait été depuis longtemps dans la Division, Thorne qui avait connu Dragonneau depuis beaucoup plus longtemps qu'elle, et pourtant…

Les images de Thésée, le visage plein de suif et de sueur, grimaçant de désespoir devant les corps sans vie de ses deux subordonnés lui revint très vite aussi. Lorsqu'il était lâchement tombé à genoux devant eux, lorsqu'il avait regardé sa baguette, encore logée dans sa main, lorsque…

Elle releva des yeux tout à coup incertains vers Dragonneau.

Etait-ce ainsi qu'il s'était senti, après l'avoir tuée ? Aussi vide qu'elle se sentait à présent ?

Aussi sali ? Aussi confus ?…

Freya secoua subitement la tête en déni.

Certainement que non.

C'était un Héros de Guerre. Sûrement était-il habitué à tout cela.

Mais pour une étrange raison, le regard sombre qu'il lui lançait tout à coup lui confirma le contraire.

Elle repensa à sa question « Comment pouvez-vous prétendre savoir ce que je ressens ? » et se sentit comme une idiote. Une véritable idiote.

Il savait. Merlin, il savait. Il avait fait la Guerre.

Il avait tué Thorne pour la sauver, mais… sûrement en avait-il déjà tué d'autres.

Et qui sait combien.

Sa voix grave reprit avec un ton insistant :

- Maintenant dîtes-moi honnêtement… Comment vous sentez-vous ?

Freya lui dit la vérité :

- Je ne ressens rien.

Mais il secoua la tête.

- Mensonge. Depuis l'aube vous avez ce regard-…

- C'est la vérité, je ne ressens rien !

- Non, vous êtes en colère.

Freya se tut.

Ses lèvres desséchées s'étaient fermées d'un seul coup, comme l'aurait fait un coquillage.

Ses yeux gris oscilla entre ses deux bleus.

- Je le vois dans vos yeux.

Elle détesta le fait qu'il avait raison.

Qu'il avait vu juste.

Il enchaîna rapidement :

- Et je le suis aussi.

Elle n'eut pas le temps de lui demander quoique ce soit qu'il s'expliquait déjà :

- Je n'aurais pas dû m'éloigner lorsque Prewett est venu me dire que Faucett avait disparu… Je n'aurais pas dû vous laisser seule. Et surtout… j'aurais dû arriver plus vite. Si cela avait été le cas, alors vous n'auriez pas eu à-…

- Je l'ai tué, c'est fait.

Les mots avaient filé hors de sa bouche, comme file un serpent dans la nuit.

L'expression de Dragonneau se referma tout aussitôt.

Sa bouche formait une ligne droite et rigide.

Les yeux bleus de Freya glissèrent de ceux de Dragonneau, frôlèrent sa mâchoire, sa pomme d'Adam, son col, son veston… et retombèrent vers ses propres mains gantées.

La vision de la trace de rouge à lèvres sur le tissu écru la glaça.

Et elle pensa à haute voix :

- J'ai du sang sur les mains.

- Comme la plupart d'entre nous.

Son regard se redressa instantanément vers Dragonneau.

Son air était dur, rigide.

Et dans ses yeux gris, elle y vit le scintillement d'une triste réalité.

La réalité de la Guerre.

Sans que sa non expression ne change, Freya déclarait déjà :

- Vous aviez raison…

Elle se pinça les lèvres avant de lui dire :

- Ils voulaient récupérer le Pendentif et vous tuer.

Ces derniers mots, elle avait dû les arracher à sa gorge, tant elle eut du mal à les prononcer.

Mais l'expression grave et figée de Dragonneau ne changea pas. Il n'était pas surpris. Pas le moins du monde.

Freya, elle, s'offusqua, et balbutia en secouant la tête :

- Ils… ce n'était pas ce qui était convenu, vous deviez leur ramener le Pendentif pour que-…

- Grindelwald laisse penser qu'il est un homme de parole. Mais ce n'est qu'une façade… avec ses acolytes, tout peut changer. Qui sait ce qu'il a vraiment en tête.

Freya allait rétorquer quelque chose, car elle ne pouvait l'admettre, n'était-ce pas une promesse ? Un Pacte, en quelques sortes ? Mais Dragonneau dût lire dans ses pensées, car il ajouta :

- Le seul Pacte qu'il ait vraiment passé est là…

Il tapota la poche interne de son veston, et le sang de Freya se figea dans ses veines.

- … dans ce Pendentif. Tous les autres pactes, promesses,… tout le reste n'est que mensonge et manipulation.

Son bras retomba le long de son flanc et Freya sentit une vague de culpabilité la gifler. Mais Dragonneau ne sembla pas le remarquer.

L'expression de l'auror varia un peu, ses yeux s'étaient plissés lorsqu'il prononçait :

- Ce qui m'inquiète en revanche, c'est cette quête qu'il s'est fixé pour vous trouver, vous et votre Mère.

La colère resurgit encore.

Elle s'époumona presque en bredouillant :

- Abernathy a dit qu'il savait précisément pourquoi, et-…

- Et vous avez bien failli le suivre de votre plein grès. Faucett m'en a parlé.

Sa voix était calme, régulière, mais il y avait clairement de la désapprobation dans ses yeux gris. Freya grogna presque, et marmonna tout haut :

- Elle ne peut donc rien garder pour elle…

Une brise marine les balaya tous les deux. Tiède, pleine d'iode et de soleil.

Elle faillit ne pas entendre la voix de Dragonneau, emportée par le vent.

- Elle est inquiète pour vous.

Elle souleva ses sourcils avec surprise et souffla sarcastiquement :

- Faucett ? Pour moi ? Non, je ne pense pas.

Dragonneau se pinça les lèvres, et un léger sourire s'y installa, illuminant le reste de son visage :

- Vous avez… ce talent de faire changer d'avis les gens sur vous, Nott.

Sûrement parlait-il par expérience.

Ne lui avait-il pas dit cela à Bruxelles ? A l'infirmerie, après le terrible Rassemblement.

Mais cette phrase lui en rappela une toute autre, lors de leur dispute dans le quartier du Béguinage, juste avant ce même Rassemblement.

Freya lui rendit une expression amère :

- Je pensais que mon talent était celui de constamment attirer des ennuis.

La courbe sur les lèvres de Dragonneau s'accentua drastiquement, et il parut soudainement réellement amusé. Un de ses sourcils s'était soulevé et il se pencha un peu vers elle avec ce même sourire diverti :

- Quoi, vous souhaitez m'affirmer le contraire ?

Freya eut du mal à contenir son sourire, elle baissa la tête, trouvant un soudain intérêt pour leurs pieds. Le fait de sourire, et même un si court instant, lui procura le plus grand bien. Elle ressentit comme une vague de chaleur la traverser, une vague de douceur.

Mais elle se fana rapidement lorsqu'elle vit le sourire de Dragonneau s'effacer.

- Nous arrêterons Grindelwald, Nott.

Cela sonnait comme une promesse.

- Nous les arrêterons tous, et ils paieront pour leurs Crimes. Ils le paieront à Azkaban.

Ses yeux gris scannèrent les siens.

Mais au lieu de trouver cela rassurant, ou même engageant, une partie de Freya s'assombrit. Le sourire narquois et carnassier de Grimmson lui revint, comme dans un flash.

La voix solennelle de Dragonneau jura :

- Je vous le promets, Nott.

Il attrapa sa main, encore crispée contre la rambarde, et elle le laissa l'emmener vers la porte qui menait aux Cabines, sans rien dire. Sa bouche s'était de nouveau scellée.

Et elle repensa à cette chose terrible.

Grimmson le paiera, oui.

Il paiera pour ce qu'il a fait.

Mais ça ne sera pas à Azkaban.

Car elle le tuera avant.


Freya était très vite retombée dans le silence le plus complet.

Retombée dans ses sombres pensées.

Lorsqu'ils étaient revenus à la Cabine, Gideon et Faucett n'y étaient plus, et selon Dragonneau, ils étaient partis préparer leur arrivée, qui s'annonçait imminente, à Rio.

Dragonneau l'avait regardée une nouvelle fois, de la tête aux pieds. Il hésita avant de lui dire :

- Ne le prenez pas mal, Nott, mais… vous devriez vraiment vous changer.

Elle lui adressa un regard las, qu'il ne prit pas le temps de soutenir, car ses yeux étaient déjà retombés vers ses genoux esquintés. Sa voix grave déclara :

- Et j'irai chercher Prewett, pour qu'il vous soigne.

Freya avait vaguement hoché la tête, mais de toute manière, il s'était déjà affairé à remettre de l'ordre dans sa valise, lui tournant le dos.

Freya se dirigea dans la salle de bain sans un bruit, sans un mot.

Mais avec une seule, et obsessionnelle, pensée dans la tête : « Je tuerai Grimmson. Je me vengerai. Je l'ai déjà fait, je pourrai le refaire. »

L'eau tiède dégoulinait sur sa tête, et c'est toujours cette même pensée qui revenait. Encore, et encore, comme une radio mal réglée. Et lorsqu'elle sortit enfin de la cabine de douche, et qu'elle se planta devant le miroir embué, elle se figea.

Dans le miroir brouillé, elle apercevait son teint blafard, son cou rougi.

Son visage était si pâle, qu'il se mêlait presque au blanc de la serviette qu'elle avait enroulé autour de son buste. Avec un visage morne, et d'un geste approximatif, elle essuya la buée de la glace avec la tranche de sa main.

Et elle crut hurler.

Son sang ne fit qu'un tour.

Derrière elle, juste derrière elle, se tenait une grande silhouette.

Le visage rembrunit et le sourire carnassier de Grimmson.

Freya voulut faire volte-face, se retourner vivement, mais sa cheville se tordit contre le carrelage écru. L'autre pied glissa, et elle chuta en arrière, comme au ralenti. Et durant cette chute, elle remarqua qu'il n'y avait en fait personne.

Personne.

Elle était seule dans cette salle de bain.

Et puis… sa tête cogna contre le bas de la porte dans un bruit sourd.

Et tout devint noir.

Un flash de lumière illumina l'obscurité.

Un grésillement.

La lumière se mit à cligner plus vite.

Encore ce maudit couloir de bateau.

Encore toute cette eau, glacée, qui s'engouffrait dans la cale, dans les cabines.

Et encore ces pleurs.

Freya s'approcha de la seule porte de cabine ouverte avec des pas lents, cautionnants. Elle savait très bien ce qu'elle allait y trouver. Ou plutôt qui.

Leta Lestrange.

Elle pleurait, assise sur le lit, le visage niché dans ses mains gantées.

Elle pleurait, encore et encore.

Et cela brisa Freya.

Ses viscères se remuèrent encore, et une terrible sensation l'habita. Elle toisa Lestrange, encore éplorée, avec une mine déconfite et défaite. Pendant un instant, elle crut vomir, mais ce ne furent que des sanglots qui jaillirent hors de sa gorge nouée. Un sentiment noir s'empara d'elle. Le regret, le remord qu'elle n'avait pas ressentis jusqu'à présent ; c'était comme si tout lui venait d'un seul coup, comme une gifle.

Et là, Freya comprit que ce qu'elle ressentait, devait être ce que sentait Lestrange.

Le remord, le regret, d'avoir tué son frère. De l'avoir tué.

Tué.

Sa voix étranglée avoua :

- J'ai tué mon frère… j'ai tué mon frère…

Freya allait s'approcher, tant bien que mal, mais… elle se stoppa d'un coup.

Prise d'une peur tétanisante.

Une vision d'horreur l'avait fait se stopper net.

Lestrange avait relevé son visage de ses gants.

Et son visage… il était horrible.

A moitié rongé par des flammes, à moitié en cendres. Des crépitements de flammes bleutées s'échappait des bords de sa bouche, des coins de ses yeux.

Freya recula, et trébucha en arrière, le dos soudainement plaqué contre la porte de la cabine, qui s'était mystérieusement refermée. Lestrange s'était relevée, désormais plus menaçante qu'éplorée.

Freya prit peur.

Elle crut hurler.

- Nous ne sommes pas si différentes après tout, Nott.

Cette phrase.

Encore et toujours cette même phrase.

Le souffle de Freya s'accéléra, jusqu'à devenir une plainte sifflante.

- Faites attention…

Les mains de Lestrange se mirent à se consumer à leur tour… et Freya la regarda avec horreur alors qu'elle continuait à lui parler, avec une voix grave, d'outre-tombe.

- Vous pourriez bien perdre le vôtre aussi.

Freya hoqueta d'horreur.

Sa voix balbutia machinalement :

- Marcus ?

Mais Lestrange l'ignora.

Sa bouche se tordit dans une grimage de dégoût, et avant que sa bouche ne se consume complètement, elle articula sombrement :

- Il prévoit de le tuer.

Freya se réveilla en sursaut.

Trempée, mais pas à cause de la douche qu'elle venait de prendre, trempée de sueur froide.

Elle cligna des yeux une première fois, puis une deuxième. Et grimaça alors qu'on lui tapotait la joue. Tout était si flou. Elle ne voyait d'une grande tâche sombre, penchée au dessus d'elle, elle reconnut le néon jaunit de la salle de bain, et puis, le carrelage écru… le sol était froid sous elle, glacé même, et elle se mit à tapoter cette surface avec une main tremblante, à tâtons.

Elle cligna encore des yeux.

Puis sa vue revint.

Nette.

Les yeux de Dragonneau étaient durs au-dessus des siens, et sa main vint tapoter sa joue une nouvelle fois. Freya dût tourner la tête sur le côté, avec une grimace, pour qu'il arrête de faire cela. La bouche de Thésée prit une courbure amère.

Il articula distinctement :

- Avouez que je ne suis pas loin de la vérité lorsque je dis que vous ne faîtes qu'attirer des ennuis…. Lorsque vous ne les créez pas vous-même.

Les mots se délièrent de la bouche de la Nott, si vite qu'elle n'eut pas le temps d'y penser réellement :

- Il veut tuer Marcus.

Dragonneau eut un petit moment durant lequel il était resté figé, et puis, au bout de quelques secondes, il finit par demander avec un froncement de sourcil confus :

- …Quoi ?

Encore à moitié confuse, Freya tenta de se relever, tout en se pressant à expliquer :

- J'ai… j'ai reçu un avertissement. Grindelwald va s'en prendre à Marcus-…

- Doucement, doucement.

Dragonneau lui avait attrapé les épaules, l'aidant à la soulever. Il cala son buste contre le mur carrelé de la salle de bain. Avant même qu'elle ne puisse renchérir sur le sujet, Dragonneau la questionna avec cette même fronce dans ses sourcils :

- Comment diable êtes-vous tombée ainsi ?

Coupée dans son élan, Freya dût fermer les yeux, comme pour essayer de se souvenir de ce qu'il s'était produit. Elle ouvrit la bouche, et la referma aussitôt. Elle était tombée ?

Ah oui. Elle était tombée.

Thésée enchaîna :

- Vous vous sentez faible ? J'aurais dû insister lorsque Prewett vous a proposé du-…

- Non, je me sens-…

Elle avait levé une main vers lui, comme pour l'arrêter dans sa vague de questionnements. Elle secoua la tête :

- Je ne me sens pas malade. Ni faible.

- Alors, quoi, vous avez glissé ?

Dragonneau ne parut pas rassuré pour autant, mais c'est le reproche qui prit le dessus sur l'inquiétude, elle l'entendit dans sa voix grave :

- Pourriez-vous être plus prudente ?

Bien que le fait d'y repenser l'angoissait profondément, Freya se retrouva à balbutier faiblement :

- Il y avait…

Dragonneau se tut.

Freya grimaça et elle finit par expliquer avec une mine angoissée :

- Dans le miroir… j'ai vu Grimmson.

Les sourcils de Dragonneau s'emmêlèrent presque.

Il ne la croyait pas.

Pas le moins du monde.

Elle se mit à balbutier, plus vite, et plus fort :

- Je-… j'ai vu Grimmson. J'ai pris peur et j'ai-…

- Je vais chercher Prewett.

Freya avait agrippé son col de chemise, l'empêchant de se relever.

Elle cri presque :

- Non !

Dragonneau la toisa comme si elle avait perdu l'esprit, malgré ses efforts soutenus pour contenir son expression faciale. Freya secoua la tête et tenta de lui assurer, un peu moins fort cette fois :

- Non, je vais bien.

Thésée la regarda, presque las, et il lui reprocha :

- C'est la deuxième fois aujourd'hui que vous m'affirmez cela, et encore une fois, je me vois obligé de vous soutenir le contraire, vous n'allez pas-…

- Il faut prévenir Marcus ! Lui envoyer un hibou.

L'auror soupira un peu, et posa une main sur son épaule nue, y exerçant une petite pression, qui se voulait rassurante. Il lui assura calmement :

- Votre frère n'est pas en danger, Nott.

Alors qu'elle allait intervenir, il lui demanda :

- Votre frère a-t-il été une cible jusqu'à présent ? Non.

- Mais-…

- Dumbledore l'a dit lui-même, et je le rejoins sur ce point. C'est une femme qui est mentionnée dans la Prophétie de Tycho Dodonus. Votre frère n'a donc rien à craindre.

Il eut une légère expression sarcastique avant de marmonner :

- Bien que ses pleurs de fillette lors de notre match de Quidditch en sixième année me laissent parfois penser le contraire.

La voix de Freya restant coincée dans sa gorge, elle voulait dire tant de choses, mais ce fut comme si tout y était resté bloqué. Ses yeux retombèrent vers son propre corps, encore enroulé de sa serviette de bain blanche, et elle dût rougir malgré sa pâleur. Elle plaqua nerveusement ses mains contre le haut de ses cuisses, à peine dissimulé par le bas de la serviette. Dragonneau avait suivi son regard, mais le dévia rapidement, il se mit à regarder la porte avec un air presque gêné.

- Vous avez eu de la chance, vous auriez pu tomber sur-…

- C'était Lestrange.

Comme elle l'avait prédit, ce nom avait bel et bien attiré son attention.

Il avait redirigé des yeux rigides vers elle.

Elle enchaîna en expliquant :

- C'était Lestrange, elle m'a dit de faire attention à mon frère. Qu'il voulait le tuer.

Comme il n'y avait aucune réaction de la part du sorcier devant elle, Freya ajouta, l'implorant presque :

- C'est un avertissement. Elle me dit que-…

- Nott, Leta ne peut rien vous dire.

Ses yeux étaient devenus un peu tristes.

Il lâcha avec une voix dénuée de vie :

- Leta n'est plus.

Alors qu'elle bredouillait des mots sans aucun sens, tentant de constituer une phrase qui ferait sens, les bras de Dragonneau l'avaient soulevée du sol carrelé. Un bras sous ses genoux, l'autre dans le milieu de son dos. Freya lui lança un regarda presque alarmé.

- Je vais vous amener à votre lit.

Et alors qu'il sortait de la salle de bain, avec la sorcière dans ses bras, elle attrapa son col de chemise, et il se stoppa, redirigeant vers elle ses yeux gris et sombres. La frustration la gagna et elle lui dit simplement :

- Vous ne me croyez pas.

Thésée hésita vaguement avant de répondre, et puis, il finit par dire :

- Disons que j'ai du mal à identifier s'il s'agit d'un vrai rêve, ou d'un… d'une sorte de cauchemar. Vous avez vu Grimmson… alors qu'il n'était pas là, Nott. Et ce n'est pas la première que cela arrive, si je ne me trompe pas.

Le coeur de Freya manqua un battement.

La frustration se teint de colère, alors que la voix de Thésée conclut :

- C'était une hallucination.

Ses yeux gris, radoucis, cherchèrent quelque chose dans les siens.

Il martela :

- C'était dans votre tête.

La colère surpassa définitivement la frustration de Freya.

Piquée au vif, elle cracha presque :

- Vous êtes en train de dire que je suis folle !

- Non.

Il avait repris les pas vers le lit vert, conservant une expression calme alors qu'elle savait pertinemment qu'elle était en train de jouer avec ses nerfs.

Et alors que Freya pensait qu'il allait se mettre en colère, il expliqua avec un calme olympien qui l'horripila :

- Non, je dis que vous avez eu peu de sommeil, un trajet difficile et une nuit-…

- Je ne suis pas folle.

L'auror s'était encore arrêté.

Cette fois-ci, son regard devint ouvertement agacé.

- Encore une fois, ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous vous obstinez toujours à mettre des mots dans ma bouche-…

- Lâchez-moi, avait-elle exigé sèchement.

Il fronça ses sourcils dans sa direction, et elle lui lança un regard noir.

La sorcière commença à se remuer dans les bras de Dragonneau, et il lutta en grimaçant pour continuer à lui dire :

- Ce que vous avez vécu la nuit dernière, vous… vous n'êtes pas dans votre état normal. Alors, laissez-moi vous aider, et reposez-vous.

Elle gigota encore plus, et il se mit à la toiser avec des yeux embrasés par l'exaspération.

Freya, elle, s'obstina et exigea encore :

- Non. Reposez-moi.

- Je vous reposerai sur votre lit.

Il reprit ses pas vers le lit, tant bien que mal, car elle s'était mise à remuer énergiquement, malgré les efforts qu'il mettait à la maintenir en place dans ses bras. Pourquoi, au nom de Merlin, ne la croyait-il donc pas ? La colère fusait en Freya, elle pulsait même, et alors qu'il s'approchait encore du lit, elle attrapa sa baguette, qui dépassait maladroitement depuis le revers de son veston.

Sa voix grave persista avec un grondement qui trahit son impatience :

- Et j'appellerai Prewett. Vous n'êtes définitivement pas-…

La voix de Dragonneau s'était stoppée, et ses pas aussi.

Il grimaça un peu, et son menton se souleva, soudainement poussé par la pointe de sa baguette, que Freya tenait dans sa main. Elle appuya la baguette contre sa gorge et il grogna distinctement. Le regard qu'il lui lança fut si noir, qu'elle aurait pu en trembler.

Seulement, elle était presque sûre qu'elle lui adressait un regard tout à fait similaire.

Maladroitement coincée entre ses bras et le haut de son buste, elle insista sombrement :

- Ce n'était pas une illusion. Et je n'ai pas besoin d'aide. Je n'ai pas besoin de votre aide.

Ces derniers mots semblèrent lui faire plus de mal que la pointe de la baguette sous sa mâchoire. Elle sentit sa poigne contre sa cuisse et son bras s'intensifier un peu, la chaleur de ses doigts fuser contre sa peau. Mais elle continua, habitée par une panique qui la rendait presque hystérique :

- Je dois prévenir mon frère. Je dois le prévenir pour ce qu'Abernathy a dit à propos de Mère, pour ce que j'ai rêvé. Si ça tombe, il est en danger à l'instant même où nous nous-…

Elle ne put retenir un petit cri de surprise, alors que Dragonneau l'avait vivement balancée en arrière. Elle tomba lourdement, le dos contre son matelas vert, et rebondit maladroitement sur place, faisant grincer les ressorts de la literie. Ses pieds tombèrent lâchement vers le sol, branlants dans le vide.

Son souffle fut coupé par la surprise.

Dragonneau, se pencha au-dessus d'elle, son expression à la fois sombre et embrasée.

Il cala lentement sa main contre son poignet, le plaquant contre le couvre-lit vert tendre. Puis, toujours dans cette même lenteur, presque celle d'un prédateur, il posa simplement un premier genoux sur le lit, à côté de sa cuisse, puis le deuxième, à côté de son autre cuisse. Enfin, son autre main se posa fermement à côté de ses cheveux noirs trempés, créant une dépression dans le matelas, juste à côté de sa tête.

Sa tête, justement, elle sentit une chaleur envahir son visage tout entier, et elle était à peu près sûre qu'elle devait être écarlate. Aussi rouge qu'une écharpe de Gryffondor.

La voix de Freya resta coincée dans sa gorge.

Sa colère, sa frustration, aussi.

Au-dessus d'elle, Thésée était resté rigide, la dominant de toute sa taille, et presque de tout son poids. Ses yeux devenus noirs, durs, étaient rivés vers les siens, et ils ne déviaient pas. Freya se mit à balbutier des syllabes inintelligibles, sans qu'elles ne puissent vraiment former des mots.

Son coeur se mit à tambouriner dans sa poitrine, si fort, qu'elle savait pertinemment qu'il l'entendrait. Elle ne serait même pas surprise de le voir jaillir hors de sa poitrine, et s'écraser contre celle de Dragonneau.

Le souffle de la sorcière resta saccadé pendant un petit instant.

Un petit instant qui parut long.

Très long.

Elle sentit que son étreinte sur son poignet s'était accentuée, et elle entendit distinctement le tissu à côté de son oreille droite crisser, comme s'il essayait de serrer quelque chose d'invisible sur le couvre-lit.

Freya dût avouer que ce n'était pas la première qu'elle se retrouvait dans ce genre de situation équivoque avec Dragonneau. Elle dût avouer aussi que, comme à chaque fois, ses hormones devaient probablement rendre inutilisable une grande partie de son cerveau, car elle se retrouvait toujours figée, immobile et bien incapable de dire quoique ce soit d'intelligible.

Les yeux noirs au-dessus d'elle la scannèrent sans trembler.

Les pupilles de Dragonneau s'étaient véritablement enflammées dans ses yeux, et Freya ne put se retenir de déglutir, ravalant son souffle discontinu qui devenait plutôt embarrassant.

Mais tout ce qu'elle gagna de cette tentative d'apnée, fut un hoquet maladroit.

Elle toisa Dragonneau, avec une expression complètement gênée et ahurie. Mais lui, ne bougea pas. Non. Ses yeux semblaient voyager depuis les siens, jusque ses pommettes, puis son cou, puis… il fit glisser de nouveau ses yeux vers les siens. Lentement.

La Nott pouvait sentir son coeur, cogner contre les parois de sa gorge, et alors qu'elle sentait distinctement le pouce de Dragonneau, remonter le long de son poignet, pour se glisser dans sa paume, créant de douces caresses, elle ne put retenir un autre hoquet.

Freya déglutit difficilement.

Les précédents incidents de ce genre avaient été moins gênants.

Etrangement, c'était toujours elle qui lui était tombée dessus. Si elle n'avait pas été si crispée, elle aurait sûrement ri, en repensant au fait qu'il lui avait déjà reproché cela, et qu'il avait ajouté « au sens propre, comme au sens figuré ».

Mais là… cela devait être idiot, mais, elle ne sentait pas dans le contrôle. Et, même si son coeur, et son corps, en tremblaient vraisemblablement d'envie, le fait de voir Dragonneau ainsi était quelque chose de très intimidant.

Au-dessus d'elle, l'expression embrasée de colère ne changea pas.

Seulement, elle réalisa que ce n'était peut-être pas son visage qu'il regardait depuis tout ce temps, avec une telle expression pleine d'agacement et d'incandescence.

Elle avait toujours le bras droit tendu vers lui, et elle pointait sa propre baguette, droit dans sa figure. Elle réalisa avec stupeur que son bras tout entier tremblait, comme secoué de spasmes. Elle hoqueta de nouveau, et ses yeux filèrent de nouveau vers ceux de Thésée, brûlants.

Après une contraction de sa mâchoire, il articula avec une voix aride :

- C'est loin d'être la première fois que vous braquez une baguette sur moi…

Un coin de sa lèvre se souleva nerveusement, comme s'il essayait de contenir sa colère un maximum. Il termina avec une voix rauque :

- Et je n'aime pas cette nouvelle manie.

Freya resta pour autant, paralysée.

Elle le regarda avec stupéfaction, et puis, elle balbutia maladroitement :

- Vous-… vous ne me croyiez pas.

Comme si cela avait été une justification légitime.

Un des sourcils de Dragonneau s'était relevé avec une fausse perplexité.

Sa voix grave se radoucit, mais le ton demeura réprobateur :

- Et donc vous m'attaquez ? J'ai vu mieux en matière d'argument.

Il pencha sa tête sur le côté, ses yeux retombèrent distinctement le long du cou de la sorcière, et puis revinrent se plonger dans les siens. Son pouce continuait de caresser l'intérieur de sa paume, et Freya réussit à retenir in extremis un soupir étrange, qui lui brûlait depuis l'intérieur de sa gorge.

Le ton de Dragonneau se radoucit complètement, et il compléta, non sans reproche :

- Surtout lorsqu'il s'agit de faire croire que l'on va bien.

Sur l'instant, Freya ressentit un vif agacement, celui qu'elle éprouvait toujours lorsqu'il redevenait cet exaspérant donneur de leçon… Mais très vite, cette exaspération fut balayée par un nouveau néant cérébral. Elle scella ses lèvres, retenant un autre soupir embarrassant.

Il dût percevoir son intense malaise, puisqu'il se redressa un peu, sans pour autant se relever complètement d'au-dessus d'elle. Elle le vit distinctement déglutir, puis pincer ses lèvres, avant de décoller sa main gauche du matelas vert pour la tendre vers la sorcière.

Freya cligna des yeux une première fois.

Puis une deuxième.

Il continua à la fixer sans sourciller.

Et enfin, elle comprit.

Sa baguette.

Sa voix grave se justifia :

- Je vous ai reposée.

Freya ne sut par quel miracle elle réussit à se mouvoir.

Sans quitter Dragonneau des yeux, toujours aussi médusée, elle lui rendit sa baguette. Il l'attrapa avec lenteur, et puis, après un vague regard vers son bois, il la glissa doucement dans l'intérieur de sa veste. La Nott crut qu'il allait se relever après cela, mais au contraire, une fois la baguette remise dans sa poche, il reposa sa paume à côté de sa tête.

Son pouce continua ses douces caresses circulaires dans le creux de son poignet, et Freya crut qu'elle allait s'évanouir de nouveau.

Elle ne sut pas ce qu'il lui passa par la tête sur l'instant, mais ses lèvres se mirent à trembler, et puis…

- Monsieur Dragonneau…

Thésée se figea aussitôt.

Et Freya aussi.

Elle avait voulut simplement l'interpeller mais… sa voix avait jailli comme un soupir de contentement. Un souffle de pure euphorie.

Un souffle de plaisir.

Si elle n'avait pas été déjà écarlate, elle le serait devenue à cet instant précis.

Et à en juger par l'expression désarçonnée de Dragonneau, elle en conclut qu'il ne s'attendait pas non plus à ce qu'elle prononce son nom avec un tel soupir de ravissement.

Il déglutit vivement, voire, de travers, et ses pommettes devinrent rouges. Ses yeux gris, encore embrasés se mirent à osciller vivement entre ceux de Freya, et son pouce s'était figé dans la paume de la sorcière. Une de ses mèches châtain se défit du reste et tomba sur son front.

Son expression changea du tout au tout.

Passant de l'agacement à une gêne.

Freya hoqueta une nouvelle fois.

Elle ouvrit la bouche, dans l'espoir de trouver une quelconque phrase qui pourrait rattraper cela, mais après un petit moment d'hébétude, elle la referma de nouveau.

Peut-être valait-il mieux qu'elle demeure scellée pour le moment.

Thésée se décala un peu dans sa posture, trahissant son malaise grandissant.

Sa bouche s'ouvrit une première fois, il hésita et… la referma aussi vite.

Dans ses yeux gris, ses pupilles avaient presque pris tout l'espace disponible, rendant son regard sombre et ardent. Ce dernier retomba vaguement vers les lèvres de la sorcière avant de remonter tout aussitôt, comme s'il se forçait à maintenir ses yeux vers les siens.

Il ferma les yeux un court instant, comme s'il essayait de se recentrer, et puis il finit par dire avec une voix presque vacillante :

- Vous devriez apprendre à gérer vos crises de colère, Nott.

Elle voulut lui rétorquer que sa réaction à lui, n'avait pas été moins sanguine… mais son coeur et son corps n'étaient devenus que guimauve. Elle se dégonfla, et concéda timidement :

- Je suis désolée.

Dragonneau ne dit rien.

Pendant un court instant, elle se demanda même s'il l'avait écoutée.

Seulement, ses yeux étaient intenses.

Et il plongea lentement vers la sorcière. Très lentement.

Son visage se rapprocha dangereusement du sien, elle pouvait sentir sa Cologne mentholée, et la chaleur de ses joues à lui, frôler la chaleur de ses joues à elle. La pression contre son poignet s'intensifia, son pouls y battait si fort, qu'elle crut qu'il allait exploser. Il était si proche que Freya pouvait sentir qu'une de ses mèches bouclées tombait sur son front, elle sentait son souffle sur ses lèvres entrouvertes.

Freya laissa filer son souffle, à nouveau saccadé.

Son coeur dans sa poitrine allait exploser.

Et alors que Dragonneau avait penché sa tête sur le côté, pour pouvoir atteindre sa bouche, Freya balbutia maladroitement :

- Mais vous devez me croire.

Seul Merlin sait pourquoi elle avait pu dire une chose pareille, à un tel moment.

Et quand Dragonneau s'était un peu relevé d'elle, avec une expression plus qu'insatisfaite, la Nott ressentit un étrange soulagement. Comme si toute la pression et l'intimidation qu'elle ressentait s'étaient un peu dissipées.

Dragonneau, lui, avait distinctement grogné.

Son pouce s'était une nouvelle fois stoppé, et il la toisa avec une expression noire et affamée. Sa pomme d'Adam fit un aller-retour crispé dans son cou, et il articula avec une voix si grave que cela sonna comme un grondement :

- Nott…

Freya l'interrompit, sentant que le sujet dérapait de nouveau vers un autre instant de gêne.

- J'ai un mauvais pressentiment, Monsieur Dragonneau. Marcus-…

L'agacement de Thésée revint au galop, et le fait de prononcer le prénom de son frère, n'aida probablement pas à cela. Ses yeux ardents se plongèrent dans les siens et il gronda encore :

- Si nous pouvions éviter de mentionner votre frère, et en particulier à cet instant, cela serait-…

Elle reprit, tentant, tant bien que mal, de se concentrer sur ce qu'elle voulait dire :

- Marcus, il-…

Le grincement de la porte de la cabine retentit dans la pièce.

Freya fit basculer sa tête en arrière, alors que Dragonneau la relevait.

Ils fixèrent tous les deux la porte et la personne qui venait d'entrer se paralysa.

Une masse de cheveux roux, sauvages, un visage rond, tacheté comme celui de Gideon, des petits yeux sombres, une silhouette arrondie sous une robe rose pâle…

Faucett les toisa en retour, et puis, après un moment de réalisation, elle laissa échapper un :

- Oh Merlin-…

Elle se retourna vivement, désirant sûrement sortir de la pièce, mais se cogna brutalement contre la porte qu'elle venait tout juste de refermer. Le bruit de son nez contre l'acajou de la porte fut sourd, et puis elle se figea contre le panneau de bois.

Mais elle n'était pas la seule à s'être figée.

Freya en était restée sans voix. Complètement étranglée par l'embarras.

Lorsqu'elle redressa sa tête, et que Dragonneau avait fait de même pour la regarder, elle remarqua distinctement deux zones écarlates sur son visage, sur chacune de ses joues. Il sembla balbutier quelque chose d'inaudible, puis, son air embarrassé devint profondément amer.

La voix de Faucett résonna contre le panneau de bois :

- Oh, par Merlin… Je suis navrée. Je suis terriblement navrée. Je ne voulais pas vous interrompre-…

Ce fut la première fois que Freya l'entendait si ouvertement mal à l'aise.

A ces mots, Thésée se redressa mécaniquement, comme s'il avait été monté sur un ressort rouillé, et pendant un court instant, il ne quitta pas la Nott des yeux, visiblement partagé entre gêne et amertume.

Et puis, il finit par plaquer une main contre le bas de son visage, sûrement dans l'espoir de dissimuler les grandes plaques rouges qui s'y étaient installées, probablement au même moment que son embarras et son envie.

Ses yeux sombres flashèrent vers Faucett, encore maladroitement paralysée contre le bois de la porte.

- Vous n'interrompez rien du tout.

Cela devait être le pire mensonge dont Freya fut témoin.

Après un autre regard, hésitant, dans la direction de la Nott encore étendue sur le lit, il se tourna vivement, comme s'il trouvait un intérêt tout particulier aux contours du hublot de la cabine.

Romilda, elle, s'était tournée lentement, d'abord avec cette même expression gênée, vers Dragonneau, puis ses yeux tombèrent vers Freya. Cette dernière, encore aplatie sur le lit comme une étoile de mer, avait de nouveau renversé sa tête en arrière pour regarder la sorcière.

Mais même à l'envers il n'y avait pas de doute, l'expression de Romilda passa clairement de perplexe, à complètement sceptique.

Freya, elle, resta paralysée un long instant comme cela et laissa échapper un autre hoquet de malaise, qui résonna dans toute la cabine.

Elle sortit enfin de sa paralysie et s'assit sur le lit, si vite qu'elle vit des étoiles brouiller sa vue, et qu'elle en eut le tournis. Instinctivement elle plaqua ses mains contre le haut de la serviette blanche, couvrant le haut de sa poitrine, comme si cela avait été l'unique source de cette situation embarrassante.

Elle croisa une nouvelle fois le regard de Thésée, qui venait de se retourner avec une mine embarrassée. Ses yeux gris fuirent les siens, et vinrent s'échouer vers le bord du lit, où il n'y avait rien.

Sa voix grave vacilla étrangement entre concession et frustration :

- …J'écrirai à votre frère, si cela peut vous rassurer.

Et alors qu'il attrapait sa veste, jusque là négligemment disposée sur le dos d'une chaise, fuyant une nouvelle fois les deux regards dirigés vers lui, la voix désormais plus amusée que gênée de Faucett résonna dans la cabine :

- Oh, s'il avait été témoin de ce que je viens de voir, pas certaine que Monsieur Nott, lui, soit si rassuré que cela…

Thésée et Freya lui adressèrent simultanément un regard noir, mais elle parut bien trop divertie par cette situation pour y prêter une quelconque attention. Après une vague grimace, d'amertume cette fois-ci, Thésée s'empressa de compléter ses propos, sûrement pour se défaire de l'embarras qui ne faisait que grandir :

- Même si je ne pense vraiment pas que votre frère soit visé d'une quelconque manière.

A ces mots, les sourcils roux de Faucett se soulevèrent d'un seul coup, avec un étonnement sérieux :

- Quoi, vous avez fait un autre rêve ?

Tout en enfilant sa veste, et en faisant de son mieux pour rester concentré vers le secrétaire en acajou, Thésée expliqua avec une voix faussement détachée :

- Miss Nott a fait une chute dans la salle de bain. Elle s'est cognée la tête.

Romilda la regarda de haut en bas, jaugeant clairement sa serviette blanche enroulée autour de son buste, et un de ses sourcils se souleva distinctement. Mais ses petits yeux bruns la quittèrent très vite, puisqu'ils se braquèrent vers leur ancien patron, apparemment pressé de quitter la cabine. Elle s'écarta pour le laisser accéder à la porte de sortie.

Thésée jeta un dernier regard, plus qu'hésitant vers Freya, et finit par annoncer en posant la main sur la poignée de la porte en bois :

- Je vais chercher Prewett.

Ses yeux gris ne lâchèrent pas Freya, mais il ne faisait aucun doute qu'il s'adressait désormais à Faucett lorsqu'il marmonna :

- Si vous pouviez veiller au fait qu'elle ne se blesse pas d'ici mon retour…

Freya le fusilla du regard.

Mais il avait avait déjà claqué la porte derrière lui.

Il y eut un petit silence gêné.

Et puis, des claquements de mains résonnèrent dans la cabine.

Freya toisa Faucett avec un regard à la fois noir et embarrassé.

Elle l'applaudissait avec un demi-sourire, un peu narquois.

- Bien joué, Miss Bonnes Nott

Elle lui fit un clin d'oeil amusé, mais Freya rougit de plus belle, et se tortilla un peu sur le matelas vert, le faisant maladroitement grincer.

La Nott sursauta presque lorsqu'elle sentit le matelas s'affaisser un peu à sa droite. C'état Romilda qui venait de si asseoir, toujours avec cet air diverti. Elle croisa ses bras par dessus sa robe claire, dévoilant une peau criblée de jolies tâches de rousseur.

Freya s'attendait à ce qu'elle lui fasse une autre remarque cinglante et moqueuse, mais elle n'en fit rien. Il y eut un autre moment de silence, que la Nott ne put supporter. Elle aurait dû foncer dans la salle de bain, se changer… mais elle était encore trop gênée pour faire quoique ce soit.

Elle balbutia juste avec une voix désintéressée peu convaincante :

- Votre… tête va mieux ?

Lorsqu'elle se reconcentra vers le visage de la sorcière à sa droite, elle remarqua qu'il ne restait déjà de sa blessure qu'une mince égratignure près de la racine de ses cheveux roux foncés. Faucett perdit son petit sourire en coin, et elle hocha juste vaguement la tête avant de déclarer platement :

- Grâce aux soins de Gideon, oui…

Faucett plongea ses yeux dans les siens, et ajouta :

- Et grâce à vous aussi, bien que cela me peine de l'admettre.

Elle rompit le contact visuel en premier, comme si elle était la plus gênée des deux désormais. Ses bras se resserrèrent un peu contre son buste, et elle ajouta avec de l'hésitation dans la voix :

- J'aurais pu ne pas… ne pas être là, ici, en ce moment, alors…

Sa bouche se plissa avec hésitation, et puis elle termina finalement :

- Je suis venue vous dire merci, Miss Bonnes Nott.

Comme Freya s'était figée, Romilda renchérit :

- Vous avez sauvé ma peau hier soir…

Un autre pincement de lèvres.

Elle conclut :

- Alors, merci.

Freya se concentra pour chasser les images terribles de la nuit passée.

Mais de toute façon, Romilda enchaîna plutôt rapidement :

- Et navrée d'avoir interrompu ce petit moment privilégié avec Dragonneau…

Freya bredouilla avec peu de conviction :

- Ce n'était pas un-…

- Je dois dire que je suis particulièrement surprise, et admiratrice de vos talents de séductrice.

Son expression un peu moqueuse se mut en une moue pensive :

- Qui aurait cru qu'il allait pouvoir se comporter ainsi alors que sa fiancée est morte en Septembre.

Le coeur de Freya manqua un battement, et Romilda se reprit instantanément, avec un air sincèrement mal à l'aise, comme si cette réflexion lui avait véritablement échappé :

- Oh, pardonnez-moi, il n'y avait rien de mesquin là-dedans.

Les yeux de Freya retombèrent vers la serviette blanche qui recouvrait ses cuisses.

Sa voix demanda avec un soudain regret sans pareille :

- Mais c'est effectivement ce que tout le monde pensera, pas vrai ?

Romilda lui rendit une expression désolée.

Et la Nott enchaîna avec un souffle sarcastique :

- Déjà ces rumeurs au Ministère-…

- Ne prêtez pas attention à ces stupides rumeurs.

Le scintillement dans les yeux de la sorcière rousse semblait sincère.

Freya hocha vaguement la tête, sans pour autant être entièrement convaincue, et les deux jeunes femmes retombèrent dans un petit silence.

Elle sentait le lourd regard de Romilda la scruter depuis sa droite.

Et puis, sa voix retentit, un peu moins fort :

- Vous avez l'air bouleversée.

L'exaspération de Freya revint, elle flash vers elle un regard noir :

- Qu'est-ce que vous avez tous depuis-…

- Nous sommes inquiets pour vous, pardi.

Son agacement fut coupé dans son élan.

Elle toisa Romilda avec une mine interdite et cette dernière enchaina, en posant une main sur la sienne :

- Ce que vous avez fait, ce n'était pas anodin.

La Nott regarda la main, doucement posée sur la sienne, comme si elle avait été aussi improbable qu'une apparition de Merlin. Romilda la serra un peu et continua :

- Vous n'avez pas dit un mot depuis la fuite d'Abernathy jusqu'à la fin du récit d'hier soir. Et vous auriez vu votre tête, Nott. Désolée de vous le formuler ainsi mais vous faisiez peur à voir.

Elle n'eut pas l'air si désolée que cela, sur l'instant, mais Freya mit cela de côté.

Après un moment d'hésitation, elle avoua à la sorcière :

- Je ne ressens pas de regret.

- Et c'est tant mieux.

Ses yeux bleus flashèrent vers les siens avec un étonnement non maîtrisé.

Romilda détacha sa main de celle de la Nott et haussa les épaules avec un air exagérément surpris devant la réaction de Freya :

- Quoi ? Vous auriez voulu que je vous dise que j'aurais préféré mourir et laisser ce type disparaître avec vous ?

Elle marquait encore un point.

Freya ne répondit rien.

Ses yeux retombèrent sur ses mains, et elle se mit à les triturer nerveusement.

Sa discussion avec Dragonneau revint au galop.

Son geste vers la poche de son veston.

Vers le Pendentif.

Le faux Pendentif.

- Oh… mais il y a autre chose.

Freya lui lança, malgré elle, un air mauvais, trahissant clairement le fait que Romilda avait raison. Les yeux bruns de la sorcière à côté d'elle se plissèrent, et elle tenta :

- Ce n'est pas vraiment à propos d'hier soir.

Un pic de culpabilité envahit Freya, et elle sentit même des plaques rouges s'installer dans le creux de son cou. Elle dévia vivement le regard, fuyant celui de Faucett qui devenait de plus en plus suspicieux. Elle maugréa amèrement :

- Ne jouez pas les Legilimens avec moi, Faucett.

Elle entendit distinctement le petit souffle amusé de Romilda :

- Oh, j'aurais vraiment adoré avoir ce don.

Freya mordit sa lèvre inférieure, si fort qu'elle crut la faire saigner.

De but en blanc, et sans savoir pourquoi elle se livrait ainsi, elle lâcha rapidement :

- Il y a… des choses que je n'ai pas dites à Monsieur Dragonneau.

Romilda eut un petit mouvement de recul et lui répondit avec une simplicité déconcertante :

- Oh, et bien, dites-lui.

Freya redirigea des yeux fatigués et agacés vers elle :

- Ce n'est pas si simple.

Elle ajouta après un moment d'hésitation, se rappelant clairement de la promesse qu'elle avait faite à Dumbledore, à Godric's Hollow :

- Je ne peux pas lui dire…

L'air de Romilda redevint sérieux.

Après un moment durant lequel ses yeux oscillaient entre ceux de la Nott, elle lui conseilla :

- Laissez-moi juste vous donner un petit conseil, Nott. Si c'est important, et que cela pourrait mettre en péril notre mission au Brésil alors… alors vous devriez en parler.

Freya lui rendit une expression interdite, et puis Romilda finit par se lever du lit. La Nott la regarda faire quelques pas en avant, vers un des hublots, et puis après un moment de réflexion, elle ajouta avec un ton qui se voulait rassurant :

- Et j'ignore ce que disait votre rêve mais, Monsieur Nott est tout sauf un incapable. S'il y a bel et bien un danger qui le guette, il saura se débrouiller.

Bien qu'elle n'était pas entièrement convaincue, Freya hocha lentement la tête.

Mais l'inquiétude la rongeait tout de même. Comme de l'acide dans ses veines.

Et n'avait-elle pas raison de se faire du souci ?

Jamais ses rêves n'avaient été sans conséquence, ou sans signification. Et si Lestrange lui avait envoyé cet avertissement, alors, c'est qu'il devait forcément y avoir une raison.

Le cliquetis de la porte résonna dans la pièce, et c'est Gideon qui entra le premier, rapidement suivi de Dragonneau, dont le visage était encore un peu rosé, et ce, malgré les efforts qu'il semblait mettre dans son expression quelconque.

Le Soigneur l'interpella avec une mine froncée :

- Freya.

- Oh, Gideon, avait juste bredouillé Freya en retour.

Sans vraiment prêter d'attention à sa tenue, plus que légère, Gideon s'était précipité vers le lit, où il s'était assis, posant sa petite mallette en cuir brun à ses pieds. Ni une ni deux, il avait fermement coincé le visage de la sorcière entre ses mains, la faisant pivoter dans tous les sens.

Par dessus son épaule, Freya put apercevoir Dragonneau, debout et rigide, à côté du fauteuil. Il les regardait avec une mine froncée, mais dès qu'il croisa son regard, le sien retomba vers ses pieds.

La voix de Gideon la fit se reconcentrer vers lui :

- Tu es plutôt bien tombée, tu as eu de la chance.

Il ajouta avec un air aseptisé :

- Comme dans la plupart des cas.

A ces mots, un souffle ironique résonna dans la pièce.

Faucett, de nouveau avec son sourire narquois, s'avança un peu, les bras croisés sur sa poitrine :

- Elle n'était pas si bien tombée pendant le match de Quidditch.

Freya lui lança un regard amer.

Elle ouvrit la bouche pour changer de sujet, mais Gideon renchérit en corrigeant les paroles de la sorcière :

- C'était plus le cognard que la chute en elle-même.

Il se tourna un peu, pour récupérer quelque chose dans sa mallette, mais Freya n'y prêta pas plus d'attention que cela, car pendant ce temps, Romilda continuait avec un air sarcastique et presque rêveur :

- Oh, et quelle chute…

Freya lui renvoya un regard noir.

Elle lutta pour chasser les images de la pluie, du cognard, de sa chute…

Mais Faucett chargea de nouveau avec un air déçu largement exagéré :

- J'étais presque déçue lorsque Dumbledore est intervenu.

Toujours le nez mystérieusement penché vers sa mallette, Gideon la gronda gentiment :

- Romilda…

Mais Faucett, qui semblait beaucoup s'amuser, s'avança vers Freya. Et ne sachant définitivement pas masquer son sourire sarcastique, elle ajouta :

- Heureusement le cognard ne vous a pas lâchée, et ce, même une fois au sol.

Cette fois-ci, et alors que Dragonneau commençait, lui aussi, à clairement s'impatienter derrière eux, la Nott grogna :

- Pourrait-on arrêter de parler de cela ?

Faucett prit un faux air surpris :

- Oh, cette discussion vous met mal à l'aise ?

Alors qu'elle avait ses yeux encore dirigés vers la sorcière debout, Gideon lui tendit un verre, et elle l'attrapa, sans même vraiment le regarder. Et alors qu'elle apercevait du coin de l'oeil son ami Soigneur lui faire signe de boire la concoction, Freya s'exécuta.

Elle eut le temps de répondre à Romilda avant d'avaler le contenu du verre :

- Etrangement, ce n'est pas un si bon souvenir que cela.

Et elle engloutit le contenu de quelques gorgées.

Aussitôt le verre vide, elle le détacha de ses lèvres et l'observa avec une soudaine expression de dégoût. Ce goût immonde… cette texture…

Elle demanda avec la même âpreté :

- Qu'est-ce que c'était…?

- Du Philtre de Paix.

Les yeux mauvais de Freya flashèrent de suite vers son ami.

Enfin, si elle pouvait encore le considérer comme tel après cette petite manoeuvre qu'elle vécut comme une trahison. Elle lui re-fourgua le verre avec un geste agacé, comprenant maintenant son petit jeu, à lui et Faucett : parler de ce fichu cognard pour faire diversion. Pour qu'elle avale la potion sans faire d'histoire.

Elle cracha presque avec amertume :

- Je n'en avais pas besoin.

Gideon lui rendit une expression qui voulait clairement dire « je n'en suis pas si sûr », et puis il se concentra de nouveau vers sa mallette, dans laquelle il rangeait des fioles diverses.

Sa voix aseptisée dicta calmement :

- Cela te permettra de dormir jusqu'à notre arrivée.

Aussitôt cette phrase prononcée, le regard noir de Freya glissa vivement vers la grande silhouette qui se tenait un peu à l'écart. Celle de Thésée. Il était droit, comme un piquet de Quidditch, et luttait apparemment pour conserver un visage quelconque. Mais Freya n'était pas dupe, elle voyait très bien cette petite lueur de culpabilité dans ses yeux, alors qu'elle le toisait avec amertume.

Gideon sembla capter son regard, puisqu'il compléta hâtivement, un peu trop peut-être :

- Ne le regarde pas comme cela, c'était mon idée.

Freya lui rendit un regard à demi convaincu, mais très vite, elle sentait déjà tous ses muscles se relaxer, se détendre. Et même les muscles crispés de son visage, se relâchaient lentement. C'est à cet instant précis qu'elle réalisa à quel point elle était fatiguée. Sûrement que ses nerfs, son irritation, ses angoisses et ses sombres pensées lui avaient fait oublier cela… mais maintenant c'était plutôt clair. Elle avait besoin de dormir.

Besoin.

Elle se sentit lâchement glisser en arrière, et alors que Gideon se relevait du lit, avec un flegme habituel, Romilda, elle n'eut qu'à appuyer très légèrement sur l'épaule nue de Freya pour que cette dernière ne tombe complètement en arrière, contre le doux oreiller vert tendre.

La vue de Freya se brouillait déjà, mais elle sentit clairement que Romilda déposait sur elle les draps de satin, sa voix, soudainement doucereuse, résonna non loin d'elle :

- Reposez-vous, Miss Bonnes Nott.

- Oh, cessez avec ce surnom…

Mais Freya n'eut même pas la force d'être plus agacée que cela.

Elle se sentait partir.

Et, juste avant de fermer complètement les yeux, elle croisa une nouvelle fois ceux de Thésée, encore debout et rigide au loin dans la pièce. Ils étaient rivés vers elle, toujours aussi coupables.

Et sa vision se distordit, se brouilla de plus belle, et puis…

Tout devint noir.


Mais pas pour très longtemps.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle tomba de nouveau droit vers ceux de Dragonneau.

Elle cligna plusieurs fois des yeux, se demandant même si elle n'était pas déjà de nouveau éveillée, ou si elle ne s'était peut-être jamais endormie. Seulement, le regard devant le sien n'avait pas cette lueur de culpabilité, et l'intensité dont elle avait été témoin quelques secondes auparavant.

Non.

Son expression était la plus quelconque qui soit.

Mais ses yeux gris, eux, étaient glacials, presque méprisants.

Et comme jamais il ne l'avait regardée avec une telle intensité, Freya eut un léger mouvement de recul, largement surprise et désarçonnée.

Mais il la fixait encore.

Sans bouger, calme et immobile comme un Sphinx.

Et puis, finalement, ses lèvres se murent, avec une intonation aride :

- Je me suis toujours demandé pourquoi vous aviez voulu devenir Auror, Nott.

Freya ouvrit ses lèvres pour lui répondre, mais elle les referma aussitôt.

Pourquoi diable lui demandait-il cela maintenant ? Cela n'avait pas de sens…

Et puis, il y avait cette intonation, cette expression, et… d'ailleurs ses lèvres s'étaient recourbées dans une vague expression sarcastique, et puis, cette courbe disparut tout aussi vite.

Il souleva un sourcil, comme s'il était sceptique quant à l'absence de sa réponse. Et là, ce fut clair dans ses yeux : il y avait un certain dédain, un jugement, qu'elle n'avait jamais vu auparavant.

Dans un geste fluide et lent, il s'assit de côté, sur le dessus d'une table de bois.

Mais la Nott n'eut pas le temps de répondre quoique ce soit, puisqu'il avait enchaîné avec la même intonation, curieusement désagréable :

- Je veux dire, vous auriez pu reprendre l'entreprise de votre Père… le commerce de Chaudrons, c'est ça ? N'aurait-il pas été fier de voir son fils prendre les rênes de-…

- Ce ne sont pas vos affaires, Dragonneau.

Freya avait largement sursauté, ne s'attendant pas à entendre une telle réponse.

La voix qui avait répondu provenait de derrière elle… et elle n'eut pas besoin de se retourner pour deviner de qui il s'agissait. De toute manière, l'individu s'était avancé vers Dragonneau avec des pas lourds et agacés.

Marcus s'était planté là, juste à côté d'elle.

Il toisait Dragonneau avec une mine un peu défaite, entre colère et angoisse.

C'est là que Freya réalisa qu'il s'agissait bel et bien d'un autre rêve.

Un autre fichu rêve.

Et puis, elle laissa ses yeux filer tout autour d'elle, pour analyser rapidement la pièce. Ils étaient dans une salle de réunion du Ministère, et, d'ailleurs, par la fenêtre de la salle, elle pouvait apercevoir la statue du Hall principal, et la grande façade de briques qui continuait sur quelques dizaines de mètres.

Mais la voix de Dragonneau attira une nouvelle fois son attention :

- Vous êtes ambitieux, Nott. Proche de votre famille, de votre argent, … et de votre sang.

Le mot « sang » avait jailli de ses lèvres accompagné d'une grimace de dégoût, démontrant largement que cette idée de sang était quelque chose qu'il détestait tout particulièrement.

Marcus, à côté d'elle, était immobile, et elle voyait très bien qu'il avait ce regard… Ce regard du Marcus coupable et fuyant.

Dragonneau dût l'apercevoir lui aussi, puisqu'il remua le couteau dans la plaie :

- Ce choix de carrière a dû décevoir votre Père, n'est-ce pas ?

- Qu'est-ce que vous pouvez bien comprendre à cela de toute manière ?

Le ton de Marcus était sec, et ses poings étaient serrés le long de son corps.

Il compléta avec une grimace mauvaise :

- Le vôtre est mort.

A cette phrase, l'expression de Dragonneau devint si froide, que Freya eut l'impression que la température de la pièce avait chuté de quelques degrés. Et puis, sans quitter le Nott des yeux, il lança simplement :

- Il y a des choses que vous ne connaissez pas à propos de votre famille.

Il pencha sa tête sur le côté, sans perdre son regard dur et rigide.

Il enchaîna :

- Et vous voulez des réponses, à… certaines questions.

Marcus fit un pas vers lui, et cracha encore :

- Ce ne sont pas vos-…

- Cela devient mes affaires, lorsque cela touche au Ministère.

La voix de Thésée s'était élevée si fort tout à coup, que Freya en avait sursauté. Et du coin de l'oeil, elle put voir que son poltron de frère avait eu la même réaction qu'elle. Il toisait Dragonneau avec une expression incrédule et angoissée.

- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

Mensonge.

C'était écrit sur son visage, dans sa voix, dans ses mains tremblantes, et sur son front suintant.

Dragonneau posa lentement un dossier de cuir noir sur le dessus de la table boisée, juste à côté de sa cuisse, qui y était nonchalamment appuyée.

Il eut un souffle sarcastique, et puis son faux sourire froid et ironique se mut en une ligne droite et rigide. Ses yeux devinrent profondément réprobateurs :

- Vraiment ? Alors laissez-moi vous expliquer ce que je pense de tout cela, Nott… Vous êtes devenu Auror car cela vous donnait accès à des informations scellées.

L'expression de Marcus pâlit de plus belle, si bien qu'il devint aussi verdâtre qu'une Banshee. Mais il n'était pas le seul, Freya s'était sentir pâlir elle aussi, elle dirigea ses yeux bleus vers son frère avec une expression interdite.

Et alors que Marcus déglutissait, tant bien que mal, Dragonneau cracha sévèrement :

- Et en 1915, alors que tout le monde était au Front, vous avez joué de vos relations pour revenir à Londres… et profitant du vide du Ministère, vous avez consulté des documents confidentiels, dans les Archives, vous-…

- Je n'ai rien fait de tout cela.

Encore un mensonge.

Freya toisa son frère avec des yeux tout à fait scandalisés.

Mais de toute manière, il ne pouvait pas le voir.

- Vous mentez aussi mal que votre soeur.

A cette phrase, Freya fit glisser son regard vers Dragonneau.

Elle se sentit piquée au vif devant son ton aride, et cette remarque qui sous-entendait qu'elle n'était qu'une vilaine menteuse, mais de toute façon Marcus le chargeait déjà en le pointant du doigt :

- Ne parlez pas de ma soeur sur ce ton, Dragonneau. Il pourrait bien vous arriver des broutilles.

Thésée le toisa un instant, comme s'il considérait sa phrase. Il y avait une distance, une lueur quelconque dans ses yeux qui était si exagérée que Freya n'y crut pas un seul instant.

Et au bout de quelques secondes où ils se fixaient l'un l'autre avec des expressions froides, Dragonneau reprit avec une voix grave et faussement neutre :

- Vous avez volé la liste des Passagers du bateau-…

- Quoi, vous voulez le récupérer pour voir le joli nom de votre défunte fiancée écrit dessus ?

Cette autre remarque acerbe de Marcus fit naître une toute nouvelle expression sur le visage normalement neutre de Dragonneau ; une expression d'une soudaine haine. Brute. Vive.

Il avait serré ses mâchoires, comme s'il essayait de se contenir.

Le Nott enchaîna avec un ton dédaigneux, et presque moqueur :

- C'est une liste de passagers, à bord d'un Bateau qui a fait Naufrage… En quoi cela pourrait vous servir, hein ? Une petite décoration sur votre mur de salon ?

Dragonneau dévia le regard un instant, et soupira avec un air incrédule et scandalisé devant l'attitude de son homologue. Il secoua la tête et insista :

- Arrêtez de faire l'idiot, Nott, vous savez de quoi je veux parler.

A ces mots, Marcus, toujours le visage suintants et blême, s'était avancé vers Dragonneau, empoignant presque le col de sa chemise blanche, soigneusement glissée sous son veston chiné gris. Il articula avec un tremblement dans sa voix :

- Je parlerai à mon Oncle de votre comportement, vous allez le payer, Dragonneau… car au cas où vous l'auriez oublié, mon Oncle est Hector Fawley, notre Ministre.

La bouche de Dragonneau se contracta de nouveau dans ce faux sourire sarcastique. Il souffla avec une tonalité railleuse dans le froid de son expression :

- Comment pourrais-je l'oublier ? Vous passez le plus clair de votre temps à le rappeler à tous ceux que vous croisez…

Il n'avait pas tort.

Marcus s'éloigna de lui avec un pas en arrière dans une démarche si tendue qu'elle en était devenue mécanique. Il martela avec un air vraiment mauvais :

- Ce sont des affaires… familiales.

A ces mots, et alors que Marcus entamait un geste pour vraisemblablement quitter la pièce, Dragonneau s'était relevé, laissant une main sur le dossier en cuir sur la table. Sa voix grave figea une nouvelle fois le Nott :

- Malheureusement, Dumbledore et d'autres, moi y compris, pensons plutôt qu'il s'agit d'affaires internationales.

Marcus secoua la tête avec un air tout à fait confus, il bredouilla même :

- Dumbledore…? En quoi Dumbledore-…

- Mais je ne vous apprends rien. Vous commencez à vous en douter, n'est-ce pas ?

Il y eut un petit silence entre les deux sorciers.

Dragonneau plongea une de ses deux mains dans la poche de son pantalon et, avec une expression sévère, il expliqua :

- La véritable identité de ce garçon, Croyance, est sur cette fichue liste, Nott. Cette même liste que vous avez subtilisée au Ministère.

A ces mots, et après quelques petites secondes de considération, Marcus explosa presque de rire. Il s'étouffa sur son souffle exagérément incrédule.

Il s'exclama :

- Quoi ? Vous ne pensez tout de même pas que l'Obscurial est ce… ce bébé. C'est ridicule.

- Ce bébé ?

Dragonneau avait froncé ses sourcils dans la direction du Nott, et ce dernier s'était soudainement tut, comme s'il réalisait qu'il en avait trop dit. Freya le vit distinctement déglutir de travers, puis, dans un geste tremblotant, essuyer un peu de sueur qui s'était accumulée sur son front blanc.

Après un petit moment de silence pesant, il finit par avouer à contre-coeur :

- Vous avez raison, j'ai volé cette liste.

L'expression de Dragonneau devant lui ne bougea pas d'un iota.

Le Nott grimaça et ajouta avec une grimace :

- J'ai volé cette liste car je voulais enquêter sur ce qui a fait de ma Mère ce qu'elle est devenue aujourd'hui.

Thésée le questionna largement avec un simple regard, et Marcus croisa les bras sur sa poitrine. Son expression était passée de l'amertume à un soudain vide, que Freya aussi connaissait bien :

- Elle a dû m'adresser la parole trois fois depuis mon entrée à Poudlard.

Encore une fois, l'expression froide et quelconque de Thésée n'évolua pas d'un poil de Licorne. Et après un moment de silence, pendant lequel Marcus espérait peut-être que son homologue lui partage un peu de compassion, Thésée finit par lâcher avec froideur :

- Si vous pensez une seule seconde que vos jérémiades vont m'attendrir alors-…

- Elle ne parle pas beaucoup plus à Freya.

L'expression de Thésée s'était un peu figée.

Et Marcus renchérit avec un sourire idiot et sarcastique :

- Mais cela non plus, ne vous attendrira pas, j'imagine.

Visiblement, il avait dût encore une fois atteindre un nerf sensible de Dragonneau, puisque la bouche de ce dernier s'était vivement refermée, formant une ligne droite et rigide. Sa pomme d'Adam fit un vif aller-retour dans sa gorge, et son expression devint un peu coupable.

Marcus avait plissé ses yeux vers son homologue, jaugeant et jugeant peut-être son expression quant à la mention de sa soeur, et puis, il ajouta avec une voix sombre :

- Elle est devenue ainsi depuis le Naufrage de ce fichu Navire… depuis que sa soeur est morte noyée au large de New York. Notre tante.

Dragonneau retrouva son expression rigide et Marcus balança ses bras en l'air en s'exclamant :

- Alors, oui, bien sûr que je voulais en savoir plus. Alors, j'ai fouillé dans les Archives, lorsque je suis revenu du Front en 1915. Mais je n'ai trouvé que cette fichue liste. Rien d'autre.

Le Nott paraissait blafard et essoufflé tout à coup, comme si cela lui avait réellement coûté de raconter tout cela. D'ailleurs, il sembla le regretter quasi-immédiatement puisqu'il se mit use mordiller les lèvres.

Dragonneau parut pensif un moment, et puis il articula :

- Vous avez parlé d'un bébé.

Marcus soupira et se massa les tempes, comme si le sujet le rendait particulièrement tendu. Après un regard amer vers Dragonneau, il se mit à chuchoter avec tension :

- Cette histoire ne devra pas être rendue publique, Dragonneau. Elle pourrait ternir l'image de ma famille-…

- Elle ne le sera pas.

Marcus sembla jauger le regard de Dragonneau une nouvelle fois, comme s'il considérait un instant son honnêteté, et puis, il finit par avouer mollement :

- Notre Tante, Isadora Fawley, a eu une liaison hors mariage.

Son expression était tellement honteuse, que Freya eut l'impression qu'il était celui qui avait eu cette liaison. Il enchaîna avec un soupir de confession :

- De cette union illégitime, est né un enfant… un garçon. Ils ont embarqué tous les deux à bord du Bateau, et ils y sont morts pendant le Naufrage.

Et comme Dragonneau ne répondait plus, visiblement perdu dans une profonde réflexion, Marcus mordit presque :

- Satisfait ?

Dragonneau regarda son dossier en cuir, posé sur le bureau et sans le quitter des yeux, il questionna :

- Vous avez encore cette liste ?

Marcus parut un peu surpris, mais il finit par hocher la tête et soupirer :

- Oui. Oui, je l'ai.

Le Nott passa une main sur son front, balayant ses cheveux cirés vers l'arrière de son crâne. Et puis, il grimaça avec une soudaine angoisse dans sa voix :

- Ecoutez Dragonneau, je ne saisis pas vraiment à quoi vous jouez avec cette fichue liste, et cette satanée histoire qui ne concerne que ma famille, mais… le Ministre ne doit pas savoir que cette liste existe encore.

A ces mots, Freya, comme Dragonneau, avait froncé les sourcils.

- Le Ministre ?

Et puis, Dragonneau se reprit vivement avec une expression plus que sarcastique :

- Vous voulez dire, votre oncle ?

Marcus lui rendit une expression amère, mais ne releva pas.

Il s'expliqua avec des gestes de mains saccadés et largement nerveux :

- Isadora Fawley aurait eu une liaison avec un Moldu, Dragonneau. Un Moldu. Savez-vous ce que cela impliquerait pour l'image de notre Ministre ? Pour l'image de ma Famille toute entière ?

Dragonneau le toisait, n'acceptant probablement pas toute cette histoire d'image, de sang et de Moldu. Marcus, lui continuait avec ce même air nerveux :

- Je suspecte qu'il a fait disparaître d'autres documents, s'il y en avait, la concernant, et concernant l'enfant. Sa réputation, en dépendait. Son élection, aussi.

Thésée lâcha un faux sourire et souffla avec une voix sarcastique et piquante :

- Quelle charmante famille vous avez là, Nott.

Freya se sentit tout aussi piquée que Marcus, mais au fond, Dragonneau avait-il tort ? Non.

Son frère aîné eut un véritable mouvement de recul, comme s'il avait visiblement pris cette remarque à coeur et à corps. Mais son expression changea un peu, passant de l'aigreur à un air foncièrement mauvais :

- Cette conversation me confirme en revanche une petite idée que j'avais, et qui me chagrine au plus haut point, je dois l'admettre.

Il fit un pas vers Dragonneau, et il proféra sombrement :

- Vous vous servez de ma soeur.

Le sourire sarcastique de Dragonneau avait disparu.

Et une expression rigide s'installa de nouveau.

Marcus siffla avec un air virulent :

- Vous utilisez son rêve de devenir Auror, et son admiration pour vous, pour la manipuler. Pour obtenir des informations.

Et puis, il avait soulevé son doigt pour le pointer droit vers la figure de Dragonneau.

Et il acheva avec un air haineux :

- ou pire… pour profiter d'elle…!

Il appuya son doigt contre la poitrine de Dragonneau, qui lui, était resté immobile.

Son expression était tout à coup interdite, tiraillée, coupable.

Et Marcus finit par menacer avec une aigreur et une violence silencieuses :

- Je le jure devant Merlin, devant Morgane, et tous les autres… Dragonneau, si vous la manipulez, si vous la blessez, ou si vous touchez à un seul de ses cheveux, je vous briserai, je vous-…

Mais il se figea.

Le doigt encore pointé vers Dragonneau.

Ses yeux étaient rivés vers la fenêtre de la salle de réunion, et en bas, dans le couloir carrelé de gris, une silhouette s'était arrêtée. Et Freya la reconnut de suite.

Simplement parce que c'était la sienne.

Elle avait les yeux rivés vers eux, et les mains plaquées de part et d'autre de ses bras, serrant contre elle la veste chinée grise de Dragonneau. Et c'est là qu'elle se souvint. Il s'agissait de la veille du trajet vers Poudlard, le jour qui précédait l'incident avec le Pendentif d'Isadora…

Le jour qui précédait sa découverte de l'existence d'Eugène. Son cousin.

Dragonneau avait tourné la tête vers la fenêtre lui aussi, ne comprenant pas pourquoi son homologue s'était ainsi interrompu dans ses viles paroles. Et Freya vit clairement que son expression s'était tendue aussi. Après un geste distinct de ses mâchoires, il s'était un peu redressé sur ses deux pieds, trahissant un soudain malaise.

La silhouette en bas, elle, arborait un regard noir et suspicieux.

Et dans un geste vif et gêné, la sorcière brune avait retiré la veste chinée grise de ses épaules, la pliant maladroitement dans ses bras crispés.

Le doigt menaçant de Marcus était lentement retombé, comme si le fait d'apercevoir sa soeur l'avait complètement sonné. Au bout d'un petit moment, ce fut Thésée qui sortit de sa torpeur le premier, et avec un geste sec de sa baguette, il fit glisser les rideaux de la fenêtre.

Son expression était amère, coupable, et il redirigea lentement sa tête vers Marcus, qui le toisait avec une expression réprobatrice. Sa voix grogna avec cette même menace, sous-jacente :

- Si vous croyez que je ne vois pas comment vous la regardez…

L'expression de Thésée se tordit encore dans des émotions interdites et coupables. Il évita soudainement le regard du Nott en face de lui, comme s'il devenait trop difficile à soutenir. Et après un soupir agacé, Marcus rappela sèchement :

- Et elle est déjà promise à un sorcier, pour votre gouverne.

A ces mots, Dragonneau redirigea vers lui un regard aussi noir que la nuit, comme si cela avait réveillé une certaine virulence en lui. Mais il dissimula cette noirceur rapidement, la voilant d'une expression moqueuse :

- Et quel sorcier…

Le Nott se racla la gorge, et prit une expression un peu hautaine :

- Arcturus Black est-…

Mais il s'interrompit dans son argumentaire de défense d'Arcturus Black, comme s'il venait de tiquer sur quelque chose. Ses yeux avaient scanné rapidement le costume trois pièce gris chiné incomplet de l'auror devant lui. Il pointa l'absence de veste d'un doigt presque tremblotant, comme s'il connaissait déjà la réponse à sa propre question :

- Hé, attendez une minute, où est votre veste ?

Dragonneau l'ignora, retrouvant une expression plus contrôlée.

Il enchaîna avant même que Marcus n'ait le temps d'élaborer sur cette histoire de veste :

- Si votre famille a un quelconque lien avec ce Croyance, avec cette Guerre, Nott, votre soeur doit le savoir.

Son expression était grave, mais pas mauvaise.

Marcus s'entêta avec une voix qui déraillait tant il était en colère et incrédule :

- Nous n'avons pas de lien avec cet Obscurial… c'est de la folie. Vous avez perdu la raison, Dragonneau.

Il rappela en sifflant de nouveau :

- Et ne vous mêlez pas des affaires de ma soeur.

Dragonneau se plissa les lèvres et ajouta avec une voix plus pressante :

- Elle se doute déjà de quelque chose. Elle doit savoir.

- Le moins elle saura, le mieux elle se portera.

Dragonneau lui lança un regard noir, clairement désapprobateur.

Mais Marcus le toisa sérieusement en retour :

- Ne me regardez pas comme cela, Dragonneau.

Sa voix était étrangement plus calme.

Il ajouta avec un air grave :

- Nous sommes tous les deux des aînés, et je pense que vous me comprenez parfaitement.

Dragonneau déglutit distinctement avec un air tout à coup torturé.

Marcus souffla avec gravité :

- Si cela pouvait remettre en question la sécurité de votre frère, vous feriez pareil, non ?

Thésée ne répondit rien.

Il resta là, figé.

Et avant de tourner les talons pour quitter la pièce, Marcus souffla simplement :

- C'est bien ce que je pensais.


- Vous ne venez pas au Ministère, Monsieur Dragonneau ?

Freya se figea presque derrière le paravent.

La voix de Faucett parut surprise.

Et celle de Dragonneau répondit platement :

- Non, Nott et moi ne sommes pas officiellement en mission ici… nous devrions faire profil bas…

Il y eut un silence durant lequel Freya imagina clairement Romilda hocher la tête en accord. Elle termina de nouer sa ceinture brune, par dessus sa robe droite en lin, et elle sortit de derrière le paravent vert. Mais aucun des trois sorciers présents dans la cabine ne lui accorda de l'attention, tant ils étaient tous absorbés par leur conversation.

Dehors, le soleil commençait à se baisser, donnant une lumière légèrement orangée.

Freya prit quelque secondes pour observer cette vue, de par le hublot de sa cabine. La vaste étendue de bleue était désormais devenue presque turquoise, et un long bras de terre verdoyant, apparaissait au loin.

La voix grave de Dragonneau donna des instructions claires :

- Vous amènerez les Détraqueurs et le corps de MacDuff aux autorités Brésiliennes.

- Compris.

Et alors que Faucett s'apprêtait à tourner les talons, Thésée l'interpella vivement :

- Une minute, Faucett.

La sorcière, encore dans son apparence rouquine et rondelette, regarda son ancien patron alors qu'il lui conseillait :

- Faîtes attention à ce que vous dites, ou ce que vous faites. Les autorités Brésiliennes grouillent d'espions. Le système est basé sur des corruptions en tous genres… et je ne serais pas surpris de trouver des alliés de Grindelwald dans le lot.

C'est Gideon cette fois qui hochait la tête, tout ne remontant ses lunettes sur l'arête de son nez.

Cette fois-ci, Thésée lança vers Freya un vague regard, et tout en plongeant ses mains dans ses poches de pantalon noir, il articula sombrement :

- Vous ne nous avez pas vus, Nott et moi.

Silence.

Il enchaîna :

- Vous étiez en mission pour traquer MacDuff et Abernathy.

Un hochement de tête supplémentaire de Gideon.

Thésée continua :

- Vous avez déjoué leur importation de Détraqueurs sur le sol Brésilien et vous avez…

Ses yeux gris, sombres, glissèrent vers la Nott, et cette dernière se figea, devinant aisément le reste de sa phrase. Elle détourna le regard, sentant qu'elle ne parviendrait pas à le soutenir plus longtemps dans la direction des trois autres sorciers.

La voix grave de Thésée souffla :

- Vous avez neutralisé MacDuff lors d'une altercation avec eux.

Du coin de l'oeil, elle aperçut le regard intense de Faucett, dirigé vers elle.

Freya fit mine de s'affairer devant sa valise, encore ouverte sur le lit.

- Ils pourront vérifier votre baguette, avec laquelle le Sortilège de Mort a été jeté.

- C'est compris, Monsieur.

La voix de Faucett était redevenue doucereuse.

Elle enchaîna avec assurance :

- Nous garderons un oeil sur vous ensuite.

A ces mots, Dragonneau précisa gravement :

- Mais gardez vos distances… je ne veux pas que l'on se retrouve avec les Aurors Brésiliens sur le dos…

Et puis, il s'était mis à soupirer avec un mélange d'anticipation et d'agacement :

- Je pense que Norbert doit être déjà sous surveillance, connaissant ses exploits passés.

Freya referma sa valise, et se tourna vers le groupe alors que Gideon demandait :

- Et vous, qu'allez-vous faire en arrivant ?

Les mains de Dragonneau, se crispèrent distinctement dans ses poches.

- Nous allons partir à la recherche de Norbert.

Freya le regarda longuement.

La discussion qu'il avait eu avec Marcus, dans son rêve, lui revint.

Tout cet échange sur les responsabilités d'un aîné, la protection du cadet… c'était comme si tout ceci était gravé dans la posture du sorcier devant elle. Il était tendu. Inquiet.

Et il resserra sa mâchoire une dernière fois avant de siffler avec tension :

- Et le sortir d'un pétrin dans lequel, je l'espère, il ne s'est pas encore complètement fourré.


L'air de Rio de Janeiro était chaud et humide.

Si lourd, que Freya en eut presque du mal à respirer.

Elle mit une main devant son front, créant une petite zone d'ombre pour ses yeux plissés. Le port était énorme, et la foule qui les accueillait, au pied du Paquebot de la Red Star Alliance, l'était tout autant. Il y avait des acclamations, des sourires, des paroles chantantes et aux intonations rondes, des applaudissements…

La file de personnes devant elle se mit à avancer, le pont qui leur permettait de descendre du navire avait été installé, et Freya se pencha pour attraper sa valise. Avant même qu'elle n'attrape la poignée de cette dernière, Dragonneau l'avait déjà soulevée.

- Laissez-moi m'en charger, avait-il simplement dit.

Freya hocha simplement la tête, marmonnant un remerciement timide et discret. De toute manière, Dragonneau avait déjà fui son regard, et s'était avancé sur le pont d'amarrage. Freya le suivit avec une sensation grandissante de malaise. Nerveusement, elle remit correctement son petit chapeau cloche, aussi beige que sa robe, sur sa tête. Elle fixa la nuque de Thésée durant le débarquement, et elle se demanda s'il était tout aussi embarrassé qu'elle l'était depuis leur petite altercation compromettante du milieu de journée.

Un grand panneau, qui surplombait la foule mouvante, retint son attention :

« Porto do Caju »

Il était frappé d'une lumière orangée intense, celle d'un magnifique coucher de soleil, plus loin, dans la baie de Rio. Le regard de Freya glissa partout, vivement, tant elle était avide et curieuse de découvrir ce pays, si lointain du sien, et dont elle ne connaissait rien. Un vent d'air chaud la balaya, et au loin elle aperçut une montagne, avec à son sommet un chantier. Ce dernier retint son attention, surtout de par sa taille ; on aurait dit une statue, gigantesque, en construction.

Elle posa un premier pied sur la terre ferme, puis un deuxième, et elle dût admettre qu'elle en était particulièrement ravie. Leur traversée n'avait pas été aussi calme que ce qu'elle eut secrètement espéré, et le fait d'accoster ici était comme une véritable délivrance.

La foule devint un vrai tumulte, et elle dût presque lutter, et jouer de coudes, pour pouvoir suivre Dragonneau, qui s'enfonçait rapidement à travers les silhouettes brunes. Ils se dirigèrent vers une aire bordée de palmiers où attendaient de jolies voitures de la marque Ford, toutes noires et bien cirées et puis… Dragonneau se stoppa d'un seul coup.

Heureusement d'ailleurs que Freya le regardait, car elle aurait pu se cogner dans son large dos.

Ses yeux gris, très sérieux, étaient fixés vers une voiture, à première vue tout aussi banale que les autres, seulement, un nom était écrit à l'arrière, comme une plaque d'immatriculation particulière… mais Freya n'eut pas le temps de déchiffrer ce qu'il y était écrit, puisque Dragonneau se dirigeait déjà à grands pas vers la carrosserie noire.

Un homme de taille moyenne, brun, avec un chapeau marron, attendait, une cigarette coincée dans sa bouche, et le buste nonchalamment appuyé contre la carlingue. Lorsqu'il aperçut Dragonneau, il attrapa le bord de son chapeau, pour l'incliner un peu vers lui en signe de salutation, et Thésée lui tendit instantanément une petite carte noire.

Freya le regarda faire avec un mélange de surprise et d'intrigue.

Le chauffeur laissa échapper une petite bouffée de fumée de cigarette, et il hocha la tête avant de prendre les valises des mains de Dragonneau pour les installer dans le coffre du véhicule. Freya se stoppa net, alors que l'auror glissait de nouveau la carte noire dans sa poche de veston.

Dans un geste vif, il ouvrit la portière de la voiture et se tourna vers elle.

Freya, mettant de côté son malaise, lui bredouilla avec confusion :

- Nous… allons prendre une voiture pour aller à Castelobruxo ?

Elle avait plutôt imaginé que ce trajet se ferait d'une manière moins… Moldue.

- Nous n'y allons pas tout de suite.

Cette réponse la surprit encore plus.

Mais c'est la confusion qui prit le dessus sur l'étonnement, elle fronça les sourcils :

- Quoi ? Mais le Plan était-…

- Le Plan est plus compliqué que cela.

Dragonneau l'avait sèchement coupée, s'impatientant ouvertement quant au fait qu'elle ne montait pas dans cette fichue voiture. Freya lui renvoya son regard amer.

Il lui fit un geste exagéré, et sarcastique, de la main vers l'intérieur du véhicule :

- Si vous voulez vous donner la peine de monter, Miss Tafytt.

Cela n'avait rien d'une plaisanterie, et Freya s'avança avec une grimace agacée, et elle répliqua avec un faux sourire poli :

- Puisque j'y suis contrainte…

Elle ne prêta pas d'attention à la nouvelle expression exaspérée de Dragonneau et s'assit à l'intérieur de la voiture. Aussitôt assise, Thésée claqua la portière sèchement et Freya se retrouva à presque le maudire. Quelque chose lui disait que ce trajet ne serait pas aussi agréable que ce qu'elle espérait. D'ailleurs, il faisait si chaud dans l'habitacle que la sorcière se demanda si elle avait connu une telle chaleur par le passé, ils étaient bien loin des températures anglaises désormais. Machinalement, elle agita sa main vers son visage, espérant créer un léger filet d'air qui aurait pu la rafraichir.

Dragonneau s'installa à côté d'elle, et puis le chauffeur s'assit à son tour, tout en réajustant son chapeau. Après un dernier regard vers les deux sorciers, assis sur la banquette arrière, via son rétroviseur ovale, il démarra la voiture, et très vite, ils avaient déjà quitté le Port de Rio.

Dragonneau était rigide à côté d'elle.

Et puis, après un court instant où ils refusaient vraisemblablement de se regarder, l'un comme l'autre, l'auror finit par sortir le premier de son inertie. Il récupéra la petite carte de noire, depuis la poche interne de son veston et la lui tendit dans un geste sec, sans vraiment la regarder.

Freya attrapa la carte avec ses deux mains, et avant même de vraiment lire ce qui y était écrit, elle demanda :

- Qu'est-ce que c'est ?

- Là où nous nous rendons.

Elle lui lança un regard noir, qu'il capta avec une soudaine aigreur :

- Ne me lancez pas ce regard, je vous en prie.

Freya soupira et lui expliqua avec amertume :

- Je n'aime pas cela, vous ne m'incluez pas du tout dans le Plan, j'ai l'impression de n'être-…

- Je ne sais pas exactement où nous allons non plus.

A cet instant, Freya comprit que Dragonneau était contrarié car lui non plus ne savait pas vraiment dans quoi ils s'embarquaient. La bouche de Freya se referma, formant une ligne droite et rigide.

Après quelques secondes d'un silence pesant dans l'habitacle, elle devina, à la fois sombrement et sans surprise :

- Dumbledore.

Thésée hocha la tête avec une grimace aussi amère que celle de la sorcière. Il pointa simplement la carte du doigt en expliquant :

- Il m'a donné cette carte, et m'a dit de nous y rendre dès notre arrivée.

Les yeux bleus de Freya retombèrent entre ses mains. La carte en question était noire, du format d'une carte de visite. La sorcière brune la retourna, et au verso se trouvait une délicate frise dorée aux motifs géométriques art déco, et de grandes lettres, décorées d'une typographie très chic, qui disaient juste :

« Henrique Lage ».

- Qui est Henrique Lage ?

- Il m'a dit qu'il s'agissait d'un ami à lui… je n'en sais pas plus.

Les yeux bleus de Freya retombèrent sur la carte sombre et elle se mordilla la lèvre, implorant mentalement Merlin que Dumbledore ne les ai pas entraînés dans une affaire tordue.

A l'avant du véhicule, le chauffeur se mit à fredonner un petit air joyeux et guilleret. Sa voix grave oscillait légèrement, au grès des notes et des intonations chantantes et fluides de son fascinant langage. Freya fait relevé les yeux vers le rétro-viseur ovale, pour le regarder un petit instant seulement, mais elle sursauta un peu. Il s'était brusquement arrêté de chanter et la fixait intensément dans le petit miroir.

Freya rompit le contact visuel d'un seul coup, ressentant un petit malaise. A côté d'elle, Thésée avait vraisemblablement remarqué le regard étrange que lui avait lancé le chauffeur de la voiture, puisqu'il s'était un peu tendu sur son siège. Ses yeux gris oscillèrent un petit instant entre elle et le miroir, et puis, Freya le vit distinctement amener sa main vers l'intérieur de sa manche de veste, d'où dépassait le manche en écaille de sa baguette.

Mais le chauffeur se remit à chantonner, comme si de rien n'était, et curieusement, l'air qui avait été si joyeux, sonna, aux oreilles de Freya, inquiétant et glaçant. Elle se retrouva à déglutir, et à tourner sa tête vers la fenêtre, d'où les charmants paysages des rues et de la côte défilaient rapidement. Ils traversaient à priori de jolis quartiers, aux grandes façades coloniales, les teintes de la ville étaient dans les beiges, les terracottas, et les grandes colonnes de pierres qui soutenaient les devantures étaient joliment décorées de frises, comme de véritables dentelles de pierre. Il y avait de nombreuses voitures et calèches sur la route en terre-battue qu'ils empruntaient, et de part et d'autres de la rue, Freya pouvait apercevoir des groupes d'enfants qui jouaient, des petites étales de marché, si colorées et chatoyantes que cela rappela à la Nott les vives couleurs du Chemin de Traverse.

Et puis, ils quittèrent les quartiers aux grandes et petites rues, ils quittèrent les bâtisses coloniales, et très vite il se retrouvèrent entre un grand lac et une montagne, la même montagne qu'elle percevait depuis le paquebot, et tout en haut duquel se trouvait un grand chantier.

La verdure sur la Montagne était dense. Très dense. Et son vert, intense, comme si la forêt n'était faite que d'émeraudes. Au loin, le soleil était rouge, si bas, qu'il semblait se baigner dans la baie de Rio ; ses rayons encore intenses, frappaient de plein fouet les bois alentours, dont les lianes et les branches semblaient se mélanger entre elles. La Nature, si luxuriante, avait dévoré le terrain tout entier, jusqu'à ramper le long de la route en terre-battue qu'ils empruntaient avec la voiture.

Ils prirent un tournant, sec, vers la droite, et s'enfoncèrent dans l'épaisse forêt tropicale.

Un frisson parcourut Freya alors qu'elle remarquait que tout à coup, ils étaient seuls sur cette route. Plus de calèche, plus de Ford bien cirée… Rien.

Le chauffeur s'arrêta de fredonner encore, glissant un énième regard vers Freya de par son rétroviseur. La main de Thésée se crispa sur sa propre manche, comme s'il n'attendait qu'un seul geste de l'homme devant eux pour dégainer sa baguette.

La route était si mince à travers l'épaisse forêt, qu'aucun rayon du soleil rougeâtre ne parvint à les atteindre. S'il n'y avait pas ce ciel, dans un dégradé de violet à rose, au dessus d'eux, Freya aurait pu même croire qu'il faisait totalement nuit. L'air semblait chargé d'humidité, si bien qu'ils passèrent au travers d'un véritable brouillard, gris et épais. Le décor fascinant devint presque inquiétant. Tout à coup, les lianes effilochées ressemblaient à des vestiges abandonnés, les branches et les troncs quant à eux, étaient si tordus, qu'ils paraissaient même torturés.

La hauteur de la forêt qui les entourait était si impressionnante, que Freya eut l'impression d'être complètement submergée, étouffée. La jungle fut secouée par une brise, et elle parut, l'espace d'un instant, prendre vie, formant des bras et des mains, inquiétantes et avides… et puis…

Tout à coup, ils dépassèrent la lisière de la forêt.

Un grand espace, tout aussi luxuriant mais, beaucoup plus aéré, s'ouvrit à eux.

Le soleil rouge revint, éclairant ce paysage, si beau, que Freya en eut le souffle coupé.

La lumière s'écrasait sur la façade d'un édifice majestueux, au loin, au bout d'une grande allée rectiligne. Le bâtiment, qu'elle devina être une magnifique propriété privée, était bordée de colonnades, de grandes arches et de balcons de pierre, dans un style très européen du XIXème siècle. Juste devant cette façade, à la fin de l'allée qui se terminait dans un ovale qui permettait de garer une ou plusieurs voitures, trônait une large fontaine, dont l'eau était verdie par de la mousse et des plantes aquatiques qui s'y étaient installées. Ce qui était particulièrement ravissant selon Freya, c'était ces petits endroits, de ci, de là, où la Nature semblait reprendre progressivement ses droits sur des édifices bâtis par l'Homme. Il y avait ici une vraie atmosphère de paix, de magie et de mystère, comme ce que l'on pourrait ressentir en visitant des vestiges d'un temple ancien, et abandonné en plein milieu d'une forêt.

Alors que Freya était particulièrement absorbée par le spectacle devant eux, Thésée, lui, semblait fixer le chauffeur avec attention. Sa main, n'avait pas quitté le manche de sa baguette, et il semblait prêt à riposter ou à attaquer.

La voiture atteignit finalement le bout de l'allée, s'arrêtant pile devant une porte d'entrée, immense, abritée par une arche plus majestueuse que les autres.

Le moteur se coupa, et la tension de Freya et Thésée s'accentua d'un seul coup.

Le chauffeur, après un dernier regard intense vers Freya, sortit de la voiture le premier, et ouvrit tout aussi vite la portière à la jeune femme. Freya sortit de l'habitacle avec tension. Le regard du chauffeur vers elle était encore une fois braqué sur elle, comme si elle avait été une curiosité dans une vitrine. Dans son dos, elle entendit que Thésée n'avait visiblement pas attendu que le chauffeur ouvre sa portière à lui pour sortir à son tour du véhicule.

Et alors que Freya venait de poser ses deux souliers sur le sol battu de l'allée, le chauffeur lui avait attrapé l'avant-bras, et Freya, qui eut été si tendue pendant tout le trajet, ne put retenir une petite exclamation de surprise. Son autre main se glissa dans l'intérieur de son veston, sûrement pour attraper une baguette ou une quelconque arme… Et tout alla très vite.

Quelques mètres derrière elle, elle entendit le cri grave de Thésée hurler vers le chauffeur :

- Plus un geste !

Le Chauffeur parut extrêmement surpris, et apeuré.

Thésée, de derrière la carlingue avait brandi sa baguette vers lui, avec une expression particulièrement sombre et violente. Il y avait tant de tension, que Freya pouvait l'entendre respirer de là où elle était, c'était une respiration rapide, saccadée, comme s'il avait été essoufflé.

Le chauffeur, lui, brandit ses mains vers le ciel, tout aussi vite qu'il aperçut Thésée.

Mais de sa main gauche, celle qui avait été fourrée dans son veston, tomba une fleur d'un rose intense, un peu pliée. Freya regarda la fleur tomber lentement, jusqu'à ses pieds.

Silence.

Elle hoqueta.

Et puis, le chauffeur se mit à baragouiner des paroles inintelligibles, dans une langue qui leur était inconnue, il paraissait paniqué.

Une autre voix, plus posée, résonna de depuis le perron de la grande Mansion.

- Oh, j'ai bien peur qu'il y ait un malentendu…

Un homme était là, un peu plus petit que Dragonneau, vraisemblablement la bonne quarantaine. Il avait un accent portugais, un costume grisâtre un peu serré, un large cou mais un visage doux. Il y avait un pétillement amusé dans ses yeux, le même qu'avait souvent Dumbledore. Mais les trois individus devant lui, Thésée, Freya et le Chauffeur étaient restés paralysés.

L'homme cracha un peu de fumée de sa pipe, et toujours une main dans sa poche, descendit calmement les marches du perron. Et puis, il se posta à côté de Dragonneau, qui le regardait avec une expression méfiante ; il lui fit un simple geste du menton vers la Nott et expliqua avec un ton diverti :

- Il disait simplement à la demoiselle qu'elle était très jolie.

Thésée toisa le chauffeur, d'abord avec une mine confuse, et puis, très vite, amère. Il laissa lentement retomber sa baguette le long de son flan et resserra sa mâchoire.

L'homme qui s'était posté à côté de lui s'adressa au chauffeur en Portugais et ce dernier rabaissa ses bras dans un geste saccadé. Son expression déconfite retomba sur Freya et il plaça une main sur son coeur, pour lui indiquer qu'il était sincèrement désolé.

La Nott, elle, encore abasourdie et embarrassée de cette situation, resta interdite un moment, et puis, l'homme en costume s'excusa platement :

- Je m'excuse pour le malentendu, Alberto a toujours eu une certaine faiblesse envers les femmes, surtout lorsqu'elles sont si jolies.

Il fit un large clin d'œil à Freya et elle se retrouva à lui fournir un sourire si crispé qu'il en était devenu mécanique. Ses yeux bleus retombèrent vers la fleur qui était tombée au sol, il s'agissait d'un joli Hibiscus, un peu abîmé par la poche du dénommé Alberto. Après une petite seconde de réflexion, elle se baissa pour ramasser la fleur, alors que l'homme près du perron continuait avec un air quelconque :

- Et puis, il ne pourrait vous faire de mal, le malheureux est un Aborto…

Alors qu'elle se redressait avec la fleur dans la main, elle se tourna vers l'homme en costume gris avec un air interrogateur. Il se reprit tout de suite :

- … Oh, vous dites Cracmol, il me semble.

Freya refit glisser ses yeux vers le dénommé Alberto, qui retira vivement son chapeau de sa tête, et qui paraissait extrêmement gêné. La Nott lui fournit un gentil sourire, bien qu'encore un peu crispé, et surtout désolé.

L'homme costumé s'adressa une nouvelle fois à Alberto dans sa langue, ce dernier hocha la tête et commença à s'activer vers le coffre de la voiture.

L'homme, toujours aux côtés de Thésée, leur indiqua :

- Alberto va vous aider à monter vos valises. Suivez-moi je vous en prie.

Freya s'avança, contournant la voiture et s'approchant du perron de la grande demeure, mais Thésée, qui n'avait pas bougé, lui barra le chemin avec un bras tendu. Son visage était totalement fermé, totalement méfiant.

L'homme dût sentir que l'on ne le suivait pas, et se tourna vers les deux sorciers britanniques.

Son expression redevint divertie, il fit mine de se frapper le front avec sa paume de main et il s'exclama avec un air guilleret :

- Oh, je m'excuse, décidément, où sont passées mes bonnes manières !

Il tendit sa main vers Thésée, et expliqua avec son accent chantant :

- Je me prénomme Henrique Lage, je suis un ami de ce cher Albus, il m'a prévenu de votre arrivée, et je l'attendais avec impatience !

Comme Thésée tardait à saisir sa main, Lage lui demanda avec un mince sourire :

- Monsieur Dragonneau, c'est bien cela ?

L'auror finit par attraper la main de l'homme devant eux, il acquiesça d'un mouvement de tête léger et ajouta simplement :

- Thésée Dragonneau.

Lage se tourna vers Freya et tendit sa main également, cette fois-ci, la paume vers le ciel. Son sourire s'agrandit :

- Et vous devez être la charmante Miss Nott.

Elle glissa sa main dans la sienne et lui fournit un sourire poli, espérant qu'il masquerait toute la tension qui la traversait encore.

- Enchantée, Monsieur.

Il lui baisa la main et il mit une main sur son coeur, visiblement exagérément charmé par la jeune femme.

- Oh, il n'avait pas menti, elle est réellement délicieuse.

Il donna un petit coup amical dans le haut du bras de Thésée et lui fit un grand clin d'oeil alors qu'il commentait :

- Vous en avez de la veine, mon bon Monsieur.

Alors que le visage de Thésée demeurait à lofais figé et froid, celui de Freya, elle en était sûre, devait être aussi écarlate que le soleil couchant. Lage ne sembla pas prêter d'attention à leurs expressions, puisqu'il s'exclamait encore, en ouvrant les bras vers le ciel, désignant la large propriété :

- Suivez-moi, et bienvenue au Brésil, bienvenue chez moi, à la Mansão Lage !

L'intérieur de la Mansion était tout aussi impressionnante que l'extérieur. Il y avait un large escalier de pierre, et tout était illuminé d'une douce chaleur. Les yeux de Freya passaient des escaliers, aux grandes bibliothèques boisées, puis vers le long couloir, surmonté d'arches de pierres et éclairé par des lampions, joliment déposés au sol. Il croisèrent de nombreux elfes de maison lors de leur simple traversée de la demeure, et pour Freya il ne faisait aucun doute que l'homme à qui ils s'adressaient était très aisé.

Ce dernier, justement, balança nonchalamment :

- Vous excuserez le peu de soin apporté à la décoration…

Freya jeta un vague regard vers Thésée, dont l'expression était restée figée dans une froideur extrême. Ses yeux glissèrent de nouveau vers Lage, qui visiblement, attendait que l'un d'eux fasse un compliment… comme il n'arriva pas, l'homme au costume grisâtre justifia :

- …c'est mon épouse qui gère cela d'habitude, mais elle s'est absentée pour le travail.

- Votre épouse travaille ?

Il lança à Freya un regard de travers, et il parut sensiblement déçu l'espace de quelques secondes.

- Oh, d'habitude ce sont plutôt les gentilshommes qui me font répéter cela.

Frey comprit qu'elle l'avait froissé en demandant cela, elle agita ses mains devant elle avec un sourire désolé et expliqua :

- Oh, ne vous méprenez pas, je trouve cela fabuleux.

Et c'était la vérité.

Elle-même rêvait de pouvoir poursuivre une carrière après son mariage… s'il arrivait un jour.

Lage continua alors qu'il poursuivaient leur chemin, à pas rapides, le long du couloir de pierre :

- Gabriella est une chanteuse d'Opéra de talent. Elle est actuellement en tournée, à New York. Fascinant, n'est-ce pas ?

Mais Freya n'eut pas le temps de rétorquer quoique ce soit, puisque Lage enchaînait déjà avec une voix rapide et forte :

- Mais le plus fascinant dans tout cela c'est que c'est une Não Mágico ! Oh, je pourrai passer des heures à vous raconter comment l'on s'est rencontrés, comment elle a découvert la magie… ! Croyez-moi sur parole, c'est une histoire pa-ssio-nnante !

Freya lui fournit un sourire poli, mais pour être très honnête, elle n'avait pas vraiment envie d'entendre cette fameuse histoire. Elle n'y était franchement pas disposée, et puis, de toute manière, elle commençait même à se demander ce qu'ils faisaient là.

Ils arrivèrent enfin au bout du couloir d'arches, et la grande porte en bois s'ouvrit avec un léger mouvement de baguette de la part de Lage. Lorsque les deux larges pans boisés s'étaient écartés, Freya ne put retenir une autre expression admirative.

Il y avait une large cour rectangulaire, qui faisait face à la forêt, et la Montagne.

Cette cour ressemblait à un cloître, avec des colonnades et des arches en marbre, et en son centre, une partie soigneusement jardinée qui entourait un magnifique bassin d'eau verdâtre, plein de mousse et de fleurs qui y flottaient paisiblement. Freya eut l'impression de se retrouver dans un véritable théâtre antique, et la lumière, désormais rosée apportait tant de douceur et de paix à ce lieu, qu'une vague de soulagement l'envahi. Une rose caressa son visage, apportant une odeur humide et de forêt, et puis, les quelques bruits de la Nature parvinrent jusqu'à elle. Les bruits du vent, les murmures et grésillement des criquets…

Il y avait quelque chose d'apaisant ici, qu'elle ne sut expliquer, comme s'ils avaient été coupés du reste du monde.

Mais visiblement, cette paix n'avait pas atteint Thésée, dont les yeux étaient rivés vers leur hôte bavard. Ce dernier était en train d'allumer une cigarette, et puis, suivit le regard de la jeune femme, qui était de nouveau dirigé vers le haut de la Montagne.

Il commenta :

- C'est la Montagne Corcovado. Ils veulent y construire une statue… Le Christ Rédempteur, voilà son nom… Mais si vous voulez mon avis…

A vrai dire, Freya ne le voulait pas.

Mais elle était bien trop polie pour le lui faire remarquer.

Elle redirigea ses yeux vers lui alors qu'il soufflait un peu de fumée grisâtre :

- …ce n'est encore qu'un pari fou que quelques Não Mágico ambitieux se lancent…

Il montra l'ensemble des lieux avec ses bras ouverts.

- Nous sommes en plein milieu de la forêt Tijuca, et pas très loin du Jardin Botanique de Rio de Janeiro, si vous souhaitez aller le visiter, je pourrais demander à Alberto d'arranger la voiture pour demain matin-…

- Nous ne sommes pas venus visiter.

La voix de Thésée fut si sèche que Freya lui avait lancé un regard désapprobateur ; mais là où elle pensait que Lage allait se froisser, il se mit en fait à rire. C'était un rire nerveux, un peu interloqué, mais il ne parut pas s'offusquer outre-mesure. Il reprit une bouffé de sa cigarette, et après avoir eu l'air un peu surpris, son expression devint surtout amusée quant à la défensive de l'auror anglais.

- Ne soyez pas tant sur la défensive, mon ami…

Il lui tapota l'épaule et Thésée le regarda avec une mine d'apparence quelconque.

- Albus m'avait prévenu que vous seriez éreintés de votre traversée… sûrement qu'elle a été difficile.

Dans un geste fluide, il sortit de sa poche une boite noire et sertie de turquoise, et en sortit une cigarette. Il la proposa à Thésée, et ce dernier, après une petite hésitation, l'accepta avec une mine presque résignée, sûrement ne voulait-il pas froisser leur hôte deux fois de suite. Il alluma la cigarette de Thésée avec le bout de sa baguette, et ce dernier prit une première bouffée avant d'expirer un nuage gris.

Lage continua, tout en glissant de nouveau son étui à cigarettes dans la poche de son pantalon :

- Je sais que vous n'êtes pas venus en touristes, l'ami…

Et alors que Freya regardait Thésée alors qu'il prenait une autre inspiration de la cigarette, coincée entre ses doigts, une vision qui lui parut extrêmement étrange puisqu'elle n'avait jamais vu l'auror fumer auparavant, des elfes de maison installèrent une table, une nappe bleutée et des chaises juste à côté d'eux, entre deux majestueuses arches, où des plantes tropicales grimpaient. Après un deuxième nuage de fumée, Thésée lança un vague regard vers Freya, qui se tenait là , ouvertement admirative quant au lieu dans lequel ils étaient, et ses yeux gris tombèrent vaguement vers la fleur fuchsia, qu'elle tenait encore dans sa main.

Lage leur fit un signe de la main, et après s'être échangé un énième regard, ils prirent place avec lui autour de la table joliment décorée. Un elfe de maison se posta à côté d'eux et Lage demanda à Thésée :

- Un Whisky Pur Feu vous ferait plaisir en apéritif ?

L'auror plissa ses lèvres, et encore après un instant d'hésitation, il finit par hocher la tête. L'elfe de maison s'exécuta, et d'un claquement de doigt, un verre en cristal gravé se rempli de Whisky devant le Héros de Guerre.

Lage se tourna vers la Nott, assise à côté de Thésée.

- Et qu'est-ce qu'une élégante demoiselle comme vous souhaiterait boire, Miss Nott ?

- Je…

Elle sentit distinctement le regard désapprobateur de Thésée à sa droite, comme s'il savait très bien ce qu'elle allait demander. Mais elle décida de l'ignorer.

- Je prendra un Whisky Pur Feu également.

- Oh !

Lage cracha sa fumée avec un petit rire étouffé, et puis il s'adressa à Thésée dont l'expression était redevenue un peu amère.

- La demoiselle a du cran. C'est admirable chez une femme.

Après une autre tape amicale dans le haut du dos de Thésée, Lage fit un geste de la main, plus que dédaigneux vers un de ses elfes de maison, geste qui rappela amèrement à Freya les gestuelles habituelles de son propre Père, Teignous Nott.

Son verre était apparu devant elle, et il en était visiblement de même pour Lage puisqu'il le soulevait déjà vers les airs en s'exclamant :

- Trinquons à votre arrivée…

Il jeta un regard vers Thésée, qui soulevait son verre par politesse, mais dont le visage était redevenu méfiant. Et il avait raison, d'être méfiant, puisque Lage compléta :

- … avant de parler affaires !

Il fit un clin d'oeil amusé à Thésée, et ce dernier fronça les sourcils.

Lage termina avec une expression tout à fait enjouée :

- Bienvenue au Brésil !

Ils trinquèrent, et portèrent tous les trois leur verre à leur bouche.

Il était évident que Thésée n'avait fait que tremper ses lèvres dans son verre, puisqu'il l'avait reposé très vite sur la nappe bleutée. Il reposa également sa cigarette, dans le cendrier en cristal, et sa voix grave indiqua :

- Nous pouvons donc maintenant parler « Affaires »… Monsieur Lage.

- Vous ne perdez pas votre temps, jeune homme. J'aime cela.

Lage reprit une autre gorgée d'alcool et il demanda :

- Donc… Albus me disait que vous alliez m'aider à régler cette histoire de Moremplis ?

Freya faillit s'étrangler sur son Whisky Pur Feu.

Et le visage de Thésée s'était crispé.

Mais Lage n'avait rien remarqué de tout cela, ou peut-être qu'il faisait exprès de l'ignorer. En fait, il était déjà parti dans un autre de ses récits :

- Ces créatures sont de vrais Monstres… une bonne partie de mes employés se sont faits… eh bien… dévorés dans leur sommeil. Pour rien ne vous cacher, en plus du désastre humain, s'ajoute un désastre économique assez… conséquent.

Il reprit une gorgée de boisson, et Freya se sentit devenir un peu mal à l'aise tout à coup.

- Et il est vrai que lorsque Dumbledore m'a proposé que votre frère et vous m'aidiez sur ce sujet, j'étais tout à fait soulagé. Ravi, même.

Le malaise de Freya se transforma en amertume.

Au nom de Merlin, dans quoi Dumbledore les avait-il encore embarqués ?

- Les autorités ici ne parviennent pas à résoudre ce petit… problème, voyez-vous…

L'expression de Thésée semblait s'être figée, comme s'il avait été une statue en marbre.

- Et Albus m'a dit que vous étiez de très bons Aurors, et que votre frère était un Magizoologiste brillant.

Thésée et Freya échangèrent un regard amer, mais Lage continuait encore :

- Il a une grande estime pour vous apparemment. Et venant d'un homme comme Albus… c'est un gage de qualité, c'est certain.

Il reprit une autre gorgée.

- Il a dit que vous me rendriez ce petit service… si je vous en rendais un moi aussi.

A ces mots, Thésée ne put retenir un souffle agacé et demanda avec une exaspération certaine :

- Et quel est ce service que vous nous rendriez ?

Lage toisa un instant Thésée, et puis, souffla un autre nuage de fumée de cigarette avant de rire doucement.

C'en fut apparemment de trop pour l'auror anglais, puisqu'il perdit totalement patience. Il se leva brusquement de sa chaise, la renversant presque en arrière et attrapa fermement la main de Freya pour la tirer vers lui. La Nott se leva à son tour, emportée par la poigne de Thésée.

Ils se plantèrent rapidement devant Lage et Thésée articula sombrement :

- Je ne sais pas pourquoi Dumbledore vous a promis une telle chose, mais je viens juste chercher mon idiot de petit frère.

Lage cligna des yeux une première fois, puis une deuxième.

Thésée, lui, très agacé par cette situation, où ils se retrouvaient, encore une fois, comme des pions dans l'échiquier de Dumbledore, termina sèchement :

- Merci pour le Whisky et la cigarette.

Et sans plus de cérémonie, il tourna les talons, et commença à partir, entraînant Freya avec lui. Cette dernière comprenait sa colère, car elle ressentait la même chose, mais en même temps, elle se sentait navrée vis à vis de Lage. Elle tenta de bredouiller quelque chose, mais l'homme au costume grisâtre les interpella calmement :

- L'accès à Castelobruxo est strictement réglementé.

Mais Thésée ne s'arrêta pas pour autant.

La voix de Lage précisa, un peu plus fort :

- Et avec tout ce qu'il se passe en ce moment, il est même interdit.

Cette fois-ci, Thésée se stoppa, et Freya avec lui.

Elle pouvait sentir de la tension dans sa main qui entourait la sienne.

Ils se tournèrent lentement vers Lage, qui était resté très calme, assis. Il souffla un autre nuage de fumée et articula plus gravement :

- Personne n'y entre. Personne n'en sort.

Le bas du visage de Thésée se contracta.

L'expression de Lage s'allégea et il leur sourit avec assurance :

- Mais moi je peux vous y faire entrer.

Il y eut un petit moment de silence, et puis Lage finit par se lever, glissant une main dans sa poche de pantalon, et aspirant une nouvelle fois l'air de sa cigarette. Il haussa les épaules avec un sourire presque désolé vers les deux sorciers anglais :

- Que voulez-vous mon ami, je suis un homme d'affaires. C'est donnant-donnant.

Freya leva les yeux vers Thésée, qui fit tomber les siens vers elle.

Ils s'échangèrent un long regard.

Lage finit par demander :

- Qu'en dites-vous ?

Freya donna une petite pression dans la main de Thésée, et il la regarda avec des lèvres plissées. Elle lui rendit un air impuissant ; avaient-ils vraiment le choix après tout ? N'était-ce pas leur seule opportunité de rejoindre Norbert ?

Thésée redirigea un regard noir vers leur hôte.

Et il articula sombrement :

- C'est d'accord.


Et voilà !

Alors alors alors ?

Vous en avez pensé quoi ?

Comme je vous le disais, le Chapitre a mis longtemps à venir, car il est ultra loooooong (voire le plus long, il me semble) (j'ai dû l'importer en plusieurs fois, il faisait planter le site…).

Et oui, Dumbledore est loin… mais il est toujours là pour préparer des petits coups montés comme celui-ci… et encore, vous n'avez pas encore tout vu ! Et il n'est pas le seul…

Sinon, la villa Lage existe vraiment, c'est devenu un Parc aujourd'hui, qui s'appelle le Parque Lage je vous recommande d'aller voir les photos, ça fait un peu voyager, le lieu est splendide. :)

On commence à sentir que Freya devient un peu dark… Un peu compulsive et vengeresse. (Elle l'était déjà un peu avant, mais ce trait de caractère se développe encore plus!)

Et la tournure des évènements ne va pas arranger les choses, croyez-moi.

A votre avis… que cache tous ces rêves avec Marcus ?

On en apprendra un peu plus au prochain Chapitre… C'est un personnage important dans mon histoire, et je suis ravie de le dévoiler un peu plus !

Il nous manque un peu d'ailleurs, non ? (lui et son éternelle rivalité avec Thésée)

Next Chapitre : retrouvailles avec deux personnages que l'on connait bien… + exploration du Monde magique Brésilien !

Encore merci pour vos messages, notes, commentaires, kudos… c'est toujours très apprécié après un tel travail !

See you soon !

Netphis