Bonjour à tous ! :D

J'ai un peu traîné, mais voilà finalement le chapitre 7 !

L'écriture de cette histoire me pose plus de difficultés, dans le sens où elle est plus sombre et que ce n'est pas mon style d'écriture "habituel". C'est pourquoi je mets plus de temps à publier ici, même si les chapitres sont relativement courts (4000/5000 mots). Mais j'essaie de rester motivée et vos reviews aident grandement pour ça :) C'est la seule "rémunération" d'un auteur donc c'est important (même si je sais qu'en tant que lecteur on ne pense pas toujours à laisser des reviews ^^) :)

ofo effectivement, Drago touche le fond avant de remonter, mais je pense qu'on se dirige (enfin) vers du mieux là :) je suis contente si ses réactions et ses pensées sont cohérentes avec son état d'esprit général. J'espère que la suite de l'histoire te plaira :)

Cicidy je n'avais pas prévu d'aborder le point de vue de Hermione à l'origine, mais finalement c'est venu spontanément et ça permet de mieux comprendre certaines choses. Merci pour tes encouragements, j'espère que ce nouveau chapitre te plaira tout autant ! :)

Bonne lecture à tous ! :)


PARTIE SEPT : HUMANITÉ (1)

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17 décembre 1998, se changer soi-même.

Il y avait bien longtemps que Drago avait perdu le sens d'un raisonnement humain et d'une réflexion sur ses émotions. Il était concentré sur son enfer perpétuel et sur cette conscience de chaque instant d'être un monstre dans l'image d'un homme. Il était si enfermé dans cette sensation et la douleur qu'elle provoquait qu'il en oubliait tout le reste. La mort aurait été sa délivrance la plus douce; mais il ne méritait aucune douceur.

Les mots de Hermione Granger avaient raisonné en lui d'une manière qu'il aurait cru impossible. Ce qu'elle pensait n'avait jamais été important : elle était si insignifiante malgré ses qualités remarquables. Elle était sang-de-bourbe et cette tare effaçait tout le positif que sa personnalité apportait. Désormais elle était devenue trop digne pour que son jugement lui pèse.

Du moins l'aurait-il pensé.

Mais l'héroïne avait parlé et la justesse de ses propos était si évidente qu'il n'avait pas pu les laisser de côté.

La question tournait en boucle dans sa tête : comment avait-il pu tant se tromper ?

- Zut !

Une petite voix, douce et encore pleine d'innocence, venait de s'alarmer pour le motif le moins inquiétant du monde. Un jeune garçon - sans doute première ou seconde année - venait de faire tomber sa pile de livres. Ses ouvrages étaient si épais et ses bras si petits que la survenance de l'incident était une évidence. Dans un autre monde et dans un autre temps - probablement tous, excepté celui-ci - Drago aurait continué son chemin sans s'en soucier. Les problèmes des autres n'étaient pas les siens et jamais il ne lui était venu à l'esprit d'aider son prochain. Il était un prince trop fier et un adolescent trop orgueilleux. Les paroles de la Lionne avaient déclenché chez lui un ouragan qui avait complètement transformé son univers. Pour la première fois de sa vie, il lui vint à l'esprit que, peut-être, il pouvait se rendre utile pour autrui. Que c'était la moindre des choses après avoir participé à la destruction du monde.

Mais il manquait d'habitude et la lenteur de sa pensée vint tuer dans l'œuf cet élan de solidarité : l'élève avait déjà ramassé ses ouvrages avant que Drago n'ait pu faire le moindre mouvement.

Il s'était arrêté; il le regarda s'éloigner. Visiblement le petit élève était conscient de l'intérêt qu'il avait suscité chez ce grand Serpentard à l'âme sombre et ne souhaitait pas s'attarder davantage. Comment lui en vouloir ? La peur d'un monstre ne quitte jamais tout à fait le cœur d'un homme, peu importe son âge.

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18 décembre 1998, mensonge protecteur.

Théo était installé sur le canapé avec une posture droite et convenable. Ils étaient issus d'un monde où l'élégance était reine et où ils tentaient toujours de coller à une image parfaite. Drago se montrait orgueilleux; mais il était également discipliné et fier. Ce qui l'avait forgé toute sa vie ne l'avait pas quitté. La guerre n'avait pas effacé son élégance et son raffinement. Il était un monstre, mais un monstre dans la peau d'un homme fier, froid et élégant.

Il observa Théo, si loin de ce qu'il avait été un jour. La guerre avait changé bien des choses, mais n'étaient-ils pas d'abord différents à cause de leurs choix ?

- Pourquoi on a fait ça ?

La voix de Drago résonna d'un élan d'honnêteté peu familier. Il ne posait pas de questions; plus rien ne l'intéressait. Mais la réflexion de Miss Granger avait réveillé chez lui quelque chose : un semblant de curiosité, une envie de comprendre, ou une étincelle qu'il n'arrivait plus à reconnaître.

- Quoi donc ?

Théo faisait exprès de ne pas comprendre. Voir la vérité aurait été trop douloureux. Se draper dans un voile qui cachait une partie de la vie était ce qui lui permettait de tenir. Théo n'avait pas changé car il voyait le monde de la même façon. Il était un perdant qui n'avait pas changé de camp, parce qu'il préférait ignorer la guerre qui avait eu lieu. La condition humaine était bien étonnante, et elle était formidable dans sa capacité à ignorer ce qui lui faisait du mal.

- Devenir des monstres, répondit Drago.

A l'instant où il le prononça, il se questionna : étaient-ils devenus des monstres, ou l'avaient-ils toujours été ?

Un silence arriva, pesant et coupable.

- On s'est trompés, ça arrive.

Encore une fois, Théo se drapa dans son innocence, seul rempart contre la culpabilité et une vie qui s'effondre. La vérité était un feu trop ardeur pour le laisser se consumer; il était plus simple de se cacher derrière le mensonge. Une seconde Drago le jalousa; mais la vérité était son fardeau.

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20 décembre 1998, ô douces habitudes.

Il s'installa près d'elle, devant le chaudron. Elle le salua d'un signe de tête désintéressé. Ils ne s'étaient pas recroisés de si près depuis leur dernière conversation. Aucune expression sur son visage ne laissait indiquer que Hermione Granger était agacée. Ses yeux fixes et ses sourcils froncés indiquaient une concentration extrême alors qu'elle observait les ingrédients laissés sur la table par le professeur. Il l'avait assez observé pour savoir ce qu'elle faisait : c'était sa tentative de deviner la leçon du jour avant qu'elle soit indiquée par le professeur Vance. Et dans cette tentative, elle en oubliait tout le reste, y compris son dégoût pour l'héritier Malefoy.

- Bonjour, lança Drago de sa voix hésitante.

Il n'était plus habitué à parler sans qu'on l'y force, mais on lui avait enseigné les bonnes manières avant même qu'il sache marcher. La politesse était un trait humain qui revenait plus facilement que quiconque l'aurait pensé.

Elle tourna la tête vers lui et quand leurs regards se croisèrent, le monde entier s'arrêta. Drago avait arrêté de vivre mais le manège enchanté de la vie ne s'était jamais stoppé et, à chaque seconde, le décalage se faisait encore plus oppressant. Pour la première fois depuis des années, une vie entière, une éternité, Drago et la vie trouvèrent une harmonie. Tout s'était arrêté et tout était suspendu à un battement de cils.

Elle cligna des yeux et le moment s'envola.

- Bonjour, Malefoy.

Sa voix était posée et douce. Hermione Granger pouvait se révéler aussi vive qu'un feu de cheminée un soir d'hiver, mais elle ne déclenchait jamais les hostilités la première. Loin d'un monde privilégié rempli de leçons d'élégance et de distinction, elle savait pourtant appliquer les principes d'amabilité avec une aisance naturelle.

- Bonjour à tous ! Lança le professeur Vance quand tous ses petits élèves furent correctement installés.

Le cours commença et les habitudes reprirent là elles s'étaient arrêtées. Drago Malefoy et Hermione Graner formaient une paire gagnante pour le cours de potions.

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22 décembre 1998, les esseulés.

La dernière journée de cours avait été un insupportable défilé de bonne humeur et de grands sourires. Dans cette joie aveuglante et cette vie étincelante, ils avaient oublié de rappeler à Drago Malefoy sa condition de monstre. Alors même pour lui, si loin des considérations humaines, la journée avait été d'une douceur rare. Il ne méritait pas ce sentiment de tranquillité mais il avait oublié de s'en vouloir.

Alors qu'ils se précipitaient tous vers dortoirs et malles à la fin des cours, Drago se rendit à la bibliothèque d'un calme légendaire ce soir-là.

Les lieux étaient vides, absolument vides.

Il observa ce mobilier en bois noble qui semblait bien froid sans présence humaine pour les réchauffer. Mais n'était-ce pas ce qu'il appréciait aujourd'hui ?

Quand vint le moment du dîner, il décida de cesser de travailler. Les repas présentaient peu d'intérêt pour lui mais sa condition humaine le forçait à se nourrir; et il n'y avait-il par autre chose.? Il mit un moment à identifier ce qu'elle était, car elle avait disparue du panorama de son existence depuis longtemps : la curiosité.

La Grande Salle était d'une froideur rare elle aussi, et la présence de quelques personnes ne suffisait pas à rendre l'atmosphère plus agréable.

Beaucoup de professeurs s'étaient absentés pour retrouver leurs proches à cette période privilégiée des fêtes de fin d'année, et la plupart des élèves avaient déserté. Le Poudlard Express avait ramené tout ce petit monde dans leurs foyers douillets Ils ne restaient que les mal-aimés, les incompris, les esseulés.

L'équipe de bras cassés était au complet : Justin Finch-Fletchley désormais orphelin, Lavande Brown dont la rumeur prétendait qu'elle était rejetée de sa famille, et une dizaine d'autres élèves qui restaient parce qu'ils n'avaient nul part où aller. Drago avait encore une famille, mais Narcissa Malefoy était trop occupée sur le cas "Lucius" pour s'occuper de son fils unique qu'elle pensait en sécurité dans un château rempli.

La plupart des tables avaient été enlevées, il n'en restait qu'une unique qui mélangeait professeurs et élèves.

Où que ce soit, Drago Malefoy avait parfaitement la conscience qu'il était non-désiré. Certains regards étaient hostiles, les autres étaient indifférents. Personne n'était jamais content de le voir.

- Bonsoir à tous ! Je suis ravie que nous soyons ici ensemble. Les fêtes de fin d'année sont le moment idéal pour tisser des liens privilégiés et je suis sûre que ces quelques jours seront l'occasion pour vous de découvrir Poudlard sous un nouveau jour.

La voix de McGonagall était enjouée mais elle se trompait. Ils avaient déjà tous découvert Poudlard sous un nouveau jour, et cette vision n'avait rien d'agréable.

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25 décembre 1998, merry christmas.

Le dortoir était vide : Théo et les autres étaient rentrés au domicile familial. Ils avaient encore tous une famille aimante et respectable. Lui-même avait encore une famille. Mais respectable, elle ne l'était plus. Le nom de Malefoy serait pour toujours associé à la haine, à la mort et à la honte. Ils avaient été sacrifiés comme les assassins, et même leurs pairs, ceux qui avaient combattu avec eux, les regardaient avec mépris. Meurtriers pour les uns, lâches pour les autres. Drago était tout à la fois.

Les Elfes de Maison avaient été inventifs pour créer une décoration de Noël chaleureuse et colorée, faisant oublier le temps d'un instant le vide qui régnait en ces lieux. Des Serpentards il n'en restait que trois : l'héritier Malefoy, un élève de quatrième année, et un autre de deuxième année. Drago ne les connaissait pas; les deux petits se parlaient entre eux sans jamais l'inclure. Ce n'était rien : la solitude était la vie qu'il avait choisi, sa prison personnelle dont il s'était fait juge.

- Joyeux Noël, lui dirent-ils à l'unisson lorsqu'il se présenta dans la salle commune.

Ils étaient enjoués en ce jour de fête, et même si Drago était un paria pour les Serpentards, ils n'avaient pas le cœur à l'exclusion.

Drago leur répondit avec un ton dénué de joie. Les fêtes de fin d'année étaient délicieuses autrefois, il aimait le goût de la fête, des cadeaux, des soirées passées aux coin du feu à se raconter des histoires sans intérêt. Le matin de Noël, Narcissa prenait toujours le temps de lui faire un thé elle-même, et de préparer des biscuits pour toute la famille, mettant les Elfes de Maison au chômage le temps d'un instant. Lucius, lui, content pour le seul jour de l'année, fredonnait des comptines de Noël en lisant le journal. Drago se sentait en équilibre au milieu de ce tableau, entre une mère parfaitement affectueuse et un père imparfaitement présent.

Il y avait trois cadeaux pour lui sous le sapin; trois fois trop.

La curiosité portait peu ses gestes, mais il savait qu'il était de coutume de les ouvrir avant le petit-déjeuner. Alors il s'installa sur l'un des fauteuils et entreprit de les défaire de leurs couvertures colorées. Le premier était une montre ancienne offerte par Narcissa, la montre familiale des Malefoy, que Lucius n'avait pas le droit de porter dans les couloirs froids de sa prison. Le cadeau n'était pas que physique, il était significatif : c'était lui, désormais, l'homme de la maison et le chef de famille. Il était maintenant le premier porteur du nom Malefoy alors que Lucius devenait, de ce fait, l'ancêtre qui survivait. Par cet objet elle lui faisait comprendre que la vie continuait et que la famille survivait. Ce qu'elle ignorait c'était que Drago n'était pas prêt à accepter le message.

Un autre paquet contenait des confiseries et un carnet offert par Théo; accompagné d'un bref "Joyeux Noël" car Théo n'était pas un sentimental. Enfin, le dernier paquet était signé de Pansy. Elle lui avait adressé une très belle cape noire, aux coutures argentés, de fabrication française. Drago n'avait jamais eu un vêtement aussi élégant. Pansy avait sobrement indiqué "Joyeux Noël Drago, je pense à toi" et elle accompagnait son paquet d'une nouvelle lettre.

Une nouvelle fois, Drago rangea la lettre dans sa poche sans l'ouvrir.

Ca ne l'intéressait pas; et il ne méritait pas de s'ouvrir au monde.

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25 décembre 1998, sagesse ou déraison.

- Monsieur Malefoy, si vous avez une minute.

La voix de Minerva MnGonagall cassa le silence froid du hall. Elle l'avait rattrapé à la sortie du repas, alors qu'il était le premier à avoir quitté la table. Le nombre d'élèves présents était réduit mais il ne se sentait pas plus à sa place pour autant. Personne ne lui parlait et il évitait même de regarder les autres de peur de voir se refléter sa propre haine dans leurs yeux.

Minerva McGonagall était debout face à lui et, pendant un instant, Drago sentit son hésitation et sa gêne. Minerva McGonagall semblait avoir l'air impressionnée. Etait-ce lui qui faisait cet effet ? Il était pourtant si loin de tout ça, si effacé, si peu affecté par les mots qu'elle employait parfois avec lui.

- Je tenais à clarifier, encore une fois, que vous avez parfaitement votre place ici. Je ne prétends pas vous absoudre de vos erreurs passées, je n'ai pas ce pouvoir, mais je tiens à vous rappeler que vous avez été déclaré innocent pour vos actes. Peut-être serait-il judicieux de se rappeler de ce jugement de temps en temps...

Son discours était mûrement réfléchi et très bien élaboré mais il glissa sur Drago sans lui provoquer la moindre émotion.

Encore une fois, la directrice avait conscience du mal-être de son élève le moins intégré. Elle était trop consciente et soucieuse du bien-être de chacun pour ne pas le remarquer. Ses yeux perçants voyaient mieux que ce que le port de ses lunettes laissait penser. Sa perception du monde allait au-delà de sa simple vue. Quand Drago avait le courage d'affronter son regard, il avait l'impression qu'elle le sondait.

- Oui, professeur...

Un soupçon de courage, ou peut-être le désir qu'elle lui fiche la paix, le fit relever les yeux vers elle. Elle avait quelque chose à ajouter mais il préférait éteindre cette conversation qui ne lui apporterait rien. Malgré tout son désir, Minerva McGonagall ne pouvait lui être d'aucun secours.

- Mais je préfère être seul, ajouta t-il.

En vérité, c'était les autres qui préféraient le voir seul. Mais comment leur en vouloir ? Drago ne méritait aucune amitié, aucune considération, aucun respect. Il n'était plus qu'une âme en peine qui vivait au milieu d'un monde de vivants où il n'avait pas sa place.

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31 décembre 1998, happy new year.

La scène était festive et il n'avait pas sa place au milieu de ce moment de liesse.

Seule Lavande Brown avait eu le courage de s'asseoir près de lui. Elle était la plus courageuse de tous - elle l'avait toujours été - et la plus éloignée de ces conflits humains qui ne la concernait plus. La rancoeur n'avait pas de place contre un coeur habité par le dégoût envers lui-même. La présence d'un monstre tel que Drago Malefoy ne l'impressionnait plus car elle savait qu'elle était habitée par une bête plus sauvage encore. Les monstres ne s'effraient pas entre eux; ils s'ignorent.

- Bonne année !

Autour de lui, Drago Malefoy entendit le bruit caractéristique des accolades et des embrassades. Tous s'étaient levés pour fêter cet instant magique.

Il était isolé et comptait rester le spectateur muet et immobile de ces instants de joies. Il regardait les silhouettes s'étreindre et se sourire comme si la fin de la guerre avait sonné. Ils étaient tous si joyeux et si heureux. Pourquoi donc ? Drago ne se souvenait même plus de ce qu'il y avait de formidable à fêter une nouvelle année. Chaque seconde, chaque minute, chaque heure et chaque jour qui passait l'éloignait davantage de ce qu'avait été sa vie autrefois. Les souvenirs heureux s'effaçaient derrière les traumatismes de l'horreur.

Il était seul, en retrait par principe. Mais quelqu'un sembla remarquer sa présence.

C'était deux élèves de troisième année, encore débordant de l'innocence de leur âge. Ils étaient à Poufsouffle, la maison des Champions. Drago avait si souvent méprisé les blaireaux, mais désormais les loyauté et leur justice étaient la chose la plus précieuse de ce monde. Les Poufsouffles n'étaient pas des êtres faibles; ils étaient la pureté d'un monde qui s'étiole.

Les deux petits élèves s'avancèrent pour lui tendre la main.

L'absurdité du geste le laissa perplexe.

Une seconde seulement il resta figé d'incompréhension et d'inaction. Et la politesse revint, traînant avec un elle un train rempli d'autres émotions.

Alors il serra ses mains qui se tendaient à lui et oublia, le temps d'un instant, qu'il était Drago-Malefoy-le-monstre. Pendant un instant il redevenait un simple adolescent, et le sentiment était enivrant.

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03 janvier 1999, objet de de curiosités.

Qui d'autre viendrait un dimanche soir à la bibliothèque, alors qu'il s'agissait d'une veille de rentrée ? Mais il savait qu'elle viendrait, il l'avait attendue. Ils n'étaient pas amis, ils parlaient peu, ils étaient de vieux ennemis qui ne pourraient jamais s'apprivoiser et pourtant il avait la sensation de la connaître sur le bout des doigts. Il savait qu'elle viendrait car l'environnement des livres lui aurait trop manqué. Les vacances de fin d'année laissait trop peu de place pour les études; elle devait se rattraper.

La bibliothèque était absolument vide, mais elle se dirigea malgré tout vers lui. Il nota cependant l'hésitation dans ses pas. Peut-être aurait-elle eu le courage de s'asseoir ailleurs si il ne l'avait pas fixé aussi clairement. Mais elle se dirigea vers lui, vers leur table, vers sa chaise.

Elle avait l'air contente d'être ici et il était facile de deviner le sujet de contentement d'une élève si appliquée : son lieu favori absolument désert (ou presque).

- Salut, dit-il avec une familiarité qu'il n'avait pas l'habitude d'utiliser avec elle.

Si elle nota le changement, elle n'en dit rien. Elle tira la chaise à côté de la sienne avec désinvolture, comme elle l'avait fait tant de fois.

- Salut, Malefoy. Tu as passé de bonnes vacances ?

Elle lança sa question comme une politesse à laquelle elle ne pensait même pas. C'était un réflexe et pas une question sincère en attente d'une réponse honnête. Mais la politesse devait être réciproque. Être un monstre n'empêchait pas de se montrer bien-élevé.

- Très bien, et toi ? Répondit-il d'un ton courtois.

Il mâchait moins ses mots et la parole lui revenait comme une vieille amie jamais oubliée. Il n'était pas honnête; il était juste poli.

- Fabuleux, même si c'était un peu triste de revenir ici pour la dernière fois.

Et elle haussa les épaules, soudain confuse de se laisser aller à une telle confidence auprès de son vieil ennemi. Elle semblait avoir oublié le temps d'une seconde qu'il n'était que sa bonne action et pas une oreille auprès de laquelle s'épancher.

Il aurait pu la laisser se plonger dans ses devoirs et ne plus parler pour ne pas casser ce si bel instant de tranquillité. Il aurait pu, car il ne comprenait pas. Comment une héroïne de guerre qui a connu la torture et la mort pouvait-elle ressentir de la tristesse pour quelque chose d'aussi futile et prévisible que la fin des études ?

- Triste ? C'est inévitable. Il y a bien plus de choses intéressantes ailleurs qu'ici.

Elle le dévisagea avec étonnement et il mit une seconde à comprendre d'où venait son étonnement. Pour la première fois de toute sa vie, Drago Malefoy venait de lui faire la conversation. C'était frivole et insignifiant, mais c'était un plus grand changement dans le monde qu'une simple guerre. Tout était renversé et bouleversé et les repères suivis pendant si longtemps s'étaient envolés. Tout le monde savait qu'ils devaient rebâtir un nouveau monde. Pour la première fois, Drago venait d'en prendre conscience. Si ça n'avait pas été pour elle ou sa remarque si savamment réfléchie, Drago Malefoy serait resté un être centré sur lui-même et sa souffrance. Mais un sentiment encore plus fort que la douleur habitait son cœur animal : la culpabilité.

Et la culpabilité était capable de bien des choses.

- C'est vrai, mais tu sais, Poudlard, c'est réconfortant. Tout ça va me manquer.

Elle fit un sourire en haussant les épaules, consciente de l'innocence de sa remarque, et se leva.

Il la regarda se diriger vers les rayons de livres, les yeux fixés sur cette petite silhouette qu'il avait passé tant d'heures à mépriser. Quelque chose avait changé, c'était une évidence : elle l'avait pris en pitié, elle se montrait aimable plus que de raison avec lui, elle prenait sa défense, elle montrait l'exemple en faisant preuve de miséricorde envers son pire ennemi. Mais au delà d'elle, au delà de tout ça, autre chose avait changé.

Ce qui avait changé, c'est le regard que Drago portait sur elle.

Son regard n'était ni affectueux, ni méprisant.

Il était juste curieux.