Bonjour à tous !

Cette fois-ci, c'est bel et bien la fin de la fiction. J'espère que ce dernier épilogue vous plaira !

Merci encore (on ne vous le dira jamais assez !) à tous ceux qui nous ont suivi ! Pour une première ff, je dois dire que je suis comblée. ;) Et ça ne me motive qu'à en écrire une à mon tour, lorsque je me serai enfin arrêtée sur une idée ! :P

Nous nous retrouverons sûrement pour d'autres aventures ! Et d'ici-là, prenez soin de vous !

Bises,

Sarah


Je pianotais des mots sur mon clavier à toute vitesse. Je devais absolument terminer ce dossier aujourd'hui afin de l'envoyer à l'un des collaborateurs de Griffin & Woods. Seulement, quand je vis l'heure avancer plus vite que prévue, je redoublais dans ma fréquence de frappe.

Depuis que nos entreprises familiales respectives avaient fusionné, Clarke et moi misions sur un commerce écoresponsable. Nous tenions à ce que les matériaux utilisés pour la production étaient issus du commerce équitable et faisions en sorte d'investir un maximum dans le recyclage. Nous avions également rayé de la liste de nos logiciels l'obsolescence programmée et avions investi dans des services de réparations lorsque les dispositifs ne fonctionnaient plus. Tous ces projets prenaient un temps fou, d'autant plus dans un monde où tout le monde préférait jeter à la poubelle que de réparer. Mais étant toutes deux PDG d'une entreprise au commerce stable, nous étions en train d'instaurer un réel phénomène de mode. Nous financions également de nombreuses actions pour le climat et la préservation de l'environnement et ainsi, Griffin & Woods était devenu une entreprise exemplaire dans le domaine de l'écologie. Nous n'avions plus qu'à espérer que ça dure. Néanmoins, nous étions sur une bonne lancée. Parfois, je n'arrivais pas à prendre conscience de tout ce que nous avions accompli en quelques années. Le temps filait à toute allure et de nouvelles opportunités se présentaient sans cesse à nous. Cette vie était encore plus belle que je ne l'avais imaginée.

Ce jour-là, c'était à mon tour de passer chercher Madi à l'école. A tout juste six ans, je ne pouvais m'empêcher de penser que notre fille grandissait si vite. Pourtant je m'efforçais de ne pas le faire remarquer. Il n'y a que les trentenaires qui disent ça, qui regrettent le temps passé, leur jeunesse qui s'éloignait d'années en années. Mais Clarke était bien assez présente pour me rappeler que, oui, j'allais fêter mon trente-cinquième anniversaire dans une semaine.

Je conclus le dossier, l'envoyai et éteignis dans mon ordinateur. Je récupérai mes affaires et sortis de mon bureau. En traversant le couloir, je passai la tête dans l'entrebâillement de la porte du bureau de ma femme. Elle avait l'air concentrée et elle avait de quoi : depuis plusieurs années, Clarke s'était mise sur le projet de vaincre la stérilité. C'était un travail de longue haleine, mais je la reconnaissais bien là : elle n'en démordrait jamais. Ces derniers jours, elle était en bonne voie. Avec les chercheurs de l'entreprise, ils avaient trouvé récemment une nouvelle piste à aborder. L'équipe avait déjà essuyé plusieurs échecs, mais aucun d'entre eux ne baissait jamais les bras. L'infécondité n'était pas un problème que nous pouvions régler en un claquement de doigts, mais les collaborations que nous entretenions avec d'autres cabinets de recherches nous prouvaient que cette fois-ci, nous étions certainement sur une bonne voie.

-On se retrouve à la maison toute à l'heure ?

Clarke, qui ne m'avait pas vue, redressa la tête. Elle se leva et s'approcha assez pour m'embrasser tendrement. Ce baiser, comme chacun de ceux qu'elle m'offrait, me remplissait d'une douce chaleur. J'aimais Clarke comme au premier jour. Même si entre nous, il n'y avait jamais vrai eu de « premier jour ». Tout c'était fait naturellement, comme s'il s'agissait d'une évidence.

-Évidemment, répondit-elle avant de reprendre sa place derrière son bureau.


Je garai la voiture devant l'école et sortis de l'habitacle pour rejoindre la foule de parents qui venaient chercher leur enfant à la fin de la journée. J'aperçus rapidement Lincoln et Echo qui discutaient ensemble. Je les rejoignis.

-Lexa, ça fait longtemps qu'on ne t'a plus vue ici ! s'exclama Lincoln.

-En effet, j'ai des heures à rattraper. Echo, comment vas-tu ? m'enquis-je en me tournant vers elle.

Bellamy et Echo avaient finalement sauté le pas. Après avoir investi dans la maison de leurs rêves, ils avaient eux aussi fondés une famille. Leur petit Gabriel de quatre ans était rentré à l'école il y a quelques temps et Echo nous avait annoncé tout récemment attendre leur deuxième enfant. La revoir avec un ventre rond me rappelait certains souvenirs.

Lorsque la sonnerie retentit, une cohue de cris et de rires résonnèrent dans les couloirs puis se déversèrent dans la cour de récréation. Je la repérai rapidement : aux côtés de ses amies, Madi était rayonnante. Elle était pétillante de vie et arborait constamment ce merveilleux sourire qui était le copié-collé de celui de sa mère. En m'apercevant, elle courut dans mes bras.

-Maman !

Je la serrai contre moi. Ces derniers temps, j'avais enchaîné d'importantes séances plus tard que d'habitude et je n'avais pas pu venir la chercher. Si je mettais un accent important sur ma vie de famille, Clarke et moi ne pouvions nier que gérer une entreprise de la taille de Griffin & Woods était un quotidien chronophage. Heureusement, à deux, nous arrivions toujours à trouver des compromis et des solutions.

-Comment c'est passé ta journée ? demandai-je en contemplant une nouvelle fois les perles vertes sur le visage laiteux de notre fille.

-Ontari m'a encore tiré les cheveux aujourd'hui ! J'en avais marre alors je lui ai rendu une baffe !

Echo et Lincoln m'adressèrent un regard amusé. Madi avait un caractère bien trempé. Comme on dit, la pomme ne tombait jamais loin du pommier. Tandis que je tâchais de jouer la médiatrice, Lincoln récupéra leur grand garçon de sept ans, Zoran, et partit rapidement pour l'amener à son cours de judo.

-Où est encore passé ton frère ? finis-je par demander à Madi.

-A ton avis, conclut Echo.

Alors que la cour se vidait, deux petites têtes pointèrent le bout de leur nez et se mirent à courir en nous apercevant. Echo accueillit Gabriel auprès d'elle et c'est Madi qui prit une mine impatiente envers son cadet.

-Liam ! Tu pourrais te dépêcher !

Le petit garçon se réfugia dans mes bras sous la grosse voix de sa sœur. Au grand malheur de Madi, qui était une rapide et éternelle empressée, Liam lui était différent. On venait de lui détecter un trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité, ou TDAH en raccourci. De ce fait, il avait besoin de plus de temps pour préparer ses affaires et pour comprendre les choses, car son attention était très dispersée. Mais son hyperactivité le rattrapant, ils formaient avec sa soeur un duo de pile électrique assez ingérable parfois.

Clarke et moi avions beaucoup profité de notre petite Madi. Elle avait fait de nous deux mères comblées. Mais avec les années, l'envie d'agrandir notre famille s'était faite sentir. En prenant en compte la difficulté pour Clarke de tomber enceinte et l'équité, c'est moi qui avais porté notre deuxième enfant deux ans après Madi. Contrairement à ma femme, tomber enceinte ne fut pas un problème. La grossesse fut pour moi à la fois la meilleure et la pire période de toute ma vie. Il n'y avait aucun doute : sentir ce petit être grandir en moi était un sentiment fabuleux. Mais c'était sans compter tout le reste : le corps qui change, le sentiment constant d'être une baleine hors de l'eau, les caprices des émotions… Clarke me connaissait en période de menstruations, mais durant la grossesse c'était encore bien pire. Si on ne m'amenait pas mes endives quand je les demandais, je devenais exécrable. Pourtant, j'avais toujours détesté les endives. Mais durant ma gestation, jamais je n'en avais eu si envie.

L'unique point faible de cette grossesse fut la complication lors de l'accouchement. Il avait fallu réagir vite, car c'était la vie de l'enfant qui était en danger. Alors sans hésitation, on m'avait fait accoucher par césarienne. Un stress supplémentaire lorsqu'on savait que son enfant manquait d'oxygène. Heureusement, Liam n'a hérité d'aucun problème suite à cette complication et grandissait aujourd'hui comme un enfant normal. Quant à moi, je cherchais tant bien que mal à faire l'impasse sur cette immense cicatrice qui me traversait le ventre.

Ainsi était né Liam, le petit homme de la famille. S'il pouvait être très vif, il avait encore de la peine à s'imposer face à sa grande sœur qui prenait parfois un malin plaisir à le mener à la baguette. Néanmoins, depuis son entrée à l'école, Liam commençait à prendre confiance en lui et osait affronter son aînée. La famille Griffin-Woods n'était pas de tout repos et parfois, je me demandais si Clarke et moi étions aussi ingérables lorsque nous avions leur âge.

Sans pour autant nous concerter, Echo et moi nous étions suivies de près et Liam et Gabriel n'étaient nés qu'à un mois d'écart. Depuis leur naissance, ils ne se quittaient plus. Ils me rappelaient Clarke et moi dans nos premières années. Une impressionnante complicité les liaient. J'appréciais les voir évoluer, grandir, ensemble. Tout comme j'adorais voir Madi s'épanouir auprès de Zoran, son éternel rival qu'elle s'amusait assidûment à provoquer. Tous ensemble, nous formions une belle et grande famille d'amis. Clarke et moi, Lincoln et Octavia, Echo et Bellamy, sans oublier Raven et Luna. Ce couple impulsif était le seul à ne pas avoir franchi le pas des enfants. Raven nous assurait que nous voir avec les nôtres lui suffisait amplement, mais nous voyions tous l'étincelle dans le regard de Luna. Celle qui nous disait qu'elles étaient en chemin miné et que Luna était loin d'abandonner cette bataille. Il ne restait qu'Anya, éternelle solitaire. Fidèle au poste de Griffin & Woods, meilleure secrétaire de tous les temps. Depuis toujours elle restait discrète sur ses relations. Aussi proche étions-nous, je n'avais jamais rencontré une seule de ses conquêtes. Pourtant, ces derniers jours, quelque chose semblait avoir changé. Un homme ? Une femme ? Dans tous les cas, elle paraissait plus épanouie. Et ça faisait vraiment plaisir à voir.

Je saluai Echo et son petit Gabriel et embarquai mes enfants. Je les installai à l'arrière de la voiture et les emmenai sur la route de la maison. Maison qui d'ailleurs, n'était plus la même. Le manoir des Woods avait beau avoir une importance sentimentale à mes yeux, je ne m'y voyais pas élever ma propre famille. Je ne nous imaginais pas grandir dans cette maison chargée en souvenirs attachants comme éprouvants. Et de plus, comment une Griffin pouvait s'épanouir dans un manoir portant exclusivement le nom de Woods ? Il nous avait fallu un nouveau départ, un endroit où faire table rase. Un endroit qui serait le nôtre.

Après la naissance de Madi, nous avions fait dessiner les plans de la maison de nos rêves. Puis nous l'avions faite construire sur un terrain vague en bordure de la ville, proche de la nature. Ainsi, nous pouvions profiter d'une agréable maison et d'un grand jardin où les enfants passaient tous leurs après-midis. Dans cette nouvelle demeure, je me sentais plus sereine. Clarke et moi pouvions reprendre à zéro et y créer notre famille, notre vie, sans craindre les démons du passé.


Arrivés à la maison, je me suis attablée à la table de la cuisine avec les enfants pour les aider dans leurs devoirs. Puis Clarke est rentrée et nous avons préparé et mangé le dîner avant de nous installer tous les quatre sur le canapés du salon. Je savourais plus que jamais ces moments simples et pourtant si chaleureux. Sans surprise, Liam s'est endormi devant le film mais Madi, elle, en demandait un second. Le résultat était sans appel : il était temps d'aller dormir. J'ai porté Liam jusque dans sa chambre en prenant soin de ne pas le réveiller. Je passai vers Madi pour l'embrasser et refermai la porte en sortant, retrouvant Clarke dans le couloir de l'étage.

-Un petit plongeon dans le jacuzz' ? suggérai-je sans lui laisser vraiment le choix.

Clarke ne pouvait pas refuser : elle travaillait beaucoup. Ses recherches lui prenaient un temps fou. C'était important pour elle de profiter de ses soirées à juste titre, de se relaxer et de se vider l'esprit. Je savais en installant le jacuzzi que celui-ci serait vite rentabilisé. Été comme hiver, il faisait notre bonheur en toute saison.

Ma femme accepta et je passai chercher des serviettes avant de descendre au rez, sur la terrasse, où se trouvait le bain à bulles. J'avais prévu le coup et avais mis l'eau à chauffer avant de lancer le film quelques temps plutôt. Je passai ma main à la surface pour sentir la température et celle-ci me parut agréable. Retirant mes vêtements, je décidai que me changer pour enfiler un maillot de bain était une perte de temps. Bien vite, je m'installai dans l'eau chaude, au plus grand plaisir de mon corps qui se détendit à son contact. Clarke m'imita et s'installa en face de moi. En jouant avec les bulles, elle souligna en souriant :

-J'ai l'impression que ça fait une éternité qu'on a pas eu de moment de répit.

Je me laissai glisser un peu plus dans l'eau, ne laissant apparaître que mon cou et ma tête, mes cheveux flottant au gré des courants artificiels.

-Profitons-en, soufflai-je.

Me détendant, l'un de mes bras immergés trouva l'un des mollets de Clarke et mes doigts se mirent à glisser sur sa peau. Il n'y avait pas un bruit hormis les remous du jacuzzi. Pas de téléphone, pas de cris ou de pleurs d'enfants.

-Tu te rends compte de tout le chemin qu'on a parcouru ? lâchai-je finalement après un instant de silence.

Clarke se déplaça pour venir se poser à côté de moi. Elle enroula son bras autour de ma taille. -On s'en sort bien, pour de jeunes mères entrepreneuses.

Je souris. Ca n'était pas facile tous les jours. Mais nous arrivions toujours à nous en sortir. Lorsque ça n'allait pas, je songeais à ce que nous avions traversé Clarke et moi. Puis tout allait mieux. Car le simple fait de penser qu'elle était à mes côtés me redonnait de la force. De plus, nous n'étions plus seules. Madi et Liam étaient là eux aussi. Notre quatuor était ma source de bonheur quotidienne.

Je posai ma tête sur l'épaule de Clarke, me serrant contre elle.

-Nous avons tout fait pour réussir et nos efforts ont porté leur fruit.

-Oui, commença-t'elle en portant sa main à ma joue pour me garder contre elle, même si on s'est tous mis d'accord sur le fait que tu étais la femme enceinte la plus agaçante de nous deux, ce qui m'a rendu la tâche bien plus difficile. Surtout avec un enfant en bas-âge à côté. Je suis bien contente qu'on ait terminé la conception de nos enfants.

Faussement indignée, je me redressai dans le jacuzzi, provoquant un petit remous.

-Je devais me venger pour tout ce que tu m'as fait endurer. J'y ai pris un malin plaisir d'ailleurs.

Un sourire narquois aux lèvres, je déposai un rapide baiser au coin de sa bouche.

-Tu crois que j'exagère si je pense que nos enfants sont les plus beaux du monde ?

-Ils sont définitivement les plus beaux, élus officiellement par nous-mêmes.

Ensemble nous sourîmes et Clarke se blottit contre moi.

-Encore un petit instant, et il faudra rentrer.

Silencieusement, je hochai la tête en caressant son bras. Nous n'aimions pas laisser les enfants seuls dans la maison trop longtemps, même si nous étions dans le jardin. Un accident était si vite arrivé. Profondément marquée par notre passé, nous refusions qu'il se répète, nous rendant certainement un brin trop protectrice envers notre progéniture.

-Mais on pourra toujours profiter de notre temps à l'intérieur, affirma-t'elle en se collant à moi d'une certaine manière qui me fit aisément saisir son arrière-pensée.

-Qu'est-ce qu'on attend alors ?

Je sortis de l'eau, m'entourai d'une serviette et dépliai celle de ma femme pour que je puisse l'emballer dedans. Finalement, j'étais bien heureuse de retourner à l'intérieur. Je me sentirai plus apaisée lorsque nous serons au même étage que les petits.

Clarke attendit d'une impatience mal contenue le moment où je refermai la porte de notre chambre. Elle n'attendit pas une seconde pour se saisir de ma serviette qu'elle fit glisser sur les parties de mon corps qui n'étaient pas encore sèches en m'embrassant avec ferveur. Mes mains glissèrent sur les deux côtés de son visage pour maintenir ses lèvres pressées contre les miennes. La serviette de Clarke tomba rapidement à nos pieds et la sensation de son corps chaud contre le mien m'arracha un frisson de désir. Clarke n'aura jamais fini de me surprendre : même après des années de vie commune, jamais je ne me lassais de ce qu'elle avait à m'offrir.

Clarke et moi étions de celles qui ne se lassaient pas de la personne que nous aimions. J'aimais tout connaître d'elle, jusqu'à la moindre parcelle de son corps. J'aimais l'entendre prononcer mon nom. J'aimais cette sensation d'être la seule à compter lorsqu'elle me prenait dans ses bras. J'aimais son regard saisissant, ses lèvres au goût addictif, ses caresses dont j'étais devenue dépendante. Sans oublier son sourire, sa positivité, sa persévérance, son humour. Son odeur, sa chaleur, sa présence. Cette femme auprès de laquelle je m'endormais chaque soir, comme un refrain dont on ne se lassait pas.


Si ça n'avait tenu qu'à moi, je me serais contentée d'un bon repas en compagnie de ma femme et de nos enfants. Je ne tenais pas spécialement à ce qu'on me rappelle le temps qui passe et à quel point je me faisais vieille. Mais Clarke avait tenu à marquer le coup. J'avais cédé. Après tout, je ne me sentais pas dans la moitié de la trentaine à ses côtés. Au fond de nous, nous étions toujours les adolescentes insouciantes et amoureuses de nos débuts.

En ce dimanche ensoleillé de mai, tout le monde était présent. Raven et Luna, Lincoln et Octavia avec Zoran, Bellamy et Echo accompagnés de leur petit Gabriel, sans oublier Anya, toujours fidèle au poste même dans son éternelle solitude. Tous les adultes étaient attablés sous la terrasse couverte en train de boire l'apéritif. Les grillades crépitaient sur le barbecue et en attendant que le repas soit prêt les enfants se rafraîchissaient dans la piscine. Bellamy avait été nommé chef des grillades et c'était sur ses épaules que reposait le devoir de surveiller la viande. Les discussions allaient de bon train, d'ailleurs le chef grillades avait tendance à trop oublier son devoir. C'était Echo, enceinte de quatre mois, qui lui rappelait son rôle, bien trop effrayée de ne plus avoir à manger qu'une salade de carottes. Bellamy s'excusait et retournait les saucisses, puis c'était reparti pour un tour.

Pendant que Raven extrapolait sur sa réussite à son dernier entraînement avec Luna – qui avait enfin réussi à l'attirer dans l'un de ses cours, j'aperçus Anya le regard perdu dans le vide en direction des enfants qui batifolaient dans l'eau.

-Ca te fait envie toute cette marmaille ? demandai-je d'un ton sarcastique.

-J'étais justement en train de me dire que j'étais particulièrement chanceuse de ne pas en avoir, trancha la secrétaire.

En plein milieu d'une bataille de pistolets à eau, c'est Liam qui battu en retraite en fuyant se réfugier derrière les jambes d'Anya. Il ne manqua pas de tremper ses vêtements au passage.

-Nanya ! Protège-moi !

Toute la tablée éclata de rire en la voyant fulminer et Octavia ne put se retenir :

-Clarke, Lexa, vous avez votre nouvelle nounou attitrée !

Le regard complice que j'échangeai avec ma femme flanqua la frousse à Anya.

-C'est une blague j'espère… maugréa-t'elle les yeux écarquillés.

-Ne t'en fais pas, je suis sûre que Raven se fera un plaisir de te remplacer, lança Echo depuis son bout de table.

Raven et Luna partagèrent un coup d'œil et un léger silence s'installa. Clarke, qui était très proche de Raven, m'avait déjà fait part des discussions de son couple quant aux enfants. Visiblement, ce débat était sujet à contrariétés. Bellamy, sentant que c'était à son tour d'intervenir, ouvrit le couvercle du barbecue afin de vérifier la cuisson de la viande.

-A table ! annonça-t'il en s'armant de la pince, prêt à remplir les plats.

Les autres enfants entendirent eux aussi le signal. Un troupeau de mômes détrempés accourut en brandissant leurs assiettes. Le pauvre Bellamy sembla désemparé, demandé tel une star durant dans un bain de foule durant l'un de ses concerts. Lincoln décida de venir en aide à son beau-frère pour le service tandis qu'Octavia séchait Zoran dans une serviette. Clarke et moi nous y collâmes pour notre progéniture et Echo fit de même pour Gabriel. Une fois toutes les assiettes pleines, nous brandîmes tous notre verre, qu'il soit rempli de vin ou de limonade et Clarke déclara :

-A ton anniversaire Lexa.

Souriante, je l'embrassai tendrement sous les cris de nos amis, ce qui me donna l'impression de nous retrouver à notre mariage. Sauf qu'à notre mariage, aucun enfant n'était là pour hurler leur dégoût. « Beeeurk » firent-ils tous en cœur.

Le repas avalé, nous avons dû lutter avec les enfants pour qu'ils ne retournent pas tout de suite dans la piscine. Nous leur avons demandé d'attendre une bonne heure, ce qui n'était pas plus mal vu le soleil qui brillait fort dans ce ciel de fin de printemps. Clarke et moi avions lancé l'étape de débarrasser la table et bien vite nous fûmes rejointes par la plupart de nos amis qui nous ont prêté main forte. La table fut propre en un rien de temps, prête à accueillir le dessert. Mais tout le monde ayant le ventre bien rempli, nous avions décidé de faire une petite pause. Certains partirent se prélasser sur une chaise longue, comme Echo qui avait besoin de sommeil, tandis que d'autres poursuivaient leurs discussions palpitantes. Clarke et moi faisions parties de ceux qui discutaient. Jusqu'à ce que…

-MAMAAAAAAAAN !

Gabriel et Liam apparurent et c'est ainsi que nous nous sommes rendus compte que les enfants avaient disparu. Echo se redressa sur sa chaise longue, Clarke et moi bondirent, nous questionnant quant aux cris des cadets du groupe.

-C'est Madi ! dénonça Liam

-Et Zoran ! poursuivit Gabriel en pleurnichant.

Au même instant, les deux protagonistes apparurent au coin de la maison, tous deux couverts de terre. Manque de chance pour eux, les petits étaient arrivés avant eux. Echo, découvrant que le problème ne venait pas de son propre enfant, retomba sur la chaise longue tandis que ce fut au tour d'Octavia et Lincoln de réagir. Les petits pointèrent leurs aînés du doigt alors que ces derniers tentaient une échappatoire discrète.

-Qu'est-ce que vous avez encore fait tous les deux ?

Zoran et Madi s'arrêtèrent et se lancèrent des regards embarrassés. « Encore » était le bon terme, puisque nous n'étions jamais à l'abri de rien avec ces deux fusées. Cependant, puisqu'ils ne semblaient pas vouloir donner de réponse, ce fut aux parents d'aller constater les dégâts de l'autre côté de la maison.

Le massif de fleurs. Celui que nous avions planté à notre arrivée dans la maison. Saccagé.

C'était un dimanche ensoleillé, tout le monde était présent. Les Woods avaient invité les Griffin à manger un barbecue dans leur jardin afin de profiter du beau temps. Clarke et moi étions jeunes à l'époque, neuf ans tout au plus. Encore jeunes et insouciantes, turbulentes également. Nous avions bien assez profité de la piscine et après le dessert, nous avions décidé de nous amuser dans le jardin. Protégées du regard de nos parents, j'avais décidé de montrer à Clarke les dernières prises que j'avais appris au judo. Seulement, je ne les maîtrisais pas à la perfection et contre toute attente, Clarke ne s'était pas laissée faire. Ce qui devait être une simple démonstration s'était terminée en véritable combat de catch, jusqu'à ce que Clarke me fasse un croche-patte, que je l'entraîne dans ma chute et m'écrase dans le magnifique massif de fleurs de ma mère. La bataille ne s'était pas arrêtée là. S'en était suivi un combat mémorable de terre jetée à la figure et avalée par mégarde, jusqu'à ce que ma mère débarque après avoir été alertée par des cris :

-MON FORSYTHIA !

-Je vous jure. On a pas fait exprès, s'excusait Madi, honteuse.

Zoran, lui, gardait le silence. C'était un véritable champ de bataille. Tous les œillets et les campanules que nous avions planté à notre arrivée dans la maison étaient fichus. La terre était étalée partout et chaque fleur était piétinée. Les enfants étaient couverts de terre, on aurait pu croire qu'ils revenaient de guerre.

-Enfin, Zoran, excuse-toi ! gronda Octavia

-Je suis désolé… fit-il timidement en se trémoussant sur place

Je lançai un regard amusé à Clarke. Je compris que nous étions sur la même longueur d'onde. Elle se souvenait elle aussi. Ma mère nous avait passé un horrible savon pour avoir saccagé son plan de forsythia… Mais après tout, ça n'était que des fleurs. Même s'ils avaient détruit le massif de nos fleurs favorites, ayant vécu exactement la même chose, je ne m'imaginais pas me montrer sévère envers eux tout en gardant mon sérieux… Pour Clarke, c'était la même chose.

-Allons. Nous en reparlerons plus tard. Allez vous débarbouiller les crapules, conciliai-je.

-Vous nous aiderez à tout nettoyer et tout replanter.

Surpris de cette sentence, Madi et Zoran se regardèrent puis s'éclipsèrent sans demander leur reste. Octavia parut surprise elle aussi et nous lui expliquâmes ce souvenir qui nous était revenu. Si Madi et Zoran reproduisaient déjà les mêmes bêtises que nous, qu'allait-il en être une fois plus âgé ? Il me tardait de savoir.

Lorsqu'ils revinrent nettoyés de leur bataille de boue, tout le monde s'installa à table et Clarke disparut pour revenir avec un gâteau orné de plusieurs bougies. Tout le monde se mit à entonner la fameuse chanson et, sentant Madi et Liam brûlant d'impatience, je leur proposai de souffler les bougies avec moi. Tout le monde applaudit. Clarke me tendit un cadeau bien emballé. Me demandant de quoi il s'agissait, je n'attendis pas longtemps pour déchirer le papier.

Je fus si touchée par cette attention.

Clarke s'était remise au dessin ces dernières années. Mais elle n'était jamais convaincue de ses œuvres. Je devais moi-même fouiner dans ses cahiers si je désirais voir ce qu'elle avait dessiné, car elle ne jugeait pas ses traits assez bons. Visiblement, cette époque était désormais révolue.

Clarke venait de m'offrir un cadre contenant un magnifique dessin de nous quatre. Madi, Liam, elle et moi, tous ensemble dans un champ de fleurs.

Je montrai l'œuvre à la tablée qui fut époustouflée devant une telle réussite. Même les enfants étaient surpris. Liam dit qu'un jour, lui aussi, il dessinera comme Maman.

Les autres cadeaux succédèrent au dessin de Clarke. Pourtant j'avais demandé à mes amis de venir les mains vides. Visiblement, aucun ne s'était senti de le faire. Chacune de ces petites attentions m'avaient touchée. Même le collier de pâtes de Madi, qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à celui que j'avais offert à Clarke étant enfant. Même le dessin de Liam, auquel je ne comprenais pas grand chose dans ses explications décousues. Toutes ces personnes étaient réunies là, prouvant qu'elles tenaient à moi.

Parfois, je réfléchissais au fait que nos enfants n'avaient qu'une petite famille de sang. Ils n'avaient plus de grands-parents, la dernière étant emprisonnée jusqu'à la fin de ses jours. Mais finalement, avec des amis aussi chers, nous avions de quoi nous recréer notre propre famille. Depuis toutes ces années, nous étions tous unis, sans jamais laisser quelqu'un en arrière. Présents dans les bons jours comme dans les mauvais. Au-delà de me combler de bonheur, retrouver Clarke fut bénéfique en de nombreux autres points et surtout celui-ci ; elle m'avait amenée à faire ces nouvelles rencontres et à les introduire dans notre famille de coeur. Elle nous avait aussi permis de fonder notre propre famille.

Parfois, je me demandais si je rêvais.

Alors j'embrassais Clarke, Liam, Madi, nos amis,

Et je constatais que ma vie n'avait jamais été si belle qu'à mes trente-cinq ans.