Hey !

Ici Silverael. Nous voilà Sarah3003 et moi sur cette nouvelle FF Clexa qui fera en moyenne vingt chapitres.

Nous postons aujourd'hui les deux premiers chapitres. Le chapitre un est du point de vue de Clarke, que j'écris, et le chapitre deux est du point de vue de Lexa, écrit par Sarah.

Vous l'avez compris, nous allons alterner les points de vue ! Autre spécificité, nous avons joué les scènes de rencontre Clexa par écrit, les répliques de Clarke que vous trouverez dans les chapitres au PDV de Lexa viendront donc de moi, et vice versa.

Je vous laisse débuter cette histoire, en espérant qu'elle vous plaise !


Mon sac pesait lourd. C'était un gros sac, fait pour être porté à l'épaule. Un sac qui passait partout car les femmes l'utilisaient au quotidien. Mais pour moi, c'était un sac de voyage. Un sac à dos aurait attiré les soupçons, je ne pouvais me rendre au travail avec une allure de voyageuse. Pourtant, j'en étais une. Je n'avais pas de domicile fixe. J'étais arrivée en ville trois mois plus tôt et avais été contrainte de prendre le job le plus simple à obtenir.

J'avais fui la ville qui m'avait protégée ces dernières années, fui le garçon qui m'avait servi de couverture tout ce temps.

Je ne le pouvais plus.

Je préférais porter ce gros sac tous les jours que de retourner avec lui.

Je déposai mon sac sur le sol. Pour une fois, j'étais en avance au bureau. La vaste salle aux centaines de petits kiosques qu'on osait appeler bureau de travail me donna des sueurs froides. Elle était quasi vide.

Je m'assis sur le siège de bureau qui grinça bruyamment sous mon poids. Celui-là, il n'allait pas tarder à céder, et je me retrouverai les quatre pattes en l'air comme la pauvre Josie jeudi dernier. Cet endroit représentait des milliers d'emplois, mais était loin d'en présenter un quart en terme de job idéal. La plupart était là par besoin d'argent. Comme moi.

J'avais traversé le pays en autostop et, par hasard ou mauvais karma, m'étais retrouvée dans la ville de mon enfance. Je voulais repartir, trouver quelqu'un qui m'emmènerait loin, mais les lettres du plus grand bâtiment de Polis s'étaient imposées à moi. J'avais d'abord refusé de les lire, refusé de les penser. En un instant, j'avais pris réellement conscience du lieu dans lequel je me trouvais. C'était là que tout avait commencé. Là que j'avais vécu mon dernier souvenir heureux avant la mort de Clarke Griffin.

- Alexis ! J'y crois pas, t'es en avance ! s'esclaffa Raven, l'ingénieure beaucoup trop sûre d'elle que j'avais rencontré à l'immense cafétéria du premier étage lorsque, ayant glissé sur une substance non identifiée, elle s'était blessée au genou et n'avait pu se relever.

Elle m'avait d'abord cru infirmière, car j'avais rapidement identifié son problème, puis en apprenant que j'étais correctrice, la pitié était apparue sur son visage et, un instant plus tard, elle me payait le déjeuner.

- J'en suis moi-même surprise, rétorquai-je tandis qu'elle se dirigeait tant bien que mal vers l'ascenseur qui, par sa vitre, offrait une magnifique vue sur la ville.

Cet ascenseur ne démarrait qu'au sixième étage pour décourager les employés à le prendre dès le premier étage et ainsi le surcharger.

Raven me fit quelques signes en entrant dans l'ascenseur et je compris que nous ne pourrions pas manger ensemble ce midi. Elle avait un métier prenant, et parfois ses pauses déjeuners s'avéraient très courtes, ne lui laissant pas le temps de descendre à la cafétéria. Certains de ses collègues couraient pour aller manger au plus vite l'un des plats délicieux de la restauration de la compagnie, mais Raven devait préserver sa jambe. Un vilain accident avait failli la lui coûter, mais quel accident, je ne le savais pas. Elle ne voulait pas en parler et je respectais son choix.

Mon estomac grogna. Je lui intimai de se taire et entamai ma journée de travail en avance avec l'espoir de rattraper mon retard monstre. Chaque jour, chaque employé recevait une vingtaine de dossiers divers envoyés depuis les sièges nationaux des pays du monde entier. Notre travail était de relire, corriger les fautes, adapter en anglais propre si celui-ci était trop précaire, refaire un peu la mise en page si le dossier n'était pas assez agréable à lire... tout ça pour que les yeux des employés là-haut ne souffrent pas.

Bien sûr, nous ne nous occupions pas des dossiers importants, ceux-ci allaient au plus près du boss. Nous relisions les petits dossiers. Quelques plaintes sur le dernier taille-crayon intelligent ? Dossier. Relecture. Un mixeur qui méritait un design spécifique à chaque pays ? Dossier. Relecture. Une plainte sur le produit phare et fascinant qui valait son succès à la compagnie ? Dossier. Pour la PDG. Pas pour nous.

Nous, on relisait ce qui n'intéressait pas les employés haut-placés. Tant de dossiers, tant de travail avaient nécessité la création de cet emploi spécifique. Environ six cent postes sur mon étage, le sixième. Le besoin de main-d'oeuvres était si important qu'ils embauchaient le premier à avoir terminé le lycée. Vous savez lire et écrire ? Vous connaissez au moins dix mots dans des langues étrangères ? Parfait. On vous embauche.

C'est comme ça que j'avais été embauchée malgré mes faux-papiers.

Alexis Bridge. Vingt-quatre ans. Seul mon âge était vrai, bien que la date de naissance sur ma fausse carte d'identité ne fût pas la mienne, pas celle de Clarke. Mais Clarke était morte, alors finalement, Alexis était réelle pour moi.

Clarke avait disparu à l'âge de quatorze ans au large de Cancún, au Mexique, alors qu'elle faisait un tour nocturne en bateau avec ses parents, Abigail et Jake Griffin. Le pays entier la croyait morte, mais son corps n'avait jamais été retrouvé, car son corps était bien en vie. Clarke n'avait pas souhaité sortir ce soir-là, elle était restée à la résidence. Dès les premières nouvelles de l'accident au bulletin d'informations qui évoquaient que son corps n'avait pas été retrouvé et qu'elle faisait peut-être aussi partie des morts, Clarke s'était extirpée discrètement des lieux et le chauffeur de la famille, Jeffrey, ami de longue date, l'avait aidée à rejoindre les Etats-Unis, l'avait aidée à construire une nouvelle identité et à changer un peu son physique avant de la laisser chez des amis de confiance qui l'avaient inscrite au lycée sous un faux nom.

Elle avait rencontré un garçon, Finn, en avant-dernière année de lycée et était restée avec lui ensuite. Elle n'avait pas eu les moyens de se payer des études, et Finn ne voulait pas continuer les siennes, ils avaient donc pris un appartement ensemble et avaient enchaîné les petits boulots. Clarke peinait à trouver du travail dans la bourgade où ils vivaient. Elle avait accepté de se fiancer à Finn car, sans le savoir, il couvrait sa fausse identité en prenant l'appartement, le compte en banque, et tout un tas d'autres liens administratifs à son nom. Cependant, il était devenu lourd, possessif et Clarke avait réalisé qu'elle étouffait avec lui et n'avait pu se résoudre à passer sa vie avec lui.

Malgré sa nouvelle identité, Clarke avait été encore un peu Clarke au lycée. Elle s'était accrochée à ses souvenirs et à ses goûts, mais elle avait tout laissé tomber le jour où elle avait quitté Finn.

Je n'étais plus Clarke. Il n'y avait plus qu'Alexis. Je ne pouvais et ne pourrai plus jamais être Clarke. Encore moins ici, à Polis. Je l'avais promis à ma mère.

Je ne pouvais pas la revoir. Pourtant, je travaillais désormais pour elle.

Lexa Woods. PDG de Flame Industry.

La journée passait lentement. Beaucoup trop lentement. Le midi, j'allai chercher un sandwich à la cafétéria. Le moins cher possible. Je ne pouvais me permettre de manger un repas complet. Je n'avais pas mangé ce matin et je n'étais pas certaine de pouvoir manger ce soir. J'avais dépensé la quasi totalité de mon précédent salaire dans des chambres d'hôtel et des lits d'auberge de jeunesse. Cela faisait trois mois que je travaillais à Polis, et trois mois que ma situation n'évoluait pas. Comment pouvais-je louer un appartement avec des faux-papiers sans argent d'avance ? Je pensais pouvoir économiser suffisamment pour prendre un studio le mois prochain.

C'était comme ça chaque mois. Tant que je n'avais pas d'appartement, je dormais en hôtel, auberge, chambre d'hôte... je payais toujours en liquide, par peur que l'on découvre que mon compte en banque aussi avait été ouvert à base de faux documents. Mais avec les services de banque en ligne, j'avais réussi à me débrouiller pour que mon salaire atterrisse quelque part.

Cela ne me rassurait pas pour autant. A Polis, il y avait des gens qui avaient fréquenté Clarke. Je craignais constamment de tomber sur l'un d'eux. Je craignais de voir mon identité brisée en mille morceaux, tout comme la vie de Clarke dix ans plus tôt.

Si Alexis disparaissait, je ne serais plus personne.

Une ombre, dans les limbes des vies perdues.

- Tu manges que ça, Alexis ?

La voix grave me fit sursauter. Je me retins de lancer un regard noir à Bellamy pour m'avoir fait peur. Il était grand, ses épaules larges lui donnant une carrure imposante, ses cheveux ébènes en bataille et sa fine barbe lui offrant un air autoritaire qui lui valait d'être écouté par ses collègues. Bellamy Blake était très vite devenu mon ami ici. Il travaillait au même étage que moi et m'avait appris énormément sur le fonctionnement de l'entreprise. Parfois, il m'envoyait des memes en plein travail, et ça finissait aisément en guerre du meme le plus ridicule. Si notre chef de groupe l'apprenait, on serait viré automatiquement !

- Je n'ai pas très faim, mentis-je.

Il s'assit à la petite table où je m'étais installée avec mon ridicule petit sandwich jambon-cheddar et ôta aussitôt l'une des nombreuses boîtes en plastique de son plateau pour la poser devant moi. Celle-ci contenait une salade au thon avec des petits morceaux de pommes caramélisées. Exactement ce que je mangeais la première fois que Bellamy et moi avions déjeuné ensemble ici.

- Je t'ai vue de loin, toi et ton quignon de pain. Tu regardes ton sandwich avec tant de déception que la salade s'est quasiment imposée elle-même sur mon plateau, plaisanta-t-il.

J'arrachai le couvercle de la boîte et, saisissant la fourchette avec hargne, enfournai une énorme boule de salade, thon et pommes. Je remerciai Bellamy d'un regard. J'avais peu d'amis ici, mais le peu que j'avais me sauvait littéralement la vie. Et ça, ils ne s'en rendaient pas compte. Ils savaient que j'avais quelques problèmes, mais ils n'en connaissaient pas l'étendue.

Je ne pouvais rien dire à Bellamy. Je refusais d'ailleurs toujours de venir à ses soirées, car un détail pouvait tout faire exploser.

Bellamy était le frère aîné d'Octavia Blake.

Une amie d'enfance qui avait été dans la même classe que Clarke pendant cinq ans.

Elle me reconnaîtrait sûrement. Elle reconnaîtrait Clarke, et Alexis mourrait.

Si Bellamy n'avait aucun souvenir de moi, sa soeur devait encore se demander, en contemplant de temps à autres ses vieilles photos de classe, où était passée Clarke Griffin. Pour elle comme pour tous les autres, son corps devait encore flotter dans la mer des Caraïbes.

Nous discutâmes calmement de la stupidité de notre travail. Nous devions y retourner dans vingt minutes. Corriger des dossiers aux sujets futiles toute la journée pouvait s'avérer abrutissant, mais Bellamy soutenait encore financièrement sa soeur qui commençait tout juste à travailler. Il restait encore à payer le reste de ses études dont la somme astronomique prendrait encore quelques années à étouffer. Quant à moi, j'avais accepté ce travail avec soulagement. J'aurais pu tomber sur un travail plus négligeant, où j'aurais été mal traitée à cause de ma basse condition sociale et mal payée pour un travail physiquement difficile. Au moins, corriger des dossiers me permettait de revoir la langue et de rencontrer des différences linguistiques du monde entier.

Les sujets étaient superficiels, mais la culture qui en ressortait pouvait s'avérer intéressante.

Nous nous séparâmes au sixième étage, quand nous dûmes chacun retourner dans notre petit kiosque.

Mon estomac soulagé par la salade m'envoyait des petits filets d'extase qui me firent somnoler pendant l'après-midi.

Somnoler. Dormir.

Où allais-je dormir ce soir ?

Le peu d'argent qu'il me restait pour ce mois-ci, je devais le garder pour me nourrir. Je recevais mon salaire d'un mois en deux fois, c'est-à-dire une moitié toutes les deux semaines, mais je gardais en tête ce que je recevais au mois entier, car cette échelle mettait en évidence le fait que je gagnais peu.

Je décidai d'appeler Raven en fin de journée. Je n'étais pas encore sortie du bâtiment. Je me trouvais au rez-de-chaussée dans le grand hall duquel s'élevaient les escalators qui menaient au premier étage et ses commerces de restauration.

Elle ne tarda pas à décrocher, se doutant certainement de ce que je souhaitais lui demander. Elle accepta, n'ayant rien à faire ce soir. Elle me proposa de venir faire les courses avec elle. Elle ne voulait pas l'admettre, mais elle détestait faire les courses seule car cela signifiait monter ses sacs jusqu'au troisième étage par les escaliers, et sa jambe en souffrait énormément. J'acceptai avec plaisir, et alors que je raccrochai, mon coeur palpitait fortement.

Raven me sauvait la mise encore une fois. J'avais quelque part où aller ce soir, une amie avec qui passer la soirée, un toit au-dessus la tête, un lit où dormir protégée du froid par une épaisse couverture.

Si j'avouais à Raven que j'étais à la rue, elle me laisserait sûrement habiter avec elle, mais je ne pouvais pas le lui dire. J'avais évoqué mes problèmes avec mon ex qui, selon ce que j'avais raconté, habitait dans la ville voisine. Nous partagions un appartement mais je ne me sentais pas de retourner avec lui tous les soirs le temps de trouver un autre endroit où vivre.

Cette version suffisait à Raven pour qu'elle me laisse passer la nuit chez elle de temps en temps, au moins une fois par semaine, mais la jeune femme avait son propre couple, et je ne voulais pas prendre trop de place. Surtout que sa copine, Luna, était coach sportive et qu'elle était particulièrement douée en lutte.

Je n'étais clairement pas assez douée en course pour pouvoir m'enfuir assez vite si je venais à prendre trop de place dans la vie de Raven.

Cette dernière me rejoignit et nous quittâmes l'immense tour pour aller au supermarché le plus proche. Raven me rappela de faire attention à ne pas salir sa voiture. Elle y tenait tant que j'en venais à me demander si elle n'aimait pas sa voiture plus que sa copine. Mais ça, c'était entre elles, je ne comptais pas me mêler de leur histoire, mes propres histoires amoureuses s'étant terminées douloureusement. Mes deux histoires. Il n'y en avait eu que deux.

Une pour Clarke. Une pour Alexis. Je n'étais peut-être pas faite pour ça.

Ou peut-être que ni Clarke ni Alexis ne pouvaient l'oublier.

Oublier cette foutue Woods dont le visage apparaissait sans cesse dans les journaux nationaux. Le monde entier avait les yeux sur elle, et mon sang brûlait mes veines dès que j'entendais qui que ce soit, n'importe où, parler d'elle. Parler comme s'ils la connaissaient. La regarder comme si elle était à eux. Ils possédaient son image. Ils décrivaient son regard émeraude à travers le papier.

Elle était encore imprimée là, sur les papiers du rayon librairie. Raven n'y fit pas attention, mais je ne pus éviter de me perdre. Une femme observait la couverture du Times tandis que ses trois enfants en bas âge hurlaient dans le cadi. Détache ton regard. Je voulais qu'elle arrête de la regarder. Je voulais que le visage disparaisse des journaux, des écrans, que sa voix disparaisse de la radio et que plus jamais personne ne puisse avoir son image et sa voix, que plus personne ne puisse parler d'elle comme si elle leur appartenait.

- Clarke, tu peux aller chercher les cornichons ? Je vais aller prendre le pain pour les hot dogs.

Je sursautai. Mon coeur reprit sa course après avoir battu lentement dans sa bulle intemporelle. Je hochai la tête et disparus dans les rayons. Raven ne pouvait voir mon trouble. J'étais terrifiée. Mes mains jointes pour les retenir de trembler, je soufflais doucement, inspirant, expirant, repoussant ma frustration. Je ne pouvais pas laisser mon passé resurgir. Je ne pouvais pas la laisser m'atteindre. Clarke était morte.

Morte.

Alexis ne connaissait pas Lexa Woods. Alexis avait vu le visage de la PDG pour la première fois à travers les journaux, comme cette mère de famille plus tôt qui fixait l'image de la jeune femme comme si elle était la meilleure femme du monde. La PDG la plus efficace, la plus riche, la plus belle, qui luttait pour les minorités en faisant elle-même partie d'une minorité que plus personne n'osait critiquer en face d'elle. Lexa Woods était une femme qui aimait les femmes. Personne n'osait dire à Lexa Woods que ce n'était pas naturel. Car au fond, les femmes admiraient Lexa Woods. Les hommes la désiraient en sachant pertinemment qu'ils n'avaient aucune chance, les femmes la regardaient en se disant que, peut-être, elles étaient attirées par les femmes aussi.

Tout le monde voulait être comme Lexa Woods. Tout le monde voulait Lexa Woods.

Le sol gémit lourdement. Le pot gisait au sol. Pas cassé. J'avais lâché ce foutu pot de cornichons sans le vouloir, prise dans la tornade de pensées dégoûtées qui m'avaient envahie.

J'étais allée trop loin. Tout le monde ne voulait pas Lexa Woods. Je ne connaissais pas tout le monde pour pouvoir le dire. Mais beaucoup l'admiraient. Beaucoup l'observaient, l'écoutaient, suivaient toutes les nouvelles à son sujet. Ils se l'appropriaient ainsi. Et je détestais ça.

Le fantôme de Clarke me suivait et ne supportait pas de voir toutes ces personnes admirer Lexa Woods. Ne pouvait accepter le fait que Lexa Woods avait tourné la page et vivait avec une autre femme. Lexa était à beaucoup, sauf à Clarke.

Ce reste de Clarke en moi se déchirait à chaque fois qu'elle croisait dans les médias le regard de la femme qu'elle avait voulu aimer, mais qu'elle n'avait jamais pu connaître. Clarke n'avait pas eu le temps de voir Lexa devenir cette merveilleuse femme adulte qui avait relevé tous les défis que la vie avait imposé sur son chemin. C'était une blessure à vif, béante, en plein milieu de mon être, qu'Alexis recousait chaque jour pour éviter à ce corps de se vider entièrement de son liquide de vie.

Clarke était morte. Clarke devait mourir. Clarke hurlait encore au fond de mon être.

Clarke avait perdu tous ceux qui l'avaient aidée à grandir. Son père. Sa mère. Lexa.

Lexa, encore en vie, à quelques étages de moi lorsque je travaillais.

- Alexis ! Qu'est-ce que tu fous j'ai essayé de t'appeler deux fois déjà !

Encore dans le rayon des cornichons.

- Mince, qu'est-ce qui t'arrive ? T'as reçu un appel de ton ex ? Tu veux que Luna aille le visiter ?

Je souris légèrement. J'aurais été perdue sans Raven. Sa remarque me fit réaliser que mes yeux étaient embués de larmes. Je les essuyai du dos de ma main et me remis en marche. Raven comprit que je ne voulais pas discuter maintenant. Je trouverai une excuse triste à lui raconter ce soir.

Mais elle n'avait pas tort. Je n'avais pas reçu un appel de mon ex Finn, celui qu'elle connaissait, celui que j'avais utilisé dans mon histoire pour expliquer ma situation délicate sans dévoiler mon secret. Mais j'avais reçu un rappel de mon ex, la première et dernière personne que j'avais aimé à une intensité inexplicable.

Lexa n'était pas vraiment mon ex. Elle ne l'était pas. Elle était la vie de Clarke, la vie entière, c'est pourquoi je ne pouvais plus laisser Clarke resurgir. Clarke était morte aux yeux du monde et devait le rester. Je ne supporterais pas d'être Clarke sans Lexa, car Clarke n'avait jamais existé sans elle.


J'avais monté le gros sac de courses, disant à Raven que, puisqu'elle m'accueillait chez elle ce soir, je me devais bien de porter le sac. Raven elle-même savait que c'était une excuse, mais elle m'était reconnaissante de ce comportement, car on lui avait longtemps rappelé son handicap et cela avait failli lui coûter ses études. Raven avait une tête incroyable, un véritable génie, ce n'était pas parce que sa jambe lui faisait défaut qu'elle ne pouvait pas aller sur des missions de terrain, comme il lui arrivait de le faire lorsque Flame Industry envoyait une équipe tester de nouveaux engins sur une base militaire isolée qui acceptait de recevoir l'équipe d'ingénieurs en échange d'une somme intéressante de la part de l'entreprise.

- Bon, je te laisse préparer le dîner, moi je vais prendre un bain, déclara Raven naturellement avant de quitter la pièce.

Je comptai les secondes dans ma tête. Un. Deux. Raven tint deux secondes avant d'exploser de rire. Et je savais parfaitement pourquoi.

Je ne savais absolument pas cuisiner. La dernière fois que Raven m'avait demandé innocemment de préparer le dîner, j'avais brûlé les pizzas. Les pizzas surgelées. J'avais mis le four trop fort en ayant l'idée de les laisser dix minutes comme indiqué sur les boîtes. Dix minutes à 180°C, pourquoi pas, mais dix minutes à 250°C...

- NE BRÛLE PAS MES HOT DOGS BRIDGE ! hurla Raven depuis la salle de bain.

Elle avait fini de rire et craignait maintenant de ne pas pouvoir manger ce soir.

Je préparai calmement les hot dogs, les déposai au four et fis bien attention à mettre le thermostat six cette fois-ci. Je décidai de m'asseoir devant le four pour observer au travers de la porte vitrée les petits pains dorer.

Raven finit éventuellement par sortir du bain et nous nous installâmes sur le canapé, à manger tranquillement devant un jeu télévisé de culture générale sur lequel Raven s'énervait de temps à autre lorsqu'un candidat répondait faux à une question si simple.

J'allai ensuite prendre une douche, puis je retournai un peu dans le salon pour discuter de tout et de rien avec Raven. Elle finit par m'offrir une bière et nous passâmes le reste de la soirée devant une série télévisée qui nous ennuya tant que nous allâmes nous coucher à dix heures et demi.

Raven me souhaita bonne nuit et disparut dans sa chambre tandis que je m'installai sur le canapé-lit déployé. Cette soirée était simple, pourtant extrêmement importante pour moi, car je n'étais pas certaine de pouvoir dormir dans un lit demain. Je vivais au jour le jour, espérant pouvoir m'en sortir au plus vite. Avoir un petit chez moi. Vivre indépendamment de qui que ce soit. Me construire la vie dont j'avais besoin.

La vie d'Alexis Bridge, jeune employée de vingt-quatre ans qui sortait tout juste d'une relation difficile et cherchait un studio pour repartir à zéro. Encore une fois.