Chapitre 1 :

S'il y avait quelques fous pour apprécier la ville en elle même, personne n'aimait les égouts de Gotham.

Ils étaient constamment sales et mal entretenus, bien plus que dans n'importe quelle autre ville, car les employés de mairie ne descendaient que lorsque cela devenait absolument nécessaire. Aucune subvention n'avait été reversée pour leur entretien depuis des années, certaines parties s'étaient effondrées, d'autres étaient restées dans le même état depuis le premier tremblement de terre que Gotham avait subit. Les eaux usées finissaient souvent dans le fleuve et régurgitaient leurs immondices dans les rues dès qu'il pleuvait plus d'une journée avec une effrayante régularité.

Mais les criminels devaient admettre que c'était tout de même bien pratique pour pouvoir se déplacer sans craindre d'être attaqués par un illuminé en spandex, voire même pour installer des commerces, bars et autres marchés noirs. A part dans les coins où Killer Croc était censé vivre bien sûr.

Bien que l'Epouvantail n'aimait pas l'endroit en lui même, il en appréciait néanmoins le silence, complètement opposé à la cacophonie qui régnait à toute heure dans les rues. Comme personne n'aimait être là, les gens n'empruntaient les égouts qu'en dernier recours et ceux ci étaient donc généralement assez vide. Cela lui permettait de se concentrer sur ses recherches ou de lire en paix. On se faisait à l'odeur après un temps et le fait que chaque son se réverbère contre les murs et résonne dans toutes les galeries environnantes lui permettait de ne jamais être pris quand il était sous terre. Il entendait ses ennemis longtemps à l'avance et pouvait alors choisir soit de laisser son gaz tout enfumer, puisqu'ils ne pourraient pas y échapper dans cet espace clos, soit de s'enfuir par un des boyaux que lui seul pouvait emprunter grâce à son corps filiforme.

Pour une fois sa chaîne hi fi était éteinte. Les seuls sons troublant le calme du laboratoire installé sous un arrêt quelconque du Thomas Wayne Metro étaient les tintements cristallins des erlenmeyers alors qu'il remplissait ses fioles de sa dernière invention.

Le docteur Jonathan Crane n'avait pas eu l'occasion de tester son nouveau produit à grande échelle, trop occupé par ses devoirs envers les différents organisations dont il faisait partie. Il n'avait quitté Métropolis que récemment, après avoir aidé Luthor et sa nouvelle Ligue d'Injustice. Une fois qu'il eut terminé, il nettoya méthodiquement la paillasse, mis son matériel souillé dans l'autoclave et déclencha ce dernier. Alors que le vrombissement sourd commençait à remplir la pièce il prit une de ses fioles et observa le liquide orangé à la lumière, non sans une certaine fascination. Il ne pourrait pas lâcher celui là dans les rues. Pas tout de suite. Ça serait contre-productif. Mieux valait éviter d'énerver un peu trop les gens, surtout quand certaines personnes prenaient un malin plaisir à essayer de le brûler vif.

S'il attrapait L. , il aurait deux mots à lui dire.

L'épouvantail commença à tourner en rond. Que faire donc ? Lâcher sa toxibe dans les rues avait toujours été la façon la plus simple de tester ses produits sur une plus grande population de façon assez rapide. Tout ce qu'il avait à faire c'était laisser une bombe chimique quelque part, assez facile à fabriquer à partir du moment où on avait accès à internet, observer le chaos, puis récupérer les comptes rendus des différentes cliniques sur les effets sur les patients. La seule chose compliquée là dedans c'était d'éviter Batman. Depuis quelque temps Batman avait été rejoint par quelques autres venus semer la pagaille comme Azrael ou Red Hood et ceux la ne s'embêtait pas à garder les criminels en vie. Il faudrait donc faire quelque chose de plus discret en attendant que le nettoyage soit fait.

S'arrêtant de marcher pour vider l'autoclave, il se résolu à devoir expérimenter sur les sujets de tests un par un. Ca serait long, compliqué et fastidieux, mais il ne voyait pas d'autre façon viable de mener à bien ses recherches. Soudainement Crane s'immobilisa, un sourire s'étirant sur son visage.

Et s'il en revenait à ses classiques ?


Trois cent quatre vingt dix sept... Trois cent quatre vingt dix huit... Trois cent quatre vingt dix neuf...

"Bien le bonjour gotham il est cinq heures passées de trente minutes et vous êtes toujours à l'écoute de 'Take me on a Ryde Show'..."

Prudence soupira longuement. Elle n'avait pas dormi de la nuit. Encore. Ses mains frottèrent ses paupières lourdes avant de se perdre dans ses cheveux secs et grisonnants, emmêlés par l'oreiller. Elle se sentait endolorie, empâtée et voulait rester au lit mais elle savait qu'elle ne se rendormirait pas de toute façon. Jetant ses jambes en dehors des couvertures, elle se releva rapidement et se dirigea vers sa salle de bain pour se préparer le plus vite possible, tentant de ne pas regarder la femme rondelette qui lui faisait face dans le miroir, son corps aux antipodes de l'adolescente svelte qu'elle avait été. Son travail à Arkham n'était pas agréable, mais ça payait les factures et elle ne pouvait pas se permettre de le perdre. Marilyn allait bientôt être en âge d'aller à la fac et Sean avait besoin d'un appareil dentaire. Bill, son mari, avait été licencié il y a quelques mois et depuis il était passé d'employé de bureau à manutentionnaire dans une école, terme plus sympathique pour dire qu'il était homme de ménage. Sa paie était juste suffisante pour couvrir leur loyer.

Ses pas se firent plus discrets quand elle entra dans la pièce à vivre. Il n'était même pas six heures du matin, tout le monde dormait encore, même le canari de son fils. Comme tous les matins elle prit son sandwich dans le frigo, son sac à main et les enveloppes dans la boîte aux lettres pour pouvoir les lire dans le métro. Sans y faire attention elle ferma la porte derrière elle et se dirigea vers la trame la plus proche, ses mouvements rythmés par le tempo régulier de l'habitude. Si Victor Zsasz l'avait vue, avec son air morne, son teint cireux et ses épaules basses, il se serait frotté les mains. Elle passa les barrières et les murs couverts de graffitis comme un automate et s'assit dans la première rame qui arriva. Une fois au milieu de gens tout aussi joyeux qu'elle -parce que c'est connu dans le métro à six heures du mat' les gens font la fête- Prudence sortit les enveloppes de son sac.

Les deux premières étaient des publicitées pour des compagnies d'assurances. Comme à Gotham la plupart des entreprises de ce genre étaient des arnaques qui ne couvraient même pas les attaques des Rogues plus personne ne les ouvrait. C'était à se demander pourquoi ils s'acharnaient à les envoyer. La troisième était une facture d'éléctricité qui la fit grimacer. Elle la garderait pour la montrer à Bill en rentrant. La quatrième venait de la banque et la cinquième était une enveloppe toute simple, manuscrite. Celle-là la quarantenaire la regarda de plus près. C'était pour elle, Prudence Eddows-Grifin, et d'après le cachet de la poste ça venait de Nouvelle Angleterre. Curieux, elle n'y avait pourtant jamais mis les pieds. Pas d'expéditeur, ceci dit la banque ne mettait jamais son adresse non plus, alors elle l'ouvrit machinalement. A l'intérieur elle trouva une très belle carte de vœux, l'image dessus était un paysage avec des sapins couverts de neige. C'était un peu tôt, on était encore à un mois de Noël. Sentant quelque chose dedans elle la déplia sans réfléchir et se prit une bouffée de gaz dans la figure, lâchant le tout sous le coup de la surprise. Mais qu'est-ce que c'était que... ? Elle lâcha une petite exclamation dégoûtée à cause de l'odeur. Mais qui irait lui envoyer un gaz par la poste ? Elle baissa les yeux vers la carte et la retourna. Sur le papier vélin il n'y avait rien d'écrit, juste un petit morceau de paille scotché là.

Oh, l'épouvantail. Hm.

Prudence haussa les épaules et remit enveloppe, carte et brin de paille dans son sac. Peut être aurait-elle du être effrayée mais en fait elle se sentait calme. Très calme. Au bout d'une poignée de secondes elle sentit une violente douleur dans son bras qui se répandit jusqu'à son abdomen. Tiens ? Son cœur était en train de lâcher. Hm. Au moins elle n'aurait pas à aller au travail. En fait pourquoi elle y irait de toute façon ? Il y avait tellement de choses plus intéressantes à faire. Comme... Aller à la piscine ! Ça faisait une éternité qu'elle n'était pas allée y faire un tour. Celle près de son lotissement était chauffée en plus, ça serait une bonne occasion de se faire plaisir, de faire de l'exercice et ...

Prudence Shirley Eddows-Grifin, née Eddows, infirmière à l'asile psychiatrique Elizabeth Arkham, mourut ce jour là à 6h11, agée de 47 ans.

Etat de l'expérience : Échec.


- Si le style vous semble un petit peu différent de Georgia on my Mind ou Etranges Coïncidences, c'est normal, c'est que ce premier chapitre a été écrit ... En 2013 ! Ça fait des années que je repousse ce projet, mais comme je l'aime bien parce qu'il change de ce que je fais d'habitude il va enfin passer de notes en vrac sur mon ordi à une vraie mini-fic de dix chapitres. Et les chapitres seront aussi assez courts, donc vous êtes prévenus.