Bonjour à tous !

Me revoici pour le dernier chapitre de cette fic (et oui, tout a une fin !). Je vous laisse le découvrir et serai ravie d'avoir vos messages à la fin !

J'espère que cette fic vous aura plu. Merci à tous ceux qui l'ont lue et apparécié !

Iota26 : Je te laisse justement découvrir un bout de cette relation... Merci d'avoir été fidèle au poste :)

Lyrod : exact, j'ai repris ce moment de l'oeuvre originale qui à l'époque m'avait déjà touchée... Le parallèle entre l'aube et le début d'une relation est facile, mais efficace !

Niagara : merci beaucoup ! Je te laisse donc à la découverte de cette relation...

Bonne lecture à tous !

Chapitre 11

"Quand as-tu commencé à me détester ?" Me demanda Darcy de but en blanc.

Après être revenus de vacances, nous avions passé une semaine sans nous voir, puisque celui-ci avait un déplacement professionnel en Australie de prévu. En Australie. Il ne pouvait pas faire beaucoup plus loin. Aussi, nous avions échangé quelques messages tous les jours, en différé, mais nous étions restés très neutres ; un moment, je m'étais demandée si cette rencontre sur la plage s'était vraiment déroulée.

Étions-nous ensemble ? Je ne savais même pas.

Mais directement à son retour (il avait atterri ce matin, et s'était reposé la journée chez lui tandis que je travaillais), il avait souhaité que l'on se voie. Ainsi nous avions opté pour un restaurant.

Nous nous étions rejoints un peu timides, ne sachant si nous devions nous embrasser ou non ; il s'était fendu d'un baiser sur ma joue, et nous nous étions installés à table.

Je soupirai en réfléchissant à sa question.

"Dès le jour où tu es arrivé au lycée, en fait." Finis-je par dire. "Tu te souviens, tu as lâché quelque chose comme "Les gens ici manquent totalement d'intérêt". Tu te croyais probablement seul avec ton frère, mais Jane et moi avions entendu."

Il grimaça.

"Je m'en suis rendu compte quand Charles et moi sommes rentrés dans la salle de cours et que tu m'as fusillé du regard. J'ai eu un peu honte.

- Ah vraiment ?" Fis-je mine de m'étonner.

Il secoua la tête.

"Charles me cassait déjà les pieds avec Jane... Nous venions d'arriver !

- Et alors ? C'était de notre faute à nous ?

- Non, mais... J'étais agacé. Je n'avais aucune envie d'être là. Aucune envie d'être séparé d'Anna, qui elle suivait mes parents.

- N'empêche que c'était petit.

- Et surtout faux. Je pouvais reconnaître du charme à Jane, mais je te trouvais déjà bien plus jolie."

Je rougis violemment, et baissai les yeux. Je l'entendis presque en sourire.

"Tu avais les cheveux tellement longs que je me demandais si tu pouvais t'asseoir dessus. Tu avais cette manie de prendre une mèche et les mordiller, et je trouvais ça aussi bizarre que mignon. Plusieurs fois je t'ai entendue discuter avec d'autres personnes, et j'étais frustré de ne pas pouvoir me joindre à vous. J'aimais ta façon de penser. J'ai tenté une approche une fois, mais tu m'as envoyé balader.

- Tu ne parles quand même pas de cette fois où tu t'es moqué en me voyant chanter ? Grognai-je.

- Je ne m'étais pas vraiment moqué ! Se défendit-il.

- Tu t'étais carrément moqué.

- Plus Charles se rapprochait de Jane, plus j'étais jaloux de ne pas avoir la même affinité avec toi.

- Tu ne le montrais pas.

- Mais, je m'en défendais corps et âme !"

Je levai les yeux au ciel et secouai la tête.

"Ah, que de fierté mal placée ! Ta photo doit se trouver à la définition de "Orgueil" dans le Larousse illustré. Me moquai-je.

- Et la tienne à "Préjugés"", grogna-t-il en réponse. "Tu ne m'as jamais laissé de chance.

- Tu venais à peine d'y poser pied que tu dénigrais tout le lycée. Et puis, tu en as remis plusieurs fois une couche sur mon propre compte, les rares moments où l'on discutait.

- Je n'ai pas forcément été très adroit." Admit-il. "Mais tu sais, j'ai voulu t'inviter au bal du lycée."

J'ouvris des yeux plus grands que moi, complètement choquée.

Ma foi, on en apprend tous les jours. Vraiment.

"Tu plaisantes ?

- Du tout. J'étais déterminé à te proposer un truc du style "Écoute, vu que Charles y va avec Jane, nous pourrions peut-être y aller ensemble ?"

J'éclatai de rire, me reculant dans ma chaise.

"Oh William, tu es si romantique. Je ne sais pas ce qui t'a retenu mais tu as bien fait de ne pas le faire !"

Il fit la moue.

"Ce qui m'a retenu, c'est que j'ai appris que tu y allais avec James."

Je soupirai, secouant la tête.

"James n'était qu'un ami, mais quand bien même il ne m'aurait pas invitée, j'aurais préféré y aller seule que de t'y accompagner. Et j'étais tellement remontée contre toi que je t'aurais envoyer chier d'une manière dont tu te souviendrais encore."

Il fronça les sourcils, agacé.

"Eh bien, on l'a échappé belle. Je n'aurais pas apprécié.

- Je ne cherchais pas ton approbation à l'époque, loin de là.

- Parce que tu la cherches désormais ?" Fit-il en arquant un sourcil.

Je lui lançai un regard blasé.

"C'est qu'au final, tu es un grand rêveur. Ironisai-je.

- Fallait pas te sentir forcée de répondre", rit-il en secouant la tête. "Oh Lizzie, j'étais malgré tout content de partager cette dernière danse avec toi."

Je souris doucement, les joues encore un peu chaudes.

Cette fameuse danse qui m'avait tant troublée.

Je soupirai.

Le serveur vint prendre nos commandes, mettant fin à cette conversation qui réveillait en moi une certaine nostalgie.

"Tu sais, j'ai cru être maudite quand j'ai découvert qu'on allait bosser ensemble. Repris-je alors.

- Ça s'est vu sur ta tête. C'était un peu vexant."

Je le défiai du regard.

"Oh je t'en prie, tu ne m'apprécierais pas autant si je te léchais les bottes comme ta secrétaire."

Il haussa un sourcil.

"Serais-tu jalouse d'elle ?"

Je manquai de m'étouffer.

"J'ai des raisons de l'être ?" M'écriai-je.

Cela le fit éclater de rire.

"Même pas une nanoseconde. Anna rit encore de ce que tu lui as balancé sur le maquillage."

Je haussai les épaules.

"C'était mérité.

- Elle t'aime bien, tu sais ? Fit-il d'une voix plus douce.

- Caroline ? M'exclamai-je.

- Non ! Anna. Je me fous royalement de l'avis de Caroline."

Je soupirai, soulagée.

"J'ai failli être vexée. Je l'aime beaucoup aussi.

- Caroline ?"

Je soufflai, excédée, et le frappai de ma serviette.

"Si tu savais à quel point j'étais heureuse que notre collaboration prenne fin, rien que pour ne plus risquer de voir sa tronche.

- Elle n'a pas pris fin. Je suis toujours susceptible de te contacter pour le SAV." Corrigea Will.

Je haussai les épaules, nonchalante.

"Impossible, notre installation est nickel."

Il soupira.

"Et c'est moi qui suis arrogant.

- Ce n'est pas de l'arrogance, c'est de la confiance en mon expertise." Le défiai-je.

Il leva les mains en signe de défaite.

"D'accord, sur ce point-là je ne me permettrai certainement pas de te contredire.

- Il était temps ! Soupirai-je.

- Mais je maintiens qu'il serait hors de question de t'embaucher. Ajouta-t-il d'un ton égal.

- Parce que tu as peur de l'expertise ?" Fis-je en haussant un sourcil.

Il secoua la tête, me regardant d'un air blasé.

"Elizabeth... Vois plutôt ça comme de la discrimination à l'embauche."

Je fronçai les sourcils.

"On ne me l'avait jamais faite, celle-là." Lâchai-je.

Il me sourit tendrement.

"Je refuse toute relation... personnelle dans le milieu professionnel, et encore plus avec mes subordonnés. T'employer serait une torture permanente."

Je sentis mes joues me brûler d'un coup, et baissai les yeux. Bien sûr, je me doutais de ce point. Et puis, relation intime ou non, pour ma part il me serait impossible de bosser pour Darcy. J'étais capable de beaucoup prendre sur moi, mais pas à ce point.

D'ailleurs, pour soulager ce silence gênant qui s'installait, je ne me retins pas de lui dire.

"Ne t'en fais pas, Fitzwilliam, il est hors de question de bosser pour quelqu'un comme toi. Je connais mes limites.

- J'aimerais beaucoup savoir ce que tu entends par là !" Répondit-il, choqué.

Je haussai les épaules.

"Si on parlait plutôt de tes étranges idées de relation. Je ne suis pas certaine d'être celle qu'il te faut, Monsieur le célibataire exigeant.

- Tu veux dire, parce que tu ne fais pas 1m75 ?

- Je ne les fais pas, c'est un fait.

- C'est vrai, tu es plutôt petite.

- Je ne suis pas petite ! M'indignai-je.

- Oh si tu l'es.

- Je suis tout à fait dans la norme... Oh, et puis zut." Grognai-je. "Je ne joue pas au golf non plus.

- Tu montes à cheval, au moins ?

- Nope." Fis-je en secouant la tête.

Il poussa un long soupir.

"C'est vrai que ça commence à être compliqué de te trouver des qualités."

Je le fusillai du regard, mais avant que j'aie pu lui balancer que dans le genre il n'était pas mal non plus, le serveur nous apporta nos commandes. Bien sûr Darcy avait tenu à ce que nous dinions dans un très bon restaurant - je ne l'imaginais pas une seconde dîner dans un fast-food ou mieux, une chaîne de restaurants à volonté -, et il avait pris un truc au nom bien trop compliqué pour ce que c'était. Quelque chose comme "Effeuillé de caille et de dinde sur sa compotée de légumes anciens, écrasé de pommes nouvelles blablabla". Je haussai un sourcil en regardant nos assiettes. Ah, effectivement, c'était joli.

"Un homme aussi agréable, je me demande comment cela se fait que tu sois encore seul." Sifflai-je après que le serveur se soit éloigné.

Son regard gris se planta dans le mien, et il plissa les yeux.

"Je ne me considère plus seul, en tous cas pas ce soir.

- Eh bien, on en reparlera demain. Le défiai-je.

- J'oubliais que tu es rancunière.

- C'est à rajouter à ma liste de défauts.

- Tu sais, c'est rafraichissant de passer du temps avec toi."

Je levai un sourcil.

"Tu es bien la seule qui ne me fait pas les yeux doux.

- Tu es donc si irrésistible ?

- Moi, pas forcément. Mon compte bancaire, oui.

- On est d'accord que contrairement au dicton, l'argent peut acheter le bonheur pour certains, mais franchement, faut être vraiment motivée pour supporter ton arrogance constante. Soupirai-je.

- Tu penses pouvoir l'être ?

- N'oublie pas que je suis têtue.

- Tu me rassures... Souffla-t-il.

- Ne crie pas victoire, je me demande encore si je ferais bien de me lancer."

Will, qui s'était penché en avant au fur et à mesure de la discussion, se redressa et se cala dans sa chaise avant d'attaquer son plat.

"C'est tout à fait normal, on n'en est qu'au premier rencart. Au deuxième, tu me tomberas dans les bras."

Oh Gosh. Ce type est agaçant au possible.

"Essaie déjà de me convaincre de t'en accorder un deuxième. Rétorquai-je en roulant des yeux.

- J'ai bon espoir. Après tout, dès notre premier restaurant - pourtant un dîner professionnel -, tu me questionnais sur mes goûts en matière de femme. C'est dire si tu es intéressée." Se moqua-t-il.

J'ouvris une bouche ronde comme un O, estomaquée.

"Je faisais simplement la conversation !

- Et moi, je ne savais pas comment te répondre sans t'avouer que mon style de femme, c'était toi.

- J'en aurais avalé mon riz de travers. Mais, tu ne luttais déjà plus contre tes sentiments, à l'époque ? Le taquinai-je.

- J'ai abandonné ce soir-là."

Je rougis, en y repensant. Sur ce coup, il avait une très longue avance sur moi. Je me souvenais juste que ce soir-là, pour la première fois, j'avais passé du bon temps en sa présence. Cela m'avait troublée, mais j'étais à cent lieues d'imaginer tomber amoureuse de lui.

Le reste du repas se déroula dans une ambiance détendue. Au final, nous étions capables de discuter longtemps et sans nous disputer, quand on le voulait. Cela me rassura. Je n'avais, après tout, jamais rien connu de calme avec Will. De quoi se dire qu'une relation plus intime ne serait pas de tout repos.

Après le dîner, bien entendu, Will ne me laissa pas rentrer seule. Il me tint la portière de sa voiture ouverte, et j'y grimpai avec un léger sourire.

Comme le soir où il m'avait avoué ses sentiments sous une pluie battante, il se gara dans la rue perpendiculaire à la mienne, et sortit pour me raccompagner.

Heureusement, contrairement à ce fameux soir, il ne tombait pas une averse digne des pays tropicaux. Il faisait même plutôt doux, malgré la nuit qui était déjà avancée.

Arrivée devant le porche, je sortis mes clés, hésitante et les joues rouges. Le trajet retour s'était déroulé dans un silence confortable, et maintenant, je savais que la soirée était finie, mais je n'en avais pas vraiment envie.

Devais-je l'inviter ?

Les rares fois où j'étais sortie avec un homme qui m'attirait, la soirée se concluait naturellement. Le verre chez l'un ou l'autre venait tout seul, la suite aussi. C'était simple, facile.

Mais avec Will, tout était différent. Cela faisait des années que l'on se connaissait. Que l'on se détestait. On n'était même pas passés par la case amitié, mais directement de la haine à l'amour. Et cela avait pris tellement de temps, que terminer un premier rencart était un casse-tête phénoménal. J'avais à la fois l'impression que nous avions avancé à une lenteur d'escargot... Et que nous brûlions les étapes à vitesse grand V.

Ce fut lui qui trancha.

Se penchant vers moi, il déposa un bref baiser sur ma joue, et s'éloigna.

"Bonne nuit, Elizabeth."

Il tourna les talons, et il n'en fallut pas plus pour sentir ma colère remonter en flèche.

Mais... qu'est-ce qu'il fout, au juste ?!

"Je peux savoir à quoi tu joues, Fitzwilliam ?!" M'écriai-je, désemparée.

Il s'arrêta et se retourna vers moi, l'air sincèrement surpris.

"Je ne comprends pas... Qu'est-ce qui ne va pas ?

- C'est précisément ma question ! Qu'est-ce qui ne va pas avec toi ? Ou avec moi ? C'est quoi ton problème ?"

Je sentais que mes sourcils étaient totalement redressés, mon front plissé, dans mon incompréhension la plus totale.

"Mais, tout va bien, Lizzie...

- Je ne comprends plus rien, Will, un coup tu me déclares ta flamme et tout le bordel, et au rencard suivant je ne suis plus qu'une amie ?"

Ce fut à son tour de froncer les sourcils.

"Pourquoi dis-tu ça ?"

Je soufflai, exaspérée.

"Je suis quoi, pour toi, au juste ?"

Il poussa un profond soupir en secouant la tête, et eut un sourire en se rapprochant de moi.

"La femme la plus agaçante du monde, avec qui pourtant j'imagine bien partager ma vie ! Je suis prêt à prendre le temps qu'il faudra pour que ça fonctionne. Laisse-moi donc te faire la cour en bonne et due forme, Lizzie."

Les joues immédiatement écarlates, je me tus, puis fis mine de me renfrogner alors que mon cœur atteignait sa vitesse de pointe.

Punaise, quel beau parleur. Je ne l'aurais jamais imaginé ainsi.

"Je ne t'ai jamais demandé de me faire la cour.

- Tu ne me demandes jamais rien.

- Je devrais ?

- Ça me laisserait une chance de te satisfaire. Je n'ai jamais eu la moindre idée de ce que tu pouvais vouloir, Lizzie !"

Je laissai échapper un souffle impatient, et le saisis par l'épaule en me dressant sur mes pieds pour venir écraser ma bouche contre la sienne.

Surpris, il tressaillit ; puis une de ses mains vint se poser dans le bas de mon dos, tandis que de l'autre il me stabilisait contre lui. De ferme, mon baiser devint plus tendre, et il y répondit avec ferveur.

Quand nous nous séparâmes, le souffle court, il posa son front contre le mien.

"Tu m'enquiquines." Lui soufflai-je.

Il ricana.

"C'est réciproque. Est-ce que j'ai gagné un deuxième rencart ?

- C'est moi qui t'invites, cette fois.

- Hors de question, refusa-t-il, catégorique.

- Même si je t'invite à dîner chez moi ? Rétorquai-je en levant les yeux au ciel.

- Ah, si tu fais la cuisine, c'est différent.

- Ah, quand même !

- Par contre, je t'invite à m'inviter à dîner... Chez moi."

Je faillis répliquer, mais me retins au dernier moment. Après tout, j'étais bien curieuse de découvrir son pied-à-terre. Celui de Paris, en tous cas, parce que je supposais que faire le tour de toutes ses propriétés nécessiterait un long voyage en France, voire dans le monde.

"Ça me va."

Il me sourit, et déposa un nouveau baiser, plus chaste, sur mes lèvres.

"Tu vois que je l'ai eu, ce deuxième rencart."

Je grognai, et lui tirai la langue alors qu'il s'en allait.

oOo

Notre relation, avec Will, démarra vraiment au deuxième rencart. J'étais arrivée le soir convenu avec mon sac de courses contenant le repas complet, et bien qu'il ait commencé par rouspéter qu'il aurait pu le faire lui-même ou au minimum m'aider à tout monter, je lui avais rabattu le clapet en lui rappelant que c'était moi qui invitais.

Son appartement était plutôt comme je l'imaginais. En duplex, il occupait les deux derniers étages d'un immeuble de standing, avec gardien à l'entrée. L'intérieur était décoré sobrement, peut-être un peu trop, mais cela ne m'étonnait guère. Les murs étaient blancs, le mobilier en bois foncé.

Honnêtement, cet appartement s'étalait sur une telle surface que le duplex en devenait superflu. Je n'imaginais même pas son coût ; mais je n'étais pas franchement surprise. C'était Darcy, voilà tout.

Dès mon arrivée, je mis au four mon plat et servis l'apéro, alors qu'il mettait la table.

"Je suis contente d'avoir misé sur la petite robe noire, je me doutais bien que même chez toi tu serais en chemise-pantalon", le taquinai-je.

Il leva les yeux au ciel.

De toute la soirée, pas une fois nous n'étions tombés sur un sujet fâcheux. C'était bien la première fois, je crois, que nous passions autant de temps ensemble sans rentrer dans un débat plus ou moins houleux. Et alors que le dessert était terminé, le café coulé, Darcy me lâcha qu'il trouvait étonnamment naturel de me voir évoluer chez lui.

Inutile de rentrer dans les détails ; ce soir-là, je ne repartis pas de chez lui. Et je n'eus pas à le regretter ; Darcy se révéla bien plus attentionné dans l'intimité qu'il ne savait l'être en public.

oOo

Nous avions décidé de cacher notre relation à Jane et Charles, pour commencer. D'une part parce que nous voulions profiter de ces moments à deux que nous découvrions, et que nous savions pertinemment que dès que les deux tourtereaux seraient au courant, ils nous sauteraient dessus et nous proposeraient des sorties à quatre un peu trop fréquentes.

D'autre part, il fallait le reconnaître, parce qu'en plus cela nous amusait. Cela ne nous empêchait absolument pas de nous voir très souvent ; Jane était de plus en plus souvent fourrée chez Charles, et j'en profitais pour voir Will. Celui-ci s'absentait peu ; il eut à partir seulement une semaine sur son site de Bordeaux. Je lui fis passer le message de saluer Anna et Caroline de ma part. Ce deuxième nom lui fit rouler les yeux ; et il se garda de passer mon salut à le première - elle non plus, n'était pas dans la confidence.

Anna, que j'avais régulièrement au téléphone, et qui s'avouait surprise de voir son frère passer de plus en plus de temps à Paris, lui qui en général avait en permanence la bougeotte. Mais elle était malgré tout ravie de le voir plus détendu et joyeux ; elle le soupçonnait de fréquenter quelqu'un.

Au ton de sa voix et à sa façon de ne pas avoir plus insisté, je supposai qu'elle me soupçonnait sérieusement d'être cette femme.

Au bout de deux mois de notre petit jeu, un soir ou Jane dormait à notre appartement sans Charles - ce qui était assez rare pour être noté -, elle profita de notre dîner pour me proposer une sortie.

"Tu m'inquiètes, Lizzie. Je ne te vois plus sortir comme avant. On ne fait plus grand chose toutes les deux - peut-être par ma faute, je le reconnais -, mais tu ne me demandes rien. Est-ce que quelque chose ne va pas ?"

Je relevai la tête de mon plat de légumes, surprise. Au passage, je notai qu'elle n'avait pas franchement l'air inquiète. Suspicieuse semblait plus juste.

Je haussai les épaules.

"Je suis fatiguée par le travail. La restructuration depuis l'achat de nos nouveaux bureaux en Bretagne."

C'était en partie vrai. En partie.

"Mmh. Quoiqu'il en soit..."

Elle soupira un coup.

"Ça te dirait qu'on refasse une sortie à quatre ? Avec Charles et William ? Les vacances en Bretagne, justement, ne s'étaient pas si mal passées."

Elle triturait sa serviette, et je fronçai les sourcils.

A la regarder nerveuse, le soulagement m'envahit. Un instant, j'avais cru qu'elle avait compris notre manège, avec Will. Mais non. Il y avait autre chose.

"Toi, tu veux m'annoncer quelque chose. Et ça concerne aussi Charles, qui aimerait l'annoncer à son frère." Lâchai-je.

Elle me fit un sourire timide. Je me redressai.

"Tu es enceinte ? Demandai-je, estomaquée.

- Non ! Quand même pas. Rien d'aussi important. Mais quand même, on aimerait bien vous en parler à tous les deux."

Je secouai la tête en riant.

"C'est bon, Jane. Balance ta date. Je viendrai. Charles se démerdera avec son frère.

- Il est sur Paris, en ce moment. Mais, tu le sais peut-être ?

- Pourquoi le saurais-je ?"

J'avais magnifiquement feint l'étonnement. A force je deviendrais une menteuse hors pair.

"Vendredi, ça te va ?" Reprit Jane.

Je haussai les épaules.

"Va pour vendredi."

oOo

Jane et moi étions arrivées ensemble au restaurant ; Will était déjà là, mais Charles arriva un peu plus tard. Je saluai Will d'une bise amicale à la suite de Jane, et nous nous installâmes en attendant son frère. Jane avait choisi le même restaurant que celui que nous avions fait tous ensemble, le jour où il m'avait fait sa déclaration. Celle qui avait mal tourné.

Contrairement à ce soir-là, Jane ne s'installa pas à côté de moi, mais en face. William choisit donc de se placer sur la même banquette que moi. Charles débarqua cinq minutes après.

"Bon, si on tenait à sortir avec vous deux ce soir, c'est parce que Jane et moi avons quelque chose à vous annoncer." Attaqua Charles après que le serveur ait pris nos commandes.

Du coin de l'œil, je vis Will lui lancer un regard suspicieux.

"Charles m'a demandé en mariage, et j'ai dit oui !" Annonça Jane en montrant une bague qu'elle arborait fièrement à l'annulaire.

Je portais une main à mon cœur.

"Déjà ? M'écriai-je, surprise.

- Oh, Lizzie, toi tu croyais bien que j'étais enceinte !

- De nos jours, beaucoup de gens font des bébés avant le mariage ! Me défendis-je.

- C'est pas parce que beaucoup le font que c'est bien !" Rétorqua Will d'un ton réprobateur.

Je poussai un soupir excédé.

"Ah non, on va pas revenir sur la chasteté pré-nuptiale, on a déjà eu un débat similaire dans ce même restaurant il y a longtemps.

- Rien à voir avec la chasteté, on parle d'enfant là ! Ah, peu importe. Félicitations, Jane, félicitations, Charles. Je suis très heureux pour vous.

-Moi aussi", confirmai-je. "Vous avez une date ?

- En juin prochain. C'est vrai, Lizzie, tu n'as rien à redire ? Tu ne trouves même pas que c'est un peu tôt ? S'inquiéta Jane.

- C'est pas mes oignons. Vous formez un beau couple, c'est tout ce qui compte.

- Ça fait un an, quand même, bien sûr que ce n'est pas trop tôt", s'exaspéra Will.

Je haussai un sourcil.

"La plupart des couples attendent un peu... Non, beaucoup plus, de nos jours, lâchai-je.

- Parce que la plupart des couples ne tiennent pas la route. Qu'est-ce qu'on en a à faire ? Depuis quand toi, Elizabeth, tu te soucies de la plupart des gens ?"

Je roulai des yeux à son ton agacé. Et voilà, autant entre nous deux tout se passait à merveille, autant quand il y avait d'autres personnes, on partait en vrille.

"Je n'en ai rien à faire, Fitzwilliam, je faisais juste une remarque générale. Jane, Charles, encore une fois, je suis ravie pour vous, point.

- J'espère bien. Tu seras ma témoin.

- Et toi le mien. Avec Anna, frérot." Compléta Charles.

Will et moi nous lançâmes un regard sceptique, alors que le serveur nous apportait nos plats.

"Nous deux dans l'équipe des mariés ? Lâchai-je.

- Ils vont s'entretuer." Se désola Charles.

Jane poussa un soupir rageur, et entreprit de piquer deux frites dans son assiette.

"C'est marrant, je pense le contraire." Fit-elle en m'adressant un regard plein de défi.

Je me figeai, les sourcils froncés.

Charles et Will avaient l'air tout aussi perdus que moi.

"Lizzie, ça m'amène à un deuxième point. Tu comprends bien que j'aimerais lâcher notre appartement pour venir vivre chez Charles ?"

Je soupirai, secouant la tête.

"Ça fait un moment que je me demande quand est-ce que ça va arriver. Je n'ai toujours pas décidé si je dois me mettre à chercher un appartement pour moi seule, ou un nouveau coloc.

- Tu ne vas quand même pas te mettre en colocation avec un inconnu !" Ne put s'empêcher de lâcher William.

Je lui lançai un regard noir.

"En quoi ça te regarde, toi ? J'aime beaucoup cet appart !

- Ce sont les étudiants qui font ça normalement, toi, tu n'as plus l'âge pour ces conneries."

J'ouvris la bouche, estomaquée. Le salaud !

Il en souriait d'un air moqueur.

"Je vais tuer ton témoin. Lançai-je à Charles.

- J'en ai deux." Fit-il en haussant les épaules. "Et tu aimes bien Anna."

Jane roula des yeux, excédée.

"Oh, Charles, ce que tu peux être naïf."

Tout le monde se tut et la regarda, surpris.

"Qu'est-ce que tu veux dire, mon cœur ?" Demanda enfin Charles.

Jane se retourna vers nous, et nous désigna à tour de rôle.

"Vous deux, je ne sais pas depuis combien de temps exactement, mais vous vous foutez de notre gueule."

Je devins instantanément écarlate, et Will se raidit.

"Hein ? Fit Charles, toujours perdu.

- Enfin, réveille-toi ! Ça fait des semaines que toi-même tu t'étonnes que ton frère soit tout le temps sur Paris !

- J'ai beaucoup de travail ici ces derniers temps, lâcha Will en s'adossant à la banquette, un léger sourire aux lèvres.

- Et en plus, c'est vrai que tu as l'air particulièrement heureux." Répondit Charles, l'œil soupçonneux.

Je levai les yeux au ciel.

"Allô, c'est quoi le rapport avec moi ? Peut-être que mon voisin de table s'est trouvé une fille pour le supporter, je ne vois pas où j'interviens là-dedans."

Jane me lança un regard appuyé.

"Lizzie, ça fait un paquet de fois que j'essaie d'appeler à l'appart quand je suis chez Charles tu ne réponds jamais. Et toi aussi je trouve que tu as changé, ces derniers temps."

Ah.

"Je ne vois toujours pas le rapport." Me renfrognai-je.

Charles sembla tomber des nues.

"Tu as raison, Jane. Ils sont ensemble." Lâcha-t-il. "Will était déjà amoureux de Lizzie au lycée, je doute qu'il trouve une autre femme à son goût."

J'ouvris la bouche pour protester, mais la main de Will se posa sur ma cuisse.

"C'est bon, Lizzie." Fit-il d'une voix douce. "Bien vu, Jane."

Elle eut un sourire satisfait, et se replongea dans son assiette.

"Il était temps." Dit-elle simplement.

oOo

Ce soir-là, Jane rentra avec Charles, bien entendu. Et bien entendu, Will ne me laissa pas repartir en métro.

Je ne protestai pas. Passé le début chaotique, le dîner s'était passé dans une ambiance chaleureuse, à discuter du projet de mariage de Jane et Charles. Et j'avais été agréablement surprise quand, à la sortie du restaurant, Will avait pris ma main dans la sienne. Je me sentais bien, et j'avais envie de prolonger la soirée.

Aussitôt dans sa voiture, il me demanda si je passais la nuit chez lui.

"Si tu veux de moi", le taquinai-je.

Il soupira.

"Lizzie..." Commença-t-il d'une voix hésitante.

Je tournai mon visage vers lui alors qu'il démarrait.

"De combien est ton préavis ?"

Je fronçai les sourcils, réticente à rentrer dans une discussion de ce genre.

Je savais que Will vivrait mal que je cherche un (ou une) inconnu(e) pour habiter à la place de Jane. Il trouvait déjà que notre quartier n'était pas fameux.

Moi-même, je n'en avais pas la moindre envie. Mais je n'avais pas envie non plus de devoir me lancer dans une recherche d'appartement, avec tous les papiers que cela requérait, et le déménagement à planifier. Et je ne pouvais pas payer seule le loyer de cet appartement.

Ça annonçait de lourdes discussions.

"Trois mois", lâchai-je.

Il soupira.

"J'aimerais que tu viennes vivre chez moi."

Mon cœur fit un looping dans ma poitrine, et je le fixai, ébahie.

"Pardon ?

- Je sais très bien ce que tu vas me dire. C'est trop tôt, ça ne fait que deux mois, tout ça. Mais j'aurais fini par te le proposer, de toutes façons... Et je serais bien plus rassuré que de te savoir avec un inconnu, ou devant chercher un appart minable !"

Je me renfrognai.

"J'ai les moyens de me payer autre chose qu'un appart minable.

- Et moi, j'ai les moyens, et surtout l'envie, de t'accueillir."

Son ton était sans appel. Pour autant, je me sentais inquiète.

"Et si finalement ça ne marche pas, nous deux ?

- Ça marche très bien, Lizzie !" S'agaça-t-il. "Ne cherche pas des problèmes où il n'y en a pas. Et quand bien même, tu connais mon appart, il est assez grand pour qu'on fasse chambre à part le jour où tu ne pourras plus me voir. Je peux te faire signer un bail, si ça te chante."

Il fronçait les sourcils, contrarié. Tournant dans sa rue, il finit par piler devant la porte du garage de son immeuble, qui s'ouvrit en scannant son badge.

Je soupirai.

"Ne t'énerve pas, Will. C'est d'accord, je suis prête à essayer."

Je sentais bien que le sujet était très sensible.

Et Will avait raison. On passait de plus en plus de temps ensemble, et ça ne nous suffisait même pas. Je n'avais envie de chercher ni un coloc, ni un appartement. Il ne servait à rien de tergiverser.

Après s'être garé, Will se radoucit, et se tourna vers moi.

"Il va falloir parler loyer. Lâchai-je fermement.

- C'est hors de question, je suis propriétaire.

- Je paierai donc les charges.

- Non plus, non négociable. Ça va avec mon lot de propriétaire."

Argh, ce que c'était compliqué de négocier avec lui !

"Les courses ?

- La moitié, si tu le souhaites. Céda-t-il en levant les yeux au ciel.

- Plus la moitié de l'eau et électricité.

- Je l'inclue dans les charges, c'est non.

- Seigneur, Will ! Je ne veux pas vivre à tes crochets !"

Il glissa sa main dans mes cheveux, et soupira.

"Il n'en est aucunement question. Lizzie, je sens bien que tout ça, ce n'est qu'une forme de distance que tu veux mettre... Parce que tu es mesurée. Mais je t'aime. Sincèrement. Je suis bien avec toi. J'ai déjà patienté plus de dix ans pour enfin être avec toi, je n'ai pas envie de devoir attendre des délais pré-établis pour qu'on vive notre vie."

Je lui lançai un regard plein de défi.

"N'en profite malgré tout pas pour me faire une demande en mariage illico !"

Il grogna et secoua la tête.

"Qui te dit que je suis prêt à aller jusqu'au mariage avec une femme aussi agaçante ?"

Outch, ça fait mal.

"C'est de bonne guerre, répliquai-je en grinçant des dents."

Il sourit.

"J'ai bien compris qu'il faudrait que je te fasse un enfant avant, de toutes façons."

Ma mâchoire s'en décrocha.

"Je plaisante, Lizzie."

Il sortit de sa voiture, alors que je restais figée, incapable de bouger.

Un enfant avec Darcy ?

Mon cœur allait s'arrêter.

oOo

Cela ne prit qu'un an.

Quatre mois après les fiançailles de Jane et Charles, à l'occasion de son anniversaire, Will me lâcha que le plus beau cadeau que je pourrais lui faire, était de lui accorder ma main.

Rassurée quant au fait que notre cohabitation, désormais officielle depuis un moment, se passait très bien... Et surtout, amoureuse, je lui dis oui.

Inutile de vous expliquer que mes collègues étaient tombés sur le cul en apprenant que j'allais épouser le redouté William Darcy. Paul le premier.

"Je croyais que vous vous détestiez ?" S'était-il étonné.

J'avais haussé les épaules.

"Il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis.

- Quand même, Darcy ! Enfin, mademoiselle Benett... Toutes mes félicitations. Mais, il n'empêche qu'il me semble qu'il existe des partis plus sympathiques pour faire sa vie."

J'avais levé les yeux au ciel.

Nous nous étions donc mariés trois mois après Jane et Charles, sous les cris de joie d'Anna. J'avais en revanche ouïe dire que Caroline ne partageait pas son enthousiasme. Quoiqu'il en soit, elle n'était pas invité peu de temps après ça, je remarquai que mes règles avaient du retard en même temps que je rendais mon repas dans les toilettes de notre appartement.

Un petit tour à la pharmacie plus tard, j'eus la confirmation que j'attendais.

Et quand William rentra de son travail le soir, je lui tendis le test sans un mot.

"Ça veut dire quoi, deux barres ?" Demanda-t-il simplement.

Je soupirai, dépitée. Ah, les mecs.

"Qu'on se retrouve à deux dans mon corps." Déclarai-je sobrement.

Il me serra dans ses bras si fort, que je crus que j'allais étouffer.

"Il va falloir qu'on cherche des prénoms de fille. Me souffla-t-il à l'oreille.

- De fille ? Et si c'est un garçon ?

- Ce sera le premier de la famille, il devra s'appeler Fitzwilliam.

- C'est mort, je préfère encore avorter."

Le nez dans mes cheveux, Will se mit à rire.